La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures dix.)
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi adopté par le Sénat sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et le jugement des mineurs (nos 3452 et 3532).
Le temps de parole restant pour la discussion de ce texte est de cinq heures quarante-sept minutes pour le groupe UMP, dont quarante-trois amendements restent en discussion ; sept heures dix-neuf minutes pour le groupe SRC, dont trente-quatre amendements restent en discussion ; trois heures trente-neuf minutes pour le groupe GDR, dont quarante-huit amendements restent en discussion ; trois heures quarante-trois minutes pour le groupe Nouveau Centre, dont six amendements restent en discussion. Les députés non inscrits disposent de trente-quatre minutes.
Ce matin, l'Assemblée nationale a poursuivi l'examen des articles du projet de loi, s'arrêtant à l'article 9 ter.
L'article 9 ter fait l'objet de plusieurs amendements.
La parole est à M. Marc Dolez, pour soutenir l'amendement n° 35 , tendant à la suppression de l'article.
Le présent article, issu d'un amendement du Gouvernement adopté par la commission des lois du Sénat, a pour objet d'assouplir les conditions dans lesquelles une mesure de placement sous surveillance électronique mobile peut être mise en oeuvre dans le cadre d'une libération conditionnelle pour des personnes condamnées à une peine d'au moins sept ans d'emprisonnement.
Comme l'indique le rapport, la combinaison des dispositions des articles 9 bis et 9 ter fera disparaître l'exigence d'une évaluation de dangerosité préalable pour les personnes condamnées à une peine comprise entre sept et neuf ans placées sous PSEM dans le cadre d'une libération conditionnelle.
Nous demandons la suppression de cet article qui banalise l'utilisation de ce procédé. L'extension du recours à une telle mesure ne nous semble pas opportune, étant donné qu'aucune étude statistique rigoureuse n'a encore été effectuée pour mesurer son efficacité. De plus, il s'agit bien souvent d'une contrainte psychologiquement difficile à supporter.
Nous considérons qu'il vaudrait mieux renforcer au contraire les mesures d'accompagnement socio-éducatif existantes, seules de nature à permettre l'accompagnement des personnes condamnées dans une démarche effective de réinsertion.
La parole est à M. Sébastien Huygue, pour donner l'avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.
La commission est défavorable à cet amendement. Il s'agit justement, ici, de faciliter l'aménagement de la peine. Je ne comprends donc pas trop la motivation de cet amendement visant à supprimer l'article.
La parole est à M. Michel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, pour donner l'avis du Gouvernement.
Même avis.
(L'amendement n° 35 n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 101 .
La parole est à Mme George Pau-Langevin.
La tentation d'utiliser de plus en plus fréquemment le placement sous surveillance électronique mobile se fait toujours plus forte. Nous n'avons rien contre ce procédé, mais il faut se demander si ce qui est proposé est réaliste. Par ailleurs, nous ne connaissons ni les conséquences de la mesure, ni la manière dont les choses se passent réellement.
C'est la raison pour laquelle, avant d'élargir encore le recours à cette méthode, dont nous ne contestons pas qu'elle peut avoir, par moments, un intérêt pour éviter une incarcération, nous souhaitons qu'un bilan soit fait. L'année dernière, on nous avait promis un nombre incalculable de bracelets électroniques. Je voudrais bien savoir où nous en sommes réellement aujourd'hui. Combien ont été véritablement posés ? Comment les personnes astreintes à ce genre de contrôle le vivent-elles ?
La commission des lois essaye de limiter le nombre de rapports demandés au Gouvernement. Elle est donc allée dans le même sens en repoussant cet amendement.
Le Gouvernement partage le souci de la commission ! (Sourires.) Avis défavorable.
C'est bien compréhensible, puisque c'est sur le Gouvernement que repose la charge des rapports !
La parole est à M. Dominique Raimbourg.
Il ne s'agirait pas d'un long rapport. La question est seulement de savoir combien il y a de bracelets électroniques. La dernière fois que j'ai eu une statistique à ce sujet, c'était au moment de la loi pénitentiaire, c'est-à-dire, de mémoire, en novembre 2009. La personne responsable de cette question au ministère m'avait alors indiqué qu'il y en avait trente-deux. J'imagine que le nombre a augmenté, mais nous sommes dans des hypothèses de l'ordre de la centaine. Tout au plus y en a-t-il entre cent et deux cents.
C'est dire que toutes les mesures tendant à généraliser ces bracelets électroniques se heurtent à cette difficulté majeure : il n'y a pas de bracelets, ou en tout cas pas suffisamment au regard de toutes les dispositions qui permettent d'en faire bénéficier des centaines de personnes.
Je peux vous donner satisfaction, monsieur Raimbourg, sans qu'il soit nécessaire de demander au ministre de rédiger ce rapport. Étant chaque année rapporteur pour avis sur le budget de l'administration pénitentiaire et de la protection judiciaire de la jeunesse, je vais me saisir de ce thème et je vous communiquerai les éléments chiffrés dans le prochain avis sur le projet de loi de finances pour 2012.
Nous remercions le rapporteur de prendre notre demande en considération. L'objectif n'était pas d'alourdir le travail du ministère comme du Parlement mais de vous faire comprendre la nécessité pour nous de disposer de ces éléments, d'autant plus que se pose la question des moyens. La mise sous surveillance électronique exige que des hommes et des femmes suivent les personnes. Pour cela, il faut des moyens. Il nous semble important, avant d'étendre le dispositif, de connaître la réalité.
J'ai remis un rapport au Président de la République sur la délinquance des mineurs. J'ai visité la plateforme qui gère plusieurs centaines de bracelets électroniques sur la région lilloise, aussi bien les bracelets qui permettent de vérifier celles et ceux qui doivent rester à leur domicile que les bracelets qui permettent de suivre à l'extérieur en particulier les récidivistes condamnés pour des faits notamment d'ordre sexuel. Je peux affirmer que le système fonctionne parfaitement. À Lille, cinq personnes derrière des écrans sont capables de surveiller entre 200 et 300 personnes. Lorsque l'on place quelqu'un sous contrôle judiciaire, il faut absolument se donner les moyens de contrôler si cette personne reste bien à son domicile. Rien n'est pire que la non effectivité de la sanction. Le système fonctionne très bien par exemple pour surveiller celles et ceux qui ne doivent pas s'approcher des lieux où circulent des enfants.
Il faut évoluer avec son temps. Le système fonctionne bien, élargissons-le, puis dressons un bilan. En tout cas, dans la région du Nord, cela fonctionne très bien et les personnes qui sont chargées de sa mise en oeuvre sont ravies.
Il est tout à fait normal que la représentation nationale puisse disposer de ces informations. Je m'engage donc à fournir, en début de semaine prochaine, les chiffres les plus récents, à la fois pour les surveillances fixes, au nombre d'environ 7500, et pour les surveillances mobiles, autour de 200.
Sous le bénéfice de ces observations, je veux bien retirer l'amendement. J'insiste simplement sur le fait qu'il est indispensable que non seulement nous sachions le nombre de bracelets qui sont mis en place mais surtout que nous connaissions la manière dont ils sont surveillés. Il ne suffit pas de mettre un bracelet, encore faut-il qu'il y ait des gens derrière pour vérifier ce qui se passe.
C'est le cas.
Je suis saisi d'un amendement, n° 2 , portant article additionnel après l'article 9 ter.
La parole est à M. Bernard Gérard, pour soutenir l'amendement.
Cet amendement améliore l'efficacité du fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles ou violentes, le FIJAIS, en prévoyant l'inscription de plein droit des décisions concernant les infractions sexuelles punies de cinq ans d'emprisonnement, sauf décision contraire de l'autorité judiciaire. Actuellement, cette inscription exige une décision expresse. Or celles-ci sont très exceptionnelles. Cette situation n'est pas satisfaisante. Nous souhaitons faire évoluer les choses. Tel est le but de cet amendement, qui me paraît constituer un net progrès.
La commission avait émis un avis défavorable, mais après approfondissement du sujet, à titre personnel, le rapporteur donne un avis favorable.
Le Gouvernement est tout à fait favorable.
Je suis saisi d'un amendement, n° 116 , tendant à supprimer l'article 9 quater A.
La parole est à M. Marc Dolez, pour soutenir l'amendement.
Il est défendu.
(L'amendement n° 116 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
(L'article 9 quater A est adopté.)
Sur l'article 9 quater, je suis saisi d'un amendement n° 222 .
La parole est à M. Guy Geoffroy.
Nos collègues et amis sénateurs ont eu une bonne initiative en introduisant cet article 9 quater qui concerne les personnes condamnées à une peine d'emprisonnement assortie en partie de sursis avec mise à l'épreuve au moment de leur libération. Le Sénat a en effet estimé nécessaire d'inscrire dans le code de procédure pénale un article fixant un délai de convocation devant le service pénitentiaire d'insertion et de probation à un mois maximum. Notre commission des lois, dans un empressement tout à fait positif dans l'esprit, peut-être pas dans son application pratique, a adopté, sur proposition de nos collègues socialistes, un amendement ramenant ce délai à une semaine.
Dans cette affaire, comme dans beaucoup d'autres, il faut veiller à ce que le mieux ne soit pas l'ennemi du bien. L'amendement n° 222 a pour objet de maintenir la disposition adoptée par la commission des lois, mais simplement – ce serait déjà beaucoup – pour les personnes qui ont été condamnées pour une infraction pour laquelle le suivi socio-judiciaire est encouru. Pour tous les autres cas, le délai pourrait rester d'un mois comme l'avaient prévu nos collègues sénateurs.
Le but de ces deux amendements, celui de la commission et celui que je présente en séance, est de contribuer à lutter contre la récidive, mais je propose de laisser le délai fixé à huit jours que pour les infractions graves, comme les infractions sexuelles ou violentes.
(Mme Élisabeth Guigou remplace M. Jean-Christophe Lagarde au fauteuil de la présidence.)
Avis très favorable.
Nous avons eu, en commission des lois, un échange sur la faisabilité de la convocation dans un délai de huit jours. M. le ministre avait indiqué que quinze jours seraient plus raisonnables. Finalement, nous sommes revenus à huit jours. En réalité, ou il y a un contrôle à la sortie ou il n'y en a pas. L'important, c'est de faire le nécessaire pour qu'il y ait un contrôle et que celui-ci s'exerce très vite. Ce contre quoi nos concitoyens s'élèvent, ce sont les sorties sèches. Il faut exercer une surveillance, que ce soit par le biais du bracelet électronique ou autre, et surtout s'en donner les moyens.
Par ailleurs, on n'arrête pas de faire des distinctions sur la dangerosité des personnes. L'idée que tous les délinquants sexuels sont éminemment dangereux n'est pas forcément vraie, pas plus que l'idée que tous les délinquants contre les biens sont inoffensifs.
Il faut se donner les moyens d'assurer des sorties qui ne soient plus des sorties sèches – si le délai de huit jours est trop court, mettons quinze jours, mais un mois me paraît très long – mais, surtout, cette distinction complique encore les choses car il faut savoir exactement pour qui le suivi socio-judiciaire est encouru.
Je comprends l'argumentaire de Dominique Raimbourg, mais je crois, malgré tout, que le fait de fixer un délai, ce qui n'était pas le cas avant l'initiative de nos collègues sénateurs, constitue un progrès considérable et qu'il existe une différence entre l'urgence de faire suivre à leur sortie de prison les délinquants sexuels ou violents par exemple par le service de probation et d'insertion et le besoin de s'occuper de quelqu'un qui aurait été condamné avec un sursis avec mise à l'épreuve pour un vol dans un magasin. Pour cette personne, l'obligation principale est plutôt de rembourser la victime.
Je pense que nous ferions preuve d'un meilleur pragmatisme si nous en restions à ce qu'avaient proposé nos amis sénateurs pour une règle générale et au délai de huit jours pour les délinquants violents, en particulier les délinquants sexuels.
Forcément, nous sommes d'accord avec l'idée de faire convoquer très rapidement par le SPIP la personne qui sort, mais, là encore, il faut se garder de voter des lois qui, au fond, nous font plaisir mais qui ne sont pas efficaces dans la pratique.
On peut donner à la personne qui sort un billet la priant de se présenter au SPIP huit jours après, encore faut-il que le SPIP ait reçu le dossier, que les décisions aient été tapées par un greffier et que lorsque la personne se présente au SPIP, celui-ci ait les moyens de la suivre. Nous connaissons la grande misère de la justice, nous savons que les décisions sont tapées avec retard et que les dossiers sont transmis longtemps après.
Si nous voulons obtenir un résultat et rendre possible cette continuité qui nous semble utile dans le suivi des personnes condamnées, il est sans doute nécessaire de dire ici qu'il faut les recevoir huit jours après leur sortie mais il est surtout nécessaire de donner concrètement au SPIP les moyens de travailler.
(L'amendement n° 222 est adopté.)
(L'article 9 quater, amendé, est adopté.)
Je suis saisie d'un amendement, n° 20 , portant article additionnel après l'article 9 quater.
La parole est à M. Bernard Gérard, pour soutenir l'amendement.
Cet amendement précise et renforce les dispositions de l'article préliminaire relatif aux droits des victimes afin de reconnaître à la victime la place qui est la sienne dans le procès pénal.
La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement. Si l'intention est louable, elle ne pourrait être mise en pratique en raison du caractère de pétition de principe des dispositions proposées. Que signifie notamment le droit à obtenir réparation du préjudice dans un délai raisonnable dès lors que la décision d'indemnisation dépend de la décision sur l'action publique ? Je vous demanderai, monsieur Gérard, de bien vouloir retirer cet amendement.
Je suis saisie d'un amendement n° 14 .
La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.
D'abord je vous remercie, madame la présidente, de me permettre par votre présence de présenter cet amendement.
Il s'agit d'un problème d'égalité de nos concitoyens devant la loi et devant la justice pénale. Le garde des sceaux lui-même l'a répété ces derniers temps, il arrive régulièrement que des crimes, notamment dans le département dont nous sommes tous les deux les élus, madame la présidente – je veux parler de la Seine-Saint-Denis – passent devant le tribunal correctionnel plutôt que devant la cour d'assises. L'exemple le plus frappant et le plus courant est celui des crimes de viol qui sont requalifiés en agressions sexuelles et qui sont traduits devant les tribunaux correctionnels plutôt que devant les tribunaux d'assises.
Les instructions du ministre sont sans doute utiles, mais la gestion, l'embouteillage de nos palais de justice peut conduire à ce que, malgré tout, on ne leur obéisse pas. Il faut donc donner un droit à la victime de contester la qualification du crime, en tout cas sa correctionnalisation. Aujourd'hui, c'est possible, je le sais, mais il faut s'adresser au tribunal correctionnel devant lequel le procureur a renvoyé l'affaire et que le tribunal correctionnel à qui on a renvoyé l'affaire dise lui-même qu'il n'est pas compétent et qu'il faut renvoyer en cour d'assises.
Je suggère un mécanisme beaucoup plus simple, plus sûr et plus efficient. Lorsque le procureur de la République a envoyé l'affaire devant le tribunal correctionnel ou souhaite le faire, je propose que la victime puisse demander la saisine d'un juge d'instruction. Le juge d'instruction décidera alors, en toute impartialité et sans avoir à se préoccuper des embouteillages devant les cours d'assises, s'il s'agit d'un crime et non d'un délit, dans le respect du justiciable.
Il n'y a pas de raison que la loi ne soit pas la même sur tout le territoire, qu'un crime soit traduit devant la cour d'assises en Lozère et correctionnalisé en Seine-Saint-Denis. Je souhaite que les victimes puissent se défendre.
Monsieur Lagarde, comme vous l'avez vous-même admis, votre amendement est partiellement satisfait puisque le tribunal correctionnel peut décider de criminaliser un délit à la demande de la victime et qu'en aucun cas la victime ne peut se voir imposer la correctionnalisation d'un crime.
Vous souhaitez néanmoins une saisine du juge d'instruction, ce qui risque d'encombrer leurs cabinets et irait à l'encontre de la disposition que nous avons votée en 2007, selon laquelle le tri est opéré au préalable par le ministère public, en la personne du procureur de la République. Or il ne me semble pas souhaitable de revenir sur une disposition votée il n'y a pas si longtemps, d'autant que le cadre actuel est assez satisfaisant. Je répète en effet qu'en aucun cas la victime ne peut se voir imposer la correctionnalisation, contre laquelle nous essayons par ailleurs de lutter.
Je comprends le souci de M. Lagarde, mais il existe déjà dans notre code de procédure pénale un certain nombre de dispositions, certes d'un agencement un peu complexe mais qui répondent parfaitement à sa demande.
L'article 469 du code de procédure pénale prévoit qu'il est possible pour la partie civile ou le prévenu de contester la correctionnalisation devant la juridiction correctionnelle, notamment lorsque celle-ci a été saisie directement par le procureur, en cas de comparution immédiate ou de citation directe. Cette contestation – et cela est important – est possible y compris en appel et jusque devant la Cour de cassation, puisqu'il s'agit d'une règle d'ordre public sur la compétence de la juridiction. Si l'affaire a été correctionnalisée par le procureur, la juridiction est tenue de la renvoyer au Parquet, en décernant, s'il y a lieu, mandat de dépôt ou d'arrêt – c'est ce que prévoient les deux premiers alinéas de l'article 469.
La réforme résultant de loi Perben de mars 2004 a eu pour unique objet de permettre cette contestation de la correctionnalisation à l'issue de l'instruction : c'est la disposition qui ressort de l'article 186-3 du même code, qui permet l'appel de l'ordonnance de renvoi ; elle prévoit également que, dans ce seul cas, si la partie, alors qu'elle était assistée par un avocat, n'a pas contesté l'ordonnance de renvoi, elle ne pourra plus le faire, comme avant, devant la juridiction – le dernier alinéa de l'article 469 a été complété dans ce sens.
Même si le parquet a saisi le tribunal correctionnel pour un crime, cela n'interdit pas à la victime de déposer une plainte avec constitution de partie civile. La saisine du tribunal par le Parquet ne bloque pas l'instruction ; à l'inverse, si une information est ouverte, il n'est plus possible de saisir directement le tribunal.
Cet arsenal est sans doute un peu complexe, mais il comporte des dispositions qui vous donnent satisfaction. C'est la raison pour laquelle, monsieur Lagarde, il serait souhaitable que vous retiriez votre amendement.
Après ces explications détaillées de M. le garde des sceaux, je redonne la parole à M. Jean-Christophe Lagarde.
M. le garde des sceaux me connaît trop bien pour croire que je vais me laisser endormir par des paroles qui semblent de bon sens mais qui, dans les faits, ne s'appliquent pas. En effet, combien y a-t-il eu, depuis 2007, de victimes ayant contesté la criminalisation de leur affaire devant le tribunal correctionnel ? Cela ne se produit pratiquement jamais, car c'est un droit fictif !
Par ailleurs, vous avez insisté sur le fait que ce droit existait en appel et en cassation, mais vous savez fort bien que, dans un procès pénal, la victime ne peut pas faire appel.
Enfin, je ne vois pas pourquoi ma proposition provoquerait un embouteillage chez les juges d'instruction. Actuellement, l'article 85 du code pénal prévoit que « toute personne qui se prétend lésée par un crime ou un délit peut en portant plainte se constituer partie civile devant le juge d'instruction ». Elle peut également le faire devant le procureur de la République, mais, devant le juge d'instruction, elle a la certitude que la décision de qualifier les faits de crime ou de délit sera prise en toute indépendance, le juge d'instruction étant indépendant, contrairement au procureur de la République. Toutes les victimes ont donc intérêt à aller voir le juge d'instruction pour ne pas risquer de voir correctionnaliser leur affaire.
Concrètement, dans un palais de justice, les magistrats d'assises, les magistrats correctionnels et le procureur se connaissent parfaitement ; ils savent également les embouteillages qui encombrent la cour d'assises et ils gèrent ensemble ce genre d'affaires. Je souhaite que ce soit un magistrat indépendant qui puisse le faire. C'est déjà possible si l'on fait directement appel au juge d'instruction. Je demande simplement, pour éviter les embouteillages, que quand on a fait appel au procureur de la République, on puisse également faire appel au juge d‘instruction, dans le cas, par exemple, d'un viol requalifié en agression sexuelle. Cela ne bouleverse en rien notre ordre juridique mais rend effectif ce droit qu'on a voulu donner aux victimes, en évitant de surcroît, chers collègues de la majorité, que l'on se retrouve dans une situation où des gens encourent en correctionnelle des peines bien plus légères que devant les assises. C'est la moindre des choses que nous puissions faire pour nos concitoyens.
Les associations de victimes ne manqueront pas, autrement, de faire passer partout le message, notamment auprès des avocats, qu'il faut toujours saisir le juge d'instruction et jamais le procureur de la République.
Nous partageons tous le souci de M. Lagarde, et nous cherchons des solutions pour éviter la correctionnalisation abusive. Néanmoins, je considère que sa proposition ne fait que complexifier davantage une situation qui l'est déjà passablement.
Reprenons l'exemple d'une femme victime d'un viol, que le procureur de la République a qualifié d'agression sexuelle. Elle peut, devant le tribunal correctionnel, déposer des conclusions visant à contester la qualification des faits et demander que l'auteur soit renvoyé devant la cour d'assises. On n'obtient pas satisfaction à tous les coups, mais cela permet à la victime de souligner la gravité des faits et d'inciter les magistrats à prendre davantage au sérieux sa plainte, pour juger en conséquence.
Si la même victime, alors qu'une procédure est en cours devant le tribunal correctionnel, saisit parallèlement le juge d'instruction, personne ne va plus s'y retrouver, car on ne peut avoir deux actions pendantes en même temps, qualifiant différemment les mêmes faits.
Je crains donc que votre proposition qui vise à éviter la requalification ne complexifie singulièrement une situation qui n'en a pas besoin.
Monsieur Lagarde a raison sur le fond, mais il a tort dans la forme et sur la procédure qu'il veut mettre en place. Nous avons longuement discuté ce matin du phénomène de correctionnalisation : les cours d'assises ne sont pas actuellement en mesure de juger de la totalité des crimes. Si l'on instaure un mécanisme contraignant, les victimes risquent d'avoir à attendre quatre ans avant le jugement de leur affaire.
En outre, la correctionnalisation est un phénomène complexe, qui peut faire l'objet d'une négociation quadripartite entre le juge d'instruction, la victime, l'accusé et le procureur, car la victime peut y avoir intérêt, soit parce qu'elle y gagne une indemnisation plus rapide, soit parce que cela permet au juge d'instruction d'obtenir plus facilement une reconnaissance de culpabilité.
Tout ceci est complexe, mais tous les biais par lesquels on cherche à désengorger les cours d'assises ne font que compliquer inutilement le système.
La correctionnalisation n'est pas uniquement un problème de procédure, sans quoi nous y aurions remédié depuis longtemps. Si aussi peu de victimes demandent que l'on requalifient les faits en crime, c'est aussi parce qu'on leur fait valoir un certain nombre d'arguments – M. Raimbourg vient de l'évoquer –, touchant notamment aux délais de jugement beaucoup plus rapides en correctionnelle que devant les assises. Cela permet de tourner la page plus rapidement et de se reconstruire, au lieu de ressasser en attendant réparation.
Madame Pau-Langevin, il n'y a aucun risque que l'affaire soit devant le juge correctionnel pendant que la victime porte plainte devant le juge d'instruction. Ce que prévoit mon amendement, c'est de compléter l'article 85 du code de procédure pénale, selon lequel « la plainte avec constitution de partie civile n'est recevable qu'à condition que la personne justifie soit que le procureur de la République lui a fait connaître, à la suite d'une plainte déposée devant lui ou un service de police judiciaire, qu'il n'engagera pas lui-même des poursuites », en ajoutant « ou que la personne estime que les faits renvoyés devant le tribunal correctionnel constituent un crime ». C'est donc l'ordonnance de renvoi qu'il s'agit de contester et de renvoyer devant le juge d'instruction. Il n'y a donc pas péril en la demeure, puisque le tribunal correctionnel ne siège pas encore.
J'entends ensuite M. Raimbourg et le rapporteur affirmer que la victime peut accepter la correctionnalisation. Cela ne me pose aucun problème ; je veux simplement qu'elle ait également le droit de ne pas l'accepter. Ce n'est pas parce que nous n'avons pas les moyens de juger les crimes que leurs victimes doivent subir leur correctionnalisation, sans pourvoir la contester efficacement.
Nous savons tous en effet que ce type de contestation devant le tribunal correctionnel n'est pas efficace, puisque cela ne se produit pratiquement jamais. Nous savons également que ma proposition ne représenterait pas beaucoup plus de travail pour le juge d'instruction, puisque, au moment où le Parquet renvoie l'affaire, elle est déjà « ficelée » judiciairement et que l'on connaît la qualification pénale des faits.
Enfin, le garde des sceaux actuel est sans doute un homme remarquable, mais supposons qu'un de ses successeurs se révèle beaucoup moins vigilant et qu'il demande au Parquet de correctionnaliser un crime. La victime ne pourrait pas le contester efficacement, ce qui ne me paraît pas une bonne chose.
Sans allonger les débats inutilement, je souhaite quand même que nos collègues de la majorité puissent entendre que le droit reconnu à la victime n'est pas un droit effectif, qu'il faut y remédier, éventuellement en améliorant la rédaction du texte lors de la navette parlementaire.
(L'amendement n° 14 n'est pas adopté.)
L'amendement n° 173 tend à augmenter de 1 % les amendes pénales afin d'en reverser la somme aux associations d'aide aux victimes qui réalisent un travail formidable.
(M. Jean-Christophe Lagarde remplace Mme Élisabeth Guigou au fauteuil de la présidence.)
Avis défavorable car je ne saisis pas bien l'objet de votre amendement : voulez-vous ainsi augmenter les amendes pénales sur la base de leurs montants maximaux ou taxer le montant de l'amende effectivement infligée à la personne condamnée ? La rédaction ambiguë de l'amendement nous laisse très circonspects sur la réalité de la volonté des auteurs de l'amendement. Il vaudrait mieux le retirer.
Je comprends les préoccupations des auteurs de l'amendement et je pourrais même les partager car il est en effet nécessaire de trouver des ressources pour développer les actions menées par les associations d'aides aux victimes.
