Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Catherine Coutelle

Réunion du 14 septembre 2010 à 21h30
Réforme des retraites — Article 30

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCatherine Coutelle :

Autre preuve que ce sujet n'est pas votre priorité : j'ai eu la curiosité de reprendre le dossier de presse que vous nous avez envoyé le 16 juin 2010. Or sur les seize ou dix-huit fiches que compte ce document, pas une seule n'a pour titre les femmes. Vous avez été contraint de vous emparer de ce sujet, mais plus que tardivement.

Les femmes sont les perdantes de vos deux précédentes réformes, surtout celle de 1993 qui a aggravé leur sort en prenant en compte pour le calcul des retraites les vingt-cinq meilleures années. Comme on vient de le dire, les femmes sont plutôt payées au SMIC et leurs carrières sont hachées. En 2008, la moyenne de leurs retraites était de 825 euros par mois, soit inférieure de 40 % par rapport à la moyenne de celles des hommes. Leur montant est, en général, inversement proportionnel au nombre d'enfants puisqu'elles s'arrêtent au fur et à mesure de l'arrivée des enfants.

La réforme de 2010, parce qu'elle relève l'âge de la retraite à taux plein, pénalisera à nouveau les femmes. Une mère née en 1954, quand elle subira le passage de soixante-cinq à soixante-sept ans, a déjà, à cinquante ans, onze trimestres de retard sur les hommes. Cette inégalité s'ajoutera à des carrières déjà injustes.

L'une des causes de la faible retraite des femmes réside dans leurs carrières, et vous avez raison monsieur le ministre. Aussi faudrait-il prendre aujourd'hui des mesures vraiment incitatives. Trois lois, celle de 1983, puis celle de Catherine Génisson en 2001, enfin celle de Mme Ameline en 2003, ont fait de l'égalité entre le salaire des hommes et des femmes une obligation. La loi de 2003 fixe au 31 décembre 2010, c'est-à-dire dans quelques semaines, l'obtention de cette égalité. Je me souviens que le Président de la République avait demandé à Xavier Bertrand, alors ministre du travail, de rapprocher l'échéance au 1er janvier 2010, lors d'une conférence sur l'égalité entre hommes et femmes. Nous en sommes très loin.

Le rapport que Mme Grésy avait remis à M. Darcos pointait à nouveau de très grandes inégalités. M. Darcos s'en était indigné, estimant que ce sujet était une honte pour la République. En effet, le bilan que dresse Mme Grésy est extrêmement sévère : le chômage des femmes est supérieur à celui des hommes, les femmes ont moins accès à la formation continue, la précarité est plus grande chez elles, les temps partiels à 80 % sont « offerts » aux femmes, et 31 % des femmes travaillent aujourd'hui à temps partiel. Certes, elles connaissant un meilleur succès dans les études, mais elles sont surreprésentées dans les emplois peu qualifiés, y compris dans la fonction publique où beaucoup de femmes font partie de la catégorie C. Du coup, elles ont de faibles salaires, donc de faibles retraites. Ainsi, le revenu brut moyen en France des femmes est inférieur de 27 % à celui des hommes et les inégalités ont tendance à se creuser depuis les années 90 du fait des temps partiel.

Mme Grésy précise très sérieusement que les négociateurs négocient peu. La loi faisait obligation aux entreprises d'entamer des négociations avant le 1er janvier 2011 et d'aboutir à des accords d'égalité salariale. Or 43 % des branches n'ont pas entamé de négociations et seulement 6 % des accords abordent les problèmes de l'égalité. Enfin, 50 % des entreprises n'ont pas élaboré de rapport de situation comparée.

Mme Grésy est aussi sévère sur les rapports. Aucun bilan exhaustif n'est fait par la direction du travail. Les rapports sont parfois des coquilles vides et des déclarations de bonnes intentions. Je passe rapidement sur les autres critiques ; elles sont nombreuses. L'une d'elles est frappante : les femmes n'ont plus guère confiance quant à l'évolution de leur carrière, elles ne croient plus à une amélioration.

Face à cette injustice criante, cet article est largement insuffisant. C'est un article alibi. D'ailleurs, c'est ce que précise le rapporteur de manière très diplomatique, à la page 443 du rapport : « Face à l'ampleur du problème, le projet de loi ne va pas assez loin. » Votre rapporteur estime donc que, au regard du faible bilan des lois relatives à l'égalité professionnelle entre hommes et femmes, il faut aller plus loin. À ce titre, il considère que le dispositif proposé souffre d'insuffisance. Au départ, il ne s'agissait que des entreprises de plus de 300 salariés, c'est-à-dire 6 000 entreprises sur un total de 1,4 million, ce qui ne concernait pas beaucoup d'entreprises. Le rapporteur rappelle aussi que l'obligation des informations date de 1983 et qu'une véritable obligation de résultats pour les entreprises doit être signée. Certes le texte tend à améliorer la situation, mais l'article n'est pas à sa place. Cependant, comme c'est déjà mieux que rien, nous l'adopterons.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion