La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
Ce matin, l'Assemblée a poursuivi l'examen des articles, s'arrêtant à l'amendement n° 243 à l'article 2.
Nous arrivons, si j'ose dire, à une haute étape de la procédure.
Nous nous sommes arrêtés ce matin aux moyens de sécurisation prévus aux alinéas 100 à 115, qui, nous l'avons déjà souligné plusieurs fois, compromettraient gravement l'industrie du logiciel libre dans notre pays, handicapant lourdement nos nombreux concitoyens qui utilisent des logiciels libres.
Je songe notamment, en cette période où ils sont particulièrement mobilisés, à tous les chercheurs et à tous les enseignants qui utilisent des logiciels libres pour travailler en réseau par la technique du peer to peer. Nombre d'entre eux nous alertent par e-mail sur le handicap manifeste dont souffriront leurs recherches et leurs échanges du fait de cette loi. Est-il utile de rappeler à une Assemblée aussi avertie qu'Internet fut créé par des universitaires ?
Les alinéas 100 à 115, en particulier les articles L. 331-31 et suivants, nous font donc pénétrer dans une zone à haut risque. Nous avons déjà évoqué cet aspect de la loi, et nous allons y revenir plus précisément. Les dispositions dont nous débattons tendent à créer un répertoire national des personnes dont la connexion à Internet a été suspendue. Il s'agit en quelque sorte, pour appeler les choses par leur nom, d'une liste noire privative de droits qui recensera tous les abonnés qui auront fait l'objet d'une suspension. Le contexte est dès lors celui du traitement automatisé des données personnelles, qui bénéficie d'une législation protectrice.
Or le problème est le suivant : les fournisseurs d'accès consulteront systématiquement le répertoire national chaque fois qu'ils ouvriront une ligne, de peur d'avoir affaire à un internaute dont l'abonnement précédent a été suspendu. Une fois encore, le caractère disproportionné du texte sur ce point valide les observations de la CNIL sur le déséquilibre patent, qui le caractérise et que nous avons maintes fois démontré, entre respect du droit d'auteur et respect de la vie privée. Le Conseil constitutionnel sera sans doute particulièrement vigilant s'agissant de ces dispositions attentatoires aux libertés individuelles.
La parole est à Mme Martine Billard, pour soutenir l'amendement n° 357 .
Nous abordons les alinéas consacrés au fichier, qui, comme à mon collègue Patrick Bloche, nous posent de nombreux problèmes.
En effet, ils permettent un accès disproportionné aux données personnelles. La CNIL, saisie pour avis à propos de ce nouveau fichier, a émis des réserves, remarquant que l'HADOPI pourra recueillir et traiter, sous une forme nominative, des données de trafic hors de toute procédure judiciaire, garantie jugée cependant essentielle par le Conseil constitutionnel.
Tel est le débat qui nous oppose depuis le début de la semaine : vous avez obstinément refusé tous les amendements – qu'ils émanent du groupe SRC ou du groupe GDR – tendant à réintroduire l'autorité judiciaire afin de fournir des garanties aux personnes mises en cause, qu'elles le soient à juste titre, si elles ont effectivement procédé à des téléchargements illégaux, ou par erreur, par exemple si leur adresse IP a été piratée, entre autres raisons – on sait que les erreurs sont fréquentes dans ce type de détection.
La CNIL relève en outre que la loi attribue à des agents des compétences que l'article 6-II de la loi pour la confiance dans l'économie numérique réservait jusqu'à présent aux seules autorités judiciaires agissant dans le cadre d'une procédure judiciaire. Selon la CNIL, en l'état, le texte ne comporte donc pas les garanties nécessaires à un juste équilibre entre respect de la vie privée et respect du droit d'auteur, qui semble pourtant essentiel.
La fiabilité des fichiers nous inspire par ailleurs quelques inquiétudes. S'ils sont de plus en plus nombreux dans notre pays et ailleurs, tant l'outil informatique facilite leur création, qu'en est-il de la fiabilité des données, ou de leur effacement une fois l'infraction classée ? Jusqu'à présent, aucune des réponses qui nous ont été apportées sur ce point ne nous a véritablement convaincus que les abonnés seront assurés de ne pas rester inscrits dans ces fichiers sans raison.
D'autre part, monsieur le rapporteur, madame la ministre, ces fichiers sont censés être établis par la Haute Autorité, mais le débat nous a permis de comprendre qu'ils seraient également gérés par les fournisseurs d'accès, chargés de la coupure et du rétablissement de la connexion. On ajoute ainsi des informations à celles dont les fournisseurs d'accès disposaient déjà grâce au fichier des abonnés. Les fichiers concernés seront-ils gérés directement par les fournisseurs d'accès ou par des sous-traitants ? Dans ce dernier cas, le seront-ils depuis l'étranger ?
En effet, votre obstination à vouloir obliger les possesseurs d'ordinateurs à installer des mouchards reliés à un serveur auquel les FAI et l'HADOPI auront accès les expose au risque d'intrusion depuis l'extérieur, qui pose un problème de respect des données privées, de sécurité commerciale et de sécurité nationale.
Avis défavorable.
Madame Billard, les fournisseurs d'accès disposent évidemment de fichiers leur permettant de gérer leurs clients, notamment au niveau technique, par exemple pour mettre en service les abonnements ou les suspendre. Il en va de même de tous les prestataires de service, dans tous les domaines ; cela est bien normal et ne devrait susciter aucune inquiétude.
Mais, pour savoir si un abonné a déjà fait l'objet d'un avertissement, il faut disposer d'une liste des abonnés déjà avertis ou sous le coup d'une sanction, afin, notamment, de les empêcher de se réabonner ailleurs. Voilà pourquoi le système doit permettre de consulter, chaque fois qu'une personne désire s'abonner à Internet, un fichier national géré par l'HADOPI et protégé par tous les moyens qui s'appliquent à ce type de fichiers dans bien d'autres domaines, grâce à des protocoles non seulement validés, mais régulièrement contrôlés par la CNIL. Il n'y a donc pas lieu de s'inquiéter.
Défavorable.
Le répertoire est évidemment indispensable pour éviter que les personnes dont l'abonnement est suspendu ne migrent vers d'autres fournisseurs d'accès. Rappelons que l'inscription au répertoire obéit à toutes les garanties prévues par la loi CNIL et que sa consultation par les fournisseurs d'accès sera limitée à une question fermée, dont la réponse sera « oui » ou « non ». Il ne diffère donc guère du fichier Préventel, qui recense les mauvais payeurs.
J'aimerais faire quelques remarques relatives à la CNIL. Si celle-ci a en effet été saisie pour avis, avis qu'elle a rendu le 29 avril 2008, c'était à propos du premier projet de texte.
Vous savez que d'autres moutures sont intervenues depuis, à propos desquelles la CNIL n'a pas été saisie, ce qui était tout à fait logique. Or ces modifications ont tenu compte des préconisations de la CNIL – vous le savez, puisque vous avez le texte de la délibération sous les yeux. Il n'y a donc pas lieu de faire à la CNIL ni procès d'intentions, ni procès au fond.
En outre, la loi de 1978, que la ministre vient d'évoquer, s'appliquera pleinement en la matière. Enfin, puisqu'au moins un décret d'application en Conseil d'État est prévu, la CNIL sera à nouveau saisie pour avis, s'agissant notamment des modalités de traitement par l'HADOPI des données personnelles. Soyez donc assurés que la CNIL, tel un phare, nous guidera et veillera particulièrement à ces aspects.
Merci !
Sans revenir sur le fond, car mes collègues ont été très précis, je m'étonne, monsieur Gosselin, de la manière dont vous vous faites le porte-parole de la CNIL dans cet hémicycle, et ce n'est pas la première fois.
C'est que vous la mettez facilement en cause et que vous lui faites volontiers des procès d'intentions ! (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Nous ne mettons en cause que le projet de loi du Gouvernement et la manière dont vous présentez dans cet hémicycle le point de vue de la CNIL. Mais nous ne mettons nullement en cause la CNIL elle-même, qui, en une période de tempête sur le Net, de menace sur les données personnelles et de velléités réitérées de surveillance généralisée, tente tant bien que mal de faire son travail.
L'avis de la CNIL était, monsieur Gosselin, très négatif et défavorable.
S'il le faut, nous le relirons ici même, crayon à la main, pour vous le remémorer.
Vous coupez les cheveux en quatre : rien n'a changé depuis la mise au point, il y a un an et demi, de la philosophie et l'économie de ce texte !
Vous êtes membre de la CNIL, monsieur Gosselin, où seuls siègent des parlementaires de la majorité, ce que nous déplorons bien évidemment.
Si sa composition reflétait le pluralisme de la représentation nationale, la relation qui est faite ici de ses avis serait sans doute plus nuancée.
La CNIL a dénoncé la disproportion entre les objectifs du texte – la lutte contre le téléchargement – et le dispositif de répression mis en place et les risques qu'il nous fait courir.
Depuis des années, la commission nationale dénonce le risque d'une surveillance généralisée.
Or le projet HADOPI en est une manifestation évidente. Elle a donc ab initio condamné l'essentiel de ce projet. Vous êtes passée outre son avis, madame la ministre. C'est le droit du Gouvernement d'agir ainsi. C'est le droit de votre majorité de voter votre projet de loi. Mais je ne comprends pas que vous vous abritiez derrière l'avis de la CNIL alors même qu'elle a considéré que ce projet ouvrait des possibilités inquiétantes en matière de surveillance de l'Internet. En tant que membre de cette instance et lecteur attentif de ses avis, vous ne pouvez vous comporter de la sorte, monsieur Gosselin.
(Les amendements identiques nos 234 et 357 ne sont pas adoptés.)
Je suis saisi d'un amendement n° 358 .
La parole est à Mme Martine Billard.
Cet amendement de repli vise à supprimer, non plus le dispositif lié au répertoire national dans son entier comme l'amendement précédent, mais le répertoire en tant que tel.
Votre réponse ne m'a pas satisfaite, madame la ministre. Les choses ne sont pas aussi simples que cela. Il ne s'agit pas seulement de savoir si l'abonnement de l'internaute est suspendu ou non. Le fournisseur d'accès, informé par la commission des droits de la sanction qui frappe un de ses abonnés, complétera ses fichiers par des champs supplémentaires destinés à intégrer les suspensions de connexion. Or, nous le savons tous, il y a toujours des erreurs possibles, dues à des homonymies ou des mauvaises saisies.
En outre, se pose le problème de l'effacement des données. Il ne s'agit pas d'un fichier portant sur des crimes ou des actes de terrorisme mais sur un délit qui ne relève pas des autorités judiciaires mais seulement d'une autorité administrative. Dans ces conditions, il est normal de se préoccuper des garanties qui entourent l'effacement de ces données.
Sachez que nous ne mettons absolument pas en cause la CNIL.
Nous ne l'avons jamais critiquée, mais peut-être entendez-vous des voix, ce qui est un autre problème.
C'est au Gouvernement que nous reprochons de ne pas attribuer les moyens nécessaires à la CNIL pour le bon accomplissement de ses missions. Ses moyens sont même dérisoires, comparés à ceux dont bénéficient des instances similaires en Europe. Cela explique que nombre de fichiers ne soient pas à jour. Cela explique encore que lorsqu'un citoyen fait part de sa volonté d'exercer son droit d'accès aux données personnelles dont il est l'objet, sa demande ne soit satisfaite qu'un an après.
(L'amendement n° 358 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 359 .
La parole est à Mme Martine Billard.
Cet amendement est défendu, monsieur le président.
(L'amendement n° 359 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Cet amendement vise à préciser que les FAI doivent vérifier si leurs abonnés figurent dans le répertoire national des personnes dont l'abonnement a été suspendu par la Haute autorité lors du renouvellement des contrats et non pas seulement lors de la conclusion de nouveaux contrats.
Favorable.
Nous reconnaissons là la touche du rapporteur : toujours plus. Il ne vous suffisait pas que les FAI puissent consulter le répertoire lors de la conclusion de nouveaux contrats, non, il fallait encore qu'ils puissent le faire en cas de renouvellement de contrat.
Et cet ajout fait naître des inquiétudes supplémentaires, que j'aimerais que vous dissipiez.
J'aimerais savoir à partir de quel moment l'abonné sanctionné sera inscrit dans le répertoire. Est-ce que ce sera dès le moment où la commission de protection des droits lui aura notifié la sanction de suspension de connexion ? Attendra-t-on plutôt que le délai de trente jours dont il dispose pour déposer un recours – disposition adoptée hier – soit écoulé ? Cela paraîtrait logique puisque s'il forme un recours, c'est pour prouver sa bonne foi. Ensuite, sera-t-il tenu compte du délai de soixante jours – disposition adoptée ce matin – dont disposeront les FAI pour couper la connexion ?
La question se pose car tant que l'accès à Internet n'est pas coupé, la présence dans le répertoire n'a pas de sens puisque l'abonné n'ira pas solliciter un abonnement chez un autre fournisseur.
Ce texte souffre de multiples imprécisions et votre amendement, en contribuant à multiplier la possibilité pour les FAI de consulter le répertoire-liste noire, porte atteinte à la protection des données personnelles puisqu'il réduit leur confidentialité.
De ce fait, toutes les préventions de la CNIL se voient confirmées. Cela rend difficilement tenable votre argument selon lequel les travaux de la commission et les amendements du Sénat auraient rendu caduques les réserves de la CNIL.
L'avis de la CNIL n'a pas de caractère public et n'a pas été transmis aux parlementaires. C'est la raison pour laquelle nous avons déposé une proposition de loi visant à ce que son avis sur les avant-projets de loi soit transmis aux parlementaires, dans un dialogue ouvert et permanent, et qu'un deuxième avis, après examen du texte au Sénat, voire un troisième, après les travaux de la commission, nous soient communiqués. Nous saurions alors vraiment si les réserves initiales qu'elles auraient sur un texte seraient ou non levées.
À l'heure actuelle, nous devons nous contenter des interprétations faites par les parlementaires qui siègent à la CNIL et qui prétendent parler en son nom.
Pour nous, elle seule a autorité et c'est son avis qui prévaut. En l'occurrence, s'agissant du présent projet de loi, elle a estimé qu'il y avait un déséquilibre manifeste entre protection des droits d'auteur et protection de la vie privée.
Je voudrais rassurer M. Bloche : les abonnés sanctionnés seront inscrits dans le répertoire seulement au moment de l'application de la sanction afin que le juge ait le temps de décider du caractère suspensif du recours.
S'agissant de la CNIL, j'estime que son instrumentalisation est totalement déplacée. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Depuis cette date, vous le savez pertinemment, le texte a été modifié. Les remarques qu'elle a pu émettre ne sont donc, pour une grande part, plus valables.
En outre, la loi de 1978 s'applique.
Ce n'est pas un scoop mais, comme vous présentez les choses de façon obscure, je suis bien obligé de procéder à des clarifications.
Par ailleurs, la CNIL sera également saisie pour rendre un avis sur le décret d'application.
Depuis sa création, elle a suffisamment démontré son indépendance pour ne pas avoir de leçons à recevoir. Qui, le 20 janvier 2009, a remis un rapport au Premier ministre sur le système de traitement des infractions constatées ? C'est bien la CNIL.
La commission des lois, le 25 mars dernier, a publié un rapport comportant cinquante-sept propositions. Il me semble qu'un accord large s'était fait sur le sujet. Ne mettez donc pas de la polémique là où il n'y en a pas. Soyez honnêtes, ce sera préférable.
Monsieur le président, j'estime que cet amendement du rapporteur n'a pas lieu d'être.
Aux termes de l'alinéa 100, la HADOPI établit un répertoire des personnes qui font l'objet d'une suspension. L'alinéa 101 précise que le fournisseur d'accès peut consulter ce répertoire pour procéder à des vérifications. Qu'une société commerciale puisse avoir accès à un fichier public me pose problème. Et j'aimerais avoir une réponse sur ce point.
Ensuite, lorsque la sanction de suspension est établie, l'HADOPI met à jour son fichier. Quant au fournisseur d'accès à Internet, il devra indiquer, dans son fichier d'abonnés, les dates de début et de fin de la suspension, le rapporteur ayant indiqué, au cours du débat, que c'était au fournisseur d'accès de gérer la fin de la suspension. Le FAI sait donc à tout moment si son abonné est ou non en règle avec la loi. Il n'est donc pas utile de préciser que, lors du renouvellement du contrat, le fournisseur d'accès consulte le fichier public de l'HADOPI. Voilà pourquoi, monsieur le rapporteur, votre amendement n'a pas lieu d'être.
(L'amendement n° 76 est adopté.)
Madame Billard, les fournisseurs d'accès à Internet n'auront pas accès au fichier de l'HADOPI, c'est-à-dire qu'ils n'auront pas la possibilité de le consulter. Ils pourront seulement demander à l'HADOPI si l'abonnement de telle personne est suspendu ou non et elle ne pourra leur répondre que par oui ou par non.
Comme ce sont les FAI qui géreront les suspensions d'abonnement, il est nécessaire qu'ils disposent d'éléments concernant leurs clients. Il s'agit là des éléments techniques ayant trait à la gestion des abonnements. Les services commerciaux qui gèrent la partie commerciale et comptable n'auront pas accès à ces données.
Si un abonné rencontre des problèmes avec sa connexion, il est important que le FAI puisse savoir si son abonnement a été ou non suspendu.
L'amendement n° 77 vise à bien séparer la partie technique de la partie commerciale chez les fournisseurs d'accès à Internet, dans un souci de meilleur service rendu aux internautes.
Favorable.
Monsieur le rapporteur, je souhaiterais sous-amender l'amendement n° 77 . Vous proposez que la personne dont l'activité est d'offrir un accès à des services de communication au public en ligne puisse également « consulter ce répertoire ». Or vous venez de me répondre qu'elle ne peut pas le consulter mais seulement interroger l'HADOPI pour savoir si l'abonnement de telle ou telle personne est suspendu ou non. Aussi n'est-il pas possible d'écrire « elle peut également consulter ce répertoire ».
Tel qu'il est rédigé, votre amendement introduit la possibilité à tout FAI d'avoir accès au fichier de l'HADOPI en le consultant directement, ce qui pose un problème de liberté.
Beaucoup des internautes qui nous écrivent s'interrogent sur le rôle de la majorité et de l'opposition dans ce débat.
L'opposition a avant tout un rôle de vigilance, et Mme Billard vient encore à l'instant de le démontrer.
Monsieur Gosselin nous sommes vigilants quand vous mentez effrontément...
Vous en saisirez la présidence !
..sur le contenu du rapport de la CNIL du 29 avril 2008.
Je prendrai trois exemples.
Premier exemple : dans ses observations liminaires, la CNIL observe que les seuls motifs invoqués par le Gouvernement afin de justifier la création du mécanisme confié à l'HADOPI résultent de la constatation d'une baisse du chiffre d'affaires des industries culturelles. À cet égard, et vous ne l'avez pas dit, monsieur Gosselin, la CNIL déplore que le projet de loi ne soit pas accompagné d'une étude qui démontre clairement que les échanges de fichiers via les réseaux pair à pair sont le facteur déterminant d'une baisse des ventes dans un secteur qui, par ailleurs, est en pleine mutation.
Le deuxième exemple concerne la procédure elle-même, notamment le choix de la procédure et l'opportunité des poursuites entre la contrefaçon et le recours à l'HADOPI. La CNIL a considéré que la procédure était extrêmement floue et qu'à la lecture du projet du Gouvernement elle n'était pas en mesure de s'assurer de la proportionnalité d'un tel dispositif dans la mesure où il laissera aux seuls SPRP et organismes de défense professionnelle le choix de la politique répressive à appliquer sur la base d'un fondement juridique dont les contours sont mal définis.
Le troisième exemple concerne les modifications qui sont apportées au code des postes et des télécommunications électroniques. La CNIL dont vous êtes membre, monsieur Gosselin – mais peut-être n'étiez-vous pas présent ce jour-là –...
..relève que la modification de l'article L. 34-1 du code des postes et des télécommunications électroniques introduite dans le projet de loi de Mme Albanel permettra à l'HADOPI de recueillir et de traiter, sous une forme nominative, les données de trafic, hors donc de toute procédure judiciaire, garantie cependant jugée essentielle par le Conseil constitutionnel. La CNIL estime dès lors que le projet de loi ne comporte pas en l'état – et aucune amélioration n'a été constatée depuis – les garanties nécessaires pour assurer un juste équilibre entre le respect de la vie privée et le respect des droits d'auteur.
Si ce dernier exemple ne vous suffit pas pour dire que la CNIL était hostile à l'économie même de ce projet de loi, je ne sais pas ce qu'il vous faut. La CNIL dit en effet tout ce que nous vous avons rappelé ce matin avec Martine Billard, Patrick Bloche, Didier Mathus et Patrick Roy, à savoir que c'est devant le juge qu'il faut aller si l'on veut garantir un juste équilibre entre les droits des auteurs et les droits individuels des citoyens.
Vous n'avez pas le droit de travestir le point de vue de cette haute autorité qui est indépendante, contrairement à l'HADOPI qui risque de ne pas l'être.
Monsieur Paul, il n'y a pas plus sourd que celui qui ne veut pas entendre !
Vos propos à mon égard sont infamants.
..ce qui est inacceptable. Mettons cela sur le compte de la passion, même si l'on pourrait attendre une plus grande maîtrise de la part de ceux qui font partie de l'opposition.
J'ajoute que je maintiens l'intégralité de mes propos. La CNIL a émis un certain nombre de réserves, et personne ne dit le contraire. Mais vous l'instrumentalisez à votre sauce,...
..vous prenez ce qui vous arrange en feignant d'ignorer que ce texte a fait l'objet d'autres moutures, que la loi de 1978 s'appliquera et que la CNIL sera à nouveau consultée sur le décret d'application.
La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques.
Je rappelle que j'ai fait voter un amendement qui consacre que l'HADOPI est une autorité publique indépendante.
Par ailleurs, j'ai reçu les représentants de la CNIL, le mercredi 18 février dernier à quinze heures. Nous avons discuté de ce rapport qui avait été fait en son temps. Les membres de la CNIL m'ont indiqué que le texte, tel qu'il était issu du Sénat, leur convenait.
Faut-il rappeler que ce texte a été voté à l'unanimité ? Mais cela vous ennuie !
J'en suis très heureux ! C'est pourtant ce que vous faites depuis plusieurs heures !
J'ai également auditionné la CNIL. Et je ne peux pas laisser M. Gérard dire que la CNIL est pleinement satisfaite du texte et que toutes les réserves qu'elles a émises en avril 2008 et auxquelles a fait référence Christian Paul ont été satisfaites.
Monsieur Gérard, vous qui êtes un honnête homme, vous savez fort bien que la CNIL émet encore aujourd'hui sur ce texte un certain nombre de réserves.
Mes chers collègues, Mme Billard souhaitait présenter un sous-amendement. Après concertation avec le rapporteur, celui-ci propose de rectifier l'amendement n° 77 et de le rédiger ainsi :
« Compléter l'alinéa 101 par la phrase suivante :
« Elle peut également vérifier à l'occasion d'une réclamation de l'un de ses abonnés relative à une interruption de service justifiant, selon lui, une résiliation du contrat les liant si celui-ci figure dans ce répertoire ».
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 77 , rectifié ?
Favorable.
(L'amendement n° 77 , rectifié, est adopté.)
C'est un amendement de conséquence.
(L'amendement n° 78 , accepté par le Gouvernement, est adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 360 .
La parole est à Mme Martine Billard.
Monsieur Gosselin, vous venez de me demander pourquoi je n'avais pas adopté l'amendement n° 77 rectifié . Je vous répondrai que je suis en désaccord sur le fond et que l'ensemble des alinéas de l'article 2 posent un problème de rédaction, puisqu'il est question, à plusieurs reprises, de la consultation du répertoire. Peut-être pourra-t-il y avoir, à l'occasion de la CMP, relecture de cet article.
Avouez que je suis bien honnête en vous évitant de faire des boulettes. J'ai d'ailleurs peut-être commis une erreur en vous faisant remarquer la vôtre. Le Conseil constitutionnel n'aurait peut-être pas laissé passer cette impossibilité légale.
Défavorable.
Monsieur le président, nous fondions des espoirs dans ce jeune parlementaire qu'est le rapporteur, qui semblait assez ouvert aux technologies d'aujourd'hui puisqu'il a fait de sa ville, par ailleurs capitale du fromage, la première ville où a été arrêté l'analogique terrestre. Aussi pouvions-nous penser que, dans un tel débat, il aurait pu aller dans le sens du bon compromis entre la préservation des droits d'auteur à l'ancienne et le respect du progrès technologique et de l'intérêt pour les usagers.
Malheureusement, notre rapporteur, peut-être au contact de quelque chanteur de variétés résidant en Suisse, est parti, galvanisé par cette confrontation, dans une fuite en avant répressive tout à fait stupéfiante de sa part.
Compte tenu des derniers amendements qu'il a défendus et fait voter, je me demande s'il ne pourrait pas suivre l'excellent exemple d'Éric Besson, excellent secrétaire général adjoint de l'UMP, qui propose le déclenchement de l'action publique sur dénonciation.
Mon cher collègue, je vous demande de vous exprimer sur l'amendement en discussion.
Sur le même modèle, la HADOPI pourrait engager des poursuites sur dénonciation du voisin, ce qui serait cohérent avec votre argument d'hier, selon lequel, en cas de suspension, on pourra toujours aller consulter Internet chez son voisin !
Je suis saisi d'un amendement rédactionnel, n° 79, présenté par la commission.
(L'amendement n° 79 , accepté par le Gouvernement, est adopté.)
La rédaction de l'article ne fait mention que des décisions qui peuvent être prises par la commission de protection des droits, et non de celles qui pourraient être prises par un juge.
Cet amendement vise donc à laisser une plus grande ouverture dans la rédaction des clauses de contrats entre les FAI et leurs clients.
Défavorable.
Il convient en effet d'indiquer clairement dans la loi les précisions que les FAI devront faire figurer dans les contrats avec leurs abonnés, sous peine de priver les mesures pédagogiques d'une bonne partie de leurs effets.
Tout ce qui concourt à renforcer le caractère pédagogique du texte va dans le bon sens. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
C'est ce que nous n'avons cessé de faire dans le cadre de nos travaux,…
Défavorable.
L'amendement est en effet satisfait par la rédaction de l'alinéa 107 car les articles que les FAI devront faire figurer dans les contrats mentionnent les voies de recours et l'intervention du juge.
Je retire mon amendement, monsieur le président.
(L'amendement n° 132 est retiré.)
Je suis saisi d'un amendement de précision, n° 80, présenté par la commission.
(L'amendement n° 80 , accepté par le Gouvernement, est adopté.)
Notre groupe est à l'origine de ces amendements identiques qui ont été adoptés à la fois par la commission des lois, par celle des affaires culturelles et par celle des affaires économiques, ce qui devrait assurer leur adoption.
Dans l'exposé des motifs du projet de loi, il est indiqué que la « riposte graduée » ne se substitue pas aux sanctions pénales aujourd'hui existantes en cas de violation des droits d'auteurs ou droits voisins. Cette atteinte est considérée comme un acte de contrefaçon puni sur le plan pénal de trois ans d'emprisonnement et de 300 000 euros d'amende en vertu des articles 335-2 et suivants du code pénal. Sur le plan civil, des dommages et intérêts peuvent être également décidés au titre du préjudice subi par la victime.
L'alinéa visé par ces amendements précise que les fournisseurs d'accès devront informer leurs abonnés, par une inscription dans le contrat d'abonnement, de leur obligation de surveillance de leur ligne Internet et des sanctions qui pourront être prises par la HADOPI. Si cette information est à nos yeux nécessaire – dans cet océan de répression, et non de pédagogie, qu'est le texte, il vaut mieux être informé des risques encourus –, elle demeure partielle, puisqu'il n'est pas prévu de faire figurer les sanctions pénales et civiles également encourues. Tel est donc l'objet de ces amendements : l'alinéa 107 ne doit pas seulement prévoir de faire figurer dans les contrats les risques de sanction administrative – la suspension de l'abonnement à Internet pour manquement à l'obligation de surveillance – mais également, puisque l'Assemblée a décidé malgré nous de maintenir les dispositions de la loi DADVSI, les sanctions pénales et civiles encourues par l'abonné en cas de violation des droits d'auteur et des droits voisins.
Cet amendement vise à renforcer le caractère informatif et pédagogique du texte. En effet, comme chacun sait que trop d'information tue l'information, il a semblé nécessaire de limiter à la conclusion et au renouvellement de l'abonnement l'obligation faite aux fournisseurs d'accès à Internet d'informer leurs abonnés de l'intérêt de l'offre légale et des dangers du téléchargement illicite.
Les FAI seront libres, s'ils le désirent, d'informer plus régulièrement leurs abonnés.
Favorable.
Cet amendement montre bien les limites de l'exercice !
De son point de vue, que nous ne partageons pas, je comprends le louable souci du rapporteur, qui craint que les internautes, lassés de recevoir régulièrement des courriels aussi subtils que « Télécharger tue la création ! » ou « La gratuité, c'est le vol », ne finissent par jeter par mégarde un courriel de recommandation ou d'avertissement de la HADOPI. Le rapporteur nous invite donc à lever le pied sur les messages pédagogiques relatifs aux risques du téléchargement dit illégal, qu'on peut lire y compris lorsqu'on visionne un DVD, voire à les supprimer, alors qu'il s'agit de vrais messages pédagogiques, même si souvent leur brutalité…
…et leur côté effectivement un peu « trash » font plutôt rire nos jeunes concitoyens.
Cet amendement nous permet donc de soulever de nouveau un risque majeur, que nous avions évoqué il y a deux jours, à savoir que beaucoup de nos concitoyens internautes ne s'aperçoivent pas que la HADOPI leur aura envoyé un ou deux courriels les avertissant de l'imminence d'une sanction plus grave – la suspension de leur abonnement à Internet.
Cet amendement, qui traduit votre honnêteté, monsieur le rapporteur, ne fait donc que confirmer nos craintes en la matière : beaucoup d'internautes verront leur abonnement suspendu sans s'être auparavant aperçus de rien !
Monsieur le rapporteur, vouloir trop en faire finit par nuire à la cause qu'on défend.
Mes chers collègues, je doute d'autant plus que vous lisiez tous les messages que vous recevez de vos fournisseurs d'accès que l'expérience, hier, m'a montré que certains de leurs courriels arrivent directement dans la boîte des messages indésirables, ce qui signifie que le paramétrage des anti-spam peut être fautif. Je crains donc que votre désir de bien faire ne se conclue par une inefficacité totale. Les collègues présents lors de l'examen de la loi DADVSI pourront me le confirmer : ce texte prévoyait déjà que les fournisseurs d'accès informent leurs abonnés de l'intérêt des offres légales – on ne voit pas bien, du reste, comment ils pourraient les informer de l'intérêt présenté par des offres illégales : cette mesure est donc superfétatoire !
Monsieur le rapporteur, peut-être pourrions-nous éviter de voter une disposition dont le résultat, au mieux, sera nul, et, au pire, sera d'encombrer les boîtes anti-spam des fournisseurs d'accès ou de chaque abonné.
(L'amendement n° 82 est adopté.)
Cet amendement de repli, en prévoyant la suppression des alinéas 109 à 115, vise notamment à supprimer le nouvel article, L. 331-34, du code de la propriété intellectuelle, qui autorise « la création, par la Haute autorité, d'un traitement automatisé de données à caractère personnel portant sur des personnes faisant l'objet d'une procédure dans le cadre de la présente sous-section ».
La suppression de ces alinéas nous paraît d'autant plus nécessaire que l'alinéa 112 précise qu'« un décret en Conseil d'État, pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, fixe les modalités d'application du présent article ».
Nous aimerions obtenir plus d'information sur la teneur d'un tel décret, puisqu'il doit préciser notamment « les catégories de données enregistrées et leur durée de conservation ». Or il nous semblait que la durée de conservation était liée à l'application de la sanction et ne pouvait donc excéder la durée de celle-ci. De plus, le décret devra également préciser « les destinataires habilités à recevoir communication de ces données, notamment les personnes dont l'activité est d'offrir un accès à des services de communication au public en ligne » : je suis très surprise car nous ne voyons pas qui d'autres que la HADOPI et les FAI pourraient avoir le droit de recevoir communication de ces données. À nos yeux, en effet, les seuls intervenants sont les fournisseurs d'accès et la HADOPI et il ne saurait être question que ces fichiers de données personnelles d'abonnés soumis à une suspension d'abonnement à Internet puissent être communiqués à d'autres intervenants. À qui pensez-vous ?
Défavorable.
Madame la ministre, Mme Billard a posé, à l'instant, une question précise. Or, comme vous n'arrêtez pas, avec M. le rapporteur et vos amis de la majorité présidentielle, de prétendre que ce texte est un modèle de pédagogie – c'est le mot qui revient le plus souvent dans votre bouche –, je suis étonné que vous restiez tous sourds à nos attaques quant à l'aspect très répressif du texte, qui, je le rappelle, s'ajoute à la loi DADVSI.
La règle d'or de la pédagogie, c'est l'explication et la répétition. Or, Mme Billard, qu'on ne saurait accuser d'indifférence à l'égard du texte – en trois semaines, elle n'a raté que cinq secondes du débat, faute d'avoir couru assez vite : elle l'admet, du reste ! – vous a, je le répète, posé une question précise. Puisque ce texte est pédagogique, la moindre des choses serait que vous y répondiez.
Elle vous l'a clairement posée, monsieur le rapporteur, et je ne plongerai pas dans le piège dans lequel vous voulez me faire tomber pour la simple raison je n'ai pas mon maillot de bain ! (Sourires.) Je vous demande donc de répondre à Mme Billard.
J'ai également eu quelques instants d'absence et je souhaiterais que Mme Billard répète sa question.
L'alinéa 114 du texte évoque « les destinataires habilités à recevoir communication de ces données,… » – il s'agit des données personnelles qui figurent dans le répertoire géré par l'HADOPI – « …notamment les personnes dont l'activité est d'offrir un accès à des services de communication au public en ligne ».
Je souhaite savoir, outre l'HADOPI et les fournisseurs d'accès, quelles sont les autres personnes qui ont accès à ces données.
Le mot « notamment » implique que d'autres acteurs que les fournisseurs d'accès à Internet sont susceptibles d'être concernés. Or, depuis le début de la discussion sur l'article L. 331-31, il a été convenu que les seuls intervenants sur ce répertoire étaient l'HADOPI et les FAI.
Non, madame Billard. L'alinéa 112 dispose qu'« un décret en Conseil d'État, pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, fixe les modalités d'application du présent article. Il précise notamment », ajoute l'alinéa 113, « les catégories de données enregistrées et leur durée de conservation » et, indique l'alinéa 114, « les destinataires habilités à recevoir communication de ces données, notamment les personnes dont l'activité est d'offrir un accès à des services de communication au public en ligne ».
Les magistrats qui font partie de la commission de protection des droits devront bien consulter le répertoire pour savoir si l'abonné dont ils traitent le cas a déjà été averti ou non pour éventuellement prononcer une sanction.
Bien sûr que nous allons voter et le rouleau compacteur de la majorité va peut-être briser une bonne idée. Pourquoi refuser une bonne idée de l'opposition, en l'occurrence de Mme Billard ?
C'est bien de donner des notes à vos collègues, monsieur Paul, mais il vaudrait mieux vous exprimer sur le fond.
Il serait si facile, monsieur Riester, conformément à la préconisation de Mme Billard, d'écrire : « – les destinataires habilités à recevoir communication de ces données au sein de la Haute Autorité et parmi les personnes dont l'activité est d'offrir un accès à des services de communication au public en ligne ; ». Il ne s'agit pas de cautionner un texte que nous persistons à trouver détestable mais de l'améliorer à la marge.
Aucun amendement ou sous-amendement de cette nature n'a été déposé, il n'y a donc pas lieu d'en débattre.
(L'amendement n° 362 n'est pas adopté.)
Cet amendement va intéresser notre collègue Gosselin, membre éminent de la CNIL. La Haute Autorité va gérer un fichier des données techniques qui, sans être un fichier nominatif stricto sensu, contient tout de même des éléments sensibles, à savoir les fameuses adresses IP.
Il ne semble pas qu'un contrôle de ce fichier par la CNIL ait été prévu. Il apparaît donc opportun de donner à la CNIL ce pouvoir afin que des données qui ne sont plus nécessaires ne soient pas indûment conservées.
Même sans malice, on se laisse vite déborder par la mise à jour des fichiers.
Compte tenu des objectifs d'envois de courriels fixés par la ministre, je ne pense pas que la mise à jour des fichiers soit une priorité pour les sept salariés de l'HADOPI. Or, sans une amicale surveillance de la CNIL, on peut être à peu près certain que la loi ne sera pas respectée.
Défavorable. Ces amendements identiques sont satisfaits par les dispositions du texte modifiant l'article L. 331-34 du code de la propriété intellectuelle.
Défavorable pour les mêmes raisons.
La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour soutenir l'amendement n° 361 .
Nous suivons toujours la même logique et je suis sûr que même le rapporteur ne va pas me dire que l'amendement est déjà satisfait.
