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Intervention de François Pupponi

Réunion du 23 juin 2011 à 15h10
Participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et jugement des mineurs — Article 10

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois Pupponi :

L'article 10 est la pierre angulaire de votre conception de la justice des mineurs en ce qu'il crée le tribunal correctionnel pour mineurs. Avant d'en dire quelques mots, je vous lirai ceci :

« Les textes de références majeurs en matière de justice des mineurs sont la convention internationale des droits de l'enfant et l'ordonnance de 1945.

« En accord avec ces engagements, il importe de préserver les principes suivants : la spécialité de la justice des mineurs, la spécialisation des magistrats, la spécificité des procédures, la primauté de l'action éducative, la proportionnalité et l'individualisation des réponses. Or ces principes connaissent de plus en plus de dérogations et notamment en ce qui concerne les mineurs âgés de seize à dix-huit ans.

« Ce projet de loi en est l'illustration, et l'on peut s'interroger sur son opportunité, sur la forme et sur le fond. Sur la forme, rien ne justifie une telle précipitation, alors qu'un projet de code de la justice pénale des mineurs est en préparation depuis 2008 et qu'il est annoncé dans l'exposé des motifs. Sur le fond, le texte porte une nouvelle atteinte à l'ordonnance du 2 février 1945 et marque un dangereux glissement de la justice des mineurs vers celle des adultes.

« Il convient donc de supprimer les dispositions concernant la justice des mineurs. »

Ce texte est l'exposé des motifs de l'amendement n° 37 de Mme Hostalier, inspecteur général de l'éducation nationale, ancienne ministre et membre du groupe UMP. On voit donc que nous traitons d'un sujet fondamental pour tous les bancs de l'hémicycle. Se joue aujourd'hui, monsieur le ministre, la manière dont notre république va appréhender les moyens de lutter contre la délinquance des mineurs, mais surtout préserver les principes fondateurs de l'ordonnance de 1945, c'est-à-dire, nous l'avons dit, redit et nous le redirons, qu'un mineur n'est pas un adulte et qu'on ne peut pas traiter un enfant comme un adulte.

À chaque fois que l'on prend une mesure coercitive, une sanction, à chaque fois que l'on met en cause un mineur dans un acte délictueux et répréhensible, il faut avoir à l'esprit la volonté éducatrice qui lui donnera une chance de s'intégrer d'une manière normale dans notre société. Voilà le fondement de l'ordonnance de 1945, qui, je le rappelle, a été signée par le général de Gaulle juste après guerre.

Or ce que vous faites régulièrement depuis des années trouve sa concrétisation aujourd'hui dans l'article 10. Devant votre échec à juguler la délinquance des mineurs, l'aggravation de cette délinquance, la violence de plus en plus importante de jeunes mineurs, vous créez des dispositifs spécifiques, des tribunaux ad hoc. Ce faisant, vous abaissez la majorité pénale : en créant un tribunal correctionnel pour mineurs pour les jeunes de seize à dix-huit ans, on abaisse de fait la majorité pénale et on ne considère plus un enfant comme un individu spécifique.

En créant ce tribunal correctionnel, en modifiant fortement la justice des mineurs, vous vous attaquez au fondement même des droits de l'enfant qui étaient encadrés depuis longtemps dans notre pays. L'ordonnance de 1945 a souvent été modifiée, amendée, pas toujours dans le bon sens, mais a tout de même conservé sa philosophie. Or, aujourd'hui, avec ce texte, vous attaquez de plein fouet cette philosophie et vous ébranlez de manière durable, et plus que critiquable selon nous, cet édifice du droit français dont la dimension éducative spécifique est reconnue, enviée, copiée même, dans le monde entier. Au moment où beaucoup de pays nous imitent, vous décidez d'attaquer cet édifice. C'est pourquoi nous proposons la suppression de l'article 10.

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