La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi portant réforme des retraites (n°s 2760, 2770, 2768, 2767).
Le temps de parole restant pour la discussion de ce texte est de huit heures trente-huit minutes pour le groupe UMP, dont 108 amendements restent en discussion, trois heures seize minutes pour le groupe SRC, dont cinquante-trois amendements restent en discussion, vingt-huit minutes pour le groupe GDR, dont trente-sept amendements restent en discussion, trois heures trente-deux minutes pour le groupe Nouveau Centre, dont vingt-cinq amendements restent en discussion et une minute quatorze secondes pour les députés non-inscrits, dont un amendement reste en discussion.
La séance précédente s'est achevée dans une atmosphère plutôt chahutée. La tension était manifestement palpable. D'abord en raison de conditions de travail déplorables qui finissent par devenir insupportables et indignes d'un Parlement comme le nôtre, indignes de ce que nos concitoyens sont en droit d'attendre de leurs députés.
La tension était palpable également parce que nous avons abordé l'examen des premiers amendements du Gouvernement remettant en cause la médecine du travail.
Vous avez tenté, monsieur le ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique, d'expliquer que vous ne faisiez que traduire la volonté ou l'accord des organisations syndicales et que vous ne faisiez qu'apporter la réponse attendue par les médecins du travail à la situation de désorganisation dans laquelle ils se trouvent.
Vous avez enfin, monsieur le ministre, tenté d'expliquer que cet amendement était absolument nécessaire au regard de l'objectif même de votre projet de loi.
Je tiens, au nom de notre groupe, à redire notre étonnement et notre indignation d'avoir découvert, la semaine dernière – en dernière minute – cet amendement qui remet profondément en cause la médecine du travail. Nous tenons à vous dire que vos explications ne nous ont pas convaincus, en raison de leur fausseté. Vous n'avez pas le droit de dire, monsieur le ministre, que les organisations syndicales soutiennent votre projet : elles ont explicitement indiqué qu'elles refusaient le projet que vous leur proposez ou plutôt que vous leur imposez au détour de cet amendement.
Vous n'avez pas le droit, monsieur le ministre, de dire que cet amendement ne remet pas en cause l'indépendance de la médecine du travail alors même que vous expliquez que dorénavant la médecine du travail sera soumise à l'employeur. Si l'on veut qu'un salarié puisse se confier à un médecin du travail, lui demander des conseils dans la réorganisation de son poste de travail par exemple, cela suppose que ce ne soit pas l'employeur qui dicte au médecin du travail la manière dont il doit répondre au besoin de protection et de prévention.
Enfin, monsieur le ministre, vous n'avez pas le droit de dire que ce texte que vous présentez à la dernière seconde est nécessaire pour votre réforme des retraites ! Si tel était le cas, vous l'auriez présenté d'emblée, au mois de juin.
Si ce projet de réforme de la santé au travail était si indissolublement lié à la prise en compte de la pénibilité et à la mise en place de politiques de prévention, nous en aurions entendu parler dès le départ et vous auriez alors engagé un certain nombre de consultations.
La vérité, c'est que vous voulez vous épargner, vous éviter la difficulté d'une réorganisation de la médecine du travail. Vous avez choisi de réorganiser et d'aménager le moins possible. Vous avez fait le choix peu digne de la présentation d'un amendement en catimini de façon quasiment secrète. Malheureusement pour vous, cette manoeuvre a échoué. À l'heure où nous parlons, l'ensemble des acteurs concernés a déjà exprimé non seulement son mécontentement, mais son indignation. C'est de cela que vous aurez à répondre. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Nous avons bien noté que votre rappel au règlement relevait du fond de la discussion. C'est pourquoi il sera décompté du temps de parole de votre groupe.
Cet après-midi, l'Assemblée a poursuivi l'examen des articles. Elle a commencé la discussion de l'amendement n° 730 rectifié du Gouvernement, portant article additionnel après l'article 25.
L'amendement n° 730 rectifié fait l'objet de plusieurs sous-amendements nos 758 , 765 , 759 , 760 , 761 , 756 , 757 , 746 et 762 .
L'amendement n° 730 rectifié est en discussion commune avec un amendement n° 721 rectifié .
La parole est à M. Jean-Yves Cousin.
Je souhaite quelques éclaircissements. Les missions définies à l'article L. 4622-1-1 sont exercées, sous l'autorité de l'employeur, par les médecins du travail. Cela signifie-t-il que les missions de la médecine du travail sont exercées sous l'autorité de l'employeur ? Si tel était le cas, il n'y aurait plus de réelle indépendance des médecins du travail.
Je m'interroge sur le sens de cet alinéa et je souhaiterais obtenir quelques explications.
Je n'ai pas bien compris, monsieur le ministre, pourquoi vous vous êtes tant énervé tout à l'heure. Vous avez osé dire qu'il y avait eu vingt-cinq réunions de concertation et que toutes les organisations étaient « quasiment » d'accord.
Le débat porte précisément sur ce que recouvre ce « quasiment ». Ce Gouvernement a l'habitude d'organiser des réunions de concertation et non de négociation. Puis, prenant acte de l'échec et du manque d'accord, il présente les textes du MEDEF à l'Assemblée nationale (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) comme étant un projet de loi émanant du Gouvernement.
La méthode est désormais bien éprouvée.
Pour ce qui concerne la santé au travail, le MEDEF en a rêvé, vous êtes en train de le faire, monsieur le ministre. Vous êtes même quelque peu débordé par un certain nombre de collègues qui, si l'on en juge par la teneur de leurs amendements, représentent le commando MEDEF à l'Assemblée nationale. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Lorsque je participais à la mission consacrée à la pénibilité, le patron du MEDEF de l'époque – le baron Seillière – m'avait répondu qu'il ne comprenait pas pourquoi les entreprises devaient payer pour la santé de leurs travailleurs. Selon lui, c'était à la société de payer pour que leur état physique soit satisfaisant et qu'ils soient en mesure d'apporter des profits à l'entreprise. Certes, il s'agit là de deux projets de société différents. Selon nous, c'est aux entreprises d'investir dans la prévention et de payer par le biais de la branche ATMP pour les accidents du travail et faire en sorte de maintenir la santé des travailleurs. Mais pour assurer cet objectif, cela suppose de maintenir l'indépendance de la médecine du travail. Vous déclarez, monsieur le ministre, que l'indépendance de la médecine du travail n'est pas mise en cause. Pourtant, les articles du code du travail que vous abrogez suppriment de fait, à l'alinéa 4, l'indépendance de la médecine du travail, je l'ai déjà indiqué en commission.
Selon vous, tout le monde est « quasiment » d'accord. Je vous informe que tel n'est pas le cas pour le syndicat national des praticiens en santé au travail. Vous pouvez admettre que ces médecins du travail sont concernés. « Sous prétexte de l'adaptation du rôle des services de santé du travail au volet pénibilité de la réforme des retraites, le Gouvernement introduit un amendement qui abandonne au patronat le système de santé au travail après une longue période de négociations entre les partenaires sociaux qui s'est soldée par un échec en septembre 2009 à l'unanimité des organisations syndicales. »
« Quasiment », n'est-ce pas, monsieur le ministre ? Ce syndicat conclut que les médecins du travail ne pourront plus maintenir leur indépendance et garantir celle des autres acteurs de la santé au travail et rappelle que la loi de 1946, issue des travaux du Conseil national de la Résistance, proposait que la médecine du travail avait pour objectif : « éviter toute altération de la santé des travailleurs du fait de leur travail. » C'est aussi cela qui disparaît avec votre modification des articles du code du travail concernant la santé au travail.
Un appel intitulé « Sauvons la médecine du travail » qui, de la même manière, dénonce la perte de l'indépendance des médecins du travail.
Dans votre amendement, monsieur le ministre, vous écartez de fait les CHSCT en désignant un salarié, nommé à la tête du client par l'employeur – un salarié qui n'est pas élu, qui n'est donc pas protégé comme le sont les délégués du personnel et qui n'a pas de temps de délégation dans la mesure où il n'est pas un représentant du personnel.
Il sera aux ordres en effet.
Parmi ceux qui ne sont pas d'accord, figurent aussi la FNATH, l'association des accidentés de la vie, l'ANDEVA, qui représente les victimes de l'amiante.
Notre collègue Lefrand a déposé un sous-amendement pour le moins fantastique ! Il n'a pas hésité à proposer un dispositif localisé de la médecine du travail, cela au détour d'un sous-amendement. Le MEDEF rêvait de localiser le SMIC ! On peut craindre le pire lorsque l'on constate que vous êtes à ce point aux ordres du MEDEF. Vous finissez toujours par aller au-devant de ses souhaits soit par le biais d'un projet de loi ou d'un amendement gouvernemental, soit par un sous-amendement déposé par une fraction de l'UMP ! (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)
Je souhaite élever une protestation. M. Mallot et M. Muzeau ont eu l'air de laisser penser que mes sous-amendements m'avaient été dictés par le Gouvernement ou par je ne sais quelle organisation.
Permettez-moi de faire remarquer à M. Mallot que j'ai été le rapporteur du budget du travail et de l'emploi l'année dernière et que j'ai consacré un chapitre entier à la médecine du travail et à sa réforme. C'est de ce rapport que j'ai tiré mes propositions sur la réforme de la mission des services de santé au travail. J'ai discuté avec les médecins sur la pluridisciplinarité, que le Gouvernement a intégrée dans son amendement. Mes sous-amendements visent à revenir à mes propositions initiales et le Gouvernement les a presque tous acceptés.
Madame Touraine, il faut parfois savoir écouter. Certes, dans l'amendement du Gouvernement, les services de santé au travail sont sous l'autorité de l'employeur, mais mon sous-amendement n° 757 supprime ce lien hiérarchique en précisant que ces services sont en lien avec l'employeur et les salariés. Je suppose, puisque le Gouvernement et la commission y sont favorables, qu'il sera voté, y compris par l'opposition dans la mesure où il correspond à ce qu'elle souhaite.
Quel gâchis, monsieur le ministre, d'avoir refusé que le débat nécessaire sur la médecine du travail soit mené dans la transparence, dans le cadre d'une concertation, avec l'ensemble des acteurs concernés.
Quel gâchis que cette approche – cautionnée par M. Vercamer – qui aboutit à faire croire que ceux qui ne partagent pas vos idées sont des imbéciles : les organisations syndicales, les associations, les millions de personnes dans la rue, a fortiori les socialistes.
Plusieurs députés du groupe UMP. Là, on est d'accord !
Les communistes également ne comprennent rien !
Avec une telle démonstration, monsieur le ministre, vous heurtez ceux-là même qui considéraient qu'ils pouvaient y avoir un débat raisonnable sur ces enjeux.
Considérant que tout le monde devait se coucher devant les revendications du patronat, vous obtenez finalement des communiqués de la teneur de celui de la FNATH, dont les termes sont très durs. Elle écrit : « Confier les clés du poulailler au renard, c'est pourtant ce que s'apprête à faire discrètement le Gouvernement avec la médecine du travail. » « À la surprise générale », ajoute-t-elle, « on va vers une suppression en catimini ». Où est la concertation dont vous nous rebattez les oreilles ? Où sont les échanges indispensables à ce type d'évolution ?
Quant à l'idée selon laquelle, parce que nous parlons des retraites et de la pénibilité, il faudrait impérativement que nous abordions la réforme de la médecine du travail, sauf erreur de ma part, ce ne sont pas les mêmes médecins qui classent les salariés en invalidité et qui exercent la médecine du travail !
En mélangeant tout, vous voulez nous faire croire que votre approche du problème de la médecine du travail est sincère. Mais, si tel était le cas, vous auriez respecté le travail parlementaire fourni, rappelé tout à l'heure par mon collègue Alain Vidalies.
Or, au moment même où vous nous présentez cet amendement, vous êtes en train de semer la discorde dans ce pays. Vous avez commencé de le faire depuis plusieurs semaines ; mais l'acte que vous vous apprêtez à commettre, mes chers collègues, vous devrez en rendre compte : les associations attendent vos explications. Je vous invite à lire ce communiqué pour vous en convaincre.
Pour notre part, nous considérons qu'une réforme de la médecine du travail est nécessaire. Mais cette réforme doit préserver son indépendance, lui fournir des moyens et lui permettre d'exercer ses missions, d'être au côté des salariés et des employeurs. Or c'est tout autre chose que vous nous proposez.
Cessez donc de nous donner des leçons : nous comprenons très bien ce que vous voulez faire et nous allons le dénoncer énergiquement. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
La parole est à M. Denis Jacquat, rapporteur de la commission des affaires sociales.
Je souhaite répondre à M. Cousin, qui a interpellé votre rapporteur à propos de l'autorité de l'employeur sur les services de santé au travail.
Sur ce sujet comme sur d'autres, il faut veiller à ne pas multiplier les procès d'intention. Voilà pourquoi, je l'ai dit, je suis favorable au sous-amendement n° 757 de M. Vercamer, qui lève toute ambiguïté quant au sens de l'amendement n° 730 rectifié .
Au sein de l'entreprise s'exerce d'une certaine façon une autorité de l'employeur de fait, liée à son pouvoir général d'organisation et de direction.
C'est du reste ce que dit l'article L. 4622-1 du code du travail : « Les employeurs relevant du présent titre organisent des services de santé au travail. » Cet article, qui s'applique aujourd'hui, n'est affecté en rien par l'amendement du Gouvernement ; il continuera donc de prévaloir.
Cette autorité va de pair avec l'indépendance du médecin du travail ; elle ne s'oppose pas à elle, car elle n'est pas située sur le même plan. Être indépendant dans l'exercice de ses fonctions ne revient pas à pouvoir tout faire au sein de l'entreprise, indépendamment de l'organisation du droit commun de cette dernière.
C'est une évidence, et c'est cette évidence que visait la formulation de l'amendement : « sous l'autorité de l'employeur ». Il n'est en aucun cas question de revenir sur l'indépendance du médecin du travail telle qu'elle existe aux termes de nombreuses dispositions de notre droit positif. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Madame Billard, je vous rappelle ce que j'ai dit tout à l'heure à propos du sous-amendement n° 762 : la présentation des conditions garantissant les règles d'indépendance des intéressés reprend expressément la rédaction du code afin de lever toute ambiguïté sur ce point.
Monsieur le ministre, il est des questions que je suis de près depuis de nombreuses années. Ainsi, comme quelques autres députés, je suis très sensible à l'assassinat, aux meurtres perpétrés contre les travailleurs exposés à l'amiante.
Si j'utilise des mots aussi durs, c'est parce que, dès lors que l'on envoie quelqu'un travailler dans des conditions dont on sait qu'elles vont l'amener à déclarer une maladie mortelle, sans le prévenir, et en lui disant au contraire qu'il ne risque rien, il s'agit évidemment d'un meurtre. Selon les experts, environ 100 000 personnes seront touchées au terme de cette catastrophe.
Dans ce drame, tous, à commencer par les employeurs, connaissaient avec certitude l'existence du poison mortel après la Seconde Guerre mondiale, les doutes nourris dès 1906 étant devenus certitude absolue dans les années cinquante. Pourtant, chaque fois que je rencontre des survivants – quand ce ne sont pas des veufs ou veuves de victimes –, ils me disent : « Vous savez, monsieur Roy, quand je travaillais à l'usine, je rencontrais régulièrement le médecin du travail, et il me disait que tout allait bien, que j'étais en bonne santé, et que tout ce qu'on pouvait me dire, c'étaient des mensonges » – des carabistouilles, comme on dit dans le Nord. « Il me disait de continuer à travailler, parce que j'étais en parfaite santé. » Le médecin du travail était totalement lié à son patron.
Cette affaire dure depuis maintenant cinquante ou soixante ans. Les mesures adoptées il y a une dizaine d'années vont évidemment dans le bon sens, mais je vous rappelle, monsieur le ministre, que le Gouvernement auquel vous appartenez fait tout ce qu'il peut – et il peut beaucoup, je vous en félicite ! – pour empêcher un procès pénal de l'amiante.
Voilà pourquoi nous n'avons pas voulu signer le rapport de la mission d'information sur l'amiante que j'ai présidée il y a quelques mois. Depuis lors, c'est toujours la Bérézina : rien n'avance ; vous et vos amis du Gouvernement et du MEDEF ne voulez pas qu'un procès pénal ait lieu.
Or vous proposez ici, dans un amendement censé constituer l'une des avancées majeures annoncées par le Président de la République, ce qui constitue manifestement un nouveau recul.
Comme beaucoup de mes amis, j'ai sous la main le communiqué commun de la FNATH et de l'ANDEVA, deux associations très au fait du sort des victimes de l'amiante et qui sont aujourd'hui vent debout ; j'espère que vous ne croiserez pas leurs représentants cette nuit, ou demain au petit matin, lorsque vous quitterez ces lieux,…
…car leurs propos sont pleins de colère – mais d'une colère justifiée.
En effet, il ne s'agit pas seulement d'un coup bas social, mais d'un véritable meurtre. Or si on lie la médecine du travail à l'intérêt patronal, les mêmes causes produiront les mêmes effets. Honte à vous d'avoir écrit un tel texte ! J'espère que nous allons parvenir à éviter le pire.
Madame la présidente, monsieur le ministre, le Gouvernement, sur indication de l'Élysée, a déposé plusieurs amendements de dernière heure.
Ainsi, l'amendement n° 730 rectifié introduit l'essentiel de la partie législative de la réforme de la médecine du travail, préparée par le ministre du travail.
L'argumentaire du Gouvernement pour justifier cette introduction en catimini de dispositions sans rapport avec le sujet est fautif. Faut-il rappeler au ministre du travail que ce sont les médecins conseils de la sécurité sociale qui attribuent les incapacités permanentes, et non les médecins du travail ? Peut-être faudrait-il procurer un code du travail à M. Woerth.
En réalité, cette ignorance est feinte, car le rédacteur du texte, bien au fait du sujet, nous ressert les dispositions que le MEDEF voulait faire signer il y a un an par les organisations syndicales, lesquelles les ont repoussées à l'unanimité.
La plus importante et la plus grave est constituée par l'abrogation de deux articles fondamentaux du code du travail, abrogation indispensable pour justifier l'amendement n° 730 rectifié . En effet, celui-ci a pour objet exclusif de transférer aux services de santé au travail, donc à leurs directeurs, nommés et choisis par les employeurs, les responsabilités légales actuellement dévolues aux médecins du travail.
Si cet amendement, qui prévoit l'application par décret de ces dispositions, est adopté, ce ne seront plus les médecins du travail qui seront chargés de la prévention médicale des risques professionnels, mais les employeurs responsables de l'organisation du travail et des risques auxquels ils exposent la santé des travailleurs qu'ils salarient.
Si, à l'occasion du débat sur les retraites, cette manoeuvre de pure opportunité permettait le vote de l'amendement 730 rectifié , les assemblées prendraient la responsabilité d'avoir, par une décision de couloir, non seulement abrogé la médecine du travail, mais également confié la santé au travail des salariés à leurs employeurs eux-mêmes.
L'importance du sujet mérite un traitement de haute tenue, et non une telle manipulation, qui ne serait pas digne du rôle des représentants de la nation, chargés d'élaborer les lois. Nous demandons donc à tous les élus, quelles que puissent être leurs positions sur la médecine du travail, de renoncer à voter cet amendement. Ils permettront ainsi que l'avenir de la prévention des risques professionnels fasse l'objet d'un véritable débat au sein des assemblées. Ce débat pourra, éventuellement, déboucher sur l'adoption de nouveaux textes, dès lors investis d'une légitimité que l'on ne peut espérer donner à l'amendement n° 730 rectifié .
Beaucoup de choses ont déjà été dites, et excellemment dites. Je ne reprendrai donc pas les différents arguments avancés.
Le Gouvernement, ainsi que M. Vercamer, prétendent que la nouvelle rédaction incluse dans le sous-amendement de ce dernier est propre à nous rassurer. Les médecins du travail exerceraient désormais leur mission en lien avec les employeurs. Qu'est-ce qui me permet d'en déduire qu'ils l'exerceront en toute indépendance et liberté ? On aurait pu écrire « en informant l'employeur », mais on a choisi la formule « en lien avec l'employeur ». D'autre part, celui-ci nommera des intervenants professionnels. (Exclamations sur les bancs du groupe NC.)
J'avoue que je ne suis guère rassuré, que nous ne sommes guère rassurés par la nouvelle rédaction, qui est du reste un coup téléphoné, puisque l'affaire a été manifestement ourdie avec le Nouveau Centre. Je tiens à le dire.
La FNATH et l'ANDEVA ont raison de rappeler que le Gouvernement n'a pas tiré les leçons de la fameuse et douloureuse affaire de l'amiante…
…, à laquelle j'ajouterai celle du chlordécone chez moi. Au-delà des circonstances atténuantes que l'on pourrait éventuellement faire valoir, l'État a autorisé l'utilisation de ces produits toxiques, auxquels les employeurs n'ont pas hésité à exposer leurs ouvriers. Peut-être s'y sont-ils eux-mêmes exposés.
Quoi qu'il en soit, aujourd'hui, une kyrielle de personnes travaillant dans le secteur de l'agriculture – employeurs ou ouvriers, mais surtout ces derniers – sont malades. Et cela ne résulte pas d'une sorte de prédisposition ethnique, ainsi qu'on l'a suggéré, puisque des études scientifiques ont établi que c'est l'exposition prolongée à ces produits toxiques qui provoque ce type de cancer.
Si les médecins du travail sont aux ordres des employeurs, ou s'ils travaillent en lien avec eux, c'est-à-dire main dans la main avec eux – je le dis très clairement –, comment voulez-vous que l'exercice de leur métier, jusqu'à présent garanti, le demeure ? La nouvelle rédaction n'est donc pas de nature à rassurer celles et ceux qui sont habitués à l'exercice de cette indépendance. Je rappelle qu'il s'agit d'un contre-pouvoir au sein de l'entreprise, comme le souligne le communiqué conjoint.
On veut déjà une entreprise ultra-libéralisée, pressurée, où les travailleurs perdent tout ; cette fois, c'est jusqu'à leur santé qui serait livrée en pâture à l'appétit féroce du marché. C'est à tirer l'échelle ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le ministre, vous n'avez pas répondu à nos interpellations et à nos questions.
Il ne répondra jamais ! (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Quelle drôle de conception du dialogue démocratique, monsieur Bur ! Il est tout de même assez sidérant d'entendre de tels propos. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
La séance a repris il y a près d'une demi-heure dans un climat nécessairement apaisé par l'interruption du dîner, après l'émotion suscitée par les propos que vous avez prononcés aux alentours de vingt heures. Nous vous posons toute une série de questions et vous ne nous répondez sur aucun des sujets abordés, qu'il s'agisse des organisations syndicales, de la relation avec la sécurité sociale ou de l'indépendance de la médecine du travail.
Depuis que nous discutons de ce projet de loi, vous ne cessez de nous dire qu'il n'y a pas de problèmes là où nous les voyons.
Ainsi, il y a quelques jours nous avons appelé votre attention sur le fait qu'en relevant l'âge légal de départ à la retraite de soixante à soixante-deux ans, vous alliez provoquer un problème de prise en charge des personnes de plus de soixante ans n'ayant pas d'emploi dans la mesure où aucun dispositif n'est adapté à leur cas. Vous nous avez alors juré tous vos grands dieux que c'étaient les mauvais esprits des socialistes qui allaient chercher on ne sait trop quelle idée étrange. Vous nous avez encore expliqué que nous ne comprenions pas grand-chose à votre texte qui prévoyait toutes les garanties nécessaires.
François Fillon, à la télévision, s'était déjà chargé de mettre un coin dans votre argumentation puisqu'il a indiqué qu'il fallait sans doute trouver les moyens d'une nouvelle allocation. Et ce soir, nous apprenons que la présidente du MEDEF, Mme Parisot, a reconnu aujourd'hui que votre réforme des retraites, qu'elle soutient, allait « provoquer des bouleversements dans des domaines comme celui de l'assurance chômage sur lequel patronat et syndicats doivent renégocier à la fin de l'année » ainsi que dans la gestion des organismes sociaux. Je la cite encore : « Si la réforme des retraites est votée en l'état, l'assurance chômage risque de devoir prendre en charge un nombre de seniors sans emploi, du fait du report de soixante à soixante-deux ans de l'âge légal de départ en retraite. »
Cela fait une semaine que nous vous disons cela…
…et cela fait une semaine que vous nous expliquez que nous ne comprenons pas. Mais Mme Parisot parviendra peut-être, elle, à se faire entendre de vous.
Dans ces conditions, pourquoi voudriez-vous, monsieur le ministre, que nous accordions du crédit à ce que vous nous dites ce soir sur l'indépendance assurée de la médecine travail alors vos affirmations sur la prise en charge des seniors sans emploi, seulement quelques jours après, se trouvent invalidées de façon magistrale par la présidente du MEDEF ?
Avant de donner la parole à M. le ministre, je voudrais pour la parfaite information de notre assemblée vous indiquer, madame Touraine, que depuis trente et une minutes, huit orateurs se sont succédé et que vous êtes vous-même intervenue deux fois. Je n'ai fait que donner la parole à celles et ceux qui l'ont demandée.
Madame la députée, il semblerait que vous soyez totalement obnubilés par le MEDEF. Il ne se passe pas une minute sans que vous l'évoquiez. Je ne sais pas ce qu'il vous a fait.
Je suis très surpris de voir à quel point le MEDEF vous impressionne. Il y a beaucoup de fantasmes à son propos, comme il y a beaucoup de fantasmes à propos de la médecine du travail.
Du reste, j'ai du mal à répondre aux interventions sur la médecine du travail : vous parlez de tout sauf de l'amendement.
Je note que vous n'avez absolument pas critiqué son contenu même. Vous n'avez rien dit de la pluridisciplinarité, principe que nous voulons voir appliquer à l'examen de la pénibilité à travers l'ensemble des dispositifs de santé et de sécurité au travail. Nous souhaitons qu'il soit fait appel à des ergonomes, des psychothérapeutes, des toxicologues, dont le travail serait évidemment placé sous la coordination du médecin du travail.
Comment pourriez-vous contester que cette évolution va dans l'intérêt général du salarié ? Cela correspond au contenu même du rapport du Conseil économique, social et environnemental que vous vous plaisez à mettre en avant.
Vous ne dites rien sur le fond de l'amendement car, en réalité, c'est un bon amendement.
Vous ne dites rien non plus des missions des services de santé au travail, …
…lesquelles sont définies dans la loi. Vous n'en avez rien dit pour la bonne raison qu'il s'agit également d'une disposition qui fait consensus parmi les médecins du travail et chez la plupart des organisations syndicales. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Vous agitez comme un chiffon rouge l'idée de l'indépendance. Tout d'un coup, les médecins n'auraient plus d'indépendance. Mais quelle drôle de conception, madame Touraine, monsieur Vidalies ! Les médecins du travail ont leur indépendance comme tous les médecins.
Plusieurs députés du groupe SRC. Non !
Vous savez comment fonctionnent les hôpitaux. N'y a-t-il pas des médecins et des directeurs ? C'est exactement la même chose : il doit bien y avoir, à un moment donné, un employeur. Et heureusement qu'il y a encore en France des employeurs, car le jour où il n'y en aura plus, il n'y aura plus d'employés non plus ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Le médecin du travail a son autonomie, il a l'indépendance médicale. C'est un salarié protégé et nous avons voulu le montrer en acceptant des sous-amendements qui viennent préciser les intentions du Gouvernement comme le sous-amendement n° 762 .
Plutôt que d'agiter des fantasmes, parlez des sujets tels qu'ils sont. Nous avançons. Nous renforçons la médecine du travail, nous consolidons ses services et faisons en sorte que la France en soit fière. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC. – Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
En conséquence, le sous-amendement n° 765 tombe.
(Le sous-amendement n° 759 est adopté.)
(Le sous-amendement n° 760 est adopté.)
(Le sous-amendement n° 761 est adopté.)
(Le sous-amendement n° 756 n'est pas adopté.)
(Le sous-amendement n° 757 est adopté.)
(Le sous-amendement n° 746 est adopté.)
(Le sous-amendement n° 762 est adopté.)
(L'amendement n° 730 rectifié , sous-amendé, est adopté.)
En conséquence, l'amendement n° 721 rectifié tombe.
L'amendement n° 557 n'a plus d'objet.
Je suis saisie de deux amendements, nos 555 et 424 , pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. Francis Vercamer, pour soutenir l'amendement n° 755 .
Cet amendement va encore renforcer l'indépendance de la médecine du travail. Il vise à ce que le service de santé au travail soit obligatoirement mutualisé entre les entreprises. Ainsi, les grandes entreprises ne pourraient plus disposer d'un service intégré. Elles devraient, comme les PME, travailler avec un service de santé externe, moyennant une cotisation pour assurer son financement et donc son indépendance.
Et dans un autre amendement, vous rappeliez l'existence d'un lien de subordination !
Cet amendement devrait intéresser nos collègues de l'autre bord de l'hémicycle puisqu'il va permettre aux services autonomes de santé au travail de prendre en charge les employés des entreprises sous-traitantes et intérimaires intervenant sur un même site, ce qui n'est actuellement pas possible.
L'amendement de M. Vercamer est excellent mais les services peuvent déjà s'organiser de la sorte et, de surcroît, certains services sont spécialisés, ce qui rend la mutualisation difficile.
Par ailleurs, l'amendement n° 424 relève du domaine réglementaire. Je vous propose donc, monsieur Lefrand, de le retirer.
Je le maintiens, madame la présidente.
(L'amendement n° 555 n'est pas adopté.)
