Ce n'est pas nous qui sommes aux affaires depuis dix ans ! Ce qui a été fait avant 2002, nous l'assumons, et vous n'étiez pas les derniers à nous en faire le reproche à l'époque. Mais depuis 2002, vous pourriez avoir un peu d'humilité dans ce domaine. Votre discours tendant à dire que la délinquance évolue, et que cela rend les choses compliquées et difficiles, il ne sert qu'à vous rassurer. Le fait est que dans ce domaine, vous avez échoué, comme nous, nous avions échoué.
Ayons au moins l'honnêteté intellectuelle de le reconnaître. Nous avons échoué en 2002, et nous avons essayé de comprendre pourquoi. Vous avez échoué depuis 2002, essayez de comprendre pourquoi. Ne soyez pas dans le déni comme nous l'avons été.
Si l'on part du principe que nous avons échoué collectivement sur la délinquance des mineurs, nous pouvons admettre que certains, qui ont anticipé cet échec, ont mis en oeuvre depuis plusieurs années des dispositifs qui fonctionnent. Comme le disait Julien Dray, la prise en compte précoce d'un certain nombre de problématiques comportementales de mineurs très jeunes fonctionne. Nous arrivons à éviter que les jeunes basculent dans la délinquance multirécidiviste. Le fruit de notre expérience nous prouve qu'il y a d'autres solutions.
Mais je suis persuadé que votre tribunal correctionnel pour mineurs n'impressionnera en rien ces mineurs multirécidivistes, parce qu'ils ne sont pas capables aujourd'hui d'entendre ce que leur dit le monde de la justice dans le cadre actuel. Et ce sera pareil demain, vous pourrez créer tous les tribunaux que vous voulez, les jeunes n'entendront pas, parce que comme l'a dit Julien Dray, ce sont des délinquants, certes, et il faut les sanctionner, mais ce sont avant tout des adolescents, et pour certains, des enfants. Il faut trouver d'autres moyens qu'un tribunal de plus pour faire en sorte qu'ils ne deviennent pas des délinquants multirécidivistes.
Par rapport à l'ordonnance de 1945, créer un tribunal spécifique pour les jeunes entre seize et dix-huit ans c'est créer une nouvelle entité contraire à l'ordonnance, qui ne distinguait que les enfants, mineurs, et les majeurs. Vous créez une catégorie particulière, qui n'existait pas avant.