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Intervention de Christophe Sirugue

Réunion du 14 septembre 2010 à 21h30
Réforme des retraites — Article 26

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristophe Sirugue :

Après avoir examiné ce texte, après avoir écouté les heures de discussion, je finis, messieurs les ministres, monsieur le secrétaire d'État, par me demander si, au fond, ce nécessaire exercice sur la prise en compte de la pénibilité est compatible avec votre approche essentiellement financière de la réforme des retraites.

Sur la pénibilité, toutes les études, tous les rapports ont été écrits. Tout le monde sait que la prise en compte de la pénibilité est une exigence d'équité. Les chiffres ont été rappelés tout à l'heure : il y a dix ans d'écart entre l'espérance de vie à trente-cinq ans d'un cadre et d'un ouvrier. Tout le monde sait que la pénibilité est un handicap pour la prolongation de l'emploi des seniors. Bref, nous avons tous les éléments pour traiter de la pénibilité.

C'est d'ailleurs le travail qu'ont mené les partenaires sociaux depuis 2003. Cela n'a peut-être pas été assez dit : s'ils n'ont pas pu conclure leurs travaux, c'est tout simplement parce qu'ils n'ont pas pu aboutir sur la question des coûts et des modalités de financement d'une politique à laquelle les employeurs ne voulaient pas participer.

Dès lors, l'avenir de la notion de pénibilité dépendait de la volonté politique, et donc financière, du Gouvernement. La réalité, c'est que vous ne vous êtes pas inscrits dans cette logique-là. Vous avez d'abord refusé de participer à l'établissement d'une définition claire de la pénibilité. Car il faut bien sûr que soient reconnus les facteurs de pénibilité, les critères d'éligibilité, et les incidences financières – mises aux normes et autres conséquences. Vous n'êtes pas non plus allés jusqu'au bout parce que vous saviez que, pour prendre en compte la question de la pénibilité, il fallait sortir de la seule logique des retraites : aujourd'hui, la pénibilité sert aussi à corriger les dysfonctionnements du marché du travail. Chacun sait que le MEDEF privilégie une réparation fondée sur un temps partiel en fin de carrière.

S'il y avait eu une réelle volonté politique, une obligation de prévention aurait dû être définie au coeur des dispositifs, ce qui aurait exigé, là encore, des moyens que, visiblement, vous n'êtes pas en capacité d'apporter.

Au lieu de cela, vous avez cherché à troubler le débat. Vous avez fait en sorte d'éviter de poser les vraies problématiques en adoptant une approche individuelle au cas par cas, qui permettrait, selon vous, de ne pas stigmatiser certains métiers.

Cette logique des métiers, qui a été tout à l'heure au coeur de nos réflexions, montre qu'il faut faire preuve de pragmatisme. Il y a des métiers pénibles, mais personne ne souhaite créer de nouveaux régimes spéciaux, et, en même temps, il est nécessaire qu'une photographie soit faite de la réalité de ce que sont les conditions de travail, l'environnement de travail, les produits utilisés dans le cadre du travail. Là encore, cela nécessite, pour y apporter correction, des moyens que vous vous gardez bien de mettre en avant.

Cette prise en compte, qui aurait nécessité beaucoup de moyens, vous avez essayé de la contourner en faisant croire à un grand progrès, en baissant finalement l'incapacité permanente de 20 % à 10 %. Ce n'est pas une solution.

Vous jouez petit bras dans votre approche de la pénibilité. Alors que nous sommes confrontés à un vrai problème, vous vous contentez de petites avancées, sans prendre en compte l'ampleur de la difficulté.

C'est la question de notre société qui est posée, de l'égalité dans notre société, de l'égalité entre les sexes, de l'égalité entre les générations, de l'égalité entre ceux qui ont des métiers pénibles et ceux qui ont des métiers peut-être un peu moins pénibles, autant d'éléments que vous n'avez pas voulu aborder parce que, encore une fois, vous étiez dans une approche strictement financière.

Messieurs les ministres, vous allez bien sûr nous expliquer, comme vous le faites depuis des heures, que votre volonté est forte, que jamais un gouvernement n'a pris en compte la pénibilité, alors même que, depuis des heures, nous vous démontrons, citations à l'appui, que la pénibilité a déjà été prise en compte sur certains dispositifs dans ce pays depuis des dizaines d'années, et qu'elle est prise en compte dans d'autres pays également.

À la question initiale que j'avais envie de vous poser, qui était de vous demander si votre volonté était compatible avec la réalité financière qui est la vôtre, c'est finalement Mme Lagarde qui a apporté la réponse. En effet, Mme Lagarde a rappelé, nous l'avons un peu oublié, que, pour elle, l'approche des retraites, de la pénibilité, des problématiques dont nous avons à débattre en ce moment, ne devait être finalement traitée qu'à l'aune de ce que pouvaient en penser les agences de notations. À l'évidence, avec cette approche-là, nous ne pouvions pas nous entendre.

Nous restons, nous, convaincus qu'il sera nécessaire de revenir sur cette réforme des retraites, et notamment sur la question de la pénibilité qui, assurément, n'est pas réglée avec l'approche que vous nous avez suggérée. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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