En effet, vous êtes ipso facto, dans l'esprit, opposés à cet amendement dans la mesure où notre démarche vise à protéger les libertés, en l'occurrence à permettre à la CNIL, garante ultime de la bonne tenue des fichiers, de jouer tout son rôle.
M. Tardy est gentil avec vous quand il ne vous prête aucune malice. Mais on ne peut toujours l'exclure et, pour vous protéger contre vos instincts, ou plutôt vos élans, nous proposons de réintroduire la Commission nationale de l'informatique et des libertés dans le dispositif, même si tel n'est pas votre souhait, comme nous l'avons bien compris lorsque nous avons proposé que la CNIL soit membre de l'HADOPI. Cependant, madame la ministre, nous vous offrons la possibilité de venir à résipiscence en adoptant cet amendement car il n'est jamais trop tard pour bien faire.
(Les amendements identiques nos 134 et 361 ne sont pas adoptés.)
Je suis saisi d'un amendement n° 363 .
La parole est à M. Jean-Pierre Brard.
Cet amendement vise à éviter l'écueil auquel se heurtent la quasi-totalité des fichiers français traitant des données personnelles. Les récentes révélations sur la gestion du fichier STIC auraient dû vous pousser à verrouiller votre texte dans le bon sens. Comme vous ne l'avez pas fait, nous vous proposons de vous tenir la main afin que les abonnés ne pâtissent pas des futurs incidents de gestion du répertoire HADOPI.
À la lecture de cet amendement, madame la ministre, vous allez certainement nous opposer les dispositions de l'alinéa 109 qui précise que « la commission de protection des droits peut conserver les données techniques mises à sa disposition pour la durée nécessaire à l'exercice de ses compétences – ce qui ne veut pas dire grand-chose – […] et, au plus tard, jusqu'au moment où la suspension de l'accès prévue par ces dispositions a été entièrement exécutée ».
Seulement, cet alinéa est lui-même en contradiction avec l'alinéa 113 – encore une preuve, si nécessaire, que votre texte n'est pas bien écrit et contient tant de contradictions qu'il génère une insécurité juridique inacceptable pour les parlementaires que nous sommes. L'alinéa 113 prévoit qu'un décret en Conseil d'État précise la durée de conservation des données collectées – on se demande bien, d'ailleurs, pourquoi ce n'est pas l'affaire du Parlement.
Que devons-nous donc retenir ? Que les données seront conservées jusqu'à la fin de l'exécution de la sanction de suspension ou bien que le décret pourra fixer un délai différent dans la mesure où, en 2006, Nicolas Sarkozy affirmait vouloir – écoutez bien, monsieur Lefebvre, qui êtes le thuriféraire du Président de la République – « tout voir et tout savoir » ?
Nous soupçonnons que la volonté du Gouvernement soit de surveiller la Toile et les réseaux, attitude qui va à l'encontre du principe de protection des données personnelles. En outre, comment fera un internaute qui souhaiterait changer d'opérateur s'il est toujours inscrit au répertoire des personnes sanctionnées au-delà de la fin de l'exécution de sa sanction ?
C'est pour pallier ce risque que nous proposons une garantie supplémentaire pour les abonnés en introduisant une disposition visant à obliger les fournisseurs d'accès à « informer la commission de protection des droits de la fin de la suspension afin que celle-ci procède à l'effacement des données stockées ». J'espère, monsieur le rapporteur, madame la ministre, que vous nous entendrez.
Je sais que Mme Billard est très sensible, elle aussi, à cette question. Même si la commission des lois a repoussé cet amendement, je pense, à titre personnel, qu'il mérite toutefois d'être retenu afin de renforcer les garanties évoquées par M. Brard.
Favorable.
La parole est à M. Jean-Pierre Brard – pas pour le retirer tout de même ?
Depuis quinze jours, du point de vue de l'opposition qui défend les libertés, vous vous trouvez sur le chemin de Damas ! Nous n'en sommes pas encore aux Stations du Chemin de Croix, mais, à chaque fois que survient un tel événement, je tiens à souligner que nous marquons notre cheminement difficile face à vous, d'une pierre blanche. Il s'agit de petites pierres, certes,…
Vous êtes Paul avant le Chemin de Damas, mon cher collègue, comme chacun sait. (Sourires.)
(L'amendement n° 363 est adopté.)
Cet amendement concerne le traitement automatisé des données à caractère personnel. Le texte prévoit la création d'un répertoire des personnes faisant l'objet d'une suspension – un véritable « Livre noir ». Nous avons bien compris que ces personnes ne pourront pas conclure de contrat avec un nouveau fournisseur d'accès à Internet puisque ce dernier pourra consulter ce répertoire.
Dieu sait si la question des fichiers est sensible dans notre pays – qu'on songe aux fichiers EDVIGE, STIC et autres. Il convient de désigner le répertoire établi par l'HADOPI pour ce qu'il est : un fichier. Or, à l'heure où l'on interconnecte les fichiers – sans doute l'une des plus graves menaces pour nos libertés individuelles et la protection de notre vie privée –, une notion reste essentielle sur laquelle la CNIL a été amenée à se prononcer à plusieurs reprises avec force : la durée de conservation des données personnelles.
Je me souviens que nous avions déjà débattu de la question en 2004, au cours de l'examen de la loi pour la confiance dans l'économie numérique.
Cette durée de conservation est simple à fixer : elle ne doit pas excéder la période pendant laquelle l'abonné fait l'objet d'une mesure de la part de l'HADOPI. Comme le soulignait Jean-Pierre Brard, laisser à un décret le soin de fixer ce délai de conservation n'est pas satisfaisant, d'autant que le délai suggéré par le rapporteur lui-même, à savoir trois ans, est pour nous excessif et ne se justifie pas.
Les prescriptions de la loi de 1978 dont il a été rappelé par M. Gosselin qu'elles s'appliquaient au projet HADOPI, soumettent les traitements de données à caractère personnel, et notamment la durée de leur conservation, à des conditions précises.
D'abord, « elles sont exactes, complètes et, si nécessaire, mises à jour. Les mesures appropriées doivent être prises pour que les données inexactes ou incomplètes au regard des finalités pour lesquelles elles sont collectées ou traitées, soient effacées ou rectifiées ».
Ensuite, les données « sont conservées sous une forme permettant l'identification des personnes concernées pendant une durée qui n'excède pas la durée nécessaire aux finalités pour lesquelles elles sont collectées et traitées. »
C'est la raison pour laquelle nous déposons cet amendement de bon sens, qui vise à ce que ces données personnelles soient détruites, effacées, dès la fin de la procédure liant un abonné à l'HADOPI.
Si cet amendement n'était pas adopté, vous voyez le risque : un abonné étant sorti d'une procédure dans laquelle il était visé, si les données le concernant n'étaient pas effacées de ce répertoire, de ce fichier, de cette liste noire, il ne pourrait conclure un nouveau contrat avec un fournisseur d'accès à Internet, alors même qu'il ne ferait plus l'objet d'aucune mesure de la part de l'HADOPI.
Je ne voudrais pas que la réponse du rapporteur et de la ministre consiste à nous dire : « Faites-nous confiance. Il y aura le décret. » Vous avez parlé, monsieur le rapporteur, d'une durée de trois ans. Pour nous, cette durée n'a pas de sens en tant que telle, et surtout, elle ne va pas dans le sens que nous indique la CNIL : « une durée qui n'excède pas la durée nécessaire aux finalités pour lesquelles elles sont collectées et traitées ».
Nous attendons votre réponse, et nous saurons vous répondre.
Cet amendement est dans la même veine que notre amendement précédent. Et comme ce dernier a été accueilli favorablement par notre rapporteur, vous me voyez rempli d'espoir.
Le présent amendement se propose de supprimer une des deux dispositions contradictoires – il vous aide donc à toiletter votre texte – concernant la durée de conservation des données personnelles collectées pour alimenter le répertoire. En l'espèce, il propose de supprimer le renvoi à un décret des dispositions sur la durée de conservation.
Cela permettrait de régler le problème saillant de l'accès disproportionné aux données personnelles, le problème du respect de la vie privée, ainsi que celui de la surveillance de l'Internet, qui peut faire l'objet d'un certain parallèle avec la vidéosurveillance.
La CNIL, consultée sur tout projet de loi ou de décret relatif à la protection des personnes à l'égard des traitements automatisés de données personnelles, a estimé dans son rapport sur le projet de loi que le traitement automatisé qu'il permettait ne respectait pas le principe de proportionnalité au regard des objectifs poursuivis. Il faut écouter la CNIL. Sinon, à quoi cela sert-il d'avoir des autorités indépendantes ?
Nous proposons donc cette précision : supprimer le renvoi au décret pour la définition des délais de conservation des données à caractère personnel, et prévoir que cette durée de conservation ne pourra excéder le terme des procédures et sanctions mises en oeuvre par l'HADOPI.
Je tiens d'abord à rassurer M. Brard : la CNIL sera consultée au moment de la rédaction du décret. C'est exactement ce que prévoit le projet de loi.
D'autre part, je voudrais rassurer M. Bloche : il est bien clair que les données qui seront dans le répertoire seront effacées quand auront été atteintes les finalités pour lesquelles elles auront été collectées et traitées. Cela est très clairement écrit dans l'alinéa 109 : « La commission de protection des droits peut conserver les données techniques mises à sa disposition pour la durée nécessaire à l'exercice des compétences qui lui sont confiées à la présente sous-section et, au plus tard, jusqu'au moment où la suspension de l'abonnement prévue par ces dispositions a été entièrement exécutée. »
On voit donc bien que, au moment où la sanction – notamment la suspension de l'abonnement – sera totalement exécutée, les données seront effacées du répertoire.
Et pourquoi trois ans ? Parce que nous avons un délai de six mois pour constater un éventuel téléchargement illégal. Ensuite, si la personne est avertie, on a encore six mois pour constater un deuxième téléchargement illégal éventuel, justifiant l'envoi d'un deuxième avertissement. À partir de là, il faut encore un an pour constater le troisième téléchargement illégal. Et la suspension peut atteindre une durée d'un an. Au total, nous arrivons donc bien à trois ans : deux fois six mois, plus un an, plus un an. Cela fait donc trois ans au maximum. C'est tout à fait logique, monsieur Bloche.
Avis défavorable.
Défavorable. Le rapporteur vient de donner des explications extrêmement précises, auxquelles je m'associe. En effet, la conservation des données cesse avec l'exécution de la sanction. Le texte le prévoit.
Ce que nous venons d'entendre est tout à fait intéressant. D'une certaine manière, le rapporteur invente, pour les internautes qui violeront la règle, la peine de sûreté, c'est-à-dire trois ans minimum. Écoutez, pour un jeune qui a dix-huit ans, trois ans minimum, c'est presque la perpétuité ! Je trouve que la sanction est très sévère, et disproportionnée.
Je ne peux pas laisser dire que la sanction sera de trois ans. Nous parlons de la durée de conservation des données dans le répertoire qui sera géré par l'HADOPI. Ces données pourront être conservées au maximum pendant trois ans. C'est ce que j'ai dit, et que M. Bloche a rappelé. Il n'y a aucune ambiguïté.
Mais il est clair que la durée maximum de la suspension est d'un an, ce qui n'est évidemment pas ce que nous souhaitons, puisque nous souhaitons avant tout que ce projet de loi soit pédagogique, et qu'il n'y ait pas de suspension. C'est la raison pour laquelle il y a un premier avertissement, rappelant que le téléchargement est répréhensible et qu'il existe des offres légales, puis éventuellement un deuxième avertissement, puis une lettre recommandée, etc.
Vous nous confirmez parfaitement, monsieur le rapporteur, que nous ne sommes pas d'accord.
Nous n'avons jamais dit que la suspension pouvait aller jusqu'à trois ans.
Non, monsieur le rapporteur, notre collègue Brard, qui est un parlementaire averti, a considéré, de manière très pertinente, et comme nous-mêmes, qu'il n'y avait aucune justification à ce que la durée de conservation des données puisse aller jusqu'à trois ans.
Vous nous avez honnêtement confirmé que telle était votre intention, monsieur le rapporteur. Nous en déduisons que le décret pris en Conseil d'État visera à ce que cette durée de conservation aille jusqu'à trois ans maximum. Il n'y a donc pas d'ambiguïté. La suspension, elle, est toujours d'un an maximum.
Mais alors, si elle est d'un an maximum, pourquoi faut-il conserver deux ans de plus dans ce répertoire le nom de ceux dont l'abonnement a été suspendu ?
Je répète les préconisations de la CNIL : les données « sont conservées sous une forme permettant l'identification des personnes concernées pendant une durée qui n'excède pas la durée nécessaire aux finalités pour lesquelles elles sont collectées et traitées. » La durée maximale devrait donc être la durée maximale de la suspension, c'est-à-dire d'un an et non de trois ans. Nos amendements s'en trouvent d'autant plus justifiés.
(L'amendement n° 245 n'est pas adopté.)
(L'amendement n° 364 n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 365 .
Il s'agit d'un amendement de repli. Il a été défendu, monsieur Brard ?
Défendu, monsieur le président ? Je sais qu'en plus, dans votre position, vous ne pouvez pas dire ce que vous avez envie de dire. J'ai le sentiment de parler à deux voix à la fois, comme d'ailleurs le Gouvernement, à présent. Je vois que M. Karoutchi s'intéresse beaucoup au débat, et qu'il est empreint de scepticisme.
Non, non, devant celles du rapporteur et de sa collègue du Gouvernement, en particulier.
Non, devant les vôtres, monsieur Brard.
Et vos dénégations, monsieur le secrétaire d'État, n'y changent rien.
J'en viens à l'amendement n° 365 . L'alinéa 115 prévoit qu'un décret en Conseil d'État précise les conditions dans lesquelles les personnes intéressées peuvent exercer leur droit d'accès aux données les concernant. Or, l'accès à ces données par les personnes intéressées est déjà prévu par la loi. Nous faisons donc, de nouveau, une loi inutilement bavarde, en ajoutant davantage de confusion. De la confusion, il y en a déjà suffisamment dans votre texte ! D'une certaine manière, nous vous permettons, à travers cet amendement, même si nous sommes en désaccord fondamental avec votre projet de loi, de faire au moins un texte plus lisible, qui souffrira moins de contestation.
Quant à ce que disait M. le rapporteur, il y a une notion dans notre droit : c'est le droit à l'oubli. Nous avons tous, dans nos circonscriptions, des exemples de concitoyens qui ont fait l'objet, à un moment donné, d'une condamnation qui reste inscrite dans un fichier alors même que son terme est largement dépassé. Ils portent cette condamnation comme une croix, en en ressentant le poids, mais sans voir la croix, puisque, selon eux, ils en ont été libérés depuis longtemps.
Avec votre texte, vous créez une nouvelle possibilité de voir l'inscription de nos concitoyens dans un fichier leur porter préjudice.
(L'amendement n° 365 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Voilà encore un amendement qui va intéresser notre collègue Philippe Gosselin, qui est, je le répète, un membre éminent de la CNIL.
Le texte entend créer un fichier des personnes ayant fait l'objet d'une procédure devant l'HADOPI. La CNIL, comme cela a été dit, sera bien entendu consultée lors de l'élaboration du décret. Mais une fois le décret paru, que se passe-t-il ? L'HADOPI fera ce qu'elle veut, du moins ce qu'elle peut, car avec sept salariés, on ne va pas loin.
On risque, au bout de quelque temps, d'avoir un fichier truffé d'erreurs. Nous avons tous, dans nos entreprises, des fichiers commerciaux. Et nous savons bien que c'est le même principe : faute de temps, ils ne sont pas mis à jour.
Très souvent, des procédures lancées à la va-vite, sur la foi d'un relevé d'adresse IP, devront être abandonnées, car l'internaute aura pu démontrer qu'il n'a pas pu télécharger. À ce moment-là, quid du suivi et de la mise à jour des fichiers ? L'expérience des fichiers policiers – cela avait été souligné par Philippe Gosselin –, et notamment celle du STIC, est éclairante. On risque de se retrouver avec un grand n'importe quoi, d'autant plus grave que la riposte étant graduée, un internaute peut se retrouver, même par erreur, dans le fichier, ce qui peut conduire à l'envoi d'une lettre recommandée, voire à une suspension, alors même que la personne n'a rien à se reprocher et qu'elle a été poursuivie par erreur.
Je répète donc ce que j'ai dit à l'occasion de mon précédent amendement : il est essentiel que la CNIL ait un droit de regard sur la tenue des fichiers, et que leur absence de tenue puisse être repérée et sanctionnée. Sans cela, la mise à jour de ce fichier sera la dernière des tâches auxquelles s'attelleront les sept salariés de l'HADOPI.
Défavorable, pour les raisons que nous avons déjà évoquées à plusieurs reprises.
Défavorable.
Comme beaucoup des amendements de notre collègue Tardy, celui-ci est très fondé.
Madame la ministre, vous êtes ministre de la culture. Et comme je vous l'ai déjà dit hier, l'alternative est simple. Ou bien votre nom est destiné à rejoindre un jour ceux des grands ministres de l'agriculture (Rires), de la culture, pardon, comme André Malraux. Mais parmi les ministres de l'agriculture, il y a eu Jacques Chirac, auquel vous tenez beaucoup aussi.
Ou bien Christine Albanel restera un prénom. Comme il y a eu le fichier Edvige, il y aura le fichier Christine.
Donc, soit vous rejoignez le Panthéon, soit vous donnez son nom de baptême à un fichier. Voilà l'alternative qui s'offre devant vous. Et très franchement, madame la ministre, je préfère pour vous le premier terme de l'alternative. C'est une façon plus glorieuse d'entrer dans l'histoire. Et je vois, madame de Panafieu, que vous êtes jalouse de l'avenir que je promets à Mme Albanel.
Peut-être serez-vous un jour ministre de la culture. Et peut-être est-ce en vous regardant, madame de Panafieu, que j'ai fait le lapsus tout à l'heure. Je devais penser à la campagne « Suivez le boeuf », rappelez-vous. (Rires.)
Il s'agit d'un amendement de conséquence.
(L'amendement n° 85 , accepté par le Gouvernement, est adopté.)
En conséquence, tous les autres amendements à l'article 2 tombent.
Avant de mettre aux voix l'article 2, je vais donner la parole à un orateur par groupe.
La parole est à M. Christian Paul, pour le groupe SRC.
M. Lefebvre nous a rejoints, cet après-midi, avec un peu de retard, car il avait peut-être de nombreux mails très intéressants à lire. J'espère que vous en ferez part à vos collègues.
Je rappelle votre adresse électronique : flefebvre@assemblee-nationale.fr. Il arrive d'ailleurs que je reçoive copie des mails qui vous sont adressés. L'un d'entre eux m'a beaucoup intéressé car il illustre bien les difficultés de mise en oeuvre de cette loi, son adresse d'origine était surveillance@hadopi.fr. L'avez-vous lu ?
Vous ne lisez pas votre courrier ? Savez-vous qu'Internet est accessible depuis l'Assemblée nationale ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
M. Lefebvre prête le flanc si souvent et de si nombreuses manières à la critique que l'on ne peut pas résister !
L'article 2, qui est la pierre angulaire de ce mauvais texte, ne nous a pas convaincus, et nous voterons contre.
Madame la ministre, avec ce texte, vous avez inquiété beaucoup d'artistes, qui, après ces jours de long débat, savent désormais que la « loi HADOPI » est extrêmement fragile et que ce texte ne sécurisera en rien le financement de la création en France. Cette démonstration est désormais définitivement faite et cela vous gêne.
L'article 2 a beaucoup inquiété les internautes, qui ont pu percevoir l'insécurité juridique que va créer le texte.
La discussion de l'article 2 a également beaucoup inquiété les entreprises du Net, de tous horizons, qui protestent aujourd'hui. J'en citerai trois, dont vous recevez les courriers, jour après jour. Mais rien ne vient ébranler les certitudes paresseuses de l'UMP sur ce point.
D'abord, les nouvelles entreprises du Net, autour de M. Kosciusko-Morizet, ont officiellement protesté contre ce texte, en demandant six mois, un an de répit, de débat public autour de ces questions, afin que soit votée une loi plus acceptable.
Ensuite, ces jours-ci, les entreprises du logiciel libre vous ont écrit, madame la ministre. Nous aurions aimé que vous leur répondiez dans cet hémicycle.
Puis, cet après-midi, la Fédération française des Télécoms – dont nous ne sommes pas les porte-parole – a fait paraître un communiqué. Nous sommes convaincus qu'il appartient à ces industries-là de financer, à l'avenir, la création, en particulier dans le domaine de la musique et du cinéma. Vous demandez aux fournisseurs d'accès de financer votre usine à gaz régressive et répressive. Ils sont sollicités à hauteur de 70 millions.
Je vais lire un court extrait du communiqué de la Fédération française des Télécoms, qui vient d'être rendu public : « Les accords de l'Élysée n'ont jamais prévu la prise en charge par les opérateurs de ces coûts. » Vous avez avoué, hier, madame la ministre, que les 70 millions allaient être à la charge des opérateurs de télécoms, et ils réagissent à vos propos. Il n'y aura pas un euro de plus pour les artistes, mais, monsieur Lefebvre, ces 70 millions font l'objet d'un hold up.
Dans cette affaire, vous êtes l'acteur d'un hold up, monsieur Lefebvre.
Cet argent aurait dû aller à la création. Madame la ministre, vous vous êtes réfugiée derrière les accords de l'Élysée, et vous avez fondé toute votre argumentation sur un accord interprofessionnel, qui ne tient pas un instant, car les dés étaient pipés. Ceux qui les ont signés y ont été contraints et d'autres, aujourd'hui, récusent leur signature.
Vous ne pouvez donc plus dire que les accords de l'Élysée sont la clef de voûte de cette politique dans le domaine de la répression de l'Internet. Ces accords sont nuls et non avenus.
Pour toutes ces raisons, nous ne pouvons pas voter l'article 2.
La parole est à M. Jean Dionis du Séjour, pour le groupe Nouveau Centre.
Madame la ministre, les longs débats sur l'article 2 ont montré qu'il y avait trois réponses politiques au dispositif proposé par le Gouvernement.
Premièrement, la réponse de la majorité de l'UMP, qui approuve l'ensemble du dispositif de la riposte graduée et le choix de la sanction – la coupure de l'accès Internet.
Deuxièmement, la réponse de l'opposition, dans son ensemble, articulée autour de la proposition de la contribution créative, mais qui n'apporte pas de solution pour le court terme.
Troisièmement, la proposition qu'un certain nombre de collègues de l'UMP et moi-même avons essayé de porter. Je veux saluer l'effort d'approfondissement du texte réalisé par M. Tardy, notamment. Nous approuvons le concept de riposte graduée, car nous pensons qu'il faut un volet répressif à court terme. En effet, quelle que soit l'évolution prévue pour le long terme, il faut mettre les mains dans le cambouis du court terme. En revanche, nous sommes en désaccord profond sur le choix en matière de sanction.
Madame la ministre, je ferai l'économie d'un long discours, mais votre choix de la coupure d'Internet est accablant, je le répète.
Pour reprendre une image, je souhaite, madame la ministre, qu'en qualité de commandant du Titanic, vous passiez à travers les icebergs – car vous êtes sympathique –, mais je n'en suis pas sûr. Vous risquez de rencontrer une succession d'icebergs très importante. Cela viendra d'abord du droit européen – nos collègues socialistes l'ont dit et c'est vrai. Cela viendra ensuite de la technique ; il faut être modeste sur ce point. Cela viendra enfin des contentieux que vous aurez, notamment dans le domaine de la messagerie et de la sécurité. J'espère que ce Titanic-là passera à travers les icebergs, mais je n'en suis pas certain.
Pour marquer notre distance, alors que nous sommes d'accord sur le concept de riposte gradué – peut-être le signifierons-nous lors du vote du texte, le groupe Nouveau Centre s'abstiendra sur l'article 2.
Les raisons pour lesquelles nous allons voter cet article, avec beaucoup d'enthousiasme, peuvent se résumer par la façon dont se sont déroulés les débats.
Beaucoup de questions très légitimes ont été posées sur la nature de la sanction. Un débat a été ouvert, notamment, au sein de la majorité sur ce qui était préférable : l'amende, la suspension. Ce débat devait être conduit et il a eu le mérite d'avoir posé la vraie question.
La théorie « zéro sanction » a été défendue par le groupe socialiste – cela n'a échappé à personne. Chacun a pu remarquer qu'au moment du vote sur les propositions deMM. Dionis du Séjour, Tardy ou Suguenot concernant l'hypothèse d'une amende se substituant à la suspension, le parti socialiste était aux abonnés absents.
M. Paul a résumé le débat. Il essaie de nous faire croire qu'il n'y a pas eu d'accords de l'Élysée, qu'ils n'ont pas été signés par les uns et les autres
Lorsqu'il a lu le communiqué, il a parlé de la prise en charge de la suspension, du coût.
La discussion des amendements a fait qu'une grande partie du coût a été réduit. Le rapporteur a défendu des amendements sur les débits.
La lecture du communiqué de M. Paul ne remet pas en cause le principe des accords de l'Élysée sur la suspension.
On comprend pourquoi nous avons été sollicités par les FAI, non sur le plan des principes, mais sur celui des coûts.
Vous avez défendu le principe de la non-suspension pour de prétendues raisons de liberté. Il ne faut pas tromper les gens. Aucun des signataires des accords de l'Élysée n'a remis le principe en question, à quelque moment que ce soit. Vous le savez, monsieur Paul, puisque vous n'avez lu que ce qui concerne le coût – et vous m'avez même accusé d'être l'auteur d'un hold-up.
Monsieur Paul, essayer de faire pression sur vos collègues, comme vous l'avez fait avec M. Brard, en appelant les internautes à bloquer la boite mail de Frédéric Lefebvre n'est pas une pratique d'une extrême correction et c'est pour le moins discutable sur le plan des libertés. Cela vous satisfait tant que vous le répétez matin, midi et soir depuis hier. Je vous annonce, monsieur Paul, que vous n'êtes pas prêt de remplir le Zénith avec les personnes qui m'ont envoyé un mail. J'ai à peine reçu une centaine de messages depuis que vous avez lancé l'appel, hier.
Cela montre que lorsque vous passez vos journées à expliquer que l'ensemble des internautes nous regardent, que toute la jeunesse de France nous observe, honnêtement, monsieur Paul, vous n'êtes pas prêt, avec ce succès-là, à faire bouger les choses.
MM. Bloche, Paul et Brard se sont fait les défenseurs des libertés. Vous nous avez parlé des risques que faisait courir la surveillance de la vie des internautes. Interrogez-vous ! La régulation ne serait-elle pas une bonne chose, lorsque l'on sait que des responsables de ressources humaines dans les entreprises vont sur les réseaux sociaux comme Face Book pour examiner la situation des uns et des autres, puisqu'il n'y a aucun contrôle ? Les libertés ne sont-elles pas, là, en cause ? Je ne donne pas de réponse ; je pense que la représentation nationale doit aussi se poser ce type de question.
Avec ma collègue Martine Billard, nous avons bataillé pied à pied tout au long de l'examen de cet article 2.
Je me mets à la place de Mme Albanel un instant. C'est un peu comme dans le Tour de France : heureusement que M. Karoutchi est arrivé, car M. Karoutchi est à Mme Albanel ce que la caravane du ravitaillement est aux coureurs du Tour dans le col de l'Iseran ! (Sourires.)
Vous imaginez la peine du coureur qui depuis tant de temps fait des efforts et qui aspire à la descente.
Je suis là pour la soutenir.
Il y a entre nous une différence fondamentale, mesdames et messieurs de la majorité, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État. Pour nous, Internet doit être un espace de liberté, et non un espace fermé.
Le laisser-faire, c'est pour les banquiers avec les normes comptables qui ont été modifiées ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
C'est avec votre laisser-faire que nous sommes dans la crise aujourd'hui. Tout est dans tout et réciproquement, dit le philosophe.
J'ai sous les yeux le texte d'un internaute.
C'est à nous qu'ils écrivent, parce qu'ils savent que vous ne savez pas lire leurs messages !
Quelle est la teneur de ce message ? « En 2006-2007, le Gouvernement – et vous assurez la continuité, madame Albanel – s'était engagé à évaluer l'efficacité de la loi DADVSI. Nous sommes en 2009, la HADOPI fait suite à la loi DADVSI et elle est en discussion à l'Assemblée : toujours pas d'évaluation. Il y a certainement une bonne raison à cela. Pourtant, cette évaluation ne prendrait pas beaucoup de temps. Faisons-la ensemble, ajoute l'internaute. Nombre de décisions prises par l'autorité chargée de la régulation des mesures de protection technique : zéro. Nombre d'internautes condamnés pour contournement de mesures de protection technique : zéro. Et pourtant, les coupables s'étaient dénoncés. Impact sur le piratage de musique et de films par les internautes : aucun. Impact sur les revenus des artistes : aucun. Si le Gouvernement évaluait l'efficacité de la loi DADVSI, il serait forcé de reconnaître qu'elle n'a servi à rien et serait dans une situation encore plus délicate pour défendre la HADOPI qui n'avait pas d'utilité. En réalité, vous concevez l'espace Internet comme un espace qui doit être réglementé. »
Qu'on réprime la criminalité sur Internet comme ailleurs, il faut évidemment le faire ! Mais nous n'en sommes pas là. Je vous rappelle, monsieur Lefebvre, les propos des jeunes pop – comme vous les appelez – d'Asnières. Ils sont solidaires avec vous. Ils ne sont pas émus par les privilèges, par les nominations autoritaires du Président de la République en faveur de François Pérol, par exemple.
En revanche, en dépit de nos différences, nous avons des choses en commun : l'amour de la liberté que vous sacrifiez. Les jeunes pop d'Asnières ont eu des jugements sévères à votre égard.
Vous n'êtes pas obligé de céder aux objurgations de M. Soisson, monsieur le président !
Comment peut-on imaginer la culture sans la liberté ?
La question du financement de la création se pose évidemment. Vous avez les moyens de le régler en faisant contribuer les majors.
Avec cette loi, vous créez un espace d'enfermement des internautes avec à l'entrée une porte blindée…
…avec quelques oeilletons que sont les amendements que nous avons réussi à faire adopter. Mais ce que l'on verra d'abord, ce ne sont pas les oeilletons, qui sont encourageants dans un futur rapport de forces, c'est la porte blindée que vous avez installée pour cadenasser les internautes.
Je suis saisi d'un amendement n° 411 , portant article additionnel après l'article 2.
La parole est à M. Jean-Pierre Brard.
J'observe que vous poussez un soupir de soulagement, madame la ministre, après le vote de l'article 2 ! Pour autant, vous n'êtes pas au bout de vos peines ! Il y a quelquefois des faux plats ! (Sourires.)
Le déroulement de nos débats a montré les insuffisances, les approximations, voire les absurdités de votre loi.
Nous proposons que tout ce qui concerne la riposte graduée, des moyens de saisine par les ayants droit jusqu'aux modalités de sanction, fasse l'objet d'une évaluation dans un délai de deux ans, à l'issue d'une période d'expérimentation. Vous ne faites ni évaluation, ni étude d'impact pour anticiper une loi. Je vous rappelle que, dans quelques mois, vous ne pourrez plus présenter un projet de loi sans une étude d'impact préalable. Le Conseil d'État n'examinera pas vos projets de loi s'ils n'ont pas fait l'objet d'une étude d'impact. Vous vous affranchissez du texte constitutionnel qui a été voté parce que la date fatidique n'est pas encore arrivée. Cette loi part du postulat que deux phénomènes différents – baisse de la croissance de l'industrie du film et du disque et téléchargement – sont liés. Pour la suite, il faudra produire des rapports plus rigoureux afin de déterminer ce qu'il en est.
En ce qui concerne les différentes étapes de la riposte graduée, il faudra pouvoir en prouver la pertinence et s'assurer que ce ne sont pas en majorité des innocents qui seront sanctionnés si cette sanction est réellement mise en place. Quelles seront les modalités pratiques de la transaction ? Cette loi porte en elle des dangers que nous n'avons cessé de souligner, particulièrement en ce qui concerne le fichier qui nécessite un suivi vigilant et régulier. Que coûtera effectivement cette véritable usine à gaz – en termes financiers et d'effectifs – qui ne manquera pas de faire s'accumuler les contentieux, les recours en justice et les mécontentements.
Il convient également de mesurer l'impact de cette loi sur la rémunération des artistes et la diversification de l'offre légale puisque la HADOPI se donne également pour mission de promouvoir et d'encourager cette offre.
Enfin, et c'est la raison la plus évidente, Internet appartient à un domaine technologique extrêmement mouvant, dynamique, qui évolue très rapidement et qui offre des possibilités exceptionnelles que votre loi ne met pas du tout en valeur. Une évaluation a posteriori est donc nécessaire comme on peut le faire pour les lois de bioéthique selon les rapides progrès de la science afin de rester en phase avec cette réalité sociale incontournable qu'est l'espace Internet et d'arrêter de produire des lois bâclées, orientées, a priori obsolètes et certainement liberticides.
Avis défavorable. Mais je vais aller dans votre sens, monsieur Brard. Une première évaluation de la loi s'effectuera dans un délai bien inférieur à deux ans. Selon les dispositions de l'article 86, alinéa 8, de notre règlement, une évaluation de la mise en application d'un texte doit être effectuée, par son rapporteur, six mois après sa promulgation.
Avis défavorable. L'amendement est satisfait, pour les raisons données par le rapporteur.
L'étude d'impact souhaitée par notre collègue Brard est indispensable. Nous n'avons pas assez mis l'accent sur les effets induits de la loi que vous voterez à l'issue de nos débats.
Cette loi entraînera une migration des internautes vers des usages cryptés et dissimulés. Les logiciels se multiplient d'ores et déjà pour favoriser le cryptage, les changements d'adresses IP générées automatiquement. Vous êtes en train de créer une sorte de continent noir du Net autour de pratiques frauduleuses où tout pourra s'exercer dans la plus grande opacité. Alors que le G20 essaie de lutter contre les paradis fiscaux, vous inventez les îles Caïman du Net de demain ! Vous êtes en train de fabriquer les paradis noirs du Net pour les fraudeurs, les criminels, les délinquants…
…en poussant l'innovation technologique. Or, dans ce domaine, l'imagination est sans limites et la fuite en avant à laquelle vous vous livrez n'a aucune chance de l'emporter.
Votre loi va favoriser une migration vers des usages illicites du Net. C'est la raison pour laquelle il est nécessaire de procéder rapidement à une évaluation.
Des collègues de l'UMP comme M. Tardy et Mme de la Raudière, ou M. Dionis du Séjour pour le Nouveau Centre, se sont battus, un peu comme la chèvre de Monsieur Seguin, qui, le jour se levant, …
Ou, pire, M. Lefebvre, qui est assis devant vous et qui est votre chef d'orchestre !
Mme la ministre et M. le rapporteur ne manquent pas d'audace lorsqu'ils nous disent que l'évaluation aurait lieu dans six mois. Or, selon certains, la mise en place des outils techniques permettant d'appliquer votre loi demandera dix-huit mois.
Pas du tout !
Expliquez-moi comment il sera possible, dans six mois, de procéder à l'évaluation d'un dispositif qui ne marchera pas car les outils techniques ne seront pas encore en place ? Je suis pour ma part cartésien, mais peut-être cela sera-t-il possible grâce à la fameuse « échelle de Riester » évoquée par Christian Paul, une échelle qui marche à l'envers ! Ce qui est sûr, c'est que, même en Seine-et-Marne, la machine à remonter le temps n'existe pas !
Mon amendement prévoyant une évaluation dans un délai de deux ans est infiniment meilleur que les six mois évoqués par M. Riester. Mme la ministre a, certainement par inadvertance, soutenu M. le rapporteur alors que ses arguments ne tiennent pas la route.
Je reprends la métaphore cycliste de M. Brard et j'indique à notre assemblée que nous avons franchi les cols alpins et pyrénéens, et que nous sommes maintenant dans la descente. (Sourires.) Je vous invite donc, mes chers collègues, à accélérer un peu afin de faire progresser nos travaux.
La parole est à M. Jean Dionis du Séjour.
M. Brard propose une étude d'impact dans un délai de deux ans. C'est le bon sens même, mes chers collèges, et je voterai son amendement !
Le calendrier de la mise en oeuvre technique de la coupure vous y obligera. Madame la ministre, on vous met en garde contre les icebergs sur la « route nord ». Je vous en conjure, écoutez ceux qui vous alertent et n'ayez pas peur ! L'étude d'impact permettra d'éviter de nombreuses erreurs.
(L'amendement n° 411 n'est pas adopté.)
Sur l'article 3, je suis saisi d'un amendement de cohérence, n° 86, présenté par la commission.
(L'amendement n° 86 , accepté par le Gouvernement, est adopté.)
(L'article 3, amendé, est adopté.)
L'article 4 ne faisant l'objet d'aucun amendement, je le mets aux voix.
(L'article 4 est adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 294 portant article additionnel après l'article 4.
La parole est à M. Patrick Bloche.