Vous proposez de créer une sorte de « contribution victime » qui serait prélevée sur les amendes pénales, ce qui constitue une piste de réflexion intéressante, piste que nous a d'ailleurs suggérée l'INAVEM – institut national d'aide aux victimes et de médiation.
Cependant, cette mesure aurait un impact sur les dotations versées aux collectivités locales qui bénéficient du produit des amendes forfaitaires de la police de la circulation et sur les recettes de l'État. En l'état, cette piste, qui reste intéressante, ne pourrait être explorée qu'après avoir mené une expertise en lien avec le ministère de l'intérieur et le ministère de l'économie et des finances. Je suis d'accord pour la mener. Pour ne pas tuer cette proposition, je vous suggère de retirer votre amendement afin que nous puissions continuer à travailler sur ce point.
(L'amendement n° 173 n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 199 , portant article additionnel avant l'article 10.
La parole est à M. Dominique Raimbourg.
Cet amendement vise à défendre une position de principe : un éducateur référent doit être désigné pour suivre le mineur tout au long des diverses procédures qui peuvent être menées et conduire à des mesures en sa faveur ou non. Il s'agit de ne pas multiplier les intervenants.
Vous le savez, l'ordonnance de 1945 a voulu créer un juge unique, un juge qui suit le mineur depuis l'instruction des faits jusqu'au jugement et l'application de la sanction. Il nous semble nécessaire d'associer un éducateur à ce juge pour qu'il accomplisse le même travail de suivi et qu'il aide la famille qui, sans doute, n'a pas su trouver les moyens de canaliser son enfant. Il conviendrait que cette mesure soit systématiquement adoptée.
Avis défavorable. L'objectif de cet amendement est louable mais sa mise en oeuvre difficile compte tenu du fonctionnement des services pénitentiaires d'insertion et de probation et des services de la protection judiciaire de la jeunesse – PJJ.
Même avis. De surcroît, outre que cette mesure ne relève pas de la loi, le responsable ou le directeur de chaque unité de milieu ouvert désigne, pour chaque mineur suivi, un éducateur référent dont le nom est communiqué aux responsables légaux du mineur dès la première convocation.
L'amendement étant satisfait, je demande à M. Raimbourg de le retirer. Je rappelle qu'il ne relève pas du domaine de la loi, mais, au cas où il ne serait pas convaincu par cet argument d'ordre constitutionnel, j'y serais défavorable.
Nous sommes là au coeur d'un des problèmes importants auxquels est confrontée la justice des mineurs. Alors qu'il faut accorder plus de moyens aux services concernés, la réponse du rapporteur est édifiante : les services, dans l'état actuel, ne seraient pas capables de désigner un éducateur référent par mineur concerné. Ce ne sont pas les compétences qui manquent, mais bel et bien les moyens. Or, qu'y a-t-il de plus évident, lorsqu'un mineur est confronté à la justice et doit être suivi par un éducateur de la PJJ, que de désigner un éducateur référent pour éviter que ce mineur ne soit suivi par plusieurs éducateurs et pour faire en sorte que l'ensemble des intervenants amenés à le rencontrer, qu'il s'agisse des parents ou de l'éducation nationale, connaissent cet éducateur référent. Ce n'est qu'à cette condition qu'ensemble ils pourront prendre en compte la problématique du jeune et trouver des solutions efficaces.
Si l'on ne renforce pas les moyens des services concernés et si l'on ne met pas en place un suivi personnalisé du mineur, nous n'obtiendrons pas de résultats. Il faut donc, à la fois, renforcer les moyens des services concernés et assurer une prise en charge individuelle des jeunes. C'est un gage indispensable de réussite.
Monsieur le garde des sceaux, l'on peut très bien décider que cette disposition relève du domaine de la loi. Jusqu'à preuve du contraire, le Parlement est souverain en la matière.
Je vous renvoie à la Constitution.
La désignation d'un tuteur par mineur ne relève pas du domaine de la Constitution, ou bien la Constitution de 1958 a bon dos – c'est vrai qu'elle l'a depuis un certain nombre d'années !
Nous, nous défendons la vocation fondamentale de la justice des mineurs qui est d'accorder la priorité à l'éducatif parce que nous avons à faire à des mineurs et qu'il faut prendre le temps de dégager des perspectives de réinsertion et de rééducation.
Vous, vous avez abandonné. L'intervention du rapporteur est claire de ce point de vue : faute de moyens, vous préférez réprimer. C'est plus facile mais c'est sacrément discutable sur le plan budgétaire, car, lorsque les économistes compareront le coût des mesures de prévention éducative à celui des mesures de répression et des journées de prison, sans compter les dégâts qui en résultent, je ne suis pas sûr qu'ils seront de votre côté.
La seule vraie question à se poser est simple. Aujourd'hui, des jeunes mineurs, souvent repérés et connus des services, passent de tuteur en tuteur, d'éducateur en d'éducateur, et ne reçoivent aucun soutien car, souvent, ils vivent au sein de familles déstabilisées, monoparentales et sont livrés à eux-mêmes. La désignation d'un tuteur, d'une certaine manière, fait émerger l'image du père, dont la responsabilité auprès de ces jeunes, souvent défaillante, marque le point de départ de leur parcours délinquant.
Ce mineur a besoin d'une personne qui incarne l'autorité. Or, celle-ci se construit dans le temps, dans la connaissance du jeune, dans le dialogue, lequel passe aussi par des colères, des rappels. Si un tuteur est débordé parce qu'il se retrouve à gérer des dizaines de jeunes, il ne pourra pas prendre le temps de connaître chaque dossier et il se contentera de rappeler, de temps en temps, le jeune à l'ordre. Il restera à distance.
Nous touchons là au coeur des divergences qui nous séparent.
Vous nous avez souvent reproché de ne rien proposer, mais, là, nous vous faisons une proposition : mettre en place un dispositif qui permette de détecter très tôt un jeune qui entre dans la délinquance et d'assurer son suivi intensif, grâce à l'instauration d'un dialogue entre toutes les autorités qui permettra d'adapter les mesures à chaque étape. À défaut, la situation dégénèrera et il ne vous restera plus qu'à multiplier les lois, durcir les peines et l'enfermement avant de remettre en cause la majorité pénale !
Pas du tout, c'est au contraire une perspective car je projette ce que vous êtes en train de faire et je pense qu'à un moment ou un autre, vous ne pourrez plus faire autrement que de remettre en cause la majorité pénale. Je prends date aujourd'hui. J'avais déjà prédit, voici un certain temps, que certains d'entre vous remettraient un jour en cause la peine de mort ! Cela n'a pas tardé : quelques semaines après, des députés proposaient pudiquement de rouvrir le débat.
Vous êtes emportés par votre propre logique répressive…
…et vous parvenez d'autant moins à construire une véritable réponse adaptée aux situations que vous êtes sous la pression de l'opinion que vous n'arrêtez pas de chauffer par des déclarations intempestives. Hier encore, vous ne cessiez de vous proclamer les porte-parole des victimes, mais si l'on n'est que cela, on est dans l'émotion et l'on n'est plus dans la justice ni dans la construction d'une solution à un parcours délinquant. Votre fuite en avant répressive vous conduit à en vouloir toujours plus car il y aura toujours à vos côtés des gens pour se plaindre que si les mesures ne sont pas efficaces c'est parce qu'elles ne sont pas suffisamment sévères.
Voilà pourquoi la solution que nous proposons est une véritable révolution : au premier acte délinquant, poser une sanction, un suivi, un soutien. Désigner une personnalité pour rencontrer le jeune, discuter, et évaluer à chaque étape la sanction nécessaire, le parcours éducatif ou l'éloignement.
Ces solutions, croyez-moi, fonctionnent très bien dans les pays qui les ont mises en oeuvre. Au Canada par exemple.
Ou en France.
En effet, cela a marché dans notre pays, mais vous êtes au pouvoir depuis dix ans et l'on n'obtient plus de résultats.
Que M. Dray garde son calme car c'est uniquement dans un climat serein et apaisé que nous pourrons discuter de ces questions importantes. Il n'est bien évidemment pas question de rétablir la peine de mort.
Eh bien, je vous félicite d'avoir donné un si bel exemple !
Je vais vous expliquer le système tel qu'il fonctionne pour vous démontrer que nous ne sommes pas tous des benêts et que nous avons nous aussi le sens de l'efficacité et du service.
Il existe déjà, à la PJJ, un éducateur référent pour chacun, qui porte le nom de fil rouge – cela devrait vous plaire.
En effet, j'aime bien le rouge, surtout le rouge intensif, que je préfère largement au bleu royaliste.
Nous tenons cependant à ce que le service, dans son intégralité, soit responsable de chacun pour une raison toute simple : la responsabilité du mineur doit également être assurée durant les congés et les week-ends. Un éducateur suit le mineur en permanence, et porte le fil rouge, mais le service, sur le plan administratif, est entièrement responsable. Ce dispositif correspond parfaitement à ce que vous demandez.
Mais si.
Monsieur le ministre, les représentants de la nation que nous sommes sont souvent aussi des élus locaux. Sur le terrain, nous sommes donc saisis au quotidien de problèmes touchant les mineurs.
Les éducateurs que nous rencontrons régulièrement nous disent qu'aujourd'hui ils manquent cruellement de moyens ce qui les empêche d'intervenir systématiquement. Leur remplacement ne répond pas aux besoins sur le terrain car les mineurs concernés ont besoin d'être suivis par un personnel stable. Il faut en effet construire avec eux une relation de confiance. Or celle-ci est remise en cause à chaque changement d'éducateur – cela est encore plus vrai pour les primo-délinquants, dont le suivi demande une attention plus grande.
Le Conseil de l'Europe a régulièrement appelé les États à réagir à la délinquance des mineurs en prenant des mesures éducatives et sociales qui sont aussi des sanctions. Ces solutions alternatives doivent procéder étape par étape. En Europe, de plus en plus d'enfants sont condamnés de plus en plus jeunes. Nous ne pouvons pas continuer à enfermer notre jeunesse !
Cette question mérite d'être traitée et nous devrions étudier les solutions adoptées dans d'autres pays européens qui enregistrent des résultats plutôt que de systématiquement renforcer les sanctions. Pour la France, il serait intéressant de disposer d'un bilan de la délinquance juvénile par âge et genre des auteurs qui fasse état des conditions de la récidive, de l'ensemble des peines prononcées et de leur efficacité. Cette évaluation nous permettrait de mieux légiférer sur la question.
Des indices sérieux permettent de penser que les réponses fondées sur le travail social favorisent l'insertion et la construction d'une relation de confiance. L'éducation et l'apprentissage des comportements acceptables permettent de faire sortir les mineurs par le haut des situations dans lesquelles ils se trouvaient, sans les isoler ni les enfermer.
Monsieur le ministre, nos propositions sont très pragmatiques. Elles s'appuient sur des constats faits localement et sur des situations individuelles que nous connaissons parfaitement. Notre amendement s'inspire des réflexions des parents mais aussi de celles des éducateurs de la protection judiciaire de la jeunesse qui, parfois, nous font part de leur désarroi.
Il ne s'agit tout de même pas d'une proposition révolutionnaire ! Nous demandons seulement que pour la bonne administration de la justice et pour un suivi et une prise en charge efficaces des mineurs concernés, un éducateur référent soit désigné. Il connaîtra le jeune et, en cas de problème, la famille comme les diverses institutions impliquées pourront s'adresser à lui. Cette mesure semble être de bon sens.
Nous débattrons sur le fond lorsque nous aborderons l'article 10. Julien Dray l'a dit : il y a entre nous une différence d'appréciation sur la façon de concevoir la justice des mineurs. Je souligne que le partage ne se fait pas nécessairement entre la gauche et la droite. Pour notre part, nous sommes dans la droite ligne de l'ordonnance de 1945, signée par le général de Gaulle…
Nous aussi !
Dans cet esprit, un mineur ne peut pas être considéré comme un adulte et il doit relever d'une justice particulière donnant la priorité à l'éducatif. Or nous sommes convaincus que votre projet de loi déroge de façon systématique à ces règles fondatrices. Mais nous aurons ce débat un peu plus tard.
Au stade où nous en sommes, je ne comprends pas en quoi la mesure pragmatique que nous proposons vous pose problème. Pourquoi vous opposez-vous à notre amendement ?
Pour gagner en efficacité dans le suivi individualisé des mineurs concernés, tous les acteurs locaux, sans exceptions, demandent la nomination d'un référent pour chaque jeune concerné. Monsieur le ministre, il ne s'agit tout de même pas là d'une remise en cause radicale de votre politique ! Essayons de nous écouter les uns les autres et de tenir compte de nos expériences du terrain pour adopter ensemble des mesures pragmatiques et efficaces ; nous en viendrons plus tard aux débats qui nous divisent.
Nous parlons de jeunes qui ont très souvent connu de multiples ruptures : fractures familiales, déracinement géographique… En général, ils ont subi une succession de mesures judiciaires mal coordonnées passant d'une association à une autre.
À Paris, dans ma circonscription, je travaille beaucoup sur ce sujet, et je constate qu'un grand nombre d'associations interviennent dans le suivi des jeunes en difficulté. Sur un même quartier, elles ne se connaissent pas toujours et ne savent pas quelles sont leurs actions respectives.
En conséquence, il serait utile et efficace qu'une personne serve de pivot : toutes les structures concernées pourraient s'adresser à lui. Par ailleurs, comme le disait François Pupponi, il faut aussi épauler le ou les parents défaillants qui auraient dû être une sorte de colonne vertébrale pour les jeunes concernés. C'est pourquoi nous proposons de désigner une sorte de tuteur.
Il s'agit d'une mesure simple et efficace sur laquelle nous pourrions parfaitement nous entendre.
(L'amendement n° 199 n'est pas adopté.)
La parole est à Mme Marietta Karamanli, pour soutenir l'amendement n° 200 .
Cet amendement vise à remplacer les mots : « des actions de prévention de la délinquance » par les mots : « en priorité des actions de prévention précoce des violences juvéniles » dans l'article 5 de la loi du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance.
Cette loi a créé au sein de l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances un fonds interministériel pour la prévention de la délinquance.
Malheureusement nous constatons, d'une part, que les sommes allouées à ce fonds diminuent et sont insuffisantes et, d'autre part, qu'une partie de plus en plus importante de ces moyens sert à financer l'installation de caméras. La vidéosurveillance n'est pas le sujet de notre texte, mais il est regrettable que ce fonds ne serve pas prioritairement à la prévention de la lutte contre la délinquance.
Pourtant, le rapport de Bernard Reynès évoque la sanctuarisation des actes de prévention allant jusqu'à demander leur développement. Cet amendement rappelle qu'il est indispensable de mettre en place « en priorité des actions de prévention précoce des violences juvéniles » si nous voulons vraiment que notre action soit efficace.
Avec cet amendement recyclé, nous sommes en plein développement durable !
Nous avons longuement débattu de ce sujet lors de l'examen de la LOPPSI 2, il y a moins d'un an. Cette mesure relevait bien de ce projet de loi et nous avions rejeté un amendement similaire à celui que vous nous présentez. Il n'est pas utile d'y revenir à l'occasion de ce texte. En conséquence, la commission est défavorable.
Même avis.
Évidemment, monsieur le rapporteur, nous avons déjà parlé de tout. Il reste que ce sujet est particulièrement important.
Une grande partie des moyens du FIPD, le fonds interministériel de prévention de la délinquance, est affectée au financement de la vidéosurveillance alors que la politique de prévention de la délinquance est aujourd'hui en panne.
Je ne suis pas le seul à faire ce dernier constat : le Premier ministre lui-même a tenu le même discours avant de commander un rapport afin de relancer cette politique.
La situation en la matière est critique, mais je connais par avance votre réponse. Vous allez nous dire que les collectivités locales dirigées par la gauche ne mettent pas en place les conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance…
…et les conseils des droits et des devoirs des familles.
S'il en est ainsi, alors que chacune des collectivités concernées est confrontée à des difficultés, c'est que ces dispositifs sont construits sur la notion de culpabilité. Aux anciens contrats locaux de sécurité, vous avez substitué une sorte de traitement de la première infraction nécessitant un prononcé de culpabilité.
La droite et la gauche veulent toutes deux mettre en place une prévention de la délinquance : nous ne la voyons pas de la même façon, mais les fonds nécessaires doivent tout de même être débloqués. Il faut faire un effort en ce sens. La question est primordiale : la réponse policière et judiciaire n'est jamais suffisante pour enrayer un phénomène de délinquance quel qu'il soit. Il est nécessaire de relancer la prévention.
Nous ne nous faisons pas d'illusion : notre amendement sera rejeté. Nous voulons malgré tout donner un signal fort pour que nos pratiques changent.
Monsieur le rapporteur, vous ne pouvez pas parler de développement durable à propos de cet amendement.
Si nous ne parlons pas de la prévention précoce des violences juvéniles au moment où nous abordons la question de la délinquance des mineurs, alors je n'y comprends plus rien. Nous ne faisons pas du développement durable mais plutôt oeuvre pédagogique.
Je sais que M. le ministre est sensible à cette question et qu'il acceptera que nous abordions ce sujet primordial. Il faut que le fonds interministériel serve vraiment la prévention de la délinquance.
Je suis adjointe au maire à la jeunesse du Mans et membre d'un conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance : tous les ans, nous nous battons pour mettre en place des actions de prévention qui sont toujours refusées. En revanche, dans quelques jours, le fonds interministériel nous proposera de débloquer de grosses sommes pour la mise en place de la vidéosurveillance de la ville. L'un n'empêche sans doute pas l'autre, mais il ne faut pas que le fonds interministériel soit uniquement consacré à un volet unique de la lutte contre la délinquance. Notre amendement vise à ce qu'il finance en priorité de réelles actions de prévention précoce des violences juvéniles.
Monsieur le ministre, dans un certain nombres de territoires, le FIPD est indispensable pour financer des actions particulières qui permettent le suivi de mesures éducatives concernant les jeunes les plus en difficulté. Le FIPD est souvent sollicité pour des actions menées dans les quartiers éligibles à la politique de la ville. Il est, du reste, géré à la fois – et c'est sans doute l'un des problèmes – par le ministère de la ville et celui de la justice, puisqu'il finance souvent des mesures décidées par des magistrats, qu'il s'agisse de travaux d'intérêt général ou de chantiers éducatifs. À Sarcelles, par exemple, nous sommes en train de lancer des chantiers éducatifs qui doivent permettre à des jeunes qui ont dégradé des cages d'escalier de réparer ces dégradations en étant encadrés par des professionnels. Cela se fait en accord avec le bailleur, et les choses se passent bien. Cependant, six de ces chantiers sont actuellement « suspendus », car nous attendons toujours les notifications du FIPD. Or, ces chantiers ont souvent lieu durant l'été, c'est-à-dire pendant les vacances scolaires, surtout lorsqu'ils s'adressent à des mineurs de moins de seize ans.
Nous mettons ainsi en place un travail partenarial, avec les animateurs du quartier et les éducateurs de la PJJ. Mais, depuis deux ans, monsieur le ministre, le ministère de l'intérieur préempte le FIPD à hauteur de presque 80 % pour financer la vidéoprotection. Nous souhaiterions donc que, cette année, vous nous donniez la garantie qu'avec votre collègue ministre de la ville, vous défendrez le FIPD en demandant au ministère de l'intérieur de financer la vidéoprotection sur ses propres crédits. Le Fonds interministériel de prévention de la délinquance ne doit pas relever du ministère de l'intérieur : il doit financer des actions de pure prévention.
Monsieur le ministre, prenez au moins l'engagement devant nous que, cette année, l'enveloppe du FIPD, qui est sanctuarisée depuis quelques années, ne servira pas à financer la vidéoprotection et sera exclusivement réservée à des actions de prévention menées dans les territoires les plus en difficulté et en faveur des jeunes qui en ont le plus besoin.
Je ne voudrais pas que ceux qui suivent nos débats aient le sentiment, comme nos collègues de l'opposition le laissent souvent accroire, qu'il y aurait, à gauche, les vertueux qui pensent avant tout à la prévention et sont très préoccupés du devenir de nos jeunes, en particulier ceux qui sont le plus en difficulté, et, à droite, les « méchants » répressifs.
Soyons clairs, il s'agit d'une caricature périmée.
Puisque M. Pupponi a témoigné de ce qu'il vit dans sa commune, je voudrais à mon tour, même si je n'en avais pas l'intention, vous faire part de ce qui se passe dans la mienne. Il se trouve que je suis l'élu d'une ville nouvelle, dont cinq des huit communes sont dirigées par un maire de gauche et dont le président, également de gauche, a confié à votre serviteur l'animation du CLSPD. Celui-ci fonctionne très bien, à la satisfaction générale, preuve que, sur un territoire donné et en dépit de divergences politiques notoires sur des points particuliers, il est possible d'avancer ensemble, surtout lorsque notre jeunesse est concernée. Je m'inscris donc en faux contre les propos caricaturaux que je viens d'entendre.
Oui, dans l'agglomération dont je suis élu, nous faisons appel au FIPD, communes de gauche comme communes de droite, pour développer la vidéoprotection, qui est, non pas la panacée, mais un outil permettant de faire régresser la délinquance grâce à la prévention.
Mais nous obtenons également du FIPD – et si vous voulez connaître le moyen d'y parvenir, nous pouvons en parler : il ne faut pas toujours accabler ceux qui sont au pouvoir –, nous obtenons également du FIPD, disais-je, en étroite collaboration avec les services de la préfecture, des crédits pour mettre en oeuvre des actions de prévention de la délinquance, dont un certain nombre concernent les jeunes.
Nous partageons la même ambition, celle de diminuer le nombre de nos jeunes qui se livrent à la délinquance. Alors, de grâce, évitez, dans un débat de cette importance, de verser dans la caricature en prétendant que le FIPD ne servirait qu'à une chose et que, de ce fait, on se trouverait, comme par hasard, depuis deux ans, dans l'impossibilité de mettre en oeuvre un certain nombre de politiques de prévention. Encore une fois, je veux dénoncer cette caricature, trop grossière et trop injuste. Nos concitoyens méritent qu'on leur expose la vérité.
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Très bien !
Monsieur Geoffroy, personne ne met en cause votre bonne volonté ou celle du ministre, mais vous connaissez la fameuse formule : il n'y a pas d'amour, il n'y a que des preuves d'amour.
Cela fait des années que je n'oppose plus la prévention et la répression : ce débat n'a aucun intérêt.
Il faut faire de la prévention et, lorsque celle-ci a échoué, être capable de sanctionner ; tout le monde est d'accord sur ce point. Personne ne verse dans l'angélisme et personne ne tient pour la théorie de l'excuse sociale – je le dis, car vous nous reprochez souvent de refuser, en bons adeptes de cette théorie, de traiter les comportements individuels. Laissons donc de côté toutes ces caricatures.
Mais il est de fait qu'à chaque fois que vous nous proposez un texte de loi ou que vous mettez en oeuvre un nouveau dispositif, nous intervenons en vue d'instaurer un équilibre entre prévention et répression et nous devons déplorer que le fléau de la balance penche toujours du même côté, celui de la répression. Qu'on en juge : vous n'avez fait que réduire le nombre des éducateurs – c'est un fait –, les services de protection judiciaire de la jeunesse sont dans une situation de plus en plus difficile et la justice des mineurs est confrontée à une grave pénurie budgétaire. Quant aux associations qui prennent en charge la prévention, elles sont budgétairement étranglées et les collectivités locales doivent leur venir en aide en se substituant à l'État défaillant.
Vous ne pouvez pas dire cela. Lorsque j'étais vice-président de la région Île-de-France chargé de la sécurité, j'ai constaté que la région intervenait en permanence pour suppléer l'État, qu'il s'agisse des commissariats ou des subventions aux associations, associations qui se tournaient vers nous parce que leurs budgets diminuaient sans cesse.
Monsieur Geoffroy, personne ne met en cause vos convictions. Nous voulons simplement vous montrer, et prendre le pays à témoin, qu'il existe une autre voie, une voie efficace pour traiter la délinquance des mineurs. Car vous ne pouvez nier la réalité : cette délinquance n'a fait qu'augmenter, ces dernières années, et tous les dispositifs que vous avez mis en oeuvre ont failli.
Monsieur Geoffroy, nous reconnaissons tous, ou presque, depuis longtemps, que la vidéoprotection peut être intéressante ; au reste, la quasi-totalité des villes de gauche ont installé des caméras sur leur territoire. Mais nous avons également toujours dit qu'une caméra ne pouvait pas remplacer un policier. Il faut que quelqu'un visionne les images et intervienne lorsqu'un fait répréhensible a été constaté.
S'agissant du FIPD, j'ai remis, avec notre collègue Goulard, un rapport sur la politique de la ville.
Si vous le jugez excellent, c'est que vous l'avez lu. Vous y avez donc appris ce que le directeur de l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances – l'ACSÉ – dit du FIPD. Dans la partie du rapport consacrée au budget de la politique de la ville géré par cette agence, il regrette que ce fonds, bien que relevant du ministère de la ville, soit préempté par le ministère de l'intérieur. Ce ne sont pas les députés de gauche qui le disent, ce sont les responsables de l'ACSÉ, et ce n'est contesté par personne.
Du reste, depuis deux ans, la répartition de ces fonds fait l'objet d'une grande bataille entre le ministère de l'intérieur et celui de la ville. Hélas, le premier ayant un peu plus de poids que le second au sein du Gouvernement, c'est lui qui « emporte le morceau » et il se sert de ce fonds pour financer la vidéoprotection, à hauteur de 30 à 40 millions selon les années. Encore une fois, personne ne dit qu'il ne faut pas financer la vidéoprotection, mais il conviendrait que celle-ci soit financée sur le budget d'investissement du ministère de l'intérieur. Ne grevons pas le budget de la politique de la ville, qui sert notamment à mener une véritable action de prévention primaire dans les quartiers les plus en difficulté ; nous ne disons rien de plus.
Ma question n'avait rien de polémique. Je demandais simplement au ministre de la justice de nous aider, avec le ministre de la ville, pour que, cette année, le Fonds interministériel de prévention de la délinquance finance principalement des actions de prévention, et non plus, presque exclusivement, la vidéoprotection. J'espère que, cette année, le débat sera tranché une bonne fois pour toutes, en faveur de la prévention.