Aujourd'hui, les services de santé au travail interentreprises, qui concernent les salariés du privé, relèvent du régime des agréments.
Dans l'amendement n° 435 , nous proposons qu'ils puissent contractualiser avec les organismes de tutelle mais également s'engager dans une démarche qualité, qui permettra à l'avenir, nous l'espérons, d'aboutir à une certification.
L'amendement n° 442 vise à transformer la commission médico-technique en véritable commission de projet, chargée d'élaborer le projet médical qui s'intégrera au projet de service du service de santé au travail.
Voilà qui est extrêmement intéressant. L'amendement n° 435 , sous des dehors anodins, propose une démarche de qualité. Aucune explication n'est donnée. Le Gouvernement et la commission émettent un avis favorable.
Pourtant, cet été, le Conseil économique et social a remis, à la demande du Gouvernement, un rapport sur la certification qualité dans le domaine de la santé au travail. À la question de savoir si elle était utile, la réponse du Conseil a été unanime : certainement pas ! Il a considéré que l'Agence française de sécurité sanitaire de l'environnement et du travail, l'AFSSET, était la mieux à même de répondre aux exigences définies pour l'élaboration d'un cadre normatif. La conclusion définitive, votée à l'unanimité, est que la procédure de qualité n'est pas du tout adaptée. Le Conseil s'y oppose.
Chacun a bien compris que dans l'espèce de République décadente dans laquelle nous sommes – et j'inclus le fonctionnement de notre assemblée –, il n'y a plus aucune limite. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Chacun d'entre vous, chers collègues, sait pertinemment que cet amendement va à l'encontre d'une décision unanime du Conseil économique et social. Pourtant, le rapport n'en dit rien. Et si nous avons retrouvé cet avis, c'est que nous avions déjà travaillé sur la question.
Assumez donc votre position : cet amendement a pour but de contourner une décision du Conseil en faveur de laquelle organisations d'employeurs et syndicats se sont prononcés.
Bien sûr, vous pouvez toujours continuer à mener des opérations de ce genre sans vous intéresser aux avis contraires parce que vous estimez qu'en étant majoritaires ici, vous pouvez tout broyer. Sachez seulement que d'autres rendez-vous vous attendent.
Mais une nouvelle fois, s'agissant des méthodes que vous utilisez – passez-moi l'expression – vous êtes pris la main dans le sac. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
J'aimerais préciser, comme nous l'avons expliqué dans l'exposé des motifs, que la certification est une procédure lourde dont les modalités doivent être fixées par décret. C'est pourquoi nous proposons que les services de santé au travail puissent s'engager dans une démarche qualité, sur la base du volontariat, en faisant des expérimentations. Il n'y a aucune contradiction avec ce que nous avons dit.
Je vais laisser à M. Lefrand le soin de présenter son amendement, similaire au mien.
Nous avons déposé cet amendement à la suite des auditions que nous avons menées dans le cadre du groupe de travail sur la souffrance au travail. Il nous est apparu nécessaire d'aménager le paritarisme au sein des services de santé au travail interentreprises dont les conseils d'administration sont constitués aux deux tiers par les employeurs et pour un tiers par les représentants des salariés.
Nous proposons que le conseil soit représenté à parité par des représentants des entreprises adhérentes, désignés par les organisations professionnelles d'employeurs, et des représentants des organisations syndicales de salariés.
Puisque l'employeur reste responsable du service de santé au travail, nous demandons également qu'il ait la présidence, et que le président soit en activité.
La commission est défavorable au sous-amendement n° 753 .
Par ailleurs, je retire mon amendement au profit de celui de M. Lefrand.
Le Gouvernement est favorable à l'amendement n° 480 présenté par M. Lefrand. C'est une avancée très importante puisqu'il s'agit de l'installation du paritarisme – c'est curieux, pour une fois l'opposition ne dit pas que c'est la voix du MEDEF. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Cette mesure était prévue pour 2012. Nous anticipons car c'est un mode de fonctionnement démocratique.
Monsieur Vidalies, je tiens à vous préciser que le Conseil économique, social et environnement n'a jamais voté sur ce que vous avez dit. En effet, il a voté, non sur la certification de la médecine du travail, mais sur les normes générales concernant la sécurité au travail dans l'entreprise. Il n'a pas donné d'avis négatif sur la certification des services de médecine du travail.
Nous n'avons pas besoin de dire que c'est la voix du MEDEF, puisque le ministre l'a écrit lui-même !
De même qu'il nous a expliqué tout à l'heure qu'en plaçant le médecin du travail sous l'autorité de l'employeur il assurait son indépendance, il vous dit maintenant, via l'amendement de M. Jacquat et celui de M. Lefrand, qu'il organise le paritarisme avec présidence et voix prépondérante de l'employeur. Si c'est cela le paritarisme, il est pour le moins déséquilibré ! On connaît le résultat des prises de décision à l'avance. Voilà pourquoi nous n'avons pas besoin d'affirmer que c'est la voix du MEDEF, tout le monde ayant compris que ça l'est naturellement.
L'alinéa 13 de l'article 49 du règlement de notre assemblée prévoit que : « Chaque député peut prendre la parole, à l'issue du vote du dernier article du texte en discussion, pour une explication de vote personnelle de cinq minutes. Le temps consacré à ces explications de vote n'est pas décompté du temps global réparti entre les groupes, par dérogation à la règle énoncée à l'alinéa 8. »
Madame la présidente, existe-t-il dans notre règlement d'autres dispositions qui pourraient m'empêcher d'exercer cette liberté personnelle que semble m'octroyer l'alinéa 13 de l'article 49 ? J'aimerais que la présidence me donne une réponse, car je souhaiterais pouvoir user de cette liberté que m'offre le règlement.
Monsieur Rogemont, cette opportunité a été évoquée ce matin en Conférence des présidents. Vous savez qu'elle ne peut s'exercer qu'à la fin de la discussion des articles du texte. L'opportunité se présentera donc quand nous aurons achevé l'examen des différents articles et amendements du présent projet de loi.
Je suis saisie d'un amendement n° 327 rectifié .
La parole est à M. Guy Lefrand.
Cet amendement vise à permettre aux différents services de santé au travail de sortir de leur isolement et d'entrer en partenariat grâce à la commission de projet de service pluriannuel qui définira les priorités d'action du service. Bien sûr, ce projet sera soumis à l'approbation du Conseil d'administration paritaire tel que nous venons de le définir et il devra s'inscrire dans le cadre d'un contrat d'objectifs et de moyens entre le service, les autorités administratives et les organismes de sécurité sociale, c'est-à-dire la DIRECCTE et la CARSAT. Il sera nécessaire également de prendre l'avis de l'ARS.
Favorable.
(L'amendement n° 327 rectifié est adopté.)
Effectivement, notre amendement est presque identique à l'amendement n° 96 . Pour notre part, nous proposons que : « En l'absence d'accord étendu, un décret détermine les règles applicables à ces catégories de travailleurs », alors que M. Jacquat prévoit que c'est un décret en Conseil d'État qui détermine les règles applicables à ces catégories de travailleurs.
Actuellement, de nombreuses catégories de salariés, notamment les artistes, mannequins et les salariés de particuliers employeurs qui sont plus de 2 millions ne bénéficient d'aucun service de santé au travail. C'est pourquoi nous proposons de créer des accords collectifs de branche, de manière à pouvoir les prendre en charge.
S'agissant plus précisément des particuliers employeurs, nous proposons d'intégrer, sur la base du volontariat, des médecins non spécialistes en médecine du travail dans les équipes disciplinaires des services de santé au travail, afin de prendre en charge ces patients. Bien sûr, cette proposition n'est pas sortie ex nihilo. Elle est issue du décret n° 86-442 du 14 mars 1986 signé par Laurent Fabius, Henri Emmanuelli, etc., qui institue l'apparition des médecins généralistes pour gérer les aptitudes des fonctionnaires de la fonction publique.
Non seulement nous reprenons ce qui avait été décidé à l'époque par la gauche, mais nous l'améliorons puisque nous imposons la signature d'une convention avec un service de santé au travail.
J'avais, pour ma part, présenté un amendement qui avait été accepté par la commission, celui de M. Lefrand ayant été repoussé.
Au cas où aucun accord de branche ne serait conclu, il me semble important qu'un décret soit pris après avis du Conseil d'État, de manière que toutes les garanties juridiques puissent être apportées à cette procédure.
J'espère que le groupe SRC votera cet amendement, car il donne la possibilité à des salariés d'avoir accès à la médecine du travail. 1,7 million de salariés à domicile sont concernés par cette mesure. Pour le moment, ils n'ont pas accès à la médecine du travail lorsqu'ils travaillent de manière fractionnée.
Employeurs et syndicats se sont réunis hier pour commencer à en définir les modalités. J'espère qu'un consensus se dégagera sur ce point. C'est une nouvelle avancée dans le domaine de la médecine du travail et pour les salariés.
Une loi sur la médecine du travail rend obligatoire la surveillance de l'ensemble des salariés, quel que soit leur contrat de travail. Or le Gouvernement nous explique que, comme cette loi n'est pas respectée, il faut procéder à des dérogations. L'amendement n° 96 prévoit en effet que : « Un accord collectif de branche étendu peut prévoir des dérogations aux règles relatives à l'organisation et au choix du service de santé au travail ».
Parmi les catégories concernées, on trouve les intermittents du spectacle, les salariés du particulier employeur, les salariés temporaires, les stagiaires de la formation professionnelle, les travailleurs des associations intermédiaires, les travailleurs exécutant habituellement leur contrat de travail dans une entreprise autre que celle de l'employeur, les travailleurs éloignés exécutant habituellement leur contrat de travail dans un département différent de celui où se trouve l'établissement qui les emploie, les travailleurs détachés temporairement par une entreprise non établie en France. Bref, tous les travailleurs sous statut précaire se retrouvent de fait éjectés de la médecine du travail générale.
Monsieur Lefrand, si je vous comprends bien, mieux vaut essayer d'inventer un nouveau dispositif que de faire respecter la loi.
Je vous ferai remarquer, mes chers collègues, qu'en tant que députés nous sommes des employeurs – nous sommes des TPE puisque nous n'avons pas beaucoup de salariés. À juste titre, et heureusement, les services de l'Assemblée nous ont rappelé que nous avions obligation de permettre à nos collaborateurs d'être suivis par la médecine du travail. Ils ne nous ont pas dit qu'on avait le droit d'y déroger. Je remercie les services de l'Assemblée de nous avoir fait ce rappel, pour ceux qui ne respectaient pas cette règle. Plutôt que de prévoir des dérogations qui font que ce sont tous les travailleurs précaires qui, demain, seront complètement exclus de la médecine du travail, mieux vaudrait faire ce rappel pour l'ensemble des catégories de travailleurs. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)
En dressant la liste de ceux qui sont pratiquement exclus de la médecine du travail, vous incitez à voter cet amendement. Nous souhaitons en effet que tous les salariés de France aient accès à la médecine du travail. Et c'est ce que nous faisons.
Monsieur le ministre, vous nous expliquez que, grâce à ces amendements, les personnes qui sont exclues de la médecine du travail pourraient en bénéficier. Avant de prendre position, je souhaite vous poser deux questions car j'ai du mal à mesurer la portée de ces amendements.
Premièrement, ces personnes sont-elles exclues juridiquement de l'accès à la médecine du travail, ou bien est-ce une situation de fait que vous ne pouvez que constater ?
Deuxièmement, grâce à l'adoption de cet amendement, ces personnes auront-elles accès à la médecine du travail de droit commun ou, face à une situation que vous regrettez, avez-vous imaginé un système intermédiaire avec ces accords et le recours à une médecine de ville ?
J'attends donc votre réponse car nous nous interrogeons sur la portée de ces amendements et sur le fait de savoir si nous allons les voter.
Les salariés à temps plein de particuliers employeurs ont accès à la médecine du travail. En revanche, une femme de ménage qui ne travaille pas à temps plein s'en trouve juridiquement exclue. C'est la raison pour laquelle nous prévoyons des procédures adaptées qui ne sont pas dérogatoires et qui concernent tout de même 1,7 million de personnes.
Les intermittents du spectacle, quant à eux, viennent de signer un accord dépourvu de bases légales. Nous proposons un dispositif qui permettra à cet accord de trouver un fondement juridique et d'adapter leur médecine du travail.
Nous donnons la possibilité juridique ou pratique aux uns et aux autres, à travers des accords de branches, d'accéder à la médecine du travail, ce que ne leur permet pas la législation en vigueur.
Notre incertitude sur la portée du texte n'a pas été comblée par les explications du Gouvernement. Nous sommes au milieu du gué. L'idée générale est de permettre à chaque salarié d'accéder à une véritable médecine du travail.
En même temps, le texte se donne pour ambition non pas d'interdire aux salariés concernés l'accès à la médecine du travail mais de trouver une autre piste, sorte de pis-aller. En attendant la lecture définitive du texte, l'examen du droit commun vous conduira sans doute à leur donner ce droit.
En l'état, il ne s'agit pas pour nous de sanctionner cette initiative qui nous a paru dans un premier temps digne d'intérêt. Le groupe socialiste s'abstiendra donc sur le vote de cet amendement.
Ce que nous proposons va plus loin que ce que les socialistes ont proposé pour la fonction publique en 1986. Encore une fois, vous avez créé des médecins agréés qui donnent ou non l'aptitude aux fonctionnaires à travailler. De la même manière, nous souhaitons que soit donnée l'aptitude à travailler à des employés qui n'ont pas accès à la médecine du travail.
Aussi, puisque nous allons plus loin que vous en 1986, j'y insiste, je vois difficilement pour quels motifs vous pourriez être contre cet amendement.
Les réponses de M. le ministre, objectivement, sont loin d'être de nature à rassurer les parlementaires sur le risque présenté par cet amendement de la création d'un système dérogatoire. Son adoption ferait des salariés, qui sont déjà les victimes permanentes de la précarité, les victimes d'une sous médecine du travail.
J'espère que vous profiterez du temps que vous offrira la lecture du texte par le Sénat pour formuler une explication plus convaincante. En attendant, les députés du groupe GDR voteront contre cet amendement.
Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l'amendement n° 96 .
(Il est procédé au scrutin.)
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 216
Nombre de suffrages exprimés 161
Majorité absolue 81
Pour l'adoption 145
Contre 16
(L'amendement n° 96 est adopté.)
Puisque nous nous sommes abstenus, le résultat annoncé est impossible ; nous souhaitons obtenir des explications. D'autre part, au nom de mon groupe, je demande une suspension de séance de cinq minutes.
Les résultats que j'ai lus sont ceux que j'ai sous les yeux. (Brouhaha.)
Je n'ai fait que lire les résultats qui se sont affichés devant moi.
Je vous les rappelle : le nombre de votants était de 216, le nombre de suffrages exprimés de 161, la majorité absolue de 81 voix et 145 députés se sont prononcés pour l'adoption contre 16. (Rumeurs.)
Les membres du groupe SRC se sont majoritairement abstenus : c'est le cas pour 53 d'entre eux alors que 5 ont voté contre et 2 pour. (Brouhaha.)
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Alors !
Les résultats du vote sont publics et je les tiens à votre disposition.
Rappel au règlement
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt-deux heures trente-cinq, est reprise à vingt-deux heures quarante-cinq.)
La séance est reprise.
La parole est à M. Yves Cochet pour un rappel au règlement.
Rappel au règlement
Madame la présidente, avec M. Ayrault, nous avons déjà interpellé la présidence cet après-midi à propos de l'organisation de nos travaux. Ce soir, je souhaiterais vous interroger plus particulièrement sur la manière dont ceux-ci vont se dérouler au cours de cette séance, qui a été ouverte à vingt et une heures trente. Le règlement de l'Assemblée comporte en effet deux articles qui peuvent nous permettre de préciser quelle sera l'organisation de nos travaux cette nuit.
L'article 49-1, alinéa 1, dispose que « les jours de séance au sens de l'article 28 de la Constitution sont ceux au cours desquels une séance a été ouverte. Ils ne peuvent se prolonger, le lendemain, au-delà de l'heure d'ouverture de la séance du matin fixée à l'article 50. » Or, l'article 50, alinéa 3, dispose que « la matinée du mercredi est réservée aux travaux des commissions ».
Certes, la « feuille verte » indique que notre assemblée pourrait éventuellement siéger demain matin, mercredi. Mais nous avons conclu, de la conférence des présidents qui s'est tenue hier et des discussions que nous avons eues avec le président Accoyer cet après-midi, qu'il n'y aurait probablement pas de séance publique demain matin. Dès lors, madame la présidente, je souhaiterais que vous nous indiquiez si vous avez l'intention d'aller jusqu'au bout, c'est-à-dire jusqu'à cinq heures, sept heures, dix heures ou treize heures, voire jusqu'à la séance de l'après-midi, qui est, elle, fixée à quinze heures.
Au vu de l'article 49-1, alinéa 1, et de l'article 50, alinéa 3 et compte tenu du fait que la conférence des présidents a prévu une séance éventuelle demain matin, la séance qui a été ouverte à vingt et une heures trente ne peut se poursuivre au-delà de neuf heures trente demain matin. (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Vous m'avez posé une question, je vous ai répondu, monsieur le président Cochet.
Je vous propose que nous en venions aux amendements suivants.
En préambule, je tiens à saluer mes collègues Sophie Delong et Anne Grommerch, avec qui j'ai déposé cet amendement, ainsi que les suivants.
L'amendement n° 482 vise à clarifier la gestion des services de santé au travail, en précisant que toute convention doit faire l'objet d'une publicité au sein du conseil d'administration.
Favorable.
(L'amendement n° 482 est adopté.)
Je suis saisie d'un amendement n° 483 rectifié .
La parole est à M. Guy Lefrand.
Il s'agit d'un amendement très important. La notion de remplacement supposant celle de clientèle, donc d'exercice libéral, actuellement, un interne de médecine du travail ne peut remplacer un médecin du travail, ce qui pose d'énormes problèmes d'organisation au sein des services de santé au travail. Nous vous proposons donc de permettre à ces services de faire appel temporairement à un interne de la spécialité.
(L'amendement n° 483 rectifié , accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.)
Je suis saisie d'un amendement n° 330 rectifié .
La parole est à M. Guy Lefrand.
Il s'agit de préciser le rôle du directeur du service de santé au travail – qui n'est pas spécifiquement prévu dans la loi –, de définir ses missions et de rappeler, si besoin est, qu'il se doit d'être garant de l'indépendance du médecin, qui est déjà prévue à l'article 95 du code de déontologie, sachant, par ailleurs, que le médecin du travail est un salarié protégé.
Puisque l'auteur de cet amendement a évoqué l'indépendance du médecin du travail, je souhaiterais demander à mes collègues ce qu'ils répondraient aux remarques formulées par le Conseil économique et social sur le travail de nuit et son impact sur les conditions de travail.
Je vous lis un extrait d'un de ses rapports : « Malgré la volonté du législateur de réduire le recours au travail de nuit, force est de constater que celui-ci tend à se banaliser. Or, le travail de nuit doit rester une exception. Certaines exigences économiques, sociales et sociétales impliquent que des activités productives – sidérurgie, entreprises du feu – et des services d'intérêt général – services de sécurité, ordre public, santé, communication, transports – fonctionnent la nuit pour la satisfaction des besoins collectifs ou pour répondre aux besoins d'une économie mondialisée. Toutefois, le travail de nuit ne doit pas être considéré comme une modalité d'organisation du travail ordinaire, justifiable par la seule recherche de la productivité et l'utilisation optimale des équipements industriels. »
Lorsque le médecin du travail sera soumis au patron, au responsable de la production, comment pourra-t-il s'opposer au développement du travail de nuit ?
(L'amendement n° 330 rectifié est adopté.)
Je suis saisie de deux amendements, nos 93 rectifié et 487 rectifié , pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement n° 93 rectifié .
La parole est à M. Guy Lefrand.
Je suppose, monsieur Lefrand, que vous allez défendre en même temps l'amendement n° 487 rectifié .
Oui, madame la présidente, car ces deux amendements sont très proches.
Nous proposons que des salariés se trouvant dans une situation de précarité et ne bénéficiant statutairement d'aucun droit à la santé au travail puissent enfin en bénéficier. Les modalités d'application de cette mesure seront fixées par décret.
Quel est l'avis de la commission sur les deux amendements en discussion commune ?
La commission a repoussé l'amendement n° 487 rectifié et accepté l'amendement n° 93 rectifié , lequel, dans un souci de rapidité et de cohérence, prévoit un décret unique, et non différents textes, pour déterminer l'ensemble des règles applicables aux différentes catégories de travailleurs concernés.
Favorable à l'amendement n° 93 rectifié .
Cet amendement n'est pas anodin, et nous voterons contre, pour des raisons identiques à celles que j'ai exposées tout à l'heure. J'espère que l'examen du texte par le Sénat nous permettra d'y voir un peu plus clair.
Monsieur le rapporteur, vous souhaitez déterminer par décret des règles qui, à l'évidence, vont à nouveau déroger au droit commun en matière d'organisation et de financement des services de santé au travail ainsi que de suivi de l'état de santé de salariés qui, de par leur contrat de travail, sont eux-mêmes placés en marge du droit commun du salariat. Avouez que nous avons là des raisons objectives d'être inquiets.
Il serait donc souhaitable que vous nous convainquiez ce soir ou, à tout le moins, que vous affûtiez vos arguments afin que nos collègues du Sénat et nous-mêmes, lorsque nous examinerons le texte de la CMP – puisque nous n'aurons pas droit à une seconde lecture –, sachions de quoi il retourne.
(L'amendement n° 93 rectifié est adopté.)
En conséquence, l'amendement n° 487 rectifié tombe.
Je suis saisie d'un amendement n° 329 .
La parole est à M. Guy Lefrand.
Je le retire, madame la présidente, car il est satisfait par le sous-amendement voté à l'amendement n° 730 rectifié du Gouvernement.
(L'amendement n° 329 est retiré.)
Il nous semble que, dans ce volet consacré à la pénibilité, il manque l'essentiel, c'est-à-dire un dispositif de compensation permettant véritablement à ceux dont l'espérance de vie en bonne santé et sans incapacité est diminuée par l'exposition à la pénibilité de profiter, comme tout autre salarié, d'un temps de vie à la retraite.
À la mesure individuelle de l'usure au travail, qui est unanimement rejetée par les organisations syndicales, nous avons proposé de substituer le principe d'un dispositif de majoration de durée d'assurance pour les travailleurs soumis à certains types de conditions de travail pénibles, et ce qu'il y ait ou non des effets sur la santé. Notre amendement prévoyant l'abaissement de la condition d'âge en deçà de soixante ans pour les salariés justifiant d'un quantum d'années d'exposition à des efforts physiques lourds, à un environnement agressif ou à des rythmes de travail contraignants a été jugé irrecevable pour des raisons financières.
C'est la raison pour laquelle nous avons déposé cet amendement d'appel et de repli. Il s'agit d'ouvrir dès à présent le débat sur les options en présence : soit un dispositif de majoration de durée d'assurance – position soutenue par les syndicats –, soit la création d'une allocation de cessation anticipée d'activité pour les travailleurs exposés à des conditions de travail pénibles, défendue notamment par la FNATH, sur le modèle de ce qui existe déjà pour les travailleurs de l'amiante. Cette seconde solution permettrait d'apporter une réponse plus immédiate de nature à régler la situation de nombreux salariés de cinquante-cinq ans déjà usés par leur travail.
(L'amendement n° 250 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Dans le cadre de la promotion de la pluridisciplinarité, qui a été défendue par le Gouvernement et à laquelle nous souscrivons, nous souhaitons proposer la création d'une spécialité d'infirmière en santé au travail – comme cela existe pour les infirmières de bloc opératoire ou pour les infirmières anesthésistes – de manière à améliorer l'attractivité dans ce secteur et à permettre une véritable délégation de tâches ou un véritable transfert de compétences entre les médecins et les différents intervenants en santé au travail.
Je suis saisie d'un amendement n° 485 rectifié .
La parole est à M. Guy Lefrand.
Il s'agit d'un amendement de repli. Nous proposons en effet, avec mes collègues Mmes Delong et Grommerch, que le Gouvernement remette au Parlement un rapport formulant des propositions pour développer l'attractivité des activités de santé au travail pour les infirmières, en vue d'étudier la possibilité de créer des formations complémentaires.
La commission a émis un avis favorable. Toutefois, là encore, après relecture de l'amendement, j'ai le sentiment qu'il est satisfait.
Le Gouvernement a émis un avis défavorable, car M. Hénart remettra au mois d'octobre un rapport sur le sujet.
M. Lefrand souhaite rendre le métier attractif, mais il me semble que les infirmières ont vu leurs retraites réformer en février 2010 sans qu'ait été prise en compte la pénibilité particulière de leur métier, liée au travail de nuit. Or, le rapport du CES confirme qu'un travail de nuit prolongé et régulier peut provoquer chez les femmes, mais aussi chez les hommes, certains cancers. Je m'étonne donc que l'on mette l'accent sur l'attractivité de ce métier, qui est certes importante, en oubliant les préoccupations de santé, qui n'ont pas été incluses dans la réforme des retraites des métiers de la santé.
Je suis saisie d'un amendement n° 533 .
La parole est à M. Jean-Luc Préel.
L'amendement n° 533 a été cosigné par Francis Vercamer, qui s'intéresse beaucoup à la pénibilité. Cet amendement symbolique vise à affirmer que l'accès à la retraite prend en compte l'altération de la santé des salariés en lien avec des facteurs de pénibilité au travail. En effet, la pénibilité au travail doit pouvoir être prise en compte pour déterminer l'âge à partir duquel un salarié ayant été durablement exposé à des facteurs de pénibilité peut faire valoir ses droits à une retraite à taux plein. Notre pays est ainsi, comme a pu le préciser le Président de la République, l'un des seuls à tenir compte de la pénibilité dans le cadre de l'accès à la retraite. C'est un principe fort de cette réforme, qu'il convient d'affirmer de façon plus solennelle, au coeur du dispositif proposé. (« C'est faux ! » sur les bancs du groupe SRC.)
Défavorable.
(L'amendement n° 533 n'est pas adopté.)
La parole est à M. Jean-Luc Préel, premier orateur inscrit sur l'article 26.
L'article 26 correspond à l'abaissement de la condition d'âge pour les assurés bénéficiant d'une incapacité permanente. En effet, la prolongation de deux ans avant de pouvoir liquider sa retraite pose le problème des longues carrières, auquel sont confrontés ceux qui ont commencé à travailler tôt, ainsi que le problème de l'employabilité des seniors et celui de la pénibilité. Francis Vercamer, auteur d'un remarquable rapport, aura l'occasion de s'exprimer sur ce sujet.
Bien entendu, nous ne pouvons être indifférents à la pénibilité. L'essentiel, et nous sommes certainement tous d'accord sur ce principe, est de tout faire pour limiter la pénibilité, donc de tout faire pour prévenir la pénibilité et ses conséquences. Il s'agit d'améliorer la prévention, de parvenir à une définition juridique de la pénibilité, de renforcer le rôle de l'observatoire de la pénibilité, d'assurer la traçabilité avec le renforcement du carnet de santé au travail. Il restera, ensuite, à s'engager vers la réparation.
Le texte prévoyait une réponse individuelle, médicale, en autorisant le départ en retraite à soixante ans de ceux qui avaient été reconnus comme atteints d'une incapacité de 20 %. Le Gouvernement s'est engagé à nous proposer d'abaisser ce taux à 10 %, ce qui permettra de prendre en compte de nombreuses conséquences d'un métier pénible, dont les troubles musculo-squelettiques, si fréquents. Il s'agit là d'un réel progrès, que nous tenons à saluer. Il restera à régler le problème de l'exposition à des produits cancérogènes, dont les conséquences malheureuses ne se manifestent que des années plus tard.
Je voudrais, enfin, rappeler que l'espérance de vie à la retraite est différente pour un ouvrier et un cadre. Un régime de retraite à compte notionnel permet de prendre en compte ce différentiel, puisque le niveau de la retraite dépend de l'espérance de vie. Il serait donc souhaitable d'envisager cette réforme qui nous paraît nécessaire et urgente.
Après la brillante intervention de Jean-Luc Préel (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), je voudrais simplement ajouter quelques précisions. Avec l'article 26, le Gouvernement ouvre un nouveau droit à la prise en compte de la pénibilité dans le cadre des retraites. Même si elle n'est pas reconnue par l'opposition, c'est là une avancée sociale importante, comparable à la reconnaissance par le passé de droits nouveaux tels les congés payés. Certes, l'avancée est peut-être un peu faible pour le moment, puisque le texte prévoit une prise en compte de l'incapacité de 20 % – le Gouvernement ayant cependant prévu une amélioration sous la forme d'un amendement ramenant ce taux à 10 %. Le groupe Nouveau Centre souhaite que l'on prenne également en compte les risques différés, c'est-à-dire les maladies professionnelles se déclenchant plusieurs années après l'exposition où elles trouvent leur origine. Ce serait d'ailleurs le rôle de l'observatoire de la pénibilité que de suivre ces risques professionnels, afin de déterminer les conditions dans lesquelles ils pourraient être pris en compte.
De même, le Nouveau Centre souhaite que l'on avance sur la question des risques psycho-sociaux, du stress – la maladie du siècle – et des tentatives de suicide (Exclamations sur les bancs du groupe GDR)…
Le stress, disais-je, et certains suicides sont parfois la conséquence de ces risques psycho-sociaux. Il est important de travailler sur cette question. Comme me l'a confié M. Jacquat en aparté lors d'une réunion de la commission, il est très difficile, actuellement, de définir les risques psycho-sociaux, donc de les comptabiliser. Le comité scientifique, l'observatoire de la pénibilité ont travaillé sur ce thème. Pour ma part, je fais confiance à la science et il conviendra de continuer à avancer sur ces questions.
