La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, la proposition de loi que nous allons examiner nous permet de faire aboutir la réforme de la médecine du travail, réforme nécessaire, réforme très attendue. Je tiens à saluer la qualité du travail de votre rapporteur, Guy Lefrand, et de votre commission, qui a procédé à de nombreuses auditions des différentes parties prenantes.
C'est une réforme attendue, ai-je dit, ce qui ne m'empêchera pas de vous en rappeler les différents étapes.
Dans mes précédentes fonctions de ministre du travail, j'avais proposé aux partenaires sociaux d'ouvrir une négociation sur ce thème. Il y a eu sept séances de négociations. Elles n'ont pas pu aboutir à un accord, mais elles ont permis d'avancer sur des points essentiels, par exemple sur la définition des missions de ces services.
Il y a eu ensuite une longue concertation avec les organisations syndicales et patronales. Je tiens à saluer leur travail, qui a été de grande qualité. Il y a eu vingt-quatre réunions de concertation. Puis, Xavier Darcos et Éric Woerth ont présenté les grandes orientations de cette réforme au Conseil d'orientation des conditions de travail. Ces orientations ont été débattues au Parlement dans le cadre de la loi sur les retraites.
C'est également une réforme nécessaire car la situation actuelle n'est plus tenable : ce point est reconnu à l'unanimité des parties. La médecine du travail doit évoluer et se moderniser pour répondre à de nouveaux défis.
Ces défis, vous les connaissez parfaitement. Ce sont notamment la prévention de la pénibilité du travail et de la désinsertion professionnelle, qui ont été au coeur des débats que nous avons eus lors de la réforme des retraites menée par Éric Woerth. Nous vivons plus longtemps, nous devons donc travailler un peu plus longtemps,…
…mais nous devons aussi travailler mieux.
Ces défis, ce sont aussi les risques liés à de nouvelles formes d'organisation du travail. Je pense aux risques psychosociaux, aux troubles musculo-squelettiques. Et ce sont également les défis de la prévention en milieu de travail, du suivi de la traçabilité des expositions, mais aussi de l'éducation à la santé au travail en entreprise.
Voilà pourquoi il est nécessaire d'avoir de vrais services de prévention de proximité, avec des médecins dont la place est réaffirmée au sein d'une équipe pluridisciplinaire. Il faut permettre aux services de santé au travail de mieux couvrir les différentes catégories de travailleurs.
Cette proposition de loi permet d'apporter des réponses concrètes à ces enjeux. Je voudrais en rappeler les principaux points.
Premier point, le texte clarifie la mission des 284 services de santé au travail interentreprises. Ces derniers devront contribuer davantage aux démarches de prévention des risques professionnels dans les entreprises, en s'appuyant notamment sur des équipes pluridisciplinaires.
C'est un progrès, et un progrès attendu. Quand on regroupe dans une même équipe des ergonomes, des ingénieurs, des toxicologues, des infirmières, des psychologues, eh bien oui, il est plus facile de prévenir la pénibilité, et tout particulièrement les grandes catégories de risques – TMS, CMR, psychosociaux –, dont les origines sont plus complexes.
Par exemple, on voit bien que, pour prévenir les troubles musculo-squelettiques, il faut que le médecin du travail puisse s'appuyer sur la compétence de spécialistes en ergonomie pour analyser les postes de travail et faire des préconisations.
Deuxième point, plus de deux millions de salariés qui sont aujourd'hui peu ou mal couverts par les services de santé au travail seront désormais mieux suivis. Je pense aux salariés des entreprises sous-traitantes, aux intérimaires, aux saisonniers, aux salariés du particulier employeur, aux stagiaires.
Là encore, je voudrais prendre un exemple concret : dans un grand site industriel, la surveillance médicale des salariés de petites entreprises sous-traitantes sera bien mieux assurée par le médecin du travail qui est en permanence sur le site et qui connaît bien les risques présents sur ce même site, y compris ceux liés à la coactivité, que par quelqu'un d'extérieur. C'est tout simplement du pragmatisme. Et c'est plus efficace pour assurer la prévention des risques.
Troisième point, ce texte permet de mettre en place une gouvernance par objectifs des services de santé au travail.
Cela veut dire que les services de santé au travail pourront privilégier certains objectifs parce qu'ils sont particulièrement présents sur un territoire donné, là où ils exercent la surveillance de la santé au travail. Je pense, monsieur le président Méhaignerie, à certains secteurs de l'agroalimentaire comme la volaille : le nombre de personnes atteintes de TMS y est supérieur à la moyenne nationale. Là aussi, coller au terrain, c'est tout simplement rechercher l'efficacité. Sur certains grands sites tertiaires, ce sont les risques psycho-sociaux qu'il faut mieux appréhender. Et dans certaines branches, ce sont davantage les risques chimiques.
Je l'ai dit, il faut bien cibler les risques en fonction des caractéristiques des territoires. Voilà pourquoi des conventions d'objectifs seront signées entre les services, l'État et la branche AT-MP des organismes de sécurité sociale, sur la base d'objectifs à la fois quantitatifs et qualitatifs. Les agréments de services donnés par les DIRECCTE, les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi, viseront à s'assurer que les moyens mis en oeuvre sont bien en adéquation avec ces objectifs.
Quatrième point, les instances de direction des services de santé interentreprises seront plus en phase avec les acteurs économiques et sociaux.
Cela suppose de renforcer la présence des partenaires sociaux dans les conseils d'administration à travers le paritarisme. Aujourd'hui, il y a deux tiers de représentants patronaux pour un tiers de représentants salariés. Demain, ce sera cinquante, cinquante.
S'agissant de la gouvernance, le Sénat avait proposé une présidence alternante. C'est un point qui a fait l'objet de débats. Et je voudrais saluer l'équilibre que vous avez su trouver : une présidence employeur et la fonction de trésorier confiée à un représentant des salariés. C'est un gage de transparence. Cet équilibre, le Gouvernement le soutient. Je sais que pour les partenaires sociaux, l'important est de voir aboutir la réforme dans sa totalité, comme ils l'ont encore rappelé récemment.
Cinquième point, et non des moindres, il est évident que l'indépendance des médecins du travail doit demeurer incontestable. J'y suis particulièrement attentif. Nous avons apporté des garanties supplémentaires à l'occasion de l'examen du texte au Sénat.
C'est cette indépendance qui permet la confiance, la confiance des salariés dans leur médecin du travail et dans leur entreprise. Cela a été réaffirmé solennellement dans la loi, avec un amendement gouvernemental qui a été adopté à l'unanimité au Sénat.
Mesdames, messieurs les députés, grâce à cette réforme, nous nous donnons les moyens d'améliorer les conditions de travail et la qualité de la vie au travail, en essayant de promouvoir une véritable culture de la prévention, de développer une approche collective des risques, au plus près des besoins des entreprises et des territoires, et dans le respect de l'indépendance indispensable et légitime des médecins du travail.
Je pense que nous en avons conscience ici, la santé au travail, ce n'est pas un sujet de spécialistes, c'est aussi un enjeu pour l'entreprise, pour les managers, parce qu'une entreprise qui négligerait la santé de ses salariés ne peut pas être compétitive, ni à court, ni à moyen, ni à long terme. C'est également une attente croissante de la société française tout entière, car la santé au travail est devenue aujourd'hui un élément essentiel de la santé publique. Je le dis d'autant plus facilement que je suis ministre du travail, de l'emploi et de la santé – dans le même ministère, il y a bien une cohérence –, notre action en ce domaine s'inscrit dans le droit fil de la politique que le Président de la République et la majorité ont voulue, qui vise à redonner du sens et de la valeur au travail. Travailler plus, oui, mais aussi travailler mieux. C'est cet équilibre entre les deux qui nous permet d'avancer, parce que travail et mal-être ne peuvent pas, ne doivent pas, aller de pair. Voilà pourquoi le Gouvernement soutient ce texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
La parole est à M. Guy Lefrand, rapporteur de la commission des affaires sociales.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des affaires sociales, mes chers collègues, je suis particulièrement heureux que nous puissions examiner aujourd'hui la proposition de loi de M. Nicolas About relative à l'organisation de la médecine du travail. Je remercie vivement le Gouvernement – et vous en particulier, monsieur Bertrand – de nous avoir permis d'en débattre juste avant la fin de la session ordinaire, et je me réjouis que ce texte soit par ailleurs inscrit au programme de la session extraordinaire, ce qui nous laisse espérer une issue rapidement positive au Sénat. J'ai d'ailleurs eu l'occasion de m'entretenir longuement avec la rapporteure de cette proposition de loi au Sénat, Mme Payet, sur le texte issu des travaux de notre commission des affaires sociales. Nous avons en effet souhaité amender le texte et l'améliorer. Et j'ai pu constater avec satisfaction que Mme Payet et moi-même étions totalement en phase, tant sur les points majeurs de la proposition de loi que sur la nécessité d'adopter rapidement le texte.
Son inscription à l'ordre du jour témoigne en effet de l'urgence à réformer notre dispositif de médecine du travail, alors même que le constat de son obsolescence a été posé depuis plusieurs années, que les partenaires sociaux sont parvenus à un accord sur ce sujet et que nous avons nous-mêmes voté des dispositions similaires dans le cadre du projet de loi portant réforme des retraites, il y a presque un an de cela, dispositions qui avaient été adoptées en CMP.
Étant à l'origine de plusieurs amendements adoptés dans ce cadre et travaillant depuis longtemps sur ce thème, je suis intimement persuadé de la nécessité d'adopter au plus vite la proposition de loi que nos collègues sénateurs ont déposée suite à la décision du Conseil constitutionnel du 9 novembre 2010, et qu'ils ont adoptée en première lecture le 27 janvier dernier. C'est d'ailleurs la demande de tous les acteurs de terrain de la santé au travail et de tous les représentants syndicaux et patronaux que j'ai pu rencontrer lors de nos auditions.
Nous connaissons tous les raisons qui poussent à agir. Il s'agit de l'évolution de la démographie médicale ; mais surtout d'un besoin profond de changement de notre conception de la santé au travail, qui ne peut plus être assurée par le seul médecin du travail. Qu'il s'agisse de répondre à l'apparition de nouveaux risques, comme les risques à effet différé ou les risques psychosociaux, de s'adapter à l'évolution du monde du travail, en renforçant la prévention de la désinsertion professionnelle et de la pénibilité, ou encore de donner enfin toute sa place à l'action en milieu de travail, le rôle du médecin du travail ne peut plus se concevoir en dehors d'une équipe pluridisciplinaire. De même, l'action des services de santé au travail interentreprises ne peut rester isolée sur les territoires. Il en va de la survie de notre dispositif.
La présente proposition de loi vise ainsi à approfondir les réformes entamées depuis une dizaine d'années, qui n'ont toujours pas trouvé leur traduction concrète sur le terrain. Les dispositions introduites en 2002 et 2004, qui ont créé les services de santé au travail et commencé à y introduire des compétences pluridisciplinaires, n'ont en effet pas suffi à donner un nouveau souffle à la médecine du travail. Et il en sera malheureusement ainsi tant que le système de prévention et de protection de la santé au travail restera centré sur le seul médecin du travail.
