« Arnaque », « Supercherie », tels sont les mots qu'emploient les titres des journaux pour décrire vos mesures sur la pénibilité.
La confusion volontaire que vous entretenez entre pénibilité et incapacité correspond à une véritable transformation idéologique de la philosophie de la retraite pour tous. La pénibilité et l'incapacité sont deux notions totalement différentes et, messieurs les ministres, vous le savez très bien !
L'incapacité, c'est-à-dire l'évaluation de séquelles liées à la survenue de maladies professionnelles, permet de calculer la réparation financière qui sera accordée aux salariés dont l'état de santé est définitivement altéré.
Prendre en compte la pénibilité du travail, c'est prendre en compte une usure anormale de l'individu en raison de l'accomplissement d'un métier difficile. Cela ne se traduit pas nécessairement par une reconnaissance d'incapacité.
Certaines situations professionnelles réduisent la durée de vie, tout le monde le reconnaît. Il est donc logique, juste et légitime qu'un salarié qui travaille dans des conditions de réelle pénibilité parte à la retraite avant les autres. La prise en compte de la pénibilité répond à la logique de la République sociale telle que l'a décrite Robert Lafore. Les rapports sociaux y fonctionnent à partir d'un contrat collectif de solidarité et, lorsque survient un dommage pouvant entrer dans la mouvance du risque social, il faut que ses conséquences soient réparées par la collectivité elle-même. Ainsi, si un individu inséré dans le jeu collectif vient à subir un aléa du fait de l'organisation des rapports sociaux de production et d'échanges, c'est à la collectivité de rétablir l'équilibre des échanges rompu. On construit ainsi un droit protecteur partant du constat des inégalités de fait pour édifier un droit de la protection. Mais, il est clair, messieurs les ministres, que la République sociale n'est pas au coeur de vos préoccupations, la teneur de cette réforme le prouve.