Vous annonciez une réforme juste et équitable et, à Versailles, le Président de la République précisait : « C'est une question de morale à l'endroit des générations qui vont nous suivre. » Or qu'allons nous leur laisser finalement : un financement insuffisant puisqu'il n'est prévu – et encore qu'incomplètement – que jusqu'en 2018, soit seulement dans huit ans, et une situation beaucoup plus injuste.
Les comparaisons avec les autres pays européens vous ont souvent servi d'argument. Un comparatif paru hier dans un quotidien du soir soulignait pourtant que la réforme française était la plus dure et la plus injuste car elle se fondait sur deux facteurs temps : la croissance de la durée du travail et le recul de l'âge. Ceux qu'elle atteint le plus fortement sont les salariés à bas salaire ou aux carrières sans progression. Je pense aussi aux femmes qui restent au SMIC toute leur vie, ou à celles qui travaillent à temps partiel.
Je suis intervenue à plusieurs reprises – pas assez à mon goût – au cours des débats sur la quadruple peine infligée aux femmes qui accumulent tous ces critères. Cette réforme est particulièrement injuste pour tous ceux qui ont commencé à travailler tôt : les deux ans de rallonge ne leur apporteront rien pendant leur retraite et ils travailleront plus pour ne pas gagner plus. Je crois que les Français qui avaient cru au slogan de campagne du Président de la République sont particulièrement déçus par ce qui les attend après le travail.
Cette réforme est également injuste pour ceux qui ont des métiers pénibles. Nous nous sommes très longuement attardés sur le sujet, mais vous restez insensibles et sourds à toute évolution alors que vous aviez annoncé que vous étiez ouverts sur ce sujet. Au bout du compte, seulement 10 000 personnes seront concernées par vos mesures ; l'incompréhension est totale.
Après la manifestation du 7 septembre, vous aviez donné le sentiment de vouloir écouter et modifier votre réforme, mais vous n'avez rien donné sinon des miettes. Plutôt que d'améliorer la prévention, vous en avez même profité pour démanteler la médecine du travail en défendant un amendement introduit subrepticement. Comme le précise un communiqué des acteurs du secteur, vous avez « confié les clés du poulailler au renard ».
Votre réforme est injuste pour les jeunes qui entrent tardivement dans le monde du travail dans des conditions précaires, et qui devront travailler longtemps. Le fonds de réserve des retraites est destiné à les accompagner après 2020.
Votre réforme est aussi très injuste pour les femmes qui constituent 52 % de la population et 48 % des actifs. À force d'être questionnés, vous avez fini par vous intéresser au sujet à la faveur d'un rapport de la délégation de l'Assemblée aux droits des femmes, que nos collègues n'ont malheureusement pas eu la possibilité de défendre, ce que je regrette. Médiatisée par les associations féminines, cette injustice, qui était totalement occultée, a fini par revenir sur le devant de la scène.
Votre réforme donne le sentiment que la société n'évolue pas. Votre modèle est un salarié masculin dont la carrière est continue et progressive et se déroule sans facteur aggravant pour la santé. Aujourd'hui, notre société n'est plus comme cela : les rythmes de travail ont profondément changé, les carrières ne sont plus linéaires, les femmes ne sont plus protégées par des droits acquis, elles sont souvent chefs de famille en situation précaire. Les inégalités se sont recréées ; les retraites en sont le miroir grossissant.