Je souhaite évoquer un débat qui n'a pas eu lieu : celui sur l'égalité professionnelle.
Je devrais sans doute me réjouir que, après les grandes déclarations du Président de la République promettant l'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes avant la fin de l'année 2009, le sujet soit évoqué pour la première fois devant la représentation nationale. Cependant, je ne peux me satisfaire de votre façon d'évacuer la question en affirmant qu'il n'y a pas de problème de retraite des femmes, mais qu'elles ont seulement un problème de carrière.
Voilà près de quarante ans que l'on déplore les inégalités professionnelles, comme on déplore que les six lois adoptées en la matière ne soient pas appliquées ou que leur application ne produise que peu d'effets. La dernière de ces lois, votée en 2006, vous engage à adopter un cadre contraignant de sanctions si l'égalité entre hommes et femmes n'est pas satisfaisante au 31 décembre prochain. Et j'ose espérer que cet article 31 ne constitue pas votre réponse à cet engagement.
Vous demandez en effet à la représentation nationale de signer un chèque en blanc, dont elle ne connaît ni le montant, puisque seul un plafond de 1 % est fixé, ni même le destinataire, puisqu'il sera possible de s'exonérer de la pénalité en manifestant des « efforts » dont vous renvoyez la définition à un décret. Mais cet article 31 apparaît surtout en retrait par rapport aux lois antérieures, puisque l'obligation de négociation mise en place par la loi Génisson de 2001 pourra être contournée par la publication de simples indicateurs, eux aussi définis par décret.
C'est là un rude coup que vous portez au dialogue social en incitant les entreprises qui – pour les plus citoyennes d'entre elles – ont entrepris la négociation d'accords pour l'égalité ou envisageaient de le faire, à attendre la publication de ces normes minimales plutôt que de s'engager dans la voie plus exigeante de la négociation avec les représentants syndicaux.
Nous avions donc déposé une série d'amendements pour vous inviter, si telle est bien votre volonté réelle, à poursuivre le combat pour l'égalité : en replaçant la conclusion d'un accord au coeur des priorités, en renforçant le pouvoir de contrôle des comités d'entreprise en la matière, en définissant des sanctions claires et égales pour tous. Nous n'avons malheureusement pas pu discuter de ces amendements. Je le regrette.
Mais nous souhaitons avant tout que le Gouvernement prenne l'engagement de ne pas en rester à ce simple article. L'égalité professionnelle est un sujet à part entière, qui mérite d'être débattu pour lui-même et de faire l'objet d'une réelle étude d'impact afin de tirer les enseignements des manquements des lois précédentes. Ce sujet mérite aussi que l'État montre sa détermination à faire appliquer la loi de la République. Il mérite, surtout, que l'on s'attaque aux vrais enjeux que sont, par exemple, la lutte contre les trappes à précarité où s'enlisent les carrières des femmes, ou encore la dissymétrie des rôles qui veut que ce soient presque toujours les mères qui s'arrêtent de travailler pour s'occuper des enfants et qu'elles soient seules à en assumer les conséquences financières.
Vous n'avez pas souhaité regarder ces problèmes en face lors du débat sur les retraites, alors qu'ils ont des conséquences majeures sur le niveau de pensions des femmes. Nous espérons donc, au minimum, que nous nous donnerons rendez-vous avant la fin de l'année pour avancer sur ces questions.
Très récemment, une interview de Mme Veil par Christine Clerc m'a fait penser que les femmes étaient vraiment les oubliées de votre réforme des retraites, et que leur avenir était bien sombre dans ce pays. Simone Veil a jugé que la situation des femmes était en train de régresser. Elle a une vision pessimiste de l'avenir. À la question : « Les femmes feraient-elles peur aux hommes ? », elle a répondu : « Non, je crois que c'est du mépris ». Je pense, monsieur le ministre, que dans cette réforme, vous avez traité les femmes avec mépris. C'est pourquoi je ne la voterai pas. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)