On lui demande toujours plus, en ordre dispersé, et sans s'assurer de ses possibilités d'action.
L'inscription dans la loi des missions des services de santé au travail ; la reconnaissance du rôle des équipes pluridisciplinaires et l'intégration des médecins du travail en leur sein ; l'implication des équipes dans une démarche de projet, et des services de santé au travail dans leur ensemble dans une dynamique régionale constituent ainsi l'épine dorsale de cette proposition de loi. La contractualisation permettra de tenir compte à la fois des besoins exprimés sur le terrain et des grandes orientations définies au niveau national et déclinées au niveau régional, comme le précise dorénavant très clairement le texte, grâce à un amendement de notre collègue Francis Vercamer. Les services de santé au travail ne seront plus isolés sur les territoires mais s'inscriront dans une démarche collective. Nos chers collègues de gauche devraient être sensibles au collectivisme !
Cette contractualisation, qui constitue en quelque sorte le pendant qualitatif de l'agrément délivré par les DIRECCTE permettra ainsi une meilleure couverture territoriale par les services de santé au travail et une plus grande cohérence d'action.
Je tiens à souligner qu'en dépit de ces évolutions, l'indépendance du médecin du travail reste parfaitement préservée. Ainsi, alors que le Conseil national de l'ordre des médecins avait émis des réserves sur le texte initial, il se considère aujourd'hui pleinement rassuré.
La commission des affaires sociales du Sénat a en effet introduit quatre articles, inspirés des dispositions applicables aux salariés protégés, afin d'étendre la protection des médecins du travail en cas de rupture de leur contrat de travail, et le Gouvernement a proposé un amendement lors de l'examen du texte en séance rappelant que « le médecin du travail assure les missions qui lui sont dévolues dans les conditions d'indépendance professionnelle définies et garanties par la loi ». Ce point ne fait donc plus débat.
Enfin, le texte apporte des réponses concrètes à l'absence de prise en charge par la médecine du travail de certaines catégories de salariés, notamment les plus fragiles, en autorisant des adaptations, soit par le biais d'accords collectifs, soit par décret. Il prévoit également la possibilité pour les internes en médecine du travail d'effectuer des remplacements au sein des services de santé au travail.
Au final, l'essentiel des dispositions de ce texte fait consensus à la fois parmi les partenaires sociaux et parmi les services de santé au travail interentreprises.
Nous avons évidemment eu, lors de notre réunion de commission, un débat sur la question de la gouvernance. Les arguments juridiques que j'y ai développés pour soutenir le retour à une présidence patronale des services de santé au travail n'ont pas eu l'heur de convaincre l'ensemble des membres de l'opposition.
Je vous conseille néanmoins, chers collègues, d'écouter les demandes réelles des partenaires sociaux plutôt que de vous accrocher à un paritarisme strict dont la mise en oeuvre n'aura pour effet que de bloquer le fonctionnement des services de santé au travail. Écoutez les représentants syndicaux lorsqu'ils disent qu'ils ne souhaitent pas prendre la présidence des conseils d'administration de ces services : FO, notamment, a une position très claire sur le sujet. La loi impose aux employeurs d'organiser les services de santé au travail. C'est aussi simple que cela.
Si les employeurs assument cette responsabilité et s'organisent sous forme d'associations de type loi 1901 pour répondre à cette obligation, alors ils doivent garder la maîtrise de l'administration de ces services et de l'utilisation de leurs cotisations. En revanche, et afin de répondre à certaines inquiétudes, la commission des affaires sociales a prévu que les salariés disposent de contre-pouvoirs, en leur confiant le poste de trésorier et celui de président de la commission de contrôle. Ce compromis doit permettre de satisfaire l'ensemble des parties en présence : d'après les auditions que j'ai menées sur ce texte, c'est le cas. Dépassons donc ce débat et allons de l'avant.
Faisons avancer la santé au travail en France. N'écoutons pas ceux qui voudraient nous faire croire que le médecin du travail doit être cantonné au rôle de vigie donnant l'alerte du haut de sa tour d'ivoire sans s'embarrasser de trouver des solutions et sans interagir avec la communauté de travail ou avec d'autres professionnels. Ce n'est ni ce qu'attendent aujourd'hui les salariés ni ce dont ont besoin les employeurs et encore moins ce à quoi aspirent les étudiants en médecine qui s'orientent vers la spécialité de médecine du travail.
C'est seulement intégré dans une équipe pluridisciplinaire, avec du temps enfin libéré pour mener des actions concrètes sur le milieu de travail et de nouvelles marges de manoeuvre pour décider des actions prioritaires à mener que le médecin du travail pourra exercer pleinement ses compétences.
C'est pourquoi, mes chers collègues, je vous demande de bien vouloir adopter le texte qui nous est présenté aujourd'hui et de contribuer ainsi à réformer au plus vite notre système de santé au travail. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche une motion de rejet préalable déposée en application de l'article 91, alinéa 5, du règlement.
La parole est à M. Alain Vidalies.
Les exigences de nos concitoyens en matière de prévention et de santé sont de plus en plus présentes dans le débat public. Elles le sont particulièrement dans le domaine du travail, et cela pour une raison simple : la place du travail demeure essentielle tant dans nos sociétés que dans la construction personnelle de l'individu. Le travail est indispensable pour assurer une indépendance économique, il est source de reconnaissance sociale, d'épanouissement individuel et collectif.
Dans l'appréhension d'une réforme de l'organisation de la médecine du travail et des services de santé au travail, il nous apparaît important de réaffirmer notre vision du travail, une vision qui ne réduit pas le travail à un simple échange sur un marché dans l'unique but de subvenir à ses besoins, mais qui intègre le travail dans sa dimension sociale. Nous considérons le travail comme un facteur de réalisation et d'épanouissement pour le salarié, lui offrant la possibilité d'utiliser, de mettre en oeuvre et de développer ses potentialités. C'est justement parce que le travail a cette dimension sociale importante que nous avons des exigences sur son contenu et sur sa qualité.
La prévention en matière de santé au travail est donc pour nous un enjeu majeur. Elle est encore plus primordiale dans une société où les liens collectifs de travail ne cessent de se déliter.
Pendant longtemps, avec les acquisitions successives de nouveaux droits sociaux au profit des salariés, nous avons vécu dans l'idée que les conditions de travail ne pouvaient que s'améliorer dans le temps. C'était bien évidemment sans compter sur les ravages de la financiarisation de l'économie. Les compromis sociaux qui avaient pu être trouvés entre le capital et le travail, marquant de nombreuses avancées sociales pour les salariés, ont laissé place à une seule logique : la course toujours plus effrénée à l'accroissement de la rentabilité.
Cette logique, dont les politiques de la majorité se sont nettement imprégnées ces dernières années, conduit à ne plus voir le travail comme un investissement mais comme un coût, à ne plus voir l'emploi comme un moyen mais comme une charge. La mondialisation a affecté de nombreuses entreprises qui, pour certaines, se sont mises à appliquer des modèles de ressources humaines et de management d'une grande brutalité, avec une vision uniquement comptable.
Ces changements dans l'organisation de la production et de la distribution ont conduit de manière générale à une détérioration des conditions de travail qui s'est manifestée notamment par trois évolutions néfastes pour les travailleurs.
Tout d'abord une intensification du travail : les salariés sont de plus en plus contraints par des obligations de résultats évaluées selon des critères quantitatifs et qualitatifs. Ces exigences s'accompagnent fréquemment, et toujours pour des raisons de rentabilité, d'une diminution des effectifs, obligeant les salariés à faire toujours plus.
Ensuite, la gestion des ressources humaines s'est déconnectée de l'humain. Surcharge de travail, inexistence des plans de carrière, incompatibilité des horaires de travail avec la vie sociale et familiale, et ainsi de suite. Cette gestion s'est trop souvent accompagnée d'un discours d'insécurité sur l'emploi : insécurité à l'échelle individuelle, avec l'explosion de la précarité ; et insécurité à l'échelle collective, avec une banalisation des délocalisations et très souvent un chantage à la non-délocalisation contre une dégradation des conditions de travail.
Enfin, troisième évolution néfaste, le processus d'évolution du travail est marqué par l'individualisation des tâches et l'individualisation de la situation des salariés. L'objectif d'augmentation de la production s'est très souvent matérialisé par une volonté de remettre en cause les solidarités dans l'entreprise et d'organiser une concurrence entre les salariés. Dans de nombreuses entreprises, l'individualisation du travailleur a été pensée comme une véritable stratégie.
À ces pratiques de management se sont conjuguées les politiques des gouvernements successifs de droite qui ont atténué, réduit, diminué les droits des travailleurs et fragilisé le rôle des organisations syndicales. On ne peut prétendre vouloir l'amélioration de la prévention pour la santé au travail et organiser en parallèle le démantèlement des protections collectives.
D'abord s'agissant de la durée du travail et son intensification, de multiples lois ont vidé de leur sens les 35 heures, en augmentant le contingent des heures supplémentaires, et en se passant de l'autorisation de l'inspection du travail pour dépasser ce contingent. La loi TEPA a certes été un échec économique, nous en débattrons à un autre moment, mais il faudra un jour en faire également son bilan sanitaire en termes de stress au travail. Il faut toujours le rappeler : ce n'est pas le salarié qui décide de faire des heures supplémentaires, ce n'est que l'employeur, et au surplus, jamais le salarié ne peut refuser de les effectuer.
D'autres exemples, comme la banalisation du régime du forfait jour, récemment condamné par les experts du Comité européen des droits sociaux, ont manifestement accentué ces risques. La décision rendue hier par la Cour de cassation montre, même si elle n'a pas remis le principe en cause, qu'il s'agit d'une forme d'emploi exceptionnelle qui doit être contrôlée. Le problème est qu'il s'agissait d'une disposition originellement réservée aux cadres dirigeants qui a progressivement été étendue aux simples cadres, puis aux salariés itinérants, si bien qu'aujourd'hui, il y a une extension très importante de ce qui reste une forme atypique d'emploi.
Vous avez également créé, avec la loi du 20 août 2008, une situation de risque pour les salariés, parce qu'en inversant la hiérarchie des normes, vous permettez des aménagements – pour ne pas dire des détériorations –, au niveau de l'entreprise. Or, nous savons très bien, notamment dans le cadre du chantage à l'emploi, à quels abus cela peut mener.
Faut-il rappeler le report de l'âge légal de départ à la retraite à 62 ans, et la non-reconnaissance de la pénibilité, dont vous avez organisé la confusion avec l'incapacité ? Vous avez ainsi réduit la prévention à la seule réparation, enfermée dans des règles inacceptables. Ce n'est pas la moindre des incohérences de constater qu'aujourd'hui, vous parlez uniquement de prévention alors que, dans la loi sur les retraites, vous n'avez abordé le sujet de la pénibilité que sous l'angle de la réparation.