M. Pupponi a dit l'essentiel. Nous ne cherchons pas à caricaturer le débat. Les fonds du FIPD sont absorbés dans une proportion excessive par le financement des caméras de vidéosurveillance. Personne ne nie l'efficacité ponctuelle de celles-ci, mais il faut sanctuariser le fonds de prévention de la délinquance. Au reste, je vous renvoie aux amendements qui ont été déposés par M. Reynès, membre de l'UMP, et qui ont précisément pour objet de sanctuariser ces fonds afin qu'ils ne soient pas absorbés par le financement des caméras de vidéosurveillance. Nous ne demandons rien de plus.
Il me paraissait important de rappeler cette nécessité au moment où nous abordons la modification de l'ordonnance de 1945. Ce point est en effet d'autant plus important qu'à la différence des dispositions relatives aux citoyens assesseurs, cette modification sera d'application immédiate. Nous, qui sommes opposés à votre projet de loi, nous nourrissons le secret espoir que la période d'expérimentation mettra à mal ce dispositif et nous nous inquiétons qu'une telle expérimentation ne soit pas prévue s'agissant de la réforme de la justice des mineurs.
Depuis tout à l'heure, nos collègues de gauche nous disent qu'ils n'auront de cesse que de prendre le pays à témoin et d'expliquer à nos concitoyens qu'il existe une autre voie en matière de justice des mineurs.
Nous avons ainsi entendu Mme Guigou nous expliquer, lors de la discussion générale, qu'il fallait mettre l'accent sur la parentalité et se préoccuper de la place du père dans les familles. Bien entendu, nous sommes d'accord sur ce point. Mais, dans ma commune, j'ai mis en place un Conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance – CLSPD – et un Conseil des droits et devoirs des familles, CDDF. Or, je constate, comme tous mes collègues, que les conseils généraux de gauche refusent systématiquement de participer à ces conseils.
Alors, chers collègues de l'opposition, arrêtez de nous donner des leçons ! Mme Guigou nous dit qu'il existe une autre voie, qu'il faut se préoccuper de la parentalité. Mais que faisons-nous, dans les CDDF – où les mères sont d'ailleurs bien plus présentes que les pères –, sinon, précisément, nous occuper de la parentalité ? Nous avons là un outil extraordinaire pour tenter de régler des conflits qui, bien souvent, sont à l'origine de la dérive de certains mineurs, qui cessent progressivement d'aller à l'école, commencent à avoir de mauvaises fréquentations et sombrent dans la délinquance. Encore une fois, les outils sont là et il est dommage que, pour des raisons strictement idéologiques, l'opposition refuse bien souvent de les utiliser.
Ne tombez pas dans la caricature, que vous dénoncez. Vous nous parlez des CDDF, mais cela fait bien longtemps que, dans nos communes, lorsqu'il y a un problème avec un jeune, nous convoquons, avec l'accord du procureur dans le cadre du Conseil local de prévention et de sécurité – CLPS – ou de l'éducation nationale, le jeune et ses parents pour tenter de trouver immédiatement une solution. Nous n'avons évidemment pas attendu la loi pour mettre en oeuvre ce type de dispositifs. Mais, une fois que nous avons rencontré la famille, le jeune doit être pris en charge. Or, nous n'avons pas suffisamment de moyens humains, associatifs notamment, pour cela. Je parle évidemment des territoires les plus en difficulté ; certaines communes ont sans doute les moyens de financer un grand nombre d'animateurs, d'éducateurs ou de pédopsychiatres. Dans ma commune, par exemple, nous sommes submergés par les demandes émanant des familles et des jeunes, ainsi que de la justice.
Nous n'avons pas les moyens humains et financiers de prendre en charge les demandes qui nous sont faites. C'est bien de moyens financiers que nous manquons pour mettre en oeuvre des mesures de suivi individualisé des jeunes concernés, qui leur permettront de sortir des difficultés où ils se trouvent.
Mes chers collègues de la majorité, l'exemple du FIPD est un mauvais exemple, car je vous rappelle que vous avez voté, l'année dernière, une disposition selon laquelle les « mauvais maires » socialistes qui refusaient de mettre en place dans leur commune un conseil des familles – une mesure relevant pourtant de la libre administration, de la responsabilité de la gestion municipale – devaient se voir privés des financements du FIPD. Relisez la loi que vous avez votée, vous verrez que j'ai raison ! C'est là un véritable scandale, car chaque maire a le droit de mettre en oeuvre sur son territoire la politique de prévention de la délinquance qui lui semble la plus adaptée. Au nom de quoi vous permettez-vous de sanctionner les maires qui refusent de mettre en oeuvre la politique voulue par le Gouvernement ?
Je ne veux pas relancer la polémique au sujet de ce que vient de dire François Pupponi, avec lequel je suis, au demeurant, d'accord sur bien des points.
En revanche, comme Bernard Gérard, je m'interroge sur la réalité de la volonté politique de certaines institutions de notre pays de jouer le jeu de la solidarité, de la complémentarité et du travail en commun. Pour ma part, dès que la loi nous a permis de le faire, j'ai créé un CDDF dans ma commune et en cette occasion, j'ai écrit à toutes les institutions, en particulier à celle qui me paraissait devoir tendre les bras à une initiative de ce type, à savoir le conseil général, en charge de la protection de l'enfance. J'ai reçu en réponse une lettre du président du conseil général de mon département, me disant en substance : « Circulez, il n'y a rien à voir ! Vous n'avez pas à vous mêler de la protection de l'enfance, qui relève de nos attributions ! »
Je trouve aberrant qu'une institution de la République refuse, pour des raisons idéologiques, de coopérer avec une commune qui tente d'apporter, à son niveau, sa contribution à la prise en charge en amont des problématiques de la délinquance des jeunes.
Si nous voulons faire progresser notre débat, nous devons renoncer, comme nous sommes en train de le faire, à une vision caricaturale des choses où il y aurait les bons d'un côté, les méchants de l'autre ; nous devons également admettre qu'il n'y a aucune raison de rejeter certains moyens au profit du « tout préventif ». Enfin, je veux insister, en tant qu'éducateur, sur la vertu première de la sanction, notamment au sein de la cellule familiale : la vertu éducative. La sanction, ce n'est pas simplement une punition : elle doit également montrer, grâce à l'explication dont elle s'accompagne, que quelque chose doit changer. Le terme « sanction » n'est d'ailleurs pas toujours péjoratif : ainsi, on dira que la réussite d'une année d'étude est sanctionnée par l'obtention d'un diplôme. La sanction, c'est le moment clé marquant qu'un changement s'est produit.
De grâce, comprenons que la sanction est un outil qui peut servir à la prévention, et n'opposons pas les deux notions. Essayons plutôt de décliner un peu mieux, dans nos territoires, les belles paroles que nous entendons dans cet hémicycle.
Effectivement, nous devons nous garder de toute caricature. À Paris comme ailleurs, nous savons bien que la résolution des problèmes posés par les jeunes en difficulté passe forcément par la coopération des différents acteurs concernés. Chaque territoire a ses spécificités : ainsi, nous n'allons pas créer un CDDF quand il existe déjà, sur le territoire, plusieurs autres structures de concertation, qu'il s'agisse des structures de réussite éducative ou des contrats locaux de sécurité. Ce qui compte, c'est que les différentes structures puissent dialoguer et essayer de trouver des solutions ensemble.
Une fois les difficultés identifiées, il faut également pouvoir disposer de moyens pour entourer les jeunes qui en ont besoin. Trop souvent, la concertation n'aboutit qu'à la mise en oeuvre d'un transfert de charges, c'est-à-dire de compétences, sans que les moyens correspondants suivent. Mon expérience dans le 20e arrondissement de Paris m'a permis de constater que l'un des moments critiques dans le parcours d'un jeune est constitué par ses premières exclusions, mêmes temporaires, du collège. Même si le parcours scolaire de ce jeune n'était pas une réussite, son exclusion du collège et le fait qu'il se retrouve dans la rue, livré à lui-même, vont constituer une rupture, à partir de laquelle il va se mettre à filer un mauvais coton.
Lorsque des jeunes sont trop durs pour suivre une scolarité régulière sans perturber le fonctionnement de leur établissement, il faut pouvoir disposer de structures permettant de les accueillir durant les périodes d'exclusion. Nous avons créé une telle structure, et la ville de Paris fait des efforts pour en créer une autre, mais il est bien évident que les capacités d'accueil sont très insuffisantes par rapport au nombre de jeunes qui auraient besoin d'être repris en main quand ils font l'objet d'exclusions scolaires.
Alors que la réussite éducative et la lutte contre le décrochage scolaire sont des points essentiels en matière de prévention, les fonds de prévention de la délinquance ne sont pas toujours disponibles pour des actions dans ce domaine. C'est dommage, car ces fonds seraient sans doute plus utiles s'ils étaient affectés à la lutte contre le décrochage scolaire plutôt qu'à la vidéoprotection, comme ils le sont actuellement.
Sans vouloir rallonger plus qu'il ne le faut ce débat au demeurant très intéressant, je veux tout de même rappeler quelques points.
Premièrement, on ne peut pas à la fois réclamer toujours plus de décentralisation, et y renoncer lorsqu'elle est possible. Il faut donc prendre acte du nouveau partage des rôles entre l'État et les collectivités locales : la PJJ s'est recentrée sur ce qui est essentiellement pénal, tandis que les départements sont, eux, compétents en matière d'assistance éducative à la jeunesse – de ce point de vue, je parle aussi en tant qu'élu local. L'État a offert aux départements qui le souhaitent de signer des conventions afin d'organiser cette compétence partagée. Certains départements ont conclu une convention, d'autres non. Chaque collectivité a le droit de se déterminer comme elle l'entend, et je ne suis pas là pour distribuer les bons et les mauvais points aux collectivités locales – à cet égard, quand M. Pupponi affirme qu'il a toute légitimité à définir la politique de prévention mise en oeuvre dans sa commune, je suis d'accord avec lui.
En dépit du nouveau partage de compétences, l'État a consacré, dans le plan interministériel de prévention de la délinquance pour 2010-2012, seize mesures sur cinquante aux mineurs. On ne peut donc pas dire qu'il se soit désengagé de l'action relative aux mineurs. Certes, on peut toujours estimer que l'État n'est pas suffisamment présent – je suis prêt à entendre toutes les critiques –, mais on pourrait sans doute en dire autant des collectivités locales : ce serait tout aussi vrai, tout aussi vain.
Pour conclure, il me semble qu'une ardente obligation s'impose à tous – dans le respect de la liberté de chacun –, celle de signer les contrats locaux entre départements et PJJ afin de définir à l'avance le rôle de chacun. Cela permet une plus grande efficacité lorsqu'il faut agir, en évitant que les uns et les autres passent leur temps à se renvoyer la balle – car, vous en conviendrez, le sujet est trop sérieux pour que l'on se permette d'agir ainsi.
Puisque chacun fait état de son expérience, je ne veux pas laisser penser que les collectivités locales font constamment preuve de mauvaise volonté et s'emploient à saboter la politique de prévention mise en oeuvre par le Gouvernement.
J'ai été adjoint délégué à la sécurité de la ville de Nantes durant dix-neuf ans, c'est-à-dire jusqu'en 2008. Le conseil général de Loire-Atlantique, passé à gauche en 2004, était disposé à travailler avec moi. Cependant, dès qu'il a été question de partager des informations, nous avons assisté à une rébellion des services : pour des questions de protection du secret, il était manifestement impossible de travailler ensemble sur la protection de l'enfance et la sécurité.
Nous allons évoquer tout à l'heure la question du DUP et la façon dont les informations doivent être partagées. Il y a, dans ce domaine, des cultures qui s'opposent les unes aux autres et l'articulation entre la protection de l'enfance et l'enfance délinquante n'est pas, à ce jour, correctement assurée. Ce n'est pas une question de mauvaise volonté politique, avec les bons d'un côté et les méchants de l'autre : la vraie question, qui n'est pas réglée à ce jour, est de savoir comment trouver les articulations et les synergies nécessaires à un travail en commun.
Je rejoins Mme Pau-Langevin quand elle évoque le problème du décrochage. Je veux toutefois rappeler qu'en termes de moyens, onze établissements de réinsertion scolaire fonctionnent à ce jour, et il y en aura vingt à la rentrée prochaine. L'État investit donc de façon importante pour essayer de sauver ces jeunes qui, en décrochant, risquent de devenir des délinquants.
Je rappelle également que, depuis deux ans, des équipes placées auprès des recteurs ont pour mission de travailler, avec les principaux et proviseurs, sur le suivi des jeunes qui décrochent. Plutôt que de toujours critiquer, il faut aussi savoir reconnaître que des choses importantes sont mises en oeuvre actuellement.
Vous dites, monsieur le ministre, que l'État propose aux conseils généraux de contractualiser une politique en matière de prévention de la délinquance et de justice des mineurs, afin de mettre en oeuvre un travail partenarial entre les deux institutions ayant légalement en charge ces questions délicates. Pour notre part, nous souhaitons – et nous proposerons d'ailleurs des amendements en ce sens – que ce partenariat se continue au sein des contrats locaux de prévention de la délinquance. Les collectivités locales, qui se trouvent au coeur même des territoires concernés, sont forcément amenées à s'occuper des jeunes en difficulté et même des jeunes délinquants – en tout état de cause, le maire est responsable de la politique de prévention et de sécurité de sa commune.
Allons jusqu'au bout de cette logique, et tentons d'institutionnaliser une structure qui permettrait de mettre en action, de manière cohérente et coordonnée, l'ensemble des acteurs qui, d'une manière ou d'une autre, ont à s'occuper des mineurs : l'efficacité a tout à y gagner ! Dans ma commune, j'essaie désespérément de faire en sorte que les différentes institutions ayant vocation à agir auprès des mineurs acceptent de se parler. Croyez-moi, ce n'est pas facile, car, comme l'a dit Dominique Raimbourg, la culture du secret que pratiquent les différents services ne les incite guère au dialogue !
Il faudra bien, pourtant, que nous parvenions à établir ce dialogue, car les mineurs, eux, savent très bien passer au travers des mailles du filet. Si le monde des adultes, les institutions ne donnent pas aux mineurs le sentiment qu'ils sont encadrés, perçus et éventuellement aidés, ces mineurs nous échapperont. Il est donc indispensable de resserrer les liens entre les différents acteurs chargés d'intervenir auprès des mineurs.
Je ne dis pas que rien n'est fait, monsieur Lachaud, mais que sont vingt établissements au niveau national ?
Franchement, au regard de la problématique à laquelle nous devons faire face, cela ressemble fort à une goutte d'eau dans l'océan. Si nous ne faisons pas plus, nous allons être submergés par une vague énorme. De plus en plus de jeunes en difficulté sont rattrapés par le quartier, la cage d'escalier, l'économie souterraine. De plus en plus de jeunes sont happés par la délinquance : ces jeunes en déshérence, qui ne sont pris en charge par aucune structure sociale, sont rattrapés par les caïds du quartier, à qui ils servent de vigile ou de dealer.
Notre société ne peut accepter cet état de fait, qui constitue un véritable drame. Nous devons donc collectivement mettre en oeuvre les structures et les moyens qui nous permettront d'échapper à ce drame pour donner un avenir à notre jeunesse, dans la philosophie de l'ordonnance de 1945. C'est cela qui se joue : l'avenir d'une partie de notre jeunesse – celle qui a basculé ou risque de basculer dans la délinquance –, d'une partie de nos territoires, mais aussi des principes auxquels nous sommes attachés.
Je reviens sur la contractualisation avec les collectivités locales. Chacun a fait part de son expérience, je vais vous part de l'expérience de la région Île-de-France.
Avant 1998, la région Île-de-France ne s'occupait pas des problèmes d'insécurité et de violence. Il n'y avait donc ni budget ni commission spécifique. Nous avons mis en place un vice-président, une commission de la sécurité et nous avons contractualisé avec l'État. Dans le cadre des conventions signées avec les ministères de la justice et de l'intérieur, visant à aider l'État dans son action, la région prenait en charge la construction d'infrastructures – une maison de justice et du droit en matière de justice, des postes de police en matière de police.
Ayant pris part à cette démarche, je peux tirer le bilan de cette contractualisation. Au ministère de la justice, je mettrai tout juste la moyenne ; au ministère de l'intérieur, je mettrai une note largement au-dessous de la moyenne pour nous avoir piégés. Je comprends maintenant que des collectivités locales hésitent. Lorsqu'on nous présente des plans de constructions, nous prévoyons, dans nos exercices budgétaires, les sommes correspondantes. Or l'État ne suit pas. Nous sommes donc pénalisés en ce sens que les sommes consacrées aux constructions ne sont pas utilisées alors qu'elles auraient pu être mises ailleurs. La contractualisation constitue donc un piège pour beaucoup de collectivités locales. Elles préfèrent garder leur souplesse d'intervention plutôt que de contractualiser avec l'État compte tenu de la manière dont il fonctionne aujourd'hui.
Chers collègues, dans le cadre du temps programmé, chacun est libre de prendre la parole aussi longtemps qu'il le souhaite. Je vous fais toutefois observer que, sur ce sujet ô combien important, nous en sommes à la seizième intervention sur un amendement. Je vous propose d'avancer puisque d'autres amendements permettront d'y revenir.
(L'amendement n° 200 n'est pas adopté.)
S'il est important de lutter tous ensemble contre la délinquance et pour empêcher la jeunesse d'y verser, manifestement, l'option que vous avez choisie avec les tribunaux correctionnels pour mineurs n'est pas la bonne. Nous considérons comme essentiel de développer la prévention, notamment la prévention précoce. Il est regrettable d'avoir à constater que certaines structures extrêmement utiles, comme les maisons de justice et du droit, ne sont pas suffisamment financées, que le ministère de la justice n'y met pas les personnels qu'il devrait et que ceux-ci sont remplacés, ou pas, par des agents des collectivités territoriales.
Convenez, monsieur le ministre, que la protection judiciaire de la jeunesse a besoin de crédits. On ne peut pas dire que la délinquance des jeunes augmente et diminuer, comme récemment dans la loi de finances rectificative, les crédits alloués à la PJJ. Si ces échanges un peu longs peuvent avoir un intérêt, c'est celui de vous faire comprendre que les collectivités sont prêtes à s'engager sur la question de la prévention à condition que l'État ne retire pas les crédits qu'il consacre à ces sujets parce qu'ils sont indispensables pour ne pas avoir à affronter ultérieurement des situations infiniment plus graves.
Monsieur le ministre, en commission, vous vous étiez engagé, en répondant à un amendement de Mme Batho, à ce qu'un rapport du ministère de la justice fasse le point. M. Ciotti, pour sa part, en a remis un qui relance le débat sur le service civique, lui conférant, cette fois, un rôle de sanction. Le service civique est mis à toutes les sauces. Tout le monde tâtonne, chacun y va de sa proposition, il est à géométrie variable selon qui s'en saisit. À un moment donné, il va falloir faire le point sur ce qui existe, ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas.
J'ai été un des premiers dans cet hémicycle à défendre les établissements publics d'insertion de la défense, qui sont des structures très particulières fonctionnant sur le mode du volontariat. Le jeune qui s'y engage adopte une démarche d'approche positive, ce qui explique le succès réel et incontestable de ces structures. Les animateurs et les militaires qui encadrent ces EPIDE sont même invités à venir les présenter dans certaines cérémonies. Du fait du caractère volontaire de la démarche, la généraliser en en faisant une sanction serait abusif.
C'est pourquoi je souhaite que le rapport du ministère puisse établir un panel des situations. Ainsi, le service volontaire tel qu'il existe aujourd'hui connaît des succès et des échecs. Il est vrai que depuis la suppression, mal maîtrisée, on peut le dire ici, du service militaire en 1995, nous voyons bien – et cela est encore apparu dans les débats au sein de la commission de réflexion sur la nationalité – qu'il faut recréer, dans le roman national, un moment de civisme important. Ce moment de civisme ne peut pas être assimilé à une sanction, au contraire.
L'article 10 est la pierre angulaire de votre conception de la justice des mineurs en ce qu'il crée le tribunal correctionnel pour mineurs. Avant d'en dire quelques mots, je vous lirai ceci :
« Les textes de références majeurs en matière de justice des mineurs sont la convention internationale des droits de l'enfant et l'ordonnance de 1945.
« En accord avec ces engagements, il importe de préserver les principes suivants : la spécialité de la justice des mineurs, la spécialisation des magistrats, la spécificité des procédures, la primauté de l'action éducative, la proportionnalité et l'individualisation des réponses. Or ces principes connaissent de plus en plus de dérogations et notamment en ce qui concerne les mineurs âgés de seize à dix-huit ans.
« Ce projet de loi en est l'illustration, et l'on peut s'interroger sur son opportunité, sur la forme et sur le fond. Sur la forme, rien ne justifie une telle précipitation, alors qu'un projet de code de la justice pénale des mineurs est en préparation depuis 2008 et qu'il est annoncé dans l'exposé des motifs. Sur le fond, le texte porte une nouvelle atteinte à l'ordonnance du 2 février 1945 et marque un dangereux glissement de la justice des mineurs vers celle des adultes.
« Il convient donc de supprimer les dispositions concernant la justice des mineurs. »
Ce texte est l'exposé des motifs de l'amendement n° 37 de Mme Hostalier, inspecteur général de l'éducation nationale, ancienne ministre et membre du groupe UMP. On voit donc que nous traitons d'un sujet fondamental pour tous les bancs de l'hémicycle. Se joue aujourd'hui, monsieur le ministre, la manière dont notre république va appréhender les moyens de lutter contre la délinquance des mineurs, mais surtout préserver les principes fondateurs de l'ordonnance de 1945, c'est-à-dire, nous l'avons dit, redit et nous le redirons, qu'un mineur n'est pas un adulte et qu'on ne peut pas traiter un enfant comme un adulte.
À chaque fois que l'on prend une mesure coercitive, une sanction, à chaque fois que l'on met en cause un mineur dans un acte délictueux et répréhensible, il faut avoir à l'esprit la volonté éducatrice qui lui donnera une chance de s'intégrer d'une manière normale dans notre société. Voilà le fondement de l'ordonnance de 1945, qui, je le rappelle, a été signée par le général de Gaulle juste après guerre.
Or ce que vous faites régulièrement depuis des années trouve sa concrétisation aujourd'hui dans l'article 10. Devant votre échec à juguler la délinquance des mineurs, l'aggravation de cette délinquance, la violence de plus en plus importante de jeunes mineurs, vous créez des dispositifs spécifiques, des tribunaux ad hoc. Ce faisant, vous abaissez la majorité pénale : en créant un tribunal correctionnel pour mineurs pour les jeunes de seize à dix-huit ans, on abaisse de fait la majorité pénale et on ne considère plus un enfant comme un individu spécifique.
En créant ce tribunal correctionnel, en modifiant fortement la justice des mineurs, vous vous attaquez au fondement même des droits de l'enfant qui étaient encadrés depuis longtemps dans notre pays. L'ordonnance de 1945 a souvent été modifiée, amendée, pas toujours dans le bon sens, mais a tout de même conservé sa philosophie. Or, aujourd'hui, avec ce texte, vous attaquez de plein fouet cette philosophie et vous ébranlez de manière durable, et plus que critiquable selon nous, cet édifice du droit français dont la dimension éducative spécifique est reconnue, enviée, copiée même, dans le monde entier. Au moment où beaucoup de pays nous imitent, vous décidez d'attaquer cet édifice. C'est pourquoi nous proposons la suppression de l'article 10.
J'ai déjà largement répondu à M. Pupponi dans la discussion générale, mais je veux bien revenir sur ce sujet important. Si j'aime beaucoup M. Pupponi, j'aime plus encore la vérité. On peut avoir un débat à condition de se dire des choses vraies. Je ne peux pas accepter d'entendre dire que nous portons atteinte aux principes de l'ordonnance de 1945 parce que c'est faux.
L'ordonnance de 1945, également signée par François de Menthon, je l'ai devant moi. On retrouve dans le projet du Gouvernement les principes qui sous-tendent ce texte et qui ont été élevés au niveau constitutionnel par deux décisions du Conseil constitutionnel. D'abord, les tribunaux peuvent être spécialement composés – c'est le cas – et il peut y en avoir plusieurs.
Il y a la cour d'assises pour mineurs.
D'ailleurs, je vais vous rappeler la composition de la cour d'assises pour mineurs, dont vous n'avez pas dit un mot. Si la cour d'assises pour mineurs est conforme à l'ordonnance de 1945, je ne vois pas comment le tribunal correctionnel que nous créons pourrait ne pas l'être. Ainsi, la cour d'assises pour mineurs est présidée par le président de la cour d'assises normale, qui est nommé par le premier président de la cour d'appel. Les jurés de la cour d'assises pour mineurs sont ceux de la cour d'assises normale. Il n'y a pas de jurés spéciaux. Si cela est possible, les deux assesseurs sont juges des enfants, mais il peut n'y en avoir qu'un ou zéro. Alors qu'on peut parfaitement avoir une cour d'assises pour mineurs sans magistrat spécialisé, le tribunal correctionnel pour mineurs que nous proposons comprendra obligatoirement un magistrat spécialisé pour les mineurs. Dans sa composition, ce tribunal est donc tout à fait conforme à l'ordonnance de 1945.
Ensuite, ce tribunal correctionnel pour mineurs ne va pas appliquer la procédure du tribunal correctionnel de droit commun, mais celle du tribunal pour enfants.
Enfin, les peines qu'il prononcera seront celles prévues pour les mineurs, y compris les mesures de reconstruction de l'enfant.
Je comprends très bien que vous soyez contre ce tribunal, mais je ne vois pas en quoi il est contraire aux principes constitutionnels de l'ordonnance de 1945, qui fait elle-même référence à la loi de 1912. Je tiens l'ordonnance à votre disposition si vous voulez vérifier que la composition du tribunal est bien conforme aux obligations qui y sont prescrites ainsi qu'à la décision du Conseil constitutionnel rappelée à plusieurs reprises. Nous sommes restés complètement dans cet esprit. Il s'agit de tribunaux qui prennent les mineurs en fonction de la gravité de la faute et de leur âge, et qui apportent des réponses conformes à la loi pénale pour les mineurs. Nous ne sommes en rien sortis de cet esprit et vous n'avez rien démontré.
Article 10
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures, est reprise à dix-sept heures dix.)
L'article 10 vise à introduire, dans l'article 1er de l'ordonnance du 2 février 1945 le tribunal correctionnel pour mineurs dont il sera question par ailleurs à l'article 29 du présent texte.