Nous proposons d'insérer l'article suivant : « L'article L. 335-3 du code de la propriété intellectuelle est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Aucune poursuite pénale pour contrefaçon ne peut être engagée pour des faits pour lesquels la commission de protection des droits de la Haute autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur Internet a été antérieurement saisie. »
Contrairement à ce que vous nous affirmez, ce n'est pas « fromage et dessert », mais « fromage ou dessert ».
Ce qui revient à dire qu'il n'y aura pas de dessert !
Pour être extrêmement clair, l'exposé des motifs du projet de loi précise que l'HADOPI a vocation, en pratique, « à se substituer aux poursuites pénales actuellement encourues par les internautes qui portent atteinte aux droits des créateurs ».
En dépit de notre insistance, vous avez refusé d'abroger une disposition de la loi DADVSI, donc de supprimer les sanctions pénales – trois ans de prison et 300 000 euros d'amende. Nous estimons, pour notre part, que les internautes ne doivent pas être soumis à ce que nous avons appelé, à juste raison et à plusieurs reprises, la double peine, c'est-à-dire sanction administrative et sanction pénale.
Vous avez laissé subsister, malgré nos appels à la raison, la capacité exorbitante des ayants droit de qualifier les faits et de saisir le juge pour contrefaçon ou l'HADOPI pour sanctionner le manquement à l'obligation de surveillance. Cet aspect aléatoire subsiste. Vous avez refusé d'abroger les dispositions de la loi DADVSI. Face à ce risque de double peine, il convient d'offrir aux internautes un certain nombre de garanties élémentaires. Dès l'instant où l'HADOPI est intervenue et a sanctionné un internaute fautif, selon elle, une poursuite pénale pour contrefaçon ne doit pas être déclenchée.
Je le rappelle, la CNIL qui s'est beaucoup penchée sur ce texte, comme nous l'avons rappelé voici peu de temps, a conclu qu'elle n'était pas « en mesure de s'assurer de la proportionnalité d'un tel dispositif dans la mesure où il laissera aux seuls [ayants droit] le choix de la politique répressive à appliquer sur la base d'un fondement juridique dont les contours sont mal définis ».
La Commission européenne, dans le cadre de la procédure de notification sur ce projet de loi, a interpellé le Gouvernement français en soulevant le risque que « deux actions, l'une administrative et l'autre pénale, [soient] introduites en parallèle. Le cumul de moyens de mise en oeuvre pourrait donner lieu à plusieurs décisions différentes pour un même fait. »
Donc, ne pas voter cet amendement, dont l'objectif tend à éviter tout cumul dans le temps de deux sanctions pour un même fait, laisserait vraiment subsister une double peine évidente.
Nous avons eu ce débat à de multiples reprises depuis le début de l'examen de ce projet de loi. Nous nous sommes déjà exprimés longuement. Je rappelle simplement qu'il y a deux fondements juridiques différents : le délit de contrefaçon pour la démarche pénale et le manquement à l'obligation de surveillance de son accès Internet pour la démarche administrative décrite dans ce projet de loi.
Nous avons rappelé en long, en large et en travers pendant le débat en quoi il n'y avait pas de risque de double peine.
Il n'est, en conséquence, pas utile de voter cet amendement.
Défavorable pour les mêmes raisons.
Si vous étiez de bonne foi, monsieur le rapporteur, vous auriez vraiment l'occasion de le prouver en votant notre amendement. Votre réponse n'est pas satisfaisante. Je ne vois pas ce qui vous empêche, à partir du moment ou l'HADOPI aura fait son travail en sanctionnant l'internaute, de préciser dans ce texte de loi que l'internaute ne vivra pas dans une insécurité juridique. En effet, non seulement il se verrait privé d'Internet pendant un mois, trois mois, voire un an, mais il connaîtrait une insécurité juridique puisqu'un ayant droit pourrait, pour le même fait, saisir le juge pour délit de contrefaçon.
En refusant cet amendement, je vous le dis sincèrement, monsieur le rapporteur, vous justifiez nos craintes les plus vives, car, dans l'état d'écriture du projet de loi, les internautes seront soumis à la double peine – sanction administrative et sanction pénale.
Enfin, en maintenant, après le travail prétendument pédagogique de l'HADOPI, l'internaute dans une telle insécurité juridique, vous validez une démarche répressive. Votre texte n'est, par conséquent, en rien pédagogique et dissuasif.
(L'amendement n° 294 n'est pas adopté.)
Cet amendement, identique à celui de mon collègue Frédéric Lefebvre, est destiné à défendre le cinéma.
Nous avons, pour beaucoup, assisté dans des salles de cinéma au spectacle détestable de spectateurs qui enregistrent le film pour le passer ensuite frauduleusement sur Internet.
Vous nous répondrez peut-être, madame la ministre, que les directeurs de salles disposent de l'article L. 335-3 du code de la propriété intellectuelle qui leur permet d'intervenir et répond donc à ce besoin, mais nous considérons, pour notre part, qu'il y répond imparfaitement.
Nous assistons alors à ce spectacle désolant : les spectateurs se plaignent auprès de la direction du cinéma, laquelle essaie de faire intervenir des forces de police qui, du fait de l'insuffisance du texte, refusent la plupart du temps d'intervenir.
Nous souhaitons, en conséquence, clarifier cette situation et donner, en amont, les moyens aux propriétaires des salles de cinéma d'interdire le piratage. Chacune et chacun pourrait se ranger à cette politique intelligente de prévention du piratage. Nous devons aider les 3 500 propriétaires de salles de cinéma en France à lutter directement contre le piratage.
La parole est à M. Frédéric Lefebvre, pour soutenir l'amendement n° 386 .
Mon collègue Christian Kert a parfaitement expliqué le dispositif que nous vous proposons. J'associe d'ailleurs ici notre collègue Herbillon.
Nous avons déposé ces amendements identiques parce que nous examinerons tout à l'heure un certain nombre d'amendements relatifs à la chronologie des médias. Nous avons d'ailleurs ouvert ce débat alors que nous discutions du texte relatif à l'audiovisuel, lorsque nous avons amené les exploitants de France à agir dans l'intérêt des internautes.
Le développement de l'offre légale est un enjeu important pour lutter notamment contre le téléchargement illégal. Notre objectif – et nous le verrons lorsque nous débattrons notamment de l'article 9 – est évidemment de donner la possibilité aux offres légales de se développer. De plus, les entreprises qui jouent, sur Internet, le jeu de la légalité, le jeu de la filière de la création, qui défendent l'exception culturelle française doivent pouvoir affronter une vraie concurrence.
Si je lie les amendements à l'article 9 à cet amendement, c'est évidemment que le sujet que nous évoquons est extrêmement important pour les exploitants. En effet, et notre collègue Kert vient de le rappeler, les dispositions législatives existantes étant imparfaites, il leur est impossible d'intervenir lorsque de graves délits sont commis.
Ces amendements ont donc très clairement pour objet de souligner que capter en totalité ou partiellement une oeuvre cinématographique dans une salle de cinéma est un délit de contrefaçon. Il peut, certes, arriver que l'on ait envie de faire partager un film à quelques membres de sa famille, mais chacun sait que cela se termine souvent par l'envoi par courrier de ces oeuvres captées, quand ce n'est pas par une utilisation quasi industrielle, donc par du piratage.
Ce dispositif est extrêmement important. Nous avons ici trouvé un équilibre avec le Gouvernement, avec notre collègue Franck Riester, avec le monde du cinéma et les exploitants de salles. C'est la raison pour laquelle nous sommes évidemment attachés à ce qu'il soit adopté.
Même si la commission des lois avait donné un avis défavorable à ces amendements, considérant que cela n'apportait a priori pas grand-chose juridiquement, il est effectivement fondamental de donner un signe aux exploitants de salles en sanctionnant plus sévèrement ceux qui enregistrent des films dans les salles de cinéma pour en faire un usage illégal.
Avis favorable.
Comme l'ont très justement souligné Frédéric Lefebvre et Christian Kert, la captation en salle est souvent la première étape d'une diffusion de films à des fins illégales. Il est, à mon sens, essentiel pour les exploitants et pour tous ceux qui s'intéressent au cinéma de disposer de ce nouveau fondement juridique.
Il est indéniable qu'essayer d'enregistrer un film dans une salle de cinéma est absolument inadmissible. Nous en avons discuté lorsque nous avons débattu de la loi DADVSI. À l'époque, nous avons essayé de comprendre comment se faisait le piratage. Cet élément avait été alors avancé ainsi que le problème de la copie des DVD envoyée dans le cadre de festivals. La loi DADVSI avait tenté de donner des réponses à ces problèmes.
Certains DVD sont recopiés puis envoyés à des jurys ou dans des festivals. Je me rappelle avoir dit, sur ce point, qu'il incombait à la profession de faire le ménage en son sein. Cela avait été reconnu.
S'agissant du captage de films dans les salles, ceux qui y perdent ne sont pas les exploitants de salles de cinéma, mais les auteurs et les ayants droit des films concernés.
Mais ceux qui filment ont payé pour entrer.
La question s'est posée, lors l'examen du projet de loi DADVSI, mais elle a été réglée différemment. Je crois qu'il faut vraiment être quelque peu attardé, aujourd'hui, pour user d'une telle pratique, alors qu'il existe de nombreux dispositifs de téléchargement sur Internet qui permettent d'obtenir des copies sans acheter le film en question – de surcroît de bien meilleure qualité – sur les plateformes payantes.
Enfin, je vois mal la police entrer dans une salle de cinéma bondée pour arrêter un contrevenant en train de filmer.
Je crains que la mesure prévue par ces amendements ne se retourne donc contre ceux qui essaient de trouver des solutions.
Autant je condamne totalement cette façon de filmer des films projetés, autant je pense qu'il existe déjà des solutions juridiques. C'est d'ailleurs ce qui a conduit la commission à refuser ces amendements, comme l'a d'ailleurs précisé M. le rapporteur.
J'ai le sentiment qu'à vouloir toujours essayer de poursuivre dans le moindre recoin de notre pays tous les délits, on ne finisse par créer de nouveaux délits que l'on ne pourra sanctionner. Je le répète : s'il convient, certes, de limiter ce genre d'abus, veillons à ne pas inventer de nouveaux délits qui ne pourront être punis.
Je comprends l'objet de cet amendement. Je serais, à la limite, prêt à m'y rallier. Toutefois, j'ai eu le réflexe de me reporter à l'article L. 335-3 du code de la propriété intellectuelle. J'ai donc une question très précise à poser à Mme la ministre. Quelle sanction est associée à ce délit ? J'ai quelques angoisses parce que l'on retrouve l'échelle de la loi DADVSI. À quel barreau de l'échelle se situe-t-on ?
Ce sont les peines qui s'appliquent au délit de contrefaçon.
Il y a trois niveaux de sanction : 3 750 euros d'amende ; 30 000 euros d'amende et six mois d'emprisonnement ; 300 000 euros d'amende et trois ans d'emprisonnement. À quel niveau est-on ?
C'est le juge qui décide !
Vous vous plantez grave, diraient les jeunes. Quand on écrit la loi et qu'on qualifie un nouveau délit, il faut immédiatement prévoir la peine correspondante.
L'observation de Jean Dionis du Séjour est extrêmement pertinente, et une telle disposition fera l'objet d'une censure implacable du Conseil constitutionnel. À partir du moment où il y a trois niveaux de peine, il est indispensable de dire quelle peine est appliquée pour le délit de contrefaçon qu'est la captation d'un film dans une salle cinématographique.
Une telle disposition pose donc un problème, à supposer qu'elle soit appliquée un jour, comme la loi HADOPI d'ailleurs, et l'air de contentement de M. Lefebvre d'avoir découvert la poule aux oeufs d'or fait presque sourire en cette fin de débat.
Qu'il faille lutter contre la captation totale ou partielle d'une oeuvre cinématographique ou audiovisuelle en salle de spectacle cinématographique, oui, mais, si 450 000 films sont téléchargés chaque jour comme on nous l'a répété à satiété durant tout ce débat, ce n'est pas à partir d'une captation en salle, c'est avec des copies de bien meilleure qualité.
Comme l'a dit Mme Kosciusko-Morizet, il y en a certains qui en sont encore à la préhistoire. Il y avait la femme de Cro-Magnon avec Mme la ministre, il y a maintenant l'homme de Neandertal avec M. Lefebvre.
À l'article 4 bis, je suis saisi d'un amendement n° 87 .
La parole est à M. le rapporteur.
C'est un amendement de cohérence.
(L'amendement n° 87 , accepté par le Gouvernement, est adopté.)
(L'article 4 bis, amendé, est adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 414 portant article additionnel après l'article 4 bis.
La parole est à Mme Martine Billard.
Cet amendement tend à abroger l'article L. 336-1 du code de la propriété intellectuelle. Aux termes de cet article, conséquence de la loi DADVSI, lorsqu'un logiciel est principalement utilisé pour la mise à disposition illicite de biens culturels protégés, le président du tribunal de grande instance peut ordonner sous astreinte les mesures nécessaires à la protection des droits.
C'est toujours la même obsession, la poursuite des logiciels de peer-to-peer. À l'époque, certains avaient carrément essayé de les interdire, mais, devant la montée au créneau d'un certain nombre d'entreprises, des universités et des chercheurs expliquant qu'ils utilisaient constamment de tels logiciels dans leurs activités professionnelles, l'article L. 336-1 ne concerne qu'un logiciel principalement utilisé pour la mise à disposition illicite.
C'est déjà un peu compliqué. Les commentaires sur les codes parlent de logiciel à usage dévoyé. C'est assez joli comme expression, mais un outil est un outil. J'ai un marteau chez moi, je peux l'utiliser pour taper sur la tête de mon voisin mais…
…et je ne le ferai pas, je vous le précise. Je ne vois pas très bien quelle mesure on pourrait prendre pour protéger la tête du voisin.
À l'époque déjà, on avait souligné l'absurdité de cet article, qui est absolument inapplicable, comme de nombreux autres.
Pour certains, la solution pourrait être le filtrage. Comme l'idée est réintroduite dans le texte, il faut clarifier la situation et abroger l'article L. 336-1 du code de la propriété intellectuelle pour arrêter de courir derrière une chimère, l'interdiction du peer-to-peer.
Défavorable. En fait, cet article est utile, car il cible le dévoiement de certaines technologies.
Les mesures prononcées par le juge, madame Billard, ne peuvent avoir d'effet disproportionné comme une dénaturation des caractéristiques essentielles du logiciel en cause ou l'impossibilité de répondre à sa destination initiale.
En outre, la responsabilité des personnes concernées ne peut être engagée qu'a posteriori, le juge ayant constaté que sa décision est restée sans effet.
Défavorable puisque cet amendement supprime un dispositif dirigé contre les logiciels permettant le piratage et ceux qui en font la propagation, ce qui paraît inopportun.
Dire, madame la ministre, qu'il faut pouvoir interdire des logiciels permettant le piratage, c'est penser que l'outil est conçu pour. Or le peer-to-peer, parce que c'est ça dont il s'agit, n'est pas conçu pour le piratage. Le code parle d'ailleurs d'usage dévoyé.
Je suis inquiète qu'après tant d'heures de débat, vous vous obstiniez à répéter qu'il y a des logiciels ayant un objectif illicite, car ce n'est pas le cas. J'aimerais bien que vous nous précisiez si, pour vous, il faut interdire tout logiciel de peer-to-peer car, à écouter vos interventions, on peut se poser des questions.
Je parle, madame Billard, des logiciels conçus par exemple pour craquer les mesures de protection de façon délibérée.
(L'amendement n° 414 n'est pas adopté.)
Mes chers collègues, je vous propose de suspendre nos travaux cinq minutes avant que nous n'abordions l'article 5.
Après l'article 4 bis
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures vingt-cinq, est reprise à dix-sept heures trente-cinq.)
Sur l'article 5, plusieurs orateurs sont inscrits.
La parole est à M. Jean Dionis du Séjour.
L'article 5 complète le dispositif HADOPI de riposte graduée en prévoyant qu'en présence d'une atteinte à un droit d'auteur, le tribunal de grande instance peut ordonner « toutes mesures propres à prévenir ou à faire cesser une telle atteinte ».
« Toutes mesures » : il faut faire attention lorsque nous légiférons avec cette force.
Les mesures visées sont les dispositifs de filtrage. Pour parvenir au but recherché, ou bien on peut demander à celui qui a créé l'information et en est le propriétaire, son auteur, de la retirer, ou bien on intervient auprès de l'hébergeur, ou bien on recourt à celui qui assure l'accès pour qu'il coupe celui-ci.
Ma conviction profonde est que cet article 5 est inutile, parce que la loi pour la confiance dans l'économie numérique, en transposant deux directives, a parfaitement organisé le dispositif.
Dans le régime actuel, l'irresponsabilité des prestataires techniques, qu'ils soient hébergeurs ou fournisseurs d'accès, est posée en principe, et c'est heureux, parce que s'il était demandé, par exemple, aux fournisseurs d'accès de couper l'accès à certaines informations, ils devraient lire tous les contenus qu'ils transportent, et une telle intrusion serait grave. En contrepartie, quand une information à caractère délictuel leur est signalée, ils ont l'obligation de la retirer prestement : c'est l'article 6-1-3 de la LCEN.
En outre, l'article 8 de la même loi dispose déjà que le tribunal peut prendre toutes mesures nécessaires, en intervenant d'abord auprès de l'hébergeur puis, à défaut, auprès du fournisseur d'accès. L'organisation de cette subsidiarité a été bien pensée par le législateur européen et transposée par le législateur français.
A contrario, cet article 5 est exorbitant et peut s'avérer dangereux. Nous avons tous porté l'idée, quelles que soient nos sensibilités, qu'Internet devait être un espace de liberté mais aussi un espace de droit. Nous savons très bien qu'il peut être un outil magnifique, notamment pour la promotion de la culture, mais qu'il est également toxique et peut être la pire des poubelles.
Il ne faut donc pas rejeter d'un revers de main les techniques de filtrage. Lors des débats sur la LCEN, l'Assemblée nationale, à deux reprises, a donné son accord pour que, s'agissant de certains délits parfaitement définis et encadrés par notre code pénal, à savoir les délits de négationnisme, d'appel à la haine raciale, de pédophilie, il soit possible de demander aux prestataires techniques – à l'état de l'art – d'assurer un filtrage.
Mais cela avait été extrêmement encadré. Il ne faudrait pas que l'Assemblée, à un moment où nous sommes tous un peu fatigués, légifère à la légère sur des mesures qui, si elles peuvent contribuer à combattre des fléaux gravissimes, ne doivent cependant pas être mobilisées pour des délits qui, comme le disait Mme Billard, ne représentent pas une atteinte à l'ordre public du même ordre. Il ne faut pas diaboliser le filtrage, certes, mais il doit être réservé à des délits extrêmement graves.
Cet article 5 a toute une histoire ; nous sommes en terrain particulièrement labouré, sur le plan législatif.
La première fois que nous avons été amenés à légiférer au sujet d'Internet à l'Assemblée nationale, c'était en 1999, par le biais d'un amendement posant les bases de ce que devait être la responsabilité des intermédiaires techniques, hébergeurs et fournisseurs d'accès. Nous étions confrontés à l'époque à un certain nombre de procédures judiciaires visant des hébergeurs. Il fallait combler le vide juridique qui avait par exemple permis qu'un hébergeur, Valentin Lacambre, soit poursuivi pour son site d'hébergement Altern sur le terrain de sa responsabilité civile, avec des demandes de dommages et intérêts tellement énormes qu'elles le condamnaient à cesser toute activité. J'ai eu l'honneur de porter cet amendement dans la loi sur l'audiovisuel promulguée en 2000.
Parallèlement a été élaborée la directive européenne à laquelle Jean Dionis du Séjour vient de faire référence, transposée en droit interne par la loi sur l'économie numérique de 2004. C'est ainsi que la responsabilité des hébergeurs et fournisseurs d'accès a été établie de façon qu'ils ne deviennent pas des censeurs de l'Internet, c'est-à-dire qu'ils ne se retrouvent pas dans une situation où, leur responsabilité étant engagée, ils soient conduits à prendre des mesures préventives qui établiraient une véritable censure de l'Internet. Comme cela vient d'être dit, si Internet ne doit pas être un espace de non-droit, il doit également rester un espace de liberté. Nous devons réaffirmer notre attachement à la neutralité des réseaux.
De ce fait, nous sommes extrêmement préoccupés par cet article. Nous retrouvons une vieille tentation des ayants droit. Je ne leur en veux pas ; ils essayent par tous les moyens de faire valoir leurs revendications. Plusieurs organisations d'ayants droit ne cachent pas leur volonté d'utiliser cet article, qui réécrit un article du code de la propriété intellectuelle voté dans le cadre de la loi sur l'économie numérique et modifié récemment en mars 2007, pour obtenir du juge des mesures de filtrage et empêcher l'accès à tel ou tel contenu.
Or, madame la ministre, vous nous l'avez rappelé, votre bréviaire, pour ne pas dire votre Bible, ce sont les accords de l'Élysée : de ces accords a jailli la lumière. Eh bien, dans les accords de l'Élysée avait été prévu de la manière la plus claire qu'il ne serait pas permis d'ordonner des mesures de filtrage.
Nous sommes préoccupés par le non-respect du principe essentiel de subsidiarité. Dans la rédaction actuelle de l'article 5, la notion « toutes mesures propres à prévenir ou à faire cesser une telle atteinte à un droit d'auteur ou un droit voisin » est tellement large que le juge risque, en l'interprétant, d'être amené à ordonner aux intermédiaires techniques de prendre des mesures de filtrage.
C'est la raison pour laquelle nous avons déposé des amendements visant à ce que ces mesures soient, a minima, proportionnées. Le président de la commission des affaires économiques étant présent, je l'inviterai à prendre la mesure de ce que nous essayons de lui dire, Jean Dionis du Séjour et moi-même.
Il faut absolument que le filtrage du Net soit une mesure proportionnée au regard des objectifs poursuivis et respectueuse des libertés. Dans les cas précis où il n'y a pas de contestation pour filtrer le Net et qui ont été rappelés – terrorisme, négationnisme, racisme, pédophilie –, il convient naturellement que les intermédiaires techniques assument pleinement leurs responsabilités.
Mais, au-delà, toute obligation supplémentaire ferait porter sur les intermédiaires techniques une telle responsabilité qu'ils seraient amenés à prendre des mesures de filtrage inacceptables.
L'article 5 va permettre d'initier l'engrenage du filtrage des contenus à n'importe quel maillon de la chaîne du numérique. Cette mesure importante va toucher directement les éditeurs de logiciels. Au détour de la Toile, j'ai trouvé une interview très intéressante, sur le site pcinpact. com, du directeur des affaires publiques Europe de BSA – Business Software Alliance –, l'organisme qui représente les plus grands éditeurs de logiciels au monde, tels qu'Adobe, Apple, Autodesk, Dassault Systèmes. Voici ce qu'il dit : « L'insécurité juridique est dans cet article 5 du projet de loi “ Création et Internet ” qui autorise l'autorité judiciaire à imposer toutes mesures jugées utiles et efficaces, y compris l'imposition d'obligation de filtrage des contenus échangés sur le réseau. Pour trouver ce qui est du piratage et ce qui n'en est pas, vous devez tout scanner, car ce n'est pas marqué sur Internet que tel paquet est un fichier illicite et tel autre, un e-mail. Normalement, ce sont des responsabilités qui incombent au FAI mais avec le projet de loi, on risque de voir les juges dire : “vous, éditeurs de logiciel, vous le vendeur de technologies MP3 ou Dieu sait quoi, vous devez vous assurer que votre système incorpore un système anti-copies illicites, en fait un système qui doit filtrer sur votre PC, matériel, logiciel, ce qui passe, et retenir ce qui n'est pas légitime”. […] On peut donc imaginer un I-Phone avec une liste blanche d'oeuvres qui pourraient être copiées et une liste noire de ce qui ne pourrait pas l'être. » Je tiens à attirer votre attention sur ce point. Ce directeur poursuit : « On a beau avoir toute confiance dans les juges, on ne sait pas très bien à quoi cela va ressembler. Et cela peut dépendre d'un juge à Lyon, d'un juge à Paris ; on pourra avoir des décisions contradictoires, les uns imposant l'usage de telle technologie quand d'autres feront des choix différents… D'un point de vue technologique, cela risque d'être une une catastrophe ! »
Certes, on peut rajouter le filtrage des contenus à une liste déjà bien longue, mais je trouve que cela ferait beaucoup. Je suis donc très réservé sur cet article.
Je soutiens tout à fait les propos qui ont été tenus par nos collèguesJean Dionis du Séjour etPatrick Bloche. Il est vrai que l'on a tous envie de faire arrêter ce qui circule sur Internet quand il s'agit de négationnisme, d'appel à la haine raciale ou de pédophilie. Des dispositions ont été prises à cet effet. Elles ne sont, hélas, pas toujours efficaces, mais tout est fait pour qu'elles atteignent leur but. Mais il faut faire attention : ces dispositions législatives, qui visent à empêcher non seulement un trouble à l'ordre public, mais aussi une atteinte à l'intégrité physique des personnes, ne doivent pas être étendues à toute circulation d'informations sur Internet. Ce qui est proposé aujourd'hui pour la défense des droits d'auteur pourrait être demandé, demain, pour d'autres raisons, et on en arriverait à ne plus respecter la subsidiarité du réseau. L'éditeur du site étant considéré comme responsable, il migrera dans des pays où il sera plus difficilement atteint par la législation européenne ; ensuite, c'est l'hébergeur à qui il sera enjoint d'intervenir pour faire cesser l'acte illégal : si on continue à allonger ainsi la chaîne des responsabilités, on risque finalement de couper toutes les voies d'accès à Internet, y compris celles fournies par les FAI. Tel que l'article est rédigé – et conforté par certains amendements –, on va finir, pour sanctionner une atteinte aux droits d'auteur, par perturber l'ensemble d'Internet. Ce qui est proposé s'avère démesuré. L'article dispose que le juge peut ordonner toutes mesures propres à prévenir ou à faire cesser une atteinte à un droit d'auteur « à l'encontre de toute personne », ce qui inclut bien les éditeurs, les hébergeurs et les fournisseurs d'accès.
En outre, madame la ministre, je tiens à préciser que je souhaitais l'abrogation de l'article L. 336-1 du code de la propriété intellectuelle parce qu'il ne mentionne que les logiciels utilisés principalement pour la mise à disposition illicite d'oeuvres protégés par le droit d'auteur : un logiciel de craquage étant totalement destiné à contourner le droit d'auteur, il ne tombe donc pas sous le coup de cet article.
Il faut rester où on est aujourd'hui, avec la loi pour la confiance dans l'économie numérique, et ne pas étendre, à chaque nouveau problème, le champ d'application de dispositions qui n'ont pas été prévues pour les résoudre. Ce serait une très mauvaise façon de légiférer. Si on continue ainsi, le dispositif deviendra inutilisable puisqu'il n'y aura plus de hiérarchie de la sanction par rapport à ses conséquences sur la circulation d'informations sur Internet.
Je prends en compte vos leçons, monsieur Bloche. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Le ton sur lequel vous intervenez est en effet celui d'un donneur de leçons.
Vous opposez libertés et interdits, là est votre problème. Au début des débats, j'ai cru que pour vous et vos collègues, le juge était le garant des libertés, mais vous considérez maintenant que quand on fait appel au juge pour prendre des décisions, il n'est plus l'autorité adéquate.
Cet amendement va exactement dans le sens que vous avez dénoncé puisqu'il vise à permettre au juge d'intervenir directement auprès du fournisseur d'accès à Internet. Il me paraissait frappé au coin du bon sens parce que si les sanctions à l'encontre des internautes qui téléchargent illégalement sont tout à fait justifiées – que ce soit clair, madame la ministre : je soutiens votre texte avec ardeur –, elles ne peuvent constituer qu'un des volets de la lutte contre le piratage. En effet, l'internaute est en bout de chaîne mais, avant lui, il y a les hébergeurs et les fournisseurs d'accès. Je pense juste de donner au juge la possibilité d'intervenir directement si le dispositif établi par le projet de loi ne fonctionne pas de manière satisfaisante.
Je considérais qu'il y avait un juste équilibre à observer entre HADOPI et l'intervention du juge. Mais j'ai entendu les arguments développés par vous, madame la ministre, par les orateurs du groupe UMP, par le rapporteur au fond, mais aussi par celui de ma commission, qui, je dois le reconnaître, n'est pas favorable à cet amendement. Je tiens à lui rendre hommage pour sa franchise, et il a d'ailleurs voté contre en commission. Je le dis parce que je veux que les choses soient claires. Je suis pour une complète transparence.
Ces arguments touchent d'abord à la subsidiarité, évoquée notamment par M. Dionis du Séjour. J'aimerais donc, madame la ministre, que vous me garantissiez que l'article 5 tel qu'il est rédigé pourra s'appliquer directement aux FAI.
J'ai également bien compris la difficulté technique à mettre en oeuvre la suspension de l'accès à certains services sans supprimer les contenus licites. C'est l'argument qui m'a le plus troublé, compte tenu probablement de ma méconnaissance du système.
Monsieur Paul, je ne vous demande pas, à chaque fois que vous intervenez, quelle est votre conclusion. Souffrez que je termine mon intervention.
Votre impatience va finir par m'agacer parce que je suis bien obligé d'argumenter.
Si vous voulez que j'intervienne plus fréquemment dans le débat, je peux le faire, mais vous n'en serez peut-être pas aussi satisfait que vous en avez l'air.
C'est ça le débat parlementaire, monsieur le président de la commission des affaires économiques !
Vous, vous avez des arguments contrefaits, et vous essayez de prendre une posture au nom des libertés qui est totalement inacceptable ! J'entends bien que ce que vous dites, pour des personnes non averties, pour les jeunes présents dans les tribunes et qui ont envie d'utiliser Internet, puisse être reçu comme un argument qui porte parce que vous prétendez défendre la liberté. Mais nous, nous avons la prétention de défendre la société dans son ensemble, avec les valeurs qui sont les nôtres.
Il s'agit de mettre en place un certain nombre de dispositions qui, sans porter atteinte aux libertés, empêcheront les excès que nous considérons comme inacceptables eu égard à nos valeurs. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)
Madame la ministre, je suis conscient de la difficulté à mettre en oeuvre le dispositif et je comprends que mon amendement menace le principe de subsidiarité.
Je reconnais qu'il est excessif, mais si je l'ai déposé, c'est pour le soutenir. Après avoir entendu vos arguments, je vous indiquerai, ainsi qu'à M. Paul, ce que j'aurai décidé.
Derrière ces questions techniques, il y a un enjeu très politique et très concret : le devenir des sites qui vivent du piratage ou qui en sont les serveurs. Quelques exemples : beemotion.fr, qui a été fortement dénoncé par Luc Besson, ou encore Pirate Bay, qui fait actuellement l'objet d'un procès en Suède, avec un an de prison à la clef requis contre les responsables. Le juge est le bon interlocuteur – le président Ollier vient de le rappeler – pour traiter ces comportements graves. Il a d'ores et déjà le pouvoir de prendre des mesures très larges pour les faire cesser. Les deux textes le prévoient : l'article 6 de la loi pour la confiance dans l'économie numérique et le code de la propriété intellectuelle.
Concrètement, pour faire cesser les dommages, le juge a deux possibilités : frapper la source du mal, c'est-à-dire l'hébergeur, ou demander à celui qui achemine les données, à savoir le fournisseur d'accès à Internet, d'en suspendre l'accès. Il faut privilégier l'efficacité, même s'il est évidemment a priori logique de s'attaquer d'abord à la source. Mais, en matière de piratage, les hébergeurs se trouvent souvent à l'étranger, à l'instar de Pirate Bay. Le juge doit donc pouvoir s'adapter, et éventuellement s'adresser directement au FAI. C'est ce que vient de souligner la Cour de cassation, le 19 juin 2008, dans l'affaire AAARGH, qui concernait un site de vente d'objets nazis localisé à l'étranger. La Cour a jugé que, selon les circonstances – en l'espèce, le fait que le site soit hébergé à l'étranger –, le juge peut s'adresser directement au fournisseur d'accès à Internet.
Je ne pense pas opportun ce que va proposer Jean Dionis du Séjour dans ses amendements n°s 324 et 325 : il ne faut pas rigidifier la pratique du juge en introduisant la subsidiarité, c'est-à-dire l'obligation légale stricte de s'adresser d'abord à l'hébergeur, quelle que soit la situation. La Cour de cassation, je viens de le rappeler, a démenti une telle interprétation.
Il faut noter que le projet de loi introduit une garantit supplémentaire pour les opérateurs : la procédure devant le juge sera contradictoire dès le début, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui avec le régime de l'ordonnance sur requête que nous supprimons.
Dans le même esprit, il ne semble pas nécessaire comme le propose l'amendement n° 196 , que vient de présenter le président Ollier, de pointer en premier lieu les fournisseurs d'accès à Internet. Le juge doit pouvoir apprécier chaque situation au vu de toutes les circonstances de l'espèce, même si je vois bien que l'intention de la commission était de rechercher l'efficacité en pointant le fournisseur d'accès se trouvant sur le territoire national. Le texte du Gouvernement, tel qu'adopté par le Sénat, vise à l'efficacité sans privilégier ni les fournisseurs d'accès à Internet ni les hébergeurs. L'objectif, très louable, recherché par l'amendement n° 196 , est donc atteint, dans le respect du contradictoire. C'est pourquoi je suggère au président Ollier de le retirer.
Sincèrement, madame la ministre, les arguments que vous venez de développer correspondent exactement à mon attente. Je voulais être sûr qu'il en soit ainsi. Je reconnais publiquement que l'amendement impliquait trop directement les FAI. Ce que vous me dites sur le principe de subsidiarité parfaitement équilibré et la possibilité donnée au juge de viser les FAI si d'aventure l'action envers l'hébergeur ne suffisait pas – pour les sites basés à l'étranger qui m'inquiétaient particulièrement –, me rassure totalement.
Effectivement, j'ai confiance en mon Gouvernement, monsieur Paul, et je retire donc mon amendement.
Je suis étonné, monsieur Ollier, que vous vous en soyez pris ainsi à l'opposition, car j'ai développé exactement les mêmes arguments queJean Dionis du Séjour etLionel Tardy…
Ce n'est pas à l'opposition qu'il s'en est pris mais à votre attitude !
J'ai seulement donné des conseils à M. Ollier qui a pris cela pour des leçons ! En l'occurrence et pour parler de l'essentiel, je veux dire que nous avons confiance dans le juge. Nous avons d'ailleurs tellement confiance en lui que nous avons, à maintes reprises tout au long de l'examen de ce projet de loi, demandé que la responsabilité de l'interruption de la connexion à Internet soit confiée au juge et non à une autorité administrative indépendante, la mesure étant privative de liberté individuelle.
Donc nous avons confiance dans le juge, et nous ne souhaitons absolument pas supprimer son rôle essentiel dans cet article, bien au contraire ! Seulement, nous estimons que la rédaction actuelle de l'article 5 le place dans une situation de contrainte, avec une seule solution à sa disposition : imposer des mesures de filtrage à des FAI ou à des hébergeurs. Nous ne le voulons pas.
C'est la raison pour laquelle nous souhaitons introduire l'adjectif « proportionnées » après le mot « mesures » dans l'alinéa 2 de l'article 5. Ce n'est qu'un adjectif, monsieur le rapporteur, mais il est essentiel. Nous souhaitons qu'il soit écrit : « toutes mesures proportionnées ». Ce n'est rien un adjectif, et ça change tout. Il s'agit de faire en sorte que le juge puisse appliquer des dispositions en proportion du délit commis.
En cas de négationnisme, de racisme, d'antisémitisme, de pornographie, de pédophilie ou de terrorisme, la mesure de filtrage est la sanction qui s'impose ; elle est proportionnée. Pour tout le reste, et notamment ce qui touche à l'application du code de la propriété intellectuelle dont nous n'ignorons pas la complexité, laissons au juge le soin d'infliger une sanction qui soit proportionnée.
Ne créons pas une situation d'insécurité juridique pour les fournisseurs d'accès à Internet et les hébergeurs qui les conduise à se protéger de manière préventive par l'introduction des dispositions de filtrage.
J'espère vraiment vous avoir convaincu, monsieur le rapporteur : ce n'est qu'un adjectif, mais il essentiel. De plus, je le dis et le répète en dépit des affirmations de M. Ollier, nous sommes toutes et tous d'accord sur cet article. Encore faut-il écrire la loi dans un sens qui amène le juge à bien faire son travail, de manière juste.
Je voulais apporter quelques arguments supplémentaires au président de la commission des affaires économiques. À mon sens, il se pose un problème de compatibilité avec le droit européen, et notamment avec les directives sur ce sujet. Ces dernières sont très claires sur le fait qu'il est impossible d'imposer, même indirectement, aux FAI ou aux hébergeurs « une obligation générale de surveiller des informations qu'ils transmettent ou stockent, ni une obligation générale de rechercher des faits ou des circonstances relevant des activités illicites ».
Cet article visant explicitement les fournisseurs d'accès comme cible prioritaire de la justice, il va à l'encontre de ce principe de non-responsabilité des FAI. On peut juger cette règle contestable, mais c'est celle qui s'applique.
