La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi adopté par le Sénat relatif à la répartition des contentieux et à l'allégement de certaines procédures juridictionnelles (nos 3373, 3604, 3530).
Cet après-midi, l'Assemblée a entendu les orateurs inscrits dans la discussion générale.
La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.
Je voudrais répondre en quelques mots à l'ensemble des orateurs qui ont bien voulu s'exprimer dans le débat ; ils lui ont ainsi donné du corps et ont bien expliqué et mis en perspective le contenu de ce texte.
Je remercie d'abord MM. Verchère et Flory, qui ont apporté leur soutien au Gouvernement. Ce n'est pas toujours facile de soutenir des textes !
Il faut un grand sens des responsabilités. Je sais que ces deux parlementaires, que je connais bien, en ont beaucoup. Il est souvent plus facile de critiquer. Eh bien, ils ont soutenu ce texte parce qu'ils savent que le but poursuivi est l'intérêt général. Je les remercie donc de ce soutien.
M. Dosière s'est consacré, pour l'essentiel, aux questions relatives aux juridictions financières, dont je ne suis pas aussi spécialiste que lui. Sans entrer dans les détails – nous aurons tout loisir de revenir sur cette question au cours du débat –, j'ai bien compris qu'il s'interrogeait sur le nombre des chambres régionales des comptes, en rappelant l'attachement de son groupe à ces chambres, créées après 1982, à raison d'une par région.
Exactement. M. Migaud a dit devant la commission des lois qu'il lui semblait que douze à seize chambres régionales des comptes en métropole contre vingt-deux aujourd'hui, ce serait, à terme, un bon chiffre.
Certains de ces enfants sont probablement devenus majeurs et il ne les compte plus parmi ses enfants ! (Sourires.)
Un point de détail : s'agissant des justiciables de la Cour dans le projet de réforme des juridictions financières, tel qu'il avait été déposé en 2009, vous avez dit qu'il y avait tout le monde – comme avant –, sauf les ministres. Ce n'est pas tout à fait exact. J'ai vérifié en ce qui concerne les élus locaux. Ils sont en effet cités comme justiciables de la cour, mais seulement dans un cas précis : lorsqu'ils ont donné à l'un de leurs agents un ordre écrit couvrant une infraction.
Il n'est donc pas tout à fait exact de prétendre, comme vous l'avez fait, que le Gouvernement entendait soumettre de manière générale les élus locaux à la juridiction de la cour, alors que les ministres en avaient été exclus.
Très volontiers, si Mme la présidente en est d'accord.
Si je me suis étonné que les ministres ne figurent pas dans le projet du Gouvernement, c'est parce que je n'ai pas compris pourquoi les membres de leurs cabinets pouvaient être justiciables financièrement de la cour des comptes, contrairement au ministre, qui est leur patron !
Je note que vous avez corrigé votre position par rapport à cet après-midi ! Cela étant précisé, nous aurons l'occasion, dans le cours du débat, de revenir sur ces questions.
Je voudrais, bien entendu, remercier M. Brard de sa participation essentielle au débat, mais je le lui dirai quand il nous aura rejoints, c'est-à-dire, sans doute, tout à l'heure.
Je veux dire à M. Perben que je comprends tout à fait son attachement, bien normal, aux juges de proximité. Toutefois, la disposition qui figure dans le projet de loi ne vise pas du tout à les faire disparaître, mais au contraire à les insérer davantage dans notre système juridictionnel en les faisant siéger dans les formations collégiales des tribunaux de grande instance. Autrement dit, nous allons rompre l'isolement des juges de proximité.
Je dois dire que ces juges exercent déjà majoritairement leurs fonctions dans les audiences correctionnelles. Selon les chiffres de la période allant de 2008 à 2010, cela représente 40 % de leur temps de vacation, contre 32 % pour les audiences civiles, 15 % pour les audiences au tribunal de police, qui vont rester et 12 % pour le reste. Il n'y a donc pas de modification fondamentale dans ce domaine.
Je veux dire à Mme Pau-Langevin que le Gouvernement a naturellement entendu ses arguments sur le divorce. Nous n'avons pas souhaité vous proposer aujourd'hui de dispenser, même pour les divorces les plus simples, les parties de la comparution devant le juge. Mme Pau-Langevin a donc eu pleine satisfaction : le divorce restera bien tel qu'il est.
Voilà, madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, quelques précisions que je souhaitais apporter aux orateurs à ce moment du débat.
J'appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles du projet de loi.
Je souhaite préciser que je ferai respecter strictement les temps de parole. Je rappelle les règles : deux minutes pour présenter chaque amendement, puis, au maximum, un orateur pour et un orateur contre, disposant également de deux minutes chacun, après quoi nous passerons au vote.
La parole est à M. Jean-Michel Clément, pour soutenir l'amendement n° 14 , portant article additionnel avant l'article 1er.
Je voudrais profiter de l'occasion qui m'est donnée pour revenir sur la question des juges de proximité. Nous avons bien compris le sens dans lequel vous souhaitez faire évoluer la fonction de ces juges.
Au-delà des critiques qui ont pu être formulées ici ou là sur leur niveau de compétence, très variable selon les juridictions, il s'agit cette fois de faire accéder les juges de proximité à une fonction essentielle : celle d'assesseurs près les tribunaux de grande instance. Beaucoup d'entre eux nous ont fait remarquer la faiblesse des moyens dont ils disposent pour exercer leurs missions. À l'heure où l'on entend leur conférer une fonction d'assesseurs professionnels, je pense que leur niveau de formation et de compétence devient essentiel à la qualité de la justice qui sera rendue.
Nous souhaitons, par notre amendement – et au-delà du vote probable de ce projet de loi en dépit des critiques visant l'initiateur de ces magistrats, M. Perben, entendu tout à l'heure à la tribune –, appeler l'attention du Gouvernement sur la nécessité d'assurer aux juges de proximité un niveau de formation adéquat, afin de garantir aux justiciables un service de qualité. Nous souhaitons que nous soit remis, dans les six mois qui suivront l'entrée en vigueur du présent texte, un rapport circonstancié sur le niveau de formation des juges de proximité, eu égard aux nouvelles missions qui leur sont confiées. Il m'apparaîtrait naturel que nous puissions l'apprécier en connaissance de cause. Tel est le sens de cet amendement.
La parole est à M. Marcel Bonnot, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, pour donner l'avis de la commission.
Cet amendement a été repoussé par la commission. Chacun ici a bien compris qu'il tend à ce que soit présenté au Parlement, dans un délai de six mois suivant l'entrée en vigueur de la loi, un rapport d'évaluation concernant l'adéquation entre le niveau de formation des juges de proximité et les nouvelles missions qui pourraient leur être confiées.
Je suis persuadé que M. Clément n'a pas eu l'intention de jeter la suspicion sur les capacités des juges de proximité à aborder leurs nouvelles fonctions. Le caractère plus ou moins technique d'un contentieux ne se mesure pas au fait qu'il franchit ou non le seuil de 4 000 ou de 10 000 euros. Les juges de proximité ont fait preuve, dans le seuil de leur compétence, d'une technicité avérée, qui ne se mesure pas, je le répète, à la portée pécuniaire du contentieux. Ils sont tout à fait aptes à assumer les nouvelles fonctions qui leur sont dévolues. C'est la raison pour laquelle l'avis de la commission est défavorable. Je rappelle en outre qu'il revient au Parlement, et à lui seul, de présenter un rapport sur l'application de la loi.
Également défavorable. Je veux simplement signaler à l'Assemblée que l'École nationale de la magistrature a bien pris en considération la situation des juges de proximité : en 2011, elle a organisé à leur intention treize sessions de formation spécifiques et dix-huit autres leur ont été ouvertes.
(L'amendement n° 14 n'est pas adopté.)
La parole est à M. Jean-Michel Clément, pour défendre l'amendement n° 15 à l'article 1er.
Il s'agit d'un amendement quelque peu technique. Les sénateurs, en restituant leur compétence civile de droit commun aux juges de proximité, ont néanmoins maintenu, au 5° inséré dans le I de l'article 1er, la disposition suivante : « Après l'article L. 221-1, il est inséré un article L. 222-1-1 ainsi rédigé : “Art. L. 222-1-1. – Le juge de proximité peut statuer sur requête en injonction de payer, sauf sur opposition.” » La mention « sauf sur opposition », justifiée dans le projet de loi par la suppression de la compétence civile de droit commun des juges de proximité, n'est pas cohérente avec le rétablissement de cette compétence tel que prévu à l'article 3° bis nouveau inséré par le Sénat dans le I de cet article.
Cet amendement serait cohérent avec le maintien des attributions des juges de proximité pour statuer comme juges uniques sur le petit contentieux civil. Or la commission des lois a décidé de ne pas maintenir ces attributions. La compétence en matière de petit contentieux civil revient aux juges d'instance, ce qui correspond d'ailleurs à leur souhait, comme ils l'ont exprimé lorsque nous les avons entendus.
Le fait que le juge connaisse d'un contentieux inférieur à 4 000 euros était de nature à complexifier le contentieux plus qu'à le rendre lisible, ne serait-ce que pour le premier intéressé, c'est-à-dire le justiciable. J'ajoute que, lorsque le juge de proximité n'est pas là ou qu'il n'y en a pas, c'est le juge d'instance qui est amené à suppléer la carence ou l'inexistence du juge de proximité. C'est donc au regard du constat qu'avait dressé en son temps la commission Guichard, ainsi que des observations de l'Association nationale des juges d'instance, que la commission des lois a décidé de ne pas maintenir ces attributions en matière de petit contentieux civil inférieur à 4 000 euros. Dès lors, il convient de maintenir la référence à la compétence des juges de proximité en matière d'injonction de payer, sauf sur opposition. Avis défavorable.
(L'amendement n° 15 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.)
(L'article 1er est adopté.)
La parole est à M. Lionel Tardy, pour soutenir l'amendement n° 1 , portant article additionnel après l'article 7.
Le droit douanier est très complexe car il comprend des règles qui remontent parfois à l'Ancien Régime. Pour une meilleure administration de la justice, il apparaît nécessaire, à l'image de ce qui se fait pour le droit de la propriété intellectuelle, de regrouper ce contentieux dans quelques tribunaux. L'essentiel du contentieux est déjà concentré à Paris, du fait de la présence de la direction des douanes, et à Rouen, dont dépend le port du Havre. Ce regroupement compléterait idéalement la remontée du contentieux douanier des tribunaux d'instance vers les TGI.
Je ne suis pas favorable à la spécialisation exclusive de certains tribunaux dans le contentieux douanier. Cela priverait les autres tribunaux de ce contentieux, qui n'est pas systématiquement technique. Cela risquerait par ailleurs d'engorger certains TGI. Enfin, cela pourrait créer des difficultés lorsque les règles du contentieux douanier interfèrent avec celles de la lutte contre la criminalité organisée et le trafic de stupéfiants, confiée jusqu'alors aux juridictions interrégionales spécialisées.
Je comprends parfaitement les motivations de M. Tardy. L'idée de spécialiser une juridiction dans le contentieux douanier est bonne, mais ce contentieux est aujourd'hui porté devant le tribunal d'instance. Comme il existe trente-neuf directions régionales de la douane, il existe trente-neuf tribunaux d'instance spécialisés dans le contentieux douanier. Pour les contentieux les plus lourds, c'est la direction nationale qui est compétente : celle-ci étant située dans le 11e arrondissement de Paris, le tribunal spécialisé est le tribunal d'instance de cet arrondissement. Je ne crois pas qu'il y ait lieu de transférer le contentieux douanier du tribunal d'instance au tribunal de grande instance, la spécialisation existant dans les faits en raison de la localisation des tribunaux et des directions régionales des douanes. Bref, je crois que M. Tardy devrait retirer son amendement : cela m'épargnerait d'avoir à donner un avis défavorable…
(L'amendement n° 1 est retiré.)
La parole est à M. Jean-Michel Clément, pour soutenir l'amendement n° 16 tendant à supprimer l'article 8.
Je défendrai en même temps, si vous me le permettez, les trois amendements suivants, aux articles 9, 10 et 12, qui sont de même nature même s'ils concernent des dispositions différentes.
Quel est l'historique de ces articles ? La carte judiciaire a eu pour conséquence de supprimer nombre de tribunaux d'instance. Je suis à même de mesurer toutes les conséquences de cette évolution puisque, dans ma circonscription, je n'ai plus de tribunaux alors que j'en avais deux jusqu'alors, ce qui a pu faire dire à un certain nombre de mes concitoyens qu'il n'y avait plus de justice.
C'est un raccourci qui prend tout son sens lorsque l'on sait quels contentieux relevaient de ces tribunaux.
Ce qui me fait proposer la suppression de ces quatre articles, c'est que, alors que le texte qui nous est soumis prétend répartir les contentieux et alléger certaines procédures, ces articles compliquent inutilement les procédures dans des contentieux techniques particuliers.
Actuellement, ces contentieux relèvent du tribunal d'instance alors que le projet de loi les confie, soit au tribunal d'instance, soit du tribunal de grande instance, en fonction du montant de l'indemnisation demandée.
Lorsqu'on est justiciable, on n'est pas censé savoir a priori quelle est l'assiette qui détermine le tribunal auquel on doit s'adresser. On court par conséquent le risque de perdre ses droits, du fait par exemple des délais de prescription, ou tout simplement d'engager des frais inutiles pour s'entendre finalement dire que le tribunal auquel on s'est adressé n'est pas compétent.
D'autres dispositions du projet de loi sont destinées à favoriser une plus grande spécialisation dans des contentieux particuliers, ce qui contrevient totalement à l'objectif poursuivi.
La complexification des procédures est difficilement compréhensible pour un justiciable qui se trouve avoir à recourir pour la première fois, et peut-être pour la dernière, à la justice. Le fait que la procédure devant le tribunal de grande instance soit une procédure écrite avec représentation obligatoire alourdit de surcroît le coût de celle-ci, au point peut-être d'en décourager l'accès.
Tels sont les arguments que je souhaitais soulever au nom de mon groupe pour justifier la suppression de ces quatre articles.
L'article 8 du projet de loi fait application des préconisations puisées dans le rapport Guinchard, en ce qu'il répartit les contentieux entre le tribunal d'instance et le tribunal de grande instance selon un critère clair, lisible : en dessous de 10 000 euros, tribunal d'instance ; au-dessus de 10 000 euros, tribunal de grande instance. La commission est donc défavorable aux quatre amendements de suppression des articles 8, 9, 10 et 12.
Il ne s'agit pas de spécialisation : il s'agit de contentieux ordinaires, répartis entre le tribunal d'instance et le tribunal de grande instance en fonction du montant du litige. Comme l'a fort bien dit M. le rapporteur, si celui-ci s'élève à moins de 10 000 euros, c'est le tribunal d'instance qui est saisi ; si le litige porte sur plus de 10 000 euros, c'est le tribunal de grande instance qui est saisi. Ce sont de petites créances et de petits faits, il ne s'agit pas d'un contentieux spécialisé. Il s'agit simplement d'appliquer le droit commun entre le tribunal d'instance et le tribunal de grande instance. C'est la raison pour laquelle je pense que vous pourriez retirer vos amendements, monsieur Clément. Dans l'hypothèse où vous ne le feriez pas, je donnerais un avis défavorable.
Non, car je considère qu'il ne s'agit pas d'alléger les contentieux. Ce qui m'apparaît important, c'est que nos concitoyens aient une lisibilité de l'accès à la justice. Or je ne pense pas qu'en introduisant cette complexification, avec des seuils qui n'en sont pas, avec des tribunaux qui seront présents ou non selon les territoires, on favorise la simplification et l'accessibilité des procédures.
(L'amendement n° 16 n'est pas adopté.)
(L'article 8 est adopté.)
La parole est à M. Jean-Michel Clément, pour soutenir l'amendement n° 20 à l'article 14.
L'article 14 pose le principe de la convention d'honoraires pour les procédures de divorce.
La pratique de la convention d'honoraires est aujourd'hui très largement répandue dans le monde professionnel des avocats, à tel point que ceux qui se hasarderaient à ne pas en conclure et qui verraient leurs honoraires contestés seraient souvent désavoués par leurs propres instances ordinales, qui donneraient raison au client à qui l'on n'aurait pas proposé une convention d'honoraires.
Dans le cas qui nous occupe, celui des divorces, il s'agit d'arrêter une convention d'honoraires entre le client et l'avocat, selon un barème qui aura reçu l'avis du Conseil national des barreaux. Certes, ce dernier, que nous avons entendu, s'est montré favorable à cette proposition, mais je pense que les situations sont très disparates. Aussi souhaitons-nous ajouter, à la deuxième phrase de l'alinéa 2, le mot « conforme » après le mot « avis », afin de montrer que la procédure de dialogue engagée entre la Chancellerie et le CNB se poursuit. Cette discussion m'apparaît essentielle pour apporter une plus grande clarté aux barèmes d'avocats dans le cadre des procédures de divorce. Il s'agit, à travers cet alinéa, de conforter la confiance qui s'installe entre la Chancellerie et le CNB.
Chacun l'a bien compris, l'article 14 du projet de loi, dans la rédaction adoptée par le Sénat, prévoit l'établissement de barèmes indicatifs des avocats en matière de procédures de divorce. Il s'agit de barèmes indicatifs, destinés à améliorer l'information légitime du justiciable et à aider celui-ci à apprécier la convention d'honoraires que lui propose l'avocat. Il n'est pas possible de prévoir un avis conforme du Conseil national des barreaux, car cela reviendrait à donner une injonction au Gouvernement, ce qui pose un problème constitutionnel. Il ne peut s'agir que d'un avis indicatif. Avis défavorable, donc.
