M. le garde des sceaux me connaît trop bien pour croire que je vais me laisser endormir par des paroles qui semblent de bon sens mais qui, dans les faits, ne s'appliquent pas. En effet, combien y a-t-il eu, depuis 2007, de victimes ayant contesté la criminalisation de leur affaire devant le tribunal correctionnel ? Cela ne se produit pratiquement jamais, car c'est un droit fictif !
Par ailleurs, vous avez insisté sur le fait que ce droit existait en appel et en cassation, mais vous savez fort bien que, dans un procès pénal, la victime ne peut pas faire appel.
Enfin, je ne vois pas pourquoi ma proposition provoquerait un embouteillage chez les juges d'instruction. Actuellement, l'article 85 du code pénal prévoit que « toute personne qui se prétend lésée par un crime ou un délit peut en portant plainte se constituer partie civile devant le juge d'instruction ». Elle peut également le faire devant le procureur de la République, mais, devant le juge d'instruction, elle a la certitude que la décision de qualifier les faits de crime ou de délit sera prise en toute indépendance, le juge d'instruction étant indépendant, contrairement au procureur de la République. Toutes les victimes ont donc intérêt à aller voir le juge d'instruction pour ne pas risquer de voir correctionnaliser leur affaire.
Concrètement, dans un palais de justice, les magistrats d'assises, les magistrats correctionnels et le procureur se connaissent parfaitement ; ils savent également les embouteillages qui encombrent la cour d'assises et ils gèrent ensemble ce genre d'affaires. Je souhaite que ce soit un magistrat indépendant qui puisse le faire. C'est déjà possible si l'on fait directement appel au juge d'instruction. Je demande simplement, pour éviter les embouteillages, que quand on a fait appel au procureur de la République, on puisse également faire appel au juge d‘instruction, dans le cas, par exemple, d'un viol requalifié en agression sexuelle. Cela ne bouleverse en rien notre ordre juridique mais rend effectif ce droit qu'on a voulu donner aux victimes, en évitant de surcroît, chers collègues de la majorité, que l'on se retrouve dans une situation où des gens encourent en correctionnelle des peines bien plus légères que devant les assises. C'est la moindre des choses que nous puissions faire pour nos concitoyens.
Les associations de victimes ne manqueront pas, autrement, de faire passer partout le message, notamment auprès des avocats, qu'il faut toujours saisir le juge d'instruction et jamais le procureur de la République.