Vous pouvez construire la meilleure prévention en matière de santé au travail qui soit, si en parallèle vous dénaturez le sens du travail et permettez aux techniques de management les plus agressives et les plus pathogènes de progresser, cette prévention ne sera qu'un leurre et un gage de bonne conscience.
Là réside peut-être la différence d'approche que nous avons : la médecine du travail ne doit en aucun cas avoir des accents « médicalisants » et des vertus réparatrices de l'impact des mauvaises conditions de travail. Elle doit au contraire prévenir l'existence de telles formes d'organisation du travail.
La France a fait le choix d'une organisation spécifique de la santé au travail fondée sur la prévention et reposant sur un corps de médecins spécialistes du travail. Nous affirmons notre volonté ferme de garder un exercice médical spécifique au milieu du travail. En France, la médecine du travail couvre un taux de salariés parmi les plus élevés de l'Union européenne. L'objectif qui lui a été assigné : éviter toute altération de la santé du fait du travail est l'une des plus grandes conquêtes sociales du siècle dernier. Nous sommes attachés à la spécificité de la médecine du travail préventive.
Mais nous sommes aussi lucides sur la réalité de la situation et sur la nécessité de réformer les services de santé au travail.
Il est évident que le statut de la médecine du travail doit évoluer d'abord parce que bon nombre de médecins vont partir à la retraite dans les années qui viennent. Les jeunes médecins ne se bousculent pas pour les remplacer dans cette spécialité souvent peu valorisée et décriée. Cette question de la démographie médicale est certes un constat partagé – comment faire autrement ? – mais j'observe que vous ne faites aucune proposition pour y répondre.
La lucidité, c'est aussi de constater que notre système de médecine préventive n'a pas pu empêcher la catastrophe sanitaire de l'amiante. Les victimes, leurs associations de défense, mais aussi les représentants des organisations syndicales nous rappellent en permanence et à juste raison cet échec majeur.
Il en est de même de l'explosion des AT-MP. Chaque année, à peu près 10 % des 16 millions de travailleurs du secteur privé ont un accident du travail – c'est considérable –,…
…dont environ 700 000 donnent lieu à un arrêt de travail et 50 000 à un arrêt de travail considéré comme grave, dans le sens où il induit une incapacité permanente au moins partielle. Les maladies professionnelles sont en expansion rapide et loin de ne concerner que des problèmes liés à l'amiante ou aux autres expositions professionnelles. En particulier, les troubles musculo-squelettiques et les pathologies liées au stress représentent actuellement les trois quarts des maladies professionnelles déclarées.
Ces chiffres augmentent tous les ans : il y a actuellement dix fois plus de déclarations de pathologies professionnelles qu'il y a quinze ans, en tenant compte des maladies nouvellement reconnues durant cette période. Le coût humain, mais aussi financier, est considérable. L'ensemble de ces pathologies et accidents représente ainsi un coût de 10 milliards d'euros annuels pour la branche travail de la sécurité sociale. De plus, on estime qu'une grande part de ces maladies professionnelles et de ces accidentés du travail souffrent d'une absence de déclaration et sont en réalité à la charge du régime général de la sécurité sociale. Ces chiffres ne sont pas brillants pour la France, qui, selon les statistiques de l'OCDE, apparaît plutôt mal placée s'agissant d'un problème de santé publique.
La pénibilité physique est quant à elle toujours une réalité. Certes, on ne travaille plus aujourd'hui comme il y a un siècle. Les normes de sécurité sont devenues plus strictes, la qualité des équipements utilisés s'est améliorée et la part des métiers les plus pénibles a logiquement baissé dans une économie marquée par l'augmentation du tertiaire. Pour autant, les conditions de travail ont plutôt eu tendance à se dégrader depuis trente ans. Plus de 40 % des ouvriers du bâtiment souffrent ainsi de douleurs lombaires. Et il faut noter que 100 000 travailleurs âgés de plus de cinquante ans travaillent régulièrement la nuit, dont près de la moitié plus de 200 nuits par an, ce qui a évidemment des répercussions sur leur espérance de vie.
Que dire également de l'explosion des risques psychosociaux ? Fatigues, troubles du sommeil, dépressions, suicides dans les cas les plus graves, ont pris, ces dernières années, une dimension alarmante au sein des entreprises françaises. Selon l'observatoire de la vie au travail, 65 % des salariés français se disent « stressés » au travail en 2010, contre 55 % l'année précédente. L'observatoire épidémiologique SAMOTRACE révèle que 24 % des hommes et 37 % des femmes évoquent un « mal être » en parlant de leur travail.
Les drames récents et les évolutions néfastes des conditions de travail nous permettent aujourd'hui d'avoir la conviction forte que la santé au travail et la médecine du travail ont besoin d'être mieux organisées, mieux soutenues, renforcées et valorisées.
Nous ne contestons donc pas la nécessité d'une réforme de fond, mise en évidence par de nombreux rapports, notamment du Conseil économique, social et environnemental et de l'Inspection générale des affaires sociales. Depuis 1946 et l'instauration des services de santé au travail, la situation a bien sûr évolué. Voilà pourquoi c'est avec un grand intérêt et beaucoup d'espoir que nous avons suivi les négociations entamées il y a deux ans entre les partenaires sociaux. La négociation a échoué, mais nous savons tous à quel point les partenaires sociaux étaient proches d'un accord. La proximité d'un tel accord et le nombre de positions communes des partenaires sociaux nous engagent et nous appellent à une attitude responsable et déterminée.
Nous sommes attachés à la spécificité française de la médecine du travail et à son financement. Nous partageons les conclusions du Conseil économique social et environnemental : « Un financement public nous semble devoir être écarté. La spécificité de la médecine du travail, et plus largement de la santé au travail, est directement liée aux conditions de travail en entreprise, sous la responsabilité de l'employeur. La préservation de la santé des salariés fait partie inhérente de la relation contractuelle de travail et la source du financement qui en résulte doit être maintenue, car elle renvoie à la responsabilité directe de l'employeur. »
La médecine du travail doit effectivement restée spécifique dans son champ d'activité médico-professionnel.
Mais ce mode de financement ne doit pas avoir pour conséquence une emprise patronale majeure sur le système ne lui offrant pas l'indépendance nécessaire à sa mission. Cette question est cruciale car il ne peut y avoir de véritable santé au travail sans une indépendance des acteurs de la prévention.
Si les dispositions renforçant l'indépendance des médecins du travail, notamment au regard des mobilités interentreprises, de la rupture du contrat de travail avant l'échéance du terme ou à l'arrivée du terme ou de la rupture conventionnelle, nous semblent aller dans le bon sens, elles sont encore bien insuffisantes par rapport à la réalité que nous connaissons tous, qui est celle de l'existence dans beaucoup d'entreprises d'une véritable porosité entre les services de santé au travail et les services administratifs des entreprises dont ils garantissent la prévention.
En ce sens, nous avons déposé une série d'amendements pour renforcer l'indépendance des services de santé au travail. La place et le rôle du médecin du travail qui doit rester le chef d'orchestre du dispositif, et non l'un parmi les autres et encore moins être soumis à des directives qui viendraient d'un directeur salarié du service de santé au travail.
Nous appelons votre attention sur la nécessaire protection des salariés qui vont administrer paritairement les conseils d'administration des services de santé au travail. Il est très dangereux de ne pas leur prévoir un statut de salarié protégé dans le cadre de ce mandat. Ainsi, vous soumettez ces nouveaux acteurs de la prévention aux possibles pressions des entreprises adhérentes des services de santé au travail sans leur donner les moyens juridiques d'y résister.
L'article 1er de la proposition de loi prévoit la désignation, par l'employeur, d'un ou de plusieurs salariés compétents pour s'occuper des activités de protection et de prévention des risques professionnels de l'entreprise. Cette nomination nous apparaît bien floue quant à ses contours et bien arbitraire quant à son principe. Il faudrait aller bien au-delà de ce que prévoit le texte et assortir cette nouvelle fonction de garanties relatives aux conditions de désignation, s'agissant de la protection des personnes concernées et du rôle des organisations syndicales dans cette démarche.
Nous partageons l'objectif de la pluridisciplinarité.
Mais cette pluridisciplinarité des équipes doit servir une meilleure prévention et ne doit pas être un moyen de confier indirectement les missions du médecin du travail à d'autres intervenants, moins protégés et dont l'indépendance n'est pas garantie. En ce sens, l'indépendance des intervenants qui exercent pleinement leur activité au sein des équipes pluridisciplinaires et qui ont donc accès a un certain nombre d'informations sensibles, fait partie des grands oublis de votre proposition de loi.
Vous auriez pu mettre en place une véritable pluridisciplinarité en reconnaissant le rôle de chef d'orchestre du médecin du travail et en garantissant à tous les intervenants la protection juridique nécessaire. Votre projet aurait alors eu une crédibilité, mais vous pouvez constater qu'elle n'est pas au rendez-vous.
Nous partageons l'objectif de la régionalisation des services de santé au travail, même si nous pensons qu'il faudrait aller plus loin que ces objectifs, en régionalisant – c'est notre proposition – l'organisation même de la médecine du travail sur une base paritaire. Mais l'indication selon laquelle les priorités des services de santé au travail sont précisées « en fonction des réalités locales » nous apparaît pour le moins dangereuse. Cette expression n'a aucun contour juridique concret. À quoi peut-elle servir, sinon à justifier, le moment venu, le fait de se dérober à ses obligations ?
Nous regrettons, je le répète, l'absence de solution à la pénurie de médecins du travail que la pluridisciplinarité ne doit pas être destinée à masquer. Les syndicats alertent depuis des années sur la situation catastrophique de la démographie médicale en médecine du travail. Plus de la moitié des médecins du travail ont plus de cinquante-cinq ans, alors que moins de quatre-vingts étudiants en médecine optent, chaque année, pour la médecine du travail, qui souffre chez les étudiants d'une image déclassée.
Votre inertie face à ce problème nourrit bien des interrogations légitimes. Vous ne pouvez en rester au niveau du constat. Il existait deux pistes possibles. Il suffisait de dire : nous allons rétablir les procédures passerelles mises en place dans les années 1995-1998 qui permettaient à des médecins généralistes de venir vers cette profession. Pourquoi ne l'avez-vous pas fait ? Vous en restez au niveau du constat. Cette réponse existait pour l'immédiat.
Deuxième piste pour le long terme, on ne peut pas constater la situation démographique aujourd'hui et ne pas s'interroger sur le maintien du numerus clausus en matière d'accès à ces études.
J'en viens à notre principal désaccord, et à l'une des principales raisons pour lesquelles nous voterons contre votre proposition de loi. Il s'agit, et vous l'aurez compris, de la gouvernance des services de santé au travail. C'est l'un des principaux dysfonctionnements de la médecine du travail et nous aurions pu espérer sur ce point un consensus politique et syndical, si vous n'aviez pas cédé à certaines injonctions du patronat, en refusant une gestion véritablement paritaire, c'est-à-dire avec une présidence alternée.