Comme vient de le dire fort bien M. le rapporteur, l'article 14 prévoit que des barèmes indicatifs sont établis par le garde des sceaux, après avis du Conseil national des barreaux. Cela permet au justiciable de vérifier si ce qui lui est demandé est à peu près dans la norme. La liberté d'honoraires demeure cependant, et il ne s'agit nullement de porter atteinte à cette règle, qui est à la base des relations entre l'avocat et son client.
Il n'est pas possible, enfin, d'imposer l'avis conforme du Conseil national des barreaux sur un barème qui n'est qu'indicatif.
Les auteurs de l'amendement comprendront aisément que je ne puisse donner un avis favorable, et peut-être voudront-ils bien le retirer au vu de ces explications.
(L'amendement n° 20 n'est pas adopté.)
La parole est à Mme George Pau-Langevin, pour soutenir l'amendement n° 21 .
Il s'agit toujours des barèmes d'honoraires des avocats. Je sais bien que ces barèmes n'enthousiasment pas la profession, mais il est parfois utile que le justiciable sache à quoi s'en tenir. Je défends notamment l'idée de barèmes pour l'aide juridictionnelle partielle car, comme Philippe Gosselin et moi-même l'avons souligné dans notre rapport, le bénéficiaire de l'aide ignore souvent le montant total des honoraires. Par ailleurs, puisque le coût de la vie évolue, il serait utile de réviser ces barèmes chaque année.
Il s'agit toujours de l'établissement d'un barème indicatif pour les honoraires des avocats en matière de divorce. Prévoir une révision du barème tous les ans me paraît excessif. Cela accréditerait la thèse selon laquelle ces honoraires sont en perpétuelle inflation. On imagine en outre le nombre de réunions qui seraient nécessaires pour fixer un cadre indicatif. Une réévaluation tous les deux ans me paraît raisonnable et de nature à assurer une bonne information du justiciable.
L'avis de la commission est donc défavorable.
Le texte, tel qu'il est rédigé, prévoit que ces barèmes sont révisés au moins tous les deux ans, ce qui signifie qu'ils peuvent l'être plus fréquemment. Si l'on adoptait l'amendement, ils devraient être révisés avant l'année révolue, soit au bout de dix, huit, voire six mois, ce qui n'est sans doute pas le but recherché. Le texte établi par la commission n'excluant pas une révision annuelle, le Gouvernement émet un avis défavorable.
(L'amendement n° 21 n'est pas adopté.)
(L'article 14 est adopté.)
La parole est à M. Jean-Michel Clément, pour soutenir l'amendement n° 39 à l'article 17.
L'article 17 concerne la procédure applicable en cas d'accident collectif. Sur le principe, nous sommes favorables à ce que la compétence territoriale du tribunal de grande instance puisse être étendue au ressort d'une ou plusieurs cours d'appel pour l'enquête, la poursuite, l'instruction et le jugement des délits dans les affaires qui comportent une pluralité de victimes.
Notre inquiétude, cependant, est que les citoyens victimes d'accidents majeurs – on se souvient d'AZF ou de l'accident d'avion du mont Sainte-Odile – aient affaire à une justice de proximité. Il importe en effet que les enquêtes ne soient pas trop dépaysées, afin de permettre aux victimes de mieux comprendre ce qui leur est arrivé.
Nous souhaitons donc inscrire dans la loi une répartition géographique des juridictions, sur le modèle de ce qui existe pour les juridictions administratives. Nous proposons d'en créer huit, ce qui assurerait aux citoyens une relative proximité avec ces juridictions spécialisées.
Cet amendement vise à dresser la liste des juridictions qui pourraient être compétentes en matière d'accident collectif. La fixation du nombre et de la localisation de ces juridictions spécialisées relève du domaine réglementaire. Il appartient donc au Gouvernement de dresser la liste des futures juridictions chargées des accidents collectifs.
La commission a donc émis un avis défavorable.
Je comprends, monsieur le député, votre souhait de connaître les sièges de ces juridictions spécialisées. Aussi vais-je vous répondre sur ce point, qui relève en effet de l'autorité réglementaire.
Le Gouvernement a déjà indiqué que la liste de ces juridictions spécialisées sera identique à celle actuellement retenue pour les juridictions interrégionales spécialisées, à savoir Bordeaux, Lille, Lyon, Marseille, Nancy, Paris, Rennes et Fort-de-France. Les JIRS sont en effet des juridictions pénales, dotées de moyens parfaitement adaptés pour répondre aux procès en cas d'accident collectif. Il me semble donc que vous pouvez retirer votre amendement.
Compte tenu des explications qu'a données le garde des sceaux, nous retirons l'amendement.
(L'amendement n° 39 est retiré.)
(L'article 17 est adopté.)
La parole est à Mme George Pau-Langevin, pour soutenir l'amendement n° 22 à l'article 20.
Comme nous l'avons déjà évoqué lors de la discussion générale, nous sommes préoccupés par la manière dont ce texte étend l'usage de l'ordonnance pénale, procédure expéditive qui ne va pas au fond des choses, ne respecte pas les droits de la défense et n'a aucune valeur pédagogique pour les auteurs de faits délictueux.
Nous sommes d'autant plus étonnés du nombre de délits mentionnés dans cet article qu'il s'agit, pour beaucoup, de ces délits de la vie quotidienne dont vous nous expliquiez, pour justifier les jurys citoyens, qu'ils étaient précisément ceux qui étaient insupportables à « M. Tout-le-monde ».
Sont notamment concernés le vol, le détournement d'objet, les destructions et dégradations – qui empoisonnent en effet la vie des habitants de nos quartiers –, le délit de fuite, les délits en matière de réglementations relatives aux transports terrestres, ainsi que divers délits liés à l'usage de produits stupéfiants.
Il s'agit sans doute de les sanctionner par des peines légères ; soit. Mais il y a là une contradiction avec la manière dont vous défendez par ailleurs la comparution, censée faire comprendre à l'auteur du délit le tort qu'il a causé et la gravité de ses actes.
L'ordonnance pénale va supprimer la comparution de l'auteur des faits ou de la partie civile, privant la victime de cette catharsis que peut être l'audience. La justice, avec cette procédure expéditive, perd beaucoup selon moi de sa dignité et de sa solennité.
Cet amendement vise à interdire le recours à l'ordonnance pénale lorsqu'il apparaît de nature à nuire aux droits de la défense. Il s'agit plus d'une pétition de principe que d'un véritable amendement, si l'on veut bien considérer que les droits de la défense sont pleinement respectés dans le cadre de la procédure d'ordonnance pénale.
Le Conseil constitutionnel a déjà eu à appréhender cette question et, dans sa décision du 29 août 2002 sur la loi d'orientation et de programmation pour la justice, il a considéré que, dans la mesure où l'ordonnance pénale était motivée, où elle pouvait donner lieu à opposition et où cette opposition permettait d'être jugé par le tribunal correctionnel avec un débat public et contradictoire, cette procédure ouvrait à la personne poursuivie des garanties « équivalentes à celles dont elle aurait bénéficié si l'affaire avait été directement portée devant le tribunal correctionnel ».
L'avis de la commission est donc défavorable.
Le Gouvernement partage l'avis du rapporteur, qui se fonde sur une décision du Conseil constitutionnel.
(L'amendement n° 22 n'est pas adopté.)
La parole est à Mme George Pau-Langevin, pour soutenir l'amendement n° 25 .
L'usage de stupéfiants et la toxicomanie sont des problèmes importants de notre société. Ils mériteraient que nous réfléchissions à ce qui est réellement efficace contre la toxicomanie, en particulier chez les plus jeunes.
Les socialistes ont fait en ce sens un certain nombre de propositions, largement critiquées par la majorité sitôt leur parution dans la presse, et je regrette que nous abordions cette question importante de façon détournée et expéditive.
Je veux également souligner le fait que ce qui pourrit la vie des habitants de nos quartiers, ce sont les lieux de deal. Il faut donc réfléchir sérieusement aux moyens de lutter contre le trafic.
Cela ne veut pas dire que ce que vous proposez soit négatif. Le fait, par exemple, d'avoir modifié la procédure d'injonction thérapeutique me semble aller dans le bon sens, mais il est dommage que nous fassions l'économie d'un vrai débat sur le sujet et que ces mesures soient intégrées dans une loi qui traite de mille autres choses.
Cet amendement vise, cette fois-ci, à rayer de la liste des infractions pouvant faire l'objet d'une ordonnance pénale le délit d'usage de produits stupéfiants.
Notons tout d'abord que l'usage des stupéfiants peut donner lieu à ordonnance pénale depuis la loi du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance. Son rapporteur, Philippe Houillon, avait d'ailleurs relevé que cette procédure semblait adaptée au contentieux de l'usage de stupéfiants. De surcroît, selon les statistiques judiciaires, la faculté pour le Parquet d'y recourir a permis d'accroître très sensiblement le niveau de réponse pénale apporté à l'usage de stupéfiants. Aucune raison nouvelle ne plaide donc aujourd'hui en faveur de la suppression de cette disposition. Avis défavorable, donc.
(L'amendement n° 25 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.)
La parole est à Mme George Pau-Langevin, pour soutenir l'amendement n° 26 .
Je ne résiste pas au plaisir de constater que, désormais, le délit d'occupation d'un hall d'immeuble pourra être traité par ordonnance pénale. Sans comparution, quelle sera la portée pédagogique de cette incrimination dont on nous avait promis qu'elle permettrait d'éradiquer le phénomène ? Nous nous sommes au contraire tous rendu compte que la création de ce délit n'avait rien changé et que les halls d'immeubles étaient toujours dans le même état. Si vous en venez aujourd'hui à traiter cette question par ordonnance pénale, c'est bien parce que vous reconnaissez que les grands moulinets faits autour de ce sujet n'ont pas permis de régler le problème et que nous en sommes au même point.
Je crains que l'ordonnance pénale ne soit une manière d'évacuer en douceur la lutte farouche que vous deviez mener contre ces agissements.
Cet amendement vise à ôter le délit d'occupation des espaces communs de la liste des infractions pouvant faire l'objet d'une ordonnance pénale. Même avis que précédemment, les mêmes causes produisant les mêmes effets.
(L'amendement n° 26 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.)
La parole est à M. Jean-Michel Clément, pour soutenir l'amendement n° 27 .
Cet amendement vise à supprimer l'alinéa 18 de l'article 20 afin que le recours à l'ordonnance pénale ne soit pas possible pour les délits de contrefaçon commis sur Internet. Ce dispositif, mis en place au lendemain de la censure infligée par le Conseil constitutionnel à la loi HADOPI dans sa décision du 10 juin 2009, demeure éminemment critiquable en ce qu'il apparaît manifestement incompatible avec la logique de l'alinéa 3 du même article, qui conditionne le recours à une telle procédure à la commission de faits « simples et établis ».
En effet, les débats parlementaires ont fait ressortir que le délit de contrefaçon sur Internet était difficile à prouver et qu'il existait de très sérieux risques de piratage des ordinateurs d'abonnés parfaitement honnêtes et sincères.
Cette disposition serait clairement inappropriée.
Cet amendement vise à retirer de la liste le délit de contrefaçon sur Internet, lequel peut donner lieu à ordonnance pénale depuis 2009. Du fait de la récente ouverture de cette possibilité, je rendrai un avis défavorable car il est beaucoup trop tôt pour juger si cette procédure est ou non adaptée à ce type de délit. Laissons du temps au temps. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Cet amendement obéissant à la même logique que les précédents, il recevra la même réponse défavorable.
« Laisser du temps au temps », nous dit-on ; mais là n'est pas du tout le sujet ! Est-ce juste, légitime, respectueux ? Voilà la seule question à se poser. Le reste n'est que bavardage, destiné à maquilller une mauvaise politique de soutien à ceux qui se « font des sous » dans des conditions immorales. Vous utilisez la loi pour venir à leur secours, tandis que vous laissez démunis ceux qui veulent simplement accéder aux oeuvres de la création, création pour laquelle qui vous n'avez prévu aucune rémunération – je pense aux créateurs et non à ceux qui les exploitent.
Sur ce sujet, vous ne répondez pas. Ce n'est pas une question de temps, car le temps s'égrène, monsieur le rapporteur, et pendant ce temps-là ils s'enrichissent. Vous poursuivez de pauvres gens, de vieilles grands-mères dont les petits-fils, reçus en vacances, ont profité de leur sommeil pour télécharger. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Je ne veux pas vous faire pleurer, je pense simplement aux petites retraites de ces grands-mères victimes de la curiosité de leurs petits-fils qu'elles accueillent amoureusement chez elles.
(L'amendement n° 27 n'est pas adopté.)
La procédure d'ordonnance pénale ne permet pas aux associations défendant un intérêt collectif d'intervenir. C'est l'une des questions de fond posées par l'extension de la procédure de l'ordonnance pénale : dans le cas particulier des litiges liés à la consommation, c'est souvent l'action des associations de consommateurs qui permet de faire avancer le droit et la jurisprudence.
Dans ce contentieux, le consommateur est la partie faible. Face aux professionnels, l'intervention des associations permet de rééquilibrer le rapport de forces entre les deux parties.
Cet amendement, chacun l'a compris, vise à exclure le recours à l'ordonnance pénale pour les faits portant atteinte à l'intérêt des consommateurs. Or, la notion de consommateur n'existe que dans le droit de la consommation. Aucun délit du code de la consommation ne figurant dans le champ de l'ordonnance pénale redéfinie par l'article 20 du projet de loi, il n'est pas nécessaire d'exclure le recours à cette procédure pour les infractions portant préjudice à un consommateur.
Maintenez-vous votre amendement, monsieur Tardy ?
Dans ce cas, avis défavorable.
(L'amendement n° 2 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 6 rectifié et 28 .
La parole est à M. Lionel Tardy pour soutenir l'amendement n° 6 rectifié .
Nous sommes là sur un sujet important, lié à la loi HADOPI 2. Il nous est proposé que le juge puisse statuer dans l'ordonnance pénale sur les demandes de dommages et intérêts, au risque que ce mélange entre civil et pénal affaiblisse le mécanisme de l'ordonnance pénale en lui faisant perdre sa simplicité et sa lisibilité. Il sera désormais possible, en effet, de faire opposition soit sur le tout, soit sur le pénal, soit sur le civil, ce qui casse l'unité de la procédure. Il me semble quelque peu léger de demander au juge de se prononcer sur un préjudice sans débat contradictoire et d'évaluer ce préjudice sur la seule foi des déclarations du demandeur.
L'origine de cette disposition, je l'ai dit, se trouve dans la loi HADOPI 2, du fait que les ayants droit ont souhaité pouvoir demander des dommages et intérêts à ceux qui téléchargent illégalement. Le Conseil constitutionnel avait censuré la disposition pour incompétence négative, le législateur n'ayant pas été assez précis. Deux ans plus tard, on réalise qu'aucune procédure n'a été lancée par la Haute Autorité et qu'il s'écoulera encore un peu de temps avant que la répression pénale ne débute, si elle débute un jour.
On va donc complexifier et fragiliser le mécanisme de l'ordonnance pénale, et ce pour un contentieux bien précis qui s'annonce mort-né. Le champ de l'ordonnance pénale étant déjà très étendu, il serait plus prudent de ne pas le faire déborder, de surcroît, sur le domaine de la réparation civile. Mesurons bien ce que nous allons voter !
La parole est à Mme George Pau-Langevin, pour soutenir l'amendement n° 28 .
Ce texte, en permettant au juge de statuer dans l'ordonnance pénale sur les intérêts civils, accroît la confusion entre le rôle du parquet et celui de la partie civile. Nous avons récemment rencontré le même problème lorsqu'il s'agissait de donner des pouvoirs supplémentaires à la partie civile.
Vous êtes en train de transformer une grande partie de la procédure pénale en mélangeant ce qui relève du rôle de la partie civile et ce qui relève du rôle de la partie poursuivante, dans une procédure écrite qui plus est. Plutôt que de recevoir les parties et leur donner ainsi l'occasion de s'expliquer ou de faire valoir leur point de vue, le juge rédigera seul ses dispositions dans son coin sans pouvoir en expliquer à quiconque les raisons. Vous déformez totalement le sens de la comparution puisque, justement, on ne comparaît plus ! Vous appauvrissez ce faisant le travail du juge et déconsidérez le passage devant lui.
Ces amendements visent à supprimer la possibilité offerte à la victime d'exercer l'action civile dans le cadre de la procédure d'ordonnance pénale pour liquider son préjudice. Actuellement, l'impossibilité de recourir à l'ordonnance pénale lorsqu'une demande de réparation est formée par la victime constitue un véritable frein, qui a été relevé par la commission Guinchard. L'article 20 du projet tend à y mettre fin en mettant en place une procédure respectueuse de l'intérêt de la victime, lui permettant de faire valoir de manière effective son droit à réparation dans le contexte d'une ordonnance pénale. C'est donc bien une évolution attendue.
Avis défavorable.
Il est vrai que le projet de loi étend le domaine de l'ordonnance pénale, notamment lorsque la victime demande des dommages et intérêts. Il résulte des dispositions du texte qu'il ne sera recouru à cette possibilité que lorsque l'évaluation du préjudice subi ne pose pas de difficulté. Si le juge ne trouve pas dans le dossier les éléments suffisants pour statuer, ou en cas de contestation sur la propriété d'objets dont la restitution est demandée, il sera tenu de renvoyer le dossier au ministère public aux fins de saisir le tribunal sur les intérêts civils. Le juge examinera donc la réalité du préjudice allégué.
Comme ils le font déjà dans de nombreuses procédures lorsque la victime formule une demande de dommages et intérêts durant l'enquête, les services de police et de gendarmerie recueilleront la position du prévenu sur cette demande.
Enfin, la partie civile, tout comme l'auteur des faits, aura la possibilité de faire opposition aux dispositions civiles de l'ordonnance. Contrairement à ce qui a pu être dit, l'efficacité de l'ordonnance pénale ne sera pas remise en cause, mais au contraire renforcée.
Avis défavorable, pour toutes ces raisons.
Monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, il y a quelque obscénité à parler de « victimes » comme vous le faites. Pour une victime, on éprouve de la compassion, de l'empathie. Mais ceux que vous appelez des victimes, ce sont des personnes qui vont s'enrichir sur le dos de celles que vous allez ainsi, pour le coup, transformer en véritables victimes.
Appelons un chat un chat. Est-ce que M. Nègre, par exemple, qui s'enrichit grâce à vos lois, a un profil de victime ? Non. Il a un profil de profiteur. Cessez donc de pervertir le sens des mots.
Certes, étant donné les difficultés actuelles du système, mieux vaut essayer de masquer ses objectifs véritables. Vous le faites très bien.
Mais à droite, il y a aussi des gens qui réfléchissent, qui rencontrent leurs électeurs. Si M. Tardy, par exemple, est d'accord avec nous, ce n'est pas qu'il ait « viré sa cuti » : c'est parce que ses électeurs lui ont dit que vos propositions sont insupportables. Chers collègues de la majorité, retirez-vous donc quelques instants avec M. Tardy pour écouter ses arguments. Vous verrez alors que les victimes ne sont pas du côté que vous dites !
On va rendre plus complexe et donc plus fragile le mécanisme de l'ordonnance pénale, à seule fin de traiter d'un contentieux bien précis, celui des ayants droit dans le cadre de la loi HADOPI. Comme ce dispositif est, je le répète, mort-né, je n'en vois pas l'intérêt.
(Les amendements identiques nos 28 et 6 rectifié ne sont pas adoptés.)
(L'article 20 est adopté.)
La parole est à M. Jean-Michel Clément, pour défendre l'amendement n° 29 , tendant à supprimer l'article 21.
On nous dira qu'il s'agit d'une pétition de principe, mais, à nos yeux, la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité n'est pas compatible avec les principes élémentaires de notre tradition juridique ni avec l'idée que nous nous faisons du droit républicain. Or l'article facilite au contraire cette procédure. C'est pourquoi nous souhaitons le supprimer.
Deux verrous limitaient l'usage de la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité : l'impossibilité d'y recourir après instruction et la limitation du champ de cette procédure. L'article 21 lève ces deux verrous, tout en prévoyant des garanties appropriées et en excluant les délits de violences volontaires. La commission a donc émis un avis défavorable à l'amendement qui vise à le supprimer.
La comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité a été introduite en mars 2004 dans la procédure pénale, avec beaucoup d'hésitations. Le Conseil constitutionnel l'a validée et son utilisation va croissant, puisqu'on est passé de 23 000 condamnations suite à une CRPC en 2005 à 56 000 en 2009. C'est le signe que les praticiens se sont approprié cette procédure et que les prévenus l'acceptent. Les avocats, réticents au départ, y sont aujourd'hui largement favorables. Selon le rapport de la commission Guinchard, ils ont fait part de leur entier soutien à son extension à l'ensemble des délits. Cette procédure, je le souligne, est entourée de nombreuses garanties : présence de l'avocat, obligation de recueillir l'accord du prévenu et, surtout, obligation de faire homologuer la proposition de peine du parquet par un magistrat du siège.
L'extension proposée par cet article est strictement encadrée. La CRPC sera désormais possible après une procédure d'instruction, mais uniquement sur décision du juge d'instruction et avec l'accord du prévenu et de la partie civile ; on pourra y recourir pour les délits passibles d'une peine de plus de cinq ans d'emprisonnement, à l'exclusion des délits de menaces, d'agression sexuelle, de violences contre les personnes.
Dans ces conditions, je ne pourrai qu'émettre un avis défavorable à cet amendement si vous ne le retirez pas.
(L'amendement n° 29 n'est pas adopté.)
(L'article 21 est adopté.)
La parole est à M. Lionel Tardy, pour défendre l'amendement n° 3 , portant article additionnel après l'article 22.
Si un tribunal de première instance annule une procédure pour vice de forme avant même de juger sur le fond, le parquet peut faire appel de cette annulation. Si la cour d'appel donne tort au tribunal de première instance et valide la procédure, l'article 520 du code de procédure pénale dispose qu'elle juge également sur le fond.
Or, une personne condamnée dans ces conditions ne peut se pourvoir que devant la Cour de cassation. Celle-ci ne jugeant qu'en droit, on ne peut pas considérer qu'il s'agisse d'un deuxième degré de juridiction. Le justiciable est ainsi privé du passage devant un double degré de juridiction et donc d'un procès équitable.
Une question prioritaire de constitutionnalité a été déposée sur ce sujet. La Cour de cassation a refusé de la transmettre au Conseil constitutionnel. Beaucoup d'auteurs spécialistes de la doctrine s'en sont étonnés, estimant que cette disposition aurait été censurée si le Conseil en avait été saisi.
Je propose donc de modifier l'article 520 du code de procédure pénale, qui comporte un risque juridique, avant que le Conseil constitutionnel ou la Cour européenne des droits de l'homme ne nous y contraigne.
Avis défavorable. M. Tardy semble faire une confusion. Nous sommes dans le contexte d'un jugement du tribunal correctionnel statuant sur le fond. En cause d'appel, la cour d'appel relève qu'il y a eu une violation de procédure, annule le jugement pour cette raison et, comme l'article 520 du code de procédure pénale lui en donne le droit, « si le jugement est annulé pour violation ou omission non réparée de forme prescrite par la loi, à peine de nullité, la cour évoque et statue sur le fond ».
(L'amendement n° 3 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.)
La parole est à M. Lionel Tardy, pour défendre l'amendement n° 4 à l'article 22 bis.
Actuellement, la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes n'est pas autorisée à communiquer sur les transactions qu'elle conclut. En particulier, elle ne peut pas communiquer l'information aux associations de consommateurs qui, bien souvent, sont à l'origine de l'action qu'elle a menée. Si les associations étaient informées du fait qu'une transaction est en cours, elles pourraient suspendre leur action en justice pour éviter de gêner la DGCCRF et, le cas échéant, formuler des demandes sur le contenu de la transaction. Il apparaît normal que des plaignants à l'origine d'une procédure soient informés lorsqu'il est mis fin à celle-ci par transaction.
La commission a repoussé cet amendement. Le mécanisme de la transaction pénale n'est pas public : par définition, il s'agit d'une convention entre l'administration et un professionnel en infraction, non d'une sanction juridictionnelle.
L'absence de publicité, c'est évident, participe aussi de l'efficacité du procédé en ce qu'elle incite à la cessation rapide des infractions relevées et au paiement du montant transactionnel. Informer les associations de consommateurs ôterait son caractère incitatif à la procédure, alors que ce projet de loi s'évertue à rationaliser le traitement des contentieux pour que la justice fonctionne plus efficacement.
M. Tardy souhaite que la DGCCRF puisse communiquer avec les associations sur une transaction conclue avec un professionnel qui n'a pas respecté la réglementation applicable aux liquidations, ventes au déballage, soldes et ventes en magasin d'usine. Il souhaite également rendre obligatoire l'information des associations agréées de consommateurs sur ces transactions.
Je comprends le souci de transparence qui justifie l'amendement, mais son adoption aurait pour effet principal de remettre en cause l'efficacité du dispositif de transaction, qui réside justement dans la rapidité et la simplicité de la procédure. En cas d'obligations complémentaires, notamment de publicité, le parquet pourrait privilégier le renvoi devant le tribunal, voire, s'il l'estime utile, requérir la peine complémentaire d'affichage ou de publication de la décision. Pour ces motifs, le Gouvernement est défavorable à l'amendement.
L'amendement est intéressant, et les réponses du rapporteur et du ministre ne le sont pas moins – mais pas pour les mêmes raisons.
M. Tardy veut introduire de la transparence, élément important de la démocratie. On lui répond que cette transparence altérerait l'efficacité. Permettez-moi, monsieur le ministre d'utiliser l'analogie à des fins pédagogiques. Prenons l'affaire Tapie. Il y a eu transaction par recours à un tribunal arbitral. Qu'en retient l'opinion ? Qu'il y a eu un arrangement entre copains, d'autres diraient même : entre coquins. C'est qu'elle ne supporte plus les procédures confidentielles, et elle a raison.
Les transactions répétées et publiques ne sont-elles pas l'amorce d'une sorte de jurisprudence qui a vocation à s'imposer en cas de renouvellement ? La jurisprudence introduira plus de moralité dans la vie publique et fera progresser les pratiques en ce sens que, parfois, le fait anticipe le droit.
(L'amendement n° 4 n'est pas adopté.)
(L'article 22 bis est adopté.)
La parole est à M. Lionel Tardy, pour défendre l'amendement n° 3 , portant article additionnel après l'article 22 bis.
Les services de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes sont aujourd'hui soumis au secret de l'enquête, qui leur interdit de communiquer aux associations de consommateurs une quelconque information sur les enquêtes qui débouchent sur la transmission au parquet de procès-verbaux d'infraction.
Cette interdiction de communiquer gêne à la fois le travail de la DGCCRF et celui des associations de consommateurs. Les moyens de la DGCCRF ne lui permettant pas de mener des enquêtes approfondies, elle s'appuie bien souvent sur les associations qui peuvent lui transmettre des témoignages et des dossiers déjà constitués et juridiquement solides.
Indiquer aux associations de consommateurs quelles procédures sont sur le point d'être lancées, sans pour autant mettre cette information sur la place publique, permettrait une meilleure synergie. Les associations pourraient ainsi concentrer leurs efforts sur les dossiers concernés, sur lesquels elles pourraient intervenir. Elles assureraient de cette façon une bonne représentation des consommateurs.
Ne nous leurrons pas : ces pratiques existent déjà. Elles sont en effet dans l'intérêt des deux parties. Dans ces conditions, autant officialiser une démarche qui améliore le fonctionnement du service public et la protection des consommateurs.
La situation dans laquelle se place cet amendement est différente du cas évoqué par le précédent : cette fois, les procès-verbaux ont été transmis au procureur de la République pour qu'il engage des poursuites.
Cet amendement a été repoussé par la commission. En effet, il n'a pas sa place dans le présent projet de loi puisqu'il traite des pouvoirs et des prérogatives de la DGCCRF, sujets qui relèvent du projet de loi renforçant les droits, la protection et l'information des consommateurs, lequel doit être examiné demain et après-demain par la commission des affaires économiques.
En outre, la transmission obligatoire des procès-verbaux aux associations de consommateurs constitue une très importante exception au secret de l'enquête, qui peut se révéler très déstabilisante pour les professionnels contrôlés et verbalisés par la DGCCRF.
Cet amendement vise à obliger la DGCCRF à informer les associations de consommateurs des procès-verbaux transmis au parquet.
La transmission à des associations de procès-verbaux établis à l'issue d'une enquête avant toute décision juridictionnelle porte une atteinte disproportionnée au principe du secret de l'enquête, dans la mesure où les destinataires de ces informations seraient des associations certes agréées, mais néanmoins dépourvues de prérogatives de puissance publique légitimant la détention de ce type d'informations.
Par ailleurs, le traitement réservé aux informations nominatives transmises à ces associations resterait incertain et sujet à caution, notamment en ce qui concerne la conformité aux règles de la loi informatique et libertés.
L'adoption de cet amendement constituerait en outre une atteinte au principe de présomption d'innocence et au secret de la vie privée. La transmission envisagée interviendrait en effet avant toute décision du parquet, alors même que le procès-verbal est susceptible d'être classé sans suite si l'infraction n'est pas suffisamment caractérisée. Les procès-verbaux sont susceptibles de contenir des informations personnelles relatives aux individus mis en cause. L'adresse de leur domicile ou leur situation familiale, par exemple, n'ont pas à être divulguées à des associations.
Pour l'ensemble de ces raisons, je demande à M. Tardy de bien vouloir retirer son amendement. Dans l'hypothèse où il ne souhaiterait pas le faire, je me verrai contraint d'émettre un avis très défavorable.
Madame la présidente, je le maintiens d'autant plus que ce qu'il propose se fait déjà.
Nous comprenons les arguments du ministre. Cependant, notre collègue Tardy souhaite seulement donner aux associations de consommateur les moyens d'agir que le législateur leur refuse. En effet, vous vous opposez à l'action de groupe à chaque fois que nous proposons d'introduire ce dispositif dans un des projets de loi susceptible de faire l'objet d'amendements en ce sens.
En refusant cet amendement et en maintenant le secret, vous placez les consommateurs dans une situation d'exclusion qui ne favorise pas l'action menée en leur faveur par la DGCCRF et les associations de consommateurs. Ces dernières, qui n'ont pas la possibilité d'engager des actions de groupe, manquent de moyens de réaction, alors que les relations contractuelles sont totalement déséquilibrées entre les consommateurs et les opérateurs économiques qui disposent souvent de tous les pouvoirs. La fréquence des contrats léonins que les consommateurs sont dans l'impossibilité de contester individuellement en témoigne.
Sans possibilité d'action collective, il ne reste que le recours à la peur du gendarme. Cet amendement frappé au coin du bon sens explore cette voie ; nous le soutenons.
(L'amendement n° 5 n'est pas adopté.)
La parole est à M. Jean-Michel Clément pour soutenir l'amendement n° 30 visant à supprimer l'article 22 quater.
L'introduction par l'article 22 quater de la transaction pénale dans le dispositif de lutte contre le tabagisme nous paraît être une mauvaise idée. Les associations concernées par la lutte contre ce fléau nous ont rappelé à juste titre que la transaction pénale en la matière constituait un dispositif bancal et flou.
Quelles sont les autorités administratives visées ? S'agit-il de celles qui détiennent déjà des prérogatives liées au tabac et qui se désinvestissent de leurs missions ? Quel est le rôle exact du procureur de la République ? Pourquoi infliger des sanctions au rabais et introduire un système à deux vitesses ?
La transaction pénale appliquée au tabac constitue un dispositif inutile. Pour les contraventions, comme celle relative à l'interdiction de fumer, il n'existe pas de principe plus simple et efficace que l'amende forfaitaire actuellement en vigueur.
En l'espèce, ce dispositif serait également dangereux car, s'agissant de l'interdiction de fumer dans les lieux à usage collectif, il dévaloriserait définitivement le dispositif pénal. La transaction pénale éteindrait l'action pénale et ses effets en matière de délit de publicité interdite. En outre, avant que l'action publique ne soit engagée, le contrevenant cité à comparaître disposerait d'une longue période pour négocier avec l'autorité administrative.
À l'instar des associations, nous considérons que le dispositif relatif au tabagisme proposé à l'article 22 quater est totalement inapproprié.
L'article dont l'amendement demande la suppression est relatif à la commercialisation d'alcool et au tabagisme.
Le recours à la transaction pénale permet à l'administration d'abandonner les poursuites en contrepartie, d'une part, de la reconnaissance de l'infraction par l'intéressé et, d'autre part, du versement d'une somme d'argent au Trésor public ou de l'accomplissement d'une prestation déterminée.
Du point de vue de l'administration de la justice, cette solution présente un triple avantage. Tout d'abord, une solution définitive est apportée au conflit pénal dans un délai rapide. Ensuite, le versement d'une somme d'argent constitue une sanction dissuasive qui se révèle plus efficace que certaines amendes pénales dont le taux de recouvrement demeure traditionnellement très faible. Enfin, certaines infractions dont la gravité reste limitée ne justifient pas la nécessité d'une audience correctionnelle : la transaction offre dans ces cas une réponse plus appropriée.
Je précise que l'objet des délits et infractions concernés par l'article 22 quater est ciblé : non-respect des obligations et interdictions liées à la vente d'alcool, et de celles concernant l'ouverture, la tenue et le fonctionnement des débits de boissons. L'administration pourra également utiliser le règlement conventionnel en matière de délits s'agissant de la fabrication, de la vente, de la distribution ou de l'offre à titre gratuit de produits de tabac, de la publicité pour ce type de distribution et du non-respect des teneurs maximales des cigarettes en goudron, nicotine et monoxyde de carbone.
Chaque proposition de transaction devra être déterminée en fonction de la gravité du délit ou de l'infraction, mais aussi en fonction des circonstances, de la personnalité de l'auteur ainsi que des ressources et charges de ce dernier.
Pour toutes les raisons que je viens de présenter, le dispositif retenu est à la fois pertinent, adapté et justifié. Il n'y a donc pas lieu de supprimer l'article 22 quater et la commission est défavorable à l'amendement.
Même avis.
« Même avis », vient de dire le ministre. Monsieur le garde des sceaux, je suis très étonné. Vous ne pouvez pas avoir le même avis que le rapporteur ! Avez-vous entendu ce qu'il a dit ? Il rétablit les indulgences pontificales ! (Sourires.)
Mais vous voulez les inscrire dans la loi : c'est inacceptable ! Le rapporteur nous a parfaitement expliqué que la personne concernée devait d'abord reconnaître l'infraction – autrefois on lui aurait demandé de reconnaître son péché. Ensuite, il suffit de payer pour être absous.
Le rapporteur précise que cela se fera « selon les circonstances et la personnalité de l'auteur de l'infraction ». Cette fois, je ne vous renvoie pas au Vatican mais à La Fontaine : « Selon que vous serez puissant ou misérable… »
Voilà la justice que vous voulez rendre. Elle dépend du côté du coffre-fort où l'on se trouve : elle n'est pas la même pour ceux qui en ont la clef et pour ceux qui doivent se contenter, contre rémunération, de le porter pour le compte des premiers.
Monsieur le garde des sceaux, vous voyez bien qu'il est impossible que vous soyez d'accord avec le rapporteur. J'ai bien vu, d'ailleurs, que vous ne l'écoutiez pas. (Sourires.) Vous avez forcément une opinion qui ne peut pas être aussi éloignée que la sienne de ce qu'est la morale…
M. Brard a probablement raison : il est arrivé suffisamment tard dans l'hémicycle pour avoir le temps de réfléchir à ces choses. (Sourires.)
Il me semble, monsieur le député, que vous avez négligé l'essentiel : le discernement. Je ne peux que vous conseiller la pratique des exercices spirituels…
Vous manquez manifestement de pratique, mais nous pourrons en parler après la séance. (Sourires.)
Cela dit, je ne pensais tout de même pas que vous étiez à ce point un homme du passé. Dans votre dernière intervention, vous nous avez parlé de l'analogique alors que le numérique l'a supplanté ; vous nous parlez maintenant de l'époque des indulgences : il faut essayer de rester dans le présent.
J'ai bel et bien écouté le rapporteur, et je suis de son avis. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
(L'amendement n° 30 n'est pas adopté.)
La parole est à M. Camille de Rocca Serra, pour soutenir l'amendement n° 40 portant article additionnel avant l'article 24 quater.
Cet amendement, déposé par M. Gandolfi-Scheit et moi-même, vise à garantir le maintien d'une chambre territoriale des comptes de plein exercice en Corse.
La Corse est en effet une collectivité territoriale à statut particulier depuis l'entrée en vigueur de la loi du 13 mai 1991, et ses compétences ont été renforcées par loi du 22 janvier 2002. Le nombre de structures publiques et le souci de transparence dans l'engagement des crédits publics justifient également un tel maintien, ainsi que les résultats remarquables de la chambre régionale des comptes de Corse depuis sa création.
Le Premier ministre a pris différents engagements. Quant au regretté Premier Président de la Cour des comptes, Philippe Séguin, jamais il n'avait imaginé, dans la réforme qu'il souhaitait, que la chambre régionale des comptes de Corse puisse être supprimée. Le fait a été confirmé par M. Migaud.
Nous demandons par conséquent au Gouvernement, conformément à une motion votée à l'unanimité par l'assemblée de Corse, et je le dis en présence de Paul Giacobbi qui en a été témoin, de garantir dans la loi le maintien d'une chambre des comptes de plein exercice, dont le ressort soit territorial et propre à la Corse.
J'ai bien compris que c'était un amendement d'appel, monsieur de Rocca Serra, et qu'il n'avait pas vocation à être inscrit dans la loi. Le Gouvernement est certes favorable à la réorganisation des chambres régionales des comptes mais il n'entre pas dans ses intentions de supprimer celle de Corse. Je vous demande donc de bien vouloir le retirer.
Je ne pense pas que l'amendement doive être retiré, mais je laisse à ses auteurs le soin d'en décider.
Toute une série de dispositions, et il y en aura sans doute d'autres au cours des années à venir, précisent de manière législative ce qu'il en est de l'organisation institutionnelle de la Corse et, comme l'a excellemment dit M. de Rocca Serra, il n'y a aucune raison de ne pas inscrire dans la loi celle qui est proposée par l'amendement.
C'est réglementaire !
Si vous partez de ce principe, je pourrai vous citer des centaines d'articles ou de paragraphes législatifs qui apportent des précisions de nature réglementaire concernant la Corse. C'est la raison pour laquelle il me paraîtrait raisonnable de maintenir cet amendement.
Je comprends bien ce qu'essaie de dire le ministre, c'est-à-dire que nous sommes dans le domaine réglementaire et que c'est un décret du Premier ministre qui devra garantir le maintien d'une chambre spécifique, mais, le statut particulier étant inscrit dans la loi du 13 mai 1991, il me semble que, même si cela paraît superfétatoire, il faut l'inscrire dans la loi l'existence de la chambre territoriale des comptes de Corse.
Monsieur le garde des sceaux, c'est la loi de 1982 qui prévoit que chaque région dispose d'une chambre régionale. Ce n'est pas du domaine réglementaire.
Le Gouvernement, par ailleurs, a-t-il décidé de supprimer la chambre régionale de Picardie ?
Vous pouvez me poser la question pour chacune des régions : c'est un jeu qui a son intérêt, je le reconnais…
Ce n'est pas parce que c'est dans la loi que cela n'a pas un caractère réglementaire. Le fait qu'une disposition figure dans la loi ne suffit pas à lui donner un caractère législatif, l'article 34 de la Constitution est clair sur ce point. Je suis donc défavorable à l'amendement.
Puis-je me permettre de rappeler, étant moi-même magistrat de la Cour des comptes, que la précision est d'ordre législatif puisque, comme l'a indiqué M. Dosière, la loi dispose qu'il y a une chambre régionale des comptes par région ?
Cela dit, vous devriez retirer votre amendement, monsieur de Rocca Serra. Vous affaiblissez en effet votre thèse en le déposant, puisque c'est déjà dans la loi. Je pense que vous serez sensible à cet argument en béton.
Il faut être clair. Nous sommes certes dans le cadre de la loi de 1982 mais, aujourd'hui, nous entendons parler d'une réorganisation qui réduirait le nombre de chambres régionales des comptes.
Nous souhaitons donc que le ressort de la chambre territoriale des comptes de Corse soit garanti, avec l'ensemble de ses compétences et de ses attributions. C'est aussi simple que cela. Le ministre m'explique que cela se fera dans un cadre réglementaire. Pourquoi ne pas répondre aujourd'hui dans le cadre législatif qui nous est présenté ?
Vous pouvez parfaitement, monsieur de Rocca Serra, choisir la thèse de M. de Courson, dont je ne partage pas l'avis, mais qui, étant magistrat financier, sait ce dont il parle ; dans ce cas, ne touchez pas à la loi et retirez votre amendement.
Si vous ne souhaitez pas le retirer, c'est que vous reconnaissez au Gouvernement le pouvoir de modifier la liste des chambres régionales des comptes ; vous devez alors retirer votre amendement parce qu'il s'agit d'une injonction donnée au pouvoir exécutif, ce qui n'est pas de la compétence de l'Assemblée.
Par conséquent, dans les deux cas, vous devez retirer votre amendement.
Au bénéfice de la dernière intervention du ministre, nous retirons l'amendement.
Il y a beaucoup de non-dits. Il ne faut donc surtout pas en rester à ce qui a été annoncé, il faut gratter pour voir ce qu'il y a derrière. Nous ne pouvons évidemment pas vous suivre, monsieur le ministre, car nous voyons bien quelles intentions perverses se cachent derrière vos propos, cela a été souligné sous des formes diverses.
Le ministre va sûrement vous répondre, monsieur de Rocca Serra, que vous êtes encore dans le passé puisque vous voulez garder ce qui existe. Or il y a des choses, monsieur le ministre, qui sont hors du temps, anachroniques au sens étymologique.
Intemporelles !
Exactement. Ce sont non pas des dispositions législatives, mais des valeurs comme l'égalité ou la justice,…
…qui ont effectivement valeur constitutionnelle.
Remettre en cause le système, c'est remettre en cause ces valeurs fondamentales. Ce n'est pas faire appel au passé, car c'est ce socle de valeurs qui fait notre identité nationale et qui fait aussi notre pacte ou contrat social. Vos atermoiements ne sont donc qu'une raison supplémentaire pour nous de douter puisque, dans les deux cas, en fin de compte, nous sommes perdants.
Vous me faites penser à ce cheikh convoqué par celui qui n'était encore que Bonaparte et qui voulait s'approprier ses richesses. « Pourquoi te dirais-je où sont mes trésors ? », demanda ce seigneur mamelouk à Bonaparte : « si Dieu veut que tu les trouves, tu les trouveras sans moi, et, si je refuse de te le dire, où est le problème ? » Évidemment, il y perdit sa tête, mais il avait au moins des convictions, lui.
L'article 24 quater dispose tout simplement que la Cour des comptes sanctionne les irrégularités budgétaires, comptables et financières commises par les ordonnateurs et les gestionnaires publics. Or le Gouvernement a déposé un amendement tendant à le supprimer.
Aujourd'hui, les comptables sont soumis à la juridiction de la Cour des comptes ou des chambres régionales selon le cas. Les ordonnateurs, à l'exception des ministres, sont, le cas échéant, ressortissants de la Cour de discipline budgétaire et financière.
Voici ce qu'écrivait François Fillon, Premier ministre, en 2009, dans l'exposé des motifs du projet de loi portant réforme des juridictions financières : « Le mécanisme de sanction des irrégularités et des fautes de gestion devant la cour de discipline budgétaire et financière […] est singulièrement limité. Aussi l'alternative joue-t-elle actuellement entre l'absence de sanction, inacceptable pour nos concitoyens, ou la sanction pénale, souvent disproportionnée. »
Pourquoi changer de système ? Le Premier ministre s'en explique également, toujours dans l'exposé des motifs : « La situation actuelle est en effet celle d'une responsabilité de plus en plus partagée entre l'ordonnateur et le comptable public, tant en termes de tenue des comptes qu'en termes de contrôle de la dépense. […] Comptables, ordonnateurs et plus globalement gestionnaires, relèveraient de la même juridiction financière ce qui permettrait d'accroître la cohérence, la transparence et la lisibilité des mécanismes de sanction vis-à-vis de l'administration, du Parlement et de l'opinion publique. »
Voilà ce que le Gouvernement souhaite mettre en place. Nous y sommes favorables. Les amendements que nous avons déposés tendent simplement à préciser que, si la Cour des comptes doit juger les irrégularités financières, budgétaires et comptables des ordonnateurs nationaux, c'est aux chambres régionales des comptes de procéder aux mêmes jugements pour les ordonnateurs locaux, la Cour des comptes étant naturellement l'instance d'appel des chambres régionales des comptes. Nous proposons également, comme l'avait fait le Gouvernement en 2009, la création d'une cour d'appel des juridictions financières pour les cas où la Cour des comptes jugerait en premier ressort.
J'avoue être choqué par cet article. Maire depuis trente ans, des rapports de la Cour des comptes et des chambres régionales des comptes, j'en ai lu un certain nombre ! Je ne suis pas toujours d'accord avec leurs jugements, qui sont sans appel, d'une certaine façon,…
…et souvent portés à la vindicte populaire par les oppositions.
En outre, j'ai pu constater qu'à maintes reprises la chambre régionale se situe sur le terrain de l'opportunité plutôt que sur celui de la régularité. Il faudrait commencer par s'entendre sur les termes : que signifie « régularité » dans le jargon de la Cour des comptes et des chambres régionales ? Nous ne parlons pas le même langage que ces magistrats ! (Murmures sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Quel message allons-nous faire passer ? J'ai bien écouté M. Dosière, que nous savons particulièrement soucieux du bon emploi des deniers publics. La France compte 36 000 maires. Leur responsabilité personnelle peut déjà être mise en cause devant la justice, comme devant les électeurs. Cet article voté par la commission des lois témoigne d'une défiance sans précédent à leur égard – je laisse aux candidats aux élections sénatoriales le soin d'aller l'expliquer à leurs électeurs…
Quel est le risque ? Je ne parle pas des grands présidents de région ou de département, accompagnés par une grosse technostructure qui les met à l'abri de la moindre faute, mais des maires qui peuvent commettre de petites erreurs, que l'on ne manquera pas d'appeler « irrégularités » car le terme peut s'appliquer à des choses même infimes.
Je vous mets donc en garde contre l'adoption de cet article, et ce faisant, je m'exprime comme un des 36 000 maires de France qui commencent à en avoir assez d'être dans le viseur d'une certaine technocratie qui s'est fait élire au Parlement !
Certains propos m'étonnent. La commission a voulu accélérer le vote d'un texte proposé par le Gouvernement sur lequel nous nous étions mis d'accord en commission des lois et en commission des finances.
Notre collègue Jean-Pierre Grand a dit des choses inexactes : il existe une procédure d'appel des décisions des chambres régionales des comptes et de la Cour des comptes.
Comment le maire peut-il se défendre quand une telle décision fait la première page des journaux ? Pensez à sa situation vis-à-vis de ses proches, de sa famille !
Ensuite, arrêtons d'évoquer le problème des petits maires : il n'existe pas de petits maires mais des communes de petite taille.
Mon cher collègue, je suis maire d'une commune de 403 habitants depuis vingt-six ans ; je connais donc un peu la question ! Il n'y a aucun problème : les comptes de ces communes sont apurés administrativement.
Vous êtes laxiste envers les milliards gaspillés par le Gouvernement mais vous voulez envoyer les maires devant les tribunaux pour quelques milliers d'euros ! Je ne vous félicite pas !
Venons-en au fond. La position du Gouvernement n'est pas sans m'étonner. En commission des lois, où je me suis permis de me rendre, le garde des sceaux n'avait formulé aucune objection. Tâchons donc d'inscrire dans le présent texte une partie de la réforme, car elle ne sera pas programmée d'ici à la fin de la législature.
J'ai également été étonné par l'argumentaire du Gouvernement.
Mais je ne l'ai pas encore présenté ! (Sourires.)
Allons, monsieur le garde des sceaux, j'ai lu l'exposé sommaire de votre amendement ! J'y reviendrai tout à l'heure.
Nous en venons justement à l'amendement de suppression n° 105, présenté par le Gouvernement.
La parole est à M. le garde des sceaux.
Avant de présenter cet amendement de suppression, je souhaite rappeler la vision du Gouvernement sur la réforme des juridictions financières.
Tout d'abord, pour ce qui est des fluctuations, monsieur Dosière, nous avons tous nos références…
C'est la vie, et vous l'avez d'ailleurs fort bien rappelé.
S'agissant des juridictions financières, dans la mesure où nous n'avons pas le temps de revenir sur le texte global, il a été décidé de passer cette réforme par petits blocs dans les textes pouvant les recevoir.
La loi de finances rectificative, récemment, a accueilli plusieurs dispositions.
Ce soir, M. le président Warsmann présente des mesures que le Gouvernement accepte et soutient car elles sont très importantes. C'est le cas, par exemple, de tout ce qui a trait à la coordination par la Cour des comptes de l'activité des chambres régionales afin de mener des enquêtes nationales. Ces dispositions représentent un véritable progrès.
En revanche, le domaine de la responsabilité devant la Cour des comptes ne nous semble pas mûr, pour de multiples raisons dont certaines viennent d'être évoquées par M. Grand, s'agissant notamment des élus locaux.
M'étant déjà exprimé sur le sujet dans la discussion générale, je ne m'y attarderai pas plus longuement, à moins que cela ne s'avère indispensable. Le Gouvernement a présenté des amendements de suppression de tous les articles ayant trait à la responsabilité et accepté la plupart des autres dispositions que le président Warsmann souhaitait voir figurer dans ce texte.
Cet amendement n'a pas été examiné par la commission mais, à titre personnel, j'y suis favorable.
Je suis surpris par l'argumentation du garde des sceaux dans l'exposé sommaire de son amendement. Cet article poserait « des questions de principe, qui d'ailleurs n'ont pas leur place dans ce projet de loi, centré sur la répartition des contentieux et la simplification des procédures juridictionnelles ». Cela peut se concevoir, mais nous pourrions laisser au Conseil constitutionnel le soin de se prononcer sur une éventuelle inconstitutionnalité.
Dans le compte rendu de la commission qui a eu lieu il y a à peine huit jours, je lis en outre cette déclaration du garde des sceaux : « Le Gouvernement n'a pas d'objection de méthode à formuler. Nous nous sommes rendu compte, en effet, qu'il était impossible d'adopter un projet de loi global sans prolonger la session extraordinaire au-delà de ce que nous souhaitons tous. Comme le Premier ministre l'a indiqué au Premier président de la Cour des comptes, le Gouvernement est d'accord pour que l'on reprenne, à la faveur des textes inscrits à l'ordre du jour qui le permettent, un certain nombre de dispositions ayant déjà fait l'objet de discussions ou d'avancées. »
C'est précisément ce que je viens de vous redire !
Le texte aujourd'hui proposé n'est autre que celui que le Gouvernement a déposé en 2009 et que la commission des lois a adopté, sans le modifier, en 2010. Où est la cohérence ?
L'inscription à l'ordre du jour du Parlement du texte que nous espérions n'ayant pas été possible, il a été convenu que nous ferions faire quelques progrès à la réforme à l'occasion de ce projet de loi. L'initiative du président Warsmann a de ce point de vue été la bienvenue, tout comme celle de la commission des finances qui a permis, la semaine dernière, de faire passer via le collectif budgétaire plusieurs dispositions sur le code des juridictions financières et la mission générale de certification de la Cour des comptes, la transmission au Parlement des différents travaux de certification, l'inscription dans le code de la pratique des suites aux rapports publics.
Certaines des dispositions en discussion ce soir ouvrent le débat sur la responsabilité. Le problème à traiter est celui de la responsabilité des élus locaux et des membres du Gouvernement, un point sur lequel il n'y a pas d'accord aujourd'hui. Je pense que nous ne pouvons pas traiter les sujets de manière isolée ; il faut une présentation d'ensemble, ne serait-ce que par souci d'équilibre et d'équité entre les différents acteurs publics et leurs situations respectives par rapport à la Cour des comptes.
Il n'est pas absurde de nous donner un peu de temps sur ce volet, afin d'aborder certains sujets de fond, comme le fait qu'en France un ministre est également ordonnateur, ce qui n'est pas le cas dans tous les pays, et de poursuivre les discussions avec les associations d'élus locaux de manière qu'elles n'aient pas le sentiment que les élus sont mis en cause, ce qui n'est pas l'objectif de la réforme.
Autant je suis convaincu que l'objectif figurant dans le texte de 2009 reste pertinent et doit être atteint dans un délai rapproché, autant il ne me paraît pas absurde de nous donner un délai supplémentaire, avec les concertations nécessaires, dès lors qu'il a été convenu de ne pas reprendre le projet dans sa globalité mais de le traiter en fonction des textes qui le permettront.
Je tiens à la disposition de chacun le rapport sur la réforme des juridictions financières. Le texte proposé par le président Warsmann n'est autre que celui du Gouvernement : « La Cour des comptes sanctionne les irrégularités budgétaires, comptables et financières commises par les ordonnateurs et les gestionnaires publics dans les conditions fixées par le présent code. »
Si le Gouvernement nous disait qu'il ne s'agit pas d'une objection de principe – puisqu'il s'agit des principes préconisés par le Gouvernement lui-même – mais d'un problème d'insertion dans tel ou tel texte, nous pourrions en discuter. Or, or il écrit dans son exposé sommaire : « Cette disposition est directement liée à la création d'un nouveau régime de responsabilité des gestionnaires » – ce qui n'est pas exact – « qui soulève des questions de principe qui d'ailleurs n'ont pas leur place dans ce projet de loi », alors même que ces questions ont été tranchées par le Gouvernement…
…et soutenues à l'unanimité tant par la commission des lois que par la commission des finances : il s'agit uniquement d'un problème de méthode et non d'un problème de principe.
Je voterai contre cet amendement, à moins que le Gouvernement nous dise dans quel texte ces dispositions seront insérées.
Je n'ai pas demandé la parole, madame la présidente (Rires), mais je redis volontiers que le texte de 2009 ne peut être voté en une seule fois et que certains problèmes restent à régler, comme l'a fort justement rappelé M. Bouvard. Dans quelques jours, d'ailleurs, la loi sur la fonction publique accueillera peut-être à son tour des dispositions sur les juridictions financières. Pour le reste, je me suis largement expliqué.
Avec cet amendement, nous anticipons sur la discussion concernant les dispositions introduites à l'initiative du président Warsmann.
Dans l'actuel code des juridictions financières, il existe une cour de discipline budgétaire et financière qui peut juger certains ordonnateurs,…
…dont sont explicitement exclus, d'une part, les membres du Gouvernement et, d'autre part, disons les choses simplement, les exécutifs locaux.
Tout à fait ! Il ne faut pas tourner autour du pot : le problème est bien là !
Les amendements adoptés par la commission des lois, à l'initiative du président Warsmann, proposent trois modifications importantes : premièrement, supprimer la Cour de discipline budgétaire et financière, et transférer ses attributions à la Cour des comptes ; deuxièmement, inclure dans la liste des ordonnateurs qui relèveraient des nouvelles compétences de la Cour des comptes les ministres et les exécutifs locaux ; troisièmement, prévoir que, s'agissant des exécutifs locaux, la Cour des comptes pourra être saisie notamment par des membres de l'organe délibérant, c'est-à-dire conseillers municipaux, généraux ou régionaux.
Le transfert des attributions de la Cour de discipline budgétaire et financière à la Cour des comptes ne me gêne pas, mais il y a la deuxième étape : l'ajout des ministres et des exécutifs locaux à la liste des ordonnateurs contrôlés par la Cour. Pour les ministres, cela pose tout de même un problème de constitutionnalité.
Le parlementarisme s'est construit sur l'idée que les ministres ne peuvent jamais être responsables individuellement car leur responsabilité est collective et politique, devant le Parlement, sous réserve, selon notre constitution, de la compétence de la Cour de justice de la République en matière pénale.
Il existe donc, d'une part, une responsabilité politique et, d'autre part, une responsabilité pénale. Ce chapitre y ajoute une troisième responsabilité, d'ordre individuel, ce qui pose un problème de constitutionnalité qui mériterait réflexion.
Je termine, madame la présidente, en indiquant que, s'agissant des exécutifs locaux,…
…de telles dispositions perturberaient la vie des collectivités territoriales car on accepterait alors que des conseillers minoritaires puissent à tout instant saisir la Cour des comptes en se plaignant de telle ou telle irrégularité. Et vous savez, mes chers collègues, ce que vaut la présomption d'innocence en ce moment ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.
Je n'avais pas prévu d'intervenir, mais, après ce qui vient d'être dit, je crois nécessaire d'éclairer l'Assemblée.
Tout d'abord, il ne s'agit pas d'une initiative du président Warsmann, mais d'un projet de loi déposé devant notre assemblée en octobre 2009, rapporté pour avis par la commission des finances, qui visait à élargir la liste des personnes redevables de la Cour des comptes en y incluant les ministres. Cette proposition avait été adoptée par commission des finances à l'unanimité…
…puis, le 15 septembre 2010, en commission des lois, sans aucun vote contre. Mais comme le texte ne venait pas à l'ordre du jour alors que je l'avais demandé à plusieurs reprises et que la commission des finances avait pris l'initiative, il y a quelques semaines, d'en détacher un morceau pour l'intégrer dans la loi de finances par voie d'amendements, j'ai entrepris de faire la même chose pour la partie du texte concernant les juridictions financières. Un grand nombre d'articles adoptés en commission n'ayant jamais été examinés dans l'hémicycle, nous l'avons scindé en deux morceaux : la partie statutaire des magistrats, hors sujet ce soir, et une partie sur les juridictions, dont nous débattons. M. le ministre, je le rappelle, avait déclaré que le Gouvernement soutiendrait l'ensemble des dispositions qui ne relevaient pas du régime de la responsabilité devant la Cour des comptes – il y a en effet un dispositif très important sur l'articulation entre la Cour et ses chambres régionales.
Pourquoi la question de la responsabilité financière des ordonnateurs se pose-t-elle dans notre pays ?
La première raison, c'est que le Président de la République a soulevé la question en intervenant, le 5 novembre 2007, lors du bicentenaire de la Cour des comptes,…
…« Trop longtemps, on a considéré que le propre de l'argent public était d'être dépensé sans compter, qu'il était dans la nature du service public que son efficacité ne soit pas mesurable et que si l'on devait demander des comptes au comptable, il n'était pas légitime d'en demander à l'ordonnateur. »
Raison de plus pour ne pas chercher à tout bout de champ des noises aux maires des petites communes !
J'ai écouté avec beaucoup d'attention Jean-Pierre Grand tout à l'heure, et j'aimerais que nous puissions nous écouter les uns après les autres !
Le Président de la République poursuivait : « Je profite de l'occasion qui m'est donnée de m'exprimer devant vous aujourd'hui pour dire que cette époque est révolue. Notre État a besoin d'une révolution intellectuelle et morale. »
Je cite maintenant François Fillon qui, dans l'exposé des motifs du projet de loi déposé le 28 octobre 2009, a écrit : « La recherche de la performance, aussi légitime soit-elle, ne saurait faire oublier le premier impératif qui s'impose au gestionnaire : celui du respect de la règle de droit. La sanction des irrégularités et des fautes de gestion constitue à cet égard une dimension clé d'une bonne gestion publique. Elle en conditionne tant l'efficacité que la probité. Une réforme du régime de responsabilité juridictionnelle des gestionnaires, pour en faire un système efficace et effectif, apparaît aujourd'hui plus urgente que jamais. Elle conditionne la légitimité de la démarche de la loi organique relative aux lois de finances. Il ne saurait en effet y avoir plus de liberté sans responsabilité véritable. »
Des nombreuses citations du premier président Philippe Séguin, qui a initié cette démarche, je n'en prendrai qu'une, dans laquelle il appuyait sur un point extrêmement important : « Faute de régime de responsabilité financière adapté, on court le risque d'une pénalisation excessive de l'action publique. »
Car le problème est bien là : à une époque où l'argent public devient si rare et où nos concitoyens demandent que chaque euro soit bien dépensé, le fait que notre mécanisme de sanction des irrégularités des gestionnaires ne marche pas n'est pas compréhensible. Charles de La Verpillière a très justement expliqué que le texte initial prévoyait de supprimer la Cour de discipline budgétaire pour la fusionner avec la Cour des comptes – c'était, rappelons-le, le texte du Gouvernement, pas une initiative de la commission. Pourquoi a-t-il eu ce projet ? Savez-vous combien d'affaires sont jugées chaque année par la Cour de discipline budgétaire ?
En effet, mes chers collègues : trois par an ! Autrement dit, nous sommes dans un domaine où il n'y a pas de sanctions. Philippe Séguin a montré que si l'on ne met pas en place un régime de responsabilité des gestionnaires, la marée de la pénalisation va monter, on va vouloir traîner tous les acteurs de la vie publique devant le tribunal pénal parce qu'il n'y aura pas d'autre sanction. Voilà comment on en est arrivé là.
Je remarque que, dans son projet de loi, le Gouvernement listait tous les ordonnateurs sauf les ministres. Nous, nous avons considéré qu'il était dès lors logique d'y inclure les ministres.
Je me permets une dernière précision, madame la présidente. Lors d'une audition, un directeur d'administration centrale martelait qu'il n'était pas question d'établir une responsabilité des ministres, avec un exemple à l'appui : « L'année dernière, expliquait-il, le ministre de l'éducation nationale a modifié la formation des enseignants, ceux-ci ne vont plus à l'IUFM et sont envoyés directement, dès le mois de septembre, dans les classes. Nous sommes en septembre, et je n'ai pas reçu un texte m'autorisant à les payer. Vous voyez, monsieur le député, il faut que vous me laissiez donner des ordres illégaux à mes fonctionnaires car je n'ai aucune base juridique pour leur ordonner de les payer, mais je vais bien devoir le faire. »
Et il ajoutait : « Si je suis poursuivi, je dirai au tribunal que c'est un ordre du ministre, et comme celui-ci est irresponsable et qu'il ne peut pas être entendu, l'affaire s'arrêtera là. » Ce à quoi j'ai répondu qu'il suffisait que les ministères s'organisent un peu différemment. Que se passe-t-il lorsque le maire d'une commune de 2 000 habitants veut acheter un outil de déneigement ?
Son secrétaire de mairie le prévient que s'il ne lance pas un appel à concurrence dès le mois de mai, il n'aura pas le matériel pour l'automne et qu'il ne pourra donc pas déneiger.
Il peut sous-traiter à une entreprise privée avec un taux réduit de TVA…
Réguler tout l'ensemble du système en permettant que des illégalités soient générées à la chaîne ne me semble pas une bonne solution. Voilà où nous en sommes aujourd'hui. Qu'on ne soit pas d'accord avec telle ou telle saisine, qu'on soit pour le texte du Gouvernement ou non, ce n'est vraiment pas le problème : il y a vraiment aujourd'hui un manque dans le droit, et c'est pourquoi la commission vous a saisis du sujet.
Maintenant, chacun est suffisamment éclairé et fera ce qu'il a à faire. En tout cas, il était de mon devoir, compte tenu des auditions auxquelles j'ai procédé et en tant que rapporteur du texte en septembre 2010, de vous ramener aujourd'hui ce sujet, à la virgule près, dans la version votée par la commission des finances et par la commission des lois. Nous devons à nos concitoyens de délibérer sur ce sujet. (Applaudissements sur divers bancs.)
En conséquence, l'article 24 quater est supprimé et l'amendement n° 34 tombe.
Je suis saisie par le Gouvernement d'un amendement, n° 106 , tendant à supprimer l'article 24 quinquies.
La parole est à M. le garde des sceaux.
Il a été défendu.
Cet amendement n'a pas été examiné par la commission mais, à titre personnel, j'émets un avis favorable.
Il me semble que toutes ces dispositions n'ont plus d'objet du fait de la suppression de l'article 24 quater, mais je continuerai à voter pour le texte issu des amendements de la commission des lois, texte appuyé par la commission des finances, qui était tout à fait d'accord.
(L'amendement n° 106 est adopté.)
Je vais répondre positivement à votre attente, madame la présidente, ce qui nous devrait nous permettre de gagner au moins vingt-cinq minutes…
Je vais donc faire une présentation synthétique de ces amendements qui sont relatifs au statut des magistrats financiers – d'autres, du même type, seront examinés ultérieurement. Ces amendements, que l'on peut regrouper en trois catégories, reprennent in extenso certaines dispositions du projet de loi voté en septembre dernier dans le texte de la commission des lois complété par celui de la commission des finances dont j'étais, Jean-Luc Warsmann l'a rappelé, le rapporteur pour avis.
La première catégorie regroupe les amendements ayant pour but de permettre à la Cour des comptes d'adapter son recrutement. L'amendement n° 62 élargit ainsi, au-delà de la fonction publique, le vivier de recrutement des conseillers maîtres en service extraordinaire et des conseillers référendaires en service extraordinaire ; dans un souci de professionnalisation de ces personnels, l'amendement n° 61 prévoit leur nomination sur proposition du premier président, qui pourrait en outre demander à l'autorité de nomination qu'il soit mis fin à leurs fonctions dans l'intérêt du service ; dans le même esprit, l'amendement n° 63 précise les conditions dans lesquelles des agents publics peuvent être détachés ou mis à disposition des juridictions financières pour y exercer la plénitude des attributions des magistrats. Suivant la logique ainsi esquissée, d'autres amendements prévoient de diversifier et de professionnaliser le recrutement dans les grades classiques des magistrats de la Cour en limitant, le cas échéant, le recours au tour extérieur : les auditeurs aux amendements n °s 43 et 44 , les conseillers référendaires à l'amendement n° 65 et les conseillers maîtres à l'amendement n° 45 .
La deuxième catégorie a pour but de renforcer la cohérence et l'unité des travaux des juridictions financières. Le projet de loi initialement déposé à l'initiative de Philippe Séguin prévoyait la fusion de la Cour et des chambres régionales des comptes. Parce qu'elle a rencontré des oppositions fortes, cette voie a été abandonnée au profit d'une méthode plus souple, consistant notamment à favoriser la coopération entre juridictions.
À cette fin, l'amendement n° 64 prévoit la participation, sur la base du volontariat, des magistrats de chambres régionales des comptes aux travaux de la Cour. Dans le même souci de renforcement de la cohérence des travaux des juridictions financières, l'amendement n° 42 , particulièrement important, permet au Premier président d'établir des normes professionnelles communes à l'ensemble des magistrats.
La troisième et dernière catégorie regroupe des mesures de conséquence et de coordination. Au-delà des pures mesures de coordination rédactionnelle – amendements nos 60 et 46 –, d'autres amendements tirent les conséquences des différentes modifications proposées s'agissant, d'une part, de la composition du Conseil supérieur de la Cour des comptes – amendement no 41 –, et, d'autre part, de l'application des procédures disciplinaires – amendements nos 47 et 48 .
Je suis conscient, monsieur le garde des sceaux, que ce texte n'est pas forcément idéal pour les mesures statutaires, mais la mesure normative me paraît pouvoir y trouver sa place. Si d'autres voies devaient être envisagées pour l'adoption de tout ou partie de ces amendements, il faudrait que vous puissiez nous indiquer lesquelles. À cette occasion, peut-être pourriez-vous nous dire dans le cadre de quel projet nous pourrions examiner les dispositions antérieures sur la responsabilité et dans quels délais.
Je vous remercie, cher collègue, pour cette présentation très synthétique.
Quel est l'avis de la commission sur cette série d'amendements ?
M. Bouvard a essayé de présenter l'ensemble des amendements à caractère statutaire qu'il soutenait.
Tout à fait.
Comme je l'ai expliqué déjà à plusieurs reprises, le Gouvernement, après avoir pris la mesure des choses et vu que l'on ne pourrait pas discuter globalement du texte, accepte l'idée que l'on puisse introduire par paquets dans des projets existants des mesures relatives aux juridictions financières.
Cela a débuté dans la loi de finances rectificative où un article 29 a fait l'objet d'un amendement du Gouvernement un peu tard ou un peu tôt, vers six heures du matin.
Vous êtes précis comme la SNCF, monsieur Dosière. C'est bien la preuve de la bonne volonté du Gouvernement : nous ne reculons pas devant l'heure, qu'elle soit tardive ou au contraire très matinale !
Nous procéderons de la même façon pour les dispositions statutaires. Des discussions sont en cours, M. Bouvard le sait parfaitement. Il y aura probablement un texte sur la fonction publique qui pourrait servir de véhicule législatif à vos amendements statutaires que je lui demande donc de retirer.
En revanche, le Gouvernement est favorable à l'amendement n° 42 .
Chacun sait que dans les juridictions financières, il y a d'un côté la Cour des comptes, et de l'autre les chambres régionales ou territoriales des comptes.
La plupart des amendements que notre groupe a déposés et qui vont tomber compte tenu du vote de tout à l'heure concernaient les chambres régionales des comptes. Constatant que tous les amendements de M. Bouvard on trait à la Cour des comptes, je comprends mieux pourquoi il siège à la commission des finances et pourquoi je ne suis qu'à la commission des lois. (Sourires.)
Je ne sais comment il faut interpréter les derniers propos de notre collègue René Dosière, mais ce n'est pas là-dessus que je vais intervenir…
Non, ce n'est pas sur la lutte des classes dont vous êtes l'un des acteurs inconscients, monsieur de Courson – c'est un autre débat –, mais à propos de l'intervention du Gouvernement.
Monsieur le garde des sceaux, vos propos sont très intéressants : nous allons légiférer par petits bouts. Cela me fait penser à la bouteille d'huile de foie de morue de nos grands-mères qui était dans le bas du placard…
…et que l'on nous administrait, tellement la potion était mauvaise, à la petite cuillère.
Surtout avec un morceau de sucre ou un bonbon !
C'est pareil avec vous : vous faites en sorte que nous n'ayons pas de lisibilité de l'ensemble de ces textes, en nous les faisant avaler petit bout par petit bout.
C'est assez symbolique d'une ambiance de fin de règne, la fin de l'ère sarkozyenne bien illustrée par M. Warsmann qui, à défaut d'avoir des arguments convaincants, en venait à citer les saints textes de son idole, le Président de la République. Rappelons qu'en s'exprimant comme il l'a fait, le Président de la République se mêle de ce qui ne le regarde pas…
…puisque, constitutionnellement, il n'a pas compétence pour s'exprimer sur ces sujets.
Vous êtes donc en quelque sorte, monsieur le garde des sceaux, le marqueur historique de la déliquescence du régime.
En réponse au ministre, je retire les amendements à vocation statutaire, c'est-à-dire tous, excepté bien entendu de l'amendement n° 42 qui est à vocation normative. Je retiens l'engagement du ministre à les traiter dans le cadre du texte sur la fonction publique, à l'automne.
Peut-être pourra-t-il nous répondre tout à l'heure sur le moment où seront traités les problèmes de responsabilité. Je me réjouis que puisse être retenu l'amendement normatif qui est très important par rapport à la nécessaire cohérence et qualité de travail de la Cour et des chambres régionales des comptes, cher collègue Dosière.
(Les amendements nos 60 , 62 , 61 , 63 , 64 , 41 , 43 , 44 , 45 , 65 , 46 , 47 , 48 sont retirés.)
J'ai bien noté, monsieur Bouvard, que votre amendement n° 42 concerne la Cour et les chambres régionales. J'ai également remarqué que le vocabulaire y est pour le moins militaire : « Les membres de la Cour des comptes sont tenus de se conformer, dans l'exercice de leurs attributions… Les membres des chambres régionales des comptes sont tenus de se conformer… » On parlait tout à l'heure de justice militaire ; là, on est dans la justice financière !
Je suis saisie d'un amendement n° 107 .
La parole est à M. le garde des sceaux.
Amendement de suppression, par cohérence avec mes interventions précédentes.
Non examiné par la commission des lois ; à titre personnel, avis favorable.
(L'amendement n° 107 est adopté.)
En conséquence, l'amendement n° 69 tombe, et l'article 24 sexies est supprimé.
J'interviens durant les deux minutes réglementaires parce que cet article, au fond, est au coeur du sujet : le Gouvernement refuse aujourd'hui ce qu'il proposait hier.
Cet article 24 septies est la reprise de l'article 3 du projet initial du Gouvernement dans lequel les exécutifs locaux devenaient justiciables de la Cour des comptes et des chambres régionales. L'article 3, adopté par la commission des lois et par la commission des finances, avait simplement ajouté les membres du Gouvernement, que celui-ci avait oubliés. Cet article 24 septies est la reprise exacte, textuelle, au mot près, du texte adopté par la commission des finances et par la commission des lois.
Pourquoi est-il important de mettre en cause les membres du Gouvernement, à l'instar de tous les autres gestionnaires ? Tout à l'heure, on nous a fait pleurer sur les maires des petites communes, arguant qu'ils pouvaient être justiciables à la première petite infraction. Précisons qu'un article du projet prévoit qu'environ 90 % des communes sont exonérées du contrôle des chambres régionales et font l'objet d'un apurement administratif ; cela devrait les rassurer…
Mais pourquoi un ministre ne devrait-il pas être responsable ? J'aimerais vous rappeler, chers collègues, ce qui s'est passé lors du sommet de l'Union pour la Méditerranée, le 13 juillet 2008 : le ministre des affaires étrangères a dépensé 16 millions d'euros dans des conditions absolument invraisemblables. Si je les avais sous les yeux, je pourrais citer toutes les remarques de Philippe Séguin, le Premier président de la Cour des comptes de l'époque. On a fait n'importe quoi ! On a dépensé dix millions d'euros pour aménager le Grand Palais, y installer des douches et des salles de réunion qui ont servi deux heures. On a loué le Petit Palais et on y a organisé un repas pour 200 personnes qui a coûté 7 000 euros, je dis bien 7 000 euros, par personne.
C'est bien pour cela que les maires des petites communes n'ont pas de leçons à recevoir de l'État !
Le plus grave est que tout cela a été fait sans aucun appel d'offre. On a demandé au comptable de payer alors que tout avait été construit et même déjà démoli puisque cela n'a pas duré longtemps. Eh bien, le ministre n'est pas responsable. Pensez-vous que ce type de comportement doive rester impuni quand, comme vient de le souligner notre collègue, on pourrait aller chercher des noises au maire d'une petite commune ?
Dernière observation à propos d'une chose que je ne comprends pas, monsieur le garde des sceaux. Dans le texte déposé par le Gouvernement, les ministres n'étaient pas concernés ; en revanche, les membres de leur cabinet l'étaient. Expliquez-moi pourquoi, dans votre projet, le membre d'un cabinet ministériel pouvait être justiciable de la Cour des comptes alors que le ministre, son patron, celui qui l'engage, ne l'était pas ? Voilà encore une incohérence.
L'opinion doit savoir que c'est là que se situe le point dur de cette réforme.
Là encore j'attends avec impatience de connaître la position sur le fond du Gouvernement. Car son texte, notre collègue Charles de la Verpillière l'a rappelé, est exactement celui que nous votons à une exception près : les membres du Gouvernement.
Pourquoi la commission des lois et la commission des finances ont-elles voté en faveur de l'extension aux membres du Gouvernement ? Pour deux raisons évidentes. Premièrement, si vous ne l'incluez pas, personne dans les cabinets ministériels ne voudra plus signer quoi que ce soit ; on demandera à M. le ministre de bien vouloir le faire et tout le monde sera tranquille, y compris le ministre qui n'aura pas vu une bourde énorme !
Deuxièmement, comment pouvez-vous expliquer au peuple français que les exécutifs locaux peuvent être mis en cause quand ils commettent une irrégularité, mais pas les exécutifs nationaux ? Quelle est la logique ? Il n'y en a pas. Ils sont représentants du peuple et l'exécutif local, qui plus est, est élu.
Veut-on une démocratie ouverte dans laquelle la contrepartie de la responsabilité et de la confiance de nos concitoyens, c'est la sanction en cas de bêtise grave ? À voir les motifs d'inculpation, il s'agit vraiment de faits graves. Le Gouvernement avait donc raison, sauf sur un point : les membres du Gouvernement n'étaient pas concernés.
Monsieur le ministre, quelle est la position du Gouvernement sur le fond ? Restez-vous toujours favorable à la mise en cause de la responsabilité des gestionnaires publics, y compris des exécutifs locaux, mais pas des membres du Gouvernement ? Ou êtes-vous pour « la totale », autrement dit vous ralliez-vous à la position des deux commissions ?
Monsieur le garde des sceaux, j'imagine que vous allez répondre aux orateurs en défendant votre amendement de suppression n° 108.
Cet amendement n° 108 s'inscrit dans le droit fil du raisonnement que j'ai développé pour défendre les autres amendements de suppression. Il est défendu.
En conséquence, l'article 24 septies est supprimé et les amendements nos 70 rectifié et 71 tombent.
La parole est à M. le garde des sceaux, pour soutenir l'amendement de suppression n° 109.
Le même raisonnement s'applique ; il est défendu.
(L'amendement n° 109 est adopté.)
La parole est à M. le garde des sceaux, pour soutenir l'amendement n° 110 , qui tend à supprimer l'article 24 nonies.
Il est défendu.
(L'amendement n° 110 est adopté.)
L'article 24 decies concerne la répartition des compétences entre les chambres régionales des comptes et la direction générale des finances publiques, pour ce qui touche à l'apurement administratif.
Mon amendement n° 85 tend à rétablir le texte initial du Gouvernement. Le texte de la commission réduisait considérablement le champ des organismes soumis à la compétence des chambres régionales et élargissait d'autant celle de la direction générale des finances publiques et le champ de l'apurement administratif. Il y avait une certaine cohérence à cela. Mais dès lors que l'on a supprimé une bonne part de ce qui relevait du contrôle juridictionnel, je vous propose de ne pas en rester à un seuil aussi bas, autrement dit de ne pas enlever aux chambres régionales des comptes la possibilité de contrôler les comptes des collectivités – il y a tout de même une certaine cohérence entre l'examen de ces comptes et les études que peuvent par ailleurs réaliser les chambres régionales.
Remarquons par ailleurs que, de manière subreptice, le seuil de compétence des chambres régionales a été plus encore réduit. Jusqu'alors, seuls les comptes des collectivités répondant à un critère démographique et un critère budgétaire faisaient l'objet d'un apurement administratif. En remplaçant le « et » par un « ou », le Gouvernement a considérablement réduit les compétences des chambres régionales des comptes. Il n'est pas souhaitable d'y porter ainsi atteinte, sous peine d'affaiblir leur capacité d'analyser et d'assurer la sécurité des comptes des collectivités locales. Rappelons qu'ils représentent un montant global de 210 milliards d'euros, ce qui n'est tout de même pas mince !
(L'amendement n° 85 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
La parole est à M. le garde des sceaux, pour soutenir l'amendement n° 121 .
Le Gouvernement souhaite aménager, si je puis dire, l'apurement des comptes des collectivités locales.
L'amendement n° 121 dispose que le changement de régime d'apurement des comptes entrera en vigueur à compter des comptes de l'exercice 2013 pour les établissements locaux d'enseignement dont le montant des ressources de fonctionnement figurant au dernier compte financier est inférieur à 3 millions d'euros.
Je veux juste, pour la clarté des débats, préciser qu'il ne s'agit pas d'attenter aux pouvoirs des chambres régionales des comptes.
Pas du tout !
Bien sûr !
Nous confions l'apurement administratif qui est fait aujourd'hui à l'ex-trésorier payeur général lorsqu'il s'agit des comptes des communes de moins de 3 500 puis de moins de 5 000 habitants et pour les établissements publics de moins de 5 000 puis de moins de 10 000 habitants. Cela veut dire que les ex-TPG, les administrateurs généraux des finances publiques dans les départements, pourront faire l'apurement administratif : on ne sera plus obligé de transporter des tonnes de liasses et de cartons à la chambre régionale des comptes pour le faire. C'est donc une belle mesure de simplification.
Tout à fait !
En revanche, cela ne change rien aux pouvoirs de contrôle de la chambre régionale des comptes.
D'ailleurs, aujourd'hui, beaucoup de documents sont dématérialisés et, lorsque la chambre régionale des comptes exigera tel ou tel document, elle les obtiendra, sous forme dématérialisée.
Ce que propose le garde des sceaux va dans le même sens que les travaux de la commission, et tout cela doit permettre un fonctionnement plus harmonieux à l'heure de la dématérialisation.
(L'amendement n° 121 , accepté par la commission, est adopté.)
(L'article 24 decies, amendé, est adopté.)
La parole est à M. le garde des sceaux, pour soutenir l'amendement n° 111 , qui tend à supprimer l'article 24 quindecies.
Cet amendement est dans la logique des précédents ; je veux simplement signaler que ces dispositions ont déjà été adoptées dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2010 et que le décret d'application prévu au dernier alinéa de l'article 24 quindecies a récemment été pris par le Gouvernement.
L'amendement n'a pas été examiné par la commission mais, à titre personnel, j'y suis favorable.
(L'amendement n° 111 est adopté.)
Sur l'article 24 sexdecies, je suis saisie d'un amendement n° 104 .
La parole est à M. Michel Bouvard.
L'amendement n° 104 tire les conséquences de l'adoption par la commission mixte paritaire, dans le cadre du collectif budgétaire examiné il y a quelques jours, de dispositions supprimant la saisine individuelle par tout parlementaire de la Cour des comptes sur les suites données à son rapport public. La CMP s'est prononcée unanimement pour la suppression de cette disposition, non par manque d'intérêt mais par souci d'éviter tout risque soit de saturation soit d'instrumentalisation de la Cour.
Ce sujet exige à mes yeux d'être appréhendé de manière globale. Nous avions, dans le cadre de la réforme de la LOLF, ouvert au Parlement la possibilité d'avoir un débat sur les rapports annuels de la Cour des comptes. Il faut aller jusqu'au bout de l'utilisation de cette disposition, qui permet au Parlement d'exercer collectivement son droit de suite sans présenter les risques que je viens d'évoquer. C'est, je le répète, une question de cohérence avec ce qui a été adopté en CMP et qui sera soumis demain à notre vote.
Il a effectivement été jugé bon de ne pas retenir cette disposition dans le cadre de la loi de finances rectificative, dans la mesure où elle n'avait qu'un lien lointain avec celle-ci. Cela dit, je veux appeler l'attention de tout un chacun sur ce sujet, important pour chaque député, pour chaque sénateur ; il ne s'agit plus de la question de la responsabilité, cette page a été tournée, mais chacun voit bien aujourd'hui que nous ne parvenons pas à exploiter suffisamment tous les rapports de contrôle de la Cour des comptes, pourtant d'excellente qualité. Nous avons le plus grand mal à connaître les suites données à ses recommandations. Depuis des années, on a tenté de mettre en place des mécanismes – présentation du rapport ou l'analyse systématique dans les rapports, des recommandations passées – mais tout cela reste très général, sans jamais déboucher sur quelque chose de satisfaisant.
Or l'une des dispositions que vise à supprimer l'amendement n° 104 donne à chaque député et à chaque sénateur le pouvoir de saisir la Cour des comptes pour demander les suites données à une recommandation parue dans un rapport public depuis plus d'un an, dans la limite de deux demandes par an – le but est d'éviter, comme pour les questions écrites, de devoir répondre à des centaines de demandes.
Quel est l'intérêt d'une telle disposition ? Chaque député qui, travaillant sur un sujet déterminé, constate qu'une recommandation formulée par la Cour des comptes dans un rapport public il y a plus d'un an n'est pas suivie d'effet, pourra interroger la Cour et demander qu'on analyse les suites données à la recommandation. Cela me paraît un outil utile pour le travail parlementaire.
Cette solution mérite donc d'être retenue, c'est pourquoi, à mon grand regret, j'émets un avis défavorable à l'amendement de Michel Bouvard.
Cet amendement a pour objet de mettre en conformité les dispositions de l'article 24 sexdecies avec les conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de finances rectificative pour 2011.
C'est en tout cas ce que j'ai compris.
L'Assemblée nationale avait adopté la disposition reprise à l'alinéa 15 de l'article 24 sexdecies permettant à tout parlementaire, comme vient de le rappeler le président de la commission des lois, de saisir la Cour des comptes d'une demande d'analyse des suites des recommandations du rapport public annuel. Issue de l'article 8 quater du projet de loi portant réforme des juridictions financières tel qu'adopté en septembre dernier par la commission des lois, cette disposition a été supprimée du PLFR par le Sénat. Cette suppression a été confirmée par la CMP ce matin. On ne peut donc pas accuser le Gouvernement, qui n'est pas représenté en CMP.
La commission est libre de décider et il est inutile de nous rappeler ce que le Gouvernement a dit ou fait : c'est la CMP qui a jugé. C'est la raison pour laquelle, si je comprends bien, M. Bouvard veut mettre ce texte en accord avec les conclusions de la CMP qui seront adoptées demain.
Il nous paraît donc difficile de voter une disposition ce soir, et une disposition contraire demain matin. (Exclamations sur divers bancs.) J'émets donc un avis favorable à l'amendement de M. Bouvard.
J'ai sous les yeux – je ne sais pourquoi je l'ai apporté en séance – le texte de la commission mixte paritaire sur la loi de finances rectificative.
Je veux d'abord relever un problème de principe. On nous dit qu'un texte va être voté demain, qui comporte telle disposition. Certes, mais pour l'heure, c'est un autre texte que nous examinons et, en tout état de cause, nous avons priorité.
Cela dit, l'amendement de M. Bouvard vise deux types de dispositions. La première se retrouve dans le texte de la CMP : c'est l'alinéa 14 de l'article 24 sexdecies du présent projet de loi, que notre collègue propose de supprimer : « Le rapport public annuel mentionné à l'article L. 136-1 comporte une présentation des suites données aux observations définitives des juridictions financières, établie sur la base de comptes rendus que les destinataires de ces observations ont l'obligation de fournir à la Cour des comptes. »
Mais l'amendement n° 104 vise également une deuxième disposition, et c'est contre cela que le président de la commission des lois s'est élevé. Cette disposition, dont je n'ai pas trouvé trace dans le texte de la commission paritaire, c'est celle qui permet à chacune et chacun d'entre nous d'interroger la Cour des comptes sur les suites qui ont été données à son rapport.
