Le déroulement de nos débats a montré les insuffisances, les approximations, voire les absurdités de votre loi.
Nous proposons que tout ce qui concerne la riposte graduée, des moyens de saisine par les ayants droit jusqu'aux modalités de sanction, fasse l'objet d'une évaluation dans un délai de deux ans, à l'issue d'une période d'expérimentation. Vous ne faites ni évaluation, ni étude d'impact pour anticiper une loi. Je vous rappelle que, dans quelques mois, vous ne pourrez plus présenter un projet de loi sans une étude d'impact préalable. Le Conseil d'État n'examinera pas vos projets de loi s'ils n'ont pas fait l'objet d'une étude d'impact. Vous vous affranchissez du texte constitutionnel qui a été voté parce que la date fatidique n'est pas encore arrivée. Cette loi part du postulat que deux phénomènes différents – baisse de la croissance de l'industrie du film et du disque et téléchargement – sont liés. Pour la suite, il faudra produire des rapports plus rigoureux afin de déterminer ce qu'il en est.
En ce qui concerne les différentes étapes de la riposte graduée, il faudra pouvoir en prouver la pertinence et s'assurer que ce ne sont pas en majorité des innocents qui seront sanctionnés si cette sanction est réellement mise en place. Quelles seront les modalités pratiques de la transaction ? Cette loi porte en elle des dangers que nous n'avons cessé de souligner, particulièrement en ce qui concerne le fichier qui nécessite un suivi vigilant et régulier. Que coûtera effectivement cette véritable usine à gaz – en termes financiers et d'effectifs – qui ne manquera pas de faire s'accumuler les contentieux, les recours en justice et les mécontentements.
Il convient également de mesurer l'impact de cette loi sur la rémunération des artistes et la diversification de l'offre légale puisque la HADOPI se donne également pour mission de promouvoir et d'encourager cette offre.
Enfin, et c'est la raison la plus évidente, Internet appartient à un domaine technologique extrêmement mouvant, dynamique, qui évolue très rapidement et qui offre des possibilités exceptionnelles que votre loi ne met pas du tout en valeur. Une évaluation a posteriori est donc nécessaire comme on peut le faire pour les lois de bioéthique selon les rapides progrès de la science afin de rester en phase avec cette réalité sociale incontournable qu'est l'espace Internet et d'arrêter de produire des lois bâclées, orientées, a priori obsolètes et certainement liberticides.