Avec l'article 26, le Gouvernement affirme prendre en compte la pénibilité au travail pour les droits à la retraite. En fait, il n'en est rien : il confond pénibilité et invalidité.
S'il est juste de prendre en compte l'invalidité des travailleurs résultant d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, en revanche le concept de pénibilité n'est pas réellement et suffisamment pris en compte dans ce projet de loi. Il est nécessaire de compenser un handicap potentiel, il ne suffit pas de citer un mot pour en faire une réalité.
Alors qu'il s'agissait d'un engagement du ministre des affaires sociales – aujourd'hui Premier ministre – en 1993, la prise en compte de la pénibilité n'a pas fait l'objet de négociations avec les partenaires sociaux.
Pour les Radicaux de gauche, la pénibilité au travail doit être prise en compte dans les secteurs privés et publics, et un tableau de la pénibilité doit être établi et revu régulièrement. Nous pensons que l'âge de la retraite n'a pas toujours le même sens, les différentes activités exercées par les salariés correspondant à des espérances de vie inégales. Dans le cas d'un travail pénible, il faut pouvoir accorder un droit à la retraite anticipée ou des bonifications de durée ou de points. De même, une véritable discussion avec les organisations syndicales, prenant tout le temps nécessaire, doit avoir lieu sur cette question de la pénibilité – ce qui n'a pas été le cas jusqu'à présent, contrairement à ce que prévoyait la loi de 2003.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je veux attirer votre attention sur la pénibilité d'une catégorie professionnelle particulière, celle des ouvriers forestiers, des contractuels de droit privé de l'Office national des forêts, au nombre d'environ 3 000. Je me suis aperçu, il y a quelques années, que l'État licenciait pour inaptitude ces ouvriers forestiers qui, l'âge venant – la plupart du temps peu après cinquante ans –, étaient inaptes à continuer d'exercer un travail extrêmement difficile car accompli à l'extérieur par tous les temps, avec des outils lourds et bruyants. Rien n'était alors prévu pour régler ce problème.
Depuis, l'État a demandé à l'Office national des forêts de mettre en place des dispositifs qui ont effectivement amélioré la situation. Il s'agit de mesures volontaires, représentant un montant de dépenses justifié, mais très important – entre 50 et 55 millions d'euros par an, pris sur le budget de l'Office. Je voulais attirer votre attention sur cette situation particulière, monsieur le ministre, afin que celle-ci soit prise en compte dans le cadre des nouvelles dispositions heureusement introduites par cette loi au sujet de la pénibilité. Cela fait des décennies que les ouvriers forestiers de l'ONF attendent une solution durable, et je ne doute pas que le vote de cette loi permettra de leur donner satisfaction.
Madame la présidente, monsieur le ministre, il y a sept ans, lors de la réforme Fillon, l'adoption de l'article 12 de la loi du 21 août 2003, fixant un délai de trois ans aux organisations professionnelles et syndicales pour engager une négociation interprofessionnelle sur la définition et la prise en compte de la pénibilité, avait été largement saluée – sauf par ceux qui n'avaient pas voté le texte.
Malheureusement, après l'échec des négociations entre les partenaires sociaux, il devient impératif d'adopter aujourd'hui une réforme concrète. En effet, il est indispensable que l'âge légal de départ à la retraite et la durée de cotisation tiennent compte de la pénibilité des activités professionnelles exercées. Le constat statistique est éloquent : en 2003, un cadre masculin de trente-cinq ans pouvait espérer vivre encore quarante-sept ans, dont trente-quatre indemne de toute incapacité, alors qu'un ouvrier avait une espérance de vie de quarante et un an, dont vingt-quatre sans incapacité.
La première idée pour compenser cette injustice serait d'autoriser les titulaires d'un emploi reconnu pénible à partir plus tôt. Il suffirait d'adapter la durée de cotisation à l'espérance de vie de son métier. Cette solution simple sur le papier se révèle d'une application complexe en pratique. En effet, à l'heure où la mobilité professionnelle s'accroît, cela nécessiterait des calculs complexes comportant un système de points tenant compte de la profession, de l'âge, de l'ancienneté, voire d'autres critères. Face à cette difficulté, le Gouvernement a choisi la voie individuelle et médicale. Ainsi, les salariés touchés par une maladie professionnelle ayant entraîné une incapacité physique d'au moins 10 % devraient pouvoir partir à soixante ans, sous réserve de l'accord d'une commission spéciale. Cette solution présente l'avantage d'être d'une application simple et rapidement opérationnelle. S'il faut reconnaître que cette solution n'est pas idéale, elle a au moins le mérite de prendre en compte la pénibilité au travail pour la première fois. Il s'agit là d'une avancée sociale majeure. Nul doute que la prise en compte de la pénibilité continuera d'évoluer, sur le plan législatif, dans les années à venir.
Monsieur le ministre, ce débat difficile sur la définition et la prise en compte de la pénibilité doit également être l'occasion de lancer une grande réflexion sur l'amélioration des conditions de travail. Le principal enjeu est de mettre en place un système permettant à tous les salariés d'atteindre les soixante-deux ans sans être victimes de la pénibilité. Plutôt que de compenser uniquement de manière curative la pénibilité en accordant un départ anticipé à la retraite, il faudra surtout veiller aux mesures préventives en entreprise. Pour conclure, à partir du moment où nous avons fait le choix de travailler plus longtemps, il est capital de permettre à nos concitoyens de travailler mieux.
Monsieur le ministre, lorsque nous formulons des remarques sur les choix que vous avez faits au sujet de la pénibilité, la principale critique qui nous est opposée est celle consistant à affirmer que nous allons recréer des régimes spéciaux. Or, à la différence des régimes spéciaux, nos propositions ne visent pas des métiers. Cela aurait été une erreur, l'histoire ayant montré que la désignation de tel ou tel métier à un moment donné pouvait se transformer en un droit acquis ne correspondant plus forcément à la réalité à un autre moment. Ce ne sont donc pas des métiers qu'il faut viser, mais bien des expositions aux risques.
Ce qui nous a confortés dans ce choix, c'est aussi le constat que, sur un même métier, exercé au sein d'entreprises ayant la même activité, il peut y avoir des choix technologiques ou des formes d'organisation du travail très différents les uns des autres. Ainsi, on constate souvent des différences très importantes en matière de réglementation ou d'organisation du travail, selon que l'on a affaire à une entreprise principale ou à une entreprise sous-traitante.
Le choix que nous faisons du critère de l'exposition aux risques constituerait-il la première reconnaissance de la notion de pénibilité ? En fait, ce n'est vrai ni de notre proposition, ni de la vôtre. On peut ignorer la réalité de la loi de 1975, ignorer ce qui a été fait en 2000 par Martine Aubry concernant les travailleurs exposés à des risques particuliers, mais le fait est que cette notion a déjà été mise en oeuvre à plusieurs reprises dans notre droit. Il ne s'agit donc pas d'une innovation.
Il y a encore quelques semaines, nous étions dans le cadre d'une démarche assez consensuelle. La loi de 2003 consacrait, notamment si l'on se réfère au discours prononcé ici même par le ministre des affaires sociales de l'époque, une conception de la pénibilité par l'exposition à des facteurs de risque. C'était d'ailleurs encore vrai lorsque M. Woerth s'est exprimé lors de la convention de l'UMP sur la réforme des retraites.
Il y a donc eu une rupture. Ce que vous nous présentez aujourd'hui comme votre position est un retrait dû au coût d'une vraie réforme prenant en compte la pénibilité. C'est votre choix politique, et nous le combattons. Vous êtes parti d'une conception qui était, dans une certaine mesure, une novation – la prise en compte de la pénibilité –, même si l'idée avait déjà existé et était déjà dans l'esprit de la loi de 1975 et de ce qui avait été fait dans les années 2000. Mais vous lui avez substitué l'invalidité et l'incapacité constatée, qui est quelque chose de tout à fait injuste.
En effet, vous ne pouvez pas croire que l'exposition au risque n'entraîne aucune conséquence. Le travail de nuit, par exemple, toutes les études le montrent, comporte des dangers potentiels importants pour les salariés. Ces difficultés se traduisent dans des chiffres que vous ne pouvez pas ignorer : ceux de l'espérance de vie en bonne santé.
Mais, au motif que, pour certains, ces risques ne seraient pas constatés à soixante ans – ce qui est vrai –, les personnes concernées n'auraient pas droit à accéder à la retraite. C'est là que vous faites un choix parfaitement injuste et qui ignore la réalité. En effet, il est possible qu'à soixante ans, même si vous avez été exposé à des produits cancérigènes. Or, globalement, il y a un risque extrêmement important et vous devez prendre en compte dans la loi la situation générale.
Voilà pourquoi nous pensons que le choix que vous avez fait ignore l'objectif que nous nous étions donné – et que vous vous étiez donné – dans la loi de 2003, y compris sur le plan statistique, car sur 700 000 personnes partant à la retraite chaque année, vous estimez, même avec le passage à 10 % ou 20 %, qu'il n'y en a que 30 000 qui seraient concernées. Cela veut dire que, pour vous, la pénibilité ne concerne potentiellement qu'un pourcentage très limité – autour de 5 % – des salariés.
Ainsi, la lecture qu'il faut faire de votre proposition est la suivante : non seulement vous avez substitué l'incapacité à la pénibilité, mais en même temps vous continuez à affirmer que la pénibilité ne concerne que 5 % des salariés ! Il suffit de regarder le nombre de salariés qui aujourd'hui sont exposés aux risques pour comprendre que vos chiffres ignorent complètement la réalité. Vous savez très bien que des millions de salariés sont confrontés à ce problème.
Par ailleurs, certaines de ces expositions aux risques ne diminuent malheureusement pas. Le travail de nuit, contrairement à ce que l'on aurait pu penser, ne diminue pas – à l'Assemblée nationale non plus…
Avec les nouveaux métiers, notamment dans les services, il y a de plus en plus de gens qui travaillent la nuit, et vous savez parfaitement – ce n'est pas contestable – ce que sont les risques pour la santé.
En revanche, il y a des domaines où l'on enregistre des progrès, et c'est pour cela que nous rappelons que la première des réponses est la prévention. L'exposition à des produits dangereux, notamment cancérigènes, est plutôt en régression aujourd'hui, parce que nous faisons collectivement des progrès dans ce domaine.
En ce qui concerne l'automatisation, dont on pouvait penser qu'elle faisait des progrès, les résultats montrent qu'il y a malheureusement de plus en plus de salariés qui effectuent des tâches répétitives ou sont physiquement dépendants de machines, avec d'ailleurs l'ensemble des pathologies musculaires que cela suppose et qui sont probablement aujourd'hui ce qu'il y a de plus préoccupant.
Bref, votre proposition ignore cette réalité et c'est pour cela que nous y sommes très opposés. Cela est d'autant plus vrai – et c'est à nos yeux le plus important – que la cohérence de la réforme globale que proposent les socialistes réside dans la prise en compte de la pénibilité. Comme nous l'avons dit, nous acceptons l'allongement de la durée de cotisation, ce qui pouvait entraîner une contradiction entre cet allongement et le droit à la retraite à soixante ans. Nous devons donc justement prendre en considération les ouvriers et les employés qui sont soumis à ces risques, de façon à leur donner des bonifications en fonction des années d'exposition. Ainsi, à l'âge de soixante ans, ils auront l'ensemble des trimestres exigés par le droit commun.
Nous avons là une réponse qui est cohérente, qui respecte l'objectif de la prise en compte d'une véritable pénibilité, et qui, surtout – contrairement à votre réforme, avec le déplacement des deux bornes d'âge – privilégie une réponse juste pour la retraite de ceux qui, aujourd'hui, professionnellement et sur le plan de la santé, sont le plus en difficulté.
Monsieur le ministre, votre définition de la pénibilité, dans ce texte, telle que vous la posez, est trop restrictive et inadaptée à la réalité de terrain. Comme l'ensemble de ce texte, elle est injuste. Tous les parlementaires le savent,…
…les syndicats le répètent et pourtant les salariés devront la subir, puisque vous vous obstinez encore ce soir à la maintenir en l'état.
Elle exclut des dizaines de milliers de personnes confrontées à un travail souvent épuisant. Pourtant, les facteurs définissant cette pénibilité existent. On l'a déjà dit : les négociations interprofessionnelles, qui se sont terminées en juillet 2008, ont permis de les décliner précisément.
Quels sont ces facteurs ? Des contraintes physiques, un environnement agressif, ou encore des rythmes contraignants. Mais, en fait, la crainte du MEDEF de devoir participer au financement de cette reconnaissance de la pénibilité a fait que cette négociation n'a jamais abouti.
Monsieur le ministre, comment ne pas prendre en compte, dans une approche globale, la pénibilité de professions comme celles des déménageurs, qui doivent porter de lourdes charges, des peintres en bâtiment, qui respirent des émanations de produits chimiques, mais aussi des menuisiers, qui inhalent des poussières de bois ? Bien évidemment, cette liste n'est pas exhaustive.
Votre refus d'identifier l'exposition à certains risques ne résiste pas à l'énumération des conditions dans lesquelles beaucoup de Français exercent leur métier. La pénibilité est un problème majeur. Vous avez la responsabilité politique de la régler, non pas au cas par cas, mais de façon collective et juste.
Le fait de demander à un salarié de prouver à un médecin qu'il souffre et que ses moyens physiques sont diminués pour prétendre faire valoir son droit à partir à soixante ans est un recul social, car c'est une approche purement individuelle de la question de la retraite.
C'est un recul social car elle va restreindre – on l'a déjà dit – à quelques milliers de salariés par an cette possibilité sur l'unique base d'une incapacité physique permanente reconnue médicalement.
Pour être juste, toute période de travail pénible doit bénéficier d'une majoration des annuités permettant de partir plus tôt. C'est une mesure de justice sociale pour les quelque deux millions de salariés concernés par des conditions de travail particulièrement difficiles et exposés à des facteurs de risque.
Alors, monsieur le ministre, ne prenez pas le risque d'apparaître ce soir comme celui qui aura marqué, là aussi, du sceau de l'injustice la prise en compte de la pénibilité au travail. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Celles et ceux qui aspirent à une retraite en bonne santé – et nous touchons là au coeur du sujet – après des années à des postes où le corps leur rappelle douloureusement cette pénibilité nous attendent, mais ils vous attendent aussi. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Eh oui ! C'est d'ailleurs ridicule !
…mais tant pis : la pédagogie passe par des redites, et nous avons toute la nuit devant nous pour nous dire les choses.
Nous allons notamment vous redire tout le mal que nous pensons de ce volet, dont je n'ose dire qu'il est consacré à la pénibilité. Je dirais plutôt qu'il traite de l'incapacité et de l'invalidité. En tout cas, il ne s'agit pas de pénibilité.
D'ailleurs, la prise en compte de la pénibilité, vous ne la vouliez pas vraiment, et le MEDEF vous a vraiment aidé. C'est lui qui a dit, dès le départ, que cette histoire ne le concernait pas, qu'il ne voulait surtout pas payer ce volet pénibilité, et vous l'avez bien entendu suivi, à peu près comme d'habitude d'ailleurs, sur ce sujet comme sur beaucoup d'autres.
Si l'on doit vous accorder une nouveauté, c'est le carnet de suivi individualisé, sur lequel vous allez effectivement noter tous ceux qui sont exposés à des risques. Mais, au bout du bout, ce carnet ne servira à rien, puisqu'il faudra malgré tout prouver cette incapacité de 10 % voire 20 % pour bénéficier de ce que vous appelez, vous, la « pénibilité ».
Le carnet, c'est donc une mesure d'affichage, une façon de se donner bonne conscience, de dire à tous les ouvriers : « Regardez comme nous allons vous suivre. » Mais, en même temps, cela veut dire : « Ne comptez pas pour autant, au motif que vous avez exercé pendant trente ans un métier exposé et difficile, que cela vous donne le droit de partir à soixante ans. » Il faudra qu'ils déclarent une maladie ou une incapacité en cours de route ! Tout cela, on le voit, n'est pas très sérieux.
Nous avions quant à nous le respect des partenaires sociaux. Souvenons-nous de la réforme des retraites de 2003, qui devait tout régler et qui prévoyait notamment que l'on parlerait sérieusement de la pénibilité. En 2005, soit deux ans plus tard, les partenaires se sont mis autour de la table pour travailler. Bien entendu, comme d'habitude, le MEDEF s'est mis en travers, alors que les autres organisations syndicales ont trouvé des accords, ont fixé quelques repères, des indicateurs qui pouvaient valoir pour tout le monde, tels le travail posté, le travail de nuit, les charges lourdes ou encore l'exposition à des produits dangereux. Il s'agissait là de critères qui avaient un certain sens, qui pouvaient être repris, mais bien entendu le MEDEF n'en a pas voulu et tout s'est arrêté en 2008.
On a d'ailleurs connu le Gouvernement plus prompt à réagir lorsque les partenaires sociaux ne trouvaient pas d'accord. Sur beaucoup d'autres textes – la modernisation du dialogue social, la formation professionnelle – dans les trois mois suivant l'échec des négociations, le Gouvernement est intervenu pour dire : « Si vous ne vous mettez pas d'accord, la loi va s'en charger. »
Que s'est-il passé entre 2006 et 2008 ? Absolument rien ! Vous avez attendu le texte que vous nous présentez maintenant pour nous expliquer que, de toute façon, on ne peut pas faire grand-chose, que c'est compliqué, qu'on ne le fait nulle part ailleurs et que vous êtes les premiers à tenter quelque chose.
Vous êtes très fiers de ce que vous avancez, mais, au fond, il n'y a rien du tout dans ce que vous avez présenté. C'est encore une fois une promesse qui n'est pas respectée, en l'occurrence celle de 2003. Il y avait aussi celle de 2008, selon laquelle le Président ne devait pas toucher à la retraite à soixante ans. On sait depuis quelques jours ce qu'il en est ! Mais on sait bien que les promesses n'engagent que ceux qui les écoutent…
…et les vôtres ne vous ont pas beaucoup engagé. Vous avez d'ailleurs raison, monsieur Mallot, de nous rappeler les écoutes en ce jour !
Notre système est relativement simple : nous proposons de suivre tous ceux qui sont exposés à des risques et pour lesquels il est avéré – les chiffres étant là pour le constater – que leur espérance de vie est plus faible. Nous proposons de leur dire : « Vous avez travaillé dix ans en étant soumis au risque ; vous avez une espérance de vie plus courte ; nous donnons un an d'anticipation sur la retraite. » Ce cadeau est sans doute modeste, mais tout de même significatif. Cela me semble un bon compromis, tout à fait juste.
Bien sûr, cela coûte un peu d'argent, mais de votre côté vous voulez une retraite au rabais, sans y mettre un centime,…
…et ce sont forcément, encore une fois, les salariés qui trinquent ; on le vérifie encore ce soir sur la pénibilité.
Tout cela aboutira à une réforme qui sera complètement ratée et bâclée. C'est ce que vous avez visiblement voulu, comme en témoigne cette séance de nuit, comme si l'urgence était telle qu'il faille absolument voter le texte mercredi à quinze heures ! Comme si la réforme des retraites ne pouvait pas attendre une ou deux semaines de plus, avec à la clé un travail sérieux !
Eh bien, visiblement non ! C'est un engagement que vous avez pris à l'égard du Président de la république.
Respectez-le donc, mais sachez que cette réforme est ratée. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le ministre, contrairement à vous, nous avons pour idéal la volonté que soit prise en compte la particularité des parcours. J'entendais M. Sauvadet, mardi dernier, nous expliquer, au cas où nous ne l'aurions pas encore compris, que ce texte n'avait pas pour but d'améliorer les conditions de travail des salariés. Si nous ne pouvons certes pas empêcher un certain nombre d'injustices, notamment en termes de différence d'espérance de vie, entre un ouvrier et un cadre, nous pouvons cependant tenter d'apporter des compensations aux personnes qui les subissent.
Sept ans, ce n'est pas rien dans la vie d'un homme. C'est aussi cela le pacte social : permettre à tous les citoyens français de vivre une retraite en bonne santé et d'avoir le bonheur de voir grandir leurs petits-enfants.
Or, votre concept de la pénibilité est au nôtre ce que la charité est à la solidarité : dans votre conception de la société, on accorde une retraite anticipée dans certains secteurs, par saupoudrage, de façon médicalisée ; on ne peut en bénéficier pour peu que la nature vous ait doté d'une bonne constitution, ou que les effets secondaires d'un travail harassant ne se manifestent que bien après la fin de la vie professionnelle. De notre côté, il y a un contrat entre la société et le salarié pour accorder à celui-ci, au nom de la pénibilité de son métier, une compensation pour les effets physiques ou psychologiques d'un travail mené pour le bon fonctionnement de notre économie.
C'est pourquoi nous souhaitons que les salariés exposés à des facteurs de pénibilité au cours de leur carrière – travail de nuit, port de charges lourdes, exposition à des produits toxiques – bénéficient d'une majoration de durée d'assurance, c'est-à-dire de trimestres supplémentaires pour leur retraite. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Voilà une très bonne définition de cette charnière, que M. Philippe Martin ne manquera pas d'expliciter tout à l'heure dans un rappel au règlement.
On la connaît !
Eh, c'est que vous en avez, des charnières, sur votre tracteur, monsieur le ministre ! Le ministre est agriculteur ; il est touché par la prise en compte de la pénibilité, lui aussi. (Sourires.)
Ce qui est intéressant et révélateur, à la charnière des articles 25 et 26, c'est la solution de continuité entre ces deux articles. L'article 25 fait mine de prendre en compte la pénibilité – le carnet de santé au travail est censé retracer les expositions aux risques et aux facteurs de pénibilité ; à l'alinéa suivant, le texte reprend les fameux trois principaux facteurs de pénibilité, sur lesquels les partenaires sociaux se sont mis d'accord. Mais quand on passe à l'article 26, patatras ! Il n'en est tenu aucun compte. La formule qui apparaît, c'est l'incapacité permanente.
On change donc de logique, et c'est ce saut qui est intéressant. On l'avait d'ailleurs déjà ressenti à la lecture du désormais célèbre rapport Poisson. Notre ancien collègue député – heureusement, de mon point de vue, battu à une élection partielle…
Plusieurs députés du groupe UMP. Il reviendra !
Je dis bien « de mon point de vue », je comprends fort bien que votre point de vue soit rigoureusement inverse. Nous sommes dans l'opposition, vous êtes dans la majorité, c'est comme ça. (Sourires.)
Bien sûr, madame la présidente.
Je rends en tout cas hommage à Mme Poursinoff, qui a fait parmi nous une entrée tout à fait brillante en intervenant toute la semaine dernière dans nos débats. Malgré les perturbations de l'UMP, travailler à ses côtés est un vrai plaisir. (Sourires.)
Bref, M. Poisson a commis un rapport – désormais célèbre – qui n'avait pas eu l'heur de nous plaire : nous avons voté contre, et ce essentiellement pour deux raisons.
D'abord, il comporte des formulations un peu étranges, voire très contestables, de notre point de vue – dans la ligne, d'ailleurs, de ce que M. Leonetti nous disait il y a quelques jours.
On peut y lire des phrases du genre : « Le rapporteur souligne qu'un programme efficace de santé au travail ne parviendra pas à éliminer complètement la pénibilité au travail. Il arrive encore souvent que les travailleurs soient eux-mêmes la cause de la pénibilité qu'ils subissent, ne serait-ce qu'en ne respectant pas les consignes ou la réglementation, en gérant leur travail de manière à maximiser leur temps libre sans veiller à préserver les rythmes biologiques naturels ou en ne mettant pas à profit les périodes de récupération ou de congé pour se reposer. » (Sourires et exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Les voilà artisans de la pénibilité de leur travail !
La seconde raison pour laquelle nous avions voté contre, c'est qu'après avoir dressé ce tableau – quelque peu contrasté – M. Poisson ne tirait aucune conclusion satisfaisante : dans la lignée du MEDEF, il prônait des aménagements de fin de carrière, pour les personnes qui connaissent une certaine pénibilité dans le travail, et surtout rejetait l'hypothèse d'une retraite anticipée.
Il est vrai que M. Poisson, peut-être touché par la grâce depuis qu'il a perdu cette élection partielle, a donné au Figaro le 8 septembre dernier un article fort intéressant, que nos amis de l'UMP feraient bien de lire. Monsieur le ministre aussi ferait bien de le lire, d'ailleurs. Il verrait que M. Poisson désavoue complètement son projet.
Je lis : « Doit être considérée comme pénible une activité dont les modalités d'exercice provoquent une usure irréversible de la santé du salarié, ayant pour conséquence le raccourcissement de son espérance de vie, sans incapacité. » Un peu plus loin, M. Poisson enfonce le clou : « Parler de pénibilité revient donc à parler d'exposition à des risques, et non pas d'une quelconque incapacité. »
On sent une évolution chez M. Poisson. Il évoque en effet trois possibilités qui pourraient être offertes aux salariés : l'évolution vers d'autres types de missions ou de responsabilité au sein de l'entreprise ; la réduction progressive du temps de travail, avec maintien des avantages salariaux – précision intéressante ; et enfin – oui, cette fois, il le dit ! – le départ anticipé à la retraite.
C'est un peu comme si M. Poisson, battu aux élections, avait repris contact avec la réalité de la vie quotidienne de ses concitoyens au travail. Nous voyons là une profonde différence avec vous, monsieur le ministre : contrairement à M. Poisson, à force de fréquenter les puissants et les grandes fortunes de ce pays…
…vous avez pour de bon perdu au contact avec cette réalité de la vie au travail de nos concitoyens. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Du coup, vous vous en remettez à votre grand conseil, le MEDEF, qui – c'est assez logique – défend ses intérêts propres, qui ne coïncident pas, c'est le moins que l'on puisse dire, avec l'intérêt général. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Un député du groupe UMP. Charlot !
La façon dont vous abordez la pénibilité du travail pour mieux refuser sa prise en compte réelle constitue l'une des injustices les plus flagrantes de votre projet de loi.
Monsieur le ministre, vous et vos soldats de l'UMP, notamment ceux issus du corps médical – je pense à M. Debré ou à M. Leonetti – avez beau nous expliquer que l'espérance de vie est liée à des facteurs individuels comme le tabac, le surpoids, le jogging ou les facteurs génétiques, il n'en reste pas moins que, statistiquement, le pourcentage de personnes ayant la malchance d'être porteuses de facteurs génétiques péjoratifs est le même dans toutes les catégories sociales.
Or l'espérance de vie des ouvriers est de sept ans inférieure à celle des cadres : c'est un chiffre indiscutable, un fait incontournable et têtu. C'est la preuve qu'il ne s'agit pas là d'un problème individuel, mais d'un problème collectif, lié aux conditions de travail et de vie.
Ainsi, un quart des ouvriers mourront avant d'avoir atteint l'âge de soixante-cinq ans ; ainsi, ils auront de fait contribué à financer la retraite des cadres supérieurs dont l'espérance de vie est plus élevée.
Votre dispositif initial prévoyait la possibilité de partir à la retraite dès soixante ans pour les salariés en mesure de prouver un taux d'incapacité supérieur à 20 %. Autrement dit, vous acceptiez la prise en compte d'un handicap individuel : c'est tout de même la moindre des choses ; mais cette mesure ne relève pas du droit à la retraite.
Face aux vives protestations et au caractère inadmissible de cette démarche, vous avez déposé un amendement prévoyant, sous certaines conditions, la possibilité de faire valoir ses droits à la retraite à partir d'un taux d'incapacité de 10 %.
Cette minuscule avancée, c'est en réalité de la poudre aux yeux : vous en restez à une approche individuelle, où les salariés devront défendre leurs droits devant une commission pluridisciplinaire dont on ne connaît d'ailleurs pas la composition.
Mais surtout, vous continuez à refuser de prendre en compte la pénibilité évidente de certains métiers et postes de travail.
Vous avez décidé, et nous le regrettons, de répondre favorablement aux injonctions du MEDEF qui a rejeté l'accord sur la pénibilité du travail identifiant plusieurs facteurs dont il est scientifiquement démontré qu'ils raccourcissent la durée de vie. Il s'agit des contraintes physiques et psychiques marquées : port de lourdes charges, travail posté, gestes répétitifs ; environnement agressif avec exposition aux produits toxiques ; certains rythmes de travail, notamment les horaires décalés et le travail de nuit.
Il y a tout de même des évidences ! Avez-vous vraiment loin d'un certificat médical pour vous convaincre qu'un homme travaillant dans le bâtiment, qui a passé une bonne partie de sa vie sur les chantiers, par tous les temps, n'est plus en mesure de poursuivre une telle activité à l'âge de soixante ans – et encore, s'il a la chance d'avoir échappé jusque-là à l'accident grave ou mortel ? Car je vous rappelle qu'en 2008, près de 130 000 ouvriers du bâtiment ont été victimes d'accidents du travail, et que près de 9 000 sont restés handicapés ; 155 sont morts.
En réalité, cette question de la pénibilité du travail est le corollaire de la remise en cause de la médecine du travail, et plus généralement du refus de placer les employeurs devant leurs responsabilités. En renforçant les liens de dépendance des médecins du travail avec les employeurs, la réforme Darcos, que vous avez reprise à votre compte, va affaiblir encore plus la prévention dans les entreprises, qui était déjà très insuffisante.
