Ainsi, l'amendement n° 730 rectifié introduit l'essentiel de la partie législative de la réforme de la médecine du travail, préparée par le ministre du travail.
L'argumentaire du Gouvernement pour justifier cette introduction en catimini de dispositions sans rapport avec le sujet est fautif. Faut-il rappeler au ministre du travail que ce sont les médecins conseils de la sécurité sociale qui attribuent les incapacités permanentes, et non les médecins du travail ? Peut-être faudrait-il procurer un code du travail à M. Woerth.
En réalité, cette ignorance est feinte, car le rédacteur du texte, bien au fait du sujet, nous ressert les dispositions que le MEDEF voulait faire signer il y a un an par les organisations syndicales, lesquelles les ont repoussées à l'unanimité.
La plus importante et la plus grave est constituée par l'abrogation de deux articles fondamentaux du code du travail, abrogation indispensable pour justifier l'amendement n° 730 rectifié . En effet, celui-ci a pour objet exclusif de transférer aux services de santé au travail, donc à leurs directeurs, nommés et choisis par les employeurs, les responsabilités légales actuellement dévolues aux médecins du travail.
Si cet amendement, qui prévoit l'application par décret de ces dispositions, est adopté, ce ne seront plus les médecins du travail qui seront chargés de la prévention médicale des risques professionnels, mais les employeurs responsables de l'organisation du travail et des risques auxquels ils exposent la santé des travailleurs qu'ils salarient.
Si, à l'occasion du débat sur les retraites, cette manoeuvre de pure opportunité permettait le vote de l'amendement 730 rectifié , les assemblées prendraient la responsabilité d'avoir, par une décision de couloir, non seulement abrogé la médecine du travail, mais également confié la santé au travail des salariés à leurs employeurs eux-mêmes.
L'importance du sujet mérite un traitement de haute tenue, et non une telle manipulation, qui ne serait pas digne du rôle des représentants de la nation, chargés d'élaborer les lois. Nous demandons donc à tous les élus, quelles que puissent être leurs positions sur la médecine du travail, de renoncer à voter cet amendement. Ils permettront ainsi que l'avenir de la prévention des risques professionnels fasse l'objet d'un véritable débat au sein des assemblées. Ce débat pourra, éventuellement, déboucher sur l'adoption de nouveaux textes, dès lors investis d'une légitimité que l'on ne peut espérer donner à l'amendement n° 730 rectifié .