Mon amendement répond à la crainte que les FAI ne soient indirectement incitées à recourir au filtrage. Rien n'est imposé par la loi, mais, étant donné la pression judiciaire, on peut faire confiance à la SACEM notamment pour engager des poursuites. C'est ce qui risque d'arriver.
Nous en avons déjà parlé longuement à propos de la HADOPI, pour laquelle il fallait tout préciser d'une façon vraiment très détaillée ce qu'elle avait droit de faire ou pas.
Vous contestiez à la HADOPI et aux magistrats qui composaient la commission des droits la liberté de prendre la sanction en fonction de certains critères laissés à leur appréciation.
Dans le cas présent, pour le juge, c'est pareil : c'est évident que la sanction sera proportionnée !
Pourquoi dénier au juge la capacité de prendre la bonne sanction au bon moment ? Comme le président de la commission des affaires économiques l'a rappelé, vous n'avez cessé de répéter, pendant tous les débats, qu'il était nécessaire d'avoir recours au juge. Au moment où on lui donne les moyens de prendre des mesures susceptibles de faire cesser telle ou telle pratique, vous lui déniez la capacité de prendre la bonne décision ! Je crois qu'il faut laisser un maximum de liberté au juge pour qu'il prenne la bonne décision.
Défavorable. Les décisions d'un juge sont nécessairement proportionnées, puisque le principe de proportionnalité est inscrit dans la Constitution et dans le droit communautaire. Je ne crois pas du tout qu'il soit nécessaire de l'inclure.
Nous essayons de faire notre travail, et de le faire dans un esprit constructif.
Nous essayons de donner un peu de solidité juridique à votre texte sur un article 5 qui ne pose fondamentalement pas de problème, à partir du moment où les précisions nécessaires y sont apportées pour éviter toute méprise quant à son interprétation et à son application.
M. Tardy vient de vous rappeler que nous sommes dans un cadre où le droit communautaire est extrêmement précis.
Ce n'est pas le rapport Lambridinis, monsieur le rapporteur, qui n'a aucune portée juridique ! Nous avons là un cadre de droit communautaire extrêmement précis.
On l'a toujours dit ! Ne nous faites pas de procès d'intention ! De la même manière, nous avons dit que l'amendement n° 138 avait été voté par 88 % des eurodéputés.
Mes chers collègues, nous arrivons en fin de débat. Ne revenons pas sur des échanges précédents.
Nous sommes dans un cadre communautaire précis, et la Communauté européenne ne veut pas faire porter aux intermédiaires techniques une obligation de surveillance des réseaux dont ils ont la responsabilité. À partir du moment où vous ne mettez pas l'adjectif « proportionnées », vous induisez une obligation de surveillance, dite filtrage.
Nous saisirons le juge constitutionnel sur cet article 5, et, comme la norme communautaire est supérieure aux normes de notre droit interne, vous fragilisez inutilement cet article. Puisque nous sommes d'accord sur l'objectif recherché, si vous aviez accepté notre amendement, vous aviez toutes les garanties juridiques. C'est vraiment dommage que, par réaction et uniquement parce que cet amendement vient de l'opposition, vous n'assuriez pas cette solidité juridique nécessaire. C'est du sectarisme, monsieur le rapporteur ! Excusez le terme, mais il s'impose à ce moment précis de notre discussion.
Je suis saisi d'un amendement n° 324 .
La parole est à M. Jean Dionis du Séjour.
Je vais présenter deux amendements – nos 324 et 325 – qui ont la même philosophie. Le message, que je me permets d'adresser avec gravité, est le suivant : pour le moment, excluez le filtrage pour les délits de propriété intellectuelle. Excluez-le !
D'abord, les accords de l'Élysée ont été très clairs et notre collègue Christian Paul l'a rappelé. Ils indiquent que rien ne sera fait en ce sens en l'absence d'un ensemble d'expérimentations. Ensuite, vous avez un droit communautaire extrêmement précis. Pourquoi le modifier ? Cela ne servira qu'à envoyer un signal clair : dès lors, le juge pourra faire appliquer le filtrage en cas de délit relatif à la propriété intellectuelle. C'est extrêmement grave ! Je me permets de vous le dire.
Dans la LCEN, vous avez un article 6-1-3 qui est bien construit ; il prévoit l'irresponsabilité et l'obligation de retirer le contenu litigieux dès qu'il est signalé. L'article 8 donne au juge la possibilité d'orienter d'abord vers l'hébergeur, puis à défaut vers le FAI. Pourquoi toucher à ce dispositif ? Vous expliquez que le juge doit apprécier. Mais, madame la ministre, le juge est là pour dire le droit, pas pour le faire. Nous sommes là pour l'ordonner. Le sujet est extrêmement grave.
Vous vous appuyez sur une décision de la Cour de cassation concernant AAARGH, un site révisionniste hébergé à l'étranger. Il s'agit d'un cas ultralimite, remarquablement bien traité par la Cour de cassation. D'abord, elle a vérifié la subsidiarité. Ayant constaté l'impossibilité d'aller chercher l'hébergeur de ce site, elle a demandé au FAI d'intervenir. Entre nous soit dit, elle a rendu un jugement d'une remarquable inefficacité technique : des sites miroir et des proxy ont été créés par la suite.
Je vous en supplie, madame la ministre, ne faites pas cela ! Ce serait vraiment une faute. Les accords de l'Élysée ont relativement pacifié un sujet très conflictuel entre le monde des télécoms et celui de la culture. Vous détruisez cet équilibre en faveur de la culture ; vous allez remettre le feu dans ces rapports.
Je ne trouve pas les mots et je me sens un peu en butée, mais nous avons deux amendements. Le premier demande d'exclure les filtrages pour les délits relatifs à la propriété intellectuelle. En l'adoptant, vous respecterez les accords de l'Élysée et le droit communautaire, et vous éviterez de remettre le feu dans les relations entre les télécoms et la culture. Cela fait quand même beaucoup ! Si vous ne voulez pas de celui-là, nous avons l'amendement n° 325 qui propose d'au moins respecter l'esprit de la LCEN.
L'amendement cible de manière trop restrictive les personnes appelées à apporter leur concours à la cessation des actes de piratage. La version de l'article L. 336-2 du CPI est pragmatique et susceptible de s'adapter à l'évolution des acteurs de l'Internet. Il peut donc paraître vraiment paradoxal et même contre-productif, monsieur Dionis du Séjour, de revenir sur l'articulation entre le principe général de l'article 6 de la LCEN et le droit spécial de l'article L. 332-1 du CPI, repris dans le nouvel article L. 336-2.
Sur ce dernier point, la directive 2001 transposée par l'article L. 332-1 est exigeante. La précision contenue dans cet amendement serait de nature à la priver de son efficacité. C'est la raison pour laquelle elle serait contraire au droit communautaire.
Enfin, dans l'affaire « Aaargh », site nazi, la Cour de cassation a clairement considéré que le juge devait pouvoir adresser son injonction à l'intermédiaire technique dont l'intervention est la plus efficace dans les circonstances.
Défavorable. Je fais mienne la démonstration de Franck Riester. Il me semble en effet opportun que le juge puisse choisir de poursuivre, selon les circonstances, le fournisseur d'accès à l'Internet ou l'hébergeur.
Sur le rôle du juge, on passe vraiment d'un extrême à l'autre. On n'a cessé de refuser son intervention et, tout à coup, on veut lui donner un énorme pouvoir d'appréciation sur une matière particulièrement sensible. Considérez ce que vous proposez ! Vous qualifiez le filtrage pour les délits de propriété intellectuelle !
Gardez-vous en bien, madame la ministre, car ce serait très grave.
Aux termes du code de la propriété intellectuelle, je le rappelle, « la suspension, par tout moyen, du contenu d'un service de communication au public en ligne portant atteinte à l'un des droits de l'auteur, y compris en ordonnant de cesser de stocker ce contenu ou, à défaut, de cesser d'en permettre l'accès ». Si nécessaire, on appliquera donc le filtrage : quel besoin de supprimer cette subsidiarité de bon sens, qui met un peu d'ordre dans la hiérarchie ?
Vous confiez au juge la responsabilité de choisir entre le filtrage ou la poursuite de l'hébergeur. Premièrement, il n'a pas la culture technique pour cela ; deuxièmement, il subira une forte pression de la part des auteurs ou des ayants droit, qui l'inciteront à s'orienter directement vers la solution du filtrage. Ce serait donc une mesure très grave.
Vous devriez, madame la ministre, écouter Jean Dionis du Séjour, qui parle en connaissance de cause, avec conviction et du fond du coeur. Le site « Aaargh » est un site nazi et antisémite ; je le sais d'autant mieux qu'un habitant de ma circonscription a précisément subi de sa part des menaces à caractère antisémite. Dans ce cas, il faut évidemment tout faire pour mettre fin au site, car il menace la sécurité des personnes. Je pensais par ailleurs que la décision de la Cour de cassation avait été suivie d'effets ; or Jean Dionis du Séjour vient de nous dire que le site était réapparu sous une autre forme. De fait, depuis plusieurs années, il migrait vers différentes plateformes pour essayer d'échapper à une fermeture légale.
Comment comparer les mesures nécessaires prises contre ce type de sites avec le droit d'auteur ? Il y a une proportion dans le droit, qu'il nous revient d'ailleurs de marquer : pour que le juge puisse juger, il faut que le législateur ait défini un cadre. M. Dionis du Séjour a donc raison de défendre son amendement avec passion. On nous demande aujourd'hui d'étendre des dispositions prévues contre le négationnisme ou la pédophilie au droit d'auteur ; demain, on nous demandera de les étendre au droit de la presse !
Si ! De telles tentations ont déjà existé en matière de diffamation, et des poursuites sont en cours sur la question de savoir si un site doit ou non se prononcer a priori sur le caractère diffamatoire des propos qu'il met en ligne ; mais c'est précisément ce que les sites ne sont pas à même d'apprécier : pour cela, il faut un jugement.
Je conclus, monsieur le président.
Préservons la proportionnalité de la loi, sans tout mélanger : si l'on commence aujourd'hui avec les droits d'auteur, la même question se posera demain pour les droits de la presse.
(L'amendement n° 324 n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 295 .
La parole est à M. Patrick Bloche.
Le cas me semble désespéré, malgré les plaidoiries de Maître Dionis. Nous essayons, madame la ministre, de vous convaincre de respecter la norme communautaire et, par là même, de faire confiance au juge sans le placer dans une situation impossible, sous une pression continuelle qui le conduirait à faire porter sur les intermédiaires techniques une obligation de surveillance générale des réseaux. C'est ce contre quoi l'Union européenne s'est prononcée dès 2000, et la raison pour laquelle nous avons légiféré en 2004.
Si vous refusez cet amendement, c'est vraiment parce qu'il sera venu de l'opposition, car il ne vise qu'à rappeler le principe de subsidiarité tel qu'il figure dans le droit communautaire et la loi pour la confiance dans l'économie numérique. Selon ce principe, un juge peut prescrire d'abord aux hébergeurs éventuellement responsables et, à défaut, aux fournisseurs d'accès à l'Internet, toute mesure propre à prévenir ou à faire cesser un dommage occasionné par le contenu d'un service de communication au public en ligne. Ce principe, qu'il me paraît essentiel de rappeler à ce moment du débat, est défini au I, alinéa 8, de l'article 6 de la de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004.
Ne plaçons pas, je le répète, les intermédiaires techniques dans une logique qui les conduirait à filtrer les contenus qu'ils hébergent ou auxquels ils donnent accès.
Défavorable, pour des raisons déjà évoquées. L'amendement créerait une irresponsabilité très grande, voire totale, des FAI. La subsidiarité prévue par la loi de confiance dans l'économie numérique s'appliquera ; pour autant, il ne faut pas se priver de la possibilité d'enjoindre le FAI à couper le lien entre ses abonnés et des sites au contenu illégal,…
Défavorable, pour les mêmes raisons que la commission. J'ajoute que la loi de confiance dans l'économie numérique a une portée générale ; or nous discutons d'un texte spécifiquement dédié à la défense du droit d'auteur.
Nous sommes tous attachés au droit d'auteur et au code de la propriété intellectuelle ; mais il y a quand même des limites à tout. Vous considérez que le terrorisme, la pédophilie, la pornographie, le négationnisme, le racisme ou l'antisémitisme ne sont pas plus graves qu'une violation du droit d'auteur.
Le président Ollier faisait allusion à sa vision de la société, qui serait différente de la nôtre ; soit.
Toute société comporte une échelle de valeurs. Dieu sait si je suis attaché au droit d'auteur et aux droits voisins ; Dieu sait si je considère que les ayants droit doivent défendre leurs droits, comme le leur permet fort heureusement le code de la propriété intellectuelle depuis deux siècles ; mais, dans un projet de loi prétendument pédagogique, casser toute échelle de valeurs et expliquer, notamment aux plus jeunes de nos concitoyens, qu'un téléchargement illégal est assimilable à un acte terroriste, un propos raciste ou antisémite, ou encore à la diffusion d'images pornographiques ou pédophiles,…
…revient à ruiner l'objectif pédagogique affiché. Or c'est ce que vous êtes en train de faire en refusant d'amender l'article 5.
(L'amendement n° 295 n'est pas adopté.)
Le débat devient un peu désespéré.
Nous n'aurions pas dû avoir à déposer un tel amendement.
Nous sommes malheureusement obligés de le faire car, comme l'ont montré les interventions de M. le rapporteur et de Mme la ministre, le texte s'écarte de l'article 6 de la loi de confiance dans l'économie numérique. C'est bien cela qui est inquiétant, tant il est fondamental à nos yeux de respecter le cadre défini par cet article, selon lequel les fournisseurs d'accès à l'Internet ou les hébergeurs « ne sont pas soumis à une obligation générale de surveiller les informations qu'ils transmettent ou stockent, ni à une obligation générale de rechercher des faits ou des circonstances révélant des activités illicites ».
Je rappelle par ailleurs qu'aux termes de l'article L. 32-3-3 du code des postes et des communications électroniques, les personnes qui exercent une surveillance deviennent responsables du contenu qu'elles ont surveillé. Autrement dit, un fournisseur d'accès à l'Internet qui laisserait circuler des contenus qu'il est censé filtrer sera responsable du délit et, à ce titre, passible de poursuites. Les délits liés aux propos racistes ou antisémites ne sont déjà pas faciles à juger, la justice ne donnant pas toujours raison aux plaignants ; or ce problème se posera même pour le droit d'auteur, non pas systématiquement mais parfois.
Il peut y avoir des conflits, cela arrive, même si c'est exceptionnel. Selon votre dispositif, dès lors qu'un ayant droit se plaindra d'une atteinte au droit d'auteur, le juge pourra d'emblée obliger le fournisseur d'accès à couper l'accès au site incriminé. Or la loi pour la confiance dans l'économie numérique prévoit un ordre précis : d'abord l'éditeur, puis l'hébergeur et, en dernier ressort, le fournisseur d'accès.
C'est le juge qui appréciera !
Je conclus, monsieur le président.
La loi ne prévoit pas une telle responsabilité, pour le fournisseur d'accès, au sujet du terrorisme, du négationnisme, de l'appel à la haine raciale ou de la pédophilie, délits pourtant bien plus graves que l'atteinte au droit d'auteur. Même si celle-ci est en effet condamnable, on n'est assurément pas dans la même échelle de valeurs, comme l'ont souligné Patrick Bloche et Jean Dionis du Séjour.
La parole est à M. Jean Dionis du Séjour, pour défendre l'amendement n° 325 .
Pour prolonger l'intervention de Martine Billard, je rappellerai une petite page de l'histoire parlementaire. À deux reprises, lors de l'examen du projet de loi pour la confiance dans l'économie numérique, certains collègues ont défendu l'idée que vous proposez pour un certain nombre de délits très graves – révisionnisme, appel à la haine racial ou révisionnisme – ; à deux reprises, l'Assemblée a voté cette disposition, qui fut finalement écartée en CMP à la demande expresse du Gouvernement – c'est Patrick Devedjan qui était alors à votre place, madame la ministre.
Ce que nous n'avons pas accepté pour les crimes de révisionnisme, de pédophilie ou d'appel à la haine raciale, vous le faites aujourd'hui pour les délits d'atteinte à la propriété intellectuelle. Avez-vous conscience du symbole que cela représente ? En fait, vous satisfaites une revendication des auteurs et des ayants droit. Nous avons tous un profond respect pour eux : certains d'entre eux sont des champions nationaux. Mais, avec cette mesure, vous n'allez pas leur rendre service. Non seulement vous fomentez une grave polémique entre le monde des télécoms et celui la culture, mais vous créez des contentieux : chaque fois que le juge ira directement aux FAI, les parties prenantes auront beau jeu de dire que la LCEN vous oblige à la subsidiarité. Vous êtes en train de créer un droit contradictoire, avec une loi générale comme la LCEN et un droit spécifique pour la propriété intellectuelle. On nage en pleine confusion. Je recommande donc à mes collègues de bien réfléchir à ce qu'ils vont faire : pour la deuxième fois, le texte bascule. Et tout cela pour envoyer un signal au monde de la culture, qui s'impatiente et veut que le juge puisse aller chercher directement le FAI !
Nous ne disons pas qu'il faut aller chercher directement le FAI, mon cher collègue, mais qu'il faut aller le chercher si l'on ne peut pas trouver l'hébergeur.
Non, l'article 5 permet de laisser au juge sa faculté d'appréciation souveraine. C'est tout. Et cessez de dire que, chaque fois que nous proposons quelque chose, chaque fois que nous défendons un article de ce projet de loi, c'est parce que nous sommes influencés par les auteurs, les interprètes ou les ayants droit. Je ne vous dis pas, quand vous défendez un amendement, que ce sont les fournisseurs d'accès à internet qui vous l'ont soufflé. Nous sommes tous ici des députés de la nation. Nous avons tous notre libre arbitre. Nous défendons tous nos convictions. Cessez de dire que nous sommes influencés par tel ou tel lobby.
Avis défavorable. Franck Riester vient de l'expliquer, il s'agit de laisser au juge toute latitude d'apprécier quelle est l'action la plus efficace. Nous nous fondons cependant sur une jurisprudence de la Cour de cassation, établie par un considérant de droit positif.
L'article L. 335-12 du code de la propriété intellectuel se contente de poser le principe d'une obligation de surveillance d'un accès à internet contre tout acte de piraterie. On nous propose de réécrire cet article, sous la forme de l'article L. 336-3, à l'article 6 du présent projet de loi. Le dispositif serait donc élargi avec une obligation de sanction et des clauses d'exonération.
Nous avons déjà abordé cette question à l'article 2, à propos de la procédure de sanction de la HADOPI. Il ne s'agit pas de sanctionner la mise à disposition d'oeuvres protégées par le droit d'auteur ou les droits voisins, ni le téléchargement illégal en tant que tel ; il s'agit de sanctionner l'absence de surveillance de la connexion à Internet qui aurait permis ces actes de téléchargement illégal. Le lien entre le téléchargement illégal et la sanction est donc indirect, ce qui nous paraît très grave, car on ne respecte pas ici un principe général du droit, fondateur de l'état de droit : le principe de l'imputabilité de la faute.
Dans sa rédaction actuelle, l'article 6 viole même le principe de la personnalité des délits et des peines. Un père de famille – celui-là même qui a souvent été appelé à la rescousse dans nos débats – risquerait donc d'être sanctionné à la place d'un autre, qui aurait téléchargé illégalement une oeuvre protégée : l'un de ses enfants, son voisin qui se serait connecté à son réseau wifi ou toute autre personne ayant usurpé son adresse IP. Il ne serait pourtant complice ni directement ni indirectement de l'acte qu'on lui reprocherait.
L'internaute aura les plus grandes difficultés à prouver sa bonne foi, puisque l'on ne part pas du principe, lui aussi fondateur de notre état de droit, de la présomption d'innocence, mais du principe contraire, celui de la présomption de culpabilité – qui, dans ce projet de loi, fait de tous les internautes des suspects en puissance. Comment l'abonné pourra-t-il prouver qu'il n'a pas téléchargé une oeuvre protégée ? Mme la ministre a suggéré qu'il pourrait prendre son disque dur sous le bras et l'apporter à la HADOPI. Notre collègue Gagnaire nous a mis en garde : il ne faut pas confondre le disque dur avec le circuit d'alimentation de l'ordinateur. Quand bien même l'internaute se pliera à cette procédure, cela ne prouvera rien.
Autre problème : l'abonné pourra être exonéré s'il a mis en oeuvre un des moyens de sécurisation, mais lui demandera-t-on de prouver que ces moyens étaient activés au moment du délit ?
Enfin, pourquoi l'abonné ne serait-il puni du défaut de surveillance de sa connexion que si cela a permis le téléchargement illégal d'oeuvres protégées, et non des échanges autrement plus graves ? Madame la ministre, nous reprenons ici une préoccupation que vous avez exprimée à propos des parents qui doivent protéger leurs enfants du visionnage de contenus pornographiques ou les empêcher d'être entraînés dans un réseau pédophile.
Ces questions sont posées, auxquelles il n'est pas apporté de réponses. Une fois de plus, un article du projet de loi place l'internaute dans une grande insécurité juridique.
La parole est à Mme Martine Billard, pour soutenir l'amendement n° 416 .
Les procédures fondées sur des relevés d'adresses IP ayant montré qu'elles manquaient de fiabilité pour établir le délit de contrefaçon, vous avez décidé, madame la ministre, de contourner la difficulté en inventant une nouvelle infraction, le défaut de sécurisation de connexion à Internet.
Malheureusement, en informatique, la notion de sécurité est à géométrie variable : l'évolution constante de la technologie fait qu'il ne peut y avoir de sécurité absolue. Nous demandons donc à des consommateurs de réaliser ce que des spécialistes sont incapables d'obtenir.
Vous dites ensuite que la HADOPI va établir la liste des moyens de sécurisation. Les choses évoluant très vite, la HADOPI va avoir beaucoup de travail pour être à jour en permanence.
Si je les repose, c'est que vous n'y avez pas répondu !
Les outils recommandés par la HADOPI seront-ils compatibles avec les principes fondamentaux du logiciel libre ? N'y aura-t-il pas des problèmes de compatibilité entre un logiciel de sécurisation validé par la HADOPI et un ordinateur fonctionnant entièrement avec des logiciels libres ?
L'un de vos conseillers, madame la ministre, a déclaré lors d'un débat public que ces moyens de sécurisation pourraient prendre la forme d'un dispositif implanté dans la carte mère et que, au cas où il serait désactivé, la HADOPI en serait informée. Madame la ministre, reprenez-vous cette proposition à votre compte ? Pensez-vous que c'est ainsi que devront fonctionner les logiciels de sécurisation ? Cela signifierait que tout ordinateur sera constamment sous surveillance et que son utilisateur, même s'il ne commet aucun délit de téléchargement illégal, même s'il ne pratique pas le téléchargement d'oeuvres culturelles, pourra être mis en cause s'il a désactivé le logiciel de sécurisation implanté dans la carte mère.
Vous le voyez, ces questions sont très concrètes. À ce stade du débat, il serait bon que nous puissions obtenir des réponses précises : en cas de contentieux, le compte rendu de nos débats pourrait éclairer les juges, qui se prononceraient ainsi en toute connaissance de cause. Votre silence laisserait la porte ouverte à toutes les interprétations.
Il serait inopportun de supprimer l'article 6 qui contient le fondement juridique sur lequel repose le processus administratif que nous vous proposons, l'obligation de surveillance d'un accès à Internet. Des exonérations de responsabilité sont prévues de manière très claire : en cas d'utilisation frauduleuse de la connexion à Internet – par exemple, madame Billard, par usurpation de l'accès –, en cas de mise en place de moyens techniques de sécurisation reconnus efficaces par la HADOPI, selon des spécifications précises qui laisseront toute possibilité au logiciel libre de s'exprimer, ou en cas de force majeure. Cet article du projet de loi permet donc au législateur d'apporter des précisions importantes. Sa suppression remettrait en cause tout le texte, qui vise d'abord à faire de la pédagogie, à lancer des avertissements, à envoyer des courriels avant toute sanction.
Le fondement juridique n'est plus seulement le délit de contrefaçon, mais le manquement éventuel de la part d'un abonné à son obligation de surveillance de son accès à Internet. Nous aurons ainsi une réponse bien plus adaptée au téléchargement illégal, qui mine nos filières industrielles culturelles.
La base de ce projet de loi est l'obligation de surveillance de l'accès à Internet à la charge de l'abonné. Il s'agit bien de la responsabilité de l'abonné, et non de celle du téléchargeur illégal. Ainsi, les parents, qui sont titulaires de l'abonnement, pourront être avertis ou sanctionnés pour des actes commis par leurs enfants. C'est un choix que nous assumons pleinement. D'abord, il semble naturel qu'il incombe aux parents de relayer au sein du foyer la pédagogie exercée à leur égard par les pouvoirs publics dans le cas de la réponse graduée. De fait, la responsabilité de l'abonné existe déjà. En outre, un tel dispositif connaît de nombreux précédents dans notre droit. C'est, par exemple, le cas en matière d'infractions routières. Le titulaire du certificat d'immatriculation est redevable de l'amende, même s'il n'est pas lui-même l'auteur d'un excès de vitesse, dans la mesure où il commet un défaut de surveillance de son véhicule ou de l'usage qui en est fait.
Sur le fait que l'on pourrait désactiver le logiciel de sécurisation, le propre de ce type de logiciel est d'être en lien direct avec le fournisseur d'accès à Internet, qui en garderait la trace. Et, lors d'une procédure contentieuse, ces éléments seraient portés à la connaissance de l'HADOPI.
Après l'article 5, l'article 6 : ensuite, nous lèverons le pied, monsieur le président, je vous rassure !
Comme tout président qui a pour mission d'aller jusqu'au bout de la séance !
Il ne s'agit pas de ralentir nos débats, mais l'article 6, comme le précédent, est lourd de conséquences.
Bien sûr, Mme la ministre et M. le rapporteur nous ont expliqué que l'HADOPI était basée sur le fait qu'il ne s'agissait pas de sanctionner le téléchargement illégal, mais le manque de surveillance et de sécurisation de sa connexion Internet. Nous ne le contestons pas. Reste que de nombreuses questions, très précises, se posent. Je voudrais faire référence à deux mails que j'ai reçus, qui m'interpellent et qui concernent tous deux le monde de la recherche, grand utilisateur de logiciels libres, qui, du fait de ces dispositions, est particulièrement inquiet et se sent en insécurité.
Permettez-moi de citer ces mails : « En ces temps de discussion à propos d'une réforme de la recherche en France, il me semble regrettable de fabriquer une loi qui pourrait potentiellement mettre de nombreux chercheurs dans une totale insécurité juridique.
« En effet (…) de nombreux chercheurs sont utilisateurs de logiciels libres, or la majorité des logiciels libres s'obtiennent via des protocoles peer to peer. Cela place non seulement les chercheurs, mais également tous les utilisateurs de logiciels libres dans une double insécurité. À la fois au sujet de l'outil de sécurisation » – c'est ce dont nous parlons actuellement – « mais également sur les moyens de se procurer les logiciels libres.
« Pour en revenir à la recherche à proprement parler et non uniquement les moyens de la recherche, de nombreuses équipes francophones travaillent sur les protocoles peer to peer. Il serait, à mon sens, opportun d'amener cette réflexion au sein de l'hémicycle. »
Voilà qui est fait, cher internaute chercheur !
Je terminerai en citant le second mail que j'ai reçu : « Comme de nombreuses universités et écoles d'ingénieurs, nous hébergeons une partie de nos étudiants dans des résidences étudiantes – non affiliées au CROUS – dont nous assurons entièrement la gestion. À ce titre, nous mettons à disposition de chacun de nos étudiants hébergés – plus d'un millier dans le cas de l'INSA – un accès gratuit au réseau Internet.
« Cet accès à Internet est effectué directement via le réseau RENATER – le réseau national de télécommunications pour la technologie, l'enseignement et la recherche – auquel plus de 1 000 établissements ayant une activité dans les domaines de la recherche, de la technologie et de l'enseignement sont raccordés. Nous avons par conséquent un rôle de FAI auprès de nos étudiants, bien qu'aucun contrat ne soit établi et que l'accès soit fourni à titre gracieux.
« Ma question est donc la suivante : les établissements d'enseignement supérieur offrant un accès à Internet aux étudiants qu'ils hébergent dans des résidences dont ils ont la gestion doivent-ils se sentir concernés par les dispositions concernant les FAI prévues dans le projet de loi ? »
Voilà les questions qui nous sont posées continuellement et qui démontrent une nouvelle fois, avec l'article 6, que l'on se trouve face à une insécurité juridique qui touche non seulement l'internaute en tant que personne physique – et nous reviendrons dans un instant sur les personnes morales –, mais plus largement tous ceux qui, notamment dans des réseaux de recherche ou d'enseignement, utilisent des protocoles peer to peer et, de ce fait, les logiciels libres.
Je me réjouis que Mme la ministre ait enfin répondu concrètement à une question que j'avais déjà posée à de nombreuses reprises. Vous voyez, monsieur le rapporteur, qu'il est utile de répéter les questions ! Cela étant, la réponse est très inquiétante. Je pense qu'elle intéressera beaucoup M. Dionis du Séjour.
Mme la ministre a confirmé qu'il y aura obligation d'avoir un dispositif sur son ordinateur – sur la carte-mère –, lequel devra être activé et sera en lien direct avec le fournisseur d'accès qui en gardera la trace. Autrement dit, l'ensemble des ordinateurs de notre pays sera sous la surveillance directe des fournisseurs d'accès. C'est ce que vient de nous confirmer Mme la ministre !
Je n'ai jamais dit cela !
C'est Big Brother ! Votre fournisseur d'accès est en lien avec votre ordinateur pour vous envoyer vos mises à jour. Mais vous pouvez refuser : il suffit de cliquer sur les paramètres. Ainsi, vous refusez les mises à jour et il y a peu d'intrusions de la part de votre fournisseur d'accès. Vous pouvez d'ailleurs avoir un FAI qui soit un fournisseur d'accès en logiciels libres et qui n'a pas les mêmes pratiques. Vous pouvez, à tout moment, paramétrer vos ordinateurs afin de ne pas avoir les mises à jour en ligne, ou du moins pour pouvoir les contrôler et qu'elles ne soient donc pas installées automatiquement. C'est votre droit le plus strict.
Or la réponse de Mme la ministre signifie que vous n'aurez plus aucun contrôle sur votre machine. Dorénavant, tout fournisseur d'accès à Internet avec lequel vous aurez souscrit un abonnement aura directement la maîtrise de votre ordinateur.
C'est grave, madame la ministre, car nous passons dans une autre dimension. Nous sommes en France, dans un pays démocratique. Je suis navrée de vous le dire, mais il n'y a qu'en Chine que l'on essaie de contrôler tous les ordinateurs du pays ! Jusqu'à présent, il ne peut y avoir de contrôle que dans le cadre d'une procédure judiciaire, s'agissant de terrorisme par exemple. Ce n'est pas une société commerciale de droit privé qui peut avoir le droit de surveiller votre ordinateur ! Je me demande si vous vous rendez compte de ce que cela implique, madame la ministre ! Visiblement, cela fait rire votre équipe. D'ailleurs, votre conseiller l'avait assumé puisqu'il l'a dit publiquement au cours d'un débat.
J'appelle l'attention de tous nos collègues et de tous ceux qui écoutent notre débat en ce moment sur Internet, sur l'importance de la réponse de Mme la ministre, car elle représente une atteinte aux libertés publiques.
(Les amendements identiques nos 296 et 416 ne sont pas adoptés.)
Je suis saisi d'un amendement n° 297 .
La parole est à M. Patrick Bloche.
Nous souhaitons que les entreprises, les collectivités territoriales, les universités, bref, toutes les personnes morales ne soient pas soumises à vos funestes dispositions, lesquelles se limiteraient aux personnes physiques. Nous pensons notamment aux collectivités territoriales et nous faisons appel à l'esprit de responsabilité du maire de Coulommiers…
…mais aussi aux universités qui mettent à disposition du public des réseaux Wi-Fi, par nature ouverts.
Martine Billard, Serge Blisko et moi-même sommes tous trois députés de Paris, et nous pouvons vous dire qu'il y a 400 points d'accès Wi-Fi dans la capitale.
Certes, mais comme nous sommes des élus de la nation, je précise qu'il y a près d'un million de points d'accès gratuit en France, que ce soit dans les mairies – comme sans doute à Coulommiers ! –, les administrations, les hôpitaux, les lycées, les résidences universitaires, les gares, les aéroports, les hôtels, etc. Aujourd'hui, nombre de nos concitoyens se connectent à Internet dans une bibliothèque municipale ou dans un jardin public, sans qu'il soit possible pour la personne publique de vérifier l'usage qui est fait de la ligne.
En ce qui concerne un autre type de personne morale, comme l'entreprise, la CNIL, que nous avons souvent invoquée ici, a fait part de ses inquiétudes quant au risque que les chefs d'entreprise mettent en place, pour se protéger, un système de surveillance généralisé, donc individualisé, de leurs employés, l'employeur ayant obligation de surveiller sa ligne Internet. C'est l'occasion pour nous de pointer à nouveau les conséquences dommageables tant sur le plan économique que social de la suspension de l'abonnement à Internet dans une entreprise ou dans une collectivité locale en cas d'usage jugé illicite. Pour toutes ces raisons, notre amendement propose d'exclure les personnes morales de l'obligation de surveillance de leur accès Internet, et donc des sanctions possibles via l'HADOPI. Nous estimons que ces dispositions sont essentielles, notamment pour assurer et sécuriser un certain nombre d'activités économiques de notre pays – pour ne pas dire toutes !
Défavorable.
Nous avons longuement évoqué ces questions durant le débat. Il est évident qu'il faut tenir compte de l'usage que feront les titulaires de leur accès à Internet. L'HADOPI aura toute connaissance de ces usages et pourra prendre la sanction la plus adaptée. Il est impossible d'exclure a priori les personnes morales ou de préciser que seules les personnes physiques sont soumises au dispositif. Les personnes morales auront à veiller à ce que l'accès Internet qu'ils mettent à disposition d'un grand nombre d'internautes soit sécurisé. L'accès Wi-Fi qui est, à partir de cette année, disponible à la Foire internationale aux fromages et aux vins de Coulommiers (Sourires), ville à laquelle vous avez fait référence, monsieur Bloche, sera sécurisé !
Tout à l'heure, j'ai invité seulement M. Bloche, M. Paul et M. Roy à l'inauguration de cette foire demain, à dix heures, mais je profite de cette occasion pour inviter tous nos collègues, Mme la ministre ainsi que M. le président !
Cette question a déjà été débattue. Les personnes morales assurent aussi une responsabilité dans la lutte contre le piratage. Elles peuvent user de mesures de sécurisation, comme les logiciels pare-feu. Je me félicite d'apprendre que le maire de Coulommiers a sécurisé l'accès Wi-Fi…
(L'amendement n° 297 n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 417 .
La parole est à Mme Martine Billard.
L'alinéa 4 prévoit les cas où la responsabilité du titulaire de l'accès ne peut être retenue. Notre amendement propose d'ajouter le cas où le titulaire de l'accès ne procède jamais à des téléchargements d'oeuvres ou d'objets protégés par un droit d'auteur ou par un droit voisin sans l'autorisation des titulaires des droits.
J'estime qu'il est abusif d'obliger des personnes qui ne pratiquent jamais le téléchargement à sécuriser leur connexion Internet. On ne devrait pas pouvoir les mettre en cause. Il y a des limites à ce que l'on peut exiger !
Défavorable.
On ne contraindra les titulaires à sécuriser leur accès à Internet que s'ils ont téléchargé illégalement. Ils recevront des avertissements, si tant est qu'ils ne téléchargeaient pas précédemment. Si l'on s'aperçoit que quelqu'un télécharge illégalement sur leur accès Internet, ils auront tout le temps de le sécuriser après les multiples avertissements qu'ils auront reçus.
Défavorable, pour les mêmes raisons que celles évoquées par le rapporteur.
Le problème est que cela ne fonctionne pas comme cela. Au cas où la connexion Internet d'un abonné est piratée et utilisée pour des téléchargements illégaux sans qu'il puisse s'en rendre compte, c'est lui qui sera responsable, alors qu'il ne télécharge lui-même jamais illégalement.
Et je ne parle même pas des membres de sa famille, mais seulement du piratage de sa ligne depuis l'extérieur.
Enfin, je rappelle à Mme la ministre, qui affirmait tout à l'heure qu'il était « naturel » que les parents soient responsables, qu'en droit français, ce sont les enfants qui sont responsables de leurs actes lorsqu'ils sont majeurs. Vous créez donc une responsabilité collective...
… qui n'existe pas dans le droit français et n'y a été introduite que par les lois Pasqua.
Je suis saisi d'un amendement de précision, n° 88, de la commission, qui fait l'objet d'un avis favorable du Gouvernement.
(L'amendement n° 88 est adopté.)
Cet amendement est important. Mon activité professionnelle me permet d'affirmer que l'on continue souvent à utiliser des configurations anciennes lorsqu'elles donnent pleinement satisfaction.