Nous sommes convaincus que l'une des pistes importantes pour répondre à la situation dont le constat peut être partagé, c'est l'implication des organisations syndicales de salariés et donc la mise en place d'un véritable paritarisme.
L'idée du paritarisme renvoie au dialogue social. Elle constitue en ce sens un progrès. Mais nous rejetons avec fermeté votre conception du paritarisme en ce qu'elle inclut dans le cas des services de santé au travail une présidence permanente des employeurs.
La remise en question de la rédaction adoptée au Sénat est donc au coeur de notre désaccord.
Le rapporteur a affirmé qu'une présidence tournante poserait d'insurmontables problèmes juridiques dans la mesure où les services de santé au travail sont constitués sous forme d'associations de type loi de 1901, dont seuls les employeurs sont membres, et que le principe de la liberté d'association exigerait de confier à ces derniers la présidence du conseil d'administration.
Allez jusqu'au bout de votre démonstration, monsieur le rapporteur. Si c'est ce principe qui rend les choses inconstitutionnelles, que vous ayez la présidence ou un seul membre amené à voter ou à prendre des dispositions serait tout à fait inacceptable, y compris quand le trésorier émanerait des salariés. Nous aurions alors le même obstacle juridique.
En réalité, vous le savez parfaitement, toutes les réponses juridiques sont possibles : elles ont déjà été utilisées dans d'autres secteurs spécifiques, comme le sport, pour que la loi de 1901 soit compatible avec les objectifs du législateur. Il y a là un cadre de liberté que l'on peut respecter, mais il ne faut pas qu'il vous serve de paravent pour justifier votre positionnement politique.
Le texte n'évoque d'ailleurs pas le conseil d'administration au sens de la loi de 1901, mais le conseil de gestion de l'organisme paritaire, ce qui n'est pas du tout la même chose. Votre tentative de confusion sémantique est seulement destinée à justifier votre choix politique.
Votre proposition de loi ne répond pas aux exigences d'une véritable réforme de la santé au travail ni sur la question du rôle du médecin du travail, ni sur celle de la structure de gouvernance, et n'apporte aucune solution à la crise de la démographie médicale. Ces points sont pourtant majeurs pour notre avenir commun.
Nous faisons, quant à nous, trois propositions importantes. Nous sommes favorables à la régionalisation avec un véritable paritarisme, une organisation dans laquelle il y aurait, au niveau régional, une structure paritaire chargée de la médecine du travail dans laquelle les médecins du travail seraient directement salariés. Pourquoi le niveau régional ? Face à l'agence régionale de santé, il faut une structure régionale, décisionnelle qui soit l'interlocuteur qui montre la place accordée à la santé au travail par les pouvoirs publics. C'est une proposition forte qui est très éloignée de ce que vous nous proposez. Elle suppose un véritable paritarisme avec alternance. Cette piste qu'ouvrait timidement le texte du Sénat vous l'avez refusée, c'était encore trop pour vous.
La médecine du travail n'est pas satisfaisante aujourd'hui. On peut considérer qu'il ne faut rien changer, remettre les clés entre les mains des employeurs – c'est un peu ce que vous faites. Mais on peut se dire aussi qu'il manque un investissement des lieux de pouvoir et de contre-pouvoir. C'est la raison pour laquelle nous choisissons, nous, de faire une proposition forte sur le renforcement de la place des comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, les CHSCT.
Monsieur le rapporteur, aborder la question de la médecine du travail sans parler des CHSCT est un exploit idéologique pour le moins impressionnant !
Quant à nous, nous sommes favorables à l'élection directe des membres des CHSCT ; nous sommes favorables à ce qu'ils aient davantage de pouvoir de contrôle, d'alerte, à ce qu'ils disposent d'un budget propre, qu'ils puissent engager des actions. Nous sommes enfin favorables à des CHSCT qui permettront à l'ensemble des salariés d'être représentés – ne parlons plus seulement des entreprises de plus de cinquante salariés.
Quelques textes auraient pu faire consensus. Je suis donc extrêmement étonné de votre timidité, voire de votre amnésie en l'espèce.
Ilest aussi nécessaire de renforcer le droit d'expression des salariés. On l'a vu avec France Télécom : 80 % des salariés ont répondu au questionnaire. Il ne suffit pas de commenter cette situation, il faut aller au-delà des lois Auroux. Nous proposons qu'un questionnaire – établi avec les CHSCT, l'employeur et la médecine du travail – soit envoyé, tous les deux ans, à l'ensemble des salariés de manière que chacun, à titre individuel, puisse s'exprimer et que, sur la base des résultats collectés, une négociation puisse s'engager, avec pour objectif la santé au travail, clairement inscrit dans la loi. Telles sont nos propositions, bien éloignées des vôtres.
Votre proposition de loi est un rendez-vous manqué. Vous en êtes certainement conscients sinon, comment expliquer la méthode choisie à l'origine d'imposer le vote de ce texte par voie d'amendement dans le projet de loi sur les retraites, ce texte n'ayant de proposition de loi que le nom ? En réalité, la majorité reprend le texte élaboré par le Gouvernement.
Le débat au Sénat avait permis une avancée sur la gouvernance. Nous vous avions du reste dit qu'elle n'était pas négligeable. Au Sénat, le groupe socialiste s'est abstenu compte tenu de son désaccord sur l'ensemble. Mais lorsqu'il y a une avancée, nous savons la reconnaître.
Pour vous, c'est encore trop. Force est de constater que la majorité de droite de l'Assemblée s'apprête, comme d'habitude, à être aux ordres du Gouvernement,…
…qui, après la tentative de passage en force au moment du débat sur les retraites, veut maintenant nous imposer un texte qui ne répond en rien aux graves problèmes que pose aujourd'hui la question de la santé au travail.
Dans ce contexte, le groupe socialiste, radical et citoyen vous demande d'adopter cette motion de rejet. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
La parole est à M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires sociales.
Nous écoutons toujours avec beaucoup d'attention M. Vidalies, qui peut parfois émettre des suggestions. En l'occurrence, je constate qu'il est difficile d'être dans l'opposition sur un texte qui aurait pu être largement consensuel. Toutes les questions qu'il a posées trouvent leur réponse dans le rapport.
Parler des CHSCT est important, mais nous ne pouvons pas mépriser les partenaires sociaux qui débattent en ce moment même du texte.
Quant à la crise de recrutement, qui est réelle, vous savez fort bien, monsieur Vidalies, qu'elle a commencé en 1984 pour des raisons liées à l'internat. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
S'agissant de la non-alternance de la présidence, on observe un certain consensus parmi les organisations, Guy Lefrand l'a rappelé.
L'intensification du travail existe, mais elle est la conséquence des 35 heures, en particulier dans l'industrie.
Je parle en connaissance de cause : dans ma région, beaucoup d'entreprises soumises à la concurrence mondiale sont passées aux 28 et aux 38 au moment de la mise en oeuvre des 35 heures. Les ouvriers de l'industrie ont lourdement payé les 35 heures.
Pour ce qui est des heures supplémentaires, ne caricaturons pas. Elles sont demandées par une partie des salariés.
Elles sont nécessaires pour assurer une certaine flexibilité.
Même dans l'opposition, monsieur Vidalies, il faut de temps en temps savoir s'élever au-dessus des polémiques et se rallier aux textes consensuels. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Dans les explications de vote, la parole est à M. Francis Vercamer, pour le groupe Nouveau Centre.
Ce texte était attendu à plus d'un titre. La loi sur les retraites prenant en compte la pénibilité, la médecine du travail se devait d'être en mesure d'établir sa traçabilité. Il était donc important de modifier les missions des médecins du travail en la matière.
Face à l'explosion de maladies professionnelles et d'accidents du travail, il fallait également prendre des mesures. Mais, comme l'a fait observer le président Méhaignerie, cette explosion coïncide avec l'instauration des 35 heures. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Vous ne cessez de répéter que la productivité de la France n'en est pas moins la meilleure au monde, mais la conséquence, ce sont les troubles musculo-squelettiques et les risques psycho-sociaux. Telle est la conséquence directe des 35 heures. Je n'avais pas fait figurer cette observation dans un de mes rapports budgétaires pour éviter la polémique.
Le plan Santé au travail, sous Gérard Larcher, puis sous les ministres du travail suivants avait pour objectif d'améliorer les conditions de travail et de fixer des orientations. La présente proposition de loi vise à décliner ces orientations et à lutter contre les maladies professionnelles. Il est question de médecine du travail et non de médecine du travailleur et d'amélioration des conditions de travail dans l'entreprise à partir de la constatation de troubles qui apparaissent chez les travailleurs.
S'agissant de la gouvernance, il ne faut pas tout confondre. Le médecin du travail est indépendant, faut-il le rappeler ? Les partenaires sociaux que j'ai pu rencontrer souhaitent du reste que cette indépendance soit étendue à l'ensemble des représentants du personnel, car le médecin est le mieux protégé.
Pour ma part, j'ai proposé qu'elle soit étendue à l'ensemble de l'équipe pluridisciplinaire. Nous verrons le sort qui sera réservé à mon amendement.
Le service interentreprises mutualise les fonds et fait en sorte que le service de santé au travail soit un peu moins coûteux pour les PME. Il s'agit de mutualiser les cotisations et d'apporter le meilleur service au meilleur coût aux entreprises. C'est d'abord cela, le service de santé au travail avec des médecins et des équipes pluridisciplinaires dont la mission est d'améliorer les conditions de travail et d'assurer les visites d'aptitude.
Le risque de la présidence alternée, c'est la dilution des responsabilités de l'employeur.
L'employeur a une responsabilité morale, certes, mais surtout pénale concernant la santé des travailleurs. La faute inexcusable qui s'étend actuellement – notamment avec le drame de l'amiante – est liée à cette responsabilité. Avec la présidence alternée dans les services de santé, on risque de diluer la responsabilité et d'aboutir à l'effet inverse de celui recherché, à savoir une meilleure sécurisation des salariés dans l'entreprise.
S'agissant des CHSCT, à partir du moment où il y a un débat entre les partenaires sociaux, n'allons pas plus vite que la musique. Vous le reprochez suffisamment au Gouvernement pour ne pas procéder de même.
Je me souviens que vous me l'aviez reproché à propos d'un amendement sur un texte précédent, monsieur Vidalies.
L'arroseur arrosé, monsieur Vidalies.
Vous aurez compris que le groupe Nouveau Centre ne votera pas la motion de rejet préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
J'ai attentivement écouté les arguments de M. Vidalies.
Il nous a parlé de la financiarisation de l'économie, des conséquences de la mondialisation – débat fort intéressant au demeurant –, du processus de l'évolution du travail, de la politique de management. Il nous a parlé de tout, sauf des 35 heures !
Vous avez dressé l'état de réformes proposées par le Gouvernement et votées par le groupe UMP. Le seul problème, monsieur Vidalies, c'est que ces réformes étaient placées sous le prisme socialiste !
Le moins qu'on puisse dire c'est que vous n'avez pas fait preuve d'objectivité, ce que je déplore.