Non, décidément, monsieur le ministre, quoi que vous en disiez, ce texte ne prend pas en compte la pénibilité du travail. Pire, il porte atteinte à l'indépendance des médecins du travail et constitue un important recul pour le monde du travail dans son ensemble. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)
Après avoir examiné ce texte, après avoir écouté les heures de discussion, je finis, messieurs les ministres, monsieur le secrétaire d'État, par me demander si, au fond, ce nécessaire exercice sur la prise en compte de la pénibilité est compatible avec votre approche essentiellement financière de la réforme des retraites.
Sur la pénibilité, toutes les études, tous les rapports ont été écrits. Tout le monde sait que la prise en compte de la pénibilité est une exigence d'équité. Les chiffres ont été rappelés tout à l'heure : il y a dix ans d'écart entre l'espérance de vie à trente-cinq ans d'un cadre et d'un ouvrier. Tout le monde sait que la pénibilité est un handicap pour la prolongation de l'emploi des seniors. Bref, nous avons tous les éléments pour traiter de la pénibilité.
C'est d'ailleurs le travail qu'ont mené les partenaires sociaux depuis 2003. Cela n'a peut-être pas été assez dit : s'ils n'ont pas pu conclure leurs travaux, c'est tout simplement parce qu'ils n'ont pas pu aboutir sur la question des coûts et des modalités de financement d'une politique à laquelle les employeurs ne voulaient pas participer.
Dès lors, l'avenir de la notion de pénibilité dépendait de la volonté politique, et donc financière, du Gouvernement. La réalité, c'est que vous ne vous êtes pas inscrits dans cette logique-là. Vous avez d'abord refusé de participer à l'établissement d'une définition claire de la pénibilité. Car il faut bien sûr que soient reconnus les facteurs de pénibilité, les critères d'éligibilité, et les incidences financières – mises aux normes et autres conséquences. Vous n'êtes pas non plus allés jusqu'au bout parce que vous saviez que, pour prendre en compte la question de la pénibilité, il fallait sortir de la seule logique des retraites : aujourd'hui, la pénibilité sert aussi à corriger les dysfonctionnements du marché du travail. Chacun sait que le MEDEF privilégie une réparation fondée sur un temps partiel en fin de carrière.
S'il y avait eu une réelle volonté politique, une obligation de prévention aurait dû être définie au coeur des dispositifs, ce qui aurait exigé, là encore, des moyens que, visiblement, vous n'êtes pas en capacité d'apporter.
Au lieu de cela, vous avez cherché à troubler le débat. Vous avez fait en sorte d'éviter de poser les vraies problématiques en adoptant une approche individuelle au cas par cas, qui permettrait, selon vous, de ne pas stigmatiser certains métiers.
Cette logique des métiers, qui a été tout à l'heure au coeur de nos réflexions, montre qu'il faut faire preuve de pragmatisme. Il y a des métiers pénibles, mais personne ne souhaite créer de nouveaux régimes spéciaux, et, en même temps, il est nécessaire qu'une photographie soit faite de la réalité de ce que sont les conditions de travail, l'environnement de travail, les produits utilisés dans le cadre du travail. Là encore, cela nécessite, pour y apporter correction, des moyens que vous vous gardez bien de mettre en avant.
Cette prise en compte, qui aurait nécessité beaucoup de moyens, vous avez essayé de la contourner en faisant croire à un grand progrès, en baissant finalement l'incapacité permanente de 20 % à 10 %. Ce n'est pas une solution.
Vous jouez petit bras dans votre approche de la pénibilité. Alors que nous sommes confrontés à un vrai problème, vous vous contentez de petites avancées, sans prendre en compte l'ampleur de la difficulté.
C'est la question de notre société qui est posée, de l'égalité dans notre société, de l'égalité entre les sexes, de l'égalité entre les générations, de l'égalité entre ceux qui ont des métiers pénibles et ceux qui ont des métiers peut-être un peu moins pénibles, autant d'éléments que vous n'avez pas voulu aborder parce que, encore une fois, vous étiez dans une approche strictement financière.
Messieurs les ministres, vous allez bien sûr nous expliquer, comme vous le faites depuis des heures, que votre volonté est forte, que jamais un gouvernement n'a pris en compte la pénibilité, alors même que, depuis des heures, nous vous démontrons, citations à l'appui, que la pénibilité a déjà été prise en compte sur certains dispositifs dans ce pays depuis des dizaines d'années, et qu'elle est prise en compte dans d'autres pays également.
À la question initiale que j'avais envie de vous poser, qui était de vous demander si votre volonté était compatible avec la réalité financière qui est la vôtre, c'est finalement Mme Lagarde qui a apporté la réponse. En effet, Mme Lagarde a rappelé, nous l'avons un peu oublié, que, pour elle, l'approche des retraites, de la pénibilité, des problématiques dont nous avons à débattre en ce moment, ne devait être finalement traitée qu'à l'aune de ce que pouvaient en penser les agences de notations. À l'évidence, avec cette approche-là, nous ne pouvions pas nous entendre.
Nous restons, nous, convaincus qu'il sera nécessaire de revenir sur cette réforme des retraites, et notamment sur la question de la pénibilité qui, assurément, n'est pas réglée avec l'approche que vous nous avez suggérée. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Messieurs les ministres, relèveront des dispositions de cet article 26 les personnes atteintes d'une incapacité permanente résultant soit d'une maladie professionnelle, soit d'un accident du travail.
Vous nous parlez d'incapacité, et non de pénibilité. Vous faites le choix délibéré d'ignorer la réalité d'une différence de sept ans d'espérance de vie entre les ouvriers et les cadres supérieurs, d'ignorer les travaux du Conseil économique et social sur les risques accrus de cancer, par exemple, engendrés par le travail de nuit, d'ignorer que les salariés qui travaillent au contact de l'amiante ou de substances dangereuses ne ressentent rien mais que leurs conditions de vie future en seront affectées.
Le Conseil d'orientation des retraites a lui-même défini la pénibilité comme les expositions qui réduisent l'espérance de vie sans incapacité, c'est-à-dire la durée de vie en bonne santé. Votre approche est très insuffisante. Il faut absolument compenser les effets de la pénibilité sur les salariés usés par leur travail en accordant des départs anticipés. Il faut bien sûr se baser sur des métiers ou des catégories de salariés mais aussi sur l'exposition aux risques selon des critères scientifiques qui sont déjà connus. En effet, les effets différés sont réels et se traduisent par une espérance de vie plus courte pour les salariés qui ont eu un métier pénible. C'est un fait que vous ne pouvez pas ignorer.
Ce débat est un peu surréaliste parce que nous, nous parlons pénibilité quand vous, vous n'en parlez pas. J'ai consulté les écrits de notre rapporteur sur l'article 26 avant de prendre la parole pour regarder si l'article 26 parlait de pénibilité.
L'article 26 ne parle pas du tout de pénibilité, vous le reconnaissez vous-même. Le rapporteur précise que ce nouvel « article ouvre la possibilité aux assurés qui justifient d'une incapacité permanente au titre d'une maladie professionnelle ou d'un accident du travail, de bénéficier […] d'un départ anticipé à la retraite et de la liquidation de leur pension vieillesse au taux plein ».
Le reproche que nous pouvons vous faire dans le débat que nous avons entre nous depuis le milieu de l'après-midi, c'est qu'en réalité, vous ne parlez pas de pénibilité, vous parlez d'incapacité, et je voudrais d'ailleurs à ce titre vous rappeler ce que recouvrent les termes d'invalidité, d'inaptitude et d'incapacité.
Selon le code de la sécurité sociale, l'état d'invalidité est reconnu par le médecin conseil d'une caisse d'assurance maladie.
L'inaptitude est l'impossibilité totale ou partielle pour un salarié d'assurer sa charge de travail.
Enfin, l'incapacité est l'état relatif d'un individu qui se trouve empêcher d'exercer une activité du fait d'une maladie ou d'un accident.
Sur ces trois points, invalidité, inaptitude, et incapacité, nous sommes très loin des travaux que nous avons menés avec Denis Jacquat au sein du Conseil d'orientation des retraites, alors qu'Yves Struillou lui-même avait indiqué qu'il y avait un large consensus sur cette notion d'invalidité.
Il y a ceux qui considèrent que la pénibilité doit être considérée avec une approche médicale. C'est votre choix, c'est l'argument que d'ailleurs vous n'osez pas défendre devant les parlementaires. Et puis, il y a une approche fonctionnelle. Depuis plusieurs années, des travaux ont été menés sur cette approche fonctionnelle qui permet de voir dans quelles conditions un salarié exerce son activité.
On voit bien là les contradictions entre ce que vous dites à l'extérieur et la réalité de votre réforme. Si vous disiez que vous reconnaissez la pénibilité comme une résultante d'une maladie, d'une incapacité, nous en tiendrions compte, nous dirions que nous ne sommes pas d'accord, mais ce n'est pas ce que vous dites. Vous n'apportez pas d'élément nouveau dans le cadre de cette réforme.
Il est d'ailleurs dommage que votre collègue Xavier Bertrand ne soit pas là. Ceux qui ont participé aux débats en 2003 se rappellent peut-être que nous avions défini dans deux articles ce que pouvait être la pénibilité et renvoyé à la négociation collective sur le principe : au terme de trois ans, les partenaires sociaux devaient se mettre d'accord sur cette notion de pénibilité. Mais le MEDEF a refusé de considérer le mal être ou les difficultés au travail comme un élément consécutif à une approche fonctionnelle, donc à la pénibilité.
Sur cette problématique de l'invalidité, des chiffres sortent de part et d'autre. Au jour d'aujourd'hui, si on se fie à l'article L. 351-1 du code de la sécurité sociale, ce sont environ 10 000 personnes qui bénéficient de ce dispositif.
Compte tenu des dispositifs qui ont été pris par le Président de la République, encore que l'amendement qui est présenté renvoie à un décret – il faudra voir ce que dit réellement le décret – dans le meilleur des cas, ce sera 15 000, 20 000, 30 000 personnes qui bénéficieront de ce dispositif. Nous sommes très loin des chiffres qui avaient été annoncés à l'époque.
Définir la pénibilité est compliqué, certains l'ont rappelé en faisant référence à la loi du 20 décembre 1975 où on avait sur le principe défini les travaux qui pouvaient être considérés comme pénibles et qui pouvaient bénéficier de majorations ou de bonifications.
Au fond, il existe, dans certains régimes que vous considérez comme spéciaux, des dispositifs qui permettent de partir plus tôt aujourd'hui. Sauf revirement de votre part, vous ne bougez pas sur ces professions – les pompiers, les militaires, les policiers – et vous considérez qu'elles doivent partir avant les autres compte tenu de la charge de travail et peut-être aussi de la pénibilité.
Nous en prenons acte mais nous considérons aussi qu'à côté des militaires, des policiers, des pompiers et d'autres professions, il existe une multitude d'activités professionnelles qui nécessiteraient d'être prises en compte et de bénéficier de ces majorations de cotisations ou de ces bonifications de trimestres pour pouvoir partir plus tôt. C'est là où nous avons une divergence.
Il y a plusieurs manières d'aborder la pénibilité. Nous sommes d'accord avec le Gouvernement quand il dit qu'il faut vérifier les dispositifs de pénibilité sur une base collective et mettre en place tous les dispositifs dits de prévention.
Il y a aussi le volet plus novateur de la gestion des carrières, de la gestion des âges. Quelques grandes entreprises et DRH travaillent aujourd'hui sur cette problématique, même si nous sommes très loin du compte.
Et puis il y a une prise en compte plus individuelle qui n'est pas faite par branche ou par métier mais qui est liée à des activités. Nous pourrions imaginer que, pour certaines activités professionnelles, ces salariés puissent disposer d'un départ anticipé par le biais de majorations ou de bonifications de trimestres.
Vous nous dites que notre projet coûterait 5 milliards d'euros. Il faudrait une prise en charge par l'État donc par la fiscalité, c'est ce que j'appelle les avantages non contributifs. Dans le volet fiscal proposé par les socialistes, nous disons que les avantages non contributifs doivent être eux fiscalisés et qu'ils ne doivent pas dépendre de cotisations liées au travail. Il y a des solidarités interprofessionnelles à l'intérieur des branches. Un certain nombre de branches professionnelles se sont déjà mises au travail, je pense notamment à celles du bâtiment ou des travaux publics. Il faudra que l'on définisse non pas un cadre conventionnel, non pas un cadre réglementaire, mais un mix des deux. Voilà ce que nous proposons dans le cadre du projet socialiste : des bonifications qui doivent être proportionnelles à la pénibilité du travail, en faisant financer à la fois la solidarité nationale à travers les avantages non contributifs, donc fiscaux, et la solidarité dite interprofessionnelle. Voilà ce que nous essayons de proposer dans notre projet. Il s'agit d'un projet global, vous l'aurez compris, très éloigné de votre approche qui est une approche uniquement médicale. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Il y a quelques mois, un grand patron français s'exprimait sur la pénibilité d'une manière assez triste. Nous n'avons pas abordé le problème des risques psychosociaux au travail, qui représentent une pénibilité réelle, pas plus que nous n'avons abordé le problème des suicides au travail, qui sont aussi un sacré problème.
Ce grand patron, tout le monde le connaît, il a d'ailleurs pris sa retraite récemment, une retraite dorée, plutôt agréable, avec un beau parachute, un beau chapeau. Ce patron, que je ne citerai pas mais que tout le monde a en tête…
Tout le monde sait qui c'est, c'est l'ancien patron de France-Télécom. Ce grand patron était certainement un grand épidémiologiste dans la mesure où il avait qualifié ces suicides d'épidémie, ce qui est quand même assez terrible, humainement et intellectuellement parlant.
Je ne vais pas vous parler de ces gens qui se suicident au travail, puisque, malheureusement, la retraite ils n'en profiteront jamais, ce qui ne nous empêche pas, nous à l'Assemblée nationale, de réfléchir sur l'ensemble de ces risques psychosociaux.
Je parlerai en revanche de ces gens qui sont touchés par des risques psychiques au travail et qui vivent des drames et qui sont concernés par les conditions d'invalidité qui vont être évoquées dans le cadre de cette réforme. Ce qui m'inquiète, c'est cette définition des fameux 10 % et la composition de la commission qui va se réunir, que nous ne connaissons pas. Quels seront les critères ?
Je suis inquiet aussi de la façon dont la majorité peut appréhender la pénibilité au travail. Le président de l'Assemblée nationale nous a autorisés, avec Marisol Touraine, Roland Muzeau, Régis Juanico, à nous réunir dans le cadre de la mission d'information sur les risques psychosociaux au travail dont le rapporteur était M. Poisson, dont nous avons parlé tout à l'heure, et la présidente Marisol Touraine. Pendant plusieurs mois nous avons réalisé un travail très intéressant et avons procédé à de nombreuses auditions. Malheureusement, M. Poisson a été le seul parlementaire UMP à avoir assisté à l'ensemble des auditions.
Or, il se trouve que M. Poisson n'a pas été réélu et sachez que j'ai des rapports extrêmement cordiaux et sympathiques avec lui. Que faisons-nous désormais de cette mission à laquelle aucun parlementaire UMP n'a participé ? Voilà pourquoi je me pose des questions sur la façon dont la majorité perçoit la pénibilité au travail. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Je le dis en l'absence de M. Woerth, qui n'a semble-t-il pas jugé utile de participer en totalité au débat sur la pénibilité !
Oh ! Vous êtes arrivé il y a une demi-heure !
Mais oui, monsieur Tron, je sais que ce débat est, depuis le début, un concours d'élégance, mais j'aurais préféré que ce soit un concours de présence, y compris hier soir, mes chers collègues de l'UMP, où vous avez démontré par votre absence que le travail parlementaire de nuit est sans doute un travail pénible.
Monsieur Paul, sur ce chapitre je me permettrai de vous dire que nombre d'inscrits de votre groupe ne sont pas là non plus ce soir. J'ai eu la délicatesse de ne pas les appeler ! Veuillez revenir sur le fond de votre intervention ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Je fais état, madame la présidente, d'un moment très particulier de ce débat sur les retraites où, le temps d'une nuit, la majorité est devenue la minorité. Il fallait le rappeler et quand le ministre n'est pas là, cela n'incite sans doute pas à une forte présence parlementaire.
J'en viens au débat sur la pénibilité et aux articles 25 et 26. C'est en effet un dialogue de sourds qui s'est instauré depuis de nombreuses années entre vous et nous. Il y a en effet deux conceptions antagonistes, radicalement différentes de la pénibilité. Pour vous, la pénibilité concerne 15 000, voire 20 000 Français par an, alors que, selon nous, elle concerne plusieurs millions de nos contemporains au travail, et c'est à eux que nous nous adressons dans ce débat.
Votre argumentation, messieurs les ministres, monsieur le rapporteur, n'entame pas notre conviction et chaque jour qui passe vous éloigne profondément de la vie des Français, en particulier des vies précaires, certainement des vies ordinaires, en tout cas des vies réelles de plusieurs millions de Français pour qui la pénibilité a un sens quotidien. Il aurait été essentiel de pouvoir le relever à l'occasion de ce débat. Mais vous ne le faites pas parce que ce projet de loi abdique toute ambition réelle de progrès social. L'occasion vous était donnée sur la question de la pénibilité. C'est une question sur laquelle nous observons, depuis le début de ce dialogue de sourds, une véritable démission de l'État. La retraite à soixante ans, abolie vendredi dernier, était en effet le premier des filets de sécurité pour prendre en compte la pénibilité. Je sais que c'est un dialogue de sourds, monsieur le secrétaire d'État, mais nous le poursuivrons à destination des Français, à défaut de pouvoir vous convaincre. La première façon de reconnaître la pénibilité, c'était la retraite à soixante ans, cela a été dit excellent par toute une série d'orateurs socialistes, notamment Pascal Terrasse, Régis Juanico ou Marisol Touraine.
La contradiction majeure, monsieur le secrétaire d'État, c'est que vous fondez votre projet sur l'augmentation de l'espérance de vie, mais vous ne reconnaissez pas les conséquences de la pénibilité du travail sur l'espérance de vie. C'est une contradiction sur laquelle nous sommes obligés de marquer le coup de façon extrêmement vigoureuse, et cela a très bien été dit par Régis Juanico dès le début du débat sur l'article 25. Il y a cette double peine, en effet, pour les ouvriers, les travailleurs précaires. On peut l'analyser de deux façons. Régis Juanico l'a fait en indiquant que les ouvriers avaient à la fois moins de chances de vieillir en bonne santé et moins de chances de vivre longtemps. Cette double peine, vous l'avez recréée de deux façons : par le report à soixante-deux ans de l'âge légal et par votre refus d'une prise en compte sérieuse de la pénibilité – c'est le débat que nous avons ce soir.
Vous avez choisi en effet – cela a très bien été rappelé par les députés socialistes et par des médecins,…
…par d'excellents médecins, vous avez raison de le rappeler, monsieur Bacquet ! – la voie individuelle et médicale, confondant injustement, d'une part, pénibilité ; d'autre part invalidité, incapacité. Oui, monsieur Tron, c'est très simple, ça ne coûte pas cher, mais ça ne règle pas le problème.
Nous rappellerons donc tout au long de ce débat, puis au Sénat, et chaque fois que l'occasion nous en sera donnée, à la tribune de l'Assemblée nationale, qu'il y avait et qu'il y aura, à l'avenir, une alternative. La première solution c'est un basculement de notre système de santé vers davantage de prévention. Vous nous direz que cela ne dépend pas seulement du ministre du travail, et c'est vrai. La médecine du travail est sinistrée et ce ne sont certainement pas les amendements que vous avez fait voter aux forceps ces jours-ci qui vont y changer quoi que ce soit. Notre médecine du travail est dans un tel état de délabrement que, dans certains départements, on compte les médecins sur les doigts de la main. Plus globalement, c'est notre système de santé qui est insuffisamment orienté autour de la prévention. C'est sans doute à Mme Bachelot qu'il faudrait en demander les raisons. Nous en avons parlé tout au long de l'examen de la loi « Hôpital, patients, santé, territoires ». Là où la France est en situation de désert médical, il y a peu de chances, à court terme du moins, et en tout cas tant que votre majorité sera au pouvoir, qu'une action vigoureuse et organisée de prévention soit rendue possible.
Malgré trois ans de discussions autour d'une approche globale de la pénibilité, l'échec patent doit être constaté. Il est en grande partie dû au MEDEF, qui ne voulait pas prendre en charge le coût de la pénibilité et de l'effort sanitaire en direction des salariés, mais il est dû avant tout à un Gouvernement qui n'a pas le courage politique de faire prévaloir l'intérêt général.
Je ne rappelle pas les critères qui nous apparaissent essentiels en matière de pénibilité, car cela a été fait excellemment par mes collègues. Vous refusez de considérer qu'un dialogue est possible branche par branche. Plusieurs pays européens l'ont engagé, monsieur Woerth, certains avec succès, d'autres pas. J'aurais pu citer la Belgique voisine qui a beaucoup de difficultés politiques mais qui a su, branche par branche, faire avancer cette question. Vous avez évidemment refusé, et c'était logique dans le système que vous mettez en place, la majoration des annuités qui aurait permis de reconnaître réellement la pénibilité dans une négociation branche par branche.
Pour conclure, je dirai que votre projet ne reflète nullement une politique de courage. C'est une politique de classe et, comme l'a très bien dit ce matin l'un des meilleurs économistes français : vivement 2012 !
Nous vivons un étrange moment depuis quelques jours. Ce texte constitue en effet un véritable recul social puisque ce sont les plus défavorisés de nos concitoyens qui vont se trouver pénalisés en partant pour ceux qui n'auront pas eu des carrières longues, ceux qui n'auront pas pu occuper un emploi permanent bien rémunéré et qui partiront à soixante-sept ans. D'autres devront partir à soixante-deux ans, et c'est un paradoxe extraordinaire que de laisser croire que ce texte, qui constitue un recul social, contient une avancée sociale extraordinaire qui serait la mise en oeuvre d'une pénibilité à la française.
En réalité, cette pénibilité n'est rien d'autre que l'invalidité que l'on constate en COTOREP, ou dans des institutions du même type. Étant originaire d'une région industrielle, je sais que les facteurs qui sont à l'origine du mal de vivre dans certaines régions et qui sont liés à des phénomènes environnementaux généraux – le bruit au travail, la pollution, les produits toxiques, les poussières, le travail de nuit – ne sont pas des facteurs individuels ; ils sont liés à la vie d'une collectivité, pas d'un individu. Ils sont tout simplement l'apanage de tous ceux qui, à un moment donné, donnent leur temps de travail de façon égale pour la société et ont le droit, en retour, de retirer certaines compensations. Et parmi ces compensations aurait pu figurer la reconnaissance de la pénibilité, mais dans un cadre collectif. En effet, comment distinguer les uns des autres ? Certes, on nous dira que certains ont un patrimoine génétique plus puissant que d'autres, mais peu importe ! Celui qui donne sa force de travail doit pouvoir, parce qu'il a perdu quelques années en vivant dans des conditions difficiles, bénéficier d'avantages qui ne sont en fait que des compensations.
La terminologie que vous retenez me paraît assez farfelue également sur le plan de l'analyse économique. En effet, je ne vois pas en quoi la société à intérêt à laisser des gens travailler alors qu'ils sont eux-mêmes déjà diminués. Nous avons tout à gagner, dans une société, à ce qu'il y ait moins d'accidents du travail, à ce que les gens soient productifs. Aujourd'hui, pour qu'une société crée de l'emploi, de l'activité, il faut que les entreprises soient à un haut niveau de compétitivité. Et quel meilleur moyen, pour être compétitif, que d'avoir des salariés en pleine santé, qui vont de leur plein gré à leur travail et sont motivés pour obtenir des résultats pour leur entreprise.
Ce texte est aussi une formidable injustice sociale. Étant issu d'une région sidérurgique – il n'y a aujourd'hui malheureusement plus de mines de fer en France –, je côtoie souvent des veuves de mineurs. Non seulement les habitants de ces régions meurent plus tôt, mais ils laissent des familles éplorées. C'est tout un cercle familial qui est atteint. Nous n'avons donc pas la reconnaissance de l'individu, mais pas non plus celle du cercle familial.
Ce n'est pas non plus logique sur le plan des dépenses d'assurance maladie puisque, en réalité, on aurait intérêt à prendre en compte cette pénibilité plus globalement pour permettre à des gens de vivre sereinement sans engager des dépenses considérables sur le plan des arrêts maladie, de compensations importantes qui ne relèvent certes pas du même budget mais dont la prise en charge est très coûteuse.
Vous pourriez croire que nous sommes isolés à penser cela. Certains ont évoqué tout à l'heure le travail effectué par M. Poisson. Je veux simplement préciser ici qu'en ne retenant qu'un seul critère de pénibilité il avait évalué le nombre de personnes concernées à 20 millions et que, si nous retenions l'ensemble des critères de pénibilité pouvant amener une compensation, le chiffre de 1 million était atteint. Pour faire le parallèle avec la région dont je parle et avec les salariés que je représente ici, à l'Assemblée nationale, j'ai le sentiment que si nous comptabilisions l'ensemble des personnes concernées par la pénibilité dans une circonscription individuelle, nous ne serions pas très loin du taux de 20 % que vous évoquiez au départ.
Certes, vous avez aujourd'hui un peu étendu le dispositif, et nous atteignons 35 000 personnes, mais c'est encore très loin du million que j'évoquais tout à l'heure. Les exemples pourraient être évoqués à foison. On constate ainsi que les ruptures conventionnelles sont de plus en plus nombreuses chez les personnes d'un certain âge dans le cadre d'un licenciement. Je crois que ces ruptures conventionnelles représentent aujourd'hui 17 % pour les personnes de cinquante-cinq à soixante ans. Elles sont évidemment beaucoup moins importantes pour les personnes plus jeunes.
Je voudrais rappeler ces chiffres parlants : à trente-cinq ans, un cadre dans la meilleure des situations a devant lui quarante-sept années, dont trente-quatre en pleine santé. Ce n'est malheureusement pas le cas d'un ouvrier plus défavorisé, puisque l'on se situe à des chiffres inférieurs de 6 % et 10 %.
C'est dire si la montagne accouche d'une souris. Vous ne trompez personne en faisant croire que ce texte de recul social contiendrait quelques dispositions positives en terme de prise en charge de la pénibilité. Ce n'est pas le cas.
Il aurait d'ailleurs fallu légiférer sur un texte pleinement consacré à la pénibilité, c'est en tout cas ce que les salariés nous demandent aujourd'hui. Certes, les organisations patronales et salariales n'ont pas réussi à conclure. Il était de notre devoir de le faire ici au Parlement, dans le cadre d'un texte spécifique, et non pas dans le cadre d'un ersatz qui se rattache aujourd'hui à un texte qui ne restera pas dans les annales de la République.
Il faudrait en tous les cas, quand bien même ce texte serait adopté, que les négociations se poursuivent et que nous nous retrouvions dans un an ou deux pour adopter un vrai texte sur la pénibilité, et non pas sur l'invalidité.
Avant de parler de la pénibilité, je voudrais dire quelques mots sur le travail fait par la délégation aux droits des femmes. Elle a beaucoup auditionné et elle a réalisé un travail très intéressant, qui donne une vision exacte de la situation des femmes et de leur retraite dans notre pays. Je vous invite à le lire attentivement.
Malheureusement, le ministre ne l'a pas lu, car les femmes sont les grandes oubliées de votre réforme.
Quel cynisme d'annoncer récemment que cette réforme est une avancée extraordinaire pour elles ! C'est un mensonge de plus.
Or, ce sont les femmes qui sont les plus concernées par cette réforme, et toutes les études faites à l'heure actuelle, dont le rapport récent du Secours catholique, montrent bien que le nombre de femmes pauvres va augmenter, et votre réforme va y participer, monsieur le ministre.
Quant à la pénibilité, je vous fais part de ce qu'en dit le rapport Grésy : « Les conditions de travail des femmes sont souvent moins visibles et objectivées que celles des hommes, et pourtant marquées aussi par la pénibilité physique ou mentale : travail répétitif, à la chaîne, avec des postures contraignantes, exigeant une station debout ou un travail permanent sur écran, ou encore en relation constante avec le public, travail morcelé et comportant des interruptions. D'après les analyses de l'ANACT, […] la question de la santé au travail des femmes et des hommes s'est d'abord posée dans les secteurs d'activités dits masculins où la pénibilité du travail est forte […], et les études ne portent quasiment jamais sur les emplois occupés majoritairement par des femmes. » – Il n'y a eu à ce jour que cinq thèses de médecine sur ce sujet ! – « Or, les indicateurs de santé des femmes indiquent que celles-ci, tous secteurs confondus, sont dans des emplois plus « astreignants » (plus de contrôle, tâches plus répétitives, moins d'autonomie) que les hommes et où la pénibilité est moins visible. Sans oublier le rôle des femmes dans le hors-travail, elles sont de fait plus exposées aux risques organisationnels et psychosociaux que les hommes : 58 % des troubles musculo-squelettiques (TMS) pour les femmes avec un risque TMS supérieur pour les femmes de 22 %, mesure du stress de 40 % en moyenne supérieure pour les femmes par rapport aux hommes. »
En conclusion : « la santé au travail a toujours été pensée sur un principe de neutralité de genre, basée sur la norme de « l'homme moyen », focalisée sur les accidents du travail et la pénibilité physique, et moins sur d'autres signaux d'alerte comme les maladies professionnelles ou l'absentéisme. »
Je voudrais vous dire mon étonnement d'entendre que depuis le début de la discussion sur l'article 25, il y a une confusion régulière entre pénibilité, invalidité et inaptitude. Je m'en étonne d'autant plus que dans le rapport 2770, tome I, du député Denis Jacquat et portant sur la réforme des retraites, à la page 393, on trouve la définition de l'invalidité et de l'inaptitude.
