Merci.
Je voudrais, pour ma part, revenir sur la question de la pénibilité dans le monde agricole. Il me paraît tout à fait naturel que les agriculteurs non salariés agricoles bénéficient des mêmes dispositions que les autres salariés de notre pays. Je suppose d'ailleurs que les artisans et les commerçants en bénéficieront eux aussi.
Je voudrais dans un premier temps revenir sur la question des retraites des agriculteurs. Comme vous le savez, ce n'est pas un problème nouveau, et vous savez tous que ces difficultés concernent 4 millions de nos concitoyens – 2 millions de salariés et 2 millions de non-salariés. Les agriculteurs sont très préoccupés, car leurs retraites sont extrêmement faibles.
Ces problèmes se sont aggravés au cours des dernières décennies du fait de modifications sociologiques : les agriculteurs, qui vivaient autrefois en famille, se sont retrouvés dans les années 70, 80, 90 isolés sur leur propriété, leurs enfants étant pour la plupart partis travailler en ville ; avec leurs retraites extrêmement faibles, ils n'arrivaient plus à faire face aux dépenses courantes de la vie.
C'est ainsi qu'au début des années 90 est née l'ANRAF, l'Association nationale des retraités agricoles de France. Longtemps présidée par un Périgourdin illustre, Maurice Bouyou, aujourd'hui décédé, elle est toujours aussi active. Dans le courant du mois d'août, elle a organisé une manifestation nationale à Bergerac, qui a réuni plusieurs milliers de retraités agricoles, venant d'une vingtaine de départements.
Les premières mesures de revalorisation ont été mises en place en 1994, sous le gouvernement d'Alain Juppé. Mais, comme nous le savons tous, c'est sous le gouvernement Jospin que l'effort principal a été consenti : c'est alors, en effet, qu'a été mis en place un plan quinquennal, destiné à relever les retraites de base des agriculteurs. La retraite des chefs d'exploitation a été relevée de 29 %, celle des veuves de 49 % et celle des conjoints et aides familiaux de 80 %. À l'époque, le Gouvernement a consenti un effort très important puisqu'en 1998, il y a consacré 1 milliard de francs ; en 1999, en 2000 et en 2001, il y a consacré chaque année 1,6 milliard de francs ; en 2002, il y a consacré 2,2 milliards de francs. À l'époque, c'était un effort financier considérable, qui a permis de relever les retraites de base.
Le relèvement de la retraite de base des chefs d'exploitation s'est fait jusqu'au niveau de la retraite de base des salariés. Pour répondre à la demande des retraités agricoles de bénéficier d'un montant de retraite égal à 75 % du SMIC, mais aussi pour répondre aux besoins sociaux, nous avons créé le régime complémentaire obligatoire.
J'ai eu l'honneur de défendre une proposition de loi sur ce sujet. Vous vous souvenez – en tout cas M. le rapporteur s'en souvient – que cette proposition de loi a été adoptée à l'unanimité, aussi bien à l'Assemblée nationale qu'au Sénat.
C'était une proposition de loi ; le Gouvernement l'avait acceptée, et avait prévu le financement par amendement. Du fait du déséquilibre de la profession, il était en effet impossible de servir une retraite complémentaire obligatoire à 465 000 chefs d'exploitation et de demander aux actifs de payer intégralement cette somme : ils en étaient hier, et ils en sont d'ailleurs aujourd'hui, absolument incapables.
Le Gouvernement avait donc pris ses responsabilités, et l'État s'était engagé à co-financer ce régime complémentaire obligatoire, à hauteur d'un tiers.
Vous vous souvenez, mes chers collègues, que le reproche fait au gouvernement Jospin à l'époque était que ce régime complémentaire obligatoire ne concernait que les chefs d'exploitation, et non les conjoints et les aides familiaux. On nous reprochait aussi de demander une participation aux actifs : sur les bancs de l'opposition, qui est la majorité d'aujourd'hui, on estimait qu'il revenait à l'État de prendre en charge totalement ce régime, et on jugeait scandaleux de faire participer les actifs.