Nous ne pouvons donc partager votre analyse sur l'ensemble de ces réformes et, encore moins, en tirer les mêmes conclusions.
La médecine du travail, avez-vous dit, ne doit pas être réparatrice des conséquences. Soit : nous prônons nous aussi la mise en oeuvre d'une médecine préventive. Mais la prise en compte de la pénibilité, que vous voulez voir étendue, n'est-elle pas une manière de réparer les conséquences de l'usure du travail ?
Il faut donc faire très attention à ce que vous pouvez dire.
Pour être complet, vous auriez également dû évoquer la veille de la désinsertion professionnelle qu'organise le texte.
Vous avez donc balayé d'un revers de main des sujets pour lesquels, d'ordinaire, vous êtes les premiers sur le champ de bataille.
Vous admettez être d'accord avec les préconisations de l'inspection générale des affaires sociales à propos de la nécessité d'une réforme de la médecine du travail. Adoptons une attitude de cohérence entre actes et propos, répondons à l'attente à la fois des salariés, des employeurs, des professionnels de santé, des services liés à la médecine du travail mais aussi des partenaires sociaux, qui sont nombreux, je vous le rappelle, à prôner l'adoption de cette réforme de la médecine du travail.
Malheureusement, une fois de plus, vous ne serez pas au rendez-vous. Je le déplore.
Une chose est sûre, les députés du groupe UMP voteront contre cette motion de rejet préalable. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Tiens les 35 heures : cela faisait longtemps ! Comme si tous les maux de notre pays venaient des 35 heures ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Eh oui !
Pourquoi ne les avoir pas supprimées alors que vous êtes depuis neuf ans au pouvoir ? Quelle inefficacité !
Si la dégradation des conditions de travail est due aux 35 heures, pourquoi donc avez-vous augmenté les contingents d'heures supplémentaires ? Où est la cohérence ? Et, bien sûr, avant les 35 heures, tout le monde le sait, il n'y avait pas besoin de médecine du travail...
Nous nous accordons tous sur l'importance de la médecine du travail dans notre pays, pour notre vie sociale et pour la santé de nos concitoyens. Les conditions de travail dans les entreprises évoluent sans cesse, et les risques aussi, qu'il s'agisse de leur nature ou de leur intensité. Ils nécessitent un effort de prévention qui ne doit pas se relâcher.
Après une négociation sociale qui n'a pas abouti, après votre tentative de passage en force au moment de la loi sur les retraites, la présente proposition de loi ne nous satisfait pas.
Déjà, dans la loi sur les retraites, la non-prise en compte de la pénibilité nous avait fortement inquiétés. Parallèlement, le développement des risques psychosociaux, illustré par certains événements fortement médiatisés, a suscité notre attention comme celle de notre assemblée, qui a créé une mission d'information.
Aussi notre déception est-elle grande à la lecture de votre proposition de loi. Nous n'y trouvons pas de garanties quant à la spécificité de la médecine du travail, élément très important sur lequel nous aurons l'occasion de revenir dans la discussion générale. Il nous semble que, dans ce texte, se trouvent en germe certaines atteintes à cette spécificité à laquelle nous sommes très attachés.
L'indépendance des médecins du travail n'est pas clairement garantie. Le mode de gestion des services de santé au travail est, contrairement à vos affirmations, non paritaire. En dotant le représentant des employeurs d'une voie prépondérante, vous lui attribuez automatiquement la présidence du conseil d'administration. Il y a là une incohérence avec votre prétendue volonté de dialogue social et votre souhait affiché de susciter une mobilisation collective sur cet important sujet.
Enfin, je voudrais souligner à mon tour l'absence complète dans votre texte de mesures susceptibles de traiter la question sensible de la pénurie de médecins du travail. Or, nous le savons, c'est là que réside la principale difficulté : le système de santé au travail, sans médecins du travail, est mis en péril. C'est à ce chantier qu'il faut travailler dès maintenant puisqu'il faut du temps pour former des médecins du travail.
Pour toutes ces raisons, nous voterons la motion de rejet préalable. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
(La motion de rejet préalable, mise aux voix, n'est pas adoptée.)
J'ai reçu de M. Yves Cochet et des membres du groupe de la Gauche démocrate et républicaine une motion de renvoi en commission déposée en application de l'article 91, alinéa 6, du règlement.
La parole est à M. Roland Muzeau.
Pour lever toute ambiguïté sur le sens de notre motion de renvoi en commission, je tiens dès à présent à indiquer que les députés communistes, républicains et du parti de gauche considèrent qu'il est urgent et nécessaire d'agir pour donner aux professionnels que sont les médecins du travail le pouvoir d'agir en toute indépendance sur le travail lui-même et son organisation trop souvent pathogène pour les salariés.
Si le statu quo n'est plus tenable, la réforme, aussi attendue soit-elle, ne saurait justifier n'importe quel compromis sur l'épineuse question de la gouvernance. Elle ne saurait pas plus justifier que soit évacué de ce débat tout questionnement sur l'impact de la réforme envisagée des services de santé au travail, que ce soit sur la santé des salariés, sur les fondements mêmes de la médecine du travail et sur les conditions de son exercice mais aussi sur la responsabilité des employeurs en matière de gestion des risques.
Nous ne pensons pas qu'en l'état actuel cette proposition de loi permette de sortir les services de santé au travail interentreprises de la mainmise patronale locale, marquée par une gestion comptable à courte vue des risques professionnels. Ce faisant, elle passe à côté de l'objectif qui lui est pourtant officiellement assigné, à savoir l'inscription, au-delà des mots, de la santé au travail dans le cadre général de la politique de santé publique.
Voilà rapidement brossées les raisons pour lesquelles nous exprimons notre opposition non à toute réforme mais à cette réforme, que nous tenterons de corriger par l'intermédiaire d'une quarantaine d'amendements.
Indiscutablement, en matière de santé au travail les besoins à satisfaire sont encore immenses. Ainsi, trop de salariés, du fait de leur statut précaire et hybride, échappent à tout suivi.
Beaucoup reste à faire comme en témoigne la plupart des indices de santé au travail mesurant la dégradation de l'état de santé des salariés, les différences d'espérance de vie persistantes entre catégories socioprofessionnelles et entre hommes et femmes.
Indépendamment des polémiques sur la sous-déclaration et la sous-reconnaissance des maladies professionnelles, sur les tentatives de manipulation permanente des tableaux, les accidents du travail stagnent à un trop haut niveau. Quant aux maladies professionnelles qui ont plus que quintuplé en dix ans, elles ont augmenté de plus 5,1 % en 2009, frôlant la barre de 45 500 cas indemnisés.
Les troubles musculo-squelettiques, marqueurs de la pénibilité au travail, en cause dans plus de 80 % des maladies professionnelles, ont quant à eux progressé de plus de 7,2 %. Le nombre de victimes de cancers professionnels est lui aussi en forte hausse.
La mission d'information sur les risques psychosociaux n'a pu que constater l'émergence de ces nouveaux risques avec des pathologies liées aux mutations du travail, responsables de la moitié des arrêts de travail de courte durée. L'organisation du travail très agressive, les réorganisations ultra-rapides, les restructurations permanentes, la charge de travail croissante des salariés, les modes violents de management, conséquences de la mondialisation financiarisée de notre économie post- industrielle, mettent à mal la santé voire la vie des salariés et confrontent les médecins à de nouvelles problématiques, sans compter les enjeux du maintien dans l'emploi des quinquagénaires et de la pénibilité au travail.
En avril dernier, le Conseil d'orientation des conditions de travail a de nouveau dressé un triste état des lieux de la santé et de la sécurité au travail tout en soulignant l'insuffisance de l'activité sur les conditions de travail, dites de tiers-temps, que les services de santé au travail sont, d'après les textes, censés mener en priorité par rapport aux visites médicales.
D'autres faits militent en faveur de l'évolution de notre système de santé au travail, lequel, malgré les enseignements du drame de l'amiante, continue dangereusement de subordonner la logique de santé aux impératifs économiques et de s'écarter de l'exigence de séparation entre activités d'évaluation et de gestion des risques.
Le dossier « La santé des salariés en mal d'électrochoc » paru dans le magazine Liaisons sociales d'avril 2011, montre si besoin était que « ni l'investissement des partenaires sociaux dans la prévention, ni la reprise en main par l'État de la politique de santé au travail » ne produisent de résultats. Plus de sept ans après que la Conseil d'État a condamné la puissance à indemniser les victimes de l'amiante pour avoir failli à sa responsabilité en matière de prévention et alors que nous en sommes au deuxième plan santé au travail – 2010-2014 –, « la politique publique de santé au travail s'esquisse à peine », déplore Arnaud de Broca, secrétaire général de la Fédération nationale des accidentés du travail et handicapés.
Il existe plusieurs raisons à cela : la succession de ministres mais surtout l'absence de suivi et de pilotage politique des impulsions données et le peu de moyens consacrés à cette priorité supposée – 120 millions d'euros pour le deuxième plan santé au travail. Si les effectifs de l'inspection du travail ont été renforcés par la création de 500 postes entre 2007 et 2009, la RGPP réduit désormais les possibilités de contrôle, donc l'effectivité des ambitions affichées.
En matière de démographie de la médecine du travail, l'inertie des pouvoirs publics et le défaut d'anticipation sont tout autant en cause. La pénurie est incontestable. Alors qu'il manque déjà près de 600 médecins sur un total de 6 000 professionnels en charge de la surveillance de 15 millions de salariés, alors que seulement 370 nouveaux médecins auront été formés, un rapport de l'IGAS de 2007 évaluait à 1 700 le nombre de départs à la retraite de médecins du travail dans les cinq ans : 5 600 médecins devraient avoir atteint ou dépassé l'âge légal de départ à la retraite d'ici à dix ans, soit près de 80 % de la population totale des médecins du travail.
Les auteurs de ce rapport ont confirmé que « jusqu'à présent le traitement de cette crise démographique n'a pas fait l'objet d'une action cohérente et continue ». Ils accusent les mesures palliatives qui ont été développées – expérimentations de glissements de tâches des médecins vers les infirmières du travail, reconversions de généralistes après obtention de la capacité en médecine du travail – d'avoir paradoxalement nui à l'attractivité de cette profession.
Le passage des visites d'un rythme annuel à bisannuel, présenté comme devant permettre aux médecins de dégager un tiers-temps en faveur de l'action en milieu professionnel, alors qu'en réalité il était question de gérer le manque de personnels, a effectivement fait reculer le nombre de visites mais « ses effets en termes de temps médical ont été en deçà des attentes. »
Il y a quatre ans, de tels constats conduisaient déjà Bernard Salengro, président du syndicat des médecins du travail de la CFE-CGC, à dénoncer « ce détricotage d'une certaine conception de la santé au travail. » Dominique Huez, vice-président de l'association « Santé et médecine du travail » soulignait quant à lui qu'« avec le financement de la pluridisciplinarité par les seules ressources des services de santé au travail, sans donner de garanties d'indépendance aux IPRP et en l'absence de mesures conservatoires permettant de renouveler le corps médical, les pouvoirs publics ont construit un système qui n'attaquait pas de front la médecine du travail mais qui a contribué à la fragiliser. »
Ces remarques demeurent tristement d'actualité. La médecine du travail continue de mourir du manque de praticiens et l'on parachève le mouvement de remise en cause de l'organisation d'ensemble des services de santé au travail, sans pour autant prendre les mesures conservatoires indispensables pour éviter l'extinction des médecins du travail. Dans ces conditions, la réforme ne pouvait être que contestée.