Je crois surtout qu'il y a une différence philosophique entre votre conception de la pénibilité et la nôtre.
Je l'ai dit tout à l'heure, pour nous, la pénibilité recouvre les conditions qui vont créer une pathologie. C'est-à-dire que celui qui, par son travail, est exposé à une pathologie potentielle, aura une compensation par un accès plus tôt à la retraite. Alors que dans l'invalidité, on attend que la pathologie soit déclarée pour l'indemniser.
Il y a d'un côté l'indemnisation d'un handicap, et de l'autre la compensation par un avantage en matière de retraite pour une pathologie potentielle due à l'exposition à un risque.
Je voudrais revenir sur l'intervention de notre collègue Gaymard. Il a évoqué les travailleurs forestiers qui étaient souvent contractuels de droit privé, et vous avez bien raison de le préciser, monsieur le rapporteur, car cet exemple démontre pourquoi il ne faut pas voter votre réforme. En effet, les travailleurs forestiers sous contrat de droit privé sont licenciés à cinquante ou cinquante-deux ans parce qu'ils sont usés. Or, ils sont licenciés parce que l'on a constaté chez eux une inaptitude au travail. Qui a constaté cette inaptitude ? Le médecin du travail. Mais il n'a pas constaté une invalidité. L'invalidité, c'est le médecin de la sécurité sociale qui peut la constater. Pour obtenir une pension d'invalidité, il faut avoir une incapacité de travail supérieure aux deux tiers. Heureusement, le médecin du travail compétent sort du travail celui qui n'y est plus apte, avant qu'il ne soit invalide. Et que fait-on alors de ce travailleur ? Normalement, il y a obligation de le reclasser. Mais quand il n'y a pas de possibilité de le reclasser, on le licencie.
Cela veut dire que le travailleur que citait M. Gaymard va être licencié à cinquante ou cinquante-deux ans parce qu'il est inapte et qu'on ne peut pas le reclasser. Et grâce à votre réforme, il sera encore plus longtemps au chômage, car il ne pourra pas bénéficier d'une retraite à soixante ans. M. Gaymard avait raison, il ne faut pas voter votre réforme !
Il avait d'autant plus raison que dans le cas où ce travailleur forestier aurait été placé en invalidité de deuxième catégorie, avec une incapacité de travail supérieure aux deux tiers, il aurait droit aujourd'hui à la retraite à soixante ans au titre de l'inaptitude, et demain, avec votre réforme, il n'y aura plus droit.
Monsieur le ministre, il est évident que nous avons deux philosophies différentes de la pénibilité. Dans la nôtre, il convient d'apporter un avantage en matière de retraite pour celui qui est exposé à un risque, et dans la vôtre, il faut attendre que la pathologie soit en cours, quelquefois beaucoup trop tard, pour l'indemniser. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Mes collègues s'épuisent à expliquer au Gouvernement que son approche n'est pas la bonne. En tout cas, pas ce que l'on peut attendre d'une bonne approche de la pénibilité. Malgré les efforts de clarification, de rationalisation, malgré l'herméneutique développée par mes collègues, vous ne voulez point entendre.
Pour tenter de comprendre votre logique, elle est financière. Vous vous êtes rendu compte que si vous vouliez appliquer ce que vous savez vous-même, cela vous coûterait cher. Alors il faut prendre le problème autrement. Il faut donc passer sous les fourches caudines, si j'ose dire, des maladies professionnelles et surtout de l'incapacité.
Puisqu'il s'agit d'argent, je vais vous en parler. Un problème concret me préoccupe, et j'avoue que je suis ici pour le faire admettre par parallélisme des formes. Il y a eu le scandale de l'amiante, et pour tenter d'apporter un semblant de solution à ce scandale, il y a eu une cessation anticipée d'activité.
Nous avons le même scandale en Martinique et en Guadeloupe, celui du chlordécone. Les victimes ne sont pas nombreuses, et la file d'attente des malades sera bientôt frappée d'extinction. Mais enfin, par une conjonction de facteurs qui sont les rythmes harassants dans les plantations bananières, le port de charges lourdes, l'exposition permanente et durable aux produits toxiques, cela donne le résultat que vous connaissez, et que vous retrouvez mutatis mutandis dans le rapport de la DARES évoqué aujourd'hui dans le journal Les Échos. 68 % des cancers apparaissent après soixante ans, et parmi eux, 70 % proviennent de l'amiante. Chez nous, c'est à peu près la même chose pour les maladies professionnelles ou les invalidités déclarées postérieurement, du fait du chlordécone et la famille des organochlorés.
Puisque vous ne voulez qu'entendre parler d'argent, je vous demande comment appliquer très concrètement votre définition de la pénibilité à ce cas précis. Il y a approximativement 5 000 personnes directement intéressées, et même s'il y a eu un coup d'arrêt sur l'utilisation de ces produits toxiques, comment régler le problème de ces agents, de ces exploitants, de ces associés d'exploitation et en particulier des ouvriers agricoles ? Comment le régler, si ce n'est par imitation ou par répétition de ce qui a été fait pour les travailleurs de l'amiante ? Il faut une prise en compte par un système de bonification des annuités tenant compte de la durée de l'exposition. Il s'agit bien de cela, des conséquences de l'exposition qui réduit l'espérance de vie. Comment prendre cela en compte ? C'est la question que j'évoque et que j'aimerais voir appliquée dans votre propre système de définition. Quelle solution apporter à ce problème récurrent, lancinant et douloureux ?
Je voudrais rappeler quelques vérités, et dans ces vérités rappeler les mensonges. J'ai envie de marteler combien ce Gouvernement, et vous, monsieur le ministre, êtes un spécialiste du mensonge. J'ai à l'esprit un personnage d'un célèbre classique du dessin animé. Si c'était vous, les fonctionnaires qui vous font face seraient gênés par votre nez qui s'allongerait démesurément à chacune de vos déclarations.
C'est vraiment le gouvernement du mensonge. Et vous le savez bien au fond. Ce débat sur pénibilité et incapacité semble être un dialogue de sourds. Mais comme vous n'êtes pas tout à fait idiot – ni en réalité complètement sourd – vous savez très bien que votre texte ne tient pas compte de la pénibilité. Mais plus le mensonge est gros, plus il pourrait passer, pensez-vous peut-être. Ce n'est qu'un mensonge de plus, qui s'ajoute à celui de M. le Premier ministre qui, en 2003, lors de cette grande réforme qui allait tout régler, avait dit la main sur le coeur, qu'elle règlerait aussi la question de la pénibilité.
Votre mesurette, votre réformette va toucher à peine 5 % des retraités…
…alors que des critères avaient été clairement établis.
Le fond du problème, je l'ai souvent dit, et je le pense très sincèrement, c'est que vous êtes tellement compromis, tellement ami avec tous les nantis, les puissants et les riches…
…les très riches, les très, très riches, que vous ne connaissez plus la réalité de la souffrance des Français. Je sais qu'à Chantilly, vous me l'avez dit une fois, les citoyens viennent se plaindre de payer trop d'impôt sur la fortune.
Ailleurs, ce n'est pas le cas.
Monsieur le ministre, essayez donc de dire la vérité, ce serait quand même mieux.
Monsieur le ministre, je serai bref, car à ce stade du débat, il sera probablement difficile de vous convaincre malgré les arguments que mes collègues du groupe socialiste vous répètent inlassablement.
Je me contente donc de vous renvoyer à un document qui dit bien que les différences de vie entre catégories socioprofessionnelles sont très fortes en France, parmi les plus fortes d'Europe. Ces inégalités durant la vie professionnelle persistent après le départ en retraite. C'est exactement ce que nous répétons inlassablement pour que vous preniez en compte la pénibilité au lieu de l'évacuer au profit de la seule invalidité. C'est aussi exactement ce qu'écrivent Emmanuelle Cambois de l'INED, Thomas Barnay du CNRS et Jean-Marie Robine de l'INSERM dans l'article que je viens de mentionner. Mais je suppose, monsieur le ministre, que vous allez nous dire qu'ils n'ont rien compris à la pénibilité, puisque, depuis le début de ce débat, vous n'avez cessé de dire que votre réforme est la seule juste et efficace. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Avec la pénibilité, nous abordons un chapitre important du projet de loi. En entendant le porte-parole du Gouvernement sur France Inter la semaine dernière, je n'ai pas été vraiment convaincu. Il disait notamment : la réforme que nous proposons est juste et équitable. Les Français ont dit ce qu'ils en pensaient : 70 % d'entre eux la rejettent. M. Luc Chatel ajoutait : « C'est un système objectif et transparent. » Personnellement, je pense qu'apprécier la pénibilité de manière individuelle relève de la subjectivité et non de l'objectivité ; que fixer par décret les critères de pénibilité relève de l'opacité, non de la transparence.
Il faut être plus clair. Qu'entendez-vous au juste par pénibilité et par exposition aux facteurs de risque professionnel ? En tentant d'appliquer au cas par cas la pénibilité, vous voulez recourir à la bonne vieille méthode du « diviser pour régner ».
Sur quels critères allez-vous vous fonder pour définir la pénibilité ? Aujourd'hui, le management d'entreprise n'a qu'une culture du résultat. Le stress, les cadences infernales, les objectifs imposés font que les gens craquent, et l'on voit où cela peut mener.
Ainsi, dans ma circonscription d'Alès, j'ai été témoin du très long conflit à France Télécom lorsque, il y a deux ans, sans discussion et sans ménagement, les quarante employés du centre ont été délocalisés à Nîmes : deux tentatives de suicide, des dépressions, des gens en arrêt de maladie pendant de longs mois, des employés qui ont préféré démissionner car ils n'en pouvaient plus… Mais au bout de deux ans, France Télécom a reconnu son erreur. Il y a une quinzaine de jours, l'entreprise vient de relocaliser à Alès les vingt-trois employés restants. Croyez-vous que, dans votre projet de loi, cette situation relèverait de la pénibilité ? Serait-elle prise en compte dans le dossier de ceux qui restent dans l'entreprise comme de ceux qui ont démissionné ? Je ne le pense pas. Aussi, à mon avis, il faut que la loi détaille tous ces facteurs de risque. Je suis persuadé qu'ils ne seront pas tous prises en compte si l'on agit par décret.
On voit bien aujourd'hui, avec les nombreux dossiers de l'amiante, combien il est difficile pour ces salariés de démontrer qu'il y a un lien de causalité entre leur maladie et leur vie professionnelle. À Alès encore, depuis plusieurs années, 120 salariés d'une fonderie réclament le classement en établissement amiante pour leur usine. À ce jour, plusieurs salariés de l'entreprise sont décédés officiellement de maladies provoquées par l'amiante, et toujours rien n'a été fait pour le reconnaître.
Pour conclure, s'agissant de la pénibilité, votre projet de loi est suffisamment vide pour que vous puissiez, par décret, rendre le bénéfice de la pénibilité inaccessible à beaucoup de nos concitoyens qui devront continuer à se tuer à la tâche.
Monsieur le ministre, au cours des derniers jours, vous avez répété à plusieurs reprises que la pénibilité était un problème du temps de travail, pas du temps de la retraite. Comment soutenir une telle idée ? Bien sûr, il faut s'occuper de la pénibilité pendant la vie de travail, et prendre toutes les mesures qui peuvent l'être pour la réduire. Mais comment ne pas considérer que la durée du temps de travail fait aussi partie de la pénibilité ? Il faut voir dans quel état de santé on est lorsque vient l'âge de prendre sa retraite. Toutes les études montrent que les conditions de travail ont des conséquences sur la durée de vie et la pénibilité durant le travail aura des conséquences sur la qualité de la vie que l'on mènera à la retraite.
Tous ceux qui effectuent des travaux pénibles, qui sont exposés au froid ou à la chaleur, qui travaillent la nuit, font un travail posté, font les trois huit, ont une santé altérée. Regardez l'état de santé, physique et psychique, à soixante ans, de ceux qui ont travaillé sur un chantier toute leur vie. Vous conviendrez que cet état de santé justifierait qu'ils fassent valoir leurs droits avant cet âge.
L'équité pour la retraite, ce n'est pas de fixer le même âge de départ pour tous. C'est au contraire de différencier la date de départ à la retraite. Cela devrait s'imposer à nous sur tous les bancs, puisque nous répétons, les uns et les autres, qu'un cadre homme vit en moyenne sept ans de plus qu'un ouvrier. Ce devrait être une évidence pour tous qu'il faut différencier l'âge de départ à la retraite en fonction de la pénibilité du travail pendant la carrière.
Or, au lieu de prendre cette mesure d'équité, vous avez choisi d'aggraver cet état de fait en portant de soixante-cinq à soixante-sept ans l'âge de liquidation de la pension sans décote. On vous l'a dit et redit, ce sont les plus fragiles, les plus pauvres, ceux qui ont effectué les métiers les moins qualifiés, les femmes, qui ont des carrières plus incomplètes, qui seront touchés par ces mesures. Malgré le fait qu'elles ont effectué un travail plus pénible, ces dernières devront travailler jusqu'à soixante-sept ans, pas forcément pour avoir une carrière complète, mais pour ne pas être pénalisées et d'une certaine façon punies pour avoir une carrière incomplète.
Vous aggravez aussi la situation en portant de soixante à soixante-deux ans l'âge auquel on pourra faire valoir ses droits. Encore une fois, est-il normal que quelqu'un qui commence à travailler à dix-huit ans aujourd'hui, donc quelqu'un qui n'a pas fait d'études supérieures et va effectuer un travail parmi les moins qualifiés, probablement parmi les plus pénibles, ait à cotiser quarante-quatre ans pour terminer sa carrière, alors que tous les autres Français auront cotisé pendant quarante et un ans et demi ? Et vous vous demandez pourquoi les Français trouvent votre réforme injuste ? En voilà une bonne raison.
Depuis quelques jours, au cours de ces débats, on s'est parfois moqué de la gauche. Faut-il rappeler que c'est la gauche qui a arraché les congés payés dans ce pays ? Que c'est la gauche qui a ramené l'âge légal de la retraite à soixante ans ? Que c'est la gauche qui a ramené le temps de travail hebdomadaire à 35 heures ? (Exclamations sur quelques bancs du groupe UMP.) Alors, vous qui trouvez que ce n'est pas assez, ces 35 heures, faites donc la même expérience que Florence Aubenas : venez travailler dans une usine agro-alimentaire de ma région, où vous resterez cinq jours sur sept debout, à quatre degrés ; vous me direz alors si ces 35 heures, ce n'est pas suffisant. Allez sur les chantiers derrière les goudronneuses, et vous me direz si 35 heures ce n'est pas suffisant ! Allez faire les trois huit dans une usine, et vous me direz si 35 heures ce n'est pas suffisant !
…des propos de privilégiés. Et dans ce débat, comme tout au long de l'histoire de notre pays, on vous retrouve dans le camp des privilégiés, jamais dans celui du peuple. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.) C'est ce que les manifestants ont voulu vous dire. Écoutez ce que les gens vous disent sur les marchés le dimanche. Votre réforme est injuste et les Français le savent bien. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
Dans cet article, vous continuez à parler, monsieur le ministre, d'incapacité, alors que la question est celle de la pénibilité. C'est cette dernière qu'il faut prendre en compte. Or plusieurs articles la remettent en cause, et nos concitoyens qui sont soumis à des travaux pénibles y attachent une grande importance.
Les métiers pénibles, cela existe. Les exercer doit donner droit à ce que leur pénibilité soit prise en compte et à des garanties lors du départ à la retraite. En abolissant la notion de pénibilité du travail, en lui substituant celle d'incapacité, vous ne faites pas seulement preuve de mesquinerie financière, vous faites surtout preuve d'une méconnaissance du monde du travail. Vous faites comme si tous les salariés étaient soumis, peu ou prou, aux mêmes nuisances dont seul le degré varierait.
La pénibilité vécue par un salarié dans le cadre de son travail n'est absolument pas substituable par celle d'incapacité.
Définir la pénibilité au travail, c'est raisonner de manière collective, branche par branche, métier par métier. Ce raisonnement vous est totalement étranger puisque vous ne réfléchissez qu'en termes de parcours individuels. C'est d'ailleurs la preuve que l'idéologie qui sous-tend votre texte est une idéologie d'essence néolibérale. L'homme n'y est absolument pas envisagé comme faisant partie d'un groupe social : il n'est compris que comme un individu seul responsable de son destin.
Aujourd'hui, vous savez bien que les salariés soumis à des conditions de travail pénibles – c'est-à-dire à des contraintes physiques, à un environnement agressif ou à des rythmes de travail fatigants – sont les salariés pour lesquels l'entrée dans la vie et dans la vie active est la plus dure : ce sont les plus modestes de nos compatriotes et, bien souvent, ceux qui ont eu le plus de difficultés
Aujourd'hui, avec votre texte, vous entendez pratiquer une forme de double peine : ceux pour qui l'entrée dans la vie, et dans la vie active notamment, aura été la plus difficile seront également ceux pour lesquels la sortie de la vie active sera la plus difficile et se conjuguera avec une santé altérée et une espérance de vie raccourcie.
Votre refus de prendre en compte la pénibilité est l'une des raisons majeures qui suscite l'hostilité de nos concitoyens à l'égard de votre texte. Il est particulièrement scandaleux.
« Arnaque », « Supercherie », tels sont les mots qu'emploient les titres des journaux pour décrire vos mesures sur la pénibilité.
La confusion volontaire que vous entretenez entre pénibilité et incapacité correspond à une véritable transformation idéologique de la philosophie de la retraite pour tous. La pénibilité et l'incapacité sont deux notions totalement différentes et, messieurs les ministres, vous le savez très bien !
L'incapacité, c'est-à-dire l'évaluation de séquelles liées à la survenue de maladies professionnelles, permet de calculer la réparation financière qui sera accordée aux salariés dont l'état de santé est définitivement altéré.
Prendre en compte la pénibilité du travail, c'est prendre en compte une usure anormale de l'individu en raison de l'accomplissement d'un métier difficile. Cela ne se traduit pas nécessairement par une reconnaissance d'incapacité.
Certaines situations professionnelles réduisent la durée de vie, tout le monde le reconnaît. Il est donc logique, juste et légitime qu'un salarié qui travaille dans des conditions de réelle pénibilité parte à la retraite avant les autres. La prise en compte de la pénibilité répond à la logique de la République sociale telle que l'a décrite Robert Lafore. Les rapports sociaux y fonctionnent à partir d'un contrat collectif de solidarité et, lorsque survient un dommage pouvant entrer dans la mouvance du risque social, il faut que ses conséquences soient réparées par la collectivité elle-même. Ainsi, si un individu inséré dans le jeu collectif vient à subir un aléa du fait de l'organisation des rapports sociaux de production et d'échanges, c'est à la collectivité de rétablir l'équilibre des échanges rompu. On construit ainsi un droit protecteur partant du constat des inégalités de fait pour édifier un droit de la protection. Mais, il est clair, messieurs les ministres, que la République sociale n'est pas au coeur de vos préoccupations, la teneur de cette réforme le prouve.
La réforme des retraites, et plus particulièrement son volet relatif à la pénibilité, risque d'avoir des conséquences néfastes quant à l'exercice de la médecine du travail.
Ce ne sont pas les amendements déposés tout récemment par le Gouvernement qui sont de nature à rassurer cette profession ou tous ceux à qui elle est utile.
Monsieur le ministre, vous prétendez que « la mise en oeuvre des dispositions législatives relatives à la pénibilité fait jouer un rôle important aux services de santé au travail ». Cet argument n'est pas de nature à rassurer une profession inquiète ; en fait, il ne nous rassure pas du tout.
L'amendement n° 730 rectifié a retenu toute notre attention car il abroge deux articles du code du travail fondamentaux pour l'existence de la médecine du travail. Il transfère aux services de santé au travail, en fait à leurs directeurs, nommés et choisis par les employeurs, les responsabilités légales actuelles dévolues aux médecins du travail.
L'adoption d'un tel amendement conduit à confier aux seuls employeurs, responsables de l'organisation du travail et des risques qu'ils font encourir à la santé des travailleurs qu'ils salarient, la prévention médicale des risques professionnels qui relevait jusqu'à présent des médecins du travail. Quelle manière peu élégante de remettre en cause une profession ! Quelle avancée sociale pour tous les salariés ! Mais, après tout, cette méthode permet de régler son compte non seulement à une profession mais aussi à la pénibilité au travail.
Pourtant, la pénibilité vécue par les travailleurs existe, et les inégalités sociales en matière de santé sont flagrantes : le travail de nuit, l'exposition à des produits chimiques dangereux, les troubles musculo-squelettiques sont le quotidien de centaines de milliers de salariés.
À mon sens, la prise en compte de la pénibilité et de son impact sur l'espérance de vie est prioritaire. Un salarié, bénéficiant par exemple d'une majoration pour pénibilité de 10 % pendant la moitié de sa carrière, devrait pouvoir partir deux ans plus tôt à la retraite avec une retraite complète.
Vous comprenez bien, monsieur le ministre, pourquoi nous nous opposons à ce projet de réforme.
Des solutions existent pour réformer les retraites : encore faut-il pouvoir en discuter avec les principaux intéressés et leurs représentants syndicaux ; encore faut-il écouter, et entendre les propositions qui peuvent être faites.
Le Gouvernement a beaucoup communiqué sur l'article 26. Supposé compenser la pénibilité des taches, il a été présenté comme une mesure inédite en Europe, un dispositif prétendument « sérieux, responsable et juste », selon vos propres termes, monsieur le ministre.
Le moins que l'on puisse dire, c'est que votre matraquage médiatique a fait « pschitt ». Personne, excepté peut être le MEDEF, n'ose prétendre aujourd'hui que permettre de partir à la retraite à soixante ans à 10 000 ou 30 000 salariés usés par des conditions de travail particulièrement pénibles serait une avancée sociale majeure
Je vous rappelle qu'en 2008, le rapport de notre ancien collègue Jean-Frédéric Poisson estimait à vingt millions le nombre d'actifs concernés par au moins un des critères de pénibilité, et à un million le nombre de ceux susceptibles de bénéficier d'une compensation à ce titre et « d'un dispositif de retraite anticipée, même s'ils ne sont ni malades ni déclarés inaptes au travail ». Signalons encore qu'une étude menée dans le secteur du BTP évaluait à 44 000 le nombre de salariés de ce secteur potentiellement concernés par la pénibilité.
Il est désormais clair que le système gouvernemental qui repose uniquement sur la mesure individuelle de l'usure au travail et sur l'incapacité physique s'inscrit dans une tout autre logique que celle attendue par les partenaires sociaux, les associations représentatives des victimes du travail et les salariés – voire par certains directeurs des ressources humaines qui ont innové sur cette question et qui ont signé des accords temporaires d'entreprise sur la pénibilité en attendant que la loi prenne le relais.
Interrogé sur votre projet réservant le droit de partir à la retraite à soixante ans, et non avant, aux seuls salariés justifiant un taux d'incapacité de 20 % – ce qui revient à ignorer la forme de pénibilité que constitue le travail posté –, le DRH pour la France de Rhodia déclarait au début du mois de juillet : « Nous sommes loin des attentes. Quand vous avez 700 000 départs en retraite par an, 10 000 cas de pénibilité prévus par le projet de loi, c'est une goutte d'eau. Cela va créer un décalage social fort par rapport aux attentes exprimées par les salariés depuis que le Gouvernement a indiqué que la pénibilité serait l'un des sujets de la réforme. Le ministère a mis la barre très haut avec 20 % de taux d'incapacité. En conditionnant un départ anticipé à une usure déjà avérée, on met une exigence qui relève en fait non pas du système de retraite mais d'une logique accidents du travail et maladies professionnelles. »
Il est également unanimement acquis que votre projet passe à côté de l'exigence d'équité et qu'il fait fi des différences d'espérance de vie entre catégories sociales. Comme l'ont résumé dans une tribune de presse le secrétaire général de la FNATH, l'Association des accidentés de vie, et le porte-parole de l'ANDEVA, l'Association nationale de défense des victimes de l'amiante, le volet pénibilité de ce texte est « une succession d'injustices ». En effet, en faisant référence à l'incapacité physique, il ne prend pas en compte le cas des salariés exposés à des substances cancérigènes, mutagènes, reprotoxiques, ou aux produits ayant des effets différés et à long terme sur la santé des salariés, bien après l'arrêt de leur activité. Je pense à ce qui a été dit par plusieurs collègues sur les maladies qui ne se déclenchent qu'après le départ à la retraite. Le dernier rapport de la mission d'information sur l'amiante a ainsi montré que les maladies se déclaraient, en moyenne, trente-sept ans après le contact avec le produit toxique. Autrement dit, les salariés en question prennent leur retraite sans être malades, mais ils meurent sans avoir pu bénéficier de l'allongement de la durée de la vie dont vous parlez tant.
En réservant des mesures spécifiques aux seules personnes atteintes d'une maladie professionnelle ou victimes d'un accident du travail, et en retenant un seuil de 20 % qui selon un professeur de médecine et de santé au travail n'a « aucune pertinence médicale, sociale ou professionnelle », votre texte exclut nombre de travailleurs dont la pathologie professionnelle n'est pas reconnue ou qui souffrent de pathologies ne dépassant pas le seuil de 20 %.
Par exemple, pour les troubles musculo-squelettiques, les incapacités permanentes moyennes ne dépassent 15 % que dans moins d'1 % des cas. Le fait que les caissières ou les manutentionnaires, qui en sont le plus fréquemment les victimes puissent être laissés de côté par votre réforme, qui durcit précisément les conditions d'accès à la retraite pour ces professions, avait vraiment du mal à passer dans l'opinion publique.
Au lendemain de la forte mobilisation de la semaine dernière, le Gouvernement a donc annoncé des ajustements à ce dispositif, communiquant de façon mensongère sur l'abaissement du seuil et la prise en compte de la situation des victimes de troubles musculo-squelettiques. Cependant, votre proposition ne correspond toujours pas à ce que veulent unanimement les syndicats, c'est-à-dire un départ anticipé de tous les salariés ayant été exposés à des facteurs susceptibles de réduire leur espérance de vie en bonne santé.
En fait, en créant deux régimes, l'un automatique au-delà de 20 % et l'autre, conditionné à un taux, certes inférieur, mais dépendant d'une commission constatant que le salarié a bien été exposé à certains facteurs de pénibilité à l'origine de l'incapacité, le Gouvernement crée de nouvelles inégalités.
Monsieur le ministre, il faudra bien que vous nous disiez précisément si les salariés victimes d'une maladie professionnelle non reconnue, mais pouvant l'être par la voie complémentaire nécessitant un taux d'incapacité d'au moins 25 %, sont concernés par l'amendement que vous défendez ce soir.
Je m'inscrirai dans la continuité de mon collègue Daniel Paul, mon voisin géographique.
Et idéologique, oui. Inutile de le préciser.
Nous sommes tous les deux députés du Havre. Pour ma part, ma circonscription recouvre toute la zone industrielle du Havre, ainsi que celle de Notre-Dame-de-Gravenchon. Dans cet espace industriel remarquable en France, il est des milliers de salariés qui se sont retrouvés dans la rue mardi dernier. S'ils l'ont fait, avec des millions de Français, je ne suis pas sûr que ce soit parce qu'ils n'auraient pas compris la formule arithmétique du ministre. Je pense qu'ils l'ont comprise, je pense même qu'ils la répètent, en se disant que, oui, finalement, le financement n'est pas simple. Je suis persuadé que ce qui les a mis dans la rue, c'est justement cette question de la pénibilité, c'est justement ce vécu personnel, par les uns et les autres, et ce calcul qui les conduit à se dire qu'ils n'arriveront pas, eux, à cet âge de soixante-deux ans en étant en mesure de prendre leur retraite.
J'ai succédé, à la mairie de ma ville, à Marcel Le Mignot, qui, parce qu'il était un militant communiste et qu'il s'était battu toute sa vie pour la retraite à soixante ans, avait décidé de passer la main au moment où il atteindrait cet âge. Il est parti en retraite au moment des élections municipales, qui se sont tenues au mois de juin. Après deux mois de vacances, au mois de septembre, il a appris qu'il avait le cancer de la plèvre. Au mois de mai, nous procédions à ses obsèques.
La question de la pénibilité, c'est d'abord une question humaine, qu'il faut aborder, non pas avec une formule arithmétique, avec des quotas, avec des pourcentages, mais avec toute l'humanité qu'elle requiert, et avec des exemples précis. Nous recevons tous, sur nos sites, des exemples très particuliers de salariés qui sont concernés par cette question.
La FNATH nous a transmis les exemples suivants.
Dominique, soixante et un ans : décédé le 29 juin à Paris, il est parti en retraite l'année dernière. Ses médecins ont diagnostiqué un mésothéliome, début mai, en raison de son activité dans le bâtiment, il y a trente ans. Une telle situation ne serait pas prise en compte dans le dispositif pénibilité que propose le Gouvernement. En effet, les expositions à des produits cancérogènes ne sont pas intégrées. De tels travailleurs seront donc amenés à prendre leur retraite à soixante-deux ans, si toutefois ils arrivent à cet âge.
Marcel : après avoir travaillé pendant trente ans, de 1949 à 1978, dans les mines de fer, cet adhérent de la FNATH en Meurthe-et-Moselle est parti en retraite sans qu'aucune maladie ne soit déclarée. Il a fait reconnaître par la suite deux maladies professionnelles, en 2002 puis en 2005 : une sidérose et un cancer broncho-pulmonaire. Décédé en 2006, il n'aura pas profité de sa retraite, qu'il a vécue avec une forte incapacité. Ce témoignage illustre la nécessité de prendre en compte non pas uniquement les incapacités physiques, comme vous le proposez, mais bien les expositions passées à des produits cancérogènes.