L'obligation de sécurité ne doit pas contraindre les utilisateurs concernés à changer leur configuration logicielle ou matérielle, ce qui occasionnerait des frais importants : en informatique, on le sait, la modification d'un élément appartenant à un ensemble peut entraîner un « effet domino ».
Je propose donc que ceux qui établiront la liste des moyens de sécurisation soient tenus de prendre en considération des configurations datant de plus de quelques années, afin de ne pas se faire complices des grandes entreprises d'informatique, jamais à court d'idées lorsqu'il s'agit d'obliger les consommateurs à modifier leur configuration.
C'est essentiel, notamment pour les entreprises, en particulier celles qui ne peuvent installer une nouvelle version de leur logiciel puisque celle-ci n'existe pas. Ces entreprises ne doivent pas être contraintes à une opération matériellement irréalisable ou qui leur coûterait un prix exorbitant pour ne leur apporter aucune fonctionnalité supplémentaire.
Chacun l'a constaté tout au long du débat : il nous arrive de lever quelques lièvres – si je puis m'exprimer ainsi, monsieur le rapporteur. Or le débat n'est pas terminé et contient encore quelques bombes à retardement. Je vous vois acquiescer, monsieur Tardy, vous qui avez comme nous tenté de le déminer, mais qui, comme nous également, avez parfois eu du mal à vous faire entendre.
Je souhaite aborder sous deux formes une question qui aurait pu être traitée à l'article 6.
Tout d'abord, il peut arriver que des internautes soient titulaires de plusieurs abonnements auprès de fournisseurs d'accès différents. On peut ainsi avoir plusieurs ordinateurs et plusieurs connexions, y compris dans un même logement et a fortiori au sein d'une même entreprise. Or ni M. le rapporteur ni Mme la ministre ne nous ont expliqué ce qui se passerait pour le second fournisseur d'accès si l'HADOPI allait, conformément à sa logique, jusqu'à couper la connexion fournie par le premier. Quand la connexion au premier fournisseur d'accès est coupée, celui-ci doit-il en informer simultanément tous les autres ? Dans le cas contraire, il suffirait de disposer de deux connexions, auprès de deux fournisseurs d'accès différents, pour jouir d'une impunité totale à l'égard du dispositif que vous voulez instaurer, et dont nous sommes tenus d'étudier les conséquences même si nous ne l'approuvons pas.
On peut également disposer, d'une part, d'une connexion ADSL sur un ordinateur domestique, et, d'autre part, d'un objet nomade – téléphone ou smartphone – bénéficiant d'une connexion 3G+, qui permet de recevoir des contenus culturels, notamment musicaux, d'aller sur des sites de streaming ou de télécharger. Que se passe-t-il si la connexion auprès de l'opérateur historique, par exemple – accordons-lui un instant de publicité –, est coupée ? La connexion 3G+, le triple play et la connexion haut débit seront-ils simultanément supprimés ?
Ce problème va très rapidement devenir essentiel à la pratique de l'HADOPI. De deux choses l'une : soit vous l'avez prévu, auquel cas vous devez nous l'expliquer ; soit j'annonce modestement ce soir que l'efficacité de l'HADOPI a pris fin avant même que cette haute autorité ne soit créée. Voilà un cas pratique très concret, monsieur le rapporteur.
Je n'imagine pas que vous ne connaissiez pas déjà la réponse, monsieur Paul, vous qui posez toujours des questions si précises et avez très rigoureusement étudié le texte. On pourrait même dire qu'il vous arrive de pinailler sur certains termes ou certains sujets.
La suspension procède par abonnement. Si l'abonnement d'un internaute est suspendu, l'HADOPI ne demandera naturellement pas la suspension de tous les abonnements susceptibles de lui être rattachés. Seul un abonnement à un FAI est concerné.
La parole est à M. Jean Dionis du Séjour, pour défendre l'amendement n° 326 .
La parole est à Mme Martine Billard, pour défendre l'amendement n° 418 deuxième rectification.
La question soulevée par notre collègue Christian Paul est fort pertinente, et la réponse du rapporteur n'est pas tout à fait efficace.
J'ai le droit de donner mon point de vue, comme vous avez le droit de juger que je me trompe.
Pourquoi, monsieur le rapporteur, avez-vous défendu tout à l'heure des amendements tendant à permettre aux fournisseurs d'accès de vérifier que la connexion d'un nouvel abonné n'avait pas été précédemment suspendue ? Vous vous contredisez maintenant en affirmant que le sort de l'abonnement souscrit chez un premier fournisseur ne concerne pas le second.
Prenons le problème à l'envers : en tant que députés, nous avons souvent deux abonnements, l'un, privé, à domicile, l'autre en circonscription. Nous pouvons donc avoir deux fournisseurs d'accès ou bien deux connexions différentes, avec deux abonnements différents, chez un même fournisseur. Dans ce cas, la suspension concerne-t-elle les deux abonnements ou le seul abonnement correspondant à la connexion que l'on est soupçonné d'avoir utilisée pour télécharger ?
Enfin, cet amendement est important car, comme l'a dit M. Tardy, les matériels et les logiciels évoluent très vite ; or, de mémoire – M. le rapporteur rectifiera au besoin –, dans les entreprises, le délai d'amortissement d'un ordinateur est aujourd'hui de trois ans.
Deux ans, soit ; les entreprises ne changeront pas plus vite leur matériel, et celui des très petites entreprises est évidemment bien plus ancien.
Il en va de même chez les particuliers, qui ne changeront pas non plus leur matériel tant que celui-ci fonctionnera.
Les mises à jour de logiciels posent déjà des problèmes : des particuliers ou des entreprises disposent d'un système d'exploitation qui n'est plus commercialisé, pour lequel il n'existe donc plus de mises à jour et qui peut entrer en contradiction avec d'autres logiciels. Cette situation est très fréquente. Il arrive également que soient mis sur le marché des systèmes d'exploitation qui fonctionnent très mal – nous en avons eu un exemple fameux ces dernières années.
L'amendement aux termes duquel l'abonné ne peut être mis en cause si aucun moyen de sécurisation adapté à la configuration qu'il utilise n'est disponible est donc fondamental.
S'il y a un seul FAI, tout dépend de l'adresse IP. Si vous avez un abonnement à Paris et un autre en circonscription, c'est donc l'abonnement rattaché à l'adresse IP concernée qui sera surveillé et fera le cas échéant l'objet d'un avertissement, d'une sanction ou d'une suspension.
Je m'associe entièrement à cette réponse. J'ajoute que les particuliers souscrivant plusieurs abonnements auprès de plusieurs fournisseurs d'accès doivent être très peu nombreux. (Rires sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Je suis saisi d'un amendement de précision, n° 89, de la commission, qui fait l'objet d'un avis favorable du Gouvernement.
(L'amendement n° 89 est adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 300 .
La parole est à M. Christian Paul.
Nous avons constaté tout au long du débat qu'il existait de nombreux moyens techniques de contourner la loi ; nous venons d'en découvrir un, que personne n'a nié.
Mais nous découvrons également, à la lecture du texte, des moyens de contournement non techniques. Permettez-moi d'en suggérer un, sans inciter au délit. Je faisais part à l'instant à Patrick Bloche, en vous écoutant, d'une idée très simple : il suffirait de résilier son premier abonnement après le second avertissement et d'en contracter un nouveau pour recommencer à télécharger pendant plusieurs mois, et ainsi de suite.
Que de mauvaises intentions !
Il ne s'agit pas de mauvaises intentions, mais d'une future pratique de masse ! Avec cette loi pleine de trous, vous êtes en train de réinventer le gruyère, madame la ministre ! (Rires sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Nous avions une indigestion de Coulommiers, j'ai voulu passer au gruyère !
C'est un peu comme si l'on disait que l'on rachète une voiture chaque fois que l'on a une contravention !
… mais nous a donné des exemples de techniques de contournement de la loi.
Il est d'ailleurs assez stupéfiant, sinon amusant, que M. Paul se mette à lire le texte et en découvre des aspects nouveaux une heure ou deux avant que nous n'en achevions l'examen. On se demande ce qu'il faisait auparavant ! (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Défavorable également.
Je reprendrai la remarque de M. Gérard : vous parlez comme si on rachetait une voiture chaque fois qu'on avait une contravention ! (Rires sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Le prix n'est pas le même, et on ne peut conduire qu'une voiture à la fois !
Christian Paul a décelé une faille supplémentaire. Il est assez étonnant qu'à l'issue de ce débat, la ministre se soit contentée de nous répondre que ceux qui disposent de plusieurs accès à Internet ne sont pas si nombreux ! Cette réponse vaut son pesant d'or !
Les vrais pirates au sens du code maritime, qui font du téléchargement illégal une activité lucrative et auront les moyens de disposer de plusieurs accès à Internet, pourront donc passer par les trous de ce gruyère qu'est en effet la loi HADOPI.
Pour immortaliser nos débats, je tiens à rappeler avec force que la ministre a répondu à Christian Paul, qui lui demandait ce qu'il en était des internautes disposant de plusieurs accès à Internet : « Ils sont quand même rares ! » Cela, c'est de la loi !
(L'amendement n° 300 n'est pas adopté.)
Cet amendement vise à substituer une nouvelle rédaction aux alinéas 8 et 9.
Les caractéristiques essentielles de l'utilisation d'une oeuvre ou d'un objet protégé doivent être portées à la connaissance de l'utilisateur. Elles doivent comporter les restrictions d'utilisation de l'oeuvre – c'est un élément très important. Elles doivent être fournies par les plates-formes de téléchargement légales et non par les ayants droit. Enfin, elles doivent être très facilement accessibles.
Favorable.
Votre explication, monsieur le rapporteur, implique que la mise à disposition des oeuvres passe forcément par des plates-formes. Or ce n'est pas toujours le cas. Un auteur peut exercer son droit moral et décider de mettre son oeuvre à disposition du public de manière gratuite.
Je suis d'accord avec Mme Billard. Il n'y aucun problème sur ce point.
(L'amendement n° 90 est adopté.)
(L'article 6, amendé, est adopté.)
Il s'agit de réparer une omission de référence.
(L'amendement n° 91 , accepté par le Gouvernement, est adopté.)
(L'article 7, amendé, est adopté.)
il s'agit de transférer cet article dans un chapitre du projet de loi plus approprié, en l'occurrence après l'article 10 bis.
Je suis saisi d'un amendement n° 461 rectifié , portant article additionnel après l'article 7 bis.
La parole est à Mme la rapporteure pour avis.
Cet amendement vise à aligner le régime d'exploitation des oeuvres des artistes-interprètes sur celui des auteurs. Je tiens, madame la ministre, à attirer votre attention sur ce sujet qui met en jeu l'équité entre les artistes.
En l'état actuel du droit, le code de la propriété intellectuelle fixe le statut matrimonial des droits patrimoniaux et du droit moral pour les seuls auteurs. Afin de tenir compte du lien particulier qui unit l'auteur à son oeuvre, la loi fait échapper son exploitation à la communauté. Ainsi, quel que soit le régime matrimonial, nonobstant toute clause contraire, le monopole d'exploitation reste toujours propre à l'auteur.
S'agissant des artistes-interprètes, le code de la propriété intellectuelle ne consacre aucune règle équivalente. Pourtant, les prestations de ces artistes portent indéniablement la marque de leur personnalité. Or, en l'absence de règles spécifiques, tout désaccord entre ex-époux est de nature à compromettre l'exploitation de nombre d'oeuvres d'artistes-interprètes. Aligner leur régime sur celui des auteurs me paraît une mesure d'équité.
Je comprends parfaitement la préoccupation de ma collègue. Mais la comparaison entre la situation des époux d'artiste-interprète et la situation des époux d'auteur doit être nuancée. En effet, il existe une différence qui tient à la nature des rémunérations perçues par les artistes-interprètes.
Le code de la propriété intellectuelle renvoie au code du travail. De manière schématique, le contrat des artistes-interprètes s'apparente au droit d'auteur pour la forme et au droit du travail pour ses effets, donc pour la rémunération. Le statut matrimonial des droits des artistes-interprètes ne peut donc être examiné indépendamment du statut matrimonial des rémunérations salariales, sujet que ne traite pas le présent amendement.
C'est la raison pour laquelle j'émets un avis défavorable.
Le code de la propriété intellectuelle prévoit en effet des règles différentes pour le statut matrimonial des droits des auteurs et des artistes-interprètes, comme l'a souligné très justement Mme Marland-Militello. Cela soulève de vraies questions, d'autant que les contentieux sont nombreux : les artistes-interprètes souhaitent obtenir une protection aussi forte que celle des auteurs. Je vous renvoie à la récente affaire Léo Ferré jugée par la Cour de cassation.
L'artiste-interprète a un statut très complexe puisque son contrat s'apparente au droit d'auteur pour la forme et au droit du travail pour les effets. Le statut matrimonial des droits de propriété littéraire et artistique des artistes-interprètes doit donc être examiné en liaison avec le statut matrimonial des rémunérations du travail. Tout cela nécessite d'engager une réflexion approfondie. C'est la raison pour laquelle, madame la rapporteure pour avis, je vous demanderai de bien vouloir retirer votre amendement.
Je regrette un peu que ces arguties juridiques pénalisent les oeuvres des artistes-interprètes.
Cela dit, je comprends que cette question nécessite une étude juridique plus approfondie et accepte de retirer mon amendement.
Je compte sur vous, madame la ministre, pour assurer une plus grande équité entre les artistes auteurs et les artistes-interprètes.
(L'amendement n° 461 rectifié est retiré.)
Je suis saisi d'un amendement n° 302 .
La parole est à M. Patrick Bloche.
La rémunération pour copie privée prévue par le code de la propriété intellectuelle a pour objet de compenser le manque à gagner subi par les auteurs, artistes-interprètes, producteurs de phonogrammes et de vidéogrammes ainsi que les éditeurs, du fait des copies réalisées dans les conditions précisées dans les articles du code de la propriété intellectuelle. Cette rémunération vise notamment l'enregistrement de programmes audiovisuels par différents matériels audiovisuels, les magnétoscopes VHS ou numériques notamment.
Cette rémunération, exception au droit d'auteur, est une rémunération forfaitaire due pour chaque support. Son montant est calculé suivant la nature du support et la durée d'enregistrement qu'il permet. Elle est versée par le fabricant mais aussi par l'importateur, afin de ne pas pénaliser les produits fabriqués sur le territoire national.
Des évolutions technologiques permettent désormais l'accès à des services en ligne dématérialisant l'action physique d'enregistrement. Les copies sont réalisées dans les conditions fixées par le code de la propriété intellectuelle sur des supports qui ne sont pas individualisables. Les modalités de fixation de la rémunération ne sont donc pas applicables de fait.
L'objet de cet amendement est de soumettre les nouveaux services d'enregistrement en ligne dématérialisés au versement d'une rémunération proportionnelle au profit des ayants droit et déterminée par la commission de la copie privée.
Nous nous inscrivons ainsi dans la lignée de la loi Lang de 1985 et réaffirmons notre attachement à la rémunération de la création. C'est pour les artistes que nous avons déposé cet amendement.
Il faut savoir que certains prestataires comme Wizzgo mettent à disposition des internautes un logiciel leur permettant de télécharger des programmes de télévision répertoriés dans un guide. Une fois le choix effectué par l'utilisateur, la copie du programme sélectionné est transmise en ligne et peut ensuite être conservée par l'utilisateur et même être transférée sur d'autres supports que le disque dur de l'ordinateur.
Cet amendement, auquel la commission est défavorable, vise à contourner trois décisions judiciaires rendues en 2008 contre ce type de services.
Premièrement, la modification du 2° de l'article L. 122-5 du code de la propriété intellectuelle nécessaire à l'application de l'exception de copie privée serait contraire au test en trois étapes que tout État membre de l'Union européenne doit respecter. Je rappelle son principe : la vocation commerciale ne doit pas porter atteinte à l'exploitation normale de l'oeuvre en faisant une concurrence directe à des services qui fonctionnent sur la base du droit exclusif.
Deuxièmement, les actes en cause sont non seulement des actes de reproduction mais également des actes de mise à disposition et de représentation, qui relèvent clairement du droit exclusif des auteurs et des titulaires de droits voisins.
Troisièmement, les conséquences économiques d'une extension du périmètre de la copie privée seraient très néfastes pour la catch-up tv, la télévision de rattrapage, en plein essor, voire pour la VOD.
Ces services peuvent être intéressants pour les internautes, nous en convenons. Mais la question soulevée relève davantage du droit de la concurrence que de la propriété littéraire et artistique. Il est évident que les sociétés d'auteurs n'ont aucune raison de refuser de délivrer des autorisations à Wizzgo sur la base du droit exclusif.
Il faut se reconcentrer sur le droit exclusif des auteurs. Ce n'est pas l'exception de copie privée qui s'impose ici. Rien n'empêche des sociétés comme Wizzgo de négocier directement des contrats avec les ayants droit.
Je m'associe aux propos de M. le rapporteur. Wizzgo est un service de magnétoscope en ligne et rien ne fait obstacle à ce que cette société légalise ses activités en passant des contrats avec les ayants droit. Vouloir légaliser Wizzgo par la copie privée n'est pas une solution, car c'est un service qui fait commerce de son activité et c'est un tiers par rapport aux copies. Adopter cet amendement conduirait à déséquilibrer les principes de la copie privée, auxquels nous sommes tous très attachés, en mettant en cause ses caractéristiques. Avis défavorable donc.
(L'amendement n° 302 n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 307 .
La parole est à M. Patrick Bloche.
Le présent projet de loi contraint les internautes à la mise en oeuvre de moyens de sécurisation de leurs connexions à Internet, qui seule leur permet d'être exonérés de leurs responsabilités en cas de manquement dans la surveillance de la ligne.
Nous souhaitons que nos concitoyens ne soient pas pénalisés financièrement et proposons, par cet amendement, de rendre la mise en oeuvre de ces moyens gratuite en ajoutant le mot « gratuitement ».
L'alinéa 2 se lirait ainsi : « Les personnes visées à l'alinéa précédent les informent également de l'existence de moyens de sécurisation permettant de prévenir les manquements à l'obligation définie à l'article L. 336-3 du code la propriété intellectuelle et leur proposent gratuitement au moins un de ces moyens figurant sur la liste mentionnée à l'article L. 331-30 du même code. »
Avis défavorable. Les logiciels de contrôle parental sont payants. L'amélioration de tous ces moyens de sécurisation a un coût. Il est donc légitime que les sociétés qui les développent soient rémunérées.
Avis défavorable. De nombreux dispositifs sont déjà proposés gratuitement. Ils sont fournis en packs avec les logiciels fournis par les FAI. Il n'y a pas lieu, semble-t-il, de leur imposer cette contrainte.
D'un côté, le rapporteur considère que l'internaute doit payer, de l'autre, la ministre nous indique que de nombreux dispositifs sont déjà proposés gratuitement ! Vous allez obliger les consommateurs à acquérir des moyens de sécurisation de leur ligne Internet, ce manquement faisant l'objet d'une incrimination et d'une sanction de l'HADOPI, alors que nous connaissons une crise économique et sociale sans précédent. Dois-je vous rappeler que le candidat Nicolas Sarkozy avait promis, pendant la campagne électorale, d'être le Président du pouvoir d'achat ? Vous ne prenez pas en compte le fait que ces internautes sont aussi des consommateurs et qu'ils s'inquiètent pour leur pouvoir d'achat. Faites au moins en sorte qu'on leur propose gratuitement ces moyens de sécurisation, sinon votre démarche, dite pédagogique, risque d'en prendre, une fois de plus, un sacré coup.
Nous arrivons bientôt au terme de l'examen de ce projet de loi, mais on ne peut pas dire qu'il aura été beaucoup amélioré. Au contraire, on pourrait même dire qu'il se dégrade.
L'article 9 entraînera une hausse des dépenses publiques puisque toutes les administrations, toutes les collectivités territoriales devront installer ces logiciels payants, mais aussi un coût supplémentaire pour les entreprises. Or je ne suis pas sûre que le moment soit bien choisi pour augmenter les charges des entreprises publiques.
Certes, mais cela ne changera rien pour la filière culturelle, uniquement pour les FAI.
Vous nous expliquez que ceux-ci vont devoir supporter des coûts supplémentaires pour pouvoir proposer des logiciels, mais ces coûts seront répercutés sur des millions de postes de travail et amortis par les abonnements. Vous évitez toujours d'imposer des coûts supplémentaires aux FAI, mais pas à nos entreprises ni à nos concitoyens. Au contraire, vous êtes plutôt pour augmenter leurs charges et vous n'essayez pas d'améliorer leur pouvoir d'achat, alors que nous connaissons une crise économique.
Enfin, la loi DADVSI prévoyait de protéger les DRM – les MTP en français. Les logiciels de sécurisation entrent-ils dans le cadre de ces mesures techniques de protection ? Madame la ministre, je souhaiterais avoir une réponse précise en la matière.
Lorsque nous avions proposé un système d'amende plutôt que la suspension de l'abonnement, on nous avait opposé le coût, notamment pour les plus défavorisés.
Que l'on soit un particulier ou une entreprise, en plus d'installer un antivirus – mais personne ne l'oblige, on le fait librement –, il faudra maintenant mettre en place aussi un logiciel anti-téléchargement. À mon avis, le coût de ce logiciel sera supérieur à celui d'une amende de catégorie 1. À cela s'ajouteront le coût de sa mise à jour et celui de son installation. Comme ce logiciel sera compliqué à installer, il faudra effectuer des vérifications, s'assurer qu'il n'y a pas de faille, car si jamais l'abonnement est suspendu, il faudra prouver sa bonne foi en démontrant que ce logiciel est parfaitement bien mis en place.
Les coûts que cet article entraînera sont donc largement au-dessus du prix d'une amende de catégorie 2. Comme je l'ai déjà dit, un système d'amende aurait été bien plus intéressant.
C'est un amendement rédactionnel.
(L'amendement n° 93 , accepté par le Gouvernement, est adopté.)
La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement n° 94 rectifié .
C'est un amendement de précision.
(L'amendement n° 94 rectifié , accepté par le Gouvernement, est adopté.)
(L'article 8, amendé, est adopté.)
Actuellement, il est prévu que les opérateurs de communications électroniques, et notamment les fournisseurs d'accès, peuvent surseoir, pour une durée maximale d'un an, aux opérations tendant à effacer ou à rendre anonymes certaines catégories de données techniques relatives au trafic, mais seulement pour les besoins de la recherche, de la constatation et de la poursuite des infractions pénales, et dans le seul but de permettre, en tant que de besoin, la mise à disposition de l'autorité judiciaire d'informations.
L'article 9 du présent projet de loi ouvre cette possibilité de sursis à l'anonymisation pour les besoins d'une recherche d'internautes qui manquent à l'obligation de surveillance de leur ligne. Il permettra à l'HADOPI de recueillir et de traiter, sous une forme nominative, les données de trafic, hors donc de toute procédure judiciaire, garantie cependant jugée essentielle par le Conseil constitutionnel dans sa décision de juillet 2004 concernant la loi relative à la protection des personnes physiques à l'égard des traitements de données à caractère personnel.
Par ailleurs, l'article 9 vient contourner la décision du Conseil d'État du 23 mai 2007, SACEM et autres, par laquelle il rappelait que l'article 34-1 du code des postes et des communications électroniques ne permettait pas le traitement de données nominatives ayant pour finalité l'envoi de messages pédagogiques qui n'auraient pas pour but la mise à disposition d'informations à l'autorité judiciaire pour le besoin de la poursuite des infractions pénales.
Ainsi sont mises sur le même plan la recherche en matière pénale et la recherche d'internautes ayant téléchargé illégalement, ainsi que l'autorité judiciaire et l'HADOPI. C'est le caractère disproportionné et déséquilibré entre la protection de la vie privée et le respect des droits d'auteur qui nous conduit à demander la suppression de l'article 9.
Nous demandons la suppression de l'article 9 pour les mêmes raisons que celles qui viennent d'être développées par M. Bloche.
Madame la ministre, je vous demande à nouveau quelle sera l'articulation entre les moyens de sécurisation de l'HADOPI et la protection juridique des mesures techniques telles que prévues par la loi DADVSI.
L'article 9 est essentiel pour permettre la mise en correspondance des adresses IP relevées par les ayants droit avec l'identification des abonnés n'ayant pas respecté leur obligation de surveillance de leur accès à Internet. Il conditionne donc complètement l'efficacité du dispositif instauré par ce projet de loi.
L'article 9 est indispensable car il fournit à l'HADOPI la possibilité d'accéder aux données dont elle a besoin et que la loi réserve pour l'instant au juge. Comme je l'ai déjà dit, le Conseil constitutionnel permet aux autorités administratives d'accéder à de telles données dès lors que l'accès est entouré par la loi des précautions nécessaires.
Madame Billard, je vous répondrai que si les logiciels de sécurisation comportent des mesures techniques de protection, celles-ci bénéficient du régime juridique que la loi DADVSI réserve à ces mesures de protection.
(Les amendements identiques nos 308 et 420 ne sont pas adoptés.)
Lors de l'examen de la constitutionnalité de la révision de la loi Informatique et libertés, en 2004, le Conseil constitutionnel avait accepté la possibilité pour les sociétés d'auteurs de collecter des données dans le cadre de la lutte contre le téléchargement, mais en y mettant une restriction, à savoir l'intervention d'un juge pour obtenir communication des informations détenues par le fournisseur d'accès.
L'article 9 propose de lever cette restriction en autorisant l'HADOPI, qui n'est pas une juridiction, à obtenir les noms des titulaires d'adresses IP auprès des fournisseurs d'accès. Il y a donc un très grand risque d'inconstitutionnalité de cet article 9, ainsi qu'une atteinte grave à l'esprit de la loi Informatique et libertés, que cet amendement propose de corriger.
La commission est défavorable à cet amendement.
L'article 9 est une base juridique essentielle de ce projet de loi. Le Conseil constitutionnel a, en effet, confirmé à de multiples reprises la possibilité pour une autorité administrative indépendante, donc non judiciaire, de traiter des données personnelles dès lors que la procédure suivie est encadrée par le législateur et qu'elle vise à assurer le respect d'autres exigences constitutionnelles. C'est le cas de la décision du 12 août 2004 relative à la création du dossier médical personnel et c'est aussi le cas dans ce projet de loi.
Pour ce qui concerne la qualification juridique des adresses IP, si la CNIL tend à considérer que celles-ci représentent des données à caractère personnel, force est de constater qu'une jurisprudence assez nourrie et constante indique le contraire – décision de la cour d'appel de Paris des 27 avril et 15 mai 2007, arrêt de la Cour de cassation du 13 janvier 2009. Les adresses IP ne sont pas attachées directement et nominativement à une personne mais à une connexion à un instant précis.
On voit donc bien que les dispositions de votre amendement n'ont aucune raison d'être.
Même avis, pour les mêmes raisons.
Je suis saisi d'amendements portant articles additionnels après l'article 9.
La parole est à M. Jean Gaubert, pour soutenir l'amendement n° 400 .
Madame la ministre, il est sur notre territoire des citoyens qui doivent regarder ce débat avec un certain détachement et se sentir à l'écart des risques que l'on évoque depuis plusieurs jours : ceux qui vivent sur les 15 % du territoire non encore raccordés à Internet.
Cet amendement vise donc à préciser que, après vingt ans de couverture progressive du territoire, il subsiste encore des zones qui ne sont pas desservies, qu'il devient obligatoire de couvrir et d'insérer dans ce que l'on appelle le service universel des communications électroniques.
Certes, les opérateurs ont réalisé des efforts, ainsi que les collectivités territoriales. Mais il est temps de corriger l'inégalité de nos concitoyens devant l'accès aux communications modernes.
Monsieur le président, si vous en êtes d'accord, je défendrai en même temps l'amendement n° 399 qui est complémentaire.
J'appelle donc l'amendement n° 399 .
Veuillez poursuivre, monsieur Gaubert.
Là où j'habite, je ne risque pas d'être condamné pour téléchargement illégal : je ne peux pas télécharger.
Il ne sert donc pas d'avoir accès aux moyens de communication si leur niveau est insuffisant. Le premier alinéa de l'article L. 35-1 du code des postes et des communications électroniques précise que le service téléphonique assure l'acheminement des communications « à des débits suffisants ». Cela rappelle le refroidissement du canon des fusils qui exigeait « un certain temps » ! On sait définir aujourd'hui le haut débit : c'est au minimum dix mégabits par seconde. Il convient donc d'inscrire les mots « par du haut débit » dans le code des postes et des communications afin que chacun puisse télécharger et donc bénéficier de la loi que vous vous apprêtez à voter.
Je ne peux que souscrire à la volonté de M. Gaubert de développer le haut débit sur tout le territoire. C'est du reste un objectif majeur de la loi de modernisation de l'économie, votée en 2008, et du plan numérique 2012, présenté par François Fillon, Premier ministre, et Éric Besson, alors secrétaire d'État chargé du développement de l'économie numérique.
Nous sommes donc complètement mobilisés par cet objectif. Toutefois, même si je souscris à cette ambition, pour la réalisation de laquelle, en tant qu'élu local, je me mobilise moi aussi, sans oublier le très haut débit, nous ne saurions pour autant inscrire dans le texte une disposition actuellement inapplicable et donc irréaliste.
L'avis de la commission est défavorable.
Défavorable également.
Nous partageons tous le même objectif mais cet amendement est sans rapport avec le texte. Son adoption n'aurait, du reste, dans le cadre du présent projet de loi, aucun effet direct.
Nous ne pouvons que partager l'objectif que se fixe l'opposition, mais il est impossible d'adopter un tel amendement : le Conseil constitutionnel le censurerait immédiatement puisque cet amendement n'entretient aucun rapport fondamental avec le projet de loi.
Vous pouvez faire un coup politique en nous rappelant votre objectif d'assurer la couverture universelle du territoire en haut débit ; vous ne pouvez pas, je le répète, inscrire dans le texte un principe que le Conseil constitutionnel sanctionnera si jamais vous lui soumettez la loi une fois adoptée.
Je m'attendais, monsieur Soisson, vous qui êtes élu en Bourgogne, à plus de solidarité sur cet amendement, au moins pour faire progresser le débat. Vous êtes en effet bien placé pour savoir que l'État ne met plus un euro dans le déploiement du haut débit.
Ne vous fâchez pas !
Durant plusieurs jours nous avons insisté sur l'importance du haut débit, y compris pour la diffusion de ce que Mme Albanel appelle les « offres culturelles légales » et que j'appelle, pour ma part, des « offres commerciales » ou « non commerciales » : nous aurions donc pu, alors que nous ne sommes plus qu'à quelques heures de la fin du débat, rappeler que l'État ne mettant plus un euro dans le déploiement du haut débit, ce sont les contribuables locaux, notamment dans les départements ruraux ou semi-ruraux, qui sont obligés de le financer. C'est ainsi que le conseil général de Seine-et-Marne fournit un gros effort en matière de déploiement du Wimax dans votre département, monsieur Riester. Nous faisons de même dans la Nièvre et le ferons, monsieur Soisson, dans l'ensemble de la Bourgogne, comme le font toutes les régions et tous les départements de France, le plus souvent, je le répète, sans un euro de l'État.
Nous n'allons pas ouvrir un débat sur la couverture numérique du territoire !
Il aurait été intéressant qu'à l'occasion du texte – et c'est l'objet de ces deux amendements –, l'ensemble de la représentation nationale, à droite comme à gauche, affirme comme ambition nationale le développement aujourd'hui du haut débit et rapidement du très haut débit, ce que nous ne voyons pas.
Cet amendement vise à renforcer le volet pédagogique, déjà bien nourri, du projet de loi. En effet, la jeunesse qui a grandi à l'âge numérique – un monde de gratuité et d'immédiateté – ne mesure pas toujours les conséquences négatives pour la création de l'usage illégal des oeuvres. Il faut donc la sensibiliser au fait que le téléchargement menace considérablement la création.
L'article 9 bis prévoit bien une information en milieu scolaire, mais uniquement dans le cadre du brevet informatique et Internet des collégiens. Cela me paraît insuffisant. Il est très important, dans le droit fil des conclusions de mon rapport de 2005 sur l'éducation artistique et culturelle en milieu scolaire, de vous proposer cet amendement prévoyant que dans le cadre des enseignements artistiques aussi, « les élèves reçoivent une information sur les dangers du téléchargement et de la mise à disposition illicites d'oeuvres culturelles pour la création artistique ».
La parole est à Mme Martine Billard pour soutenir le sous-amendement n° 528 .
Ce sous-amendement vise à compléter l'amendement n° 23 par les deux phrases suivantes : « Cette information est neutre et pluraliste. Elle porte également sur l'offre légale d'oeuvres culturelles sur les services de communication au public en ligne, notamment les avantages pour la création artistique du téléchargement et de la mise à disposition licites des contenus et oeuvres sous licences ouvertes ou libres. »
Il convient en effet d'englober l'ensemble de la mise à disposition d'oeuvres sur les services de communication au public en ligne, afin de sensibiliser des jeunes qui, peut-être, débuteront très vite une vie d'auteur en recourant aux licences ouvertes ou libres, comme Art Libre ou Creative Commons, et de leur expliquer pourquoi il s'agit d'un excellent moyen de diffusion légal de la culture et de partage culturel, qui enrichit la création artistique. Cela les incitera à respecter l'ensemble de la légalité d'accès aux oeuvres.
Quel est l'avis du Gouvernement sur le sous-amendement et l'amendement ?
Même position : avis défavorable au sous-amendement et favorable à l'amendement.
Je suis très choqué, madame la rapporteure pour avis, de vous entendre évoquer l'enseignement artistique, alors que chacun sait combien ce gouvernement et le précédent ont raboté, ratiboisé même – c'est le mot –, laminé cet enseignement !
Ce n'est jamais le sujet ! Il faut tout de même finir par tenir compte de la réalité. Or la réalité, c'est que l'enseignement artistique est sinistré ! C'est le parent très très pauvre de notre enseignement. Il n'existe plus !
Vous avez raison de vouloir que l'enseignement artistique renaisse de ses cendres après avoir été totalement vidé de ses ressources financières et même d'un projet culturel et politique fort.
Je tiens à rappeler le développement, en 2002, des classes à projet artistique et culturel – PAC. Nous les avons tous connues. Grâce aux investissements de l'État et des collectivités locales, des artistes – plasticiens, musiciens ou poètes – venaient dans les classes initier et sensibiliser les plus jeunes au monde culturel. Ces classes ont disparu : les budgets sont aujourd'hui ridiculement faibles et nous sommes sans doute, de tous les pays de l'OCDE, celui dans lequel l'enseignement artistique est le plus pauvre, en dépit du courage de certains – je pense notamment aux professeurs de musique et d'arts plastiques de la Ville de Paris, qui essaient de pallier les insuffisances de l'État.
Que vous évoquiez l'enseignement artistique sans parler de l'essentiel, à savoir la formation, les interventions et les moyens, me semble inacceptable. Dois-je rappeler que l'HADOPI coûtera chaque année entre 70 millions d'euros – chiffre donné il y a quinze jours – et 100 millions si on suit les estimations données par M. Tardy ?
Si une partie de cette somme était consacrée à relancer l'enseignement artistique et culturel dans nos classes, nous aurions fait du bon travail et nous pourrions vous rejoindre.
Je ne reviendrai pas sur vos propos, monsieur Blisko, mais je tiens tout de même à vous rappeler que l'éducation aux arts vient d'être initiée par un ministre de cette majorité, ce qui n'avait encore jamais été le cas.
Pour être une spécialiste de la question,…
…je soulignerai le fait que les classes à PAC avaient des résultats inégaux.
Madame Billard, votre sous-amendement n'a pas été examiné en commission : je le trouve toutefois très intéressant. Il présente – vous avez raison – le volet positif alors que mon amendement présente le volet négatif. Vous dites la même chose que moi et, si cela peut vous faire plaisir, je tiens à vous assurer que je suis d'accord avec vous.
(Le sous-amendement n° 528 n'est pas adopté.)
La parole est à Mme Martine Billard, pour soutenir le sous-amendement n° 527 .
Tant qu'on n'essaie pas, on est certain d'échouer ! Telle est la raison pour laquelle je présente ce sous-amendement. Peut-être Mme Marland-Militello me soutiendra-t-elle de nouveau.
Vous avez raison : il n'y a pas de fatalité, il n'y a que des renoncements !
L'article 9 bis prévoit que les élèves recevront une information sur les dangers du téléchargement pour la création artistique dans le cadre du brevet informatique et Internet des collégiens. Soit, mais comme nous ne disposons toujours pas du rapport prévu par la loi DADVSI, le débat reste ouvert sur le bilan de celle-ci.
C'est la raison pour laquelle ce sous-amendement vise à prévoir que l'information sera « neutre et pluraliste » – ce n'est pas encore une réalité – et qu'elle présentera « également la diffusion légale des contenus et oeuvres sous licences ouvertes ou libres ». Si j'insiste sur les licences du type Art Libre ou Creative Commons, c'est qu'elles sont un excellent moyen de diffusion légale de la culture et de partage culturel entre particuliers.