Comme l'a fort justement déploré Christian Dellacherie dans son rapport de 2008 pour le Conseil économique et social, depuis l'année 2000, les «moyens et les outils à disposition des professionnels des services de santé au travail ont qualitativement été modifiés mais dans un cadre global inchangé. » Les textes législatifs, réglementaires se sont succédé, dans un contexte de tension démographique, « pouvant alimenter l'idée que les réformes étaient conduites par nécessité plus que par l'objectif de renforcer l'efficacité du système ».
Une fois posées certaines exigences – détermination par voie réglementaire d'un numerus clausus définissant l'ampleur de l'augmentation du nombre de médecins, renouvellement des ressources enseignantes et de la formation, y compris des infirmières – les syndicats de médecins du travail sont unanimes à vouloir une réforme authentique, au service exclusif de la préservation de la santé des salariés, sans ambiguïté ni conflit d'intérêt, à même de permettre aux professionnels, en nombre, d'aller davantage sur le terrain tout en conservant une pratique quotidienne de la médecine du travail. Ils appellent de leurs voeux une évolution leur donnant concrètement et effectivement le pouvoir d'agir sur les conditions physiques et psychiques de travail au lieu d'être utilisés pour la simple évaluation et gestion des risques. C'est le sens de la pétition signée par 22 000 personnes, dont près de 1 200 professionnels de la santé au travail, en faveur d'une médecine du travail effective, revalorisée et indépendante, une médecine philanthrope gardant ses valeurs et sa déontologie.
Le Conseil national de l'ordre des médecins s'est prononcé tout aussi clairement et fermement après l'adoption l'été dernier, dans le cadre de la réforme des retraites, de ce qui est devenu cette proposition de loi. Selon son courrier de protestation, « le texte voté ne correspond pas aux attentes des salariés, qui doivent bénéficier d'une prise en charge globale de leur santé. Il ne répond pas non plus aux nécessités de l'exercice des médecins du travail dans le respect de leur indépendance technique. Le médecin du travail doit être le coordonnateur de l'équipe de santé pluridisciplinaire. L'intervention de médecins non spécialisés en médecine du travail envisagée par le texte ne doit pas conduire à une perte de qualité et doit se faire au sein du service de santé au travail, sans être déconnecté de la connaissance du milieu de travail et des postes de travail. L'indépendance du médecin doit être préservée dans les actions qu'il estime nécessaire de mener dans les entreprises et auprès des salariés. »
Nous souscrivons entièrement à ces exigences. Nous aurions souhaité qu'à cette réforme soient assignés les grands objectifs dessinés par le Conseil économique et social en 2008, c'est-à-dire qu'elle serve, au-delà du slogan, la santé publique, tout en conservant la spécificité de l'organisation de la médecine du travail à la française.
Ainsi, il aurait fallu maintenir le rôle de chef d'orchestre que joue le médecin du travail dans l'organisation de la santé au travail, et développer une véritable pluridisciplinarité, par le biais de l'inspection du travail et des caisses d'assurance retraite et de la santé au travail, sans réduire pour autant la place du médecin du travail au sein de l'équipe.
Il aurait également fallu réaffirmer l'obligation de résultat de l'employeur en matière de protection de la santé et de prévention des risques professionnels, sans la confondre avec la surveillance de la santé des salariés, qui relève de la responsabilité des médecins du travail. Il aurait aussi fallu mener à son terme la mutation inachevée des outils tels que l'aptitude, sans quoi, de l'aveu de tous, on limite les capacités d'évolution du dispositif de santé au travail vers une logique de prévention collective.
Nous attendions en outre d'un texte cadre qu'il saisisse 1'interdépendance entre l'autonomie de ces professionnels vis-à-vis de l'employeur, le mode de financement des services exclusivement à leur charge et la gouvernance ; qu'il mette définitivement les médecins à l'abri des pressions qui, chez France Télécom, les ont entravés dès lors qu'ils n'agissaient pas conformément à la doctrine managériale ; qu'il apaise leurs inquiétudes quant à l'efficacité de leur rôle et l'énorme frustration qu'ils éprouvent, par exemple lorsque leurs préconisations d'adaptation de poste restent lettre morte.
Faute d'obéir à cet esprit, la proposition de loi continue de susciter une profonde désapprobation que l'on ne saurait réduire, comme tente de le faire notre rapporteur, à « quelques poches de résistances réfractaires aux évolutions de fond de la médecine initiées depuis 2002 ». En réalité, la déception que provoque votre méthode et les objections de fond opposées à votre texte sont à la mesure des attentes dont il a fait l'objet.
Je ne m'attarderai pas sur la forme, mais il n'est pas inutile de rappeler les principales raisons du blocage puis de l'échec, en octobre 2009, de la négociation interprofessionnelle sur la médecine du travail, dans la mesure où elles ont déterminé le contenu du présent texte.
S'agissant de la gouvernance, pour le négociateur du MEDEF, l'apport fondamental du projet d'accord était de « permettre aux syndicats d'être associés à la gestion des SST ». La partie patronale se disait même prête à réécrire le texte pour préciser que les conseils d'administration pourraient devenir strictement paritaires, au lieu d'être composés aux deux tiers d'employeurs.
Ce message a été bien reçu par la majorité présidentielle, qui s'est contentée d'inscrire ce principe dans le texte initial. Nous verrons que ce point continue de faire débat, et que, malgré les apparences, la majorité n'est pas disposée à aller plus loin que la préférence patronale en matière de santé au travail.
Sur d'autres sujets, la majorité a été tout aussi attentive… et, on peut le dire, bien peu volontariste. Ainsi, lors de la négociation, le patronat refusait d'aborder le financement des services de santé au travail selon d'autres critères que le nombre de visites médicales, ainsi que le recouvrement des cotisations par les SST. Le voilà exaucé : il n'en est pas question dans le texte. L'intransigeance patronale à propos de l'aptitude s'est elle aussi révélée payante ; mais nous n'en parlerons pas non plus ici, sinon par le biais d'un amendement.
Les organisations syndicales de salariés espéraient que la reprise en main du dossier par le Gouvernement permettrait un véritable dialogue ; cet espoir a été déçu. Car c'est au détour d'amendements à la réforme des retraites que les dispositions relatives à la médecine du travail ont vu le jour, dans une version très proche des positions du MEDEF.
Ainsi, selon la CGT, votre démarche législative n'ose pas suffisamment s'affranchir des limites du résultat d'une négociation interprofessionnelle décevante, révélatrice, pour l'essentiel, de l'inadéquation aux problèmes posés des compromis issus de compromissions au sein de la nébuleuse patronale.
Le Gouvernement n'a pas non plus mis à profit la censure par le Conseil constitutionnel, pour des raisons de forme, des articles 63 à 77 du projet de loi sur les retraites pour présenter d'autres propositions, ni pour tenter de rapprocher les points de vue des deux assemblées sur la gouvernance paritaire et la présidence tournante.
Ainsi, le texte que nous allons examiner, sur une initiative centriste cette fois, n'en reprend pas moins quasi intégralement les dispositions des articles retoqués. Il affiche lui aussi l'ambition de faire de la santé au travail un enjeu de santé publique, mais, sous prétexte de pluridisciplinarité – une pluridisciplinarité que tous s'accordent à juger nécessaire, car efficace –, il réduit et dévoie les missions des médecins. En outre, par ricochet, il dilue les responsabilités des employeurs et répond mal aux attentes de progrès en matière de santé des salariés. En somme, ce texte est loin d'être à la hauteur des enjeux du problème.
Les critiques générales viennent d'abord de votre camp. Ainsi, au centre, notre collègue Vercamer regrette que le texte « n'aborde pas l'architecture globale de la santé au travail ». Dominique Dord, du groupe UMP, est tout aussi explicite : « Si cette PPL règle un certain nombre de questions en matière d'organisation, elle nous laisse sur notre faim quant au fond. »
Quant à FO, qui critique l'ensemble du texte, elle déplore « l'absence de pilotage national en matière de prévention, le renvoi systématique aux “réalités locales” ne garantissant aucune égalité de traitement ». Nous ajoutons à ces griefs l'absence de mesures sur la démographie, la formation et l'attrait de la profession.
Votre silence est tout aussi éloquent à propos d'autres acteurs de la santé au travail que sont les salariés, par l'intermédiaire des comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail. Vous auriez pu vous contenter d'ignorer cette instance ; vous préférez la contourner et fragiliser ainsi les salariés. Jean-Marc Bilquez considère ainsi au nom de FO que « la désignation par l'employeur de salariés qui seront “compétents” en matière de protection et de prévention des risques professionnels est un danger institutionnalisé. Cette mesure court-circuite les institutions représentatives du personnel, et plus particulièrement le CHSCT, sans offrir de légitimité élective ou de statut cohérent au[x] salariés qui devront endosser une responsabilité qui n'est pas la leur ».
Au cours du débat, vous n'aurez de cesse de nous dire – et ce sera votre seul argument – que le texte recueille globalement l'assentiment des partenaires sociaux. Et vous ferez valoir que le seul véritable motif de désaccord était et demeure la gouvernance des services de santé au travail. Mais la position des partenaires sociaux est bien différente de cette version angélique : tous vous disent plutôt que le texte est mieux que rien.
Arrêtons-nous ainsi sur les remarques formulées par la CGT dans un courrier à la présidente de la commission des affaires sociales du Sénat qui porte sur le texte initial : « la réaffirmation du principe de pluridisciplinarité, l'émergence d'un pôle régional de responsabilité, l'inscription des missions des services de santé au travail dans la loi vont dans le bon sens. Mais la greffe d'un nouvel état d'esprit, d'une nouvelle culture ne prendra pas sans que ne soit construite et solidement défendue une forte cohérence entre les objectifs et la gouvernance d'un système qui, jusqu'alors, a beaucoup failli. Le paritarisme pourra-t-il y suffire ? S'agissant d'une instance opérationnelle comme un service de santé au travail, il faut ajouter autre chose pour aller plus loin : cette autre chose existe, c'est la sécurité sociale. » Or « le projet ne se résout pas à donner aux organismes nationaux et régionaux de la sécurité sociale » – en particulier aux CARSAT – « plus que le rôle d'un partenaire ; c'est une faiblesse majeure ».
Surtout, votre attitude est très méprisante vis-à-vis des organisations de médecins du travail, qui, elles, continuent de dénoncer cette réforme au fond. Tous les aspects de ce texte ne font pas consensus, loin s'en faut.