Marie : employée de maison, garde d'enfants puis assistante de vie pendant quinze ans auprès d'une personne dépendante, dont le décès a entraîné son licenciement en septembre 2008, elle devient agent hospitalier. Elle n'occupe ce poste que pendant un mois et demi. En effet, elle se bloque le dos au travail, ce qui lui vaut quinze mois d'arrêt et un licenciement pour inaptitude. On lui accorde un taux d'incapacité de 5 % pour lombalgie. Malgré des activités pénibles – port de charges lourdes, travail de nuit –, elle ne bénéficiera pas du dispositif que vous proposez et a touché un maigre capital pour toute indemnisation.
Serge a cinquante-quatre ans. Il exerce pendant vingt ans le métier de menuisier. En 1986, il est victime d'un accident de trajet : il est arrêté sept mois et demi, puis pendant quatre ans pour les soins de suite – il a de multiples fractures, est touché aux poumons, porte un appareil neuro-stimulateur dans le dos avec batterie sur le ventre. Il a un taux d'IPP de 27 %. Mais il ne pourra pas bénéficier du « volet pénibilité » dans la mesure où l'accident de trajet n'est pas concerné par le dispositif, et ce malgré son activité de menuisier pendant vingt ans.
Dans ma circonscription, à Bolbec, une société est menacée de fermeture. En septembre 2009, au CODERST de Seine-Maritime, le Conseil départemental de l'environnement et des risques sanitaires et technologiques, était présenté un dossier de cette usine. Le préfet avait ordonné, en janvier 2007, et avec un délai d'exécution de deux ans, un changement de process, puisque le procédé utilisé par cette usine, qui fabrique des joints pour l'automobile, était émetteur de nitrosamines, produits hautement cancérigènes, et reconnus comme tels par l'Organisation mondiale de la santé. Deux ans après, en 2009, rien n'avait été réalisé dans cette usine, les représentants patronaux nous expliquant qu'ils n'avaient pas jugé utile de le faire, étant donné qu'ils délocalisaient prochainement en Pologne.
Malgré les critiques, ce dossier a été adopté par la majorité du CODERST. Les associations étaient face aux services de l'État. Maintenant, une question se pose : les nitrosamines respirées durant toutes ces années par les salariés vont certainement provoquer des cancers chez certains d'entre eux. Qui va assurer le suivi médical après la fermeture ? Qui sera apte à reconnaître la maladie professionnelle, celle-ci pouvant se déclarer plus de vingt ans après ? Qui va payer le coût des cancers ?
Voilà toutes les questions que pose votre loi. Et puis, d'une manière générale, dans ces zones industrielles, une grosse problématique est posée : celle de la santé et de l'environnement. Dès qu'on parle de santé et d'environnement, dès qu'on parle du cocktail de produits chimiques respirées dans ces zones, il n'y a plus personne pour faire les études. Il paraît que c'est difficile. Il paraît que l'on ne peut pas avoir des critères très probants pour mesurer l'impact de cette activité sur la santé des salariés.
Avec votre projet, les salariés qui ont été victimes du scandale de l'amiante ne pourraient plus être mis en retraite anticipée à cinquante ans. Dans le port du Havre, des salariés exposés à l'amiante ont été mis en retraite par le port à l'âge de cinquante ans, avec interdiction de travailler jusqu'à soixante ans, justement parce qu'ils étaient touchés. À chaque fois que vous êtes interrogés sur l'age de la retraite, vous nous dites que, grâce à votre projet de loi, ces salariés ne prendraient pas leur retraite à soixante-deux ans mais à soixante ans. Mais aujourd'hui, ils la prennent bien avant soixante ans, parce que l'on sait qu'ils n'arriveront pas jusqu'à cet âge, ou qu'ils n'iront pas très au-delà. Et ce que vous leur proposez aujourd'hui, c'est la retraite à soixante ans !
Voilà pourquoi les salariés resteront mobilisés. Ils resteront encore nombreux à combattre votre projet. Je pense qu'il est encore temps, monsieur le ministre, de prendre les dispositions pour traiter autrement la question de la pénibilité, qui touche une très grande partie de nos concitoyens, soit qu'ils soient directement touchés, soit qu'ils se sentent concernés alors qu'ils ne sont pas eux-mêmes touchés. Nous avons en effet la chance d'avoir un peuple pour qui l'humanité est quelque chose d'important. C'est pourquoi je vous demande de revoir les dispositions que vous nous proposez. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)
Il n'y a plus d'inscrit sur l'article.
La parole est à M. Jean-Marc Ayrault.
Madame la présidente, messieurs les ministres, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, depuis plusieurs jours, nous débattons du projet de loi portant nouvelle réforme sur les retraites. Comme vous, nous avons dû nous rendre à cette évidence : la réforme Fillon de 2003, qui avait été présentée comme la grande réforme permettant de sauver notre retraite par répartition, n'a pas tenu ses promesses. Sept ans plus tard, vous présentez un nouveau projet, aux ambitions encore plus limitées, puisque vous ne prétendez financer le régime que jusqu'en 2018.
Comme vous, nous prenons acte de cet échec. Comme vous, nous considérons qu'une réforme est nécessaire. Mais c'est ici que nos divergences commencent. Nous voulons une réforme, et pas celle-là ! Nos débats n'ont cessé de démontrer l'injustice et l'inefficacité de votre projet.
Et visiblement, ce projet de loi met mal à l'aise les députés de la majorité. (« Pas du tout ! » sur les bancs du groupe UMP.)
Ils peinent à se mobiliser. (Exclamations et rires sur les mêmes bancs.) Nous en avons encore eu la démonstration hier soir. Alors que le Gouvernement et M. Accoyer voulaient que la séance se poursuive jusqu'à quatre ou cinq heures du matin, afin que le débat sur les retraites passent inaperçu des Français, ce sont les députés de la majorité qui ont fait défaut à cette stratégie de passage en force. L'opposition, elle, était à son poste. Et elle s'est retrouvée seule dans l'hémicycle, la nuit dernière. Vous avez dû lever la séance, pour éviter de vous retrouver ridicules, c'est-à-dire minoritaires.
Mes chers collègues, ce débat mérite davantage de respect démocratique. Il mérite aussi mieux que des déclarations intempestives, caricaturales,…
…pour ne pas dire mensongères.
Lorsque, aujourd'hui, M. Sarkozy affirme sans rire que le relèvement de l'âge de départ en retraite de soixante à soixante-deux ans « protégerait les petites retraites », de qui se moque-t-il ? Les petites retraites sont versées aux personnes qui ont eu de faibles revenus d'activité. Le passage à soixante-deux ans maintiendra ou plongera ces personnes dans la précarité. Et la précarité, dans le cadre de votre réforme, n'ouvre pas droit à des pensions plus élevées. Est-ce protéger les gens que de les maintenir dans des situations difficiles, voire précaires ?
Et puis, avec son élégance habituelle, M. Sarkozy ose dire que, lors de l'instauration des trente-cinq heures, le Gouvernement a fait « des tas de promesses », des promesses que, affirme-t-il sans aucun scrupule, « les ouvriers ont payées ».
Oui, interrogez-les, monsieur Bur : 80 % d'entre eux y sont favorables !
À cet égard, nous avons entendu tout à l'heure ce qui a été dit par Germinal Peiro.
Mais de qui se moque-t-on ? Une direction de votre ministère, monsieur le ministre du travail, la DARES, indique que les trente-cinq heures ont créé 350 000 emplois supplémentaires entre 1998 et 2002. Et là, on voit bien qu'une politique de l'emploi contribue positivement au financement de notre système de retraite.
C'est cela, la vérité, et non la proclamation dogmatique et ridicule du Président de la République.
Notre système de retraite, je l'ai dit, doit être réformé. Mais votre projet ne répond ni aux exigences financières de la période, ni aux attentes sociales. Il fallait rassurer les jeunes générations sur leur avenir, en finir avec l'effondrement du niveau des pensions, consolider la solidarité entre les générations. Rien de tout cela ne se trouve dans votre texte.
Vous parlez bien, monsieur Ayrault, mais vous n'avez rien fait sur les retraites.
Oh, mais j'ai du temps devant moi : vous allez écouter mes propositions, même si cela vous dérange peut-être. Vous allez en entendre, des propositions !
Oui, nous le pensons, une réforme s'impose, et cela pour trois raisons.
La première concerne le déficit des régimes de retraite. Il faudra trouver plusieurs dizaines de milliards chaque année. Et là, quel réquisitoire ! Contre qui ? Contre votre politique. Faut-il rappeler ce que François Fillon déclarait en 2003, à cette tribune : « La réforme que je vous soumets permettra de couvrir l'intégralité des déficits de nos régimes de retraite tels qu'ils sont aujourd'hui prévus pour 2020. Elle est donc financée à 100 %. » Voilà l'échec ! L'échec de qui ? De votre majorité et du Premier ministre, qui était alors ministre du travail, à la place qui est aujourd'hui la vôtre, monsieur Woerth.
Il n'aura pas été nécessaire d'attendre 2020 pour constater cet échec. Dès 2005, le déficit de la branche vieillesse était de près de 2 milliards. Il est monté à 4,5 milliards l'année suivante, pour atteindre près de 6 milliards en 2008, bien avant que la crise ne se fasse sentir ! Quel échec que le vôtre, alors que vous prétendez nous donner des leçons de responsabilité budgétaire !
Hélas oui, il faut remettre l'ouvrage sur le métier. L'évolution de la donne démographique, tout en étant une chance, constitue une contrainte financière. Pour cette raison, on ne peut écarter des mesures démographiques. Mais vous choisissez la plus injuste. Vous choisissez le relèvement des seuils d'âge. Car, si l'allongement de l'espérance de vie est d'abord une bonne nouvelle, n'oublions pas que des inégalités importantes demeurent. L'espérance de vie d'un ouvrier est toujours de sept ans inférieure à celle d'un cadre. La différence d'espérance de vie sans incapacité est plus grande encore, ce qui signifie concrètement – cela a été dit il y a quelques instants – que, au cours d'une vie déjà plus courte, les ouvriers passeront plus de temps en incapacité que les cadres. Ne pas en tenir compte – et c'est ce que vous faites, parce que vous ne voulez pas traiter au fond la question de la pénibilité – est une grave faute vis-à-vis des Français et en particulier de ceux des travailleurs les plus exposés aux conditions de travail difficiles. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
La seconde raison d'une réforme, c'est la nécessité de renforcer la cohésion sociale de notre pays, de restaurer la confiance des jeunes générations, des actifs, des classes moyennes dans le pacte social qui nous rassemble. Pour cela, il faut d'abord garantir aux retraités un niveau de pension décent. Or, ce n'est plus le cas, surtout à cause de la précarisation du travail, du chômage, du caractère haché des carrières, mais aussi, il faut le rappeler, des réformes de MM. Balladur et Fillon. Qui peut nier l'abaissement régulier du niveau des pensions en France ?
N'avez-vous pas entendu cela, mesdames et messieurs les députés de la majorité, de la part de certains de vos électeurs, qui vous le reprochent aujourd'hui ?
Pas nous, en tout cas, parce que ces réformes ont provoqué au moins jusqu'à 20 % de baisse du niveau des retraites. Malheureusement, nous assistons à un retour de la pauvreté chez les retraités. Parmi les femmes en particulier, aucune réforme ne saurait passer à côté de cette exigence de progrès social. Combien d'entre vous ont pu constater dans les files des Restaurants du coeur des hommes et souvent des femmes à la retraite qui vivaient, il y a quelques années, dans la dignité et qui sont obligés aujourd'hui de bénéficier d'aide, de solidarité ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Enfin, il est indispensable de prendre en compte l'évolution de la société et du monde du travail. La réforme ne peut être purement comptable. Face aux idéologues libéraux qui veulent profiter de la période pour affaiblir les garanties collectives, il faut au contraire imaginer de nouvelles protections face aux risques nés de l'éclatement des parcours professionnels et de la diversité des attentes personnelles, inventer des ressorts nouveaux, offensifs. Cette volonté, c'était celle du Conseil national de la Résistance, le programme adopté à la Libération et soutenu par le Général de Gaulle, dont vous vous prétendez les héritiers, qui avait la volonté explicite de consolider la cohésion sociale et démocratique de la nation. Les transformations de notre économie et de notre organisation sociale appellent des réponses vigoureuses dans une période nouvelle, plus complexe, difficile. Mais, en 1944, en France, n'était-ce pas une période difficile, complexe qui a permis, par les réponses du Conseil national de la Résistance, de faire preuve d'audace ? Ce qui était possible à l'époque, pourquoi cela ne le serait-il pas aujourd'hui ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) C'est la question à laquelle vous ne voulez pas vous confrontez.
Oui ! il fallait un projet de justice sociale, d'efficacité économique, d'anticipation politique. C'est pour cela que votre projet est injuste, imprévoyant, inefficace. Comment osez-vous parler de justice quand l'effort que vous imposez au pays est important, malgré la propagande, la campagne d'information que vous avez lancée,…
…quand l'effort que vous imposez au pays porte à plus de 90 %, presque 95 %, sur les seules épaules des salariés ?
Ce n'est pas en relevant d'un petit point la dernière tranche de l'impôt sur le revenu que vous convaincrez, car les chiffres sont têtus. Vous évaluez à 45 milliards les besoins de financement en 2020 – 4 milliards seulement proviennent des ressources nouvelles, 2 petits milliards des revenus du capital. Il est donc faux de dire, comme vous le faites, et comme vous ne cessez de le répéter ici dans les émissions de radio et de télévision sans aucune pudeur, que vous mettez à contribution les revenus du patrimoine : quelques centaines d'euros pour les cent plus gros bénéficiaires du bouclier fiscal, qui continueront par ailleurs, comme Mme Bettencourt, imperturbablement, à recevoir leur chèque-cadeau du fisc.
C'est la réalité.
Comment osez-vous parler de justice quand, parmi les salariés, ce sont les plus modestes sur qui portera tout l'effort, quand les inégalités s'accroissent. Chaque année, 300 000 personnes partent à la retraite à soixante ans, en ayant déjà cotisé jusqu'à deux années de plus que ce qui était nécessaire, sans que cela leur apporte un centime de plus de retraite. Et vous voulez que celles-là cotisent quarante-trois ans, quarante-quatre ans pour avoir droit à une pension décente ! C'est cela votre projet ? (« C'est scandaleux ! » sur les bancs du groupe SRC.) Et cela ne vous gêne pas ? Où est la justice lorsque vous demandez à des femmes – un tiers sont dans ce cas – déjà obligées d'aller jusqu'à soixante-cinq ans, après une carrière d'emplois précaires à temps partiel, pour bénéficier d'une retraite sans décote ? Où est la justice lorsque vous exigez qu'elles travaillent encore deux années supplémentaires ? Vous leur offrez le choix entre l'indigence et l'épuisement. Est-ce vraiment cela la justice pour vous, mesdames, messieurs de la majorité ?
Mais le comble, c'est que cette accumulation d'injustices se fait au nom de l'efficacité et de la responsabilité, alors que vous ne financez pas le système, ni à court terme, ni dans la durée.
En 2011, il manquera au bas mot 25 milliards. En 2018, vous frôlez un équilibre fragile que M Karniewicz, présidente de la CNAV, juge elle-même instable. Vous n'y arrivez qu'au prix de deux tours de passe-passe.
Le premier est une véritable entourloupe comptable, puisque 15 milliards restent non financés, ce que vous appelez benoîtement : « contributions nettes de l'État », qui se traduit plus simplement par endettement supplémentaire de la France.
Le deuxième tour de passe-passe est en fait un véritable hold-up, un racket sur les générations futures. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.) Vous aurez fait main basse, si votre projet est voté, sur les 34 millions de réserves des retraites qui étaient prévus pour faire face aux pics générationnels et qui concernent les plus jeunes de ceux qui arriveront dans quelques années à la retraite.
Oui, en 2019, alors que le défi démographique ira s'aggravant, c'est le trou noir, le saut dans l'inconnu. Mais alors, il n'y aura plus de fonds de réserve, plus de ressources disponibles, et le COR lui-même indique très explicitement que votre mesure d'âge ne parviendra pas à résoudre plus de la moitié du problème.
Votre réforme est donc fondée sur un mensonge. Vous demandez aux Français de se sacrifier aujourd'hui pour assurer des lendemains plus calmes.
La vérité est qu'ils doivent se sacrifier aujourd'hui, non pas pour la pérennité de nos retraites, mais pour celles des petits avantages, parfois même gros, consentis à vos amis. Tant d'imprévoyance ne peut que conforter les jeunes dans leur sentiment de méfiance. À changer les règles du jeu tous les cinq ans, vous encouragez les seniors à partir à la retraite dès qu'ils le peuvent. Vous encouragez les autres à se détourner de la retraite par répartition, au profit d'une épargne individuelle. Mais c'est la constante de votre politique sociale : réduire progressivement les solidarités collectives. Vous envisagiez de le faire pour l'APA et la dépendance – favoriser les assurances individuelles –, et votre majorité continue et veut continuer à le faire.
Après l'adoption en commission d'amendements favorables au renforcement de l'épargne retraite, le vers de la capitalisation est dans le fruit, et c'est vous qui l'aurez mis.
Ce débat a eu le mérite, à ce stade, de clarifier plusieurs points.
Le premier point, c'est que deux projets sont proposés aux Français. Et ils se font face.
Je suis désolé, monsieur le ministre, mais c'est François Fillon, votre Premier ministre, qui l'a lui-même dit.
Je dirais qu'il a eu l'honnêteté – il était d'ailleurs à cette place –, même s'il a mis le temps à le faire, en répondant à une de mes questions, la semaine dernière, de reconnaître qu'il y avait bien un débat projet contre projet. C'est le premier point acquis de notre débat. Cet acquis est si bien établi, que les députés de la majorité consacrent désormais l'essentiel de leurs interventions au dénigrement systématique du projet du parti socialiste, plutôt que défendre leur propre réforme.
Quelles sont ces critiques ? Pour la majorité, les socialistes sont des maniaques de la taxe, les champions du monde de l'impôt, les derniers spoliateurs du monde libre. (« Nous sommes d'accord ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
La vision est pour le moins grotesque, ce qui n'a pas empêché M. Copé, votre président de groupe, qui a sans doute besoin de surenchère pour gager la présidence de l'UMP, qu'il guigne, d'ajouter son énormité personnelle : « La gauche, avec ses propositions, conduirait la France à la ruine. » Tout en nuances, comme d'habitude !
Deuxième point acquis de notre débat, au-delà des énormités proférés par M. Copé : le débat permet d'opposer deux façons de financer la survie de notre système de retraites par répartition. Nous savons qu'il est en danger, qu'il a besoin de financement à hauteur de 45 milliards, à l'horizon 2025. Tout le débat que nous avons avec vous porte sur la façon de dégager des recettes qui permettront de remettre ce régime d'assurance vieillesse en équilibre Que propose le Gouvernement ? De financer l'essentiel de son projet par le relèvement de deux ans des bornes d'âge – celle du droit à la retraite à soixante ans, celle du départ sans décote à soixante-cinq ans.
Cette mesure n'est pas autre chose qu'un nouvel impôt prélevé sur les Français, mais pas n'importe quels Français. Ce ne sont pas les salariés qui seraient de toute façon allés au-delà de soixante ans pour atteindre quarante et une anuités et demie, pas davantage ceux qui ont eu des carrières complètes et qui ne seraient jamais contraints d'attendre soixante-sept ans pour partir. Non, mes chers collègues de la majorité, votre nouvel impôt – c'est pour cela que les Français ont compris que cette réforme était injuste et qu'ils sont nombreux à manifester – pèsera sur celles et ceux qui vont devoir surcotiser au-delà des quarante et une annuités et demi, ceux qui ont commencé tôt, ceux qui ont des carrières pénibles, ceux qui ont l'espérance de vie la plus faible. Ce sont eux la cible de votre réforme. C'est pour cela qu'elle est si injuste.
Ce nouvel impôt pèsera sur les Français qui ont eu des carrières heurtées, qui ont connu le chômage. Il pèsera sur les femmes qui ont interrompu leur carrière pour élever leurs enfants, sur les épouses d'artisan ou d'agriculteur, sur ces salariés précaires aux carrières incomplètes devant patienter dans la précarité jusqu'à l'âge de soixante-sept ans pour bénéficier d'une retraite à taux plein, qui plus est sur la base de revenus d'activité par ailleurs très faibles, c'est-à-dire d'une pension encore plus faible que ceux qui partent à la retraite à soixante-cinq ans aujourd'hui. Je ne sais pas si vous vous en rendez compte. Ou alors, pour nombre d'entre eux qui n'iront pas jusqu'à attendre la retraite à taux plein, ils devront liquider leurs droits avant cet âge et accepter de se voir verser une pension réduite parce qu'ils ne pourront pas faire autrement. Ils partiront avec une pension réduite parce qu'ils n'attendront pas soixante-sept ans. Trop fatigués, épuisés, ils partiront donc avec une décote. Je ne vous fais pas de procès d'intention, c'est un constat. C'est le calcul, monsieur le ministre, de votre ministère, celui du Gouvernement.
Votre nouvel impôt pèsera sur ces 60 % de Françaises et de Français de plus de cinquante-cinq ans qui ont perdu leur emploi, qui ne parviennent plus à retrouver du travail. Il leur faudra choisir entre attendre, parfois plus d'une décennie, ou accepter une baisse de leur pension. Vous vous cachez à peine de ce calcul cynique, puisque lorsque nous prévoyons de ramener vers le travail 800 000 seniors, vous nous dites que c'est irréaliste. La conséquence est celle que je viens de décrire. Je vous entends déjà répondre que tout a été fait pour les carrières longues et la pénibilité, et que, selon vous, il ne s'agit que des traditionnelles fariboles de l'opposition.
Pourtant, si c'était vrai, comment pourriez–vous expliquer dans le même temps que 50 % de votre réforme est financée par des mesures d'âge ? Pour notre part, nous n'admettons pas que ce soient les actifs les plus pauvres qui paient les retraites de tous. Or c'est la logique de votre réforme.
Vous brandissez des comparaisons internationales. Vous nous expliquez que nous sommes archaïques, isolés, que nous n'avons rien compris au monde qui change, qu'une évidence s'impose. Mais la vérité est que votre réforme mettra la France au premier rang des régimes les plus contraignants, les plus durs.
Pus que de justice ou d'efficacité, votre message s'adresse aux agences de notation et au MEDEF, qui se félicite et qui, à chaque fois que vous faites un tout petit effort pour corriger l'injustice, vous en fait le reproche. Et Mme Lagarde, lorsqu'elle s'adresse à ses collègues européens, ne se gêne pas pour dire qu'il s'agit d'une réforme très dure qui sera appréciée par les marchés financiers. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Une réforme qui va dans l'intérêt du pays !
Pourtant, comparons ce qui est comparable. Vous nous dites que chez nos principaux voisins, l'âge de départ à la retraite est déjà de soixante-cinq ans.
C'est tellement vrai que si l'on se penche non plus sur les âges légaux de départ à la retraite, mais sur l'âge effectif, c'est-à-dire celui auquel les salariés quittent le marché du travail, la proximité des situations en Europe est frappante : 61,6 ans en France et en Espagne contre soixante-deux ans en Allemagne. Nous sommes donc dans des situations comparables.
À y regarder de plus près – puisque les systèmes sont souvent différents – qu'en est-il dans ces pays, paraît-il, si responsables ? En Allemagne, on peut partir dès trente-cinq ans de cotisations.
Vous êtes en train d'accentuer la décote.
En Allemagne, on peut partir avec trente-cinq annuités de cotisations contre quarante et une chez nous. En Espagne, après quinze années de cotisations, on peut bénéficier d'une pension égale à 50 % du salaire de référence, et avec trente-cinq annuités de cotisations, on a droit à 100 % du salaire de référence.
Je reconnais qu'il existe une différence : la France est la lanterne rouge européenne en matière d'emploi des seniors. (« Hélas ! » sur les bancs du groupe SRC.)
Nos voisins, eux, se sont occupés de l'emploi avant de s'occuper des retraites. Vous, vous vous occupez des retraites pour fabriquer des chômeurs. Vous n'avez pas de politique de l'emploi digne de ce nom : ni en faveur des seniors, ni en faveur des jeunes ! (« Très juste ! » sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Et ne rétorquez pas que le problème du chômage s'améliore alors que le chômage de longue durée s'aggrave.
Le troisième acquis de ce débat découle d'un aveu du ministre du travail. Les Français n'en avaient pas entendu parler puisque la majorité et le président de la commission des affaires sociales avaient, en juillet, refusé que les réunions soient publiques. (« En effet ! » sur les bancs du groupe SRC.) Je me souviens de vous avoir posé la question, monsieur le ministre.
Les mesures prises aujourd'hui ne sont, en fait, pas commandées par des questions démographiques, contrairement à ce qui est affirmé, alors qu'elles étaient la base de la réforme de 2003. Elles sont donc soldées avec le passage de 150 à 166 trimestres de cotisations entre 1982 et 2020.
La réforme d'aujourd'hui, mes collègues l'ont brillamment démontré tout au long des débats, est, selon vous, liée à la crise.
Je note que M. Woerth a reconnu que la question démographique est, dans le fond, secondaire dans cette réforme.
Les mesures prenant en compte les transformations démographiques ont déjà été inscrites dans la réforme de 2003. Tout avait été prévu – j'ai cité tout à l'heure M. Fillon.
Vous avez précisé que la crise, en creusant les déséquilibres, était responsable de l'accélération de la réforme. Par conséquent, vous faites payer la facture de la crise financière, de la crise d'un système capitaliste, absurde, aux Français modestes. Et depuis 2007, vous faites aussi payer votre mauvaise gestion des comptes publics, les déficits et la dette. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Ce n'est pas un discours qui restera dans les annales de l'Assemblée ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
M. Jacob fait de la provocation ! Il voudrait être président du groupe UMP !
Comment réagissez-vous à la crise ? En organisant la diminution des pensions des Français pour réaliser des économies.
Permettez-moi de citer les chiffres de France Retraite, publiés par le journal Les Échos. Selon ces données, la perte de pension pour un non cadre gagnant 20 000 euros brut par an et faisant partie des premières générations à subir votre réforme des retraites sera relativement faible : 111 euros en moins sur une année. Sur un montant global de retraite, cette perte n'est pas négligeable. Qui plus est, alors que vous ne cessez de dire votre réforme est juste parce que progressive, la perte de pension d'un non cadre gagnant 20 000 euros brut par an représentera, lorsqu'elle sera arrivée à son terme, presque 900 euros sur l'année. (« Voilà ! » sur les bancs du groupe SRC.)
Et ne me rétorquez pas que je manipule les chiffres ! Votre réforme va amputer le pouvoir d'achat de ce non-cadre d'environ 10%.
…en essayant de faire croire que les socialistes, attachés à la défense du pouvoir d'achat et des droits des salariés modestes (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), veulent revoir les pensions à la baisse ! Mais, là, c'est clair.
Il n'y a pas que les salariés modestes qui vont trinquer avec votre réforme. Toujours selon la même source, pour un cadre dirigeant gagnant 60 000 euros brut par an, ce qui n'est tout de même pas négligeable, et qui, parce que faisant partie de la génération de 1956…
Au moins, nous avons le mérite de la cohérence, et tant pis si cela vous gêne ! Nous défendons la même argumentation depuis le début des débats, tout comme vous, madame la députée.
Il y a donc bien un projet contre un autre projet. Comme vous ne semblez pas vouloir le comprendre, nous sommes obligés de répéter. La nuit est loin d'être finie et il nous reste encore la journée de demain pour vous le rappeler ; je ne serai pas le seul, mes collègues du groupe GDR s'y associeront volontiers, à leur façon, car ils partagent avec nous ce diagnostic.
Pour un cadre de la génération de 1956 qui devra attendre soixante-deux ans pour partir à la retraite, la perte de pension représentera entre 1500 et 2000 euros par an.
Voilà votre réforme.
Nous n'acceptons pas que vous présentiez la facture de la crise financière…
…à celles et ceux qui en sont les premières victimes, par le chômage notamment, la précarisation, la diminution de leurs revenus,…
…alors que, dans le même temps, depuis le début du quinquennat, vous préservez celles et ceux qui se sont rendu complices ou responsables ; le dernier avatar est l'affaire Tapie et ses 210 millions d'euros, montrant, une fois de plus, que ce Gouvernement est bien un le gouvernement des riches. ((Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Plusieurs députés du groupe de l'UMP. C'est vous qui l'avez fait ministre. C'est votre créature !
Mes chers collègues, laissez le président Ayrault poursuivre son intervention.
On a, à plusieurs reprises ce soir, employé le mot « mensonge » à propos du Gouvernement. C'est bien Mme Lagarde qui avait dit…
…que la restitution nette à M. Tapie ne dépasserait pas 50 millions d'euros ? Et lorsque le président de la commission des finances lui demande d'indiquer le montant exact, elle se défile ? Le chiffre exact ne s'élève-t-il pas à 210 millions d'euros ? (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe SRC.)
