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Intervention de William Dumas

Réunion du 14 septembre 2010 à 21h30
Réforme des retraites — Explications de vote personnelles

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaWilliam Dumas :

Monsieur le ministre, au terme de ce marathon que vous avez voulu conduire à marche forcée, je retiens, personnellement, trois raisons qui me conduisent à voter contre votre projet de loi.

Premièrement, il me semble que vous n'avez pas une vision globale du problème des retraites. Lorsque l'on voit la place minime, voire ridicule, que vous réservez à l'emploi des seniors dans votre projet de loi, il apparaît qu'à l'évidence, vous ne mesurez pas toutes les conséquences de cette réforme. Avant d'imposer une réforme d'une telle ampleur, qui va avoir des effets sur la vie de millions de Français, avant de les contraindre à travailler jusqu'à soixante-sept ans, vous auriez dû vous assurer qu'il y avait suffisamment de travail. Les seniors, vous le savez, peinent à retrouver un emploi. Un tiers de ceux qui sont au chômage le sont depuis deux ans. Avec ce texte, vous faites en sorte qu'ils le restent jusqu'à soixante-sept ans !

Ce n'est pas votre article 32 – c'est-à-dire dix petites lignes du projet de loi – qui réduira la crise du chômage. Je pense que vous avez pris le problème à l'envers.

Deuxièmement, cette réforme est profondément injuste. « L'espérance de vie a augmenté de 15 ans depuis 1950 ». Telle est la phrase que vous nous avez continuellement rabâchée. On dirait presque que vous regrettez le temps où très peu de Français prenaient leur retraite, parce qu'ils mouraient avant l'âge du départ légal. Aujourd'hui, s'ils vivent plus longtemps, c'est, entre autres raisons, parce qu'ils peuvent prendre leur retraite à soixante ans.

Votre réforme, comme tous les propos qui l'accompagnent, est profondément nostalgique. Alors qu'il faudrait se féliciter de cette longévité, vous me donnez l'impression de vouloir lutter contre ce qui est à vos yeux une fatalité.

Personnellement, je me réjouis de ce constat. Par contre, je m'inquiète de ce projet de loi qui va inévitablement réduire l'espérance de vie des Français. Ceux-ci ne sont pas dupes : ils savent que ce n'est pas parce que l'on vit plus longtemps que l'on est en capacité de travailler plus longtemps. Ils savent qu'il y a d'autres solutions, plus justes, plus équitables, pour redresser la barre.

Le parti socialiste vous a fait des propositions, mais vous avez refusé de les entendre. Une réforme juste consiste à mettre à contribution tous les revenus, y compris ceux du capital, à augmenter les prélèvements sociaux sur les bonus et les stock-options, à relever le forfait appliqué à 1'intéressement et à la participation, et surtout, en amont, à mettre en place une véritable politique de l'emploi permettant aux seniors de retrouver la place qui leur est due dans le monde du travail. Voilà, concrètement, quelques-unes de nos propositions visant à assurer l'équilibre du système.

La troisième raison qui me conduit à voter contre votre texte, c'est que vous confondez volontairement la pénibilité avec l'incapacité et l'invalidité, des termes qui n'ont absolument rien à voir.

En tentant de régler au cas par cas la pénibilité, vous voulez appliquer la bonne vieille méthode du « diviser pour mieux régner ». On constate aujourd'hui que le management d'entreprise a pour seul but d'imposer la culture du résultat, d'où le stress, les cadences infernales, les objectifs imposés, qui font que les gens craquent. Et l'on voit où cela peut mener. Quelle est aujourd'hui, d'après vous, l'espérance de vie d'un agent de France Télécom ?

Aussi, je crois qu'il faut que la loi détaille tous les facteurs de risque, car je suis persuadé que beaucoup de situations ne seront pas prises en compte dans le décret auquel vous renvoyez.

Qu'en est-il, aussi, pour ces nombreux Français de cinquante ans qui se lèvent à deux heures tous les matins pour faire des ménages dans de grosses entreprises, qui embraient, ensuite, à la caisse de la station-service d'une grande surface, le tout pour à peine 1 200 euros par mois ? Ont-ils un rythme et des conditions de travail pénibles ? La succession de tous leurs emplois sera-t-elle prise en compte ? Je suis curieux de savoir quels critères vous retiendrez pour base. À n'en pas douter, vous allez cloisonner les choses et recourir à une multitude de garde-fous afin de durcir les conditions d'exposition requises pour qu'un salarié puisse voir inscrire la notion de pénibilité dans son dossier de médecine du travail.

On se souvient du mot d'Albert Camus: « Il n'est pas de punition plus terrible que le travail inutile et sans espoir ». Avec votre projet de loi, vous enlevez à nos concitoyens l'espoir de profiter plus tôt, et pleinement, de leur retraite. Soyez sûr qu'ils sauront vous le rappeler !

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