Notre groupe est résolument opposé à la création d'un tribunal correctionnel pour mineurs récidivistes de plus de seize ans encourant une peine supérieure à trois ans.
Monsieur le ministre, j'ai écouté avec beaucoup d'attention ce que vous avez dit juste avant la suspension de séance. Vous avez le mérite de répéter un peu en boucle les mêmes arguments.
C'est de la pédagogie !
Peut-être, mais répéter des contrevérités ne fabrique pas une vérité. Vous n'avez pas réussi à nous convaincre, comme vous ne réussirez pas non plus à convaincre l'ensemble des experts de la question et des professionnels qui, dans ce pays, sont vent debout contre votre projet. D'ailleurs, ils l'ont encore dit avant-hier avec une certaine solennité dans une tribune publiée par un grand quotidien du matin. Ils considèrent que la justice des mineurs est assassinée – pour reprendre leur expression – par votre projet de loi.
Pour notre part, nous estimons, avec eux, que l'instauration d'un tel tribunal constitue en réalité un moyen d'aligner le traitement des mineurs sur celui des majeurs, remettant ainsi en cause le principe de spécialisation de la justice des mineurs, et conduisant inévitablement à terme et de manière détournée à abaisser la majorité pénale en France, dans un mouvement opposé à ce qui se produit dans les autres pays européens.
Ce n'est pas parce que l'on a seize ans et que l'on est récidiviste que l'on ne serait plus un enfant et que l'on ne devrait plus bénéficier de la justice des mineurs.
Alors que tous les experts constatent l'allongement de l'adolescence et la difficulté d'insertion des jeunes, il n'est pas convenable d'inventer une juridiction nouvelle. La solution passe plutôt, et tout le monde vous le dit, par un renforcement des moyens d'action éprouvés et efficaces de la justice des mineurs.
Contrairement à ce que vous avez indiqué tout à l'heure, en créant un tribunal correctionnel pour mineurs chargé des situations les plus complexes, le texte jette le discrédit sur le tribunal pour enfants et le dépouille d'une partie de ses attributions.
En résumé, comme l'indiquent très justement l'Unicef et la Convention nationale des associations de protection de l'enfance, cette surenchère législative sonne comme un aveu d'impuissance des pouvoirs publics à apporter des réponses adaptées à la délinquance juvénile et remet en cause l'efficacité des dernières réformes.
La parole est à Mme Marietta Karamanli, pour soutenir l'amendement n° 111 .
Nous avons bien entendu les propos du ministre sur l'article 10. Nous souhaitons le supprimer dans la mesure où nous défendons les dispositions de l'ordonnance du 2 février 1945 relatives à la spécialisation des procédures judiciaires pour les mineurs. Quand, sur le sujet, nous rencontrons des parlementaires d'autres pays membres de l'Union européenne ou, au-delà, du Conseil de l'Europe, ils évoquent l'ordonnance de 1945 comme une référence, aussi devrait-elle constituer pour nous une fierté.
Au cours des dix dernières années, une dizaine de réformes ont modifié cette ordonnance.
En réalité plus d'une trentaine !
Au moment où d'autres pays considèrent l'ordonnance de 1945, j'y insiste, comme une référence, le Gouvernement porte une nouvelle fois atteinte à ses principes et en particulier à celui d'une justice adaptée aux mineurs.
Le texte remet en cause l'article 1er de l'ordonnance qui dispose que « les mineurs auxquels est imputée une infraction qualifiée de crime ou délit ne seront pas déférés aux juridictions pénales de droit commun et ne seront justiciables que des tribunaux pour enfants ou des cours d'assises des mineurs ».
La sévérité présupposée d'une juridiction semblable à celle des majeurs ne suffit pas à elle seule à modifier par miracle le parcours des mineurs délinquants. Vous portez atteinte à l'article que je viens de citer. De plus, la composition de ce tribunal ne garantit en rien la spécialisation de la justice pour les mineurs puisqu'un seul juge des enfants est appelé à y siéger aux côtés de deux magistrats qui, eux, ne sont pas spécialisés et de deux jurés citoyens.
Ensuite, le texte est contraire au droit international et notamment à l'article 6 des règles des Nations unies pour la protection des mineurs privés de liberté. Dans sa résolution n° 4033 du 29 novembre 1985, l'Assemblée générale des Nations unies précise que, « eu égard aux besoins particuliers des mineurs et à la diversité des mesures possibles, un pouvoir discrétionnaire suffisant doit être prévu à tous les stades de la procédure et aux différents niveaux de l'administration de la justice des mineurs ».
Enfin, nous proposons la suppression de l'article 10 car le Conseil de l'Europe suggère régulièrement – y compris à la France – de développer une justice réparatrice et une médiation comme alternatives aux procédures judiciaires classiques. Or cet article instaurant un tribunal correctionnel pour mineurs est contraire à tout cela et aux principes fondamentaux qui régissent notre démocratie.
La commission émet bien évidemment un avis défavorable sur ces amendements de suppression.
Il s'agit ici des mesures essentielles du texte sur la justice des mineurs. Le tribunal correctionnel pour mineurs qu'il instaure ne déroge pas à la justice des mineurs : Comme nous l'avons déjà précisé au cours de la discussion générale, la procédure reste spécifique, l'excuse de minorité reste en vigueur – le quantum des peines reste donc divisé par deux pour les mineurs.
Rien ne vous permet donc, comme vous l'avez fait à maintes reprises, de prétendre que nous démantèlerions, voire que nous assassinerions la justice des mineurs – que n'ai-je d'ailleurs entendu comme déclarations tout en nuances ?
Ce texte institue une sorte de sas entre le tribunal pour enfants et le tribunal correctionnel classique qui juge les adultes. La juridiction nouvelle demeure spécifique aux mineurs récidivistes. Certains sont traités comme des mineurs quelques jours avant leurs dix-huit ans puis, pour la même infraction commise quelques jours plus tard, se retrouvent dans le « grand bain » de la justice des majeurs. Il est par conséquent nécessaire de trouver un sas entre la justice des enfants de treize ans et celle des adultes. Le tribunal correctionnel pour mineurs y pourvoit sans rien modifier de l'équilibre général de la justice pour mineurs, ainsi que le montre l'étude d'impact : ce tribunal ne concernera qu'environ 600 dossiers par an sur les 30 000 décisions de justice concernant des mineurs.
Je me répète peut-être, monsieur Dolez, mais c'est pour réaffirmer cette vérité : un tribunal correctionnel pour mineurs n'est pas un tribunal correctionnel de droit commun, mais un tribunal spécial comme il existe une cour d'assises spéciale pour mineurs dont vous n'avez pas dit un mot et dont le principe de spécialité est pourtant beaucoup moins affirmé que le tribunal dont nous vous proposons la création.
Cette idée, le Gouvernement ne l'a pas eue seul – j'ai bien compris que, dans votre esprit, il ne saurait en avoir une –, elle émane du rapport réalisé sous la présidence du recteur André Varinard, lui-même membre d'un tribunal pour enfants. Il connaît fort bien cette justice et il s'agit d'un spécialiste tout aussi valable que ceux cités tout à l'heure par les députés de l'opposition. C'est qu'on trouve toujours un spécialiste pour conforter ses thèses, monsieur Dolez.
Oui, et l'un des meilleurs !
Pas du tout ! Vous avez trouvé un petit groupe de votre côté, mais nous n'allons pas nous envoyer nos spécialistes à la figure puisque, en tant que parlementaires, vous allez souverainement décider.
Le tribunal correctionnel pour mineurs est conforme à l'ordonnance de 1945,…
…conforme aux décisions du Conseil constitutionnel qui rappelle qu'une juridiction pour mineurs doit répondre alternativement à l'une ou l'autre des deux conditions suivantes – que je rappelle pour l'énième fois – : soit une composition spéciale, soit une procédure spéciale.
Or le texte prévoit et la composition spéciale et la procédure spéciale ; il est donc tout à fait conforme à l'ordonnance de 1945 et aux décisions du Conseil constitutionnel. Ce sont bien les principes constitutionnels qui fondent la justice pénale des mineurs. Vous avez le droit de ne pas approuver nos propositions mais vous ne pouvez pas passer votre temps à ne pas dire la vérité, attitude qui conduit le Gouvernement à donner un avis défavorable à ces amendements de suppression.
Nous étions deux députés à siéger au sein de la commission Varinard, M. Geoffroy et moi-même. Je parle sous le contrôle de notre collègue et si ma mémoire me fait défaut, il me corrigera. La préconisation de créer un tribunal correctionnel pour mineurs a été la plus controversée au sein de la commission et a fait l'objet d'un débat très vif, au point de n'avoir été votée, si mes souvenirs sont bons, que par une voix de majorité. (M. Geoffroy fait un signe de dénégation.) M. Geoffroy fait signe que non, il est possible que ma mémoire me fasse défaut ; en tout cas, j'y insiste, cette préconisation aura été la plus controversée.
Par ailleurs, la création de ce tribunal est contraire à la fois à la lettre et à l'esprit de l'ordonnance de 1945. Contraire à la lettre car la cour d'assises des mineurs, qui est l'instance qui se rapproche le plus de la cour d'assises des majeurs, est composée autant que possible – toujours, dans les faits – de deux juges pour enfants et d'un président de cour qui ne l'est pas. Ainsi, les juges pour enfants sont majoritaires parmi les magistrats professionnels.
Ensuite, l'instauration d'un tribunal correctionnel pour mineurs est contraire à l'esprit de l'ordonnance de 1945 dont l'économie est relativement simple, de nature un peu paternaliste – et ce terme n'est pas une critique dans ma bouche. Dans le cas d'une famille qui a éprouvé des difficultés à éduquer l'enfant en cause, on chargera un juge des enfants de se substituer à elle dans une certaine mesure. Il intervient du début à la fin de la procédure : il est juge de l'instruction, prononce le jugement et, depuis la loi Perben – heureuse innovation –, juge de l'application des peines.
À cause de la création du tribunal correctionnel pour mineurs, le mineur va être renvoyé devant le premier tribunal disponible. Il sera donc jugé par un juge des enfants qui, certes, en aura la qualité, mais ne sera pas celui qui le suit habituellement. Un mineur difficile, rôdé aux juridictions, pourra, devant un tribunal qui le connaît mal, jouer de ses astuces, promettre qu'il ne recommencera jamais et, ainsi, « rouler dans la farine », si vous me pardonnez l'expression, des juges qui, je le répète, le connaissent moins bien que le juge qui le suit habituellement.
Dernière observation : si nous sommes attachés au respect de l'ordonnance de 1945, ce n'est pas dans l'esprit de la révérer, voire de la sanctifier. Seulement, pour que le suivi d'un mineur soit efficace, il doit être réalisé continûment par le même juge qui, passez-moi de nouveau l'expression, le « marque à la culotte » et qui ne se laisse pas abuser par les arguments d'un jeune malin habitué des tribunaux.
Voilà pourquoi nous sommes opposés à la création de tribunaux correctionnels pour mineurs. Nous savons par expérience que ce type de procédures va s'étendre plus largement que nous ne pensons et nous pouvons craindre qu'il ne devienne le droit commun.
Je rejoins d'autant plus facilement Dominique Raimbourg sur plusieurs points qu'il a rendu compte de manière très fidèle de la teneur des longs et riches mois de travail de la commission dite Varinard.
Toutefois, si, formellement, les propos de notre collègue ne sont guère contestables, les conclusions qu'il en tire dans le cadre de la présente discussion m'apparaissent beaucoup plus aléatoires.
Je ne crains pas d'être contredit en réaffirmant que l'objectif partagé par tous les membres de la commission Varinard – pourtant très divers quant à leurs opinions politiques ou à leurs professions – était d'actualiser l'ordonnance de 1945.
Par conséquent, prétendre que des éléments que l'on retrouve aujourd'hui dans le projet de loi détruisent l'esprit, l'histoire, la culture construite par l'ordonnance de 1945, c'est erroné si l'on n'est pas très au courant du travail qui a été accompli, et c'est plutôt fallacieux si l'on est un peu plus au courant. Je ne dis pas que c'est ce qu'a dit Dominique Raimbourg, mais je ne voudrais pas que l'on verse dans ce travers.
Le travail de la commission relève d'une démarche globale. J'ai d'ailleurs dit en commission des lois, et je l'ai dit devant vous, monsieur le garde des sceaux, que le seul regret que je pouvais avoir par rapport à ce projet de loi, c'est que les éléments qu'il contient, pour valides qu'ils soient, n'en sont pas moins déconnectés de la cohérence d'ensemble que nous avions construite. J'avais proposé, et la commission l'avait accepté après même pas une minute de débat, un intitulé, le « code de la justice pénale des mineurs » – c'était d'ailleurs l'intitulé sur lequel nous nous étions arrêtés –, dont le mérite était de bien montrer qu'il s'agissait de procéder, à travers ce nouveau code, à la réécriture, actualisée, mise en cohérence, de l'ordonnance de 1945.
C'est à la lumière de ce travail, auquel le Parlement – grâce à nous deux, monsieur Raimbourg, il faut le dire, mais aussi grâce à d'autres collègues qui étaient présents – a beaucoup contribué, qu'il faut analyser ce qui est proposé ici. La création d'un tribunal spécialement dédié, en matière correctionnelle, aux mineurs, ce n'est qu'une des propositions qui ont été faites. C'est celle qui a fait le plus de buzz, parce qu'elle a été en effet la plus chaudement discutée au sein de la commission, mais c'est une proposition parmi d'autres.
Notre collègue Karamanli a utilisé tout à l'heure l'argument qu'il ne fallait pas utiliser. Il s'agit bien d'un tribunal correctionnel spécial pour mineurs. Le dire, chers collègues, prouve qu'il s'agit bel et bien, comme l'a rappelé le ministre, d'un tribunal correctionnel spécialement dédié au traitement de la problématique des mineurs, et surtout de ceux qui sont le plus proches de la majorité. Il faut avoir le courage de reconnaître – et c'est un courage qui relève aussi de la responsabilité que nous avons vis-à-vis de nos jeunes – qu'à l'approche de leur majorité, certains jeunes ont un comportement pénal qui s'identifie beaucoup plus à un comportement d'adulte délinquant qu'à un comportement d'enfant. Il faut bien sûr continuer à les protéger, mais c'est un fait qu'ils basculent de plus en plus vers un comportement d'adulte.
C'est de cette gradation dans le parcours de l'enfant qu'il nous faut tenir compte, un enfant que nous voulons éviter de voir plonger dans la délinquance dure. C'est la règle d'or que nous avons suivie dans notre travail, lequel prend en compte toutes les évolutions antérieures, et notamment les deux lois de 2007 relatives à l'enfance en danger et à la protection de l'enfance.
Je tiens vraiment à dire que cette disposition, si elle a bien sûr été controversée et a fait l'objet de débats un peu âpres entre nous, a bel et bien été adoptée par la commission, et beaucoup plus largement que ne le disait Dominique Raimbourg. Elle l'a été dans le cadre d'une volonté d'ensemble, partagée par tous ceux qui ont participé à ces importants travaux.
Je me permets, monsieur le président, d'anticiper un peu sur ce qui est le corollaire de tout cela, à savoir le dossier de personnalité, dont un collègue disait l'autre jour, en commission, qu'il était la pire des abominations. Au contraire, s'il y a bien une demande unanime, très fortement exprimée sur tous les bancs de la commission Varinard, c'est bien la création de ce document qui permet de savoir, à chaque étape de son parcours, qui est le jeune, l'enfant auquel on a affaire. Car, comme le disait très justement François Pupponi, dès qu'on laisse un gosse s'apercevoir que les mailles du filet sont très lâches, il se faufile et plus personne ne peut ensuite l'aider à sortir du parcours délictueux dans lequel il s'apprête à entrer, ou dans lequel il est entré.
J'y insiste, ce mauvais procès fait au tribunal correctionnel pour mineurs est plutôt dangereux. D'une part, il y a une vraie traçabilité de la réflexion qui a conduit à la proposition qui nous est faite par le Gouvernement aujourd'hui. Et d'autre part, il faut être lucide : dans le domaine du pénal, s'agissant d'un enfant en difficulté qui en est arrivé à devenir lui-même délinquant, nous devons, adapter la prévention et la prise en charge à ce qu'est la délinquance aujourd'hui, sans oublier que l'essentiel, c'est bien la spécialisation. C'est dans cette logique que s'inscrit ce tribunal, mais c'est aussi dans la même logique que s'inscrit la cour d'assises pour mineurs, ou encore le « juge des enfants », lequel deviendra probablement, un jour, le « juge des mineurs », car il est beaucoup plus raisonnable de l'appeler ainsi. Nous avons ainsi plusieurs outils complémentaires, qui sont au service du mineur, et qui visent à traiter sa délinquance pour empêcher qu'il ne s'y enfonce davantage.
Monsieur Geoffroy, vous avez raison de dire qu'il y a une continuité dans la démarche qui est la vôtre depuis des années. Et d'ailleurs, pour être honnête, celui qui l'a théorisée, c'est le Président de la République. La démarche qu'il a entreprise comme ministre de l'intérieur, il la théorise aujourd'hui. Le regard que vous portez, qu'il porte, sur le mineur commence par son aspect physique. Les déclarations du Président de la République sont caractéristiques : « Vous comprenez, quand un jeune fait un mètre quatre-vingt, quand il est baraqué comme un champion de karaté, on ne peut plus le considérer comme un enfant ». Je ne fais ici que reprendre ses déclarations.
Vous êtes en train de considérer que quand un mineur est multirécidiviste, la multiplicité de ses actes de délinquance en fait un adulte. Il est là, le problème.
C'est le discours que vous nous tenez depuis des années : « Il multiplie des comportements qui sont de plus en plus violents. C'est donc un adulte, et il faut mettre en place des dispositifs juridiques qui prennent cela en compte. »
Nous, nous disons l'inverse. La question qui est posée est celle de savoir pourquoi ces mineurs sont devenus des multirécidivistes. C'est donc que, au point de départ, notre système n'a pas fonctionné. C'est pour cela que nous faisons toutes ces propositions de détection précoce. Et je pourrais vous citer des dizaines et des dizaines d'exemples de jeunes qui sont peut-être super-baraqués, comme vous dites, mais qui ont des cervelles d'oiseau, ce dont témoigne leur comportement, y compris celui qu'ils ont dans leur parcours judiciaire. Il se trouve que je suis, comme je le dis souvent, le député de la prison de Fleury-Mérogis. De fait, en tant que député, j'ai sous ma responsabilité le centre des jeunes détenus, que je fréquente régulièrement. Et quand je discute avec les éducateurs ou avec le personnel de l'administration pénitentiaire, que me disent-ils des jeunes qui y sont détenus ? Qu'ils sont de plus en plus immatures. Par le passé, on pouvait estimer assez facile de leur tenir un discours consistant à les mettre en garde : « On te met face à tes responsabilités. Voilà ce que tu risques de devenir ». Aujourd'hui, ce discours n'a plus aucun effet.
Cela montre que c'est en amont qu'il faut travailler. Et ce n'est pas faire de l'angélisme que de dire cela. C'est pour cela que nous disons qu'à la première faute, il doit y avoir une sanction, un suivi, un soutien, et que l'on ne peut pas se passer ce jeune délinquant de mains en mains en attendant la suite. Si vous ne faites pas cela, vous créez évidemment les conditions qui vont conduire à la récidive. Et après, vous êtes évidemment impuissant face à ces multirécidivistes. Et vous n'avez plus d'autre solution que de durcir les dispositifs.
Il y a quand même un paradoxe. Quand vous donnez des explications sur ce tribunal correctionnel pour mineurs, vous êtes sans cesse sur la défensive. C'est ce que vous m'avez dit tout à l'heure, monsieur le ministre : « Vous allez voir, cela ne va concerner que quelques dizaines de cas. » Vous essayez en permanence de nous donner des gages : « Pourquoi vous vous inquiétez ? Ce sont juste quelques cas. » Nous sommes en droit de vous répondre : « Mais alors, pourquoi vous le faites ? Si ce ne sont que quelques cas, pourquoi êtes-vous obligés de faire cela ? »
Et si vous le faites aujourd'hui dans l'intention de répondre à quelques cas, qui nous dit que demain, vous ne vous laisserez pas emporter par la vague, sous l'influence des grands titres de la presse à grand spectacle, qui ne prend rien d'autre en considération que la nécessité de faire du spectacle ? Nous savons d'ailleurs tous que lorsque des actes de délinquance sont au journal de vingt heures ou à la une d'un quotidien, la violence est encore plus forte le lendemain, parce que les jeunes sont alors devenus des acteurs. Comme on dit, « vu à la télé », ça donne une prime ! Qui nous dit, donc, qu'à partir de ce dispositif que vous estimez extrêmement prudent, il n'y aura pas une généralisation ?
Non, ça ne colle pas, votre système. Il n'est pas vrai qu'un tribunal correctionnel aura des vertus pédagogiques en raison de sa solennité. D'abord, je suis à peu près certain que, dans le cadre de ces audiences, les juges eux-mêmes seront surpris des personnages qu'ils auront en face d'eux – qu'ils retrouveront, d'ailleurs, parce qu'ils les connaissaient auparavant. Il n'y aura donc pas du tout de caractère solennel, ce qui obligera à durcir les peines. Ce sera une fuite en avant.
Nous savons tous que pour cette catégorie de jeunes, la prison est criminogène. Elle fait maintenant partie d'un parcours. Nous l'avons vérifié, avec un certain nombre de policiers, dans mes quartiers. Nous savons désormais que les affrontements quotidiens avec les forces de police sont les moments d'un parcours initiatique voulu par les grands caïds, qui vont ainsi sélectionner les plus déterminés, ou les plus durs. Les passages réguliers devant l'institution judiciaire constituent une forme de sélection, qui conditionne l'accès à un stade supérieur de la délinquance.
Il y a donc dès le départ une erreur méthodologique. Depuis dix ans, vous êtes enfermés dans ce stéréotype du mineur cagoulé, ou avec la capuche sur la tête, qui est multirécidiviste, qui parle mal, qui se comporte mal, qui a la casquette de travers, et qui est, pour vous, irrécupérable. Parce que c'est cela, le fond de l'affaire. Quand on discute avec vous en privé, vous nous dites : « On ne sait plus quoi faire ». Et vous n'êtes pas les seuls, d'autres nous le disent aussi. Si vous ne savez plus quoi faire, c'est parce que vous ne vous posez pas la vraie question, celle qui impose de faire une révolution. Depuis des années, nous sommes un certain nombre à vous dire que la vraie question, c'est celle de l'amont. La détection précoce, c'est la seule solution.
C'est pourquoi je redis que l'exemple à suivre, c'est celui du Québec. Vous le savez comme moi. Tous ceux qui y sont allés ont vu la manière dont les choses se passent et dans quelles conditions le système actuel a été mis en place. Et pourtant, les Québécois auraient pu, et c'est cela qui est intéressant dans leur expérience, se laisser contaminer par l'exemple du grand frère américain, celui de la tolérance zéro, de la sanction systématique et de l'enfermement, toutes choses qui ont conduit les États-Unis à une situation où près de 1 % de la population est en prison, avec toutes les conséquences que l'on sait. Ils n'ont pas suivi cette voie, et ce sont eux qui ont réussi. Certes, tout n'est pas parfait au Québec, mais c'est quand même là-bas que se trouvent les solutions.
Ce débat se poursuivra dans les mois à venir. Il n'y a pas, d'un côté, ceux qui nient les problèmes, et de l'autre, ceux qui les affrontent. Nous disons que les instruments que vous mettez en place aboutiront inévitablement, que vous le vouliez ou non, à la remise en cause des principes sur lesquels repose la justice des mineurs. Ces principes-là, nous pensons qu'il faut au contraire les renforcer. Parce que les jeunes dont nous parlons ne font pas preuve d'une plus grande maturité. Ils font preuve d'une plus grande immaturité.
Monsieur le ministre, pour justifier la création du tribunal correctionnel pour mineurs, vous avez cité le recteur Varinard. Or il se trouve que nous l'avons auditionné, et nous avons bien vu qu'il prenait une certaine distance par rapport à ce projet. Il a bien dit, lors de son audition, que s'il avait, certes, envisagé la création d'un tribunal correctionnel pour mineurs, c'était dans le cadre d'une gradation des sanctions. À ses yeux, ce qui était important, et ce qui avait une valeur éducative, c'est que le mineur comprenne qu'à chaque stade, la sanction qu'il encourt va être un peu plus importante. Ce qui le gênait manifestement, dans votre texte, c'est que, clac, il organisait directement la comparution devant un tribunal qui, dans son esprit, devait constituer le dernier stade d'une série graduée de sanctions susceptibles d'être prises à l'encontre d'un mineur. Ce qu'il proposait, c'était un parcours de sanctions. C'est cela qui avait une valeur pédagogique. Votre texte s'écarte de cette idée. Voilà ce qui est dérangeant.
Le recteur Varinard disait même, lors de son audition, que ce qui lui semblait inadapté, c'était précisément le fait que l'on ne pourrait faire comparaître le mineur devant ce tribunal correctionnel que jusqu'à son dix-huitième anniversaire. Dans beaucoup de pays européens, un tribunal spécifique est prévu, certes, à partir de seize ans, mais juge les auteurs de délits jusqu'à l'âge de vingt et un ans, afin que cette catégorie, « les jeunes », soit bien prise en compte.
L'anomalie, dans votre démarche, c'est qu'elle ignore cette donnée nouvelle : dans notre société, les jeunes qui ont entre seize et vingt et un ans sont beaucoup moins autonomes qu'ils ne l'étaient par le passé. Autrefois, certains jeunes commençaient à travailler à quatorze ou quinze ans, certains fondaient une famille assez tôt. Dans notre société, au contraire, il y a toute une période intermédiaire durant laquelle le jeune reste dans une sorte de statut adolescent. Il n'a pas d'emploi, il est vaguement à l'école, il n'y est plus, il peut avoir une petite copine, mais sans être en mesure de créer avec elle un foyer. Ainsi, vous avez des jeunes qui restent des semi-adultes quasiment jusqu'à vingt-cinq ou trente ans.
Paradoxalement, vous voulez avancer l'âge auquel ils vont être traités comme des adultes sur le plan pénal. Il y a une anomalie qui ne tient pas compte de la situation réelle dans laquelle sont les jeunes aujourd'hui.