Ainsi, d'aucuns jugent ambiguë la définition des missions des services de santé au travail qui mêle, à la différence de la directive européenne du 29 juin 1989, les activités d'aide à l'employeur pour la gestion de la santé et de la sécurité au travail – lesquelles sont de son ressort – et la surveillance de la santé des travailleurs, qui relève quant à elle de la responsabilité du médecin. Inquiet de ce « mélange des genres », Dominique Huez, vice-président du syndicat CGT des médecins EDF-GDF, se demande s'il ne s'agit pas de dédouaner l'employeur de sa responsabilité en matière de prévention.
D'autres – et parfois les mêmes – mettent en garde contre le risque de dilution des missions et de perte de sens. Chargés de l'animation et de la coordination de 1'équipe, les médecins passeront moins de temps dans leur cabinet et sur le terrain. Pourtant, « il n'est pas de bonne prévention sans assise clinique », prévient Philippe Davezies.
« Ce projet de réforme part sans doute d'un bon sentiment », ajoute-t-il. « Mais il reflète en réalité une vision naïve de la prévention. Penser que, pour faire de la prévention, il suffit de sortir de son cabinet et d'aller donner des conseils aux ingénieurs et aux directeurs est pour le moins simpliste. La prévention se fait en deux temps : les médecins du travail, responsables de l'alerte, identifient les risques ; mais c'est aux professionnels de trouver des solutions. » « En assujettissant le pouvoir des services de santé au travail à leur capacité à faire des préconisations en matière de prévention, on les stérilise. »
Je vous livre enfin le point de vue du sociologue Pascal Marichalar, plus défiant vis-à-vis de la démarche gouvernementale et sans concession à propos de l'absence d'innocence du MEDEF.
Dans un article paru dans Politix et intitulé « La médecine du travail sans les médecins ? », il montre que « la réforme des services français de prévention des risques professionnels engagée par l'État depuis 2002 n'est qu'un moment dans une politique plus large initiée par le patronat depuis le début des années 1970. L'association patronale qui gère ces services, le CISME, a usé de leviers politiques et managériaux pour réduire l'autonomie professionnelle des médecins du travail, au nom du passage à une approche pluridisciplinaire dans le cadre de la santé au travail. Cette évolution a été conduite pour réduire les coûts de la prévention et de la réparation des risques professionnels, ainsi que les risques juridiques pour les entreprises ».
Il n'est pas le seul à s'interroger sur les risques de démédicalisation sous couvert de pluridisciplinarité, ainsi que de marchandisation de la prévention, et à craindre que la gestion des risques ne prenne le pas sur la prévention, que ne s'installe une santé au travail à plusieurs vitesses et que la dépendance des professionnels de santé au travail vis-à-vis des employeurs n'en soit accrue.
À propos de l'indépendance, dont vous vous plaisez à dire que le texte ne l'amoindrit en rien,…
…si les médecins conservent le statut de salarié protégé, ce qui est la moindre des choses, vous êtes assez peu diserts sur le devenir de leur indépendance technique dès lors que leurs priorités ne résultent plus de leurs observations en consultation ou en visite d'entreprise, mais d'objectifs fixés par une autorité hiérarchique, l'employeur, qui plus est non qualifié médicalement la plupart du temps. Vous faites en outre peu de cas de l'absence d'un statut propre à garantir aux autres membres de l'équipe pluridisciplinaire qu'ils ne subiront pas les pressions de l'employeur.
Ces arguments devaient être versés au débat, car ils justifient la demande de retrait de la réforme formulée par les représentants des syndicats et sections syndicales des services interentreprises de médecine et santé au travail CFTC, CFE-CGC, CGT, FO, SNPST, mobilisés aujourd'hui.
Ces questions légitimes ne doivent pas être occultées par le compromis, désormais bancal, relatif à la gestion des SST. En effet, le paritarisme introduit dans le texte, avec présidence patronale de droit, ou sans, d'ailleurs, n'implique pas davantage l'État ni ne supprime la prépondérance des employeurs.
Les efforts déployés par le rapporteur pour tenter d'habiller son amendement, qui fait exploser le consensus a minima auxquels sont parvenus nos collègues du Sénat à propos de la présidence tournante des services de santé au travail, ne parviennent pas à masquer le recul de la majorité UMP sur l'article 3.
C'est bien sous la pression du CISME, des employeurs, que vous légiférez. Le prétexte constitutionnel de la liberté d'association et de son corollaire, la libre organisation de l'association, ne saurait à la fois justifier l'impossibilité d'organiser par la voie législative la présidence alternée des représentants des employeurs et des représentants des salariés et ne pas s'appliquer lorsque, en guise de lot de consolation, vous prétendez réserver la trésorerie aux seules organisations syndicales. Soyons sérieux !
Ce qui restera de ces gesticulations, c'est votre petit arrangement entre amis destiné à réserver la présidence aux patrons.
Je vous appelle donc, mes chers collègues, à renvoyer ce texte en commission. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)
La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
Monsieur Muzeau, peut-être votre intervention explique-t-elle une abstention, mais elle ne justifie certainement pas un renvoi en commission !
Je rappelle simplement que cinq lectures de ce texte sont déjà intervenues : il y a eu deux lectures lors des débats sur la réforme des retraites ; une CMP a été réunie ; une nouvelle lecture a déjà eu lieu au Sénat. Nous en sommes donc à la cinquième !
Le rapporteur a réalisé vingt-six auditions, ce qui représente quarante heures de travail. L'Assemblée nationale est donc éclairée ; un renvoi en commission ne serait donc absolument pas justifié.
Dans les explications de vote, la parole est à Mme Martine Billard, pour le groupe GDR.
Monsieur le président de la commission, sauf erreur de ma part, lorsque la réforme des retraites a été débattue dans l'hémicycle, nous n'avons pas pu discuter de la médecine du travail, car la procédure du temps contraint nous en a empêchés.
Nous en avons débattu, mais c'était tard dans la nuit : vous n'étiez peut-être pas là ! Et c'est sans compter les réunions en commission.
J'étais bien là, monsieur le rapporteur. Le débat était plus que réduit.
Le texte a, de plus, été largement modifié par rapport à ce qu'il était à ce moment-là ; le débat serait donc d'autant plus intéressant.
Mon collègue Roland Muzeau a clairement démontré que deux points justifient le renvoi de cette proposition de loi en commission.
Le premier, c'est celui de l'indépendance de la médecine du travail ; toutes les organisations de médecins du travail l'ont souligné. Pour nous, ce texte ne comporte aucune avancée ; il constitue même plutôt un recul. Il faut donc le retravailler.
Il y a eu beaucoup de scandales – notamment celui de l'amiante, mais pas seulement – et ils ont montré que les conditions d'exercice de la médecine du travail, notamment le fait que les médecins ne soient pas totalement indépendants par rapport aux employeurs, les empêche parfois de prendre les dispositions et les décisions qui s'imposent dans ce genre de situations.
La seconde raison de renvoyer ce texte en commission, c'est celle du manque de moyens. Dans ce texte – c'était déjà le cas de la partie consacrée à la médecine du travail dans la réforme des retraites – vous prenez acte du fait que beaucoup de médecins du travail vont partir à la retraite dans les quelques années qui viennent, mais vous ne faites rien pour pallier ces départs.
Vous bricolez donc quelque chose pour contourner l'obstacle, en proposant des équipes pluridisciplinaires. C'est très bien, les équipes pluridisciplinaires, mais pourquoi ne disposeraient-elles pas de médecins en nombre suffisant ?
Avec votre texte, il y aura des équipes pluridisciplinaires, mais comme aucun renforcement du dispositif ne permettra le renouvellement des médecins du travail qui partiront à la retraite, nombre de ces équipes ne compteront plus de médecin du tout.
Pour toutes ces raisons, et compte tenu du rapport de l'inspection générale des affaires sociales, nous considérons comme indispensable un renvoi du texte en commission pour travailler sur ces deux problèmes. Le groupe GDR votera donc cette motion. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
En quelques mots, je voudrais dire à M. Muzeau mon incompréhension. Il y a urgence : il faut avancer sur cette question de la médecine du travail, travailler sur ce texte et le voter.
Ce texte est un texte centriste, issu d'amendements que j'avais moi-même déposés sur le projet de loi de réforme des retraites. Ils avaient été discutés en séance…
Mais dans quelles conditions ! Et la discussion en commission s'était aussi faite en catastrophe !
…et Marisol Touraine avait même regretté qu'ils aient été intégrés au texte sur les retraites.
Ces amendements avaient donc été non seulement discutés, mais même sous-amendés. Ils ont malheureusement été considérés comme des cavaliers législatifs…
…et nous en discutons ici grâce au dépôt par le groupe centriste du Sénat d'une proposition de loi.
Il y a eu beaucoup de débats, par exemple lors de rencontres parlementaires sur la santé au travail auxquelles vous auriez pu assister, car elles ont réuni plus de 350 professionnels à la Maison de la chimie et permis de longues discussions. J'ai moi-même traité de la santé au travail dans un rapport budgétaire.
Le débat a donc été particulièrement nourri ; il faut maintenant passer aux actes, et permettre aux médecins du travail, et aux services de santé au travail, de s'intéresser à la prévention. Plusieurs orateurs l'ont déjà dit, les maladies professionnelles ont tendance à augmenter. Je ne reviens pas sur les causes de cette situation, mais il est très important de travailler maintenant sur la prévention, au lieu de réaliser seulement des visites d'aptitude.
Je vais simplement vous donner lecture de deux phrases : « la réorganisation de la médecine du travail constitue une urgence […] La majorité des organisations syndicales de salariés est assez favorable à l'adoption du texte dans sa rédaction issue du Sénat ».
Monsieur Muzeau, ce sont vos propos, que l'on peut lire dans le compte rendu de la réunion de la commission des affaires sociales.
On ne peut pas dans un premier temps tenir ces propos et demander ensuite un renvoi en commission : cela ne me paraît pas très cohérent ! S'il y a urgence, il est important de travailler sur ce texte.
Et puis je déplore sincèrement votre façon de stigmatiser les employeurs.
C'est sûr que vous préférerez toujours stigmatiser les allocataires du RSA !
Monsieur Muzeau, je vous ai écouté attentivement, en me disant qu'il était assez incroyable d'entendre des choses pareilles.
Vous dites craindre que la gestion des risques ne prenne le pas sur la prévention. Cette formule me paraît extravagante. La prévention est nécessaire, la gestion des risques est nécessaire : les deux aspects doivent être pris en compte. Nous n'avons sans doute pas lu la même proposition de loi, car celle-ci porte à la fois sur la gestion des risques et sur la prévention. C'est, je crois, fondamental.
Vous parlez ensuite de la dépendance des médecins. Eh bien ce texte réaffirme justement la totale indépendance des médecins !
Pour toutes ces raisons, le groupe UMP votera contre cette motion. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Le texte devrait s'intituler « Organisation de la médecine du travail, ou comment détourner cet outil. »
La réforme proposée par la commission des affaires sociales montre la grande sensibilité de cette majorité aux pressions des employeurs. Ce n'est au demeurant pas la première fois que nous le constatons.
