L'article 5 complète le dispositif HADOPI de riposte graduée en prévoyant qu'en présence d'une atteinte à un droit d'auteur, le tribunal de grande instance peut ordonner « toutes mesures propres à prévenir ou à faire cesser une telle atteinte ».
« Toutes mesures » : il faut faire attention lorsque nous légiférons avec cette force.
Les mesures visées sont les dispositifs de filtrage. Pour parvenir au but recherché, ou bien on peut demander à celui qui a créé l'information et en est le propriétaire, son auteur, de la retirer, ou bien on intervient auprès de l'hébergeur, ou bien on recourt à celui qui assure l'accès pour qu'il coupe celui-ci.
Ma conviction profonde est que cet article 5 est inutile, parce que la loi pour la confiance dans l'économie numérique, en transposant deux directives, a parfaitement organisé le dispositif.
Dans le régime actuel, l'irresponsabilité des prestataires techniques, qu'ils soient hébergeurs ou fournisseurs d'accès, est posée en principe, et c'est heureux, parce que s'il était demandé, par exemple, aux fournisseurs d'accès de couper l'accès à certaines informations, ils devraient lire tous les contenus qu'ils transportent, et une telle intrusion serait grave. En contrepartie, quand une information à caractère délictuel leur est signalée, ils ont l'obligation de la retirer prestement : c'est l'article 6-1-3 de la LCEN.
En outre, l'article 8 de la même loi dispose déjà que le tribunal peut prendre toutes mesures nécessaires, en intervenant d'abord auprès de l'hébergeur puis, à défaut, auprès du fournisseur d'accès. L'organisation de cette subsidiarité a été bien pensée par le législateur européen et transposée par le législateur français.
A contrario, cet article 5 est exorbitant et peut s'avérer dangereux. Nous avons tous porté l'idée, quelles que soient nos sensibilités, qu'Internet devait être un espace de liberté mais aussi un espace de droit. Nous savons très bien qu'il peut être un outil magnifique, notamment pour la promotion de la culture, mais qu'il est également toxique et peut être la pire des poubelles.
Il ne faut donc pas rejeter d'un revers de main les techniques de filtrage. Lors des débats sur la LCEN, l'Assemblée nationale, à deux reprises, a donné son accord pour que, s'agissant de certains délits parfaitement définis et encadrés par notre code pénal, à savoir les délits de négationnisme, d'appel à la haine raciale, de pédophilie, il soit possible de demander aux prestataires techniques – à l'état de l'art – d'assurer un filtrage.
Mais cela avait été extrêmement encadré. Il ne faudrait pas que l'Assemblée, à un moment où nous sommes tous un peu fatigués, légifère à la légère sur des mesures qui, si elles peuvent contribuer à combattre des fléaux gravissimes, ne doivent cependant pas être mobilisées pour des délits qui, comme le disait Mme Billard, ne représentent pas une atteinte à l'ordre public du même ordre. Il ne faut pas diaboliser le filtrage, certes, mais il doit être réservé à des délits extrêmement graves.