Nous avons là un exemple de la manière dont ce texte peut déraper. Toute personne qui a eu affaire à des enfants en grande difficulté sait qu'il est faux de prétendre que leurs parents s'en désintéressent, même s'ils se montrent souvent mal à l'aise et ne savent pas par quel bout prendre la situation. Les théories que nous rabâche M. Ciotti à ce sujet ne sont que des idées reçues.
Sans doute avez-vous vu ce très beau film qui se déroule dans un collège du XXe arrondissement et qui a reçu la Palme d'or. On y voit ce gamin insupportable, qui finit par être exclu du collège. Sa mère assiste bien au conseil de discipline, mais sans manifestement comprendre ce qui se passe, et sans parvenir à s'exprimer pour expliquer le comportement de son fils.
Certains parents ont du mal à se faire respecter parce qu'ils sont au chômage, qu'ils ont des métiers peu valorisés, ou parce qu'ils ont des difficultés à s'exprimer en français. Et vous voudriez en plus les faire comparaître devant un tribunal entre deux gendarmes ! Si l'on veut s'y prendre à l'envers pour restaurer l'autorité des parents, c'est exactement ce qu'il faut faire !
Si certains parents ne comparaissent pas, c'est qu'ils ne savent pas comment s'exprimer devant une juridiction qui les impressionne. Ne croyez pas que c'est en les obligeant à se présenter par la force que vous réglerez la situation familiale. À toujours vouloir apporter des solutions répressives aux problèmes, on fait fausse route.
Qu'il faille épauler les parents, nous en sommes tous d'accord. J'ai organisé, dans le XXe arrondissement, plusieurs réunions sur le sujet, et les associations avec lesquelles nous travaillons m'ont expliqué que, si les parents avaient tendance à baisser les bras, c'est que des tiers « autorisés » leur expliquaient en permanence qu'ils ne savaient pas comment s'y prendre et mettaient en cause leur conception de l'éducation, différente de la nôtre.
En effet, contrairement à ce que pensent certains, l'éducation, dans les pays d'origine de ces enfants – qu'il s'agisse de l'Afrique subsaharienne ou du Maghreb –, peut être une éducation très autoritaire. C'est aussi le cas aux Antilles, où les parents n'hésitent pas à éduquer leurs enfants à coup de taloches…
On m'a cité le cas d'un père de famille dont le gamin avait volé des chips au Monoprix. Convoqué au commissariat pour venir récupérer l'adolescent, humilié par son comportement, il lui a flanqué une paire de claques. Il a aussitôt été placé en garde à vue et on lui a expliqué qu'il était inadmissible qu'il ait frappé son enfant. La semaine suivante, le gamin commet un nouveau larcin ; on appelle le père à son travail, lequel rétorque qu'on se débrouille sans lui, puisqu'il ne sait pas comment s'y prendre et n'a pas le droit de l'éduquer comme bon lui semble ! Voilà comment des parents finissent par baisser les bras après avoir été disqualifiés.
Je ne dis pas qu'il ne faut rien leur dire, et sans doute faut-il expliquer aux parents que, dans notre pays, les enfants sont traités moins brutalement qu'ailleurs, mais cela doit passer par le dialogue. Les parents ont besoin d'être épaulés, mais s'y prendre comme on nous le propose, en ayant recours à la répression, est particulièrement contre-productif. C'est la « logique des Alpes-Maritimes », qui ne permettra en aucun cas que les parents, dans nos villes, soient mieux associés à l'éducation de leurs enfants.