Vous dites montrer la même prudence que pour la cour d'assises des mineurs, dont, observez-vous, nous ne parlons pas. En fait, vous êtes en train de suivre la même pente néfaste, puisque dans ce texte, vous avez repris la proposition de loi Lang-Baroin sur la publicité des audiences en cour d'assises des mineurs qui me semble particulièrement malvenue. La non publicité est inspirée par le fait que le mineur est une personnalité qui mérite d'être protégée. Mais en élargissant la publicité devant la cour d'assises des mineurs, vous rapprochez la procédure en cour d'assises des mineurs de celle des majeurs.
Par conséquent, là encore, vous n'avez pas confiance dans les principes de l'ordonnance de 1945 selon lesquels le mineur, même s'il a infiniment tort, doit être traité comme une personnalité en construction, et par conséquent, nous devons faire confiance à la valeur éducative des mesures prises à son encontre.
Madame Pau-Langevin, je ne sais pas quelle langue il faut parler !
En français, ça ne marche pas. Vous dites que le tribunal correctionnel pour enfants doit être une étape dans une démarche progressive. C'est exactement ce que nous proposons ! Il s'agit de mineurs de plus de seize ans qui sont récidivistes. Nous n'allons pas parler de parcours, comme s'il fallait un parcours de la délinquance, mais s'ils sont récidivistes, c'est qu'ils ont déjà commis des actions qui constituent des délits.
Ce tribunal correctionnel correspond donc tout à fait à la définition que vous donnez. Mais plutôt que de le reconnaître, vous préférez nier ce qui est écrit dans le texte. J'avoue que je suis dépassé.
Quant à la proposition Lang, vous n'avez qu'à mieux gérer votre groupe ! M. Lang est un excellent juriste, agrégé de droit, et donc il connaît parfaitement toutes ces questions.
Monsieur le ministre, je crois que nous parlons de la même chose. Oui, le tribunal correctionnel pour mineurs que vous allez instaurer peut être considéré, en vertu de l'article 1er de l'ordonnance de 1945, comme une juridiction spéciale au même titre que le tribunal des enfants et que la cour d'assises pour mineurs. Sur la forme, nous pouvons être d'accord.
Mais, les interventions du ministre et de M. Geoffroy le confirment, vous créez une nouvelle entité avec ce tribunal correctionnel pour enfants. Avant, il y avait des mineurs et des majeurs, dorénavant il y aura les enfants entre zéro et seize ans, entre seize et dix-huit, et les adultes.
Oui, mais vous créez un dispositif particulier pour certains mineurs, que vous appelez multirécidivistes, et que vous cantonnez entre seize et dix-huit ans. Mais comme je le disais lors de la discussion générale, vous devrez ensuite étendre la gradation à quinze, quatorze, à douze ans !
Parce qu'aujourd'hui, dans certains quartiers, les mineurs multirécidivistes ont douze ans, treize ans, et non pas seize ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Serait-il possible qu'un jour, dans ce pays, on essaie d'écouter des élus locaux qui vivent des situations spécifiques ?
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Et nous, nous sommes quoi ?
Nous vivons des situations spécifiques qui seront la situation générale de demain. Aujourd'hui, dans les quartiers les plus en difficulté, les mineurs récidivistes ont douze, treize, quatorze ou quinze ans. Ce que vous nous proposez n'est déjà plus adapté aux mineurs auxquels nous sommes confrontés sur certains territoires. Vous êtes déjà en retard, si l'on veut aller dans votre logique.
Acceptez que nous puissions avoir raison, et nous en reparlerons dans quelque temps. Faites-nous grâce de cela !
Ce n'est pas un procès d'intention, nous vous disons que la récidive des mineurs est beaucoup plus précoce que seize ans ! Allez discuter avec les policiers, les juges pour enfants, les éducateurs spécialisés, c'est ce qu'ils vous diront.
Ce n'est pas en créant des juridictions particulières nouvelles que vous réglerez le problème.
Parce que nous avons aussi une certaine expérience, et lorsque nous mettons d'autres dispositifs en oeuvre, cela fonctionne !
Ce n'est pas nous qui sommes aux affaires depuis dix ans ! Ce qui a été fait avant 2002, nous l'assumons, et vous n'étiez pas les derniers à nous en faire le reproche à l'époque. Mais depuis 2002, vous pourriez avoir un peu d'humilité dans ce domaine. Votre discours tendant à dire que la délinquance évolue, et que cela rend les choses compliquées et difficiles, il ne sert qu'à vous rassurer. Le fait est que dans ce domaine, vous avez échoué, comme nous, nous avions échoué.
Ayons au moins l'honnêteté intellectuelle de le reconnaître. Nous avons échoué en 2002, et nous avons essayé de comprendre pourquoi. Vous avez échoué depuis 2002, essayez de comprendre pourquoi. Ne soyez pas dans le déni comme nous l'avons été.
Si l'on part du principe que nous avons échoué collectivement sur la délinquance des mineurs, nous pouvons admettre que certains, qui ont anticipé cet échec, ont mis en oeuvre depuis plusieurs années des dispositifs qui fonctionnent. Comme le disait Julien Dray, la prise en compte précoce d'un certain nombre de problématiques comportementales de mineurs très jeunes fonctionne. Nous arrivons à éviter que les jeunes basculent dans la délinquance multirécidiviste. Le fruit de notre expérience nous prouve qu'il y a d'autres solutions.
Mais je suis persuadé que votre tribunal correctionnel pour mineurs n'impressionnera en rien ces mineurs multirécidivistes, parce qu'ils ne sont pas capables aujourd'hui d'entendre ce que leur dit le monde de la justice dans le cadre actuel. Et ce sera pareil demain, vous pourrez créer tous les tribunaux que vous voulez, les jeunes n'entendront pas, parce que comme l'a dit Julien Dray, ce sont des délinquants, certes, et il faut les sanctionner, mais ce sont avant tout des adolescents, et pour certains, des enfants. Il faut trouver d'autres moyens qu'un tribunal de plus pour faire en sorte qu'ils ne deviennent pas des délinquants multirécidivistes.
Par rapport à l'ordonnance de 1945, créer un tribunal spécifique pour les jeunes entre seize et dix-huit ans c'est créer une nouvelle entité contraire à l'ordonnance, qui ne distinguait que les enfants, mineurs, et les majeurs. Vous créez une catégorie particulière, qui n'existait pas avant.
Je voudrais répéter à M. Pupponi, pour la dernière fois, qu'il aborde deux questions, de manière très habile, parce qu'en les mélangeant, il part sur une question et arrive sur l'autre. Quand il dit que ces mineurs ne respectent aucun tribunal, qu'il s'agisse du tribunal pour enfants ou autre, il a peut-être raison, mais notre rôle ici est d'organiser la justice pour mineurs. Il faut qu'il existe une justice pour mineurs.
On ne peut pas brandir l'ordonnance de 1945 en permanence et puis dire qu'elle ne sert à rien.
L'excuse de minorité et la classification des personnes par catégories d'âge sont une création de l'ordonnance de 1945. Vous y trouverez la catégorie des mineurs âgés de plus de seize ans, puisque l'ordonnance prévoit que pour les mineurs âgés de plus seize ans, par une décision spécialement motivée, le tribunal pourra décider qu'il n'y a pas lieu de retenir l'excuse atténuante de minorité.
L'article 20 de cette même ordonnance prévoit : « Le mineur âgé de seize ans au moins, accusé de crime sera jugé par la cour d'assises des mineurs ». C'est donc l'ordonnance de 1945 qui crée un tribunal dont les caractéristiques se rapprochent plus ou moins du droit commun en fonction de l'âge.
Tout à fait, concernant les sanctions, l'article 64 prévoit la façon dont le juge peut s'affranchir de l'excuse légale de minorité.
Nous nous inscrivons donc totalement dans le cadre de l'ordonnance de 1945, et ce n'est pas par fétichisme. Je dénie à quiconque le droit de me dire que je ne suis pas attaché aux principes contenus dans l'ordonnance de 1945. J'y suis profondément attaché. Je sais très bien que toute loi peut être bafouée, et je comprends que dans les quartiers que vous connaissez bien, quelle que soit la loi, celle de 1945 ou d'aujourd'hui, elle n'est pas perçue comme étant la loi par un certain nombre d'individus mineurs.
Ce n'est pas une raison pour ne pas légiférer. Qu'il y ait besoin d'autre chose, nul n'en disconvient. Mais il faut aussi faire la loi, et nous restons fidèles aux principes posés en 1912 et repris à la Libération par une nouvelle République. Je dénie donc à quiconque le droit de me contester cette filiation et ce respect. On peut se disputer sur beaucoup de choses, mais il faut respecter nos convictions, qui peuvent être partagées par beaucoup.
Je ne pense pas que nous arriverons à vous convaincre dans les minutes qui viennent, mais vous m'excuserez de vous dire, monsieur le ministre, que vous nous demandez de vous écouter, mais moi, vous ne m'avez pas écouté. Vous n'avez pas répondu à toutes les questions que je vous ai posées, ni à la démonstration que je vous ai faite de ce qu'était, aujourd'hui, un multirécidiviste.
Tant que nous ne pourrons pas être d'accord sur ce parcours, vous vivrez avec une image symbolique, qui n'est pas la bonne, et vos dispositifs ne seront pas conformes à la réalité.
Prenons l'exemple de la ville de Grigny. Vous savez comme moi que nous avons des incidents presque tous les soirs au quartier du méridien à Grigny. Ce sont des incidents violents, qui ont donné lieu à des jets de cocktails Molotov, et des fonctionnaires de police ont été grièvement blessés. Préfet, élus, maire, nous sommes tous extrêmement préoccupés par la dérive de la situation, d'autant que Grigny est la ville où, pour la première fois en France, on a tiré avec un fusil sur les forces de l'ordre ; c'était en 2005. Et celui qui a tiré n'est toujours pas en prison.
J'avais dit en 1999 : « Un jour, les armes qui circulent serviront. » Malheureusement, elles ont servi ! Nous sommes tous inquiets pour l'avenir.
De quoi est composé le noyau de personnages, qui en permanence – quasiment un soir sur deux –, va à l'affrontement avec les forces de l'ordre ? Ce sont pour la plupart des multirécidivistes, bien connus des services de police, et ils sont très jeunes. Ils ne sont pas âgés de seize ou dix-huit ans – le directeur de la sécurité publique les qualifiait de « petits moineaux ». Ils effectuent un parcours initiatique, drivé par les plus durs et les plus vieux. Ces derniers vont se servir de ces affrontements pour sélectionner ceux qu'ils vont faire entrer dans leur gang, soit pour distribuer, soit pour surveiller, soit pour approvisionner.
Telle est la situation à laquelle il faut répondre. Je vois que Mme Alliot-Marie, qui est parmi nous approuve un certain nombre de propos, …
…car elle sait bien, en qualité d'ancien ministre de l'intérieur, que je ne raconte pas de cracks, comme on dit. Je décris une situation qu'elle a dû vivre quand elle était ministre de l'intérieur.
Le texte créé une similitude de juridiction avec les adultes. Et vous nous assurez que celle-ci ne conduira pas à une juridiction pour adultes.
Mais nous pensons que, comme vous n'êtes pas capables de comprendre cette situation (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et NC), la similitude de juridiction que vous allez créer vous conduira inévitablement à une similitude des peines et donc à remettre en cause, quelles que soient vos convictions – là n'est pas le problème –, la justice spécifique que nous voulons pour les mineurs.
Vous avez le droit de vous énerver, mais ce n'est pas parce que vous vous énervez que vous avez raison. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
Je constate que vous avez été incapables de comprendre durant dix ans ! Et cela me désole, me désespère ! (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Si vous voulez aller sur ce terrain, alors allons-y ! Si vous aviez réussi, on n'assisterait pas à des tirs avec des armes, qui sont généralisés dans les quartiers. Nous ne serions pas arrivés au point où les policiers ont peur de rentrer dans un certain nombre de quartiers. On ne serait pas dans la situation où un maire en appelle à l'armée, car il n'arrive plus à maintenir l'ordre public.
Voilà la réalité dans laquelle nous sommes et c'est vous qui en portez la responsabilité, parce que vous dirigez le pays. (Protestations sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Je vous en prie, mes chers collègues. Soit les esprits redeviennent sereins, soit nous allons suspendre la séance quelques instants, pour que chacun puisse reprendre ses esprits.
Je souhaite que nous puissions continuer à débattre calmement, comme nous l'avons fait jusqu'à présent, afin d'éviter une suspension de séance, qui ne sert à rien, comme chacun le sait.
La parole est à M. Marc Dolez.
Nous examinons un point essentiel du texte, qui est lourd de conséquences.
Vous m'accorderez que, pour nous prononcer dans de bonnes conditions, nous avons besoin d'être parfaitement informés et de recueillir le point de vue de celles et de ceux qui sont constamment confrontés sur le terrain à ces questions et qui sont, comme nous, attachés au principe de la justice des mineurs.
À dix-huit heures, de nombreuses organisations représentatives organisent un rassemblement devant notre assemblée pour réaffirmer leur attachement au principe de la justice des mineurs. Afin d'avoir la possibilité de rencontrer une délégation, je vous demande, au nom de mon groupe, un quart d'heure de suspension de séance.
Monsieur Dolez, la suspension de séance est de droit. Mais je ne pense pas que nous devions, chaque fois qu'un député ou un groupe souhaite recevoir telle ou telle délégation, interrompre la séance un quart d'heure.
Article 10
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures cinq, est reprise à dix-huit heures quinze.)
Je souhaite répondre à M. Dray, qui m'a interpellée en tant qu'ancien ministre de l'intérieur.
Dans cette fonction comme en qualité de ministre de la justice, j'ai bien vu qu'il y avait dans les quartiers des délinquants et des récidivistes de plus en plus jeunes. Il y en a qui ne sont âgés que de sept ou huit ans et qui sont déjà des multirécidivistes.
M. Dray estime que notre action ne permettrait pas de détourner les mineurs de la délinquance, notamment parce qu'ils sont encadrés par des jeunes majeurs qui les testent. Non, monsieur Dray, ils ne se contentent pas de les tester, ils les instrumentalisent en leur disant qu'ils ne risquent rien.
Voilà la faille du système actuel. C'est la raison pour laquelle il me paraît indispensable de suivre la proposition du garde des sceaux car nous avons besoin d'une réaction rapide afin que l'exemplarité de la peine prenne tout son sens. M. Dray le sait aussi bien que moi, la sanction intervient beaucoup trop tard, des mois ou des années après l'acte délictueux, ce qui a forcément un impact sur la récidive. En outre, les jeunes n'ont pas la même notion du temps que les adultes. La longueur des procédures ne permet pas de traiter le problème de la récidive. Le tribunal correctionnel pour mineurs constitue une réponse dans la mesure où les sanctions seront prononcées dans des délais plus brefs.
Les actions de formation, de prévention sont nécessaires, mais les sanctions doivent intervenir rapidement : la sanction ayant valeur d'exemple joue un rôle dans la prévention.
C'est la raison pour laquelle j'ai toujours plaidé pour que tous les acteurs concernés – l'école, les familles, la justice, la police, les collectivités territoriales – jouent leur rôle, chacun dans son domaine de compétence, sans laxisme de la part de quiconque.
En ce sens, ce texte donne un très bon signal. Non seulement j'espère qu'il sera largement voté, mais qu'il sera rapidement appliqué.
Les maires de villes moyennes sont, chaque jour, chaque semaine, confrontés à la délinquance des jeunes. Hélas, ils sont bien souvent dans l'incapacité de trouver des solutions pour rétablir le calme.
Pas plus tard que dimanche, dans ma ville de Villefranche-sur-Saône, des jeunes se sont attaqués à des sportifs sur un terrain de sport. Il y a quelques jours, en pleine nuit, ils ont barré des voies et se sont attaqués aux policiers.
Face à de tels événements, force est de constater que les mesures qui sont à notre disposition ne sont pas adaptées. C'est donc à juste titre que M. le garde des sceaux nous propose des dispositifs qui permettront de répondre à ces situations nouvelles. Les jeunes qui ont entre quinze ans et dix-huit ans aujourd'hui n'ont plus rien à voir avec les jeunes d'il y a quelques années. Certains, parfois dès l'âge de dix ou onze ans, sont rompus à des pratiques délictueuses dans nos quartiers. Il faut donc savoir s'adapter à ces réalités et à cette évolution.
Nous ne rejetons pas la prévention et des mesures existent déjà sur le terrain…
…comme les contrats locaux de sécurité et de prévention de la délinquance avec des mesures de rappel à l'ordre, le conseil pour les droits et les devoirs des familles, qui constituent un arsenal de mesures juridiques de mesures adaptées, de prévention, d'écoute, de rappel à l'ordre. À partir d'un certain moment, il faut bien que les faits de délinquance soient sanctionnés et il faut également que les jeunes apprennent ce qu'est la sanction, ce qu'est le respect, ce que sont les règles de la République.
Je suis convaincu que les maires de villes moyennes sont nombreux à souhaiter l'adoption de cette disposition.
En effet, madame Alliot-Marie les jeunes sont utilisés, instrumentalisés.
Il est vrai qu'à une certaine époque, les caïds – même si je n'apprécie guère ce terme – les jeunes délinquants, de jeunes chefs de gangs, poussaient – pour se faire une réputation dans la cité ou la réputation de la cité – les plus jeunes à agir en leur disant qu'ils ne risquaient rien. Je pense que la situation a évolué. Nous sommes désormais au-delà de l'instrumentalisation, dans une sorte de parcours initiatique visant à éprouver le caractère ou la force de résistance des jeunes. J'irai même jusqu'à dire que le « grand » délinquant souhaite que le mineur aille en prison. Il sélectionnera ensuite les plus durs, ceux qui ont le mieux résisté en garde à vue pour ensuite les faire entrer dans le dispositif mafieux. C'est, hélas, ainsi que les choses ont évolué.
Les émeutes des cités n'ont plus rien à voir avec ce qui se passait dans les années 1980 ou 1990 où existaient de petits noyaux durs. Aujourd'hui, c'est beaucoup plus compliqué car nous avons affaire à de véritables réseaux.
Je suis convaincu qu'il y a dix ou douze ans, les faits que vous évoquiez, monsieur Perrut, étaient rarissimes.
Si dans les villes moyennes, nous en sommes à déplorer ce genre d'incidents, dans les banlieues, nous devons faire face à d'autres incidents et faits graves qui risquent de se généraliser.
Quel est l'âge des délinquants que vous avez évoqués, monsieur Perrut ?
Les jeunes de onze ou douze ans ne sont pas concernés par le dispositif des tribunaux correctionnels pour mineurs, monsieur Perrut. Vous souhaitez l'application du dispositif proposé par le garde des sceaux, dites-vous. Or ce dispositif ne répond pas à votre problème.
Le tribunal correctionnel pour mineurs ne jugera pas ceux qui ont 11 ou 12 ans. Vous devriez plutôt soutenir notre dispositif. Oui, nous sommes favorables à la sanction, mais pour une sanction précoce. Nous sommes pour une sanction ferme, dès le premier acte de délinquance.
Nous sommes favorables aussi à un suivi. Or ce n'est pas ce que vous proposez. Vous instaurez un autre système dans lequel vous laissez en quelque sort le parcours délinquant se dérouler pour n'intervenir qu'une fois les faits commis, en sanctionnant très lourdement, dans le cadre symbolique du tribunal correctionnel pour mineurs. C'est là que réside la divergence de vue entre nous.
Je suis saisi d'un amendement n° 105 , tendant à supprimer l'article 11.
La parole est à Mme Marietta Karamanli.
Sans revenir sur le long débat qui a eu lieu sur l'article 10, je souhaite préciser à M. Guy Geoffroy que notre position n'est pas contradictoire et lui faire remarquer que, contrairement au tribunal correctionnel pour mineurs, dans lequel siègeront des jurés n'ayant rien à voir avec l'enfance, le tribunal des enfants comprend des assesseurs spécialisés dans les questions de l'enfance.
L'amendement n° 105 vise à supprimer l'article 11 qui autorise les juges à cumuler une peine et une sanction éducative. L'esprit de l'ordonnance du 2 février 1945 pose que la peine est une mesure qui n'intervient qu'en cas d'échec ou d'impossibilité de mettre en oeuvre les autres formes de réponses.
Il existe d'autres modèles d'intervention, dont on a parlé lors de la discussion générale, telles la justice réparatrice et la médiation proposées et développées en Europe ces dernières années en tant qu'alternative aux procédures judiciaires classiques.
Une réparation de préjudice causé à la victime permet à cette dernière d'obtenir des excuses etou un dédommagement. Il s'agit de susciter chez l'auteur de l'infraction un sentiment de honte et de peine par rapport aux actes qu'il a commis et de lui apprendre ainsi à mesurer les effets de son comportement sur autrui.
Ces méthodes ont été utilisées avec succès pour résoudre bon nombre de conflits et de situations de violence. Elles sont largement employées dans plusieurs pays, Julien Dray a évoqué l'expérience canadienne, nous pouvons également citer l'exemple allemand. Plusieurs pays ont intégré à leur modèle des mesures fondées sur le travail social.
Pourquoi, monsieur le garde des sceaux, ne pas présenter un programme de justice réparatrice et de médiation, qui reconnaisse mieux les victimes ?
En tout état de cause, nous demandons la suppression de l'article 11 qui met à mal la justice spécialisée pour les mineurs.
Dans le débat qui a eu lieu, il me semble qu'on a mélangé plusieurs questions. Nous proposons une nouvelle organisation judiciaire pour les mineurs, dans laquelle le tribunal correctionnel pour mineurs concerne les jeunes de seize à dix-huit ans en situation de récidive.
S'agissant des réponses pénales et éducatives, le texte essaie d'élargir l'éventail des réponses qui peuvent être mises à la disposition des magistrats. L'article 11 vise à cumuler les sanctions éducatives avec des peines d'amende, de travail d'intérêt général ou d'emprisonnement avec sursis. C'était une préconisation de la commission Varinard qui trouve sa traduction législative aujourd'hui.
Pour cette raison, la commission a rejeté ces amendements.
Dray est favorable à une sanction dès le premier acte de délinquance. Nous proposons une sanction assortie de mesures éducatives.
Si le magistrat en décide ainsi, il y aura une sanction dès le premier acte délictueux.
C'est pourquoi je vous suggère de retirer votre amendement, madame Karamanli. À défaut, j'émettrai un avis défavorable.
(L'amendement n° 105 n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 176 .
La parole est à M. Dominique Raimbourg.
J'aimerais à nouveau évoquer le système dont parlait M. Dray. Nous préconisons que le juge des enfants soit le pivot de l'éducation et de la répression et nous proposons à cet effet que ses pouvoirs en audience de cabinet soient élargis.
Si l'article 40 ne nous avait pas été opposé, nous aurions également proposé la création d'un groupe de suivi portant sur l'exécution des sanctions appliquées aux délinquants les plus difficiles. Auraient pu y siéger, sous la présidence du juge des enfants, le procureur, le représentant de la protection judiciaire de la jeunesse, éventuellement des représentants de l'éducation nationale, des élus locaux et des représentants de la police.
Ce suivi, les dispositions que vous voulez prendre ne permettent même pas de le penser. Malheureusement, vous êtes concentrés sur la sanction et sur l'audience. Or ce n'est pas à ce stade que les difficultés se posent dans la justice des mineurs mais avant, dans la lenteur de la prise en compte des dossiers, et après, dans l'exécution de la peine.
Le système que nous proposons, associé à l'idée de la césure judicieusement intégrée dans le texte par M. Warsmann, aurait permis de juger rapidement, de disposer d'une palette de sanctions efficaces et de mettre en oeuvre un suivi effectif. Ce n'est pas la voie que vous suivez. Sur ce point, nous divergeons.
Je sais bien que cet amendement ne sera pas adopté mais il me donne l'occasion de rappeler que le système que nous soutenons est cohérent et qu'il permet davantage de s'attaquer à la question que les modifications que vous envisagez dans l'organisation de la justice correctionnelle pour juger 635 mineurs récidivistes – même si l'on peut penser que demain, ils seront bien plus nombreux.
La commission a repoussé cet amendement qui modifie la répartition des compétences entre le juge des enfants et le tribunal pour enfants.
Aujourd'hui, le juge des enfants peut décider seul, par un jugement rendu en chambre du conseil, des mesures éducatives mais ne peut prononcer ni peines ni sanctions éducatives. Cet amendement l'autorise à prononcer peines et sanctions éducatives, à l'exception des peines d'emprisonnement, mais il présente deux inconvénients majeurs : d'une part, il fait perdre de la solennité aux décisions comportant des sanctions – il paraît préférable que la condamnation à des peines soit le fait d'une collégialité ; d'autre part, il évince les assesseurs près les tribunaux pour enfants alors même que la qualité du travail que ceux-ci accomplissent n'est remise en cause par personne.
Je partage très largement l'avis du rapporteur.
J'ajouterai un autre argument. La Cour de cassation a estimé que le juge pour enfants pouvait dans une même affaire cumuler des fonctions d'instruction et de jugement sans porter atteinte à la convention européenne des droits de l'homme, dans la seule mesure où, en chambre du conseil, il ne pouvait prononcer que des mesures éducatives et que, au sein du tribunal pour enfants, le risque objectif de partialité était compensé par la présence des assesseurs.
Cet amendement est donc in conventionnel, c'est la raison pour laquelle le Gouvernement y est défavorable.
(L'amendement n° 176 n'est pas adopté.)
(L'article 11 est adopté.)
Aucun orateur inscrit sur l'article ne souhaitant s'exprimer, j'en viens aux deux amendements de suppression, nos 62 et 107.
La parole est à M. Marc Dolez, pour défendre l'amendement n° 62 .
Par cet amendement, nous entendons supprimer cet article qui procède à des coordinations nécessaires avec une disposition que nous examinerons plus tard, à savoir la convocation du mineur par l'officier de police judiciaire devant le tribunal des enfants. Nous estimons que cette disposition contrevient au principe de l'ordonnance de 1945 car elle va entraîner l'application aux mineurs de la même procédure que pour les majeurs. Elle permet, en outre, de contourner le juge des enfants. Enfin, une disposition similaire dans la LOPPSI II vient de faire l'objet d'une censure en bonne et due forme de la part du Conseil constitutionnel.
Défavorable également.
(L'amendement n° 63 n'est pas adopté.)