Nous avons vu à quel point M. Bouvard était un défenseur expérimenté et acharné de la Cour des comptes. Pour ma part, je n'ai pas donné le sentiment d'y être hostile : je rappelle régulièrement que je collectionne ses rapports publics depuis 1965 et que j'ai permis à la Cour des comptes de contrôler le budget de la Présidence de la République. En tout cas, j'en ai donné l'idée au Président de la République. Je n'ai donc rien contre la Cour des comptes.
Mais dès lors qu'il s'agit des pouvoirs du Parlement et que l'on donne aux parlementaires la possibilité d'interroger, dans des conditions très précises, la Cour des comptes pour avoir des explications complémentaires, cela conforte notre pouvoir de contrôle. Je n'ai donc aucune hésitation : je suis parlementaire, je choisis le texte présenté par le président de la commission des lois.
Cette disposition, qui permet de saisir la Cour des comptes pour demander les suites d'une recommandation, a été proposée dans la loi de finances, mais non retenue. Par conséquent, il n'y a rien dans la loi de finances, car cette disposition n'est pas considérée comme s'y rattachant. C'est pourquoi nous vous proposons de la voter ce soir. Il n'y a pas de contradiction avec la loi de finances puisque, je le répète, il n'y a rien là-dessus dedans !
Nous proposons de voter cette disposition parce que nous y voyons un progrès. Nombre d'entre nous ont déjà pris position, posé des questions écrites à la demande d'organisations, leur objectif étant d'améliorer le contrôle des dépenses publiques et de donner plus de poids aux rapports de la Cour des comptes. En rejetant cet amendement et en votant cette disposition, nous nous donnerons les moyens de donner davantage de suites aux rapports de la Cour des comptes.
J'ai beaucoup d'amitié pour Michel Bouvard, qui a toujours tenté d'améliorer le contrôle…
…mais, dans le cas présent, je ne suis pas d'accord avec lui.
Comme l'a rappelé René Dosière, il y a le rapport sur les suites. Pourquoi le supprimer ? C'est une mine d'enseignements ! Il faut donc maintenir l'alinéa 14 : « Le rapport public annuel mentionné au deuxième alinéa comporte une présentation des suites données aux observations définitives des juridictions financières, établie sur la base de compte rendu que les destinataires de ces observations ont l'obligation de fournir à la Cour des comptes. » N'allons pas supprimer cela !
Deuxième débat : faut-il donner un nouveau droit aux parlementaires, un droit individuel, à chaque député et à chaque sénateur, de saisir le premier président d'une demande d'analyse des suites données à une recommandation figurant dans un rapport public paru depuis plus d'un an, dans la limite de deux demandes par an ? Franchement, quand on sait les défaillances – pour ne pas dire autre chose ! – que peut connaître le contrôle du Parlement sur l'exécutif, à combien peut-t-on estimer le nombre de parlementaires qui se saisiront de cette possibilité, limitée à deux demandes par an ? Franchement, si nous sommes quatre ou cinq, ce ne sera déjà pas mal ! Il ne faut pas supprimer une telle disposition.
Conclusion pratique : sur le premier comme sur le second volet, c'est incontestablement une avancée. Premièrement, on revient sur la suppression d'une disposition existante, en l'occurrence le rapport sur les suites ; deuxièmement, on introduit une innovation qui, selon moi, va dans le sens d'une plus grande responsabilité donnée aux parlementaires. Il faut donc en rester là, et voter contre l'amendement n° 104 .
L'observation de Charles de Courson sur l'alinéa 14 est fondée, car il s'agit d'informations que nous avons déjà et il ne faudrait pas les perdre.
Mais pour ce qui est des suites données aux rapports de la Cour, je persiste à penser qu'à ce jour, nous ne sommes pas démunis. Nos rapporteurs spéciaux et des rapporteurs pour avis ont l'habitude de travailler avec la Cour. Nous avons la mission d'évaluation et de contrôle, ainsi que le comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques. En outre, lorsqu'un sujet n'a pas suffisamment avancé, nous pouvons y revenir par le biais de l'article 58-2° de la LOLF. Nous ne manquons pas d'outils. Pour autant, faut-il rentrer dans une procédure formaliste qui ne donnera lieu qu'à quatre ou cinq interrogations et qui n'apportera rien par rapport à aux dispositions actuelles,…
…ou qui sera dévoyée et provoquera un afflux de demandes ? Nous avons beau nous récrier collectivement, nous savons tous très bien ce qu'il en est : il en va de même avec les amendements d'obstruction et autres. Nous devons avoir conscience des risques de dérive qui existent à ce niveau. Je maintiens que, sur les suites données aux rapports de la Cour, nous disposons d'une batterie d'outils adaptée ; il nous suffit de l'utiliser.
(L'amendement n° 104 n'est pas adopté.)
Je ne comprends toujours pas pourquoi le texte de la commission propose de supprimer, à l'article L. 135-3 du code des juridictions financières, la disposition selon laquelle la Cour des comptes peut se prononcer sur la régularité et la sincérité des comptes des entreprises publiques.
En proposant de supprimer l'alinéa 17 de l'article 24 sexdecies, notre amendement n° 87 vise à maintenir cette disposition.
Sur l'article 24 octodecies, je suis saisie de deux amendements de suppression, nos 112 et 88.
La parole est à M. le garde des sceaux, pour soutenir l'amendement n° 112 .
L'article 24 octodecies est directement lié au régime de responsabilité. Par cohérence, le Gouvernement demande la suppression de cet article.
La commission n'a pas examiné ces amendements. Toutefois, à titre personnel, j'y suis favorable.
En conséquence, l'article 24 octodecies est supprimé et l'amendement n° 86 rectifié tombe.
Tout au long de ce débat, nous avons parlé de principes. Nous avons d'ailleurs découvert que le principe de la responsabilité des ministres était une grande novation, un principe révolutionnaire. La Diète de la Prusse l'a appliqué depuis le milieu du XIXe siècle, et elle a mis en débet M. de Bismarck jusqu'à ce qu'elle lève son débet par un quitus après la bataille de Sadowa. Dire aujourd'hui que c'est une nouveauté me paraît tout de même singulier !
L'article 24 novodecies nouveau– à elle seule, cette numérotation est remarquable ! – confie au Gouvernement par décret en Conseil d'État le soin de fixer le siège et le ressort des chambres régionales des comptes.
L'argument de Charles de Courson en réponse à M. de Rocca-Serra était tout à fait valable tout à l'heure, mais il ne va plus l'être. Car si vous adoptez cet article, cela ne relèvera plus du domaine législatif.
Venons-en à la chambre régionale de Corse. Du fait de notre statut particulier, la Corse a des besoins spécifiques en la matière. Les contrôles doivent être plus fréquents, plus approfondis et plus spécialisés. La compétence exercée par la collectivité territoriale de Corse n'existe nulle part ailleurs. Il y a malheureusement d'autres choses qui n'existent nulle part ailleurs à propos de la Corse…
De ce fait, les autres chambres régionales des comptes n'ont pas l'habitude et ne connaissent pas ces compétences, ce qui rend les comparaisons difficiles. Ainsi en est-il de la compétence exercée par la collectivité territoriale de Corse à propos des transports, qui s'assortit d'une enveloppe financière de plusieurs centaines de millions d'euros. D'ailleurs, la chambre régionale a agi de manière très satisfaisante dans ce domaine puisque le dernier rapport de la Cour des comptes reprend des conclusions du rapport de la chambre régionale des comptes, ce qui n'est pas si commun.
La proximité n'a en rien altéré l'indépendance ni l'autorité de notre chambre régionale. Elle sait appuyer là où cela fait mal ; la proximité n'est pas nécessairement un vice. Au contraire, ce peut être une vertu.
Aujourd'hui, la collectivité territoriale de Corse s'attache à exercer pleinement ses compétences, notamment législatives et réglementaires. Vous aurez à connaître prochainement plusieurs projets de loi relatifs à la Corse qui s'inspirent ou s'inspireront des propositions de l'Assemblée de Corse. Vous en aurez un en octobre, qui concerne le plan d'aménagement et de développement durable, pour lequel le Gouvernement a suivi de très près, quasiment à la lettre, autant qu'il était possible, les revendications et les propositions de l'Assemblée de Corse.
Dans les mois et les années à venir, à l'évidence, les compétences de cette collectivité territoriale – autrement dit, en substance, notre autonomie normative et fiscale – seront élargies. Il serait aberrant, dans ce contexte, et parfaitement contraire à ce que le Gouvernement nous répète tous les jours, de revenir en arrière sur l'organisation de la juridiction financière locale.
Je n'en dirai pas plus et je souhaiterais que M. le ministre soit un peu plus précis. Tout à l'heure, il nous a dit qu'« il n'était pas question de », mais je n'ai pas bien compris la suite concernant la Corse…
L'article 24 novodecies propose de fixer par décret le nombre de chambres régionales, contrairement à ce qui se passe aujourd'hui où il est fixé par la loi.
Je vous ferai remarquer à ce propos, monsieur le garde des sceaux, que qui peut le plus peut le moins : la décision de 1982 du Conseil constitutionnel sur le blocage des prix précise que le législateur peut empiéter sur le domaine réglementaire. Par conséquent, nous pourrions fort bien laisser à la loi le soin de fixer le nombre de chambres régionales des comptes. Et comme vous n'avez pas accepté cette solution, nous avons déposé des amendements de suppression puis de repli pour tenter de limiter les dégâts.
Les choses ne sont pas claires. Tout à l'heure, monsieur le garde des sceaux, vous nous avez dit que le Gouvernement – en tout cas celui que vous représentez, car on ne sait ce qu'il en sera du suivant – s'engageait à ne pas supprimer la chambre régionale des comptes de Corse. Fort bien ; mais lorsque je vous ai demandé ce qu'il en serait pour la Picardie, vous ne m'avez pas répondu.
Exact.
Charles de Courson pourrait vous poser la même question à propos de Champagne-Ardenne, vous ne répondriez pas davantage.
Rien du tout !
Le texte proposé, qui reprend le projet du Gouvernement, prévoit qu'il n'y aura pas plus de vingt chambres régionales. Actuellement, il y en a vingt-six, en comptant les chambres régionales d'outre-mer. Autrement dit six chambres vont disparaître.
Je souhaite que le Gouvernement prenne réellement ses responsabilités et fixe dans la loi celles qui devront être regroupées en justifiant leur regroupement et que l'on échappe au pouvoir discrétionnaire d'un gouvernement. Car ce qu'un gouvernement fait aujourd'hui, un autre pourra le défaire. Ce n'est pas une position sécurisante pour les chambres régionales des comptes. Et nous pourrons rappeler à nos collègues de la majorité, qui vont probablement voter cet article, si leur chambre vient à disparaître, qu'ils auront consenti à cette disparition.
Je suis saisie d'un amendement n° 89 , qui vise à supprimer l'article 24 novodecies.
La parole est à M. René Dosière.
Défavorable.
(L'amendement n° 89 n'est pas adopté.)
L'amendement n° 90 propose de substituer au mot « excéder » les mots « être inférieur à ». Alors que le Gouvernement considère qu'il ne peut pas y avoir plus de vingt chambres régionales, nous proposons, pour notre part, qu'il ne puisse pas y en avoir moins de vingt.
Pour l'heure, les conséquences d'une telle modification sont alternatives. En revanche, il n'en ira pas ainsi demain, selon que l'on fixera un plancher ou un plafond. Je souhaite par conséquent, monsieur le garde des sceaux, que vous puissiez nous dire quelles chambres régionales seront supprimées. Nous constaterons alors que, dans un cas, comme dans l'autre, on arrive à vingt.
(L'amendement n° 90 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Cet amendement est défendu.
(L'amendement n° 91 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Cet amendement de précision prévoit la procédure à suivre dès lors qu'il aura été procédé au regroupement d'un certain nombre de chambres régionales.
(L'amendement n° 92 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
(L'article 24 novodecies est adopté.)
Je suis saisie de plusieurs amendements portant articles additionnels après l'article 24 novodecies.
La parole est à M. René Dosière, pour soutenir l'amendement n° 76 .
Nous tenons à préciser par cet amendement qu'à l'occasion d'une éventuelle réorganisation territoriale des chambres et considérant le statut d'inamovibilité des magistrats des chambres régionales, ceux-ci ne pourront être affectés dans une autre juridiction sans leur consentement. J'espère que l'assemblée comprendra l'intérêt de cet amendement.
(L'amendement n° 76 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Nous en venons à trois amendements, n°s 50 rectifié , 51 et 55 , de M. Michel Bouvard.
La parole est à M. Michel Bouvard.
Compte tenu de la jurisprudence établie lors de l'examen des précédents amendements à vocation statutaire, je vais retirer ces trois amendements.
Je tiens toutefois à préciser, monsieur le garde des sceaux, que la disposition selon laquelle au moins 50 % des présidences de CRC, sans toutefois que la proportion n'excède 75 %, doivent être réservés à des magistrats issus des CRC ne me paraît pas justifiée à terme. Mais nous en débattrons lors de l'examen du texte relatif à la fonction publique.
J'en profite également pour revenir sur le débat qui vient d'avoir lieu. Nous lisons aussi ce qui est publié dans la presse. La réfaction du nombre des CRC n'implique pas une diminution de leurs moyens. L'engagement du Gouvernement est très clair puisqu'il entend les conforter. Le vrai sujet, qui n'a pas été jusqu'à maintenant abordé, n'est pas celui de connaître les régions dans lesquelles il restera des CRC, mais de savoir si les CRC compteront suffisamment de magistrats pour exercer correctement des compétences de plus en plus larges dans des domaines de spécialisation de plus en plus variés. Le sujet de fond est bien là : ce n'est pas une affaire de cartographie par volonté de réduction administrative, mais bien un problème de qualité et de capacité de fonctionnement.
(Les amendements, n°s 50 rectifié , 51 et 55 sont retirés.)
Auriez-vous, madame la présidente, la bonté de m'accorder deux minutes de suspension de séance ?
Après l'article 24 novodecies
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue le mardi 5 juillet 2011 à zéro heure trente-cinq, est reprise à zéro heure quarante.
J'avais déposé un amendement n° 77 qui n'a plus de raison d'être.
Permettez-moi simplement de revenir quelques instants sur ce qu'a dit Michel Bouvard, avant cette brève suspension : l'essentiel est effectivement de donner les moyens aux chambres régionales de travailler. Il a notamment fait allusion aux concours de recrutement dont nous avons débattu lors de l'examen du projet de loi de finances rectificative. J'avais alors interrogé le ministre du budget sur le nombre de postes qu'il envisageait de mettre aux concours, sans jamais obtenir de réponse. Selon les informations dont je dispose, 130 à 140 magistrats doivent être recrutés. Le Gouvernement avait prévu que ces concours pourraient intervenir jusqu'en 2018, le Sénat a ramené cette date à 2012 et la commission mixte paritaire l'a fixée à 2016. Ces trois différentes échéances me paraissent limitées J'insiste donc sur le fait qu'il est effectivement essentiel que des concours puissent être organisés, afin que les chambres régionales, dont la démographie devient quelque peu vieillissante, puissent renouveler leurs membres sans se limiter à gens formés à l'ENA et à la pensée unique, mais en puisant également dans des publics qui ont une expérience des diverses collectivités et administrations.
Je suis saisie d'un amendement n° 113 du Gouvernement, tendant à supprimer l'article 24 vicies.
La parole est à M. le garde des sceaux.
L'article 24 vicies abroge le titre Ier du livre III du code des juridictions financières relatif à la Cour de discipline budgétaire et financière. Cette disposition est directement liée à la création d'un nouveau régime de responsabilité des gestionnaires, que l'on a examiné en début de séance. Dès lors que les autres dispositions relatives à la mise en oeuvre de la responsabilité des ordonnateurs devant la Cour des comptes n'ont pas été adoptées ce soir, il me semble peu pertinent de supprimer la Cour de discipline budgétaire et financière. Dans un souci de cohérence avec les précédents amendements de suppression proposés par le Gouvernement, je demande donc à l'Assemblée nationale de supprimer cet article.
Je suis saisie de plusieurs amendements portant articles additionnels après l'article 24 vicies.
La parole est à M. Michel Bouvard, pour soutenir l'amendement n° 56 .
Ces quatre amendements sont issus – cela ne vous étonnera pas – du projet de loi portant réforme des juridictions financières.
L'amendement n° 56 vise à éviter que ne se répètent des pratiques aussi fâcheuses que celles qui ont pu avoir cours à Pont-Saint-Esprit ou à Hénin-Beaumont. Actuellement, lorsqu'une collectivité territoriale a méconnu les règles budgétaires et que son budget est réglé par le préfet après intervention de la CRC, rien n'interdit à l'organe délibérant de prendre une décision modificative contraire aux équilibres arrêtés par le préfet. L'amendement prévoit donc que l'organe délibérant ne puisse remettre en cause les équilibres budgétaires tels qu'ils ont été définis dans la décision du représentant de l'État. Tout le monde peut être d'accord sur ce point.