Il est important d'expliquer que ces licences existent. Du reste, Mme la rapporteure pour avis l'a reconnu, en nous indiquant qu'elle a utilisé une oeuvre sous licence Creative Commons tout en omettant de signaler son auteur. Il s'agit d'une licence encore assez récente et qui a donc besoin d'être davantage connue pour éviter qu'involontairement des internautes n'utilisent des oeuvres qui sont sous cette licence sans préciser l'auteur de l'oeuvre, alors que c'est la condition d'utilisation de cette licence. Ce sous-amendement est donc tout d'abord essentiel pour assurer le respect du droit d'auteur dans le cas de la diffusion d'oeuvres pour lesquelles les auteurs demandent le respect de leur droit moral sans exiger de rémunération. Il l'est ensuite parce que, je le maintiens, la pratique culturelle des jeunes vers l'extérieur suppose l'utilisation de telles licences. Les grands artistes aujourd'hui connus n'ont-ils pas débuté de façon plus modeste ?
Il est vrai qu'Internet constitue pour les nouveaux artistes un outil fantastique de diffusion. Il est donc très important d'expliquer aux jeunes qu'ils doivent respecter le droit d'auteur en ne téléchargeant pas illégalement des oeuvres mais qu'ils peuvent très bien utiliser les licences ouvertes et libres.
Mme Billard s'est longuement exprimée mais la disposition qu'elle propose n'est vraiment pas du ressort de la loi (Mme Billard s'exclame), mais plutôt de la circulaire. Peut-être, madame la ministre, pourriez-vous rendre le ministre de l'éducation nationale sensible à ces préoccupations mais, j'insiste, madame Billard : votre proposition ne relève pas du domaine de la loi. La commission émet donc un avis défavorable.
Je suis saisi d'un amendement n° 462 .
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
Cet amendement vise à compléter l'article 9 bis consacré à l'information des jeunes sur Internet, article dont la tonalité nous est apparue assez négative puisqu'il ne porte que sur les dangers et les peines encourus. Nous souhaitons donc rendre ses dispositions plus positives en ajoutant que cette information concerne aussi l'offre légale.
Je suis saisi d'un amendement n° 314 , portant article additionnel avant l'article 9 ter.
La parole est à M. Patrick Bloche.
Cet amendement reprend un des engagements pris dans les accords de l'Élysée de novembre 2007, prévoyant que les films bénéficiant d'une aide publique par l'intermédiaire du Centre national de la cinématographie soient disponibles en vidéo à la demande, dans le respect de la fenêtre légale et dans un délai déterminé.
Il s'agit donc de compléter le 3° de l'article 7 du code de l'industrie cinématographique par la phrase suivante : « À ce titre, toute oeuvre cinématographique, pour laquelle une aide du centre national est susceptible d'être accordée, doit être destinée, en plus de sa distribution usuelle, à une première exploitation sur un service offrant l'accès à des oeuvres cinématographiques sur demande individuelle formulée par un procédé de communication électronique ; ».
Défavorable. Au moment où sont attribuées les aides du CNC, le choix de l'éditeur de l'oeuvre sur Internet n'est pas du tout déterminé. Le soutien du CNC ne peut donc préjuger des autres exploitations de l'oeuvre qui relèvent des relations contractuelles entre les ayants droit et les opérateurs intervenant sur chacun des marchés d'exploitation successifs de l'oeuvre : vidéo physique ou dématérialisée, télévision payante, télévision en clair.
Au stade où sont délivrées les aides les plus importantes pour l'écriture, la production, la diffusion en salles de cinémas, il est impossible de connaître avec certitude quelles seront les exploitations ultérieures. Cela étant, il importe de rendre sensibles les membres du CNC à la nécessité d'inciter les producteurs à mettre leurs films à disposition sur Internet.
Défavorable. Il est difficile de subordonner l'aide du CNC à une exploitation en vidéos à la demande. Il n'existe d'ailleurs pas d'obligation de ce type. En revanche, il y a une forte incitation grâce aux systèmes d'aides, les subventions étant calculées en fonction de l'exploitation des différents supports.
Nos amendements visent à développer l'offre légale. Ainsi, vous avez bien compris que, grâce au dispositif que nous proposons, les films aidés par le CNC seront disponibles en vidéo à la demande, tout en tenant compte de la chronologie des médias. Or vous nous répondez que ce serait impossible car, selon le rapporteur, on ne connaît pas a priori les modes d'exploitation des films. À vous entendre, rien ne serait jamais possible.
À chaque fois que nous voulons développer l'offre légale, vous répondez par la négative parce qu'il s'agit d'un amendement de l'opposition, donc frappé du sceau de l'infamie, ce qui vous conduit à vous empêtrer dans une contradiction dont il vous faudra bien sortir un jour.
Depuis le début de l'examen de ce texte, il a été rappelé à de nombreuses reprises que votre pari est perdu d'avance : l'existence de l'HADOPI ne conduira pas nos concitoyens à bouleverser leurs usages et ils les bouleverseront même d'autant moins que, malheureusement, par la faute des ayants droit, des titulaires des droits d'auteur et des droits voisins, l'offre légale n'est pas encore suffisamment attractive.
(L'amendement n° 314 n'est pas adopté.)
Vous nous reprochez de ne rien faire pour développer l'offre légale sur Internet, monsieur Bloche. Malheureusement pour vous, nous en venons justement à un article essentiel portant sur la chronologie des médias.
Lorsque les accords de l'Élysée ont été conclus, il était prévu qu'en plus de l'examen de ce projet de loi destiné à lutter contre le téléchargement illégal, des efforts considérables seraient consentis par les différents acteurs des filières culturelles pour favoriser le développement des offres légales sur Internet. Il s'agissait en particulier de supprimer les mesures anticopie pour les disques et de raccourcir la chronologie des médias qui permet aux films d'être exploités successivement et de façon exclusive dans différentes fenêtres : exploitation en salles, puis en DVD, en vidéo à la demande, par la télévision payante et, pour finir, par la télévision gratuite.
Cette chronologie permet à notre cinéma de bénéficier d'une succession de financements grâce auxquels il figure parmi les premiers du monde. Toutefois, les pratiques de consommation de biens culturels sur Internet – notamment les films –, nécessitent de réduire les délais au terme desquels ils sont mis à disposition. Le droit en vigueur prévoit que le délai d'exploitation d'une oeuvre sur un support DVD court à partir de six mois jusqu'à dix-huit mois.
De nombreux échanges ont eu lieu entre professionnels pour essayer de trouver un accord sur le raccourcissement de cette chronologie. Des parlementaires – Frédéric Lefebvre, notamment –, mais aussi Mme la ministre, se sont mobilisés pour faire en sorte que la réduction des délais fasse l'objet d'un accord interprofessionnel avant l'examen du présent texte. Nous avons en effet intérêt à ce que la décision soit prise par les professionnels plutôt qu'imposée de façon brutale par le Parlement. (Murmures sur les bancs du groupe SRC.)
Sur ces sujets difficiles, on ne peut qu'avancer lentement. Les auditions des acteurs de la filière cinéma – M. Dionis du Séjour s'en souvient – ont donné lieu à des discussions sur l'évolution des pratiques…
…parfois un peu serrées. Un amendement a été voté par la commission des lois visant à réduire la chronologie des médias et la fenêtre VoD de trois à six mois après la sortie en salles, plutôt que de six à dix-huit mois. Les discussions se sont poursuivies et il semble qu'une grande majorité des acteurs est tombée d'accord pour que le délai de sortie des films sous format DVD après la sortie en salle soit de quatre mois.
Il n'en reste pas moins important de tenir compte des réalités. Les films ont plus ou moins de succès au cours de l'exploitation en salles et il est donc important de laisser la possibilité à une oeuvre au succès médiocre de sortir en format DVD au bout de trois mois seulement. Au contraire, si le film draine un nombre important de spectateurs ou bien s'il s'agit d'un film d'auteur, il paraît nécessaire de pouvoir attendre six mois.
L'amendement n° 515 permet donc de fixer à quatre mois après la sortie en salles le délai pour l'exploitation d'un film sous forme de DVD, ce délai pouvant, après avis du CNC ou du médiateur du cinéma, être ramené à trois mois ou être porté à six mois.
Nous parvenons donc, après de nombreuses discussions entre professionnels ou au sein des commissions à un accord qui permet vraiment d'accélérer la sortie des films en DVD et en VoD, et donc de les mettre plus rapidement à disposition sur Internet.
La parole est à Mme Muriel Marland-Militello, pour soutenir le sous-amendement n° 530 .
Je viens de prendre connaissance du présent amendement de la commission. Comme son éventuelle adoption fera tomber mon sous-amendement n° 219 , je présente un sous-amendement à l'amendement n° 515 .
Il vise à prendre en compte, pour le cinéma, les accords interprofessionnels en cours, tout en fixant clairement un délai plancher de quatre mois. Ce dispositif est plus clair et plus simple que celui proposé par le rapporteur. Il convient de ne pas complexifier ce système, le sujet étant très sensible, et de faire confiance aux accords interprofessionnels.
La parole est à M. Bernard Gérard, pour soutenir le sous-amendement n° 531 .
Nous souhaitions tous que le texte aborde la chronologie des médias.
L'article 9 ter, dans sa rédaction actuelle, dispose qu'« à compter du 31 mars 2009, un décret prévoit un délai applicable de plein droit à défaut d'accord professionnel rendu obligatoire ».
Cet accord professionnel n'est pas intervenu. Et je crois que si nous voulons véritablement réussir à faire en sorte qu'il y ait moins de piratages, il faut que les choses soient claires. S'il y a trente-six choses qui se cumulent, plus personne ne va rien comprendre.
Ma collègue Muriel Marland-Militello et moi-même proposons donc que, pour faciliter la diffusion des films en VoD et en DVD notamment, et pour prévenir le piratage en encourageant l'offre légale, il faut que la lisibilité soit parfaite. Et la seule façon d'y parvenir, c'est d'avoir un délai qui s'applique à tout le monde. Il nous paraît raisonnable de le fixer à quatre mois. Et nous avons cru comprendre qu'un tel délai faisait l'objet d'un consensus entre l'ensemble des professionnels.
Nous proposons ce sous-amendement, parce que nous avons le sentiment que ce qui nous est proposé aujourd'hui est particulièrement compliqué, cela dit avec toute l'amitié et l'estime que j'ai pour mes collègues.
Avis favorable pour ce qui est du sous-amendement n° 531 , qui me paraît intéressant.
S'agissant du sous-amendement n° 530 , je souscris certes à l'objectif de mes collègues, qui est de simplifier le plus possible les choses afin qu'elle soient comprises du grand public, ce qui est un moyen d'inciter au téléchargement légal. Il n'en reste pas moins vrai que la chronologie des médias est quelque chose d'assez complexe. Les films sont divers. Un film d'auteur est différent d'un blockbuster américain, ou d'un navet de je ne sais quel nationalité.
Même si la règle doit être un délai de quatre mois, il faut permettre aux professionnels de diffuser le film DVD plus tôt, s'il a connu un échec en salle, ou un peu plus tard s'il a été un succès ou si c'est un film d'auteur.
Ainsi, il me semble que cet amendement introduit de la simplicité en fixant le délai à quatre mois – délai auquel je crois que Mme la ministre est attachée, mais elle va pouvoir s'exprimer –, tout en répondant à la nécessité de prendre en compte cet univers du cinéma, qui n'est malgré tout pas si simple que cela.
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement et les sous-amendements ?
Avis favorable au sous-amendement n° 531 .
Pour ce qui est du sous-amendement n° 530 , même si le délai de quatre mois est très nettement souhaité, il me paraît nécessaire, s'agissant d'une question aussi délicate, de ménager des possibilités de modulation, c'est-à-dire des dérogations, au demeurant très limitées, destinées à permettre l'exploitation en vidéo dès trois mois pour les films qui n'ont eu pratiquement aucune carrière en salles – certains n'y restent qu'une semaine. Et, quand un délai supérieur à quatre mois est envisagé, il convient de permettre au médiateur de résoudre les conflits éventuels entre les distributeurs qui voudraient maintenir le film en salles et l'éditeur qui voudrait pouvoir diffuser le film en DVD alors qu'il est encore en salles.
Il nous semble que cette souplesse est nécessaire. Avis défavorable, donc, au sous-amendement n° 530 .
S'agissant de l'amendement n° 515 , il est nécessaire d'avancer les différentes fenêtres d'exploitation existantes. En effet, il importe de ne pas encourager le piratage, et de favoriser le développement de l'offre légale. Lorsqu'un film a cessé d'être exploité en salles – et l'on sait que la carrière des films en salles est plus courte aujourd'hui –, mais qu'il n'est pas encore accessible en vidéo ou en vidéo à la demande, la tentation est forte d'aller le chercher sur un site pirate. Inversement, sa présentation plus rapide en DVD ou en VoD rendrait son offre légale plus attractive.
Actuellement, seul le délai de commercialisation d'un film en vidéo peut être fixé par la loi. La directive « Service de médias audiovisuels » dispose en effet que, s'agissant de la vidéo à la demande et des diffusions à la télévision, les délais doivent être fixés par accords interprofessionnels.
Actuellement, ce délai est d'un an à compter de la sortie du film en salles et peut être ramené à six mois au minimum.
J'ai le sentiment que les professionnels du cinéma – qui ont certes mis du temps à s'entendre sur l'objectif d'une réduction des délais – sont aujourd'hui très proches d'un consensus autour d'un délai de quatre mois après la sortie en salles pour la commercialisation du DVD.
Si nous légiférons, c'est justement parce qu'ils ne sont pas d'accord entre eux.
C'est un progrès important. Aller au-delà serait sans doute mettre en péril l'équilibre économique très fragile des salles de cinéma – et notamment des petites salles, qui ont besoin d'un délai d'exclusivité raisonnable – ou des films qui ont besoin de temps pour s'installer : par exemple, Séraphine était toujours en salles lorsque le film a recueilli une pluie de Césars, fin février, alors qu'il était sorti cinq mois auparavant.
C'est pourquoi je suis favorable à l'amendement proposé par le rapporteur, qui ramène le délai minimum d'exploitation des oeuvres à quatre mois, avec une possibilité de dérogation à trois mois, limitée au cas des films qui n'ont pas eu d'exploitation sérieuse en salles.
Cela me paraît une position équilibrée, car abaisser le délai à trois mois pour tous les films pourrait mettre en péril la survie des salles de cinéma.
Par ailleurs, il est souhaitable que ce même délai puisse être appliqué à la vidéo à la demande, soit par accord interprofessionnel, soit, à défaut, par décret.
L'amendement que vient de défendre Franck Riester est un amendement sur lequel nous avons travaillé, lui et moi, avec le Gouvernement. C'est un sujet essentiel, que nous avions déjà abordé lors de l'examen du projet de loi relatif à l'audiovisuel et l'amendement me semble très conforme à la logique du présent texte.
Nous avons pris la décision d'instaurer enfin un système de régulation sur Internet, de mettre en place une autorité administrative qui fera régner de l'ordre pour que des gens ne puissent plus proposer des oeuvres de manière illégale, et pour que d'autres ne puissent pas profiter ainsi du travail d'autrui. Tout travail mérite salaire, c'est le principe. Il y a maintenant un shérif. Il n'y en avait pas auparavant.
Oh ! Mme Albanel devient la ministre des shérifs ! Ce n'est pas un cadeau !
Quand il y a un shérif, il est normal que les gens qui, auparavant, étaient contraints à l'autodéfense, déposent leurs armes.
Ce qui est très important, c'est qu'une première partie du chemin a été faite par le monde de la musique, au Sénat. C'est d'ailleurs l'une des raisons importantes qui ont conduit les sénateurs socialistes, c'est-à-dire les amis de M. Christian Paul, à voter ce texte. L'ensemble du monde de la musique a fait ce geste, en disant en substance : à partir du moment où quelqu'un va enfin faire régner l'ordre,…
…à partir du moment où nous ne pourrons plus être volés en étant contraints de nous défendre tout seuls, nous sommes prêts à déposer les armes, en l'occurrence les DRM, que chacun de nous a pu, à un moment ou à un autre, critiquer dans le passé.
Qu'est-ce que c'est que ce vocabulaire ? Vous salissez tout ce que vous touchez !
En ce qui concerne la chronologie des médias, nous sommes exactement dans la même logique. L'exception culturelle française, qui est visiblement peu considérée de l'autre côté de l'hémicycle, a été construite sur un équilibre extrêmement complexe et fragile, un équilibre que nous sommes amenés à modifier. Et pour cela, il a fallu, et c'est normal, que se tiennent des discussions avec toute la filière du cinéma.
Beaucoup de nos collègues ont été contactés par les exploitants de salles, qui étaient inquiets, notamment ceux des zones rurales. Les plus gros exploitants étaient également inquiets, et s'orientaient vers le délai de quatre mois. L'ensemble de la filière du cinéma – les producteurs, les auteurs – a accepté de s'asseoir autour d'une table.
L'amendement n° 515 a résulté de tout cela. Il reprend mon amendement n° 322 rectifié , en ce sens qu'il retient l'idée du délai de quatre mois tout en ouvrant la possibilité d'un délai inférieur à partir du moment où le film n'a pas eu le succès escompté en salle. Il sera alors possible de lui offrir une autre chance, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.
Cet amendement reprend par ailleurs mon autre amendement, n° 321 . À cet égard, je voudrais remercier le Gouvernement d'avoir soutenu la démarche qui était la mienne et celle de Franck Riester, visant à aligner la VoD sur le DVD. En effet, cela n'avait pas de sens de ne prévoir la disposition envisagée que pour le DVD, et pas pour la VoD. Le dispositif de l'amendement n° 515 reprend l'idée qu'à défaut d'accord dans un délai d'un mois à compter de la promulgation de la loi, l'oeuvre cinématographique pourra être mise à la disposition du public par un éditeur de services de médias audiovisuels à la demande, exactement dans les mêmes conditions que celles prévues pour le DVD.
Nous atteignons là un équilibre, qui ne remet pas en cause le système extrêmement complexe des fenêtres d'exclusivité grâce auquel notre pays a encore un cinéma vivant, ce qui n'est pas le cas de beaucoup d'autres pays, qui ont cédé depuis bien longtemps devant le cinéma américain.
Le dispositif auquel nous aboutissons permettra de maintenir ce système.
L'amendement, nous l'avons travaillé. Les deux rapporteurs pour avis ont également fait des propositions sous la forme de sous-amendements.
Le délai de quatre mois est l'élément pivot. Que l'on puisse y déroger en l'allongeant ou en le raccourcissant, à partir du moment où il y a accord des ayants droit, pourquoi pas ? De toute façon, la CMP nous permettra de procéder à des ajustements si nécessaire.
Cela devrait permettre à la totalité des parlementaires de voter cet amendement, y compris nos collègues socialistes, lesquels, s'ils ne veulent pas s'attaquer à l'illégalité, sont bien forcés d'admettre que l'intérêt de tous, y compris des internautes, est que l'offre légale se développe sur Internet.
Oui, commerciale, par définition : quand il y a un travail, ce travail se paie. Il y a donc un prix, monsieur Paul. Eh oui, c'est comme ça !
Quand il y a un travail, il y a un salaire. Je sais que ça ne compte pas beaucoup pour vous, mais tout travail mérite salaire, monsieur Paul.
Avec cet amendement, nous avons réussi à trouver un vrai point d'équilibre. J'espère donc que nous le voterons tous. En tout cas, chacun prendra ses responsabilités.
Vous avez donc compris, monsieur le président, que je retire par avance mes amendements nos 322 rectifié et 321 , puisque c'est avec Franck Riester que j'ai travaillé cet amendement n° 515 et que nous aurons parfaitement le loisir de modifier encore quelques détails en CMP.
M. Lefebvre a raison, nous sommes devant un problème essentiel avec ce que la profession appelle la chronologie des médias.
Si l'on veut éviter la piraterie d'oeuvres audiovisuelles, il est clair que l'on doit fixer un délai. Le délai raisonnable, accepté par la profession, est de quatre mois. Ce délai est nécessaire pour protéger l'exclusivité de la première exploitation d'un film.
Que, par dérogation, pour des raisons diverses, et s'il y a accord, l'on puisse réduire un tel délai, soit. Mais l'essentiel, me semble-t-il, pour la représentation nationale, est de fixer un délai, de le fixer clairement, et de le fixer à quatre mois.
Les négociations ont eu lieu, M. Lefebvre l'a rappelé. La profession, et notamment la fédération des exploitants de salles, s'est prononcée pour ce délai-là.
Si nous ne fixons pas ce délai, c'est tout un pan de l'industrie cinématographique, notamment en province et dans le monde rural, qui peut être mis en difficulté.
Je souhaite donc que la majorité et l'opposition puissent, ensemble, voter l'amendement n° 515 du rapporteur, qui fait le point de ce que souhaite actuellement la profession dans son ensemble, et qui règle le problème de la lutte contre la piraterie.
Il va falloir faire encore beaucoup de pédagogie, et pendant très longtemps !
Je voudrais saluer le travail du rapporteur sur ce sujet sensible, difficile. J'ai moi-même assisté, comme lui, à l'audition de la FNCF. J'ai rarement vu une audition qui se soit aussi mal passée. Être plus bloqué qu'eux, ce n'est pas possible ! Leur discours a consisté à nous dire en substance : « Il y a Internet, mais ce n'est pas grave. Pour nous, la vie continue. »
Madame la ministre, ne faisons pas preuve d'angélisme. Nous sommes dans une situation de blocage.
Vous nous avez annoncé un accord qui nous avait déjà été annoncé avant le dépôt de ce texte. D'ailleurs, celui-ci en porte le stigmate : il nous parle du 31 mars, qui est passé. À chaque fois, on nous annonce un accord, qui ne vient pas. Vous avez en face de vous des gens complètement arc-boutés sur leurs privilèges. Et j'ose les désigner : il s'agit de la FNCF.
Je ne fais pas d'allergie aux gens, en général. Mais là, l'audition s'est très mal passée, et elle a vraiment failli, on peut le dire, s'achever par un affrontement physique.
Lorsque vous nous dites qu'il y aura bientôt un accord professionnel, vous repeignez l'histoire en rose.
J'ai lu le rapport officiel de la mission Olivennes. La recommandation n° 1 propose de : « Ramener la fenêtre VoD de sept mois et demi après la sortie en salle à quatre mois… ».
Madame la ministre, il n'y aura pas d'accord professionnel. Monsieur Riester, je suis favorable à l'amendement de la commission. Ce que vous faites est particulièrement difficile, compte tenu du blocage.
J'ai du mal à croire à l'alinéa 3 de l'amendement n° 515 : « Les contestations relatives à la fixation d'un délai supérieur peuvent faire l'objet d'une conciliation menée par le médiateur du cinéma, … ». Avec l'ambiance qui règne, je souhaite bien du bonheur au médiateur du cinéma !
Nous devons prendre nos responsabilités. Je voudrais déposer un sous-amendement à l'amendement n° 515 , si c'est possible, visant à supprimer l'alinéa 3. Car, malgré toute ma bonne volonté, je ne peux y croire.
Peut-on faire preuve de volonté politique et imposer le délai de quatre mois ? C'est la recommandation n° 1 du rapport Olivennes.
N'envoyons pas ce pauvre médiateur du cinéma à l'abattoir, il n'arrivera à rien, les positions sont complètement bloquées.
Monsieur Dionis, si je comprends bien, vous voulez déposer un sous-amendement visant à supprimer le troisième alinéa de l'amendement n° 515 ?
, rapporteurs pour avis. Cela correspond à un sous-amendement que nous avons déposé !
Pardonnez-moi, je n'avais sans doute pas bien lu les sous-amendements. J'adhère au sous-amendement n° 530 .
Les propositions de M. Dionis du Séjour correspondent stricto sensu au sous-amendement que j'ai déposé avec M. Gérard.
Contrairement à vous, je fais confiance aux acteurs interprofessionnels. Ils sont tous d'accord sur le délai de quatre mois.
C'est une règle claire qui rassurera tout le monde et que tous comprennent.
Cela n'empêche pas les producteurs, eu égard à la qualité et à la nature du film projeté en salle, de rallonger le délai de mise à disposition. Notre sous-amendement le permet. Il fixe un délai plancher en dessous duquel on ne peut donc descendre.
J'apprécie particulièrement le cinéma indépendant et d'auteur et nous savons que ce genre de films a besoin de plus de temps pour conquérir un public, que le bouche à oreille doit jouer. Il reste donc plus longtemps à l'affiche. Ainsi Diva, qui n'avait pas eu de succès lors de sa sortie en salles, a remporté un succès fou un an après.
Les accords interprofessionnels sont en faveur de quatre mois. Cela n'empêchera pas les producteurs d'allonger le délai. Pourquoi embrouiller l'esprit des internautes avec des complications qui les inciteront à pirater ?
Nous avons déjà évoqué la chronologie des médias lors de l'examen de la loi audiovisuelle, à la fin de l'année dernière.
Si nous sommes amenés à légiférer, c'est parce que le Gouvernement a échoué à obtenir un accord interprofessionnel. Madame la ministre, rassurez-vous, cela ne tient ni à votre personne, ni à votre couleur politique. Nous savons combien le sujet est conflictuel et combien les intérêts qui s'affrontent dans le monde du cinéma sont puissants, et rendent difficile l'obtention d'un accord interprofessionnel.
Je ne voudrais pas laisser croire que nous légiférons parce que tout le monde est d'accord. Nous légiférons, au contraire, parce qu'il n'y a pas d'accord général.
M. Dionis a cité une audition dans laquelle les participants ont failli en arriver aux mains. Je pourrais citer une audition qui s'est déroulée avec des gens extraordinairement sympathiques, représentant le syndicat des producteurs indépendants – autre organisation qui est opposée à ce que nous modifions la chronologie des médias.
Faisons bouger cette chronologie ! Nous voulons participer à cet effort collectif. Mais reconnaissons que, si le législateur prend aujourd'hui ses responsabilités, c'est parce que les professionnels ne sont pas parvenus, préalablement, à s'accorder.
Le II de l'amendement n'a pas grand sens. Soit on y verra un pistolet posé sur la tempe, soit on y lira la reconnaissance qu'il est impossible d'obtenir un accord interprofessionnel dans le délai d'un mois.
Je ne voudrais pas laisser penser, suite à la mise en scène de quelques orateurs, que nous vivons un moment historique pour l'histoire du cinéma en France.
Si nous avons vécu, dans notre pays, des moments historiques pour le cinéma et s'il y a encore un cinéma français aujourd'hui, alors qu'il n'y a plus de cinéma italien, ni de cinéma allemand, c'est parce que la gauche aux responsabilités, a su faire voter, dans les années quatre-vingt, des lois assurant la survie du cinéma au moment où il était menacé, en imposant notamment des obligations de production à la télévision.
C'est une réalité. C'est l'histoire du cinéma.
Et c'est le rôle historique de la gauche.
N'ayons donc pas l'impression que nous vivons, dans cet hémicycle, un moment historique en faisant évoluer la chronologie des médias.
Dernière observation – je ne voudrais pas abuser de mon temps de parole, mais je parlerai de toute manière moins longtemps que M. Lefebvre qui est le seul orateur que l'on n'ose pas interrompre, même lorsque, de façon magnanime, il annonce le retrait d'amendements qui tomberont en tout état de cause une fois que l'amendement de M. Riester sera voté !
Rendons à César ce qui appartient à César. Rendons à M. Riester ce qui appartient à M. Riester. Mais je voudrais encore modérer l'enthousiasme de notre Assemblée, qui votera sans doute à l'unanimité l'amendement du rapporteur sur la chronologie des médias. Vous nous avez suffisamment répété que le téléchargement illégal intervenait souvent avant même que le film soit exploité en salle, pour que vous ne puissiez nous convaincre qu'en réduisant à quatre mois la sortie du film en DVD ou en VoD, le problème de ce téléchargement illégal sera résolu. En effet, chacun sait que, pour l'essentiel, il a lieu au moment de la sortie en salles et dans les semaines qui suivent.
Ayez toujours à l'esprit que si Bienvenue chez les cht'is a été le film le plus téléchargé illégalement en France en 2008, c'est aussi celui qui a fait le plus d'entrées en salle. Cela doit nous amener à réfléchir sur la façon dont nos concitoyens accèdent aujourd'hui aux contenus culturels – musicaux ou cinématographiques.
J'ai l'impression – c'est une réflexion personnelle, nous verrons ce qu'elle vaudra dans quelques années – qu'Internet est un élément d'émulation et que, d'une certaine façon, téléchargement illégal et entrées en salle font bon ménage.
Gardons les yeux ouverts. Les films les plus téléchargés sont ceux qui font le plus d'entrées en salles. Le téléchargement ne représente pas une concurrence par rapport aux salles. Aujourd'hui, ce sont les séries américaines qui sont le plus téléchargées, en France.
Je souhaite expliquer la position du groupe GDR. Je voterai l'amendement du rapporteur.
Il est à craindre qu'il n'y ait jamais d'accord interprofessionnel, cela a été dit. Une pression avait été exercée au moyen de ce texte, qui fixait comme date butoir la date du 31 mars. Nous sommes le 3 avril et aucun accord interprofessionnel n'est intervenu.
On ne peut se limiter à la répression, il faut aussi favoriser la mise à disposition des oeuvres cinématographiques et ce dans les meilleures conditions. De ce point de vue, il s'imposait de réduire le délai.
Je suis pour qu'on maintienne la possibilité de moduler ce délai – y compris en descendant en dessous de quatre mois. Tout le monde pense aux grands films qui obtiennent une belle réussite et des millions d'entrées, mais n'oublions pas les autres ! Il arrive que des films soient très appréciés par les cinéphiles après avoir eu peu de succès lors de leur sortie en salle. Il faut donc laisser, au cas par cas, la possibilité de les distribuer autrement. Ce serait impossible si vous refusiez de descendre en dessous de quatre mois.
(Le sous-amendement n° 530 n'est pas adopté.)
(Le sous-amendement n° 531 est adopté.)
(L'amendement n° 515 , sous-amendé, est adopté.)
En conséquence, tous les autres amendements à l'article 9 ter tombent.
(L'article 9 ter, amendé, est adopté.)
Je vous propose d'interrompre brièvement nos travaux. Je demande à chacun de bien vouloir faire un effort de concision, lors de la reprise, afin que la séance ne s'achève pas trop tard.
Article 9TER
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures quarante-cinq, est reprise à vingt heures cinquante.)
Je suis saisi d'un amendement n° 327 portant article additionnel après l'article 9 ter.
La parole est à M. Jean Dionis du Séjour.
Jean Dionis du Séjour. L'amendement est défendu.
(L'amendement n° 327 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement de la commission, n° 102, de suppression de l'article 9 quater.
(L'amendement n° 102 , accepté par le Gouvernement, est adopté.)
En conséquence, l'article 9 quater est supprimé et l'amendement n° 315 tombe.
Je suis saisi d'un amendement n° 323 rectifié .
Sur le vote de l'amendement n° 323 rectifié , je suis saisi par le groupe Nouveau Centre d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Jean Dionis du Séjour.
Jean Dionis du Séjour. Nous souhaitons compléter le code du commerce afin de permettre à la Haute Autorité de saisir le Conseil de la concurrence.
Traitant du téléchargement illégal, nous nous sommes longuement attachés au volet répressif et, de fait, la sanction est nécessaire selon nous : nous sommes donc favorables à la riposte graduée – mais, je le rappelle, totalement opposés à la coupure de l'accès à Internet. Cependant, il serait bon que nous consacrions aussi un peu d'attention au développement de l'offre légale.
À cet égard, la Haute Autorité doit pouvoir observer les relations contractuelles entre toutes les parties prenantes – auteurs, ayants droit, diffuseurs et si, elle constate des pratiques anticoncurrentielles – et ce sera le cas –, elle doit être en mesure de saisir l'autorité de la concurrence.
En matière de musique, la structure des prix a très peu varié depuis 2004. Le prix de référence pour un CD est de 0,99 centime d'euro le titre : 10 % environ vont aux auteurs, compositeurs, interprètes et musiciens accompagnateurs ; entre 5 et 10 % aux diffuseurs et, le reste, au moins 70 %, aux producteurs et ayants droit. Sans nier la valeur ajoutée qu'apportent ces derniers, il est clair que nous avons là une répartition pour le moins déséquilibrée.
Si l'on prétend promouvoir, dans le numérique, l'offre commerciale légale, il est indispensable de s'intéresser au niveau des prix, d'autant que les coûts de reproduction sont nuls et que le prix pertinent d'un fichier téléchargé est très faible – il a été estimé à 0,18 centime d'euro – contre 0,99 centime pour le CD, je le rappelle.
La saisine de l'autorité de la concurrence ne peut avoir que des effets bénéfiques, comme ce fut le cas dans le secteur de la téléphonie mobile.
Je partage tout à fait le point de vue exprimé par notre collègue Dionis du Séjour et je souscris à son amendement.
Avis favorable également.
Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l'amendement n° 323 rectifié .
(Il est procédé au scrutin.)
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 33
Nombre de suffrages exprimés 29
Majorité absolue 15
Pour l'adoption 29
Contre 0
(L'amendement n° 323 rectifié est adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 402 .
J'espère, monsieur Bloche, que votre amendement rencontrera le même succès !
La différence entre Jean Dionis du Séjour et moi, c'est qu'il est dans la majorité et que je suis dans l'opposition. Cela change tout ! (Exclamations et rires sur les bancs du groupe UMP.)
Vous m'offrez toutefois l'occasion d'une habile transition car mon amendement concerne précisément la représentation de l'opposition. Grâce à M. Gosselin notamment, nous avons, à plusieurs reprises, évoqué la commission nationale de l'informatique et des libertés. La CNIL joue un rôle éminent en matière d'observation et de contrôle du traitement des données personnelles et contribue à mieux protéger notre vie privée.
La CNIL a rendu un avis que nous avons évoqué dans nos débats. Dans le projet de loi, il est à plusieurs reprises fait référence au rôle qu'elle jouera quand ce texte sera appliqué – si c'est un jour le cas, ce dont nous continuons de douter fortement.
La CNIL a donc une mission de contrôle tout à fait déterminante, dans l'État de droit qui est le nôtre, pour garantir nos libertés individuelles.
Nous nous heurtons cependant à une difficulté : alors que le collège de la CNIL est formé de dix-sept commissaires dont deux sénateurs et deux députés, ces deux députés sont issus de la majorité. Nous demandons avec force que l'opposition soit représentée à parité avec la majorité dans cet organisme de contrôle. Nous ne voulons absolument pas être désagréables à l'égard des deux députés de la majorité qui représentent actuellement notre Assemblée au sein de la CNIL, mais il nous apparaît plus juste que le pluralisme prévale dans la composition de celle-ci.
Avis défavorable. Je ne m'oppose pas à l'idée de mon collègue M. Bloche, mais nous ne débattons pas ici du fonctionnement de la CNIL : nous traitons de la HADOPI.
Vous aurez deux occasions de pouvoir vous exprimer sur le sujet, monsieur Bloche. En effet, une proposition de loi a été déposée par M. le sénateur Türk,…
…sénateur non inscrit, en vue de modifier la loi de 1978. De plus, nous allons débattre de la réforme de notre règlement, que prépare le président de l'Assemblée nationale Bernard Accoyer. Je vous invite, en conséquence, à retirer votre amendement.
Défavorable.
(L'amendement n° 402 n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 137 rectifié .
La parole est à M. Lionel Tardy.
La chambre criminelle de la Cour de cassation vient de rendre un arrêt, le 6 février 2009, qui pose que les adresses IP ne sont pas des données personnelles, car elles ne présentent pas en elles-mêmes de caractère personnel. La Cour déclare que l'identification de l'internaute nécessite de consulter les fichiers détenus par le fournisseur d'accès, la seule adresse IP n'étant pas suffisante pour cela.
Elle assoit sa position sur le fait que la consultation du fichier du fournisseur d'accès ne peut se faire que sur réquisition de l'autorité judiciaire, ce qui présente une garantie forte, permettant de déclasser l'adresse IP en elle-même.
À partir du moment où ce verrou du juge judiciaire n'existe plus, ou est amoindri, c'est tout l'équilibre de cette décision qui se trouve mis en cause.
L'article 9 de ce texte ouvre la possibilité d'identifier les internautes par leur adresse IP, en autorisant la nouvelle autorité indépendante, qui, je le rappelle, n'a pas le statut de juridiction, à y procéder, en permettant que cela se fasse non seulement pour la poursuite des infractions pénales, mais également pour le manquement à l'obligation définie à l'article L 336-3, qui n'a pas le statut d'infraction pénale.
Il apparaît donc essentiel de rétablir un équilibre en soumettant au contrôle de la CNIL les traitements automatisés ou non permettant de collecter et de traiter des adresses IP en vue d'identifier les internautes.
Avis défavorable pour les raisons évoquées lors de l'examen d'amendements précédents.
Avis défavorable. Cet amendement revient, en effet, à briser une jurisprudence de la Cour de cassation. Considérer que l'adresse IP est une donnée personnelle gênerait énormément le fonctionnement de la Haute Autorité. Il n'y a sans doute pas un seul pays au monde où l'adresse IP a un tel caractère.
Je suis saisi d'un amendement de coordination, n° 103 rectifié, présenté par le rapporteur.
(L'amendement n° 103 rectifié , accepté par le Gouvernement, est adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 104 , qui fait l'objet d'un sous-amendement n° 459 rectifié .