Ce régime complémentaire obligatoire avait, je vous le rappelle, fait l'objet de négociations que j'avais moi-même menées avec les actifs, avec les syndicats représentatifs, avec les jeunes agriculteurs. Nous étions convenus qu'il fallait que la cotisation des actifs soit modérée, et en tout cas inférieure à 3 %. Le pari a été tenu, puisqu'elle a été fixée à 2,98 % et n'a pas bougé depuis.
Nous avions donc trouvé un équilibre entre la participation des actifs et la participation de l'État pour servir une retraite complémentaire obligatoire à 465 000 chefs d'exploitation, en attribuant des points gratuits puisque, bien entendu, ces gens-là n'avaient pas pu cotiser à un régime qui n'existait pas.
Les années ont passé. En 2007, j'ai déposé une proposition de loi visant à étendre le régime complémentaire obligatoire aux conjoints et aux aides familiaux. Cette proposition de loi a été reprise par le groupe socialiste et défendue le 21 janvier dernier dans l'hémicycle, pendant trois heures et demie. Nous avons pu expliquer qu'après les chefs d'exploitation, il était souhaitable d'étendre le régime aux conjoints et aux aides familiaux.
Le débat a eu lieu. Nous avons voté. Vous vous en souvenez, tous les groupes politiques de gauche, radicaux, socialistes, communistes, verts, ont approuvé cette proposition de loi. Le groupe Nouveau Centre, à l'unanimité, l'a également approuvée, ainsi que M. Bayrou pour le MODEM. Mais la proposition de loi n'a pas recueilli le succès escompté : 249 voix se sont exprimées pour et 269 voix, qui émanaient des bancs UMP, contre.
Au mois de janvier dernier, les collègues UMP, et surtout ceux qui réclamaient en 2002 que l'on serve aussi la retraite complémentaire obligatoire aux conjoints et aux aides familiaux, étaient tout de même fort embarrassés. Ils nous disaient qu'ils ne pouvaient pas soutenir notre proposition de loi parce qu'ils allaient faire mieux lors de la réforme des retraites.
La réforme des retraites, nous y sommes. Et bien entendu, non seulement vous ne faites pas mieux, mais vous ne faites quasiment rien ! Il faut que les choses soient claires : vous mettez en place le régime complémentaire obligatoire à partir du 1er janvier 2011, mais pas pour les gens qui sont actuellement à la retraite, qui n'auront droit à rien. Vous ne le mettez en place que pour les gens qui, au fil des années, vont cotiser et espérer, dans quarante et un an et demi, bénéficier du régime complémentaire obligatoire. Nous sommes bien loin de ce que vous réclamiez au gouvernement Jospin en 2002. Aujourd'hui, vous ne répondez en rien à la demande des retraités agricoles conjoints, essentiellement des femmes, qui espéraient rejoindre, un jour, le niveau des retraites des chefs d'exploitation, leurs époux. Cela ne peut satisfaire les personnes qui relèvent du régime agricole des non-salariés – je suis persuadé que vous avez déjà été interpellés, mes chers collègues, sur ces situations.
Il est assez incompréhensible en effet d'une part que vous réclamiez quelque chose il y a quelques années quand vous étiez dans l'opposition et qu'une fois arrivés dans la majorité, comme par hasard, vous n'arriviez pas à le mettre en place, d'autre part, que vous ne teniez aucun compte des promesses faites par le Président de la République Nicolas Sarkozy. Lui-même s'est engagé à plusieurs reprises sur le relèvement des retraites agricoles. Une fois de plus, ces promesses étaient-elles de purs mensonges ? Je vous pose la question. En tout cas, il y a quelque chose qui ne se passe pas bien dans la transmission entre ce que souhaite le Président de la République et ce qu'exécute le Gouvernement.