La parole est à M. Dominique Raimbourg, pour défendre l'amendement n° 108 .
Cet amendement est défendu.
(L'amendement n° 108 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
(L'article 13 est adopté.)
Je suis saisi d'un amendement de suppression n° 64.
La parole est à M. Marc Dolez.
Nous pouvons souscrire à l'idée d'un regroupement des informations concernant un mineur dans le but de favoriser une meilleure connaissance de sa personnalité. Comme l'indique le rapport, la connaissance de la personnalité d'un mineur préalablement au prononcé à son encontre d'une décision pénale est aussi une exigence constitutionnelle. Pourtant, en pratique, aujourd'hui, la connaissance de la personnalité du mineur préalablement à la prise d'une décision pénale le concernant n'est pas toujours suffisante. En effet, des investigations, rapports éducatifs et expertises réalisés dans un précédent dossier peuvent ne pas être prises en compte s'ils ne sont pas versés à la procédure en cours, ce qui, évidemment, nuit à la prise en compte de la personnalité du mineur concerné.
Pourtant, l'objectif que vous assignez à la création de ce dossier unique de personnalité pose problème. Nous avons en effet le sentiment que, avec cette proposition, il ne s'agit pas d'aboutir à une meilleure individualisation de la réponse judiciaire et éducative et de garantir la réactivité, la cohérence et la continuité du suivi, mais plutôt d'accélérer le jugement du mineur. Vous détournez en quelque sorte une disposition a priori positive en poursuivant un objectif dicté par une logique sécuritaire renforcée.
Vous prévoyez ainsi la constitution d'un dossier placé à la fois sous le contrôle du procureur de la République et du juge des enfants, ce qui pose question : à quel titre la partie poursuivante devrait-elle avoir le contrôle des éléments de personnalité relatifs à un mineur prévenu ? Vous savez que la compétence du juge des enfants est seule déterminée par la personne de l'enfant.
Vous envisagez également de joindre au dossier unique de personnalité des éléments recueillis au titre d'une procédure d'assistance éducative. Cela soulève de nombreuses questions, compte tenu, d'une part, des règles strictes qui encadrent l'accès aux pièces d'un dossier d'assistance éducative, et, d'autre part, du fait que les investigations menées au civil concernent très souvent non pas seulement le mineur poursuivi au pénal, mais également toute sa fratrie.
Pour toutes ces raisons, nous proposons la suppression de ce dispositif.
Avis défavorable. Cet amendement aboutirait à la suppression du dossier unique de personnalité, réclamé par l'ensemble des acteurs de la justice des mineurs. La commission des lois a intégré au texte une disposition qui fait de ce dossier l'élément central qui va permettre d'assurer la cohérence de la réponse pénale. Nous avons besoin de cet outil, qui sera mis à la disposition des acteurs de la justice des mineurs.
Même avis.
Le dossier unique repose sur un bon principe et peut constituer un instrument utile dans le traitement de certains cas : il donne matière à réflexion à notre assemblée. Mais il ne doit pas se substituer à la collégialité, qui est nécessaire dans le cadre de la justice de mineurs. Tout d'abord, en dehors du juge, il faut prendre en compte l'avis des éducateurs et des élus. Ensuite, du fait qu'il s'agit d'un mineur, et donc d'un adulte en devenir, une réflexion doit être menée, réflexion qui n'a rien d'automatique car l'appréciation du cas du mineur naît d'un dialogue nourri de la diversité des approches des différents acteurs.
Il ne faudrait pas que le dossier unique vienne se substituer à cette collégialité et à cette nécessaire discussion. C'est un risque qui suscite l'inquiétude dans certains milieux. Le danger existe bien que certains considèrent que la collégialité n'a plus lieu d'être et que l'on peut se fier au seul dossier, puisque toutes les informations y figurent. Le mineur est un adulte en devenir, des mouvements contradictoires sont en jeu : prendre le temps de la réflexion est nécessaire.
Or, pour l'instant, ni dans le texte, ni dans vos interventions, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, vous n'avez donné de garanties de nature à nous assurer que le dossier unique ne viendra pas se substituer à la collégialité et qu'il n'empêchera pas que le temps nécessaire soit consacré à réfléchir à la bonne sanction ou à la bonne mesure éducative à prendre.
Nous créons un outil qui sera utile à tout le monde. Si à chaque fois que nous créons un outil, il y a la suspicion d'un détournement de cet outil ou d'un détournement des procédures, on ne fera plus rien.
La collégialité demeurera ; simplement, chacun aura à sa disposition cet outil, qui est réclamé par les différents acteurs.
Nous entendons bien l'intérêt de cet outil mais, sincèrement, je crois qu'il y manque un élément, qui est la connaissance du local. Actuellement y figurent les éléments retenus lors des différentes procédures concernant le jeune, éventuellement des informations issues des enquêtes sociales et familiales, mais vous mettez complètement de côté le contexte local. Or nous sommes plusieurs, depuis tout à l'heure, à essayer de montrer que ce qui se joue par rapport à certains mineurs délinquants, surtout les multirécidivistes, c'est qu'ils sont souvent impliqués dans des phénomènes de bandes, de gangs, voire de grande délinquance. Et ces phénomènes, seule une connaissance très précise de ce qui se passe sur ces territoires, où peu de services de police entrent pour faire des enquêtes d'investigation auprès des mineurs – ce n'est pas leur rôle dans un premier temps –, permet de les saisir.
La connaissance du tissu local peut se révéler indispensable. Je ne prendrai qu'un exemple. Il m'est arrivé régulièrement de rencontrer des juges pour mineurs. À ces occasions, j'ai pu leur expliquer que lorsqu'un mineur ou un jeune majeur est incarcéré, il peut être en danger de mort s'il est placé dans la même cellule qu'un membre de la bande adverse. Mais dans l'institution judiciaire et l'administration pénitentiaire qui connaît réellement les bandes, bandes qui évoluent très vite, qui se forment d'un jour à l'autre et changent dès le lendemain ? Il y a un vrai travail à faire, notamment de recensement.
Vous omettez de prendre en compte dans votre outil les éléments liés au contexte local qui sont pourtant indispensables. Je ne reviendrai pas sur ce qu'a dit Julien Dray sur le risque que pouvait constituer le dossier unique de personnalité, je dirai seulement qu'il est imparfait.
(L'amendement n° 64 n'est pas adopté.)
La parole est à M. Dominique Raimbourg, pour défendre l'amendement n° 125 .
Le dossier unique de personnalité est un élément important de ce projet de loi, qui fait presque l'unanimité, du moins dans son principe. Il nous apparaît toutefois nécessaire de l'assortir de plusieurs conditions.
Premièrement, comme viennent de le souligner M. Dray et M. Pupponi, il ne doit pas briser la collégialité. Il ne doit pas figer une fois pour toutes la connaissance que l'on a du mineur. Cet amendement indique donc qu'il est aussi nécessaire de recueillir des informations sur le mineur quand il commet une énième infraction car le fait que cette infraction soit commise peut avoir un sens dans son parcours délinquant.
Deuxièmement, il faut se demander sous le contrôle de qui doit être placé le dossier unique de personnalité des mineurs – ce sera l'objet de mon amendement suivant. Nous estimons que ce dossier doit être sous le contrôle du juge des enfants.
Il ne peut pas être placé sous le contrôle conjoint du procureur et du juge des enfants, et cela pour des raisons de procédure qui ont des conséquences très importantes : le procureur est une partie poursuivante – c'est bien sûr, cela a été mille fois répété, l'application du droit anglo-saxon, et nous n'y échapperons pas au moins en partie. Cela ouvrirait aussi la discussion sur l'accès de la défense.
Le juge des mineurs doit donc servir de filtre, pour éviter une discussion oiseuse sur le secret. Le dossier unique de personnalité inclut des éléments qui ne doivent pas être portés à la connaissance de quiconque. J'ai vu, dans une vie professionnelle antérieure, un jeune garçon apprendre fortuitement au cours d'une audience que son père – dont il ne connaissait pas l'identité jusque-là – était aussi son grand-père, parce que cet homme avait violé sa propre fille, qui était donc la mère de ce garçon. Apprendre une telle chose au cours d'une audience, c'est un traumatisme bien inutile !
Il faut donc une gestion fine du dossier : si l'on veut que certains éléments importants, issus par exemple du dossier d'assistance éducative, figurent dans le dossier personnel, alors il faut confier le dossier unique de personnalité au juge des enfants, seul à même de gérer cela de façon assez précise.
Lors des auditions que nous avons effectuées, toutes les associations de protection de l'enfance ont attiré notre attention sur l'extrême délicatesse avec laquelle devront être écrits les décrets d'application, afin de pendre les plus grandes précautions dans la gestion de ce dossier unique de personnalité. C'est la condition de sa réussite ; or ce dossier peut nous faire gagner beaucoup de temps et beaucoup d'énergie, et il peut aussi nous faire économiser beaucoup d'argent public. Il peut faire beaucoup pour l'efficacité des tribunaux pour enfants, et donc pour remettre ces mineurs sur le droit chemin.
Les interventions de M. Pupponi et de M. Raimbourg paraissent quelque peu contradictoires.
M. Pupponi nous dit que certains éléments vont manquer dans le dossier unique de personnalité. Ce dossier sera mis en oeuvre ; si son fonctionnement laisse voir que des améliorations sont nécessaires, nous pourrons y revenir. Vous n'avez d'ailleurs pas déposé d'amendements sur ce point. Peut-être aurait-il fallu le faire.
Vous le ferez si nous débattons d'un autre texte.
M. Raimbourg nous propose au contraire de retirer certains éléments de ce dossier : il faudrait savoir. Pour ma part, je crois que cet outil doit être suffisamment exhaustif pour permettre de bien cerner la personnalité du mineur, donc pour apporter la bonne réponse : c'est la philosophie du texte, et M. le garde des sceaux ne me démentira pas sur ce point.
Vous nous dites, et j'y suis très sensible, que le dossier peut contenir des éléments issus de procédures d'assistance éducative qui sont de véritables secrets de famille, qui n'ont pas à être divulgués. Souvenez-vous toutefois, monsieur Raimbourg, que la commission des lois a adopté plusieurs amendements, dont j'étais l'auteur, pour assurer cette confidentialité et interdire la transmission des informations issues de procédures d'assistance éducative à la partie civile, notamment, ainsi que pour permettre au magistrat en charge de ces procédures de s'opposer à la transmission de telles informations.
Vos préventions sur l'insertion de ces informations dans le dossier unique de personnalité devraient tomber. Je vous demanderai donc de bien vouloir retirer votre amendement.
Je partage, bien sûr, les arguments du rapporteur. J'apporte seulement une précision importante : la Direction de la protection judiciaire de la jeunesse mène depuis quelque temps une réforme de l'investigation. Elle a ainsi mis en place une mesure nouvelle, la mesure judiciaire d'investigation éducative. Celle-ci comprend l'étude du contexte local de la vie du mineur ; c'est même l'essentiel de cette mesure. Voilà qui me semble répondre parfaitement à ce que souhaite M. Pupponi.
Si cela ne convient pas, supprimons-le tout de suite, parce que cela coûte très cher : 3 000 euros à peu près par mesure !
Si vous pensez que cela ne sert à rien, dites-le tout de suite ! Mais nous avons beaucoup de demandes ; nous sommes en train d'expérimenter cette mesure, mais elle est, je crois, très intéressante, car elle montre comment vit le mineur localement, à quels réseaux il appartient, etc.
Mais si tout est inutile, supprimons tout, et cela ira beaucoup mieux !
Je ne dis pas que c'est inutile ! J'essaye juste de vous expliquer, depuis quelque temps, que dans certains endroits, tout cela existe déjà. C'est toujours désolant de constater qu'on ne tient pas compte d'expérimentations qui, pourtant, fonctionnent.
Tous les acteurs d'un contrat local de prévention et de sécurité digne de ce nom connaissent la cartographie de la délinquance des mineurs sur un territoire ; et nous nous parlons entre nous de ce qu'il se passe ! Une bagarre qui éclate dans un collège, par exemple, ce n'est pas anodin : nous avons vu il y a quelques années une bagarre dans un collègue provoquer deux morts trois mois plus tard – un événement qui peut paraître insignifiant peut s'achever en drame.
Lorsqu'une bagarre de ce genre éclate, ce qui arrive régulièrement, il suffit en général que le commissaire de police me donne l'adresse de l'agressé pour que je lui indique avec une quasi-certitude le quartier dans lequel habite l'agresseur. Nous nous parlons entre nous, nous savons à peu près qui fait quoi, comment. Ces jeunes ne vivent pas sur la planète Mars !
Tous ces renseignements sont donc bien connus. Ce que je demande, c'est que l'on associe plus étroitement les juges des enfants aux contrats locaux de prévention et de sécurité, afin qu'ils sachent ce qui se passe. Bien sûr, les procureurs acceptent, et sans doute certains juges.
Lorsqu'un juge doit prendre une décision concernant un mineur, je voudrais qu'il se renseigne auprès des acteurs du CLPS pour savoir si ce mineur est connu. Il pourra alors prendre sa décision en fonction des éléments qu'il aura recueillis.
Je ne prendrai qu'un exemple pour montrer pourquoi l'information doit circuler dans les deux sens. On m'appelle un jour parce que des jeunes étaient arrivés et avaient tout cassé dans une maison de quartier. Je m'y rends ; je me trouve devant ces jeunes que je connais, je leur dis que ça ne va pas, je leur demande ce qui arrive : « ils ont », me disent-ils, « relâché ceux d'en face » – ceux d'en face, je le précise, avaient tué un de leurs amis.
J'appelle le commissaire, qui me dit qu'ils sont complètement fous, qu'ils font n'importe quoi, que personne n'a été libéré. Eh bien, le problème, c'est que les jeunes avaient raison ! Un juge – comme c'est son rôle – avait pris la décision de libérer un mineur qui était impliqué dans un assassinat sans prévenir ni le commissaire de police, ni le maire de la ville. Or si nous sommes prévenus, nous pouvons mettre en oeuvre un dispositif qui évite qu'un mineur, ou un jeune majeur, qui revient chez lui, soit se trouve en danger de mort parce que ceux d'en face l'attendent, soit décide de se venger.
Ce que nous demandons, c'est tout simplement que le juge qui prend une telle décision – relâcher un mineur qui est impliqué dans des règlements de compte entre bandes – en informe le commissaire de police ; nous demandons qu'il dise : attention, que les acteurs locaux se préparent ! Ensuite, nous savons, nous, ce que nous avons à faire.
Qu'il y ait un dialogue constructif entre les autorités, que la justice des mineurs soit associée, plus qu'elle ne l'est aujourd'hui, à ce qui se passe dans les territoires, donc que tous les acteurs locaux travaillent ensemble, voilà tout ce que nous voulons. Or il nous manque, je le dis avec beaucoup d'humilité, une présence plus forte de la justice des mineurs. Aujourd'hui, ils sont d'ailleurs demandeurs.
Ils n'ont qu'à aller à vos réunions, alors !
Ni vous ni moi ne pouvons les y obliger, monsieur le garde des sceaux ! Nous pouvons seulement décider qu'ils sont partie prenante du CLPS.
Toujours est-il que cet aspect de la connaissance fine du terrain, qui est la caractéristique du CLPS, fait défaut à l'outil que vous nous proposez. Or cela pourrait être utile à une bonne administration de la justice.
Il est dommage que cette proposition n'ait pas fait l'objet d'un amendement. Cela peut être utile.
Monsieur Pupponi, vous changez facilement de sujet.
Je n'ai pas encore commencé que vous dites déjà non ! Laissez-moi au moins terminer, et vous pourrez dire deux fois non.
Vous parlez de deux choses différentes. Vous parlez d'abord du dossier unique de personnalité, et vous demandez que celui-ci comporte des éléments qui retracent le contexte local de la vie du mineur, les réseaux auxquels il appartient, etc. Je vous dis que, sur ce point, une nouvelle mesure a été mise en place. Elle coûte environ 3 000 euros ; nous en avons fait 10 000 l'an dernier, ce qui fait tout de même 30 millions d'euros ! Si vous me dites que cela ne sert à rien…
Cela coûte cher, parce qu'il faut la payer !
Écoutez, je vous propose de rencontrer – et j'organiserai même le rendez-vous – le directeur de la protection judiciaire de la jeunesse, pour qu'il vous explique tout cela.
Ces mesures coûtent 30 millions d'euros, qui employés ailleurs permettraient de créer quelques emplois facilement. Alors si ça ne sert à rien…
Vous nous dites ensuite que la justice pour mineurs doit être présente parmi les acteurs des contrats locaux de prévention et de sécurité. J'en suis tout à fait d'accord. Pour le procureur, je le demanderai ; pour le président du tribunal pour enfants et pour le juge des enfants, invitez-les, mais c'est à eux qu'il revient de décider s'ils viennent ou pas. Je n'ai pas d'ordre à donner aux magistrats du siège.
Monsieur le garde des sceaux, M. Pupponi et moi-même ne tenons pas des propos contradictoires. Nous regrettons que les magistrats du siège ne participent pas, ou très peu, aux dispositifs de politique de la ville. Les contacts entre les maires, les présidents de conseils généraux, et la justice des mineurs – en tout cas pour les magistrats du siège – ne sont pas suffisants.
Nous n'avons pas, et c'est regrettable, trouvé d'amendement qui nous aurait permis d'introduire une disposition en ce sens. C'est sans doute très difficile à réaliser puisque, comme vous l'avez dit, vous ne pouvez pas donner d'ordres aux magistrats du siège. Mais il y a bien une difficulté, et elle est importante.
Nous ne disons donc pas des choses différentes. La mesure de la PJJ n'est pas inutile : c'est une mesure de renseignement, mais elle ne résout pas le problème de l'articulation entre la décision du juge du siège et l'action des autorités locales.
En ce qui concerne le dossier unique de personnalité, je souhaitais simplement, pour ma part, que le juge des enfants soit le filtre qui permette d'écarter certains éléments, qui ne doivent pas être portés à la connaissance de toutes les parties. Pour cela, il doit avoir, seul, l'autorité sur ce dossier.
(L'amendement n° 125 n'est pas adopté.)
Nous rejoignons, par cet amendement, les propositions que vient de faire M. Raimbourg : le dossier unique de personnalité doit être placé sous le contrôle du seul juge des enfants, compte tenu des dangers, déjà mentionnés, à ce qu'il soit aussi placé sous la responsabilité du parquet.
Si vous acceptiez d'adopter cet amendement, la constitution d'un dossier unique de personnalité du mineur pourrait, comme je l'ai dit tout à l'heure, nous rassembler. Je me permets d'ailleurs de signaler, monsieur le garde des sceaux, monsieur le rapporteur, que jusqu'ici vous n'avez adopté aucun amendement du groupe GDR.
On trouvera, rassurez-vous. (Sourires.)
Si vous vouliez en adopter au moins un à l'occasion de la discussion de ce texte, je vous en fournis l'occasion.
La parole est à M. Dominique Raimbourg, pour soutenir l'amendement n° 124 .
La commission, j'en suis tout à fait désolé, n'a pas décidé de faire une politique du chiffre. (Rires.) Nous avons examiné le fond des amendements, et non le nombre d'amendements de chaque groupe que nous pouvions adopter.
La commission a rejeté ces amendements. Elle a en effet considéré que ce double contrôle du juge des enfants et du magistrat du parquet était une bonne chose. Cela permet aussi au parquet de se prononcer et de prendre ses décisions en toute connaissance de cause.
Compte tenu de ce qu'a dit M. Pupponi sur la présence du juge du parquet sur le terrain, il est absolument indispensable que celui-ci soit aussi à la tête de ce dossier. (Sourires.) Le Gouvernement est donc extrêmement défavorable à cet amendement !
(Les amendements identiques nos 102 et 124 ne sont pas adoptés.)
Défendu.
(L'amendement n° 103 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Nous sommes tous conscients que le DUP a déjà été expérimenté à Nanterre et à Beauvais, où il a donné entière satisfaction à tout le monde. Cet outil me paraît donc pertinent. Je peux l'attester pour avoir visité un certain nombre de juridictions. C'est pourquoi, compte tenu du fait que l'on ne saurait mettre en doute le professionnalisme de la police et de la gendarmerie, il me paraît utile de les associer pleinement à la réponse de l'État vis-à-vis du jeune en leur permettant d'avoir connaissance des informations contenues dans ce dossier unique de personnalité.
La commission a émis un avis défavorable. En effet, les enquêteurs de police et de gendarmerie travaillent sur des faits. L'accès de plein droit aux informations contenues dans le DUP, qui est un fichier judiciaire, ne leur est pas utile. Toutefois, au cas par cas, le juge des enfants ou le procureur de la République, qui ont, eux, accès à ce dossier unique de personnalité, pourront donner aux services de police et de gendarmerie les informations qu'ils jugeront utile de leur transmettre pendant l'enquête.
Je partage le sentiment du rapporteur, mais je suis prêt à aller un peu plus loin. Rien n'interdit aux magistrats en charge du dossier – qu'il s'agisse du juge des enfants ou du juge d'instruction des mineurs –, qui ont la pleine maîtrise du DUP, de communiquer des éléments de ce dossier aux enquêteurs saisis sur commission rogatoire si ces éléments sont utiles aux investigations menées. Cela figurera dans la circulaire d'application de la loi. Compte tenu de ces explications, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement.
Je veux bien retirer mon amendement, monsieur le ministre, mais je voudrais insister sur un point. Si l'on considère que le dossier unique de personnalité est un élément déterminant pour mieux connaître le jeune, plutôt que d'avoir de la suspicion à son égard comme celle qui a pu s'exprimer tout à l'heure ici même, il me paraît normal que des hommes ou des femmes, dans le cadre d'une procédure préliminaire, aient connaissance de l'histoire de ce jeune. Grâce à ces éléments, ils pourront mieux avancer.
Je vais vous donner un autre exemple. Lorsque des professeurs, venus travailler volontairement dans un établissement de réinsertion scolaire, ne connaissent rien sur les jeunes auxquels ils sont confrontés, cela est déloyal à leur égard. Il est donc nécessaire que les décrets apportent la précision que j'ai demandée. Puisque vous proposez de le faire, je suis d'accord pour retirer mon amendement.
(L'amendement n° 15 est retiré.)
(L'article 14 est adopté.)
Article 14
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures cinq, est reprise à dix-neuf heures dix.)
Sur l'article 15, je suis saisi d'un amendement n° 126 rectifié .
La parole est à M. Dominique Raimbourg.
Je reprends ici l'argumentation de M. Zumkeller. Je le souligne à dessein, puisque notre collègue a déposé un rapport intéressant sur l'exécution des décisions en matière pénale qui passe, nous dit-il, par la création des bureaux d'exécution des peines, les BEX. Il entendait recommander, à travers un amendement semblable au nôtre, mais qu'il n'a pas défendu, que la décision soit notifiée par l'intermédiaire d'un BEX pour les mineurs. Notre amendement tend de la même façon à améliorer l'exécution des décisions de justice en ce qui concerne les mineurs.
Défavorable. Il est paradoxal de ne pas souhaiter inscrire dans la loi un principe général d'information des parents sur toutes les décisions pénales concernant leurs enfants. Par ailleurs, il est erroné de dire que l'article 15 n'apporte rien de plus que l'article 10 de l'ordonnance de 1945, puisqu'il a un caractère plus général.
Je suis saisi d'un amendement, n° 19 rectifié , portant article additionnel avant l'article 16. Cet amendement fait l'objet d'un sous-amendement n° 234 .
La parole est à M. Yvan Lachaud, pour présenter l'amendement n° 19 rectifié .
Cet amendement tend à responsabiliser les parents dès les premiers actes délictueux du mineur délinquant.
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter son sous-amendement n° 234 .
C'est un sous-amendement de cohérence. Sous réserve de son adoption, je serai favorable à l'amendement n° 19 rectifié .
Favorable.
(Le sous-amendement n° 234 est adopté.)
(L'amendement n° 19 rectifié , sous-amendé, est adopté.)
La parole est à M. Dominique Raimbourg, pour défendre l'amendement n° 127 .
Il faut faire confiance au juge des mineurs pour savoir s'il doit renvoyer devant un tribunal ou devant un autre. L'obligation de renvoyer crée, ici encore, des rigidités, qui sont nuisibles à l'efficacité et à la rapidité de la procédure. Voilà pourquoi nous souhaitons que l'article 16 soit supprimé.
La commission a repoussé cet amendement. Elle considère que la mesure introduite par cet article est indispensable si on veut réellement atteindre l'objectif de donner au jugement des affaires graves commises par des mineurs récidivistes plus de solennité qu'aujourd'hui.
Je propose d'introduire la notion de réitérance plutôt que celle de récidive légale parce que la récidive légale est relativement limitée. En 2009, sur 18 273 condamnations, seulement 680 ont été prononcées en l'état. Il serait regrettable d'empêcher les jeunes réitérants de connaître la même solennité pour leur jugement.
L'amendement n° 16 rectifié serait ainsi rédigé : « à l'alinéa 2 de l'article 16, substituer aux mots : " en état de récidive légale ", les mots : "en état de réitération ". »
Le Gouvernement est également défavorable, pour ne pas fragiliser constitutionnellement le dispositif.
L'amendement de M. Lachaud est formidable, il arrive exactement au moment où il le fallait.
M. le ministre s'y est opposé en disant qu'une telle proposition risquait d'être inconstitutionnelle. C'est la preuve que le fondement même est inconstitutionnel puisque dès l'instant où on l'étend, on court un risque important. L'amendement de M. Lachaud est la démonstration de ce que nous craignions, c'est-à-dire que, dès l'instant où l'on crée une juridiction particulière pour juger les récidivistes mineurs, juridiction particulière qui va concerner quelque 635 mineurs, on met le doigt dans un engrenage. On va passer des récidivistes aux réitérants et puis, demain, on passera à l'ensemble des mineurs de seize à dix-huit ans. On est en train de sortir de la logique même de l'ordonnance, au détriment de l'efficacité du système.
Cette proposition est surprenante parce que M. Lachaud connaît bien ces sujets et que nous nous savons tous qu'un mineur qui va mal, qui est en révolte contre tout, peut multiplier les actes de provocation sans que le fait de passer à chaque fois devant le tribunal correctionnel y change quelque chose. La manière dont vous abordez la justice des mineurs conduit à une dérive. Vous ne visualisez pas les difficultés des personnes que l'on rencontre dans ces audiences. Comment pouvez-vous décider d'infliger au parent de l'enfant qui commence à faire des bêtises une amende jusqu'à 3 750 euros ? Vous n'êtes jamais venus dans nos quartiers : cette somme y représente trois ou quatre mois de salaire !