Cette somme ne découle pas d'une décision de justice, comme l'a dit M. François Fillon il y a quelques jours, mais d'une commission arbitrale, triée sur le volet pour régler un petit arrangement entre amis ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
Un peu de calme, chers collègues. Si vous prenez le relais, votre président de groupe ne pourra pas s'exprimer
Le quatrième point – et vous avez été obligés de le reconnaître – c'est que votre réforme n'est pas financée au-delà de 2018. Puisque vous excluez tout prélèvement réel sur le capital, cela signifie que de nouveaux reculs de l'âge de départ à la retraite sont d'ores et déjà programmés après 2018, mais, comme pour les impôts nouveaux, tout cela est passé sous silence ou partiellement dévoilé, maladroitement, par M. Baroin qui s'est vite récusé !
Au point que lorsqu'il était question de raboter les niches fiscales, le rapporteur général du budget, Gilles Carrez, a déclaré qu'il ne s'agissait pas d'un rabot, mais d'une lime à ongles. Ce n'est pas moi qui le dis, mais un membre de votre propre majorité.
Cela étant, si M. Baroin a fait de telles déclarations, c'est qu'il y a bel et bien anguille sous roche.
Monsieur le ministre, lors de votre première audition, au moment de la présentation de l'avant-projet de loi devant la commission des affaires sociales, vous avez fait preuve d'une certaine franchise. À la question de savoir si votre réforme était financée au-delà de 2018, vous avez répondu que ceux qui seront au pouvoir à cette date, devront prendre un nouveau rendez-vous pour régler l'avenir du financement des retraites. (« Voilà ! » sur les bancs du groupe SRC.) C'est vous, monsieur le ministre, qui l'avez dit et je renvoie M. Jacob aux annales puisque vous venez d'ironiser à ce propos ! Les annales, ce sont les archives de l'Assemblée nationale, les comptes rendus des commissions comme des séances publiques.
Je comprends votre embarras car tout cela n'est pas très courageux.
L'échec de la réforme de 2003 nous a conduits à la réforme d'aujourd'hui.
M. Fillon avait pris l'engagement que l'on ne reviendrait pas sur l'essentiel. Aujourd'hui, force est de constater que c'est un échec. Quoi qu'il en soit, je le dis d'ores et déjà, l'échec de la réforme de 2003 nous conduit à la réforme profondément injuste de ce soir. L'échec de la réforme d'aujourd'hui conduira forcément à une autre réforme, encore plus douloureuse. Si, par malheur, vous étiez aux responsabilités en 2012,…
…nous connaissons déjà votre réponse : un nouveau recul de l'âge légal et la paupérisation accrue d'une partie des Français, de ceux qui arriveront alors à la retraite. Voilà la vérité de votre réforme ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
C'est pour cette raison, chers collègues, qu'au-delà de ce débat, de cette confrontation – je l'espère démocratique –, de cette bataille, de cette mobilisation populaire qui doit, je l'espère, vous faire reculer, qu'il est grand temps de proposer au pays une autre voie : celle que nous préparons. (Exclamations et rires sur les bancs du groupe UMP.)
Oui, notre projet s'appuie sur deux piliers principaux et complémentaires. D'une part, dégager des recettes nouvelles, ce qui est indispensable sauf à pénaliser les salariés comme vous êtes en train de le faire. D'autre part, privilégier une politique de l'emploi. Sans recettes régulières des cotisations, vous pouvez toujours continuer de creuser des trous, vous n'en sortirez jamais.
La politique de l'emploi – pas uniquement de l'emploi des seniors – est l'un des axes de notre réponse à la crise de notre système de retraite. Aucune réforme n'est durable sans une forte amélioration de l'emploi.
La France détient le triste record européen du taux de chômage des jeunes le plus important et du plus mauvais taux d'emploi des femmes.
Telle est la triste réalité de notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Si vous me demandez quelles sont nos propositions, cela signifie que vous reconnaissez votre impuissance.
L'emploi des femmes est un enjeu majeur. L'accumulation des inégalités professionnelles explique que leurs retraites soient de 40 % inférieures à celles des hommes.
La discrimination dont sont victimes les femmes dans le monde du travail est annonciatrice pour beaucoup d'entre elles de pauvreté et de précarité dans la vieillesse. C'est pour cela que nous sommes, je le répète, résolument hostiles comme l'ensemble des organisations syndicales au relèvement à soixante-sept ans de l'âge auquel on peut percevoir la retraite sans décote.
C'est pour cela que nous proposons une meilleure valorisation du temps partiel pour les droits à la retraite et l'extension obligatoire, dès maintenant, de l'assurance vieillesse complémentaire aux femmes d'exploitants agricoles !
Or, sur ce front, les nouvelles restent mauvaises. Ainsi, le chômage des personnes de plus de cinquante ans ne cesse de progresser ; il a augmenté de 19 % en un an. Le taux d'emploi des plus de cinquante-cinq ans reste inférieur à 38%, et à peine plus d'un salarié sur deux âgé de cinquante-cinq à soixante ans qui est en situation de travailler est effectivement en situation d'emploi – bien loin des 80 % des pays scandinaves, ou même des 70 % de l'Allemagne ou des Pays-Bas.
L'emploi des seniors a servi de variable d'ajustement depuis plus de trente ans, parce que l'on pensait que l'emploi des jeunes s'en trouverait amélioré ; c'est le contraire qui s'est produit. Parallèlement, l'indifférence à la question du bien-être au travail, tragiquement mise en lumière par la situation de France Télécom, conduit beaucoup de salariés français à ne pas souhaiter rester dans l'emploi.
Ce n'est pas le CDD seniors que vous préconisez qu'il faut proposer. Il faut appeler à la mobilisation générale, qui doit s'inspirer de ce qui a été fait avec succès dans des pays comme la Finlande ou le Canada : garantir l'accès à la formation après cinquante ans, alors que moins d'un tiers des seniors en bénéficie ; accompagner les salariés tout au long de leur vie professionnelle ; adapter les postes aux salariés plutôt que l'inverse, ce qui passe par la généralisation des dispositifs de tutorat ou binômat en entreprise, l'encouragement aux départs en retraite progressive, la limitation, voire la suppression, du travail de nuit et des tâches physiques au-delà de cinquante-cinq ans.
Voilà des réponses que vous devriez accepter d'appliquer.
Sûrement pas ? Lorsqu'ils entendent cela, les seniors au chômage qui nous écoutent doivent être édifiés !
En effet, c'est bien par la généralisation de ces bonnes pratiques qu'un pays comme la Finlande a fait progresser l'emploi des plus de cinquante-cinq ans de vingt points en dix ans. En France, heureusement, certaines entreprises se sont déjà engagées dans cette voie. Pour encourager la généralisation de ces mesures, nous préconisons l'instauration d'un bonus sur les cotisations pour les entreprises qui joueront le jeu.
En ce qui concerne les recettes nouvelles, l'augmentation des prélèvements sociaux sur les bonus et les stock-options que nous proposons, en en relevant le taux de 5 à 38 %, permettrait de dégager deux milliards d'euros de recettes. Certains députés de votre majorité se sont émus de cette proposition, et vous avec eux, messieurs les ministres.
Pourtant, comme je l'ai dit à plusieurs reprises au cours du débat, nous ne faisons que reprendre les propositions formulées par la Cour des comptes lorsqu'elle était présidée par Philippe Seguin, auquel nous avons tous rendu hommage lors de sa disparition. Selon le rapport de la Cour, il fallait prélever jusqu'à trois milliards d'euros sur les sept à huit milliards de stock-options et de bonus. Nous proposons pour notre part d'en prélever deux milliards. Tels sont les chiffres. Cette proposition est concrète.
Mais j'ai compris que vous lui opposiez un non définitif.
Nous proposons également de relever de 4 à 20 % le forfait appliqué à l'intéressement et à la participation, qui sont en réalité des salaires différés. Cet effort mettrait surtout à contribution les plus hauts revenus, les détenteurs de portefeuilles. Je l'ai dit à M. le président Méhaignerie…
…, dans le PLFSS pour 2010, le Gouvernement avait doublé ce forfait, le relevant de 2 à 4 %. À l'époque, aucun membre de la majorité ne s'était plaint d'un prétendu effet de cette mesure sur le pouvoir d'achat. Vous aviez bien amorcé quelque chose : le problème n'est donc pas idéologique.
Nous voulons que l'on applique la CSG aux revenus du capital qui en sont actuellement exonérés, en maintenant bien sûr l'exonération des livrets d'épargne et des plus-values réalisées lors de la vente de la résidence principale. Voici une question concrète, monsieur Woerth : qui, dans cet hémicycle, osera défendre l'idée qu'il faudrait taxer le travail, mais dispenser les revenus du capital de toute contribution ? (« Jacob ! » sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Monsieur Jacob, vous devriez savoir que les revenus du travail sont beaucoup plus taxés que les revenus du capital. Êtes-vous d'accord avec cette affirmation, oui ou non ? Vous ne voulez pas répondre, évidemment ! C'est pourtant la vérité !
Vous voyez que lorsque l'on vous interroge sur ces trois propositions concrètes, vous êtes un peu embarrassés, car vous manquez d'arguments convaincants.
Ces revenus n'ont jamais été moins taxés que quand vous étiez au pouvoir !
Monsieur Woerth, nous souhaitons que soit remise en cause la défiscalisation des plus-values sur les cessions de filiales, cadeau fiscal de vingt milliards d'euros par an accordé aux entreprises à l'initiative du président du groupe UMP, M. Copé, lorsqu'il était ministre du budget.
Sur ce point précis également, j'aimerais connaître votre avis, mesdames et messieurs de la majorité.
Qu'en pense le président de la commission des affaires sociales ? Il répondra peut-être ; il n'est pas là pour l'instant, mais je lui pose la question.
Vous nous parlez des délocalisations de sièges sociaux. Toutefois, dans cette hypothèse, une action est possible. Je vous ai déjà posé cette question la semaine dernière, mais vous ne m'avez pas répondu, monsieur Woerth.
Il s'agit de ce que nous réclamons depuis des mois, voire des années, et que nous demandons encore plus fortement depuis la crise financière : une action résolue contre les paradis fiscaux. Vous en étiez soi-disant devenu un croisé au début de la crise, lorsque vous étiez ministre du budget.
C'est vrai, et je n'ai pas bénéficié de votre soutien !
Cette grande cause aurait-elle disparu tout à coup, comme par enchantement ?
Nous proposons d'augmenter de 0,5 % la taxation sur la valeur ajoutée instaurée à la suite de la suppression de la taxe professionnelle, de 1,5 à 2,2 %, en exonérant bien sûr les petites et moyennes entreprises.
Cela n'a rien à voir avec les paradis fiscaux.
Croyez-vous que nous exagérions, que toutes les mesures fiscales que je viens de décrire soient irréalistes, injustes ? Injustes, certainement pas ! Dangereuses pour l'économie ? À l'évidence – je viens de le démontrer –, certainement pas ! Votre choix est donc un choix idéologique. (« De classe ! » sur les bancs du groupe GDR.)
Je le répète, vous êtes bien le Gouvernement et la majorité des riches, voire des très riches. (Exclamations et applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
On a donc voulu caricaturer nos propositions, celles par lesquelles nous recherchons des recettes nouvelles indispensables. Je démontre ici point par point le contraire, afin de dire à ceux qui suivent nos débats, et qui sont bien plus nombreux que vous ne l'imaginez, que le cinquième acquis – j'en ai cité quatre– est bien notre divergence profonde quant à la conception de la justice fiscale et sociale dans notre pays. Je le répète, vous êtes bien le gouvernement des riches…
Un député du groupe UMP. C'est poussif !
…, et vous continuez à le montrer à chaque heure qui passe. Il y a bien un autre projet, le nôtre ; et, à chaque heure qui passe, les Français qui hésitaient encore se convainquent davantage que c'est vers nous qu'il faut se tourner pour trouver la solution à ce problème, pour faire ce choix de société.
Comme Dominique Strauss-Kahn, comme Martine Aubry, comme Laurent Fabius ?
Voici le cinquième point que j'ai évoqué au début de mon intervention. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
Nous préconisons que l'on prenne en considération la pénibilité, alors que le Gouvernement et la majorité se contentent de l'invalidité.
Pourtant, n'est-ce pas la majorité actuelle qui avait promis en 2003 de tenir compte de la pénibilité du travail dans le calcul des retraites…
…par la voie de la négociation ? En trois ans, tout devait être bouclé, disait-on. Les organisations syndicales y ont cru et ont joué le jeu, mais c'était sans compter avec le lobbying…
…du MEDEF, qui n'est plus qu'une organisation de lobbying, incapable de négocier des accords avec les autres partenaires sociaux – lobbying auquel vous avez cédé.
Et vous, vous cédez à celui de la CGT !
Vous êtes tellement heureux de céder au MEDEF ! Car c'est bien la thèse du MEDEF, qui refuse la négociation sur la pénibilité, parce qu'elles mettraient les entreprises en péril : « voici notre thèse », dit le MEDEF, « monsieur le ministre, mesdames et messieurs les membres du Gouvernement, sur la pénibilité : prenez-la ! » Et vous avez accepté ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Vous ne défendez jamais les PME de Nantes ?
Même si les députés de la majorité ont surtout brillé par leur absence.
Pourtant, nous avions déjà commencé à examiner la question de la pénibilité. Quoi qu'il en soit, selon votre réforme, il faudra être malade, parfois proche de la mort, pour prétendre bénéficier de votre dispositif. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP. – Approbation sur les bancs du groupe SRC.)
Plusieurs députés du groupe UMP. Caricature ! (Vives protestations sur les bancs du groupe SRC.)
Avez-vous entendu cet après-midi le témoignage de Michel Vergnier, et celui de Jean-Paul Lecoq à l'instant ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Il s'agit d'hommes et de femmes concrets. Ce ne sont pas des chiffres, c'est la réalité ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
Vous défendez une approche individuelle, médicalisée, de la pénibilité, alors que toutes les études montrent l'effet différé sur la santé du travail de nuit, du port de charges lourdes, du travail posté, de l'exposition à certains produits chimiques qui déclenchent un cancer quelques années plus tard. On connaît déjà cette réalité avec l'amiante.
La pénibilité, ce n'est pas la maladie ou l'incapacité : votre publicité, payée par les contribuables, est mensongère puisqu'elle prétend qu'un salarié souffrant du dos pourrait partir à soixante ans. (« Oh ! » sur les bancs du groupe SRC.)
Tous les Français, ou presque, ont des problèmes de dos. (Protestations sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Pouvez-vous, les yeux dans les yeux, dire aux victimes de l'amiante qu'elles n'auraient pas dû être indemnisées ? Car, avec votre texte, elles ne l'auraient pas été ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
Comment pouvez-vous dire à celles et ceux qui travaillent de nuit, portent des charges lourdes, sont exposés à des produits toxiques qu'ils ont bien de la chance – oui, de la chance ! – de ne pas être malades à soixante ans, qu'ils devraient se réjouir au lieu de penser que leur espérance de vie en bonne santé, une fois retraités, sera plus courte. Et ce sont les chiffres du ministère du travail qui le montrent !
Je vous encourage, comme l'a fait Marisol Touraine, à relire les textes écrits par Pierre Laroque à la fin de sa vie, à la fin des années quatre-vingt, et dans lesquels il revient sur les conditions de la naissance de la sécurité sociale. Il y précise que, s'il a fallu fixer à soixante-cinq ans l'âge de départ à la retraite, c'est uniquement parce que la France sortait très affaiblie de la Seconde Guerre mondiale.
Rendant compte de la loi de 1975 dont nous avons parlé, il estime heureux que des mécanismes dérogatoires aient été instaurés pour prendre en considération la pénibilité du travail, et que certaines catégories de la population aient pu bénéficier d'un départ à la retraite à soixante ans. Pourtant, Pierre Laroque n'avait rien d'un socialiste !
Pour ces raisons, nous ne parvenons pas à comprendre votre attitude, obtuse, fermée, dogmatique. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
En commission comme ici même, M. le ministre l'a reconnu. Il a admis qu'il y avait bien deux manières d'aborder la question de la pénibilité, fondées sur deux approches différentes des situations sociales difficiles : l'approche individualisée et médicalisée, limitée au maximum pour des raisons financières, d'une part ; une prise en considération de l'espérance de vie de certaines catégories de salariés, de l'autre. Vous avez renoncé à cette dernière approche.
Cela est d'autant plus étonnant que vous présentez votre projet comme répondant à l'évolution de la démographie. Plutôt que de considérer l'espérance de vie pour prendre en considération la pénibilité de certains métiers, vous ne l'utilisez que pour relever l'âge légal de départ à la retraite, sans tenir compte des différences entre métiers.
Pourtant, des dizaines, des centaines d'études sur le sujet indiquent que dix ans séparent l'espérance de vie en bonne santé des ouvriers de celle des cadres. Voilà pourquoi nous prônons une modulation de la durée de cotisation des salariés.
Vous dites que la France est pionnière en la matière, que cela ne s'est jamais fait, que cela n'existe nulle part ailleurs.
À supposer que ce soit vrai, la belle affaire ! La France a inventé la laïcité ; quelqu'un, aujourd'hui, est-il prêt à déclarer qu'il faut supprimer la laïcité sous prétexte qu'elle n'existe pas ailleurs ? (Exclamations sur les bancs du groupe GDR.)
La France ne peut-elle être pionnière en matière de conquêtes sociales ? Nous avons institué les quarante heures au moment du Front populaire. Ne sommes-nous pas fiers de ce que nous avons fait, parfois avant les autres ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.) Et les congés payés ? Nous devons être audacieux, innovants et pionniers en matière de conquêtes sociales.
J'ajoute que ce que vous dites est faux. L'Italie s'engage sur cette voie. En France, dès le xixe siècle, dans le cadre des sociétés de secours mutuel, était admis le principe d'une usure différente selon les métiers et de leur séparation par l'attribution plus ou moins précoce d'une pension.
La loi du 30 décembre 1975 avait du reste ouvert le droit de bénéficier d'une retraite à taux plein dès soixante ans, notamment à des salariés ayant exercé à la chaîne, aux fours ou ayant été exposés aux intempéries. Le problème se posait donc déjà.
Depuis, bien d'autres dispositifs de cessation anticipée d'activité ont été institués, par exemple pour les routiers, les travailleurs de l'amiante – je l'ai dit – ou certains chefs d'exploitations agricoles. Certaines entreprises acceptent, par la voie de la négociation, par des dispositifs adaptés, des mesures de cet ordre concernant leurs propres salariés.
Ce que nous proposons, c'est l'élargissement de cette démarche, une approche plus globale qui ne définisse pas des métiers pénibles mais des facteurs pénibilité et ouvre à tous les salariés concernés le droit à une juste compensation.
Cette question aurait mérité un grand débat politique et social. Reconnaissez que vous avez renié, pour des raisons financières et comptables, à la fois vos engagements de 2003, ceux que vous aviez pris au cours de la négociation sociale qui a eu lieu entre 2005 et 2008 et l'engagement de votre prédécesseur, M. Xavier Bertrand, de présenter rapidement après l'échec de la négociation une loi au Parlement pour prendre en compte la pénibilité dans le travail. Il en est allé de même de l'engagement du Président de la République de défendre le pouvoir d'achat des Français qui travaillent beaucoup et qui se lèvent tôt, promesse oubliée, comme a été oubliée cette autre promesse qu'il a faite en disant : « La retraite à soixante ans, je n'y toucherai pas, je n'ai pas reçu de mandat pour ça ».
Vous avez trahi bien des engagements, à commencer par ceux de vos prédécesseurs, pourtant du même bord que vous, et vous avez raté la grande occasion qui s'offrait à vous de faire avancer le droit social dans notre pays.
À ce titre, la retraite à soixante ans est bien une façon de prendre en compte la pénibilité au travail et de donner aux personnes qui travaillent dur, qui sont exposées à des contraintes physiques et des produits toxiques, dont l'espérance de vie est moins importante que d'autres, un temps de retraite digne de ce nom.
La retraite à soixante ans, c'est le bouclier social des ouvriers. C'est pourquoi il faut leur laisser la liberté de la prendre. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Mes chers collègues, la boucle est bouclée.
Plusieurs députés du groupe UMP. Enfin !
Nous en revenons à votre obsession : relever les âges de la retraite, contre tout entendement, sans politique de l'emploi, sans considération pour la justice sociale.
Pourtant, dans les grands pays démocratiques, aucune réforme des retraites ne peut être acceptée sans qu'il y ait en son coeur la justice sociale. Sinon, elle est refusée ; sinon, elle est rejetée ; sinon, elle est remise en cause. Malheureusement, c'est la voie que vous avez choisie.
Comment voulez-vous espérer l'adhésion à votre réforme ? Même si vous essayez de passer en force malgré l'opposition populaire qui ne fait que grandir, vous échouerez comme en bien d'autres circonstances auparavant. Il faudra reprendre cette réforme en 2012, s'agissant notamment de la question des seuils de soixante ans, de soixante-cinq et de soixante-sept ans parce que ce sont ces dispositions, qui mettent en jeu la justice sociale, que nous voulons combattre et remettre en cause.
Tous ces éléments, vous les connaissiez, ils étaient à votre disposition. Vous auriez pu les mobiliser pour que cette réforme soit juste.
Je vous le dis avec gravité, tant les enjeux sont majeurs : c'est l'avenir du pacte social français qui est en jeu, le pacte républicain. Je vous le dis avec solennité, car votre surdité a provoqué la colère d'une immense majorité de Français que je veux à nouveau relayer ici ; ces Français qui ne veulent pas de votre réforme alors que ces trois dernières années ont été pour eux trois années de régression sociale ; ces Français qui, par leur travail au quotidien, ressentent la fierté de faire de la France ce qu'elle est et qui en attendent de la reconnaissance mais qui, pour tout fruit de leurs efforts, ne récoltent que mépris et humiliation ; ces Français, chaque jour plus inquiets, inquiets de l'avenir de leur emploi, inquiets pour la sécurité de leur retraite, inquiets pour l'avenir de leurs enfants.
Des millions de Français ont défilé dans toutes les villes de France mardi dernier derrière les organisations syndicales rassemblées, solidaires, comme elles ne l'ont jamais été depuis des années, pour dire ensemble leur refus de votre projet et leur volonté d'être enfin écoutés et respectés.
Le 23 mars, ils étaient près de 800 000 à manifester contre votre politique ; le 27 mai, 1 million ; le 24 juin, deux fois plus ; et le 23 septembre, soutenus par une très grande majorité de Français – 70 % –, ils vont à nouveau exprimer leur colère et leur exigence. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)
Soyez un peu courageux, ça vous changera.
Nous serons avec eux.
Car derrière la froideur de vos statistiques, il y a des vies, celles d'hommes et de femmes, fiers de leur travail, heureux de ce qu'ils y accomplissent ou celles, au contraire, de salariés brisés, écrasés, qui se sentent rejetés, des salariés victimes de plans sociaux qui s'interrogent sur leurs lendemains, des salariés à qui leur entreprise demande d'accepter des diminutions de salaire ou une dégradation de leurs conditions de travail pour sauver leur emploi sans qu'ils aient vraiment de garantie.
Voilà la réalité de notre pays aujourd'hui !
Tous ces hommes et toutes ces femmes, votre réforme les insulte car ils ne demandent qu'une chose : du travail, de la dignité, de la fierté. Pour eux, l'addition sociale est lourde : après l'essorage social du printemps vient aujourd'hui le grand matraquage de l'automne.
Mais il faut bien, n'est-ce pas, trouver quelque part de l'argent pour faire des chèques de 30 millions d'euros à Mme Bettencourt, à tous vos amis du Fouquet's et du Bristol, …
Et les amis de Mme Royal ou de M. Strauss-Kahn ?
…à vos amis du premier cercle et quelques autres encore, M. Wildenstein et compagnie dont on reparlera, ne vous inquiétez pas, monsieur Woerth.
Soyez courageux au moins une fois dans votre vie !
Et vous, monsieur Woerth, soyez honnête au moins une fois dans votre vie !
Les Français malgré le matraquage de votre propagande, ceux qui ont défilé comme les autres, sont bien conscients qu'il faut une réforme, mais ils veulent une réforme juste qui prenne en compte la dureté de certains parcours, ils veulent une réforme efficace qui garantisse dans la durée la pérennité de nos retraites.
Nous sommes à un tournant décisif pour notre pacte social.
La mondialisation s'intensifie, le monde du travail est bouleversé, notre démographie se transforme.
Comme en 1945, lorsque le Conseil national de la résistance inventa notre État social, ces défis exigent de nous imagination, audace et esprit de justice. C'est précisément ce qui vous fait défaut.
Oui, il fallait de l'imagination pour inventer les solidarités intergénérationnelles de demain et ne pas considérer les futurs retraités comme une charge sociale.
Oui, il fallait de l'audace pour rechercher des financements nouveaux.
Oui, il fallait de l'esprit de justice pour faire de la prise en compte de la pénibilité le socle de votre réforme, pour offrir d'autres horizons que le chômage aux seniors et proposer d'autres rêves que le travail à perpétuité aux jeunes qui enchaînent les stages et les CDD.
Tout cela ne compte pas pour vous : votre seule obsession – vous n'en faites pas mystère – est de vous attaquer au symbole de l'âge légal de départ en retraite à soixante ans. Votre unique préoccupation, c'est 2012, l'échéance de M. Sarkozy.
Ce n'est pas en passant en force, ce n'est pas avec les oeillères du dogmatisme et de l'idéologie qui est la vôtre que l'on s'attaquera aux grands enjeux de demain.
Les Français veulent d'autant moins de votre réforme qu'elle se fait au prix du reniement de tous les engagements pris.
Comment oublier que Nicolas Sarkozy, tout feu tout flamme, comme à son habitude, avait déclaré en janvier 1993, qu'il était très attaché au maintien de l'âge légal de départ en retraite à soixante ans qu'il prétendait avoir voté. Son attachement à l'une des conquêtes sociales les plus emblématiques du premier septennat de François Mitterrand paraissait sincère puisque c'est avec gravité que, devenu candidat à la présidence de la République, il déclarait le 23 janvier 2007, dans Le Monde : « Le droit à la retraite à soixante ans doit demeurer, de même que les trente-cinq heures continueront d'être la durée hebdomadaire légale du travail. »
Une parole de chef de l'État, normalement, ça compte, mais j'ai l'impression que celle de notre président se dévalue de jour en jour.
Et lorsque, l'année suivante, le MEDEF et Mme Parisot se mirent à réclamer le relèvement de l'âge légal à soixante-deux ou soixante-trois ans, il n'hésita pas à répliquer : « Elle a le droit de dire ça, je dis que je ne le ferai pas pour un certain nombre de raisons, et la première, c'est que je n'en ai pas parlé pendant ma campagne présidentielle. Ce n'est pas un engagement que j'ai pris devant les Français, je n'ai donc pas de mandat pour faire cela, et ça compte, vous savez, pour moi. »
Il est vrai vous que n'en êtes pas à un mensonge près : grands mensonges parfois et même manquements aux grands principes qu'un chef de l'État français devrait à tout instant défendre pour rester fidèle aux valeurs de la République.
Comment les Français peuvent-ils faire confiance à une majorité dont le principal représentant fait valser les promesses de campagne comme s'il s'agissait de vulgaires slogans publicitaires qu'il manierait comme un bateleur, un agent commercial essayant de vendre une voiture ou une paire de chaussures, ayant tôt fait d'oublier ses promesses après avoir fait un bon coup ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
M. Sarkozy, je le répète, est toujours Président de la République, ce qui implique des devoirs, au premier rang desquels la vérité et le respect à l'égard des Françaises et des Français. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Oui, ce mensonge d'État a dominé toute la préparation de ce texte.
Vous avez refusé de négocier avec les organisations syndicales, pourtant convaincues de la nécessité d'une réforme. Jusqu'à ces derniers jours, au mépris de tous vos discours sur la démocratie sociale et le rôle des partenaires sociaux, vous les avez ignorés. Alors même que les conseillers de l'Élysée, qui, décidément, sont les hommes forts de ce pouvoir, se sont répandus sur les ondes ces derniers jours pour annoncer d'éventuelles modifications du texte, pas un syndicaliste n'en a entendu parler. J'ai recueilli les témoignages de dirigeants syndicaux qui m'ont dit qu'il n'y avait plus de dialogue réel avec vous, plus de négociation : du côté du ministère du travail, silence radio, …
…les seuls petits contacts s'établissant avec l'Elysée et ses conseillers. Est-ce ainsi que vous concevez la démocratie sociale ? Est-ce cela pour vous le respect des partenaires sociaux ?
Et nous, parlementaires, ne sommes pas mieux traités. Il est deux heures et dix minutes du matin et nous voici réunis pour débattre de questions aussi graves que la pénibilité du travail ou le travail des femmes. Voilà qu'on veut absolument nous faire achever l'examen de la discussion à quinze heures cet après-midi, …
…comme si c'était l'essentiel, comme s'il y avait une heure fétiche où tout devait s'arrêter. Seize heures, dix-sept heures, dix-huit heures ou plus tard, qu'importe si vous tenez à faire voter cette réforme ?
Acceptez au moins de respecter non seulement l'opposition mais la représentation nationale tout entière. Dans quel Parlement démocratique, ces dernières années, a-t-on débattu des retraites dans des conditions aussi minables, aussi déplorables, aussi dégradantes ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
C'est en France, patrie des droits de l'homme et de la République. À votre place, j'aurais honte (Protestations sur les bancs du groupe UMP) de traiter ainsi ceux qui ont la légitimité populaire, au même titre que le Président de la République, c'est-à-dire les députés de l'Assemblée nationale.
On nous dit que le groupe socialiste dispose de dix-neuf heures et cinquante minutes de temps de parole : petits comptes d'apothicaire qui prétend enfermer dans un sablier un débat majeur, ridicule syndrome du chef de gare puisque la seule chose qui vous importe – je le disais à Bernard Accoyer encore ce matin – c'est cet horaire de quinze heures précises, comme si vous vouliez éviter à tout prix que le train de vos funestes réformes ne parte en retard.
