La réforme des retraites, et plus particulièrement son volet relatif à la pénibilité, risque d'avoir des conséquences néfastes quant à l'exercice de la médecine du travail.
Ce ne sont pas les amendements déposés tout récemment par le Gouvernement qui sont de nature à rassurer cette profession ou tous ceux à qui elle est utile.
Monsieur le ministre, vous prétendez que « la mise en oeuvre des dispositions législatives relatives à la pénibilité fait jouer un rôle important aux services de santé au travail ». Cet argument n'est pas de nature à rassurer une profession inquiète ; en fait, il ne nous rassure pas du tout.
L'amendement n° 730 rectifié a retenu toute notre attention car il abroge deux articles du code du travail fondamentaux pour l'existence de la médecine du travail. Il transfère aux services de santé au travail, en fait à leurs directeurs, nommés et choisis par les employeurs, les responsabilités légales actuelles dévolues aux médecins du travail.
L'adoption d'un tel amendement conduit à confier aux seuls employeurs, responsables de l'organisation du travail et des risques qu'ils font encourir à la santé des travailleurs qu'ils salarient, la prévention médicale des risques professionnels qui relevait jusqu'à présent des médecins du travail. Quelle manière peu élégante de remettre en cause une profession ! Quelle avancée sociale pour tous les salariés ! Mais, après tout, cette méthode permet de régler son compte non seulement à une profession mais aussi à la pénibilité au travail.
Pourtant, la pénibilité vécue par les travailleurs existe, et les inégalités sociales en matière de santé sont flagrantes : le travail de nuit, l'exposition à des produits chimiques dangereux, les troubles musculo-squelettiques sont le quotidien de centaines de milliers de salariés.
À mon sens, la prise en compte de la pénibilité et de son impact sur l'espérance de vie est prioritaire. Un salarié, bénéficiant par exemple d'une majoration pour pénibilité de 10 % pendant la moitié de sa carrière, devrait pouvoir partir deux ans plus tôt à la retraite avec une retraite complète.
Vous comprenez bien, monsieur le ministre, pourquoi nous nous opposons à ce projet de réforme.
Des solutions existent pour réformer les retraites : encore faut-il pouvoir en discuter avec les principaux intéressés et leurs représentants syndicaux ; encore faut-il écouter, et entendre les propositions qui peuvent être faites.