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Intervention de Patrick Bloche

Réunion du 2 avril 2009 à 15h00
Protection de la création sur internet — Explications de vote

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPatrick Bloche, rapporteur :

Nous arrivons au terme de ce débat. Lorsque j'avais défendu l'exception d'irrecevabilité, j'avais dit que nous avions eu la saison 1 avec DADVSI, et que nous avions désormais la saison 2 avec HADOPI. J'ai en effet l'impression d'avoir revécu un mauvais feuilleton. Ce sont, plus ou moins, les mêmes arguments qui ont été développés. C'est surtout le même pari qui a été fait : on imagine que, par la loi, on va bouleverser l'usage de millions de nos concitoyens, et, en l'occurrence, des 18 ou 19 millions d'entre eux qui sont abonnés au haut débit.

DADVSI était un pari perdu d'avance – et c'est pourquoi nous n'avons pas vu le rapport d'évaluation que la loi avait prévu de remettre au Parlement dix-huit mois après sa promulgation ; HADOPI était, avant même que ne s'engage notre débat, un nouveau pari perdu d'avance. Comme l'a dit le président de notre groupe, cette nouvelle haute autorité administrative indépendante est une nouvelle ligne Maginot, à l'exemple des DRM que vous avez vainement essayé de construire hier.

Vous sacralisez le droit d'auteur de manière telle que vous l'enfermez dans une sorte de forteresse assiégée, alors que, à travers les décennies – pour ne pas dire les siècles –, le droit d'auteur a toujours prouvé, dans notre pays, qui est celui de l'exception culturelle, de la diversité culturelle, son extraordinaire vitalité et sa capacité à s'adapter aux évolutions technologiques. Je n'ai pas eu le temps de lire les débats qui ont eu lieu lorsque le piano mécanique a été introduit en France, mais je suis certain que, déjà, à propos de la propriété intellectuelle, avaient été formulés des arguments semblables à ceux qu'ont développés ces jours-ci le Gouvernement et la majorité.

Au bout du compte, nous avons un projet de loi dont il n'est pas difficile de prédire que, comme DADVSI, il ne sera jamais appliqué, ne serait-ce que pour des raisons techniques, sur lesquelles nous vous avons alertés à plusieurs reprises, mais sans doute aussi pour des raisons juridiques. Il est vrai que la messe est dite. La majorité a composé la commission mixte paritaire en ne retenant aucun des députés de l'UMP qui ont courageusement essayé de l'alerter sur les limites de l'exercice. Le 9 avril prochain, le texte qui sortira de la CMP sera comparable à celui qui va malheureusement être adopté ce soir.

Au-delà du vote négatif que le groupe socialiste va exprimer ce soir, nous serons amenés à saisir le juge constitutionnel, tant les faiblesses juridiques de ce texte sont patentes. Je ne vais pas reprendre tous nos arguments visant, notamment, la mise en cause répétée, dans la construction juridique hasardeuse que vous nous avez proposée, du principe de l'égalité des citoyens devant la loi.

À l'arrivée, la loi HADOPI est soit un monstre juridique, soit une usine à gaz – je laisse à chacun le soin de choisir son appellation préférée. Elle a surtout le désavantage majeur d'opposer nos concitoyens les uns aux autres, les créateurs aux internautes, les artistes à leur public. Il n'est jamais bon qu'une loi divise nos concitoyens.

Plus largement, cette loi sera inefficace et inutile. En disant cela, je pense tout particulièrement aux artistes et aux internautes. Les internautes sont des millions de nos concitoyens. Je pense à ce qui les attendrait demain si, par malheur, cette loi s'appliquait. Ils croient, aujourd'hui, qu'ils risquent d'être sanctionnés pour téléchargement illégal. Erreur : ils le seront pour manquement à l'obligation de surveillance et de sécurisation de leur connexion à Internet. Ce texte se voulait pourtant pédagogique. Je regrette qu'on donne ainsi une vision de la société repliée sur quelques certitudes paresseuses, comme le disait Christian Paul, et qu'ait émergé dans ce débat démocratique, où nous avons pu nous exprimer, même si nos amendements n'ont malheureusement pas été retenus, une vision de méfiance vis-à-vis de l'Internet.

Cette méfiance est sans doute ce qui a été le plus prégnant dans l'expression de la majorité de cet hémicycle.

Un dernier mot pour dire que, parlant de droits d'auteur, nous avons encore plus pensé aux artistes, trompés une nouvelle fois. Pourquoi ce retard dans l'adaptation du droit d'auteur à l'ère numérique ? Nous avons proposé la contribution créative ; il y avait une opportunité à saisir pour que les auteurs et les artistes bénéficient d'une nouvelle rémunération. Vous avez retardé cette échéance…

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