Vous étiez paniqués ce matin à l'idée que les députés socialistes m'aient fait part de leur désir de profiter de la possibilité de disposer de cinq minutes pour une explication de vote personnelle.
Mais qu'ils le fassent ! C'est le règlement, règlement que nous avons voté, contrairement à vous !
Vous faites tout pour compliquer cette tâche, comme vous l'avez déjà fait à plusieurs reprises. S'ils veulent s'exprimer à titre individuel, c'est qu'ils ont reçu mandat de leurs électeurs. Demain, ou après-demain, ils retourneront dans leur circonscription pour expliquer la cause qu'ils ont défendue, la réforme qu'ils ont combattue et les propositions qu'ils ont faites au nom du groupe socialiste, radical, citoyen.
Oui, nous proposons bien un plan équilibré, financièrement et socialement.
Il s'agit d'un plan juste et c'est dans cet esprit que nous avons abordé ce débat pour autant que vous acceptiez de le mener avec nous au lieu de caricaturer chacune de nos positions.
Je le dis, je le répète, l'âge légal doit rester fixé à soixante ans …
…car c'est une protection pour ceux qui ont commencé à travailler jeunes, qui sont les plus modestes, et c'est une liberté pour les autres. Nous le rétablirons en 2012 si les Français nous font confiance.
Je le dis solennellement, l'âge de départ à la retraite sans décote doit rester fixé à soixante-cinq ans parce que c'est le meilleur rempart pour les hommes et femmes usés par des parcours chaotiques.
Il est nécessaire de mettre en place la modulation des bonifications d'assurance et d'examiner leurs modes de versement, d'encourager aussi ceux qui le peuvent et qui le souhaitent à travailler plus longtemps.
Il n'y a aucune ambiguïté dans notre position. La retraite est un droit universel fondé sur des garanties collectives. C'est ce socle des droits qui est la seule garantie existante contre les dérives de la capitalisation du chacun pour soi. C'est ce socle des droits qui est la meilleure protection des salariés.
Nous sommes mandatés pour défendre un projet de solidarité et de liberté. Pour que cette liberté puisse s'exercer pleinement, l'information des salariés doit être complètement assurée, comme c'est le cas en Suède avec la fameuse enveloppe orange. Nous souhaitons que l'information des salariés français soit systématisée dans le temps. À une époque où la réalité du monde du travail est éclatée, l'exigence de justice sociale est celle d'une égalité qui soit réelle et pas seulement formelle, d'une égalité qui tienne compte des situations différentes des hommes et des femmes, et pas seulement des droits théoriques qui leur sont offerts.
En vous entêtant ainsi avec une réforme qui impose plutôt qu'elle ne propose, qui formate au lieu de libérer, vous apparaissez pour ce que vous êtes : des idéologues archaïques, enracinés dans la France du siècle passé. (Rires sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le ministre, mes chers collègues, mesdames, messieurs les députés de la majorité, il nous appartenait de construire une nouvelle étape de notre contrat social,...
..de proclamer que, face à la dureté de la mondialisation, face à la violence du monde du travail, vous ne renoncez pas. Il vous revenait d'entendre ces hommes et ces femmes qui ne veulent pas de la pauvreté pour seul horizon, qui veulent que le travail soit symbole d'émancipation et non de résignation. Il vous incombait de porter haut et fort les valeurs de notre République, mais vous avez préféré opposer les Français les uns aux autres, distendre les solidarités, imposer en force une réforme injuste et de court terme.
Oui, il est encore temps de renoncer. C'est le sens de cette intervention, il est vrai au coeur de la nuit. Mais je l'ai considérée comme essentielle, et d'autres collègues parleront après moi, notamment du groupe GDR.
Cela a été, tout au long du débat, le sens de nos amendements qui caractérisent notre projet et contre-projet. Je le répète, une réforme est possible. Oui, faute de l'entendre aujourd'hui, vous allez convaincre chaque jour qui passe les Français à choisir l'alternance. (Mmes et MM. les députés du groupe SRC se lèvent et applaudissent.)
Selon L'INSEE, l'espérance de vie des ouvriers reste inférieure pour les hommes, de sept ans à celle des cadres – soixante-quatorze ans contre quatre-vingt-un ans. Et cet écart aurait augmenté d'un an en dix ans.
S'agissant de l'espérance de vie en bonne santé, les études établissent qu'au sein d'une vie déjà plus courte, les ouvriers passent moins de temps sans incapacité que les cadres et vivent plus longtemps qu'eux avec des incapacités et des handicaps.
Les personnes ayant effectué des travaux pénibles perçoivent leur pension de retraite pendant une durée plus courte et jouissent donc moins longtemps que les autres salariés d'un temps de vie à la retraite en bonne santé.
Pour compenser cette injustice flagrante, le Gouvernement a fait le choix, en lieu et place d'un dispositif collectif reconnaissant le droit aux salariés concernés par ces conditions pénibles de travail de partir de façon anticipée à la retraite, d'un dispositif d'une tout autre logique, individualisé, médicalisé, basé sur l'usure avérée, ignorant certaines formes de pénibilité, dont celle du travail posté, excluant nombre de salariés victimes du travail mais ne pouvant pas forcément justifier d'un taux d'incapacité de 20 % ou pour lesquels la maladie professionnelle n'est pas reconnue.
Rarement sans doute un gouvernement a cherché à tromper à ce point nos compatriotes, et sur un sujet aussi sensible que la santé de chacune et chacun, en tentant de leur vendre l'invalidité et l'inaptitude comme étant une prise en compte de la pénibilité du travail. Ceci fait sans conteste de cet article le plus cynique de votre projet de loi.
Ce nouveau dispositif d'incapacité physique de travail, réservé à quelque 10 000 personnes sur 700 000 départs en retraite par an, là où ne serait-ce que dans le secteur du BTP le nombre de salariés potentiellement concernés par la pénibilité est évalué à 44 000, est inacceptable. C'est pourquoi nous proposons la suppression de l'article 26.
La parole est à Mme Marisol Touraine, pour soutenir l'amendement n° 530 .
Le dispositif est juste, opérationnel et maîtrisable. Il s'agit d'un droit nouveau. Cette mesure est capitale. La commission a donc rejeté ces amendements.
Nous avons fait preuve de pédagogie dans nos débats pour vous faire comprendre la gravité de l'article 26 et la nécessité de le supprimer. La compréhension commence à se faire jour en pleine nuit dans vos esprits (Sourires sur les bancs du groupe UMP). J'en veux pour preuve que vous avez retrouvé le chemin de vos bancs alors que vous étiez en train de traîner dans les couloirs (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)...
..à la recherche d'une conviction que vous n'avez décidément plus puisque cela fait plusieurs heures que vous n'êtes pas intervenus dans ce débat.
Vous hésitez depuis plusieurs heures, et vous avez fait des progrès. Le Gouvernement n'arrive pas à vous convaincre sur sa réforme concernant la médecine du travail qui est une véritable catastrophe et un coup fourré pour les salariés. Certains d'entre vous sont montés au créneau. Malheureusement, ils se sont vite rassis.
Martine Billard, Jean-Claude Sandrier, Jean-Paul Lecoq et Marc Dolez notamment vous ont donné des exemples concrets de travailleurs qui souffrent. Cela ne suffit pas de leur dire que c'est la première fois en Europe qu'un Gouvernement traite de la pénibilité dans une loi, encore faut-il faire la démonstration – et c'est ce que nous avons fait – qu'il est possible de définir des critères, de recenser des métiers comme étant pénibles et qui ouvrent droit à une retraite anticipée.
Tout à l'heure, certains ont ri à l'évocation des exemples des ouvriers du bâtiment. Pourtant, quand on voit ces travailleurs à genoux en train d'étendre de l'asphalte, chauffé à 80 ou 90 degrés, il semble impensable de ne pas reconnaître le caractère pénible de leur métier. Chacun sait pourtant, y compris les chambres professionnelles, que 40 000 salariés du bâtiment relèvent des critères de pénibilité. Or, selon vos critères, ce sont 10 000 salariés qui pourront peut-être avoir accès à une retraite anticipée par le biais des 20 % d'incapacité, peut-être 20 000 autres grâce à cette nouvelle voie qu'est la charge de la preuve à apporter par le salarié qui a subi de mauvaises conditions de travail. Tout ceci ne tient pas debout et ne résiste pas aux exemples que nous vous avons donnés pendant des heures. Il vous reste quelques instants pour vous reprendre et voter cet amendement de salubrité publique qui vise à tout remettre sur la table, à renvoyer à des négociations qui ont été bloquées par le MEDEF pendant sept ans alors qu'elles figuraient dans les accords Fillon. Monsieur Bur et monsieur Jacquat, vous qui sévissiez déjà à l'époque, vous aviez dit que sans accord des partenaires sociaux, le Gouvernement reprendrait la main.
Or vous avez laissé vos mains dans vos poches, vous avez laissé le MEDEF gérer cette affaire. Et aujourd'hui, vous êtes allés jusqu'à adopter des amendements sur la médecine du travail issus du siège du MEDEF. Vous vous apprêtez à voter l'article 26 qui est un mauvais coup pour les travailleurs qui souffrent au quotidien. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)
Je veux vous livrer le témoignage d'un salarié de l'agro-alimentaire qui explique quel est son travail.
Un exemple dans l'entreprise où je suis exploité, dit-il. Un poste : accrocheur de jambons. Nous sommes trois opérateurs. La cadence doit être de 360 porcs découpés à l'heure, deux jambons par porc, douze kilos en moyenne de jambon, ce qui fait par heure et par opérateur 2,885 tonnes de kilos de viande, placés sur balancelles. Chaque opérateur soulève ainsi 48 kilos de jambon par minute. Ce sont des faits réels et un exemple parmi des milliers d'autres, ajoute-t-il. Combien de temps peut résister une personne normalement constituée à de tels travaux ? Il ajoute : les sportifs de haut niveau dont l'effort physique est comparable finissent leur carrière vers trente-sept ans.
Avec une espérance de vie inférieure de sept ans à celle des cadres, les ouvriers dans leur ensemble enregistrent dans leur existence même les conséquences des formes d'usure engendrées par le travail. On entend dire qu'avoir quarante-cinq ans, c'est être dans la force de l'âge. Mais, dans l'agro-alimentaire, avoir cet âge est synonyme de douleur, souffrance, usure, troubles musculo-squelettiques, accidents de travail, maladies professionnelles. Cette souffrance devient chronique, insidieuse, elle accapare notre corps.
Il dit encore ceci : les temps du cycle de travail ont diminué ces dernières années pour se situer autour de la minute, voire de la seconde pour certains opérateurs à la chaîne. Les ergonomes et médecins du travail ont porté une attention particulière aux risques liés à la réduction du temps de cycle, à l'intensification du travail. Ainsi en est-il, dans mon usine, à la découpe primaire sur la ligne porc, là où nous scions et séparons les carcasses. Un coup de couteau égale une seconde, chaque poste ne pouvant dépasser huit secondes. Et dans ce temps de travail est intégré l'affilage du couteau, les contraintes de mobilité, les impondérables : viande dure, couteaux mal aiguisés, viande souillée à retirer du circuit pour cause sanitaire.
En jouant sur les efforts et les amplitudes posturales, le patronat vise constamment des gains de vitesse et des réductions de coûts. Pour répondre à ces exigences de performance, les gestuelles sont de plus en plus intégrées.
Je terminerai en citant une des phrases de son témoignage : si nous exigeons une reconnaissance de la pénibilité, ce n'est pas pour compenser les mauvaises conditions de travail que nous voulons voir améliorées, mais pour une réparation permettant à des salariés usés prématurément de profiter d'une retraite bien méritée.
J'ai récemment visité une entreprise de jambon où les travaux sont en effet particulièrement difficiles. Or cette entreprise a mis en place une équipe pluridisciplinaire comprenant notamment un médecin du travail et un ergonome. On a examiné de quelle manière étaient organisés les postes de travail ; on a limité la pénibilité liée à l'activité consistant à soulever des jambons toute la journée ; on a adapté le matériel et réorganisé les postes afin de réduire les troubles musculo-squelettiques. Voilà une bonne manière de réduire la pénibilité. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Le groupe GDR ne dispose plus que de quarante-cinq secondes exactement de temps de parole.
Monsieur le ministre, vous venez de brosser un tableau qui ne correspond pas à la réalité.
Laissez-moi vous donner le nom de l'auteur du témoignage dont je vous ai fait part. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Plusieurs députés du groupe de l'UMP. Non !
Il s'agit de Michel Le Goff, du groupe Bigard. À travers son récit, il s'est fait le porte-parole de tous ces ouvriers, tous ces salariés du secteur agroalimentaire qui vivent dans des conditions vraiment déplorables.
Comme il l'explique, quand ces salariés parviennent à l'âge de quarante-cinq ans, ils sont déjà usés. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Quant au respect de la législation, pour bien montrer à quel point vos propos sont déconnectés de la réalité, laissez-moi citer l'article L. 4121-1 du code du travail : « L'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.
« Ces mesures comprennent :
« 1° Des actions de prévention des risques professionnels ;
« 2° Des actions d'information et de formation ;…
…3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés. »
Or cette loi n'est absolument pas appliquée. (Brouhaha sur les bancs du groupe UMP.) Les différentes jurisprudences le montrent bien. Dans la réalité, ces travailleurs souffrent.
Ils peuvent aujourd'hui partir à l'âge de soixante ans (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), mais devraient partir demain à soixante-deux ans, et sans doute, même, à soixante-cinq ans…
Merci, monsieur Chassaigne. (Protestations sur les bancs du groupe GDR.)
Le temps de parole du groupe GDR, donc le vôtre, monsieur Chassaigne, est épuisé.
Plusieurs députés du groupe GDR. Il n'a pas terminé !
Le temps de parole du groupe GDR est épuisé et seul votre président de groupe dispose, au moment où je vous parle, d'une heure et cinquante minutes, qu'il utilisera quand il le souhaitera. (Protestations sur les bancs du groupe GDR.)
Qu'est-ce que ça veut dire, madame la présidente ? Qu'êtes-vous en train de faire ?
Calmez-vous, mes chers collègues. Il ne sert de rien de s'énerver. (Protestations continues sur les bancs du groupe GDR.) Au début de la séance, j'ai pris la peine de rappeler le temps de parole dont disposait chaque groupe. Il restait au groupe GDR exactement vingt-huit minutes. Vous avez donc épuisé votre temps de parole. (Mêmes mouvements.)
Votre président de groupe, j'y insiste, peut encore s'exprimer pendant exactement une heure et cinquante minutes. Le président Ayrault vient d'utiliser une heure pour son groupe. (Vives exclamations sur les bancs du groupe GDR.)
Il leur reste huit ou dix heures, à l'UMP ! Qu'ils se montrent donc généreux et nous en fassent profiter !
Soyez démocrates, chers collègues de l'UMP ! (Protestations continues sur les bancs du groupe GDR.)
La parole est à M. Jean-Pierre Decool, pour soutenir l'amendement n° 287 .
Il s'agit de prendre en compte l'accident de trajet qui est également un accident du travail.
La commission a estimé que le présent dispositif n'avait pas vocation à s'appliquer aux accidents de trajet et a donc repoussé cet amendement.
Même avis.
(L'amendement n° 287 n'est pas adopté.)
La parole est à M. le ministre du travail, pour soutenir l'amendement n° 727 rectifié , qui fait l'objet d'un sous-amendement n° 764 .
Il s'agit de l'amendement faisant passer de 20 à 10 %...
…le taux d'incapacité permanente qui permettra au salarié de faire valoir ses droits à la retraite à soixante ans. Ce dispositif touchera 30 000 personnes au lieu de 10 000 si l'on s'en tient au taux de 20 %.
Il permettra également de réunir une commission au niveau territorial pour prendre en compte la carrière du salarié qui souhaite utiliser ce droit nouveau. Cette mesure concerne évidemment une population ouvrière, féminine car le taux de 10 % d'incapacité permanente est assez couramment atteint, par exemple dans le secteur agroalimentaire, monsieur Chassaigne, dans ceux de la grande distribution, du bâtiment.
Ce taux sera donc vérifiable par des médecins au sein d'une commission qui pourra juger de situations objectives et qui permettra à 30 000 travailleurs, s'ajoutant à ceux qui ont commencé à travailler tôt, de partir à la retraite à l'âge de soixante ans.
La parole est à M. Yanick Paternotte, pour soutenir le sous-amendement n° 764 .
Faute d'étude d'impact préalable, nous proposons qu'avant le 20 décembre 2013, c'est-à-dire d'ici à trois ans, le Gouvernement s'engage à présenter au Parlement un rapport sur les conséquences des dispositions prévues par l'amendement n° 727 rectifié . Il s'agit, conformément à la loi organique, d'examiner les prévisions et de mesurer l'impact financier de la mesure prévue.
Quel est l'avis de la commission sur le sous-amendement et sur l'amendement ?
En ce qui concerne le sous-amendement n° 764 , il est satisfait par le rapport prévu à l'article 27 ter. Avis défavorable.
Pour ce qui est de l'amendement du Gouvernement, il constitue un pas supplémentaire dans la prise en compte des situations de pénibilité. D'autre part, ce dispositif va profiter dès à présent à 30 000 personnes par an dont l'état de santé se trouve dégradé. Avis favorable.
Monsieur Cochet, laissez-moi répondre à la question soulevée par votre groupe qui a estimé qu'il bénéficiait d'un temps de parole supplémentaire dans la mesure où nous examinions un amendement du Gouvernement. Nous en sommes toujours à l'article 26 et, dans le cadre du temps qui vous a été imparti, vous avez déjà épuisé le temps supplémentaire dont vous disposiez.
Non ! Le temps supplémentaire vaut pour chaque amendement et non pour chaque article !
Ne dites pas non, madame Billard ! Nous appliquons le règlement et c'est en vertu du règlement que votre groupe a épuisé son temps de parole. (Vives exclamations sur les bancs du groupe GDR.)
La parole est à M. Yves Cochet pour un rappel au règlement.
Madame la présidente, une fois de plus, de même qu'au cours du débat sur La Poste il y a quelques mois, mais aussi au moment du débat sur le Grenelle 2, nous constatons l'impossibilité de toute modulation depuis que nous avons adopté ce règlement contre lequel nous avons du reste voté.
L'impossibilité de modulation dès lors qu'il s'agit de grandes lois, La Poste, le Grenelle 2 et maintenant les retraites – dont il paraît, aux yeux du Président de la République, qu'il s'agit du projet du quinquennat – nous conduit à un déni de démocratie. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR. – Protestations sur les bancs du groupe UMP.) C'est exactement cela !
Il n'est pas normal que sur des lois aussi importantes, le groupe GDR – et peut-être bientôt le groupe SRC – soient privés de parole. C'est anormal dans une démocratie représentative. Les députés doivent pouvoir s'exprimer. Je le redirai au besoin.
Vos services ont établi il y a dix minutes, juste avant la prise de position de M. Chassaigne, que nous disposions de quatre minutes et dix-neuf secondes. M. Chassaigne a utilisé cette durée pour son intervention, épuisant par la même occasion le temps de parole du groupe, raison pour laquelle mes collègues ont manifesté leur mécontentement à juste titre.
En revanche, il est explicitement indiqué que sur les amendements du Gouvernement, nous disposons de dix minutes sur l'amendement n° 729 rectifié, dix minutes sur l'amendement n° 726 deuxième rectification, dix minutes sur l'amendement n° 731 rectifié et dix minutes sur l'amendement n° 733 rectifié. Ce temps n'a donc pas pu être décompté avant même que ces amendements aient pu être présentés ! Il nous reste donc quarante minutes de temps de parole pour examiner ces quatre amendements du Gouvernement.
Je tiens d'abord à m'exprimer sur le mot « arnaque » qui a été prononcé. Je tiens à rappeler que les comptes sont établis par nos services, qui sont tout sauf des arnaqueurs. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC. – Exclamations sur les bancs du groupe GDR.)
Je ne vous accuse pas ! Le mot a été prononcé pendant que M. Cochet s'exprimait.
J'ai sous les yeux l'ensemble des articles et des amendements portant articles additionnels sur lesquels dix minutes supplémentaires sont accordées à chaque groupe en application de l'article 55, alinéa 6, du règlement. Il s'agit de : l'amendement n° 734 portant article additionnel après l'article 1er, de l'article 23, de l'amendement n° 735 portant article additionnel après l'article 24 quater, de l'amendement n° 730 portant article additionnel après l'article 25 et de l'article 26. Vous avez déjà utilisé le temps dont vous disposiez pour ces amendements et articles.
Il vous reste donc, dès lors que nous aborderons l'article 27 ter…
Plusieurs députés du groupe GDR. Non !
Je suis en train de vous lire la note de nos services, ne dites donc pas « non » avant de l'avoir entendue dans son intégralité. Vous disposerez donc de temps supplémentaire pour les amendements nos 729 rectifié, 726 deuxième rectification, 731 rectifié et 733 rectifié, portant articles additionnels après l'article 27 ter.
Quant à l'amendement n° 727 rectifié, il concerne l'article 26 et nous avons entamé son examen alors que votre temps de parole sur cet article était déjà épuisé. (Exclamations sur les bancs du groupe GDR.)
Vous disposerez de dix minutes par article. (Protestations sur les bancs du groupe GDR.)
Plusieurs députés du groupe GDR. Non, par amendement !
À l'article 26, vous souteniez un amendement, soit dix minutes. Ces dix minutes vous ont été accordées pour l'article 26. Il vous reste potentiellement quarante minutes au titre de l'article 27 ter, que nous n'avons pas encore abordé.
Je n'interprète pas le règlement, ouvrez-le, lisez-le et vous en saurez autant que moi, monsieur Lecoq.
Je retire mon sous-amendement.
(Le sous-amendement n° 764 est retiré.)
(L'amendement n° 727 rectifié est adopté.)
L'amendement n° 321 , présenté par M. Jean-Pierre Decool, est défendu.
Quel est l'avis de la commission ?
Nos collègues communistes ont énuméré tout un tas de professions à la pénibilité sans doute reconnue.
Je souhaiterais en évoquer une que personne, pour le moment, n'a citée. Il s'agit d'une profession très honorable, qui permet à nos concitoyens de dormir en paix, pendant que nous travaillons.
Je sais, mais je souhaite que nous y revenions. Au demeurant, ce n'est pas vous qui en avez parlé, c'est M. Pinte.
Le projet de loi qui nous est présenté tend à faire des militaires des fonctionnaires comme les autres. Or, la fonction de soldat est très spécifique. Du reste, ils bénéficient d'un statut différent. Faut-il rappeler que les engagés paient le prix du sang sur les théâtres d'opérations ? Cela suffit à montrer que le travail de soldat, le métier de militaire, est très différent des autres.
Je rappelle que 70 % de nos militaires sont des contractuels. Certes, ce sont des agents de l'État, mais ce ne sont pas des fonctionnaires. Ils constituent donc un cas unique dans la République, puisque ce sont des CDD de la fonction publique. Une armée opérationnelle, c'est une armée jeune, solide physiquement et psychiquement. Il est donc nécessaire de mener une politique de ressources humaines particulièrement dynamique en termes de flux d'entrée et de sortie. Le système des pensions militaires doit en tenir compte et permettre le déroulement de carrières courtes.
Les jeunes soldats sont généreux et vont au bout de leur engagement. Mais, comme tout le monde, ils ont besoin de reconnaissance. Un projet de loi réformant les retraites qui ne reconnaît pas leur mérite sera donc forcément considéré par eux comme injuste. En effet, ils devront travailler plus de quatre ans de plus pour percevoir une retraite identique à celle qu'ils peuvent percevoir aujourd'hui. Je rappelle qu'actuellement, un homme du rang perçoit, après quinze ans de service, 600 euros. Dans le nouveau système, monsieur le ministre, il percevra 550 euros après dix-sept années de service.
C'est mon droit de m'exprimer et de tenter de ramener le Gouvernement dans la bonne voie. En demandant un effort supplémentaire de quatre ans à nos militaires contractuels, on risque fort d'accentuer le problème de la fidélisation, qui est déjà critique. Il faut donner à nos jeunes soldats un horizon visible et cohérent avec les aspirations des jeunes d'aujourd'hui. Repousser l'horizon de quinze ans à dix-neuf ans et demi n'est pas cohérent et c'est contraire à leur mode de pensée. En effet, peut-on encore parler de carrières courtes après vingt ans de service ?
J'ai donc cosigné un amendement de notre collègue Pinte, qui propose de maintenir le droit à jouissance immédiate de la retraite après quinze ans de service. De la même manière, refuser aux militaires le bénéfice de mesures adoptées pour les titulaires sans droits de la fonction publique est une aberration qu'il convient de corriger, monsieur le ministre. C'est un problème de justice et, pour nos soldats, un problème de cohérence. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)
Le débat est étrange. Monsieur le président de la commission de la défense, au début de nos discussions, M. Pinte, M. Nauche et moi-même avons suggéré que l'on sorte la question des militaires du débat, car ces mesures ont tout de même des conséquences sur le périmètre et le profil des armées. Or, M. Tron m'a répondu que cela avait été négocié avec le ministère de la défense. Je vois que vous protestez, monsieur le président de la commission de la défense.
C'est donc que ce qu'a dit M. Tron n'est pas exact. Force est de constater qu'une des conséquences particulières du projet de loi pose un problème politique majeur. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
Nous en venons aux amendements portant articles additionnels après l'article 26 bis.
La parole est à M. Jean-Pierre Decool, pour soutenir l'amendement n° 119 .
Nous souhaitons que le Gouvernement adresse au Parlement, avant le 31 décembre 2011, un rapport sur les modalités selon lesquelles la notion de pénibilité peut être adaptée pour s'appliquer aux sapeurs pompiers volontaires, qui sont actuellement les plus nombreux parmi les sapeurs pompiers.
C'est un rapport. La commission et le Gouvernement pourraient nous donner des explications !
(L'amendement n° 119 n'est pas adopté.)
Je suis saisie d'un amendement n° 120 .
La parole est à M. Jean-Pierre Decool.
Nous proposons que le Gouvernement présente au Parlement un rapport sur les modalités selon lesquelles la notion de pénibilité peut être adaptée pour s'appliquer aux travailleurs et anciens travailleurs victimes de l'amiante. Je rappelle que l'on estime à 100 000 le nombre des personnes qui décéderont à cause de l'amiante d'ici à 2025.
Monsieur Decool, le dispositif applicable aux travailleurs de l'amiante est bien plus favorable que celui de la pénibilité. Les problèmes de l'exposition à l'amiante sont spécifiquement pris en compte.
Ainsi, le départ à la retraite à partir de cinquante ans est maintenu et l'âge de départ diminue en fonction de la durée d'exposition à l'amiante. Je rappelle, du reste, que c'est Jacques Barrot, et non le parti socialiste, qui a interdit l'amiante en France en 1996.
Monsieur le ministre, compte tenu de vos explications, je retire mon amendement. Mais je serai très vigilant quant à l'application de ce dispositif en faveur des victimes de l'amiante.
(L'amendement n° 120 est retiré.)
Je suis saisie d'un amendement n° 686 .
La parole est à M. Alain Vidalies.
Même avis que la commission.
(L'amendement n° 686 n'est pas adopté.)
Monsieur le trésorier de l'UMP, combien vendez-vous votre temps de parole ? (Sourires.)
Je suis saisie d'un amendement n° 333 rectifié .
La parole est à M. Guy Lefrand.
Nous avons vu, tout au long de ces débats, combien il est important de rénover notre système de santé au travail. Si nous avons pris, ce soir, de nombreuses dispositions concernant le système privé, il nous reste à étudier l'ensemble du système de santé au travail, en France et à l'étranger. C'est pourquoi nous demandons que le Gouvernement transmette au Parlement un rapport présentant une analyse comparative des différents systèmes de santé.
Favorable. (Exclamations sur les bancs du groupe GDR.)
Tout cela manque de cohérence. Après avoir voté la réforme de la médecine du travail, on demande qu'un rapport nous présente des études comparatives. Autrement dit, on a démoli la maison, et maintenant, on va demander une expertise.
Pour faire plaisir à M. Gremetz, nous demandons un autre rapport, qui doit permettre d'évaluer les possibilités de certification en France. Tout à l'heure, nous avons déjà proposé l'engagement dans des démarches qualité. Nous souhaitons également que le Gouvernement nous remette un rapport sur l'ensemble de la certification.
(L'amendement n° 332 , accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.)
Madame la présidente, il reste trois heures trente de temps de parole au groupe Nouveau Centre, mais, compte tenu de l'heure tardive, je renonce à mon intervention. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Nous en arrivons aux amendements à l'article 27.
Je suis saisie d'un amendement n° 260 , tendant à supprimer l'article 27, mais le groupe GDR, qui n'a plus de temps de parole, ne peut le présenter. (Exclamations sur les bancs du groupe GDR.)
Madame la présidente, je veux répondre au Gouvernement !
(L'amendement n° 260 n'est pas adopté.)
Monsieur Gremetz, lisez le règlement, et les choses iront beaucoup mieux. (Exclamations sur les bancs du groupe GDR.)
Je suis saisie d'un amendement n° 703 rectifié .
La parole est à Mme Marisol Touraine.
Il est défendu !
(L'amendement n° 703 rectifié , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Je suis saisie d'un amendement n° 94 .
La parole est à M. le rapporteur.
Il s'agit d'un amendement de précision.
(L'amendement n° 94 , accepté par le Gouvernement, est adopté.)