L'amendement n° 104 est rédactionnel. Le Gouvernement y est favorable.
Je suis saisi d'un sous-amendement n° 459 rectifié .
La parole est à M. Lionel Tardy.
Avis défavorable.
(Le sous-amendement n° 459 rectifié n'est pas adopté.)
(L'amendement n° 104 est adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 105 .
La parole est à M. le rapporteur.
Nous avons évoqué au tout début de notre débat cet amendement important qui vise à améliorer les modalités transitoires de constitution du collège de la HADOPI, pour en garantir le bon fonctionnement et, surtout, pour faire en sorte qu'il y ait un suivi de la politique conduite par la Haute Autorité.
Nous en venons à une série d'amendements portant articles additionnels après l'article 10.
Je suis saisi de quatre amendements, nos 490 rectifié , 1 rectifié , 335 rectifié et 454 , pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à Mme Christine Albanel, ministre de la culture, pour défendre l'amendement n° 490 rectifié .
Cet amendement est destiné à adapter notre législation à l'environnement numérique en fixant les modalités d'exploitation des oeuvres journalistiques et de la protection de leurs auteurs.
Il se situe dans le droit fil des préconisations des états généraux de la presse et de celles du « Blanc », rapport de proposition qui est le fruit du travail de plus de deux ans mené par un groupe de professionnels, éditeurs et journalistes.
La proposition tend à remplacer un droit lié à un support par un droit lié à un temps d'exploitation. Elle laisse une marge de manoeuvre à la négociation collective au sein des entreprises de presse, y compris sur la question de la cession des droits à plusieurs titres au sein d'un même groupe, dénommé famille de presse.
L'amendement vise à clarifier le champ de la cession des droits du journaliste à l'éditeur en définissant le premier cercle d'exploitation pour lequel il y a une cession automatique du droit d'exploitation de l'oeuvre du journaliste pendant une durée fixée par accord d'entreprise. Au-delà de cette période, s'ouvrira un deuxième cercle d'exploitation qui devra faire l'objet d'une rémunération spécifique.
L'amendement prévoit également qu'une cession dans le cadre d'une famille cohérente de presse ouvrira droit à une rémunération complémentaire. La liste des titres de presse concernés sera définie par voie d'accord d'entreprise. Ce dernier ajout est issu du livre vert des États généraux de la presse et a fait l'objet d'un consensus au sein du groupe dans lequel il a été discuté.
Enfin, toute exploitation hors du titre de presse ou de la famille cohérente de presse devra faire l'objet d'un accord exprès et préalable de son auteur.
Conformément aux préconisations du « Blanc », il est, par ailleurs, apparu nécessaire de prévoir des dispositions spécifiques concernant le secteur de l'image fixe. Ce secteur doit, en effet, faire face à des difficultés économiques structurelles liées à l'explosion de l'offre numérique et à la précarisation des photographes, notamment pigistes. L'amendement du Gouvernement prévoit, à cette fin, que la cession des droits d'exploitation d'un journaliste auteur d'une image fixe qui collabore de manière occasionnelle à la création d'un titre de presse ne s'applique que si cette oeuvre a été commandée par l'entreprise de presse. Il précise que les dispositions figurant dans la loi ne s'appliquent pour cette catégorie particulière de journalistes qu'à l'issue d'un accord de branche déterminant leur salaire minimum.
L'amendement plafonne le montant de la rémunération versée sous forme de droits d'auteurs pour les exploitations, dans un même titre ou dans un titre de la famille cohérente de presse, de l'oeuvre d'un journaliste en activité dans l'entreprise. Ce seuil sera fixé par voie de décret. Cette disposition vise à éviter une situation préjudiciable aux journalistes. En effet, les revenus sous forme de droits d'auteur, lorsqu'ils sont inférieurs à 7 524 euros par an, ne sont pas pris en compte dans le calcul des droits à pension et n'ouvrent donc aucun droit ultérieur à ce titre.
L'amendement offre la possibilité d'opter pour la gestion collective des droits d'auteur. Cette faculté permet d'alléger les démarches administratives d'assujettissement des journalistes pour les éditeurs. En tant que de besoin, ces sociétés de gestion collective prennent également en charge la recherche des ayants droit.
L'amendement prévoit l'instauration d'une commission en cas de négociation collective infructueuse et rappelle, en outre, l'obligation légale faite à l'employeur d'ouvrir, chaque année, des négociations salariales.
Il envisage également la mise en cohérence du code du travail avec les dispositions du code de la propriété intellectuelle. Il précise, à cette fin, le périmètre d'exploitation de l'oeuvre couverte par le salaire à titre exclusif.
Il modifie, de surcroît, le code de la sécurité sociale pour inscrire les droits d'auteur des journalistes dans celui des artistes auteurs et délimiter le niveau de l'assujettissement des cotisations patronales de sécurité sociale.
Enfin, il couvre la période transitoire entre la promulgation de la loi et la conclusion d'accords collectifs. Il prévoit que les accords relatifs à l'exploitation sur les différents supports des oeuvres des journalistes signés avant l'entrée en vigueur de la loi continuent de s'appliquer jusqu'à leur date d'échéance.
Cet amendement, très largement débattu avec les professionnels concernés et très attendu, est le fruit d'un travail collectif de plusieurs années. Il donnera une réelle sécurité juridique aux éditeurs de presse, tout en préservant les intérêts des journalistes. Je vous demande donc de bien vouloir l'adopter.
La parole est à Mme la rapporteure pour avis, pour défendre l'amendement n° 1 rectifié .
J'ai bien entendu ce que vient d'indiquer Mme la ministre.
L'amendement que nous avons présenté, avec Mme Marland-Militello, devant la commission est proche de celui de Mme la ministre. Si les sous-amendements, que nous défendrons tout à l'heure, sont acceptés dans leur majorité, nous retirerons notre amendement.
Peut-être pourriez-vous présenter maintenant ces sous-amendements, monsieur Kert ?
L'amendement n° 1 rectifié relève du même esprit que celui du Gouvernement. J'expliciterai mon propos lorsque je présenterai les sous-amendements.
La parole est à Mme Martine Billard, pour défendre l'amendement n° 335 rectifié .
Comme cela vient d'être précisé, cet amendement était très attendu par la profession. La mesure proposée a fait l'objet de nombreuses discussions et négociations. Il s'avérait, en effet, nécessaire de faire évoluer la législation des droits d'auteur des journalistes en tenant compte de l'évolution de la profession, des technologies et des pratiques.
J'avais déposé un amendement parce que des propositions différentes circulaient alors qu'il importait de respecter ce qui avait été discuté, négocié et qui avait donné lieu à accord entre les différents représentants de la profession, à savoir journalistes et entreprises de presse.
L'amendement proposé par le Gouvernement respecte cet équilibre. En conséquence, monsieur le président, je retire celui que j'ai déposé au nom du groupe de la Gauche démocrate et républicaine. Je précise, toutefois, que je voterai l'amendement du Gouvernement à condition qu'il demeure dans son intégralité, donc tel qu'il vient d'être présenté. S'il est modifié, voire dénaturé, par un ensemble de sous-amendements qui ne correspondent plus aux accords et aux points d'équilibre trouvés au sein de la profession, je ne le voterai pas.
(L'amendement n° 335 rectifié est retiré.)
Je veux en dire un mot, car ce n'est pas un mince sujet, monsieur le président ! Je sais qu'il est bientôt vingt et une heures quinze, mais vous aurez remarqué que, cet après-midi et jusqu'en début de soirée, ce n'est pas l'opposition qui a retardé les débats !
Ce point est essentiel et concerne le fameux « Blanc » qui a fait l'objet de nombreuses discussions au cours des états généraux de la presse. Le Président de la République y a lui-même fait référence lors de ses voeux à la presse en début d'année.
Ce n'est certes pas la faute du président de séance, mais je tiens tout de même à déplorer les conditions dans lesquelles nous légiférons. Ce dispositif est essentiel et peut, s'il fonctionne bien, pacifier pour longtemps les relations entre éditeurs et journalistes qui, sur ces questions de droits d'auteur, sont conflictuelles depuis des années – celles et ceux qui suivent ces sujets le savent parfaitement. Des femmes et des hommes de bonne volonté, du côté des éditeurs et du côté des journalistes, se sont assis autour d'une table pour tenter de trouver à un moment T – que nous vivons ce soir – un point d'équilibre.
Madame la ministre, vous venez de nous distribuer – c'est votre droit, le règlement de l'Assemblée nationale le prévoit – un amendement qui fait sept pages. Je pourrais demander une suspension de séance pour vérifier s'il correspond bien au « Blanc ». Je ne le ferai pas : le président m'accorderait sans doute cinq minutes, ce qui ne serait pas suffisant.
Je voudrais donc que vous puissiez nous garantir, en tant que ministre de la République, qu'il s'agit bien du « Blanc » stricto sensu, c'est-à-dire ce document qui permet de trouver le point d'équilibre et d'accord entre éditeurs et journalistes.
Si vous nous le confirmez, je retirerai mon amendement et, comme Martine Billard, je voterai l'amendement du Gouvernement à condition qu'il ne soit pas sous-amendé.
L'amendement du Gouvernement, je le dis clairement, est conforme au « Blanc » et au Livre vert.
(L'amendement n° 454 est retiré, de même que l'amendement n° 1 rectifié .)
Nous allons maintenant examiner les différents sous-amendements de M. Kert à l'amendement n° 490 rectifié .
Nous commençons par le sous-amendement n° 516 deuxième rectification.
Vous avez la parole, monsieur Kert.
Je voudrais rassurer nos deux collègues, les sous-amendements que je présente ne sont en rien, vous allez le constater, attentatoires à l'esprit du texte présenté par Mme la ministre.
Le sous-amendement n° 516 deuxième rectification a pour objet de clarifier et de fluidifier les conditions de cession ab initio des droits. Cette cession était prévue dans le « Blanc » puisqu'il y était question d'assurer la sécurité juridique de l'éditeur grâce à la reconnaissance d'une cession automatique de droits exclusifs. Nous sommes donc fidèles à ce document.
Ce type de disposition existe d'ailleurs déjà dans le domaine de l'audiovisuel, dans des conditions fixées par différents articles du code de la propriété intellectuelle.
Quel est l'avis de la commission sur ce sous-amendement et sur l'amendement du Gouvernement ?
Favorable au sous-amendement et à l'amendement.
Les états généraux de la presse ont donné lieu à de nombreux débats et échanges avec les professionnels et, plus largement, la question des droits d'auteur des journalistes est un élément essentiel des discussions menées avec la profession depuis des mois.
Cet amendement fait suite au « Blanc » et donc à des accords interprofessionnels qui vont dans le sens d'une clarification des droits des uns et des autres.
Favorable. C'est une disposition tout à fait conforme au « Blanc ».
J'aurais voulu expliquer le sens de l'amendement n° 1 rectifié adopté par la commission, mais vous ne m'avez pas redonné la parole, monsieur le président.
Si nous avons jugé bon de le présenter, c'est pour trois raisons.
D'abord, les articles et photographies des journalistes sont clairement des oeuvres protégées par le droit d'auteur et entrent donc dans le champ d'application du présent projet de loi. Il s'agit d'oeuvres de l'esprit, qui, au même titre que les chansons ou les films, doivent être protégées contre le piratage.
Ensuite, le développement et la diffusion massive d'une offre légale de presse en ligne, tout comme pour les autres oeuvres de création, dépendent de nombreuses conditions dont toutes ne sont pas encore réunies. L'amendement de la commission visait à remédier à cet état de fait. Il s'agissait pour nous de sécuriser et d'assurer le développement de notre presse sur Internet et donc de pérenniser l'avenir de nos journaux, ce qui est vital pour la démocratie.
Enfin, l'ensemble des acteurs concernés, journalistes comme éditeurs de presse, travaillent de concert sur ce sujet depuis plus de cinq ans. Ils ont longuement débattu lors des états généraux de la presse. L'amendement de la commission était issu des conclusions de ces états généraux. Nous avons convié l'ensemble des syndicats de journalistes et les éditeurs à l'Assemblée nationale pour connaître leur point de vue sur le sujet. Nous les avons longuement entendus. Nous avons échangé avec eux sur notre proposition. Tous nous ont dit l'urgence de traiter ce dossier pour sécuriser les accords déjà passés et permettre demain à toutes les entreprises de presse de se développer sur Internet. Il en va de la sauvegarde de nombreux journaux, et donc de l'emploi des journalistes.
Très bien !
(Le sous-amendement n° 516 deuxième rectification est adopté.)
Il s'agit de réintégrer dans le dispositif la possibilité d'un accord individuel pour le délai de première exploitation de l'oeuvre, plus communément appelé « cercle 1 ».
Nous avons considéré qu'en excluant toute possibilité de passer des accords individuels de cession de droits, l'amendement du Gouvernement courait un risque d'inconstitutionnalité pour atteinte au droit de propriété, en conférant un pouvoir exclusif aux organisations professionnelles pour définir un régime d'exploitation des oeuvres.
Si Mme la ministre nous assure qu'il n'y a pas de risque d'inconstitutionnalité, je suis prêt à retirer ce sous-amendement, de même que celui qui suit.
L'amendement du Gouvernement prévoit la conclusion d'accords collectifs afin d'assurer une négociation équilibrée. Du fait du lien de subordination entre le journaliste et son employeur, la négociation collective semble en effet plus à même de préserver l'équilibre entre les parties. Cette disposition ne présente pas de risque d'inconstitutionnalité. C'est pourquoi je suis défavorable au sous-amendement.
Il s'agit de supprimer l'alinéa 22, aux termes duquel sera fixée par décret la part maximale que peuvent représenter les droits d'auteur dans la rémunération globale d'un journaliste.
Rappelons qu'il s'agit de fixer le cadre juridique de la réutilisation de contributions déjà rémunérées par le salaire, dont le principe même repose sur l'existence d'un droit d'auteur et non sur la fourniture d'un travail ou d'une prestation. Le droit naît de la qualité d'auteur, et non de celle de salarié, déjà rémunérée. C'est une disposition de bon sens.
(Le sous-amendement n° 519 , accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.)
Nous passons au sous-amendement n° 521 .
Vous avez la parole, monsieur Kert.
L'amendement donne la possibilité de saisir la commission de conciliation six mois après la promulgation de la loi – contre un an dans l'amendement du Gouvernement – à défaut de conclusion d'un accord collectif sur le sujet.
(Le sous-amendement n° 521 , accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.)
Dans la même logique, c'est la possibilité de saisir la commission de conciliation six mois après la promulgation de la loi, contre un an dans l'amendement du Gouvernement.
(Le sous-amendement n° 522 , accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.)
Nous passons au sous-amendement n° 523 .
Vous avez la parole, monsieur Kert.
Il s'agit de prévoir que la décision de la commission de conciliation doit intervenir sous deux mois, et non trois comme il est prévu par le Gouvernement, cela pour éviter aux parties une incertitude juridique et financière trop longue.
(Le sous-amendement n° 523 , accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.)
Il convient de ne pas subordonner l'entrée en vigueur des dispositions sur le droit d'auteur des journalistes sur Internet à la conclusion de négociations sur le salaire minimum des photographes pigistes. C'est un vieux débat. La négociation sur des barèmes minimaux de piges relève exclusivement de la politique sociale. Elle n'a pas sa place dans le code de la propriété intellectuelle et n'a aucun lien avec l'objet de l'amendement.
Défavorable. Il est important qu'il y ait dans la loi une incitation à une discussion sur la rémunération des pigistes.
Défavorable.
Nous passons au sous-amendement n° 532 .
Vous avez la parole, monsieur Kert.
Ce sous-amendement vise à prendre en compte la révolution numérique en cours : le journaliste peut désormais être amené à travailler sur les différents supports du titre de presse. Si tel ne devait pas être le cas, cela doit être précisé dans le contrat de travail ou, pour les pigistes, dans toute autre convention de collaboration ponctuelle.
Pour les contrats de travail en cours d'exécution, un avenant devra être conclu pour prévoir que la collaboration du journaliste est désormais multi-support. Le refus par le journaliste de conclure un tel avenant ne saurait être considéré comme une cause réelle et sérieuse de licenciement.
Pour les journalistes déjà salariés qui concluent cet avenant à leur contrat de travail, l'employeur, dans le cadre de son obligation de formation de ses salariés, fera un effort particulier pour adapter leurs compétences au travail sur différents supports. En effet, en application d'un article du code du travail, il lui appartient de veiller au maintien de la capacité de ses collaborateurs à occuper un emploi, au regard notamment de l'évolution des emplois, des compétences, des technologies et des organisations.
Sagesse.
Nous arrive abruptement un amendement du Gouvernement de sept pages, censé être conforme à l'accord obtenu avec les représentants des journalistes et des entreprises de presse. Nous n'avons pas le temps de l'étudier et de procéder aux vérifications nécessaires. Nous arrivent ensuite onze sous-amendements, et nous n'avons pas non plus les moyens de vérifier en séance s'ils dénaturent ou non le texte.
En l'occurrence, ce dernier sous-amendement de M. Kert n'est pas anodin parce qu'il porte sur un sujet qui fait débat dans la profession et qui est au coeur des conflits entre journalistes et propriétaires de presse.
J'appelle donc à voter contre, car soit il y a eu accord des syndicats, ce qui m'étonnerait, soit on est en train d'essayer de faire passer ainsi à la faveur d'un sous-amendement une disposition qui risque d'être très controversée.
Pouvez-vous nous dire, madame la ministre, quelle est la position des syndicats de journalistes sur cette question ? Je crains que ce ne soit pas la position défendue par M. Kert.
C'est vrai que le sujet fait l'objet de très longues discussions. Je crois que les journalistes sont conscients que des modifications sont nécessaires et il y a dans ce sous-amendement une conception de la collaboration au niveau des groupes qui a sa logique. C'est la raison pour laquelle je m'en suis remise à la sagesse de l'Assemblée.
Il est vrai que nous avons peu de recul sur le sujet, mais puisque celui-ci est en débat, je dois dire que l'amendement de M. Kert me paraît a priori très important. Je ne vois pas comment, dans une entreprise de presse moderne, les nouveaux contrats avec les journalistes pourraient ne pas être considérés comme étant multi-supports. Cela me semble très important pour la survie de la presse : comme elle offrira forcément des titres papier et des titres en ligne, une véritable polyvalence est nécessaire.
En outre, le dispositif est « bordé » : pour les contrats de travail en cours d'exécution, un avenant devra être conclu ; le refus du journaliste de « basculer » ne sera pas un motif de licenciement ; enfin, une contribution de l'employeur à la formation est prévue. Le sous-amendement est donc respectueux des contrats en cours. N'ayant aucune idée de la manière dont pourrait fonctionner une presse moderne sans cette polyvalence, je voterai le sous-amendement.
Comme Martine Billard, je trouve que l'avis de sagesse émis par Mme la ministre introduit un élément de perturbation. Sur cette affaire, les députés de l'opposition sont prêts à voter le « Blanc », rien que le « Blanc ». L'amendement n° 490 rectifié du Gouvernement fait sept pages ; nous n'avons pas eu le temps de le lire mais n'avons pas demandé de suspension de séance pour ce faire, car nous croyons en la parole d'une ministre de la République.
Sur les quelque onze sous-amendements de M. Kert, nous étions même prêts à suivre les avis favorables ou défavorables de Mme la ministre. Si elle dit « sagesse », tout s'écroule comme un château de carte ! Je préférerais, madame la ministre, que vous disiez ce que vous pensez de ce sous-amendement. Si vous maintenez une position de sagesse, nous aurons tendance à considérer que ce n'est pas le « Blanc », rien que le « Blanc », et que votre amendement ainsi sous-amendé rompt l'équilibre obtenu entre journalistes et éditeurs.
Il ne s'agit pas d'un problème d'appréciation personnelle, mais de la nécessité de maintenir un point d'équilibre très fragile.
Ce point ne fait pas partie des conclusions du « Blanc ». Il est vrai que c'est un sujet complexe et sensible. J'ai donné un avis de sagesse car nous pensons qu'il revient à chaque entreprise de s'organiser en fonction de la périodicité et de la nature de ses publications. Notre souci est donc plutôt de préserver la liberté des entreprises.
(Le sous-amendement n° 532 est adopté.)
Je suis saisi d'un sous-amendement n° 526 .
La parole est à M. Christian Kert.
M. Christian Kert. Les négociations sur les rémunérations des journalistes relèvent exclusivement de la politique sociale. Elles sont d'ailleurs, comme celles des autres collaborateurs, déjà prévues par deux articles du code du travail. S'agissant des collaborateurs occasionnels, de nombreux accords d'entreprise ont déjà fixé les conditions d'application du principe de présomption de salariat. Il nous a semblé que cette disposition n'avait aucun lien avec l'objet de l'amendement.
Défavorable. Il est important d'inciter à une négociation générale sur les salaires.
Même avis. L'amendement du Gouvernement rappelle l'obligation d'une ouverture annuelle de négociations sur les salaires prévues par le code du travail et qui doivent concerner aussi bien les journalistes permanents que les pigistes.
Ce rappel est apparu utile compte tenu du lien établi par le nouvel article L. 132-42 du code de la propriété intellectuelle entre droits d'auteur et salaire. Dès lors que les droits d'auteur sont plafonnés, il importe, afin de préserver les droits à pension lors de la retraite des journalistes, que le salaire soit lui-même régulièrement renégocié. En outre, cette disposition permet de préciser que les journalistes pigistes sont inclus dans le champ de la négociation actuelle, approche conforme à la présomption de salariat dont ils bénéficient.
Pour que l'on ne puisse pas penser que nous altérons l'idée du « Blanc », je retire ce sous-amendement.
(Le sous-amendement n° 526 est retiré.)
La parole est à Mme Martine Billard, avant que nous passions au vote de l'amendement n° 490 rectifié sous-amendé.
J'ai retiré l'amendement que j'avais déposé en expliquant que je faisais confiance à Mme la ministre qui affirmait que le sien respectait le « Blanc ».
Or, madame la ministre, l'un des sous-amendements de M. Kert, qui n'est pas dans le « Blanc », vient d'être adopté suite à votre avis de sagesse. Vous avez reconnu, après quelques atermoiements, que ce sous-amendement ne faisait pas partie du « Blanc ». Il s'agit d'un amendement conflictuel, compte tenu de la situation de la profession en ce moment ; il aurait mieux valu laisser se poursuivre les négociations sur cet aspect.
Dans ces conditions, je ne voterai pas l'amendement du Gouvernement, madame la ministre, parce que je considère que vous avez manqué à l'engagement que vous aviez pris, et que vous trahissez les journalistes en ayant laissé voter le sous-amendement de M. Kert.
Mes chers collègues, nous n'allons pas faire une tragédie grecque à cette heure-ci !
La parole est à M. Patrick Bloche, dernier orateur à prendre la parole avant que nous passions au vote de l'amendement.
Monsieur le président, cela nous fera gagner du temps.
Je m'associe pleinement aux propos de Mme Billard. J'ai dit tout à l'heure que je voterais le « Blanc », rien que le « Blanc », mais tout le « Blanc ». À partir du moment où, Mme la ministre ayant donné un avis de sagesse, un sous-amendement de M. Kert non prévu par le « Blanc » a été voté par notre assemblée, ce n'est plus le « Blanc », rien que le « Blanc », tout le « Blanc », et, à l'instar de Mme Billard, les députés socialistes ne voteront pas cet amendement du Gouvernement.
(L'amendement n° 490 rectifié , sous-amendé, est adopté.)
Je reviens sur un sujet qui nous a beaucoup occupés en 2006, au moment des débats sur la loi DADVSI, au cours desquels nous avons essayé de protéger les bibliothèques.
À l'occasion de l'examen de cette loi, après bien des discussions – il est vrai qu'à l'époque, il y avait plusieurs lectures, ce qui n'était pas une mauvaise chose –, le Parlement avait souhaité protéger le patrimoine en autorisant la reproduction d'une oeuvre par les bibliothèques accessibles au public, les musées ou les services d'archives, pour permettre sa conservation ou préserver les conditions de sa consultation sur place.
Mais cette autorisation de reproduction ne s'est pas accompagnée d'une autorisation de communiquer sur place la copie ainsi réalisée.
Il en résulte que seul peut être communiqué au public l'exemplaire original de l'oeuvre et non la copie qui en a été permise, ce qui peut, par exemple, nuire à son intégrité dans le cas d'une fragilité ou d'une détérioration matérielles, ou encore rendre inopérante sa consultation dans le cas d'un support ou d'un format informatique obsolète.
Il s'agit donc de combler une lacune, tout en respectant l'esprit de la loi DADVSI, au moins sur ce point. Le présent amendement vise à permettre, outre la reproduction, la représentation de la reproduction ainsi réalisée, par consultation, visionnage ou écoute sur place. Il précise qu'il ne s'agit que de communiquer copie d'une oeuvre déjà acquise légalement par la bibliothèque, le musée ou le service d'archives.
Cette proposition est conforme à la directive européenne du 22 mai 2001 sur l'harmonisation de certains aspects du droit d'auteur et des droits voisins dans la société de l'information, dont sont d'ailleurs reprises les expressions « faisant partie de leur collection » et « à des fins de recherche ou d'études privées ».
La parole est à Mme Martine Billard, pour soutenir l'amendement n° 422 .
C'est un amendement identique. J'espère qu'il sera accepté, car il est de bon sens et rendrait beaucoup plus facile la communication de documents par les archives, les bibliothèques et les centres de documentation.
La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement n° 141 , qui est devenu un amendement de la commission.
L'amendement procède du même esprit que les amendements de M. Bloche et de Mme Billard. La commission des lois a toutefois estimé qu'en l'état de leur rédaction, les amendements nos 141 , 168 rectifié , 306 et 422 , excédaient les possibilités définies par l'article 5 de la directive de 2001 s'agissant de l'exception de reproduction des oeuvres en bibliothèque.
J'indique d'ores et déjà que le très intéressant sous-amendement no 425 de Mme Marland-Militello s'appuie sur une interprétation pertinente des considérants de la directive et apporte des précisions de nature à concilier le légitime objectif recherché sur tous les bancs avec la législation communautaire.
La parole est à Mme Muriel Marland-Militello, pour soutenir le sous-amendement n° 425 .
Avec l'amendement n° 141 , c'est la première fois qu'est permise, outre la reproduction, la communication de certaines oeuvres à des fins de recherche dans les bibliothèques. Le présent sous-amendement précise que cette communication doit s'effectuer sur place, dans les locaux de l'établissement, sur des terminaux spécialement prévus à cet effet, afin que cette disposition soit en accord avec le droit européen.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements et le sous-amendement ?
Les bibliothèques, les centres d'archives et les centres de documentation fonctionnent beaucoup en réseau. Le temps où, au sein d'un réseau, par exemple un réseau universitaire, on demandait la communication par envoi postal des documents est un peu passé. Vous êtes en train de revenir à cette époque puisque vous exigez des terminaux dédiés sur le site possédant la copie.
Nos amendements sont conformes à la directive. Le dispositif du sous-amendement est totalement contraire à l'organisation d'une bibliothèque en réseau.
Par cet amendement, il ne s'agit pas de faciliter la consultation de la revue ou du livre courants, que l'on va de toute façon trouver dans quasiment toutes les bibliothèques – bibliothèques publiques ou d'études, selon le type de documents– , mais de favoriser l'accès à des publications rares, que possèdent seulement quelques bibliothèques sur le territoire national. Auparavant, dans le cadre des échanges inter-universitaires, on les envoyait par la poste ; maintenant, on les consulte à distance quand elles sont mises à disposition sur le réseau par la bibliothèque d'origine. Mais vous dites aux chercheurs qu'ils devront prendre le train – non la voiture, car il ne faut pas polluer ! – pour se rendre à la bibliothèque, à l'autre bout de la France si nécessaire. Reconnaissez que c'est un peu bizarre, au XXIe siècle et alors qu'on légifère sur l'utilisation d'internet, de proposer une telle limitation.
Madame Billard, il s'agit d'être conforme à la directive. Je l'ai sous les yeux : l'article 5-3, paragraphe n, permet uniquement d'étendre l'exception à la mise à disposition sur des terminaux spécialisés dans des locaux des bibliothèques. Elle interdit la fourniture en ligne. Si nous ne spécifions pas cette limitation, nous serons retoqués par le juge européen. Elle précise les conditions de la consultation sur place, mais n'autorise pas expressément la diffusion d'un endroit à l'autre.
Je suis saisi d'un amendement n° 427 .
La parole est à M. Patrick Bloche.
Je ne veux pas retarder le débat, mais je pense que l'Assemblée n'a pas été suffisamment informée après l'intervention de MmeMarland-Militello. Nous connaissons très bien la directive communautaire de 2001 sur l'harmonisation de certains aspects du droit d'auteur et des droits voisins, et je peux vous affirmer qu'elle n'empêche pas, heureusement, les bibliothèques de fonctionner en réseau. Comme l'a dit très justement Martine Billard, nous n'en sommes pas à devoir prendre, à cause de la directive, le train ou tout autre moyen de locomotion, si possible le vélo (Sourires),pour aller consulter un document. Ne prenez pas prétexte de la directive, madame la rapporteure pour avis, pour motiver le rejet de ces deux amendements. Vous auriez pu au moins faire un geste en fin de débat mais, jusqu'au bout, un amendement de l'opposition sera par principe mauvais !
J'en viens à l'amendement n° 427 . Il relaie une revendication sur laquelle nous invitons ainsi Mme la ministre à s'exprimer. Il nous a été demandé de profiter de ce débat pour faire reconnaître un droit voisin au profit des producteurs de spectacles vivants. Alors que les producteurs de phonogrammes, de vidéogrammes ou les entreprises de communication audiovisuelle sont titulaires de droits voisins, les producteurs de spectacles vivants en sont exclus. De ce fait, ceux-ci se sont pas intéressés aux exploitations commerciales des spectacles qu'ils ont produits et financés, alors que les nouvelles technologies leur ouvrent pourtant de nombreuses perspectives : sites de web TV mettant en ligne des captations de spectacles de toutes sortes, enregistrées ou en direct, chaînes « 100 % live » proposées par certains fournisseurs d'accès, sites des web radios permettant d'écouter de la musique live, etc.
Nous avons déposé cet amendement pour vous donner l'occasion de faire part de votre avis sur l'éventuelle reconnaissance de ce nouveau droit voisin. En fonction des arguments que vous développerez, je vous dirai si je le maintiens ou non.
Lors d'une audition à laquelle participait M. Bloche, nous avons rencontré les représentants du PRODISS – le syndicat national des producteurs, diffuseurs et salles de spectacles –, organisme représentatif des producteurs de spectacles. Nous avons longuement discuté avec eux de la pertinence de reconnaître ce nouveau droit voisin. Mais l'amendement ainsi rédigé appelle plusieurs réserves.
Tout d'abord, il entraînerait un surcoût d'exploitation des oeuvres.
Ensuite, sur le plan juridique, aucune convention internationale, qu'il s'agisse de la convention de Rome de 1961, de l'accord sur les droits de propriété intellectuelle en rapport avec le commerce – ADPIC – de 1994 ou du traité OMPI de 1996, pas plus qu'aucune norme communautaire, ne reconnaît l'existence de droits voisins au bénéfice des producteurs de spectacles vivants. La conséquence d'une telle reconnaissance, ce serait la rupture de l'harmonisation des droits voisins prévue par les différentes directives communautaires, et donc une insécurité juridique des ayants droit français par rapport à leurs homologues étrangers, communautaires ou non.
Sur le plan économique, cela conduirait à un bouleversement au détriment de la musique enregistrée, qui est en crise, et au bénéfice du spectacle vivant qui, lui, est en plein essor. Les termes de la négociation économique entre les différentes catégories d'acteurs des industries culturelles seraient donc modifiés.
Enfin, sur le plan des principes, une telle mesure n'est pas indispensable à la protection des intérêts des producteurs de spectacles vivants. On l'a d'ailleurs évoqué lors des discussions avec le PRODISS. Les dispositions de droit commun permettent déjà aux producteurs de spectacles d'agir en justice contre les appropriations : un spectacle ne peut jamais être repris sans l'autorisation de son producteur. J'ajoute que celui-ci bénéficie fréquemment, en plus, d'un droit voisin en qualité de producteur de phonogramme ou de producteur audiovisuel.
Compte tenu de tous ces éléments, je crois vraiment que c'est la négociation contractuelle entre les parties qui constitue actuellement la voie la plus pragmatique pour permettre aux différentes catégories d'investisseurs de recevoir un juste retour pour leurs apports. Mais je serai intéressé de connaître l'avis de Mme la ministre sur ce sujet.
Je m'associe tout à fait à ce que vient de direFranck Riester. En effet, je crois que l'attribution d'un droit voisin aux producteurs de spectacles vivants constituerait une rupture de l'harmonisation des droits de propriété intellectuelle en Europe. Il est exact qu'aucune convention internationale ne reconnaît l'existence d'un droit voisin au bénéfice des producteurs de spectacles vivants, pas plus qu'aucune norme communautaire. Une telle reconnaissance bouleverserait l'équilibre économique des industries culturelles. Le rapporteur a justement souligné l'essor du spectacle vivant : ce secteur, entre 2002 et 2007, a connu une hausse de son chiffre d'affaires de 61 %, tandis qu'au cours de la même période, celui de l'industrie phonographique a connu une baisse de plus de 50 %. C'est une tendance qui se confirme au niveau mondial où le chiffre d'affaires du spectacle vivant devrait dépasser, dès 2011, celui de la musique enregistrée. De plus, je souligne que, contrairement à l'industrie phonographique, le spectacle vivant bénéficie d'une TVA à taux réduit.
La création du droit voisin proposé par l'amendement au bénéfice des producteurs de spectacles aboutirait donc à bouleverser les termes de la négociation économique entre les différentes catégories d'acteurs des industries culturelles.
Enfin, comme l'a indiqué le rapporteur, cette mesure n'est pas indispensable à la protection des intérêts des organisateurs de spectacles.
L'avis est donc défavorable.
Monsieur Bloche, maintenez-vous votre amendement ou êtes-vous satisfait par la réponse de la commission et du Gouvernement ?
Je remercie M. le rapporteur et Mme la ministre d'avoir apporté toutes ces précisions et d'avoir pris un soin particulier pour répondre sur cet amendement. Mais je ne voudrais pas que les professionnels du spectacle vivant voient ce droit voisin qu'ils revendiquent rejeté par une majorité de l'Assemblée nationale. En raison de l'issue du vote que je pressens, je préfère retirer mon amendement. Au passage, je sais gré à Mme la ministre comme à M. le rapporteur d'avoir confirmé ce que nous savons les uns et les autres, c'est-à-dire que le chiffre d'affaires global de la musique progresse d'année en année car si la vente de CD baisse, tout ce qui touche aux concerts explose. Cela amène une augmentation du chiffre d'affaires global de la musique. Merci pour cette bonne nouvelle de fin de débat…
(L'amendement n° 427 est retiré.)
Je suis saisi d'un amendement n° 316 .
La parole est àM. Patrick Bloche.
Ces amendements traitent d'une question qui nous a déjà largement occupés durant le débat sur le texte relatif à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision. Je sais que M. le rapporteur va me répondre que j'ai eu toute satisfaction avec le vote de l'amendement n° 317 rectifié , avant l'article 1er. Mais, après réflexion, je ne suis pas satisfait de cet amendement, qui n'est que vaguement incitatif et qui ne convaincra pas les puissants intérêts en jeu de permettre la réalisation de l'objectif majeur que visent nos deux amendements.
En effet, nous souhaitons toutes et tous que l'offre légale progresse dans ce pays. Or il existe une situation de blocage inadmissible dans l'audiovisuel : certaines clauses contractuelles freinent la circulation optimale des droits entre chaînes hertziennes, thématiques et TNT. Cette limitation de la circulation des programmes entraîne l'assèchement du marché et donc l'appauvrissement de l'économie du secteur. Nos deux amendements visent à sortir de cette situation de blocage en permettant la circulation des oeuvres et la fluidité du marché. Il s'agit d'un enjeu stratégique pour toute la filière audiovisuelle. Il y a urgence à établir des modes de fonctionnement plus équitables et plus partenariaux.
Actuellement, des chaînes – que je ne citerai pas car cela ne sert à rien de susciter des polémiques inutiles – ont tendance à rallonger le délai de détention d'exploitation des droits et à augmenter ainsi le nombre de diffusions acquises, et ce sans contrepartie. Nos concitoyens sont dès lors incités à télécharger illégalement ces oeuvres parce qu'elles ne sont pas diffusées par les autres chaînes de télévision, ni disponibles sur d'autres supports.
Tel est l'objet de ces deux amendements, qui vont plus loin que ce que le rapporteur a bien voulu concéder jusqu'à présent.
L'intervention de M. Bloche me rappelle d'autres moments du débat où, quand nous donnions notre accord à une proposition de l'opposition, celle-ci sous-amendait pour obtenir encore plus ! Monsieur Bloche, reconnaissez que nous sommes arrivés à un accord sur l'amendement n° 317 rectifié , qui permet d'avancer sur la question de la circulation des oeuvres ; et là, vous nous en remettez une louche. Ce n'est pas raisonnable. Restons sur l'amendement qui a été voté. Avis défavorable.