Quant aux amendements nos 57 , 58 et 59 , ils concernent chacun un niveau de collectivités territoriales. Il s'agit en effet de prévoir que les projets de budget des communes, à l'exclusion des plus petites, des départements et des régions soient accompagnés d'un rapport détaillé sur l'état de leur dette. L'Assemblée a décidé la création d'une commission d'enquête sur les produits dits structurés. Chacun comprendra bien l'intérêt que présente la possibilité pour les conseils municipaux d'avoir une connaissance précise de la dette, de débattre de sa gestion et de donner mandat aux exécutifs de façon suffisamment détaillée pour les opérations qu'ils sont autorisés à faire concernant des produits financiers sophistiqués qui complexifient considérablement la structure de la dette, au point que même les établissements prêteurs n'ont pas toujours une vision claire de la situation financière des collectivités territoriales.
Ces amendements ont un objet similaire, peut-être un peu éloigné du texte dont nous débattons,…
…mais j'ai compris que chacun fait preuve ce soir d'une grande largesse de vue afin d'étendre le spectre du projet de loi.
Encadrer le pouvoir de l'organe délibérant d'une collectivité territoriale dont le budget a été arrêté par le préfet et permettre une discussion sur la dette par le conseil municipal présente un indéniable intérêt. C'est pourquoi le Gouvernement, qui avait déposé sur chacun de ces amendements plusieurs sous-amendements, nos 118 , 119 et 120 , les retire et laisse, dans sa sagesse, prospérer l'initiative parlementaire.
Ces amendements ne sont pas inintéressants pour les collectivités concernées, mais je ne voudrais pas que l'on s'imagine que les collectivités locales sont très endettées : leur endettement par rapport au PIB n'a pas augmenté depuis environ une vingtaine d'années.
La dette de l'État en revanche augmente depuis quelques années, et singulièrement depuis 2007. Ainsi, à compter du 6 septembre, l'État vivra à crédit jusqu'à la fin de l'année – autrement dit durant cent quarante-six jours – et sera obligé d'emprunter un peu plus de 200 milliards pour payer ses personnels, rembourser ses intérêts et consolider ses dettes, ce que ne font pas les collectivités. Pour que l'on puisse se représenter cet emprunt, je précise qu'il équivaut à 27 millions d'euros par heure.
Il s'agit d'une remarque un peu annexe,…
Compte tenu de l'affaire d'Hénin-Beaumont, vous pouvez être fiers de vous !
Défendu !
(L'amendement n° 79 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Défendu !
(L'amendement n° 80 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Défendu !
(L'amendement n° 78 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Je suis saisie d'un amendement n° 31 , tendant à supprimer l'article 24 sexvicies.
La parole est à M. Jean-Michel Clément.
L'article 24 sexvicies vise à supprimer l'exposé oral du rapporteur public pendant les audiences. Or nous savons que celui-ci est le garant du droit et que son rôle consiste à rappeler au juge et aux parties la législation, la réglementation et la jurisprudence concernant le litige pendant. L'intérêt d'entendre l'exposé oral du rapporteur public est essentiel pour les parties qui ont fait le choix d'assister à l'audience et qui souhaitent être ainsi éclairées sur l'affaire qui les concerne. De surcroît, renvoyer à un décret la définition des matières dans lesquelles le rapporteur public sera dispensé de rapporter oralement son avis nous semble de nature à porter atteinte à la justice administrative et à lui donner une confidentialité dont elle n'est pas coutumière et qui, en tout état de cause, ne va pas dans le sens de l'amélioration des relations entre la justice et les citoyens. C'est pourquoi nous sommes toujours aussi déterminés à lutter contre ce dispositif, qui nous avait déjà été présenté dans d'autres circonstances.
(L'amendement n° 31 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
(L'article 24 sexies est adopté.)
Je suis saisie d'un amendement n° 32 , tendant à supprimer l'article 25 bis A.
La parole est à M. Jean-Michel Clément.
Nous sommes, là encore, face à un cavalier législatif qui méconnaît complètement l'article 45 de la Constitution. Notre amendement n° 32 a pour objet de supprimer un article opérant la transposition de la directive du 18 juin 2009 relative à la simplification des obligations comptables. Si le Gouvernement, plutôt que de légiférer sans compter, respectait les contraintes qui sont les siennes s'agissant des directives, nous n'en serions pas à légiférer à la va-vite. Cet article n'a manifestement pas sa place dans ce projet de loi.
Je suis, comme d'autres ici, député depuis un certain temps ; mais par quel mystère peut-on supprimer la transposition d'une directive ? Pouvez-vous éclairer ma lanterne en cette heure tardive, monsieur le garde des sceaux ?
M. Brard est un parlementaire avisé et malin : pour faire traîner la séance, il cherche à faire dire à cet article le contraire de ce qu'il dit !
(L'amendement n° 32 n'est pas adopté.)
(L'article 25 bis A est adopté.)
Sur l'article 25 quater A, je suis saisie d'un amendement n° 10 .
La parole est à M. le rapporteur
Coordination.
(L'amendement n° 10 , accepté par le Gouvernement, est adopté.)
(L'article 25 quater A, amendé, est adopté.)
Sur l'article 25 quater C, je suis saisie d'un amendement n° 24 .
La parole est à M. le rapporteur.
Rédactionnel.
(L'amendement n° 24 , accepté par le Gouvernement, est adopté.)
(L'article 25 quater C, amendé, est adopté.)
Sur l'article 25 quater D, je suis saisie d'un amendement n° 36 .
La parole est à M. le rapporteur.
Rédactionnel.
(L'amendement n° 36 , accepté par le Gouvernement, est adopté.)
(L'article 25 quater D, amendé, est adopté.)
Je suis saisie de deux amendements amendement portant articles additionnels après l'article 25 quater.
La parole est à M. Jean-Pierre Grand, pour soutenir l'amendement n° 52 .
Il s'agit de demander au Gouvernement de remettre au Parlement un rapport évaluant l'intérêt que les tribunaux correctionnels auraient à organiser des audiences spécifiques pour des dossiers d'homicides involontaires en matière de circulation routière.
Je comprends tout à fait la problématique soulevée par cet amendement, mais celle-ci est déjà prise en compte par les juridictions. En effet, dans la mesure du possible, les affaires d'homicide involontaire sont appelées en priorité dans le cadre des audiences correctionnelles et font l'objet d'une attention spécifique. C'est également le cas dans certaines régions importantes. C'est la raison pour laquelle je ne peux pas être favorable à cet amendement.
Je le regrette, monsieur le garde des sceaux. Les familles des victimes apprécieront la réponse du Gouvernement. Je maintiens mon amendement.
Monsieur le ministre, votre réponse est invraisemblable. Vous commencez par nous dire que vous comprenez la problématique, mais la chute est dure, puisque vous finissez par dire non. Pourtant, M. Grand, qui appartient à la majorité – certes, d'une façon originale – et connaît vos limites ne vous demande pas grand-chose : un simple rapport, et qui va dans le bon sens, qui plus est…
…au point que nous pourrions le voter.
(L'amendement n° 52 n'est pas adopté.)
La parole est à M. Jean-Pierre Grand, pour soutenir l'amendement n° 53 .
Je vais, là encore, demander quelque chose d'extraordinaire. Face aux drames que constituent les accidents de la route, il convient de veiller à l'amélioration des conditions d'accueil et d'accompagnement, à tous les stades de la procédure, des victimes d'accidents de la route dont les blessures sont souvent à l'origine de handicaps lourds et de traumatismes aux effets dévastateurs.
Pour sensibiliser les pouvoirs publics et l'opinion publique, je propose d'instaurer une journée nationale des victimes de la route, dont la date sera fixée par décret après consultation des associations concernées – naturellement, ce ne sera pas une journée fériée ni chômée.
L'institution d'une journée nationale des victimes d'accidents de la route est peut-être nécessaire pour sensibiliser fortement nos concitoyens aux dangers de la route. Pour autant, cet amendement ne saurait recevoir un avis favorable, puisqu'il n'a aucun lien, ni direct ni indirect, avec la répartition des contentieux et l'allégement des procédures juridictionnelles. La commission a donc émis un avis défavorable.
Cet amendement est très intéressant…
…mais il est déjà satisfait, dans la mesure où il existe déjà une journée nationale de la sécurité routière, fixée à la date du 13 octobre.
Je prends acte de la réponse du Gouvernement, mais je maintiens mon amendement, madame la présidente.
(L'amendement n° 53 n'est pas adopté.)
Je suis saisie d'un amendement n° 37 .
La parole est à M. le rapporteur.
Amendement rédactionnel.
(L'amendement n° 37 , accepté par le Gouvernement, est adopté.)
Je suis saisie d'un amendement n° 38 .
La parole est à M. le rapporteur.
Rédactionnel.
(L'amendement n° 38 , accepté par le Gouvernement, est adopté.)
(L'article 25 sexies, amendé, est adopté.)
Je suis saisie d'un amendement n° 33 .
La parole est à M. Jean-Michel Clément.
Nous avons évoqué tout à l'heure le transfert aux juridictions de droit commun des infractions commises par les militaires. Pour notre part, nous souhaitons que l'entrée en vigueur de cette disposition intervienne seulement le premier jour du treizième mois suivant celui de sa promulgation.
Il nous paraît en effet impossible que l'organisation matérielle du transfert des compétences et des dossiers puisse se faire en janvier 2012. De plus, en 2011, les juridictions ont dû, à moyens constants, appliquer le dernier volet de la réforme de la carte judiciaire ; appliquer sans délai la réforme de la garde à vue, dans les circonstances que l'on sait ; appliquer dès maintenant la réforme des soins sans consentement ; appliquer à titre expérimental, dans certaines cours, la réforme portant introduction des jurés populaires.
Ajoutons que les recrutements par voie de concours exceptionnels n'arriveront en juridiction qu'en septembre 2012 au mieux. Nous estimons impossible que les dispositions relatives aux infractions commises par les militaires entrent en vigueur dans le délai prévu, alors que les magistrats de droit commun sont, comme on le sait, submergés de dossiers, mais aussi de textes que nous avons trop abondamment votés. En résumé, cet amendement de bon sens vise à permettre de passer en douceur d'une situation à une autre.
Chacun aura compris que cet amendement vise à reporter l'entrée en vigueur du transfert de compétences aux juridictions de droit commun pour connaître des infractions commises par les militaires en temps de paix.
À l'issue des travaux du Sénat, le projet prévoit une entrée en vigueur au 1er janvier 2012. L'amendement vise à prévoir une entrée en vigueur après la promulgation de la loi, c'est-à-dire pas avant l'été 2012. Or, ceux qui sont concernés par le texte sont préparés à l'entrée en vigueur de ses dispositions : cela fait un an que le texte est préfiguré, et l'échéance du 1er janvier 2012 semble compatible avec les engagements pris par le ministère de la défense. D'ailleurs, même sans certitude absolue, la date arrêtée par le Sénat…
Vous m'avez reproché, lors de la présentation de la motion de rejet préalable, d'être trop secret. Je me souviens qu'un humoriste a dit : « Méfiez-vous de la parole des politiques : ils ont le propos abondant alors que le propos réfléchi se distille ».
Pour les raisons que je viens d'évoquer, la commission est défavorable à cet amendement.
Défavorable.
(L'amendement n° 33 n'est pas adopté.)
La parole est à M. le garde des sceaux, pour soutenir l'amendement n° 114 .
L'amendement n° 114 est un amendement de conséquence : il vise à supprimer les alinéas 13 et 14 de l'article 26, relatifs aux dispositions transitoires précisant les conditions du transfert à la Cour des comptes des affaires jusqu'alors jugées par la Cour de discipline budgétaire et financière.
À titre personnel, je suis favorable à cet amendement.
(L'amendement n° 114 est adopté.)
(L'article 26, amendé, est adopté.)
Au fur et à mesure de l'avancement du débat sur ce texte, nos réticences n'ont fait que se renforcer.
Nous avons dénoncé à plusieurs reprises la méthode choisie pour l'examen du projet de loi par le Parlement. Nos collègues sénateurs vont découvrir mercredi matin, en CMP, un texte profondément modifié, pour ne pas dire bouleversé. La déclaration d'urgence a sensiblement affecté le débat parlementaire et nous a amenés à mal légiférer. Cette première raison suffirait à ce que nous repoussions le texte ; elle n'est toutefois pas la seule.
Pour ce qui est du volet pénal, avec le recours massif aux ordonnances, nous avons mis en route un processus dont nous ne mesurons pas complètement l'aboutissement. Demain, d'autres mesures vont éloigner encore davantage le justiciable de sa justice et empêcher celui-ci de ressentir l'importance, l'exemplarité de certaines décisions.
Par ailleurs, nous n'avons toujours pas compris pourquoi la justice de proximité, essentielle à nos concitoyens, a été supprimée en l'état, alors qu'elle aurait pu être améliorée. Nous allons, sans nul doute, perturber le fonctionnement de notre justice avec l'arrivée, dans les tribunaux de grande instance, d'assesseurs dont la formation reste à définir.
En ce qui concerne enfin le volet relatif aux juridictions financières, je ferai deux remarques. Premièrement, il est aberrant qu'en quelques jours, le Gouvernement change d'avis de manière si radicale sur la responsabilité financière, alors même que nous avions arrêté depuis longtemps, en commission des lois comme en commission des finances, une position qui faisait consensus. Deuxièmement, la réduction drastique du nombre de chambres régionales ne manquera pas d'inquiéter ceux qui sont attachés à ce que les collectivités locales soient correctement appréciées dans leur fonctionnement quotidien. Nous venons d'ouvrir une voie dont nous ne connaissons pas vraiment l'issue, et je comprends que cette décision suscite de nombreuses inquiétudes sur tous les bancs.
Avec ce texte, nous sommes loin de la République irréprochable promise par le Président de la République. Le groupe SRC ne le votera donc pas.
Le projet de loi que nous venons de discuter permet de répondre de manière efficace et maîtrisée aux enjeux auxquels est actuellement confrontée notre organisation judiciaire. Il va dans le sens d'une justice plus simple, plus équitable et plus accessible. Il s'inscrit dans la continuité des différentes réformes entreprises par notre majorité depuis plusieurs années afin de rendre notre justice plus lisible et plus compréhensible par nos concitoyens.
Le groupe UMP votera donc ce texte.
Monsieur le garde des sceaux, vous êtes du pays de la cochonnaille, et force est de constater que vous faites une transposition législative de vos penchants gastronomiques en inventant la « loi salami » ! (Sourires.) On légifère petit bout par petit bout, quelques tranches aujourd'hui, quelques autres demain, tout cela pour empêcher la lisibilité et, finalement, permettre de mieux faire passer la pilule – on a tout de même vu certains de nos collègues UMP renâcler un peu.
Nous ne pouvons pas vous suivre sur un projet de loi manquant à ce point de lisibilité et de transparence alors qu'il est proposé au nom de la simplification. Ne parlez pas de justice plus simple, monsieur Verchère : en réalité, ce texte marqué par de nombreuses approximations n'aboutira qu'à une justice plus opaque.
Qui plus est, on retire des moyens à la justice. Vous nous avez assuré tout à l'heure, monsieur le garde des sceaux, que l'objectif était de réduire le nombre de chambres régionales des comptes sans réduire les moyens, ce qui paraît étrange : pourquoi diminuer le nombre de chambres si ce n'est pour rogner sur les moyens ? Ce faisant, vous vous éloignez du terrain – sauf pour la Corse, ou vous pratiquez une discrimination…
Si la discrimination est positive pour la Corse, elle ne l'est pas pour la Picardie, au sujet de laquelle M. le garde des sceaux a refusé de répondre !
Nous connaissons le Gouvernement dont vous êtes le porte-voix, monsieur le garde des sceaux, ou peut-être devrais-je dire plutôt le portefaix : on vous fait porter un lourd fardeau dont vous vous passeriez bien, mais que vous acceptez de mettre sur votre dos par esprit de discipline, par abnégation – à moins que ce ne soit par pénitence, à la manière d'un cilice… Nous voterons donc contre ce texte, pour toutes les raisons qui ont été exposées. Notre position est claire, et nous aimerions que ceux qui s'apprêtent à voter en faveur du projet de loi ne soient pas aussi elliptiques que M. Verchère, dont chacun aura compris qu'il ne sait pas pourquoi il va voter pour !
Le groupe Nouveau Centre votera pour ce texte. Toutefois, monsieur le garde des sceaux, je veux revenir un instant sur les juridictions financières. Peut-être avez-vous été pris au dépourvu en découvrant en commission les amendements de M. Warsmann, qui proposaient un retour au texte que nous avions voté précédemment. Quoi qu'il en soit, nous espérons que vous allez trouver prochainement, que ce soit dans le projet de loi relatif à la fonction publique ou ailleurs, l'occasion de reprendre les dispositions repoussées pour des raisons de forme. Nous demandons au Gouvernement de revenir à la position qui était initialement la sienne dans le texte de la proposition de loi relative aux juridictions financières, car il n'est pas bon qu'il change ainsi de position.
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.
(L'ensemble du projet de loi est adopté.)
Prochaine séance, mardi 5 juillet à quinze heures :
Questions au Gouvernement ;
Vote solennel sur la proposition de loi relative à l'organisation de la médecine du travail ;
Discussion sur le rapport de la commission mixte paritaire du projet de loi de finances rectificative pour 2011 ;
Proposition de loi, adoptée par le Sénat, relative à la régulation du système de distribution de la presse ;
Proposition de loi, adoptée par le Sénat, relative au patrimoine monumental de l'État.
La séance est levée.
(La séance est levée, le mardi 5 juillet 2011, à une heure quinze.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,
Claude Azéma