Croyez-vous que parce que vous allez prendre trois mois de salaire à ce parent, il sera mieux à même de comprendre et de régler les difficultés de son enfant ? De la même façon, pensez-vous que parce que vous ferez comparaître à chaque fois le mineur qui aura volé un jour au Prisunic, qui se sera battu le lendemain avec son copain et qui aura séché l'école le surlendemain, vous aurez réglé quelque chose ?
Vous jouez les gros bras pour montrer à l'opinion publique que vous avez tout compris et que vous essayez de prendre en compte son exaspération mais, intimement, vous savez parfaitement que ce que vous êtes en train de proposer n'est pas sérieux et ne sera pas efficace.
Monsieur Raimbourg, vous tombez dans le procès d'intention. Les mots ont un sens, la récidive n'est pas la réitération. Vous ne pouvez pas nous dire que c'est une première étape.
Sinon, nous aurions accepté dès aujourd'hui l'amendement de M. Lachaud.
Quant à vous, madame Pau-Langevin, vous savez bien que l'échelle des peines fait que nous avons des maxima. L'amende maximum s'élève à 3 750 euros, mais il faut faire confiance au juge pour déterminer le montant de l'amende pénale qu'il va infliger. Il le fera dans le cadre de la personnalisation des peines. Il sera le plus à même, au moment où il prononcera cette peine, de déterminer quel est le bon quantum de peine à infliger.
Je n'aborde pas ce problème comme vous tout à l'heure en disant que ceux d'en face ne comprennent rien, mais avec beaucoup d'humilité. Ma circonscription couvre 80 % de la ville de Nîmes, qui est une des villes dans lesquelles il y a le plus de délinquance, donc je sais à peu près autant que vous de quoi je parle.
Le Gouvernement a refusé cet amendement. Pourtant, il me semble qu'un adolescent a besoin d'une réponse immédiate, effective et lisible. S'il réitère, c'est certes que certaines choses n'ont pas été réglées – il vit dans la précarité, il va mal, il traîne dans la rue. Il n'empêche que la réponse de la justice doit s'entourer de solennité. Et je ne vous autorise pas à dire qu'il y a de la déviance dans mes propos ou que je suis allé trop loin. Je mesure tout à fait ce que je propose. Je considère par exemple que lorsque des décisions sont prises alors que le magistrat n'a pas remis sa tenue par exemple, c'est une erreur.
Il faut recadrer certaines choses. Prévention et sanction ne s'opposent pas bien sûr, et il faut mettre tout en oeuvre pour prévenir, mais, aujourd'hui, nos adolescents ont besoin d'une réponse lisible, efficace et immédiate, sinon cela n'a pas de sens. On a tous été « ado », on a tous eu besoin, à un moment donné, d'avoir un mur qui se dresse devant nous. C'est tout ce que je voulais dire.
J'aimerais que le ministre m'apporte une réponse sur une question qu'a soulevée Mme Pau-Langevin au sujet des parents.
Je comprends et j'approuve totalement l'idée de mettre en cause la responsabilité parentale – dans ce domaine comme en d'autres ; elle fait partie des principes et de l'éthique qui est la nôtre. Mais s'il est vrai que la mise en cause des parents a pour objet de les rendre tout à fait conscients de leurs responsabilités, l'objectif est également de restaurer l'autorité parentale, car l'enfant a besoin de retrouver un cadre. Cette mise en cause des parents ne serait-elle pas antinomique avec l'image de référents que l'enfant doit avoir de ses parents ? Je m'interroge, mais sans doute allez-vous m'apporter l'apaisement voulu.
Je comprends votre interrogation, madame Ameline, mais, quand même, le but poursuivi est de redonner un cadre à la vie du mineur et les parents sont les premiers concernés. Il peut y avoir des circonstances particulières mais je rappelle que le texte ne requiert que la présence des parents à l'audience, pour faire en sorte qu'ils prennent conscience de leurs responsabilités en tant que parents, ce qui n'est pas négligeable.
Que cela soit facile, sûrement pas. Que cela marche à tous les coups, sûrement pas. Mais on ne peut pas essayer de reconstruire l'adolescent sans penser aux parents et les mettre devant leurs responsabilités. C'est d'ailleurs un des fondements de l'ordonnance de 1945, qui prévoit expressément que le juge pour enfants convoque les parents et travaille avec eux. C'est ce que l'on essaie de formaliser un peu plus.
(L'amendement n° 16 rectifié n'est pas adopté.)
L'amendement est défendu.
(L'amendement n° 17 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
(L'article 16 est adopté.)
L'article 17 supprime l'article 8-1 de l'ordonnance du 2 février 1945 relatif à la convocation par officier de police judiciaire aux fins de jugement. Par ailleurs, il crée un nouvel article 8-3 qui institue une procédure de convocation par officier de police judiciaire devant le tribunal pour enfants. Il nous semble incohérent de supprimer la convocation par OPJ aux fins de jugement devant le juge des enfants tout en créant cette procédure devant le tribunal pour enfants, surtout si l'objectif affiché est de simplifier les modes de saisine des juridictions de jugement.
La création d'une convocation par OPJ devant le tribunal pour enfants supprime la phase d'instruction par le juge des enfants ; en quelque sorte elle vide la phase pré-sentencielle de son contenu, et elle renforce le rôle et le pouvoir du parquet au détriment du juge des enfants qui ne maîtrise plus l'audiencement des mineurs. Surtout, vous réintroduisez une disposition de la LOPPSI 2 que le Conseil constitutionnel a censurée le 10 mars dernier, qui prévoyait que le procureur de la République pouvait faire convoquer directement un mineur par un OPJ devant le tribunal pour enfants sans saisine préalable du juge des enfants. Or les conditions que vous avez ajoutées ne nous semblent pas suffisantes pour garantir le principe de la spécificité de la justice des mineurs. Si nous sommes d'accord sur la nécessité d'une réaction rapide de la justice, nous sommes opposés à la mise en place d'une justice expéditive.
La parole est à M. Dominique Raimbourg, pour soutenir l'amendement n° 128 .
Je reprends à mon compte l'ensemble des arguments de M. Dolez. J'ajoute qu'on risque de perdre en efficacité parce qu'on aboutit finalement à convoquer le mineur devant un juge des enfants qui va présider le tribunal des enfants et que ce juge des mineurs qui préside le tribunal pour enfants n'est pas forcément le juge des enfants qui suit le mineur.
Vous imaginez bien que la commission a émis un avis défavorable. Le principe qui nous guide est justement de dire qu'il doit y avoir une réponse rapide à l'infraction qui a été commise par un mineur.
Exactement.
Quand la réponse arrive entre douze et dix-huit mois après la commission de l'infraction, le mineur a déjà oublié la raison pour laquelle il va être sanctionné.
Le temps relatif du mineur n'est pas le même que le temps relatif d'un majeur.
Il est indispensable d'apporter une réponse rapide à la délinquance des mineurs.
Je rappelle également que le champ est limité aux mineurs de treize ans poursuivis pour un délit puni de cinq de prison ou aux mineurs de seize ans poursuivis pour un délit de trois ans de prison, que les mineurs primo délinquants sont exclus de cette mesure et qu'une connaissance de la personnalité du mineur est exigée. On est loin de la justice expéditive qui a été évoquée.
Par ailleurs, les délais d'audience sont compris entre dix jours et deux mois, c'est-à-dire un temps suffisant pour préparer la défense s'agissant de faits sur lesquels les investigations ne sont pas nécessaires.
En outre, nous avons, en commission des lois, adopté un amendement, à l'initiative du président de la commission et de votre serviteur, pour prévoir une césure, ce qui permet de se déterminer assez rapidement sur la culpabilité du mineur et de prendre un peu plus de temps pour déterminer la peine ou la mesure éducative par le tribunal pour enfants.
Je pense que toutes les garanties sont apportées dans le cadre de cette convocation par officier de police judiciaire telle qu'elle est prévue devant le tribunal pour enfants. Donc, si ces amendements étaient maintenus, je maintiendrais la position défavorable de la commission à leur égard.
Je partage les arguments du rapporteur et je suis sûr que M. Dolez va retirer son amendement, car l'exigence de rapidité figure expressément dans l'exposé des motifs de l'ordonnance de 1945. Comme vous venez de soutenir ce texte à l'extérieur, vous êtes encore plein de ses dispositions et de sa philosophie. Voici donc ce qu'écrivaient le général de Gaulle et François de Menthon : « C'est pourquoi le texte joint, tout en repoussant expressément la procédure expéditive de flagrant délit et de citation directe, prévoit parallèlement à l'information suivie par un juge d'instruction, la possibilité, dans les affaires où la manifestation de la vérité ne suscite aucune difficulté, de confier l'enquête au juge des enfants. » Le souci de la rapidité se manifestait déjà, dès lors que le juge avait en sa possession suffisamment d'éléments pour évaluer la personnalité des mineurs mis en cause.
Le rapporteur a rappelé les garanties que comporte le texte, et cette procédure ne peut être mise en oeuvre que si le magistrat dispose des éléments d'investigation que j'ai évoqués tout à l'heure en réponse à M. Pupponi.
Je signale que, dans la loi de finances initiale pour 2011, 63,7 millions d'euros sont prévus pour financer ces mesures d'investigation. Et j'invite M. Pupponi à me donner son avis sur ce chiffre, car ces mesures concernent 25 000 mineurs.
(Les amendements identiques nos 66 et 128 ne sont pas adoptés.)
Cet amendement a pour objet de s'assurer du caractère suffisamment récent des informations relatives à la personnalité du mineur. En effet, l'article 17 ouvre la possibilité de prendre en compte des informations sur le mineur qui remonteraient à près d'un an, alors que sa situation a pu largement évoluer dans un tel délai. Aussi le présent amendement vise-t-il à réduire ce délai à six mois. C'est un amendement de repli intéressant, qui permet également de répondre à la demande du Conseil constitutionnel, qui réclame des « informations récentes ».
La parole est à M. Dominique Raimbourg, pour défendre l'amendement n° 129 .
Sur l'article 18, je suis saisi d'un amendement de suppression, n° 67.
La parole est à M. Marc Dolez.
Il est défendu.
(L'amendement n° 67 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 130 .
La parole est à M. Dominique Raimbourg.
Il est défendu.
(L'amendement n° 130 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement et le sous-amendement ?
Le sous-amendement n'a pas été examiné par la commission, mais j'y suis défavorable à titre personnel.
Je suis également défavorable à l'amendement.
Sur l'article 19, je suis saisi de deux amendements de suppression identiques, nos 68 et 131.
Sur l'article 20, je suis saisi de deux amendements de suppression identiques, nos 69 et 132.
La parole est à M. Marc Dolez, pour défendre l'amendement n° 69 .
L'article 20 prévoit que la juridiction pour mineurs puisse ordonner que les parents ou les représentants légaux du mineur poursuivi, qui ne défèrent pas à la convocation à comparaître devant elle, soient immédiatement amenés par la force publique pour être entendus. Le texte prévoit également la possibilité d'infliger une amende à ces parents. La commission a complété l'article par une transformation de l'amende civile encourue en cas de défaut de comparution en amende pénale et par la possibilité de prononcer une peine de stage de responsabilité parentale.
Nous sommes opposés à ces dispositions qui stigmatisent les parents de mineurs délinquants et qui ne permettront en rien de rétablir les parents dans leur autorité auprès de leurs enfants, sans les dénigrer. En effet, quelle image les mineurs délinquants auront-ils de leurs parents conduits par la force devant le juge ? Peut-on penser sincèrement que c'est en les humiliant que nous les responsabiliserons davantage ?
Nous considérons que d'autres moyens que la force publique doivent être utilisés pour convaincre les parents de l'utilité de leur présence au tribunal. À cet égard, le service éducatif auprès du tribunal et le juge des enfants ont certainement un rôle essentiel à jouer auprès de ces parents.
Enfin, dans les cas exceptionnels d'un désintérêt manifeste et volontaire, le comportement des parents peut être poursuivi du chef de leur propre responsabilité pénale. Comme le Conseil constitutionnel l'a rappelé le 10 mars 2011, les personnes civilement responsables ne peuvent pas faire l'objet de poursuites en lieu et place de leur enfant.
La parole est à Mme George Pau-Langevin, pour soutenir l'amendement n° 132 .
Nous avons là un exemple de la manière dont ce texte peut déraper. Toute personne qui a eu affaire à des enfants en grande difficulté sait qu'il est faux de prétendre que leurs parents s'en désintéressent, même s'ils se montrent souvent mal à l'aise et ne savent pas par quel bout prendre la situation. Les théories que nous rabâche M. Ciotti à ce sujet ne sont que des idées reçues.
Sans doute avez-vous vu ce très beau film qui se déroule dans un collège du XXe arrondissement et qui a reçu la Palme d'or. On y voit ce gamin insupportable, qui finit par être exclu du collège. Sa mère assiste bien au conseil de discipline, mais sans manifestement comprendre ce qui se passe, et sans parvenir à s'exprimer pour expliquer le comportement de son fils.
Certains parents ont du mal à se faire respecter parce qu'ils sont au chômage, qu'ils ont des métiers peu valorisés, ou parce qu'ils ont des difficultés à s'exprimer en français. Et vous voudriez en plus les faire comparaître devant un tribunal entre deux gendarmes ! Si l'on veut s'y prendre à l'envers pour restaurer l'autorité des parents, c'est exactement ce qu'il faut faire !
Si certains parents ne comparaissent pas, c'est qu'ils ne savent pas comment s'exprimer devant une juridiction qui les impressionne. Ne croyez pas que c'est en les obligeant à se présenter par la force que vous réglerez la situation familiale. À toujours vouloir apporter des solutions répressives aux problèmes, on fait fausse route.
Qu'il faille épauler les parents, nous en sommes tous d'accord. J'ai organisé, dans le XXe arrondissement, plusieurs réunions sur le sujet, et les associations avec lesquelles nous travaillons m'ont expliqué que, si les parents avaient tendance à baisser les bras, c'est que des tiers « autorisés » leur expliquaient en permanence qu'ils ne savaient pas comment s'y prendre et mettaient en cause leur conception de l'éducation, différente de la nôtre.
En effet, contrairement à ce que pensent certains, l'éducation, dans les pays d'origine de ces enfants – qu'il s'agisse de l'Afrique subsaharienne ou du Maghreb –, peut être une éducation très autoritaire. C'est aussi le cas aux Antilles, où les parents n'hésitent pas à éduquer leurs enfants à coup de taloches…
On m'a cité le cas d'un père de famille dont le gamin avait volé des chips au Monoprix. Convoqué au commissariat pour venir récupérer l'adolescent, humilié par son comportement, il lui a flanqué une paire de claques. Il a aussitôt été placé en garde à vue et on lui a expliqué qu'il était inadmissible qu'il ait frappé son enfant. La semaine suivante, le gamin commet un nouveau larcin ; on appelle le père à son travail, lequel rétorque qu'on se débrouille sans lui, puisqu'il ne sait pas comment s'y prendre et n'a pas le droit de l'éduquer comme bon lui semble ! Voilà comment des parents finissent par baisser les bras après avoir été disqualifiés.
Je ne dis pas qu'il ne faut rien leur dire, et sans doute faut-il expliquer aux parents que, dans notre pays, les enfants sont traités moins brutalement qu'ailleurs, mais cela doit passer par le dialogue. Les parents ont besoin d'être épaulés, mais s'y prendre comme on nous le propose, en ayant recours à la répression, est particulièrement contre-productif. C'est la « logique des Alpes-Maritimes », qui ne permettra en aucun cas que les parents, dans nos villes, soient mieux associés à l'éducation de leurs enfants.
J'ignore ce qu'est la logique des Alpes-Maritimes. La France est une et indivisible, et il n'y a pas de particularisme local qui tienne.
Vous dites, madame Pau-Langevin, qu'il faut épauler les parents. Vous devriez donc applaudir des deux mains cet amendement, puisque, à l'initiative d'un de nos collègues élu dans les Alpes-Maritimes, Christian Estrosi, la commission a complété l'article 20 pour permettre d'ordonner à l'encontre des parents un stage de responsabilité parentale : si ce n'est pas vouloir épauler les parents…
Vous exprimez votre courroux contre la possibilité de contraindre les parents à comparaître par la force publique. Mais cette disposition n'a pas vocation à être utilisée tous les jours. Ce n'est pas parce que la France dispose de l'arme nucléaire qu'elle s'en sert ! La première fonction de cette disposition, c'est la dissuasion. Elle procure au magistrat un instrument supplémentaire pour convaincre les parents de venir épauler leurs enfants dans le cadre de l'instance, loin de la caricature que vous faites en proclamant que les parents devront comparaître entre deux gendarmes, menottes aux poignets.
Sur l'article 21, je suis saisi de deux amendements de suppression identiques, nos 70 et 133.
La parole est à M. Marc Dolez, pour défendre l'amendement n° 70 .
Cet amendement propose de supprimer le renforcement des possibilités de placement sous contrôle judiciaire des mineurs de moins de seize ans qu'introduit cet article 21 dans le but de faciliter leur placement en centre éducatif fermé.
Étendant le champ du recours au contrôle judiciaire, cet article élargit en effet pour les mineurs âgés de treize à seize ans les possibilités de placement en centre éducatif fermé ainsi qu'en détention provisoire en cas de non respect de leurs obligations, alors même que la loi ne prévoit pas de possibilité de placement en détention provisoire des mineurs de moins de seize ans en matière correctionnelle. Ces jeunes ne sont pourtant que des adolescents, voire des enfants. Cet article opère donc une nouvelle dilution du principe constitutionnel de spécialisation de la justice des mineurs, laquelle doit tenir compte de la spécificité du mineur liée à son seul âge et faire primer le volet éducatif sur le volet répressif.
Il faut cesser d'alourdir les dispositifs de sanction, a fortiori lorsqu'il s'agit de mineurs de moins de seize ans.
S'agissant des centres éducatifs fermés, le contrôleur général des lieux de privation de liberté, dans ses recommandations du 1er décembre 2010, a souligné les points faibles de ces structures, en particulier la formation de leurs éducateurs au suivi éducatif. Il a également mis en avant les écarts qui pouvaient exister entre centres éducatifs fermés en matière de soins apportés aux mineurs. Les multiplier ne nous paraît donc pas une solution raisonnable.
Rappelons pour conclure que l'Union syndicale des magistrats émet les plus grandes réserves quant à l'efficacité de cette mesure qui, pour reprendre ses termes, s'apparenterait à une « mesure d'affichage ».
La parole est à M. Dominique Raimbourg pour soutenir l'amendement identique n° 133 .
J'ajouterai aux arguments de M. Dolez qu'il faut également savoir préserver les centres éducatifs fermés. Je rappelle que Mme le Défenseur des enfants, avant que cette autorité ne soit remplacée par le Défenseur des droits, avait considéré que ces centres étaient adaptés à certaines situations mais qu'il était malencontreux d'y placer des primo-délinquants et qu'il ne fallait pas, à défaut d'autres foyers d'hébergement, les transformer en hébergements de droit commun pour l'ensemble des mineurs.
Il s'agit d'établissements très spécifiques où une pression importante s'exerce sur des mineurs difficiles mais l'on ne peut pas les banaliser au risque de les affaiblir. Ils ont transformé le paysage éducatif et il faut les préserver.
Avis défavorable. Les centres éducatifs fermés ont fait la preuve de leur efficacité. J'en ai visité un certain nombre dans le cadre de la préparation de ce texte et je peux attester que beaucoup de personnels de la PJJ ou d'éducateurs, réticents au départ, en sont aujourd'hui satisfaits.
Les centres éducatifs fermés peuvent aujourd'hui recevoir les mineurs de treize à seize ans dans deux cas : soit les faits commis sont punis d'une peine d'emprisonnement supérieure ou égale à cinq ans et les coupables ont déjà fait l'objet d'une ou plusieurs mesures éducatives ou d'une condamnation à une sanction éducative ou à une peine. Soit la peine d'emprisonnement encourue est supérieure ou égale à sept ans.
Le projet de loi prévoit la possibilité de placer sous contrôle judiciaire, sans condition d'antécédent, des mineurs de treize à seize ans encourant une peine d'emprisonnement supérieure ou égale à cinq ans pour un délit de violences volontaires, d'agression sexuelle ou un délit commis avec la circonstance aggravante de violences.
Compte tenu de l'efficacité des centres éducatifs fermés, il est souhaitable d'apporter une réponse immédiate et suffisamment forte à la commission, par des primo-délinquants, d'agressions relativement graves.
Il convient pour autant de ne pas mélanger les primo-délinquants avec des multirécidivistes pour des raisons évidentes. À l'occasion de votre audition par la commission des lois, monsieur le Garde des Sceaux, je vous ai demandé si une spécialisation des CEF pouvait être envisagée, comme cela se pratique déjà en fonction des tranches d'âge – certains CEF reçoivent des mineurs de treize à seize ans, d'autres de seize à dix-huit ans. Vous nous avez répondu, mais sans doute allez-vous nous le confirmer, que l'augmentation du nombre de CEF rendrait possible cette spécialisation.
Je partage le même avis que le rapporteur sur ces deux amendements identiques.
Tout d'abord, le contrôle judiciaire représente le cadre approprié dans lequel on peut mettre en oeuvre les mesures éducatives provisoires et le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 3 mars 2007, a validé la possibilité de placer un mineur sous contrôle judiciaire sans condition d'antécédent eu égard à la gravité des infractions commises et au rôle que le contrôle judiciaire peut jouer dans le relèvement éducatif et moral des mineurs délinquants.
Par ailleurs, les centres éducatifs fermés sont une bonne solution, même si des améliorations sont toujours possibles. Je suis assez d'accord avec M. Raimbourg sur le fait qu'il ne faut pas banaliser les CEF qui constituent l'ultime solution. Je préfère les CEF aux quartiers de mineurs dans un établissement pénitentiaire, aussi souhaiterais-je, avec vous, augmenter leur nombre. Dès lors, l'on pourra faire en sorte qu'ils puissent tous développer un projet éducatif différent les uns des autres et s'adresser soit à des primo-délinquants, soit à des récidivistes. Je confirme donc bien au rapporteur les propos que j'ai tenus devant la commission des lois sur la possible spécialisation de ces établissements.
Dès 2002, j'avais proposé au Garde des Sceaux de l'époque, M. Dominique Perben, d'accueillir dans ma commune un CEF, ce qui me semblait cohérent avec la position que j'avais soutenue. Puisque j'avais été un chaud partisan de ce type d'établissement lors du vote de la loi d'orientation et de programmation pour la justice, il était logique qu'en tant qu'élu local, je facilite la mise en place du réseau des soixante CEF que l'on envisageait alors de créer.
Le CEF dont j'ai voulu être le porteur a ouvert voici quelques mois et je voudrais ici rendre hommage au travail formidable des équipes qui s'y trouvent.
M. Dominique Raimbourg l'a dit, nous devons avoir conscience que les CEF, compte tenu bien sûr de la diversité des territoires et des histoires qui ont entouré leur création, offrent à nos jeunes délinquants, parfois très endurcis, la vraie réponse alternative à la remise en liberté d'un côté, pour continuer à faire n'importe quoi, et à l'incarcération de l'autre.
Rappelons par ailleurs que l'encadrement au sein des CEF est remarquable : vingt-sept adultes pour douze jeunes, soit plus de deux adultes par jeune.
Je suis d'autant plus sensible aux propos élogieux de Dominique Raimbourg sur les CEF que l'on se souvient en quels termes nos collègues socialistes avaient refusé leur création en 2002 alors même qu'ils faisaient partie du programme du candidat Lionel Jospin.
Je suis très optimiste car cela signifie que dans quelques années, Dominique Raimbourg, dont je ne doute pas qu'il sera toujours un brillant parlementaire, refusera que l'on touche au tribunal correctionnel pour enfants dont il aura compris, expérience faite, qu'il est l'un des éléments structurants d'une bonne prise en charge des mineurs délinquants.
Les CEF existent et ils donnent déjà satisfaction même s'ils sont encore perfectibles. Des mesures sont prises en ce sens, grâce notamment à la prise en compte, dans un nombre grandissant d'entre eux, de la dimension psychiatrique.
Il est salutaire que ce texte de loi qui nous est proposé nous permette de profiter de la qualité très puissante de cet outil pour répondre à des situations qui aujourd'hui, de par la rigidité du système initial, ne pouvaient pas en bénéficier.
Je partage le jugement de Dominique Raimbourg : ce que nous faisons aujourd'hui est nécessaire mais ne doit surtout pas nous amener à banaliser cet outil précieux auquel l'État accorde beaucoup de moyens et qui est promis à un bel avenir.
Je voudrais faire deux remarques par rapport aux CEF. Nous avons deux types de réponses. Pour en avoir vu fonctionner quelques-uns – plutôt bien d'ailleurs –, je dirais qu'une première réponse réside dans le tutorat.
Nous avons déjà évoqué le cas de l'éducateur qui se substituerait au père défaillant mais lorsque l'on a seize ans, sans aller jusque là, on a aussi besoin d'être orienté dans la vie professionnelle. Ce tutorat, qui est le fait des CEF, joue un rôle social essentiel.
Si, de surcroît, l'on peut mettre en place au sein des CEF des formations professionnelles qualifiantes type CAP ou BEP, dans tous les métiers – je pense notamment à des partenariats utiles qui pourraient être lancés avec l'AFPA –, l'on aura réuni tous les ingrédients de la réussite pour un coût minimisé si on le compare aux résultats. Ce n'est plus l'enfermement qui ressortira du dispositif des CEF mais les perspectives de sortie.
Je connais des CEF qui atteignent un taux de réussite supérieur à 75 %. C'est cela qu'il faut encourager.
(Les amendements identiques nos 70 et 133 ne sont pas adoptés.)
La parole est à M. Marc Dolez pour soutenir l'amendement n°121 rectifié .
M. Raimbourg a évoqué à juste titre le dernier rapport de la Défenseure des enfants, de juin 2011, intitulé « Enfants délinquants pris en charge dans les centres éducatifs fermés », dans lequel elle formule trente-trois propositions pour améliorer le dispositif. En nous en inspirant, nous demandons par cet amendement que soient réservés aux seuls cas de crimes et de peines prononcées en matière délictuelle la possibilité d'incarcérer un mineur de seize ans pour non respect des obligations du CEF.