Avis défavorable. Je crois en effet qu'il est souhaitable d'en rester à l'amendement n° 317 rectifié . Il favorise déjà la circulation des oeuvres.
Monsieur le rapporteur, madame la ministre, que vous ne soyez pas d'accord avec moi, soit ; que vous ne vouliez pas permettre la circulation des oeuvres et la fluidité du marché, soit encore ; mais ne me faites pas croire que le vote de l'amendement n° 317 rectifié règle le problème de la fluidité. Je l'ai lu : c'est un amendement exclusivement incitatif, qui ne contraindra en rien les chaînes à lâcher leurs droits pour permettre la circulation des oeuvres ; c'est un coup d'épée dans l'eau. Je rappelle qu'en CMP, sur le texte sur l'audiovisuel, nous étions arrivés à une égalité de voix sur un amendement qui aurait permis la circulation des oeuvres. Certes, il n'a donc pas été adopté, mais de justesse. C'est vraiment dommage que vous n'ayez pas accepté ces deux amendements qui auraient permis de développer l'offre légale.
(Les amendements n°s 316 et 426 , successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)
Nous en venons à l'amendement n° 106 .
La parole est à M. le rapporteur, pour le défendre.
Cet amendement vise à assouplir les modalités déclaratoires, auprès du SGDN, des caractéristiques techniques relatives aux logiciels utilisés dans les administrations publiques. C'est un amendement de simplification des démarches pour les éditeurs de logiciels, pour le SGDN et pour les administrations utilisatrices.
Favorable.
(L'amendement n° 106 est adopté.)
Sur l'article 10 bis, je suis saisi d'un amendement n° 107 .
La parole est à M. le rapporteur.
Il convient de fixer une date légale butoir à ces dispositions transitoires, et nous proposons le 31 mai 2009.
(L'amendement n° 107 , accepté par le Gouvernement, est adopté.)
Je suis saisi d'un amendement de coordination, n° 108, présenté par la commission.
(L'amendement n° 108 , accepté par le Gouvernement, est adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 109 rectifié .
La parole est à M. Franck Riester.
Cet amendement vise à abroger une loi devenue obsolète, et tire toutes les conséquences de cette abrogation dans d'autres lois.
(L'amendement n° 109 rectifié , accepté par le Gouvernement, est adopté.)
(L'article 10 bis, amendé, est adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 24 rectifié , portant article additionnel après l'article 10 bis.
La parole est à Mme la rapporteure pour avis.
Cet amendement vise à créer un crédit d'impôt afin d'encourager la création d'oeuvres spécifiquement destinées à Internet. L'existence d'une offre légale attractive est une condition sine qua non pour décourager les actes de piratage. Or, l'offre légale consiste certes à la mise en ligne de programmes préexistants, mais aussi – et de plus en plus – en des productions originales dédiées aux nouveaux supports.
Actuellement, l'économie d'Internet ne permet pas de mobiliser, pour des productions spécifiques à ce média, des financements à la hauteur de ceux qui sont utilisés pour la production audiovisuelle traditionnelle. C'est donc toute une économie de la production qu'il s'agit de générer et de soutenir.
C'est pourquoi cet amendement tend à créer un crédit d'impôt en faveur des producteurs de programmes destinés à une diffusion prioritaire sur Internet, sur le modèle du crédit d'impôt cinéma dont on connaît l'impact positif sur la création. Ces productions devront être en français ou dans une langue européenne, réalisées sur le territoire français par des artistes et auteurs de nationalité française ou d'un pays membre de l'Union européenne. Ce dispositif permettra au CNC, qui finance d'ores et déjà ce type de créations à hauteur de 1,4 million d'euros par an, d'attribuer ses aides quel que soit le support de diffusion, Internet ou salles de cinéma.
Cet amendement s'inscrit dans la lignée du rapport Olivennes et des accords de l'Élysée, signés le 23 novembre 2007, où, pour la première fois, les créateurs, les industries culturelles et les fournisseurs d'accès à Internet se sont engagés à développer l'offre légale d'oeuvres sur les réseaux numériques.
Avis défavorable. Je reconnais que l'idée et les arguments sont intéressants, s'agissant de stimuler et développer l'offre légale. Il n'en reste pas moins qu'une telle mesure poserait des problèmes importants sur le plan financier. Il convient donc de se donner un peu de temps, afin de mieux étudier ce dispositif.
Je crois aussi qu'il est nécessaire de conduire une étude d'impact préalable sur le coût et les bénéfices attendus de cette mesure complexe, même si le principe en est tout à fait louable.
(L'amendement n° 24 rectifié n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 220 .
La parole est à Mme la rapporteure pour avis.
Mon amendement tend à créer un must carry pour les plateformes qui proposent des oeuvres cinématographiques.
Un des axes majeurs du projet de loi est de développer l'offre légale pour en faire une solution attractive, détournant ainsi les internautes du piratage. En matière cinématographique, l'offre légale doit faire des progrès pour parvenir à concurrencer l'offre illicite. Actuellement, le nombre de films téléchargés équivaut au nombre de spectateurs en salles : 450 000 par jour. Or, la majorité des vidéos à la demande est commercialisée à la télévision via les offres des FAI, qui contrôlent ainsi l'accès au marché. Dans ces conditions, les éditeurs indépendants de vidéos à la demande, dont le catalogue valorise la création, rencontrent de réelles difficultés à assurer la visibilité de leur offre. Une telle situation nuit au public qui n'a accès qu'à un nombre limité d'oeuvres, mais également à la création puisque les films d'expression originale française et européenne sont insuffisamment valorisés.
Cet amendement tend à y remédier en améliorant la richesse et la diversité des oeuvres proposées par le biais de la vidéo à la demande. Pour ce faire, nous proposons d'instaurer une obligation de reprise des catalogues d'éditeurs indépendants, composés majoritairement d'oeuvres françaises et européennes, par les FAI qui présentent à leurs abonnés une offre de vidéos à la demande.
Défavorable. C'est évidemment une très bonne idée car la diffusion d'oeuvres indépendantes est une priorité. Cependant, ce dispositif nécessite une notification préalable à Bruxelles, sur le fondement de la directive 98-34. Pour cette raison, il serait préférable que cet amendement soit retiré.
, rapporteure pour avis. Madame la ministre, cela m'ennuie un peu de retirer cet amendement qui traduit la ferme volonté de la commission des affaires culturelles de favoriser la création et l'exception culturelles françaises et européennes. Les fournisseurs d'accès à Internet ne jouent pas le jeu, et ils ne le joueront peut-être pas tant qu'on ne les incitera pas sérieusement à le faire. Au nom de ma commission, je refuse de retirer cet amendement.
(L'amendement n° 220 n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 508 .
La parole est à Mme la rapporteure pour avis.
Nous voulons soulever le problème de l'extinction des télévisions analogiques locales. Dans le cadre du processus défini par l'article 99 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, le Conseil supérieur de l'audiovisuel fixe, neuf mois à l'avance, pour chaque zone géographique, service par service et émetteur par émetteur, une date d'arrêt de la diffusion analogique.
Cet amendement vise à réduire de neuf à trois mois, le délai de préavis minimum. Cet assouplissement est très important pour les chaînes locales : la double diffusion en mode analogique et en mode numérique les pénalise beaucoup sur le plan financier.
Avis favorable. Je vais reparler un peu de Coulommiers (« Ah ! » sur divers bancs) où je vous invite à nouveau tous demain à l'occasion de l'inauguration de la foire internationale aux fromages et aux vins…
…mais ce n'est pas l'objet de mon intervention. Si je cite Coulommiers, c'est qu'elle a été la première ville de France à passer à la télévision tout numérique. Je suis très attaché au développement de cette technologie dans tout le pays, ce que vise cet amendement. D'une part, il permettra d'accélérer la mise à disposition de toute la population de ce service d'intérêt général qui apporte une qualité de l'image et un choix de chaînes gratuites. D'autre part, il permettra de dégager plus rapidement le dividende numérique – je parle devant Laure de La Raudière qui faisait partie de la commission pour le dividende numérique –, ce qui est très important pour le haut débit.
(L'amendement n° 508 , accepté par le Gouvernement, est adopté.)
Cet amendement tend à réécrire certaines dispositions précédemment incluses dans le projet de loi, à préciser le référencement des offres légales par le CNC, et surtout à traiter des mesures anti-copie évoquées tout à l'heure à propos de la chronologie des médias. Il importe de mettre en avant le développement des offres légales qui passe notamment par la suppression des mesures anti-copie pour la musique et donc par l'abandon des DRM pour tous les achats au titre. Évidemment, il faut maintenir les DRM pour les autres formes de consommation sur Internet : le streaming, la location ou l'interopérabilité. Cet amendement fixe aussi un délai de trois mois entre la date d'entrée en vigueur de la loi et la conclusion des accords.
La parole est à M. Lionel Tardy, pour défendre le sous-amendement n° 204 .
Ce sous-amendement vise à supprimer l'alinéa introduit par les sénateurs qui confie à la HADOPI une mission de labellisation des offres commerciales proposées par des personnes dont l'activité est d'offrir un service de communication au public en ligne. Cela reviendrait à créer une sorte de présomption d'illégalité dont nous avons déjà débattu.
Le rapporteur l'a dit : « Cette contribution à la lutte contre le piratage part d'un constat clair : les moteurs de recherche réorientent le plus souvent les internautes à l'occasion de la saisie de titres de films vers des sites de téléchargements ou de partages illégaux. En prenant la main sur les moteurs, on tente d'instaurer un dialogue poussé avec Google, Yahoo et autre MSN, afin que les plateformes légales figurent systématiquement en tête des pages affichées à la suite d'une recherche d'internaute cinéphile. Au regard des dégâts que produit désormais le piratage sur la production cinématographique, l'enjeu est de taille. »
On devine déjà que cela conduira mécaniquement à pousser au sous-référencement des contenus gênants – comprendre non labellisés. Pour ma part, je suis pour la neutralité du Web et j'aurais préféré qu'un site gouvernemental recense les sites labellisés, ce qui eût été beaucoup plus simple que de trafiquer les moteurs de recherche.
La parole est à Mme la rapporteure pour avis, pour présenter l'amendement n° 26 .
Je suis saisi de deux amendements, nos 201 rectifié et 457 , pouvant être soumis à discussion commune et portant articles additionnels après l'article 11.
L'amendement n° 201 rectifié fait l'objet d'un sous-amendement n° 505 rectifié .
La parole est à M. Jean Dionis du Séjour, pour défendre l'amendement n° 201 rectifié .
C'est un amendement important qui tend à instaurer un régime juridique pour la presse en ligne, en créant un statut d'éditeur pour ce type de support. Il commence par définir ce qu'est le journalisme en ligne, en reprenant les critères proposés lors des états généraux de la presse écrite, en excluant les blogs. Ensuite, il définit un régime de responsabilité éditoriale : le directeur de la publication est responsable, sauf pour la partie où s'exprime directement le public dans les forums de discussion et dans les blogs. Je crois qu'il s'agit d'une bonne adaptation du régime de responsabilité de la presse à la presse en ligne, avec une prise en compte adaptée des espaces participatifs.
La parole est à Mme la rapporteure pour avis, pour défendre l'amendement n° 457 .
Notre excellent collègue a précisé le fondement de cette proposition de la commission des affaires culturelles, qui vise à apporter des précisions claires quant au statut d'éditeur en ligne. Nous avons en effet été sensibles au développement de l'offre légale, dont participent les journaux en ligne. Les articles et les photographies sont des oeuvres clairement protégées par le droit d'auteur, et entrent donc dans le champ d'application du présent texte.
On a souvent fait référence aux états généraux de la presse, lesquels ont clairement tranché cette question. Dans son avis sur les crédits de la mission « Médias » du projet de loi de finances pour 2009, la commission des affaires culturelles estimait également que « les journaux en ligne doivent pouvoir prétendre aux mêmes aides que la presse papier au motif que la convergence numérique rend le format de lecture moins important que la qualité du contenu ».
La définition proposée, insérée dans la loi du 1er août 1986 relative au régime juridique de la presse, reprend les critères proposés par les états généraux de la presse écrite. Elle ne comprend que des services fournis à titre professionnel dans le cadre d'activités journalistiques, et ce afin d'exclure les sites Internet personnels ainsi que les blogs édités à titre non professionnel.
En écoutant M. Dionis du Séjour, j'ai constaté combien son amendement était différent de celui de la commission, puisque, je souhaite appeler son attention sur ce point, il comporte un sujet qu'il ne nous a pas semblé opportun de traiter : celui de la responsabilité éditoriale, en l'occurrence pénale, des éditeurs de sites Internet dans le cas des espaces dits de « participation personnelle », c'est-à-dire les forums de discussion ou les blogs. Dégager ainsi l'éditeur du site de sa responsabilité éditoriale pose, nous semble-t-il, question : en cas de propos racistes, d'atteinte à la dignité de la personne humaine, de propos injurieux, qui, demain, sera responsable ? M. Dionis du Séjour indique dans l'exposé sommaire de son amendement que la responsabilité du directeur de la publication pourra malgré tout être engagée « s'il avait effectivement connaissance du contenu mis à la disposition du public ». Mais comment le démontrer ? Qu'entend-on par « agir promptement » pour retirer ce type de messages ? Il me semble que les modalités d'application de telles dispositions seront sources de contentieux, voire, ce qui serait bien pis, qu'elles créeront un vide juridique préjudiciable. Mais je suis évidemment prêt à entendre les explications de M. Dionis du Séjour, de M. le rapporteur et de Mme la ministre sur ce sujet, sur lequel il me semblait important d'appeler l'attention de notre assemblée.
La parole est à Mme la ministre, pour défendre le sous-amendement n° 505 rectifié et donner l'avis du Gouvernement sur les deux amendements en discussion.
S'agissant du sous-amendement n° 505 rectifié , il apparaît opportun de compléter le dispositif juridique applicable aux éditeurs de presse en ligne par un volet financier. En effet, au nom du principe de neutralité technologique, le Gouvernement souhaite que la presse en ligne bénéficie des mêmes avantages financiers que la presse papier. À cet effet, il propose d'étendre l'exonération de la taxe professionnelle aux services de presse en ligne en modifiant l'article 1458 du code général des impôts.
S'agissant de l'amendement n° 201 rectifié , l'avis du Gouvernement est favorable. Lors des états généraux de la presse écrite, l'un des groupes de travail s'était plus particulièrement penché sur le choc d'Internet et, afin d'accompagner les évolutions en cours, était chargé de proposer des modèles pour la presse écrite. L'une des préconisations concernait précisément la création d'un statut de l'éditeur de presse en ligne, statut qui permettrait un alignement sur les avantages financiers consentis à la presse écrite. Cette proposition a été reprise par le Président de la République, et je remercie M. Dionis du Séjour d'avoir, par son amendement, répondu à une attente des professionnels et du Gouvernement.
Cet amendement propose d'introduire une définition du service de presse en ligne dans la loi du 1er août 1986 portant réforme juridique de la presse, ainsi qu'un régime de responsabilité adapté pour les directeurs de publication de sites de presse en ligne, mais uniquement en ce qui concerne les espaces dédiés à la libre expression des internautes – tels que les forums et les blogs – dans la loi du 29 juillet 1982 relative à la communication audiovisuelle.
Par contre, le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 457 , qui ne prévoit pas de régime de responsabilité adapté des directeurs de publication pour les espaces de contributions personnelles des internautes sur les sites de communication au public en ligne ; cette question est en revanche traitée par l'amendement n° 201 rectifié .
Quel est l'avis de la commission sur les deux amendements et le sous-amendement ?
Ces deux amendements, qui répondent à un vrai besoin, s'inscrivent dans la lignée de nombreuses initiatives similaires, portées notamment par notre collègue Jean Dionis du Séjour.
La commission est donc favorable à l'amendement n° 201 rectifié ; par cohérence, je suis personnellement défavorable à l'amendement n° 457 , étant entendu qu'il est largement satisfait par celui de M. Dionis du Séjour.
Avis favorable, enfin, au sous-amendement n° 505 rectifié .
Je souhaite répondre à la question précise posée par Christian Kert. Nous sommes d'accord sur la définition du service de presse en ligne ; la seule différence concerne la responsabilité du directeur de publication.
Pour ce qui concerne l'aspect journalistique et éditorial, le directeur de publication en ligne est évidemment responsable en tant qu'auteur, éditeur et hébergeur. Il nous a paru capital de préserver la cohérence avec la LCEN, la loi pour la confiance dans l'économie numérique, pour ce qui concerne le domaine journalistique ainsi que le domaine participatif – blogs ou forums. En ce dernier domaine, nous estimons que la responsabilité éditoriale du directeur de la publication ne doit pas être engagée s'il n'a pas eu connaissance de l'information avant sa mise en ligne. En revanche, monsieur Kert, sa responsabilité d'hébergeur demeure pleine et entière. Dès lors, les dispositions de la LCEN s'appliquent : sitôt que le directeur de la publication a connaissance d'un contenu délictuel, obligation lui est faite de le retirer promptement. Bref, la partie journalistique reste clairement de sa responsabilité à titre d'auteur, d'éditeur et d'hébergeur ; pour la partie participative, il n'est responsable qu'à titre d'hébergeur.
(Le sous-amendement n° 505 rectifié est adopté.)
(L'amendement n° 201 rectifié , sous-amendé, est adopté.)
En conséquence, l'amendement n° 457 tombe.
Je suis saisi d'un amendement n° 492 rectifié .
La parole est à Mme la ministre.
Cet amendement vise à compléter par un volet financier le cadre juridique établi pour les services de presse en ligne par l'amendement n° 201 rectifié . En effet, au nom du principe de neutralité technologique, le Gouvernement souhaite que la presse en ligne bénéficie des mêmes avantages financiers que la presse papier. À cet effet, il propose d'étendre le bénéfice des provisions pour investissements aux services de presse en ligne en modifiant l'article 39 bis A du code général des impôts.
(L'amendement n° 492 rectifié , accepté par la commission, est adopté.)
Comme nos débats l'ont montré, il est nécessaire de laisser un délai aux différents acteurs, notamment aux fournisseurs d'accès, pour mettre en place les mesures techniques nécessaires à l'application du présent texte – en particulier, chacun en conviendra, les mesures de suspension. De même, un délai est nécessaire pour la mise en place de la Haute autorité, dont on a vraiment chargé la barque, et pour prendre les décrets d'application.
Cet amendement propose donc, conformément à une recommandation de l'ARCEP, de prévoir un délai de neuf mois avant l'entrée en vigueur de la loi.
La parole est à M. Jean Dionis du Séjour, pour défendre l'amendement n° 332 .
Je le retire : c'est mon cadeau de fin de séance ! (Sourires.)
(L'amendement n° 332 est retiré.)
Défavorable. La loi, urgente, doit s'appliquer le plus rapidement possible et non à la fin de 2009.
Défavorable, pour les mêmes raisons que la commission.
(L'amendement n° 138 n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un ultime amendement, n° 333 .
Peut-être M. Jean Dionis du Séjour le retirera-t-il ? (Sourires.)
Monsieur le président, je le retire ! (Sourires et applaudissements sur tous les bancs.)
(L'amendement n° 333 est retiré.)
Dans les explications de vote sur l'ensemble du projet de loi, la parole est à M. Philippe Gosselin, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Quelques mots de conclusion après ces longs débats, parfois fiévreux et passionnés – comment pourrait-il en être autrement s'agissant de l'Internet et de la culture ? Notre propos est pédagogique ; il ne s'agit nullement d'opposer les artistes aux internautes, ni une génération à une autre. Nous sommes, autant que d'autres, attachés aux nouveaux modes de création, moyennant plusieurs conditions.
Il est des règles de vie en société, au nom desquelles le vol doit être réprimandé. Si les termes de « piratage » et de « vol » effraient certains, l'idée est bien de limiter une forme de spoliation, ce piratage qui, à terme, pourrait détruire la création. L'objectif, pédagogique, est de faire prendre conscience de la nécessité de ne pas télécharger illégalement des contenus. Il faut, parallèlement, se réjouir du développement des catalogues de l'offre légale, laquelle, je l'espère – c'est en tout cas l'un des buts du texte –, verra ses tarifs diminuer.
Nous sommes parvenus à un juste équilibre ; je sais que d'autres orateurs, après moi, le nieront, évoquant un texte liberticide et attentatoire aux droits fondamentaux. Nul ne peut réellement y croire. Plusieurs garanties ont été apportées, montrant qu'il n'est pas question de « fliquer » les internautes ou de procéder à des filtrages intempestifs. La CNIL aura, du reste, elle aussi à se prononcer sur les décrets d'application ; la loi de 1978, je tiens à le rappeler, s'appliquera dans le plus grand respect de nos institutions et de l'État de droit.
En conclusion, et pour être bref, l'équilibre trouvé est satisfaisant, même si le présent texte n'est certes pas gravé dans le marbre, non parce qu'il est mauvais, mais parce que, compte tenu de l'évolution des techniques, rien n'est jamais gravé sur de tels sujets.
Sans doute aurons-nous à y revenir un jour ou l'autre. Pour l'heure, eu égard aux besoins actuels de la société, ce texte est celui qu'il nous fallait. C'est pourquoi le groupe UMP l'adoptera. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à Mme Martine Billard, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Malgré les nombreuses heures que nous avons consacrées à l'examen de ce projet de loi, nous sommes ce soir un peu déçus, tant par la forme – ce texte est mal écrit et pose bien des problèmes juridiques – que par le fond.
Après le fiasco de la loi DADVSI, dont le Parlement attend toujours le bilan qui devait lui être remis selon les termes mêmes de la loi, vous continuez de courir derrière la chimère du contrôle absolu d'Internet. Avec la loi DADVSI, vous avez voulu faire croire aux auteurs que les DRM allaient régler tous les problèmes. Vous recommencez avec la loi HADOPI qui, par bien des aspects, sera totalement inapplicable.
Comme vous ne voulez pas que la justice intervienne, il sera impossible de prouver le délit de téléchargement illicite : vous avez donc été obligés d'inventer l'incrimination de non-sécurisation de connexion à Internet, dont vous confiez la constatation à une autorité administrative, l'HADOPI. Vous obligez ainsi tous les citoyens de ce pays à sécuriser leur connexion, alors même que l'immense majorité des entreprises et des administrations, qui disposent pourtant de services informatiques, n'y arrivent pas. Vous supposez que tout citoyen français est capable de maîtriser suffisamment l'informatique pour répondre devant la loi du fait que son ordinateur et sa connexion à Internet ne peuvent pas être piratés.
Vous introduisez une labellisation des logiciels de sécurisation qui provoque de fait une discrimination à l'encontre du logiciel libre. Ces logiciels, qui devront être installés sur les ordinateurs de tout un chacun, seront constamment en liaison avec les fournisseurs d'accès à Internet et ne pourront pas être désactivés sans que l'HADOPI ne soit immédiatement informée : vous créez le mouchard universel et obligatoire, ce qu'aucun pays n'a osé faire. Ceux qui avaient choisi la riposte graduée ont reculé, en raison de difficultés techniques que vous avez constamment niées. Ces difficultés techniques ne concernent pas seulement les logiciels de sécurisation, mais aussi la preuve par l'adresse IP. Nous allons nous retrouver avec un tiers d'innocents – c'est la proportion d'erreurs constatées dans les pays qui s'y sont essayés – qui seront sanctionnés parce qu'ils n'ont pas été en mesure de maîtriser leur ordinateur et leur connexion à Internet.
Vous introduisez une rupture d'égalité devant la loi, puisque les mails d'avertissement et les lettres recommandées ne seront pas envoyés automatiquement lorsqu'il y aura soupçon de téléchargement illicite – M. le rapporteur nous l'a répété à plusieurs reprises. Nous ne savons toujours pas en fonction de quels critères ces avertissements seront envoyés.
Autre rupture d'égalité devant la loi, les 3 millions de Français disposant de connexions non dégroupées ne pourront pas avoir de suspension de leur accès à Internet, qui entraînerait de facto la coupure de la télévision et du téléphone, ce qui est contraire à la loi.
En fait, vous imaginez pouvoir créer l'Internet dans un seul pays. C'est assez impressionnant : on a l'impression que la France est une île. Vous allez même jusqu'à créer l'Internet d'État, puisque la France, l'un des vingt-sept pays de l'Union européenne, va imposer aux moteurs de recherche d'organiser le référencement d'un certain nombre de sites !
Ce texte va-t-il régler le problème de la rémunération des auteurs ? Non. Comme celles de la DADVSI, les mesures que vous proposez ne peuvent pas fonctionner. Vous avez systématiquement rejeté les propositions qu'ont avancées l'opposition ou le groupe Nouveau Centre. Nous allons donc, dans deux ou trois ans, nous retrouver dans la même situation. Je suppose que vous proposerez – si, hélas, vous êtes encore au Gouvernement –… (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Pourquoi « hélas » ? C'est très désobligeant !
…une nouvelle loi dont le nom se terminera aussi en i.
Pour conclure, je voudrais dire aux auteurs et aux ayants droit qu'il faut, en effet, défendre le droit d'auteur, mais que cela passe – c'est d'ailleurs le seul point d'accord que j'ai eu avec nos collègues de l'UMP – par le développement des offres et par la baisse des prix. Tant que les prix seront ce qu'ils sont, n'améliorant pas la rémunération des auteurs mais uniquement celle des intermédiaires,…
…vous serez obligés de construire des usines à gaz pour essayer de contenir le flot d'Internet : vous n'y arriverez pas.
Le groupe de la Gauche démocrate et républicaine votera donc contre le projet de loi.
La parole est à M. Jean Dionis du Séjour, pour le groupe Nouveau Centre.
Si j'ai bien compris, monsieur le président, nous nous acheminons vers un vote sur l'ensemble du projet de loi.
Permettez-moi de dire mon étonnement, au nom du groupe centriste, et mon regret que, pour ce projet de loi, un vote solennel n'ait pas été prévu.
Mais ce n'est pas nous qui décidons !
Mon cher collègue, vous le direz surtout au président de votre groupe !
Au temps pour moi, s'il était d'accord ! Je reprends donc, monsieur Karoutchi : à titre personnel, permettez-moi de regretter qu'un vote solennel n'ait pas été prévu. Il s'agit d'une loi importante pour le monde de la culture. Cela méritait que chaque député se découvre un peu, ait le courage de dire où il se situait par rapport à ce texte. Je veux remercier et féliciter les valeureux collègues qui sont encore là après sept heures et demie de débat, mais, si nous nous comptons, nous constatons que nous ne sommes que 2,5 % du Parlement.
C'est peu, pour se prononcer sur une loi aussi importante. Nous devons, dans un instant, nous prononcer collectivement : d'habitude, nous avons une réunion de groupe le mardi avant le vote solennel ; j'aurais pu rendre compte des débats au président Sauvadet et échanger avec lui sur la position du groupe.
Il n'était pas facile de sortir de l'échec que représentait la DADVSI. Vouloir favoriser la création et sa diffusion sur Internet, c'est relever un défi immense et complexe. On peut critiquer la démarche qui a été choisie – rapport Olivennes, accords de l'Élysée –, mais nous pensons qu'elle était bonne. L'approche d'une loi modeste, de court terme, autour du concept de riposte graduée, avec messages, lettres recommandées et sanction, était également très bonne. Elle avait et a toujours notre approbation pour gérer le court terme. Nous pensons en effet que l'offre légale doit être équilibrée par la présence d'un volet répressif. C'est une différence que nous avons avec nos collègues de l'opposition : nous n'avons pas de meilleure option que la riposte graduée.
J'adresserais toutefois deux reproches au texte. D'une part, la stimulation de l'offre légale y est beaucoup trop faible. La recommandation numéro un du rapport Olivennes consistait à réduire à quatre mois la fenêtre de la chronologie des médias pour la VOD : nous n'y sommes pas encore arrivés.
D'autre part, le choix de la sanction – la suspension de l'accès à Internet – est très mauvais. En préconisant la solution de l'amende, nous avons évoqué les sept péchés capitaux de la suspension : comme il se fait tard, je ne les répéterai pas.
Enfin, nous estimons que l'article 5 est exorbitant et lourd de contentieux.
J'ai pu discuter, au téléphone, avec certains membres de mon groupe. Plusieurs d'entre eux, notamment le président Sauvadet, s'expriment en faveur du texte. Un nombre important d'autres députés du groupe Nouveau Centre, dont je suis, s'abstiendront.
La parole est à M. Patrick Bloche, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Nous arrivons au terme de ce débat. Lorsque j'avais défendu l'exception d'irrecevabilité, j'avais dit que nous avions eu la saison 1 avec DADVSI, et que nous avions désormais la saison 2 avec HADOPI. J'ai en effet l'impression d'avoir revécu un mauvais feuilleton. Ce sont, plus ou moins, les mêmes arguments qui ont été développés. C'est surtout le même pari qui a été fait : on imagine que, par la loi, on va bouleverser l'usage de millions de nos concitoyens, et, en l'occurrence, des 18 ou 19 millions d'entre eux qui sont abonnés au haut débit.
DADVSI était un pari perdu d'avance – et c'est pourquoi nous n'avons pas vu le rapport d'évaluation que la loi avait prévu de remettre au Parlement dix-huit mois après sa promulgation ; HADOPI était, avant même que ne s'engage notre débat, un nouveau pari perdu d'avance. Comme l'a dit le président de notre groupe, cette nouvelle haute autorité administrative indépendante est une nouvelle ligne Maginot, à l'exemple des DRM que vous avez vainement essayé de construire hier.
Vous sacralisez le droit d'auteur de manière telle que vous l'enfermez dans une sorte de forteresse assiégée, alors que, à travers les décennies – pour ne pas dire les siècles –, le droit d'auteur a toujours prouvé, dans notre pays, qui est celui de l'exception culturelle, de la diversité culturelle, son extraordinaire vitalité et sa capacité à s'adapter aux évolutions technologiques. Je n'ai pas eu le temps de lire les débats qui ont eu lieu lorsque le piano mécanique a été introduit en France, mais je suis certain que, déjà, à propos de la propriété intellectuelle, avaient été formulés des arguments semblables à ceux qu'ont développés ces jours-ci le Gouvernement et la majorité.
Au bout du compte, nous avons un projet de loi dont il n'est pas difficile de prédire que, comme DADVSI, il ne sera jamais appliqué, ne serait-ce que pour des raisons techniques, sur lesquelles nous vous avons alertés à plusieurs reprises, mais sans doute aussi pour des raisons juridiques. Il est vrai que la messe est dite. La majorité a composé la commission mixte paritaire en ne retenant aucun des députés de l'UMP qui ont courageusement essayé de l'alerter sur les limites de l'exercice. Le 9 avril prochain, le texte qui sortira de la CMP sera comparable à celui qui va malheureusement être adopté ce soir.
Au-delà du vote négatif que le groupe socialiste va exprimer ce soir, nous serons amenés à saisir le juge constitutionnel, tant les faiblesses juridiques de ce texte sont patentes. Je ne vais pas reprendre tous nos arguments visant, notamment, la mise en cause répétée, dans la construction juridique hasardeuse que vous nous avez proposée, du principe de l'égalité des citoyens devant la loi.
À l'arrivée, la loi HADOPI est soit un monstre juridique, soit une usine à gaz – je laisse à chacun le soin de choisir son appellation préférée. Elle a surtout le désavantage majeur d'opposer nos concitoyens les uns aux autres, les créateurs aux internautes, les artistes à leur public. Il n'est jamais bon qu'une loi divise nos concitoyens.
Plus largement, cette loi sera inefficace et inutile. En disant cela, je pense tout particulièrement aux artistes et aux internautes. Les internautes sont des millions de nos concitoyens. Je pense à ce qui les attendrait demain si, par malheur, cette loi s'appliquait. Ils croient, aujourd'hui, qu'ils risquent d'être sanctionnés pour téléchargement illégal. Erreur : ils le seront pour manquement à l'obligation de surveillance et de sécurisation de leur connexion à Internet. Ce texte se voulait pourtant pédagogique. Je regrette qu'on donne ainsi une vision de la société repliée sur quelques certitudes paresseuses, comme le disait Christian Paul, et qu'ait émergé dans ce débat démocratique, où nous avons pu nous exprimer, même si nos amendements n'ont malheureusement pas été retenus, une vision de méfiance vis-à-vis de l'Internet.
Cette méfiance est sans doute ce qui a été le plus prégnant dans l'expression de la majorité de cet hémicycle.
Un dernier mot pour dire que, parlant de droits d'auteur, nous avons encore plus pensé aux artistes, trompés une nouvelle fois. Pourquoi ce retard dans l'adaptation du droit d'auteur à l'ère numérique ? Nous avons proposé la contribution créative ; il y avait une opportunité à saisir pour que les auteurs et les artistes bénéficient d'une nouvelle rémunération. Vous avez retardé cette échéance…
Je dis bien que vous avez retardé cette échéance, parce qu'il y aura inévitablement une saison 3, et j'espère que ce sera la gauche qui, revenue au pouvoir, fera enfin voter le projet de loi sur le droit d'auteur que notre pays attend avec impatience depuis plusieurs années ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
À l'issue de quarante et une heures quarante de débat, et sept heures quarante-cinq pour cette seule séance, je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.
(L'ensemble du projet de loi est adopté.)
Après l'adoption de ce projet de loi, je remercie le rapporteur Franck Riester pour le remarquable travail qu'il a accompli et la passion avec laquelle il a porté ce texte – le premier dont il est le rapporteur –, ainsi que les rapporteurs pour avis, Muriel Marland-Militello et Bernard Gérard, pour leur présence ô combien précieuse. Je remercie également l'ensemble du groupe UMP pour son soutien et sa constance, avec une mention particulière pour le porte-parole, Philippe Gosselin, ainsi que tous les députés qui ont pris part à ce débat pour apporter leurs observations, leurs critiques, voire leur opinion contraire.
Ce texte répond à une attente forte. Nous sommes dans une situation difficile, tant dans le domaine de la musique que dans celui du cinéma. Cette attente s'est exprimée à de multiples reprises. Nous avons été frappés par l'engagement de nombre de créateurs et d'artistes, y compris de gens très engagés à gauche, mais qui sont confrontés à une urgence. C'est à cela que nous avons tenté de répondre.
Ce projet de loi comporte deux volets essentiels : défendre les droits des auteurs et tout faire pour développer l'offre légale. C'est, bien sûr, plus une affaire professionnelle que législative, mais parce qu'il y avait ce projet de loi, nous avons beaucoup avancé, les mesures ont été prises pour supprimer les DRM en matière de musique et les décisions sur la chronologie des médias me semblent particulièrement bonnes.
Ce projet est fondé sur des accords professionnels, ce qui fait une énorme différence avec la loi DADVSI. L'économie générale du projet est issue d'une volonté interprofessionnelle. Ce texte est modéré, pragmatique, et je m'associe à ce qui a été dit sur notre modestie. C'est vrai, les technologies évoluent ; nous souhaitions poser un cadre, et non résoudre toutes les situations ou prédire l'avenir. Nous sommes, je le répète, modestes et pragmatiques. C'est un projet de loi essentiellement pédagogique, qui veut porter un message auprès des jeunes et des internautes en général, pour leur dire que, derrière les petits clics de téléchargement qui leur paraissent très anodins, il y a nombre de créateurs et de secteurs de notre économie qui souffrent.
Je souhaite qu'Internet continue à se développer. Il n'est guère besoin, d'ailleurs, de le souhaiter, puisqu'il s'agit d'une donnée. Je souhaite que nos industries culturelles retrouvent vie, santé et dynamisme et que les relations entre Internet et ces industries soient fécondes et harmonieuses, non conflictuelles. Tel était l'objet de ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Un mot pour vous remercier, monsieur le président, de la tenue de ce débat. Je remercie également mes collègues rapporteurs et leurs collaborateurs, avec lesquels nous avons travaillé pendant de nombreuses semaines.
Je remercie la commission des lois et son président, M. Warsmann, ainsi que les administrateurs qui ont travaillé avec moi à la préparation du rapport.
Je remercie les députés de l'UMP et le porte-parole du groupe, Philippe Gosselin, qui a été de tous les combats. Je remercie tous les collègues qui ont participé au débat, sur tous les bancs de cette assemblée. Je remercie également mon collaborateur, qui a travaillé avec moi à la préparation du rapport.
Enfin, je tiens à vous remercier, madame la ministre, ainsi que tous vos collaborateurs, qui ont été de tous les combats et ont contribué à la préparation du projet de loi. Je remercie M. le secrétaire d'État et toutes les équipes qui ont travaillé avec nous sur ce rapport, puis nous ont secondés durant les débats dans l'hémicycle.
Merci, madame la ministre, pour votre ouverture et la qualité des échanges que nous avons eus pendant la préparation de ce texte, puis pendant les débats dans l'hémicycle. Je tiens à vous dire combien j'ai eu de plaisir à travailler avec vous. Les artistes de notre pays vous doivent, ainsi qu'au Président de la République et à toutes celles et ceux qui ont travaillé et voté pour ce projet de loi, une fière chandelle. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Prochaine séance, lundi 6 avril à seize heures :
Discussion du projet de loi pour le développement économique des outre-mer.
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt-deux heures cinquante.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,
Claude Azéma