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Intervention de George Pau-Langevin

Réunion du 23 juin 2011 à 15h10
Participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et jugement des mineurs — Article 10, amendements 36 111

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGeorge Pau-Langevin :

Monsieur le ministre, pour justifier la création du tribunal correctionnel pour mineurs, vous avez cité le recteur Varinard. Or il se trouve que nous l'avons auditionné, et nous avons bien vu qu'il prenait une certaine distance par rapport à ce projet. Il a bien dit, lors de son audition, que s'il avait, certes, envisagé la création d'un tribunal correctionnel pour mineurs, c'était dans le cadre d'une gradation des sanctions. À ses yeux, ce qui était important, et ce qui avait une valeur éducative, c'est que le mineur comprenne qu'à chaque stade, la sanction qu'il encourt va être un peu plus importante. Ce qui le gênait manifestement, dans votre texte, c'est que, clac, il organisait directement la comparution devant un tribunal qui, dans son esprit, devait constituer le dernier stade d'une série graduée de sanctions susceptibles d'être prises à l'encontre d'un mineur. Ce qu'il proposait, c'était un parcours de sanctions. C'est cela qui avait une valeur pédagogique. Votre texte s'écarte de cette idée. Voilà ce qui est dérangeant.

Le recteur Varinard disait même, lors de son audition, que ce qui lui semblait inadapté, c'était précisément le fait que l'on ne pourrait faire comparaître le mineur devant ce tribunal correctionnel que jusqu'à son dix-huitième anniversaire. Dans beaucoup de pays européens, un tribunal spécifique est prévu, certes, à partir de seize ans, mais juge les auteurs de délits jusqu'à l'âge de vingt et un ans, afin que cette catégorie, « les jeunes », soit bien prise en compte.

L'anomalie, dans votre démarche, c'est qu'elle ignore cette donnée nouvelle : dans notre société, les jeunes qui ont entre seize et vingt et un ans sont beaucoup moins autonomes qu'ils ne l'étaient par le passé. Autrefois, certains jeunes commençaient à travailler à quatorze ou quinze ans, certains fondaient une famille assez tôt. Dans notre société, au contraire, il y a toute une période intermédiaire durant laquelle le jeune reste dans une sorte de statut adolescent. Il n'a pas d'emploi, il est vaguement à l'école, il n'y est plus, il peut avoir une petite copine, mais sans être en mesure de créer avec elle un foyer. Ainsi, vous avez des jeunes qui restent des semi-adultes quasiment jusqu'à vingt-cinq ou trente ans.

Paradoxalement, vous voulez avancer l'âge auquel ils vont être traités comme des adultes sur le plan pénal. Il y a une anomalie qui ne tient pas compte de la situation réelle dans laquelle sont les jeunes aujourd'hui.

Vous dites montrer la même prudence que pour la cour d'assises des mineurs, dont, observez-vous, nous ne parlons pas. En fait, vous êtes en train de suivre la même pente néfaste, puisque dans ce texte, vous avez repris la proposition de loi Lang-Baroin sur la publicité des audiences en cour d'assises des mineurs qui me semble particulièrement malvenue. La non publicité est inspirée par le fait que le mineur est une personnalité qui mérite d'être protégée. Mais en élargissant la publicité devant la cour d'assises des mineurs, vous rapprochez la procédure en cour d'assises des mineurs de celle des majeurs.

Par conséquent, là encore, vous n'avez pas confiance dans les principes de l'ordonnance de 1945 selon lesquels le mineur, même s'il a infiniment tort, doit être traité comme une personnalité en construction, et par conséquent, nous devons faire confiance à la valeur éducative des mesures prises à son encontre.

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