Avis défavorable car le CEF n'est fermé qu'au sens juridique du terme. Les jeunes peuvent suivre une scolarité à l'extérieur, une formation, un stage ou faire une recherche de stage pour la suite de leur parcours.
Interdire l'incarcération à la suite d'une fugue revient à faire sauter le verrou juridique de la fermeture. Sans fermeture physique ni fermeture juridique, il ne s'agit plus d'un centre éducatif fermé.
(L'amendement n° 121 rectifié , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.)
(L'article 21 est adopté.)
Par l'amendement n° 71 , nous entendons nous opposer à la possibilité de placer un mineur sous le régime de l'assignation à résidence avec surveillance électronique. Nous reprenons volontiers à notre compte les observations du Syndicat de la magistrature sur cette question : « En dehors des problèmes pratiques que ne manquera pas de poser le placement sous surveillance électronique dans des situations familiales déstructurées, ce qui est souvent le cas, elle nous paraît difficilement conciliable avec les particularités de l'adolescence. Pour la plupart de ces jeunes, il sera quasiment impossible de respecter le cadre de telles assignations à résidence et l'on aboutira très vite à une décision d'incarcération provisoire qui n'aurait peut-être pas été décidée aussi facilement le jour du défèrement. »
Il importe de rappeler qu'il n'existe pour l'heure aucune évaluation sérieuse du placement sous surveillance électronique fixe ou mobile. Pourtant, malgré le manque d'évaluation, on ne cesse d'étendre ces dispositifs dont les statistiques démontrent qu'ils connaissent une véritable banalisation.
En conséquence, nous demandons la suppression de l'article 22.
La parole est à Mme George Pau-Langevin pour soutenir l'amendement n° 134 .
L'article 22 est assez choquant.
Pour certains professionnels de la justice qui se sont exprimés dans la presse, le bracelet électronique évoque le collier de chien. Quand on connaît la vitalité des adolescents, il est vrai que cette idée est étrange. Ils courent, ils jouent au football, ils sont d'autant plus en mouvement qu'ils sont sportifs et que ce ne sont pas des intellectuels étudiant derrière un bureau. Vouloir les faire tenir en place par le port d'un bracelet électronique, cela va véritablement à l'encontre de tout ce qui fait un enfant ou un adolescent.
Il y a des modes et, en ce moment, le bracelet électronique est à la mode : on nous le met à toutes les sauces. Pour ceux qui connaissent un peu les gamins de cet âge, il est clair qu'il s'agit d'une solution inadaptée.
Je conçois que vous tentiez de trouver des alternatives à l'incarcération ; la démarche est même raisonnable. Il reste que la mesure mise en place par l'article 22 est totalement à côté de la plaque. Nous demandons en conséquence la suppression de cet article.
Défavorable.
C'est tout de même extraordinaire ! L'opposition nous a accusés tout au long du débat de vouloir mettre les mineurs derrière les barreaux et, lorsque nous lui proposons des mesures alternatives à l'incarcération, elle est contre ! Il faudrait savoir !
Vous nous avez aussi répété que nous ne faisions pas confiance aux magistrats. En l'espèce, c'est le magistrat qui déterminera si la surveillance électronique constitue une solution adéquate pour le mineur qu'il aura en face de lui, en tenant compte de sa personnalité et de la situation.
Vous affirmez par ailleurs qu'il n'est pas possible de placer un mineur sous surveillance électronique vingt-quatre heures sur vingt-quatre. En fait, le système mis en place permet précisément au mineur de quitter son domicile pour se rendre, par exemple, au collège ou au lycée. En revanche il devra rester à son domicile pendant certaines plages horaires, par exemple la nuit, et il sera alors sous surveillance sera électronique.
Nous proposons une alternative à l'incarcération à laquelle vous devriez être favorables. Nous élargissons la palette des réponses pénales dont disposent les magistrats en leur faisant confiance ; vous devriez y être favorables. Malgré cela, au final, vous êtes opposés à toutes nos propositions.
Je partage l'avis du rapporteur.
Je me permets de citer la pratique du tribunal pour enfants de Caen qui a mené une politique volontariste de développement des aménagements de peines exécutées par des mineurs, et plus particulièrement du placement sous surveillance électronique.
Le vice-président chargé des fonctions de juge des enfants indiquait en mai 2011, lors d'une intervention à l'occasion de la septième conférence sur la surveillance électronique en Europe sous l'égide de l'organisation européenne de probation, que malgré les réserves initiales, on constatait que les mineurs comprenaient parfaitement les contraintes et les enjeux d'une telle décision.
Les mineurs n'estiment pas que cette peine aménagée représente une quelconque faveur, bien au contraire. Ils mesurent la gravité des faits commis, de la sanction prononcée et l'importance des obligations qui vont être les leurs dans le cadre de la surveillance électronique.
Ce magistrat décrit au cours de son intervention les modalités de la prise en charge éducative particulièrement renforcée nécessaires pendant l'application de la mesure et pour préparer la fin de celle-ci. Sur quatorze mineurs placés sous surveillance électronique durant un an, une seule mesure a échoué. Le magistrat souligne que le placement sous surveillance électronique impose des limites au mineur et un cadre qui peut être sécurisant pour lui, la contrainte étant matérialisée par le bracelet. Il n'a constaté aucune réitération pendant le déroulement des mesures de placement sous surveillance électronique.
L'assignation à résidence avec surveillance électronique a notamment été introduite par la loi pénitentiaire de 2009. L'article 22 a pour objet d'encadrer son application aux mineurs.
Monsieur le président, permettez-moi de revenir sur un point que nous avons abordé précédemment.
Je remercie M. le ministre de m'avoir fait parvenir un petit mot m'indiquant qu'au 1er juin 2011, cent dix-huit personnes relevaient du régime du placement sous surveillance électronique mobile. Un important effort a été consenti puisque j'avais constaté, il y a deux ans, que seulement trente-deux personnes étaient concernées.
Ces données ne concernent pas les mineurs !
Nous sommes bien d'accord, nous parlons d'un sujet différent.
Le chiffre que vous m'avez communiqué permet de mesurer les limites de l'utilisation de cet instrument pour les majeurs. La surveillance électronique mobile est invoquée très souvent alors qu'elle ne concerne, dans les faits, que cent dix-huit personnes. Même si l'on additionne l'ensemble des mesures de placement sous surveillance électronique mobile prises pendant un an, les résultats resteront extrêmement modestes. Cela devrait nous amener à être prudents lorsque nous déciderons de l'extension de cette mesure.
J'en reviens à l'assignation à résidence avec surveillance électronique des mineurs. L'article 22 permet d'appliquer cette disposition aux mineurs de treize à seize ans, ce qui, sauf erreur de ma part, n'était pas possible jusqu'à aujourd'hui.
Quoi qu'il en soit, je tiens à insister sur la nécessité d'un suivi éducatif renforcé. Toutes les organisations spécialistes du suivi des mineurs ont insisté sur ce point. En effet, il est extrêmement difficile pour des mineurs aussi immatures que la plupart des délinquants d'intégrer une limite déjà difficile à accepter pour les adultes.
(Les amendements identiques nos 71 et 134 ne sont pas adoptés.)
(L'article 22 est adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 100 rectifié , portant article additionnel après l'article 22.
La parole est à M. Marc Dolez.
Les auteurs de cet amendement souhaitent supprimer la possibilité de placer en détention provisoire, en matière correctionnelle, les mineurs de treize à dix-huit ans mis en examen. Par ailleurs, la durée de cette détention, en matière criminelle et pour les mineurs de treize à seize ans, est limitée à un mois, non renouvelable. Pour les mineurs de seize à dix-huit ans, la détention provisoire est limitée à trois mois, renouvelables une fois.
Défavorable. La loi d'orientation et de programmation pour la justice de 2002 détermine les règles relatives à la détention provisoire des mineurs.
Celle-ci peut être ordonnée soit en matière criminelle, soit en cas de violation des obligations d'un contrôle judiciaire, soit en matière correctionnelle, si la peine encourue est supérieure à trois ans de prison mais uniquement pour les mineurs de seize à dix-huit ans.
Aujourd'hui, il n'existe pas de détention provisoire des mineurs de treize à seize ans en matière correctionnelle, hormis…
…en cas de violation des obligations d'un contrôle judiciaire.
Cet équilibre est totalement satisfaisant d'autant qu'il bénéficie du dispositif des centres éducatifs fermés. Il a permis de faire reculer la détention provisoire des mineurs. Alors qu'en 2002, 75 % des mineurs détenus étaient des prévenus, ils ne sont plus que 58 % en 2010 – je ne vous rappelle pas que la majorité a changé en 2002.
Je reprends à mon compte tous les arguments du rapporteur.
(L'amendement n° 100 rectifié n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 73 , visant à supprimer l'article 24.
La parole est à M. Marc Dolez.
Il est défendu.
(L'amendement n° 73 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
(L'article 24 est adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 202 à l'article 25 bis.
La parole est à M. Dominique Raimbourg.
Cet amendement vise à accélérer le cours de la justice en fixant un délai au juge.
La commission a émis un avis favorable. Toutefois, un amendement similaire concernant les majeurs vient d'être repoussé par notre assemblée.
La parole est à M. Dominique Raimbourg pour soutenir l'amendement n° 137 .
Il est défendu.
(L'amendement n° 137 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
(L'article 26 est adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 119 , visant à supprimer l'article 26 bis.
La parole est à M. Marc Dolez.
Les auteurs de cet amendement sont défavorables au dispositif de l'article 26 bis aux termes duquel les faits commis par un mineur de moins de seize ans, relevant donc du tribunal pour enfants, seraient jugés par la cour d'assises des mineurs s'ils sont « connexes » avec des faits commis une fois les seize ans révolus.
Cette disposition, qui autorise que des faits commis par des enfants fassent l'objet d'un jugement devant une cour d'assises, nous semble contraire à la philosophie de l'ordonnance de 1945.
(L'amendement n° 119 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
(L'article 26 bis est adopté.)
Défendu !
(L'amendement n° 76 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
(L'article 28 est adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 110 , portant article additionnel après l'article 28.
La parole est à M. Marc Dolez.
Par cet amendement, nous proposons que soit menée une évaluation des centres éducatifs fermés. Certes, plusieurs de nos collègues ont fait état, au cours du débat, de leur expérience, souvent positive, au sujet de ces établissements. Il n'en demeure pas moins qu'il semble exister de fortes disparités territoriales en la matière. En outre, nous avons été alertés par le contrôleur général des lieux de privation de liberté qui, ainsi que je l'indiquais tout à l'heure, a souligné dans son rapport un certain nombre de dysfonctionnements. Il nous semblerait donc judicieux, avant de faciliter le placement des mineurs dans ces structures et de généraliser celles-ci, de disposer d'une évaluation de leur fonctionnement.
Défavorable. Monsieur Dolez, je tiens à votre disposition plusieurs rapports comportant une évaluation des CEF. En effet, dès 2005, Mme Tabarot a réalisé une telle évaluation dans le cadre du contrôle budgétaire. Dans le deuxième rapport de la mission d'information sur l'exécution des peines, consacré à la prise en charge sanitaire et psychiatrique des mineurs placés sous main de justice et remis en décembre 2009, M. Zumkeller a évalué très précisément les CEF aux moyens renforcés en matière de santé mentale. La Défenseure des enfants et le Contrôleur général des lieux de privation de liberté ont également traité de ce sujet. Enfin, j'envisage moi-même d'évaluer à nouveau les CEF dans le cadre de l'avis budgétaire que je présenterai sur les crédits de la PJJ dans le cadre de l'examen du PLF pour 2012.
Vous disposerez donc, si vous faites preuve d'un peu de patience, d'une étude supplémentaire sur les centres éducatifs fermés.
Même avis que la commission.
Compte tenu de cette explication, retirez-vous l'amendement n° 110 , monsieur Dolez ?
L'article 29 tend à créer le tribunal correctionnel pour mineurs et il est vrai que nous nous sommes largement expliqués sur le sujet avant la suspension de séance que j'ai demandée. À ce propos, je veux rassurer M. le ministre en lui disant que les personnes que j'ai rencontrées lors de cette suspension de séance m'ont renforcé dans la conviction que ce tribunal est une véritable juridiction d'exception !
Si cette rencontre a renforcé vos convictions, c'est peut-être parce qu'elle vous a empêché de suivre une partie de nos débats, monsieur Dolez… (Sourires.) Ce n'est qu'une plaisanterie, pas une position, bien sûr !
La parole est à M. Dominique Raimbourg, pour soutenir l'amendement n° 138 .
Je m'associe entièrement aux propos de M. Dolez. Il ne s'agit pas pour nous de passer l'article 29 sous silence, mais nous avons déjà longuement développé nos arguments. Nous renvoyons donc au débat que nous avons eu tout à l'heure, qui nous a confortés dans l'idée qu'il faut s'opposer à la création du tribunal correctionnel pour mineurs.
J'ai moi-même profité de la suspension de séance pour relire les dispositions de l'article 29, qui m'ont conforté dans l'idée qu'il fallait absolument repousser ces amendements de suppression de l'article 29 et maintenir la création du tribunal correctionnel pour mineurs.
Ce fut sans doute la suspension de séance la plus utile de la journée. (Sourires.)
Quel est l'avis du Gouvernement ?
J'avais senti M. Dolez faiblir, d'autant plus que la cohorte de manifestants qu'il est allé rencontrer était elle-même fort maigre.
Je n'en doute pas un instant, monsieur Dolez.
Je ne répéterai pas non plus ce que j'ai déjà dit. Je suis évidemment opposé à la suppression de l'article 29, car la création du tribunal correctionnel pour mineurs est parfaitement conforme à l'esprit de l'ordonnance de 1945.
Je suis saisi d'un amendement n° 169 .
La parole est à M. Philippe Goujon.
Cet amendement déposé par M. Estrosi va sans doute renforcer l'hostilité de MM. Raimbourg et Dolez à l'égard de l'article 29 – lequel reprend pourtant une préconisation du rapport Varinard, qui fait autorité en la matière. Nous proposons en effet de supprimer la disposition, introduite par le Sénat, qui prévoit que le tribunal correctionnel pour mineurs doit être présidé par un juge pour enfants.
Bien entendu, un tel juge devra siéger au sein de ce tribunal, afin de respecter le principe constitutionnel de la spécialisation des juridictions pour mineurs. Mais nous ne devons pas occulter l'objet de cette nouvelle juridiction spécialisée, qui est de juger les mineurs âgés de seize à dix-huit ans les plus ancrés dans la délinquance. Je rappelle que l'alinéa 4 de l'article 29 dispose que seront jugés par ce tribunal « les mineurs poursuivis pour un délit puni d'une peine d'emprisonnement égale ou supérieure à trois ans » – c'est-à-dire les violences aggravées, les destructions de biens, les vols – « et commis en état de récidive légale », ce qui est bien différent de la réitération.
Du reste, le recteur Varinard estime, dans son rapport, « que, si la progression des sanctions doit suivre la progression des actes délictueux » – ce qui est cohérent et logique – « il importe aussi que les formations de jugement suivent cette même progression, jusqu'à afficher une plus grande sévérité. » Or, si la présidence de ce nouveau tribunal est assurée par un magistrat professionnel, il est bien évident que la charge symbolique et la solennité – selon les termes mêmes employés dans le rapport – seront plus fortes pour le délinquant qui comparaîtra devant une telle formation de jugement.
Cet amendement participe évidemment d'une série de dispositions qui visent à rapprocher le droit pénal appliqué aux mineurs âgés de seize à dix-huit ans de celui qui est applicable aux majeurs.
Une erreur matérielle a entraîné un vote défavorable de la commission, et je tiens à la réparer, en assurant notre collègue Goujon du soutien que le rapporteur apporte à son amendement.
Le Gouvernement est tout à fait favorable à cet amendement.
L'avantage, avec notre collègue Goujon, c'est qu'il vend la mèche. En effet, nous n'avons cessé de répéter que la composition de ce nouveau tribunal correctionnel annihilait la différence entre tribunal pour majeurs et tribunal pour mineurs et, alors que M. le ministre nous a juré que tel n'était pas le cas, M. Goujon vient de reconnaître qu'il s'agit bien de rapprocher la justice pénale des mineurs de celle des majeurs. Il a au moins le mérite de le dire clairement. Nous avons donc raison de nous opposer à ce glissement.
Pour ma part, je m'oppose à cet amendement, qui fragilise le dispositif que M. le ministre nous propose et qui s'éloigne des principes et des objectifs que nous poursuivons. À cet égard, l'exposé sommaire de l'amendement est clair, puisqu'il précise que « l'objectif de ce projet de loi est de rapprocher la justice pénale des mineurs de plus de seize ans de celle des majeurs. » Nous nous éloignons ainsi du principe de spécificité et nous encourons donc un risque constitutionnel, au-delà du respect de l'éthique, qui m'avait paru être le premier souci de M. le ministre.
Je m'interroge également sur cet amendement. Nous voulons – et il ne faut pas s'en cacher – mettre en oeuvre une gradation et tenir compte du fait qu'entre seize et dix-huit ans, on n'est plus tout à fait un enfant mais pas encore un majeur. Dès lors, soit on « décroche » cette tranche d'âge de la justice pénale des mineurs en cas de délits graves et cela revient à créer, dans certaines circonstances, une majorité pénale à seize ans ; soit on veut absolument conserver la spécificité de la justice des mineurs, tout en mettant en oeuvre une gradation qui tienne compte de l'évolution délictueuse du comportement du jeune, et je ne vois pas pourquoi on supprimerait l'idée intéressante introduite par le Sénat, selon laquelle le tribunal pour mineurs doit être présidé par un juge pour enfants. Il s'agit en effet d'une mesure symbolique, qui permet de souligner que cette juridiction reste dédiée à des mineurs dans un contexte nouveau.
Je suis donc plutôt opposé à cet amendement, à moins que l'on me démontre qu'il est indispensable de le voter pour atteindre nos objectifs sans renier nos fondamentaux.
En ma qualité de porte-parole du groupe, je suis très embarrassé par cet amendement. Je crois qu'en le votant, nous affaiblirons notre position et nous prendrons le risque d'être en contradiction avec ce que nous avons défendu cet après-midi. J'ai beaucoup d'estime pour ceux de mes collègues qui ont co-signé cet amendement, mais je crois qu'il présente une difficulté majeure et nous fait courir un risque inutile. J'y suis donc opposé.
(L'amendement n° 169 n'est pas adopté.)
(L'article 29 est adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 140 , portant article additionnel après l'article 29.
La parole est à Mme George Pau-Langevin.
M. le ministre nous a dit que nous ne faisions pas de propositions. Par cet amendement, nous suggérons d'améliorer les mesures de nature éducative plutôt que de chercher en priorité à durcir les sanctions. Cette proposition ne peut que recueillir votre adhésion, mes chers collègues, puisqu'il s'agit de rappeler l'importance de la continuité éducative, en incitant tous les adultes qui sont amenés à intervenir auprès de l'enfant en difficulté– professeurs, éducateurs de la protection judiciaire de la jeunesse et de l'aide sociale à l'enfance – à travailler ensemble. Cette orientation a d'autant plus de chances de recueillir votre assentiment qu'elle correspond plus ou moins à ce que nous essayons de faire dans la pratique.
(L'amendement n° 140 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 171 .
La parole est à M. Dominique Raimbourg.
Cet amendement propose de créer un délégué du juge des enfants, sur le modèle du délégué du procureur. La présence de délégués du juge des enfants permettra à celui-ci d'élargir son champ d'activité et de multiplier ses interventions.
Défavorable.
(L'amendement n° 171 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 172 .
La parole est à Mme George Pau-Langevin.
J'ai eu l'occasion de constater, lors d'une visite chez les gendarmes de Versailles, que les personnels spécialement formés à la prise en charge de la délinquance des mineurs effectuaient un travail de meilleure qualité. Même si cela se fait déjà de manière informelle, il nous semble qu'il serait souhaitable de développer une police spécialement formée à la prise en charge de la délinquance des mineurs – qu'il s'agisse des auteurs ou des victimes. On peut en effet penser qu'une sensibilisation des personnels de police à cette question particulière permettrait de rendre les relations entre les jeunes et la police moins conflictuelles qu'elles le sont actuellement.
Je constate que vous évoquez les victimes, madame Pau-Langevin. Est-ce à dire que vous souhaitez rectifier votre amendement, qui ne traite en l'état actuel que de la prise en charge de la délinquance ?
Même avis.
(L'amendement n° 172 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 237 du Gouvernement.
La parole est à M. le ministre, pour le défendre.
Cet amendement renforce la cohérence et l'efficacité du dispositif de césure du procès pénal devant les juridictions des mineurs qui vient d'être adopté à l'initiative du rapporteur et du président de la commission des lois, afin de répondre aux recommandations des praticiens. Il permet, lorsque l'ajournement est prononcé par le juge des enfants, que celui-ci puisse, s'il l'estime opportun, renvoyer l'affaire à une audience devant le tribunal pour enfants.
Ainsi, la décision sur la culpabilité du mineur et, le cas échéant, celle sur l'action civile, pourront être prononcées très rapidement après la commission des faits en chambre du conseil, par le seul juge des enfants. À l'audience de renvoi, le tribunal pour enfants aura la possibilité, au vu des éléments de personnalité recueillis dans l'intervalle, de déterminer la réponse pénale la plus appropriée : mesure éducative, sanction éducative ou peine.
La commission n'a pas examiné cet amendement mais, à titre personnel, j'y suis favorable. En effet, cette mesure donnera encore davantage de souplesse au dispositif de la césure.
(L'amendement n° 237 est adopté.)
Je constate que le vote est acquis à l'unanimité.
(L'article 29 bis, amendé, est adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 106 .
La parole est à M. Marc Dolez, pour le soutenir.
Je vais défendre d'un mot les amendements nos 106 , 109 et 122 rectifié , qui visent tous trois à traduire des propositions de la défenseure des enfants au sujet des enfants délinquants.
Défavorable, dans la mesure où ces trois amendements limitent l'utilisation du centre éducatif fermé, dont nous avons démontré l'intérêt tout à l'heure.
Même avis.
(L'amendement n° 106 n'est pas adopté.)
(L'amendement n° 109 n'est pas adopté.)
(L'amendement n° 122 rectifié n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 120 , visant à supprimer l'article 29 ter.
La parole est à M. Marc Dolez.
Je suis saisi de deux amendements, nos 238 rectifié et 88 rectifié , pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. le ministre, pour soutenir l'amendement n° 238 rectifié .
L'amendement n° 238 rectifié vise à coordonner les dispositions relatives au contrat de responsabilité parentale avec celles relatives à l'information du président du conseil général par le parquet.
La parole est à M. Bernard Gérard pour soutenir l'amendement n° 88 rectifié .
Cet amendement, que j'ai cosigné avec Éric Ciotti, a pour objectif de corriger une incohérence entre, d'une part, le code de l'action sociale et des familles qui donne compétence au président du conseil général pour proposer la conclusion d'un contrat de responsabilité parentale aux parents d'enfants mineurs poursuivis sur le fondement des signalements opérés par le procureur de la république et, d'autre part, le code général des collectivités territoriales et l'article 15-1 de l'ordonnance du 2 février 1945 qui visent les mesures alternatives aux poursuites et « les jugements devenus définitifs ».
Cette incohérence engendre une difficulté dans la mise en oeuvre du dispositif. La conclusion d'un contrat de responsabilité parentale à l'issue de la procédure, soit plusieurs mois voire plusieurs années après la commission des faits, perd de son utilité. Nous avons voulu rendre cohérentes les trois dispositions complémentaires.
Toutefois M. Ciotti et moi-même retirons notre amendement et nous rallions à l'amendement n° 238 rectifié du Gouvernement.
(L'amendement n° 88 rectifié est retiré.)
La commission n'a pas examiné cet amendement, mais j'y suis tout à fait favorable à titre personnel.
(L'amendement n° 238 rectifié est adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 78 , visant à supprimer l'article 30.
La parole est à M. Marc Dolez, pour le soutenir.
Même avis.
(L'amendement n° 78 n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 236 du Gouvernement.
La parole est à M. le ministre, pour le soutenir.
Il s'agit d'un amendement de coordination.
Je suis saisi d'un amendement n° 79 , visant à supprimer l'article 31.
La parole est à M. Marc Dolez, pour le soutenir.
Je vais retirer cet amendement de suppression, monsieur le président. En effet, l'article 31 prévoit l'expérimentation d'un certain nombre de dispositions. Je pense certes que cette expérimentation pose des problèmes en termes de constitutionnalité, notamment du fait de l'atteinte qui pourrait être portée à l'égalité des citoyens dans l'attente de la généralisation des dispositions concernées. Mais je me rends compte que la disparition de l'expérimentation, si mon amendement était adopté, aurait pour effet que des dispositions que je considère comme néfastes seraient d'application immédiate ! (Exclamations.)
(L'amendement n° 79 est retiré.)
Je suis saisi d'un amendement n° 182 .
La parole est à M. Dominique Raimbourg.
Cet amendement a été rejeté par la commission.
J'en profite pour dire que je regrette le retrait de l'amendement de M. Dolez : il a perdu une chance de voir l'un de ses amendements adopté !
Je crois que M. Dolez vous a vu venir, monsieur le rapporteur ! (Sourires.)
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Défavorable.
(L'amendement n° 182 n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 85 .
La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.
Favorable.
(L'amendement n° 85 est adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 186 .
La parole est à M. Dominique Raimbourg.
Cet amendement vise à généraliser l'expérimentation, y compris en ce qui concerne les mineurs.
Nous avons achevé l'examen des articles du projet de loi.
Je n'ai été saisi d'aucune demande d'explication de vote personnelle.
Je rappelle que la conférence des présidents a décidé que les explications de vote des groupes et le vote, par scrutin public, sur l'ensemble du projet de loi auront lieu le mardi 28 juin, après les questions au Gouvernement.
Prochaine séance, lundi 27 juin à dix-sept heures :
Projet de loi de règlement des comptes et rapport de gestion pour l'année 2010 ;
Débat d'orientation des finances publiques pour 2012.
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt heures quarante.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,
Claude Azéma