Les anomalies constatées dans les services de santé au travail pourront continuer et s'amplifier – j'aurai l'occasion de montrer ce qui se passe à Toulouse au cours de la discussion générale. La réforme de la santé au travail est une réforme de façade, destinée à faire croire à la bonne conduite du Gouvernement. Mais le pouvoir reste en réalité aux employeurs, et sans aucun contrôle.
D'autre part, le transfert de la mission, jusque-là remplie par les médecins, au service – notion vague, d'ailleurs –, aurait pu s'envisager, avec un contrôle réel des partenaires sociaux sur la gestion et l'affectation des moyens dans les services actuels.
J'entends M. le président de la commission des affaires sociales dire que les partenaires sociaux sont d'accord avec cette réforme : nous n'avons pas dû parler aux mêmes personnes.
La proposition de loi de votre majorité retire la mission aux médecins – témoins bien gênants, avec leur éthique, leur indépendance professionnelle, leur secret médical – pour la confier au service de santé, dirigé par les employeurs. C'est comme si l'on confiait la prévention routière aux constructeurs automobiles. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Nous n'acceptons pas ce transfert et cette manipulation ; nous dénonçons ce détournement d'une institution qui doit être au service de la santé des salariés, et sa récupération au profit des employeurs.
Les salariés attendent de la représentation nationale un service de prévention auquel ils puissent accorder leur confiance, grâce à un réel contrôle paritaire.
Au nom de mon groupe, je demande donc le renvoi de ce texte en commission : si elles ont été nombreuses, les discussions n'ont pas été satisfaisantes. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
(Mme Catherine Vautrin remplace M. Jean-Christophe Lagarde au fauteuil de la présidence.)
Je vais maintenant mettre aux voix la motion de renvoi en commission.
(La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n'est pas adoptée.)
Madame la présidente, monsieur le ministre du travail, de l'emploi et de la santé, monsieur le président de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, chers collègues, la médecine du travail a été rendue obligatoire en France par la loi du 11 octobre 1946.
Cette date marque une rupture dans notre histoire sociale puisqu'il s'agit de la création de notre système de sécurité sociale. Chacun s'accorde alors à accepter un principe de réalité : on ne choisit pas d'être malade, on ne choisit pas de vieillir en mauvaise santé, on ne choisit pas d'avoir un accident du travail ou une maladie professionnelle.
Au lendemain de la seconde guerre mondiale, l'Europe était au plus mal, la situation économique était catastrophique, les hommes et les femmes souffraient : c'est dans ce contexte de crise que la sécurité sociale et la médecine du travail ont été créées.
En 2011, la crise internationale exigerait au contraire, selon votre majorité, de revenir sur le choix de la solidarité. Vous répondez à la crise par des plans d'austérité budgétaires, et des coupes drastiques dans les dépenses publiques.
La médecine du travail n'échappe malheureusement pas à cette frénésie destructrive.
La santé au travail affronte un lobbying du monde économique de plus en plus fort, qui semble bénéficier d'un certain soutien, et même d'un soutien certain, dans cet hémicycle.
La proposition de loi dont nous débattons aujourd'hui en témoigne. Cette fois, il ne s'agit pas nécessairement de réduire les « coûts » que représenterait la médecine du travail. Il s'agit d'en réduire la portée et de donner aux milieux économiques une place dominante, remettant ainsi en question l'indépendance de la médecine du travail et, par là même, l'ensemble de son fonctionnement.
Or, la gestion de la santé des travailleurs ne saurait être confiée à des managers animés par des objectifs de rentabilité à court terme.
L'indépendance de la médecine du travail est un principe fondateur. Le médecin du travail bénéfice en effet d'un statut spécifique et le secret professionnel auquel il est assujetti est un gage d'indépendance et d'efficacité. Revenir sur ce principe d'indépendance, au prétexte de la mise en place d'équipes pluridisciplinaires – qui ne disposent pas de la même protection juridique –, serait un recul pour tous.
La médecine du travail adopte une vision globale de santé publique ; ses actions à court terme permettent de construire une politique publique de santé, sur le long terme.
L'ensemble des salariés, des employeurs et toute la société doivent réaliser combien une médecine du travail plus forte et indépendante serait bénéfique, en termes sociaux, économiques et sanitaires. Garantir la bonne santé des travailleurs et un cadre de travail adéquat constitue en effet – pour reprendre des termes économiques chers à votre gouvernement – une « plus-value », tant pour le salarié que pour l'employeur et pour l'ensemble de la société.
Selon l'OMS, le stress professionnel représenterait 2 à 3 % du PIB des pays industrialisés. Qu'en est-il des troubles musculo-squelettiques de plus en plus fréquents, qu'en est-il des cancers ou des maladies chroniques et de longue durée liés à l'utilisation de substances nocives ?
Je pense notamment aux victimes de l'amiante, à celles de l'industrie nucléaire civile et militaire, aux effets présents et à venir des produits toxiques, des nanotechnologies, de la laine de verre, de la poussière de bois, des pesticides.
Les conséquences désastreuses des pesticides sur la santé des paysans et de leurs familles sont par exemple très mal connues ; la prévention et la reconnaissance politique de ces dommages sont quasi-nulles. La France, avec 65 000 tonnes pulvérisées chaque année, est le premier consommateur européen de pesticides ; et les conséquences en termes de santé publique sont catastrophiques !
Par ailleurs, la santé au travail doit également s'intéresser à la place du travail dans l'équilibre personnel des travailleurs. Il faut se pencher sur la satisfaction au travail.
Je m'adresse ici aux chefs d'entreprises, même s'ils ne sont pas si nombreux, cet après-midi.
Si la productivité des salariés est meilleure lorsque le cadre de travail est adapté, ne serait-elle pas encore augmentée avec des conditions de travail ressenties comme agréables ? Être fier de son travail, s'y sentir utile, à l'aise dans son équipe, respecté par la hiérarchie, voilà autant de facteurs d'équilibre qui disparaissent de façon très visible dans la « grève du zèle ». Faire uniquement ce qui est attendu du poste occupé se traduit par une diminution de la productivité.
Bien entendu, je renouvelle ici ma demande d'un plan national d'ergonomie participative à laquelle le Gouvernement reste sourd. Pourtant, la mise en oeuvre d'un tel plan permettrait d'améliorer les conditions de travail et d'éviter bien des maladies et des accidents professionnels.
Notre société accorde une place telle au travail et au statut socioprofessionnel que les chômeurs ont un sentiment de perte d'estime de soi et ont tendance à se replier sur eux-mêmes. Le chômage affecte la santé physique et mentale en augmentant l'anxiété, le stress, la dépression, voire les tendances suicidaires.
Sur le plan des risques psychosociaux, l'actualité nous a tristement rappelé l'importance de la protection de la santé psychologique au travail. Selon l'Agence française de sécurité sanitaire de l'environnement et du travail, les risques psychosociaux sont devenus, en 2007, la première cause de consultation pour pathologie professionnelle ; 20 % des arrêts maladie de plus de quarante-cinq jours seraient liés à ces troubles.
Les situations de harcèlement, notamment d'ordre sexuel, requièrent également des actions spécifiques. Les femmes sont, là encore, les premières pénalisées. Je rappelle, en effet, combien votre réforme des retraites désavantage directement les femmes. D'ailleurs, avec le recul de l'âge de départ à la retraite, la pénibilité du travail aura inévitablement des conséquences sur la santé publique.
Les inégalités d'espérance de vie selon les métiers existent toujours : huit ans entre un manoeuvre et un cadre. Croyez-vous sérieusement qu'on contribuera à réduire les inégalités sociales de santé en s'attaquant à la médecine du travail ?
Les écologistes souhaitent construire une véritable politique publique de santé au travail, indépendante, accordant une place réelle à la prévention et adoptant une approche pluridisciplinaire en assurant au médecin une place de coordinateur.
Non seulement cette proposition de loi est largement insuffisante, mais, plus encore, elle comporte de nombreux risques et n'améliorera pas la nécessaire confiance entre les médecins du travail et les salariés.
S'agissant de la garantie de l'indépendance de la médecine du travail, il est important qu'il ne puisse y avoir de confusion entre ceux qui créent le risque et ceux dont la mission de santé publique est précisément de le prévenir.
La médecine du travail a des défis à relever dans le contexte d'intensification du travail. À cet égard, cessez de dire que c'est la faute aux 35 heures : si on avait embauché, on n'aurait pas eu de problème.
Quand on en viendra aux 32 heures, vous ne cesserez de pleurer.
Il convient d'accorder une place privilégiée à la prévention et au principe de précaution. Les études épidémiologiques doivent être menées en totale transparence et indépendance. Tout conflit d'intérêt doit être interdit. Les scandales du Mediator et de l'amiante rappellent cette exigence.
Par ailleurs, il est urgent de s'atteler au problème du départ à la retraite des médecins du travail, dont 75 % ont plus de cinquante ans, ce que ne fait pas la proposition de loi. Le taux de renouvellement de cette profession fait craindre le pire. Il ne faut pas croire à la possible mobilisation des médecins de ville, déjà trop peu nombreux, car le numerus clausus très restrictif pénalise l'ensemble de la profession médicale et plus encore les médecins du travail.
La spécialité en médecine du travail doit être valorisée. Multiplier les équivalences hâtives qui ne forment pas suffisamment à cette spécialité médicale contribue à la dévaloriser.
Face à cette impasse, la marchandisation progressive de la prévention des risques n'est pas une solution. Le recours à des cabinets de consultants, qui dispensent notamment des formations en gestion du stress, ne permet pas d'en éliminer la cause. D'autant que les conseils prodigués doivent le plus souvent contenter l'entreprise qui a acheté la prestation.
Le texte qui nous est soumis va à l'opposé d'une réforme ambitieuse, qui aurait permis de construire une véritable politique publique de santé au travail.
Au secours, les nationalisations reviennent, à commencer par celle de la médecine du travail !
Aujourd'hui, les salariés se tournent vers la justice. Le 28 février 2002, la chambre sociale de la Cour de cassation a rendu plusieurs arrêts reconnaissant la faute inexcusable de l'employeur pour avoir exposé les salariés à l'amiante sans protection suffisante. En effet, tout employeur « est tenu envers le salarié d'une obligation de sécurité de résultat, notamment en ce qui concerne les maladies professionnelles contractées par ce salarié du fait des produits fabriqués ou utilisés par l'entreprise ». Dans d'autres affaires, lorsque le lien est établi entre « l'inaptitude au travail » et les conditions de travail, les juges ont considéré que la responsabilité de l'employeur était engagée. Si les entreprises ne prennent pas la mesure de leur responsabilité, il y a fort à parier que les procès de ce type, les condamnant, vont se multiplier, notamment du fait de la pénibilité de certains emplois conjuguée au recul de l'âge de départ à la retraite.
En plaçant la santé au-dessus de tout, les juges sont en avance sur le Gouvernement. J'en appelle à votre réactivité. Je le répète, nous avons toutes et tous intérêt à replacer la santé au coeur de nos préoccupations, y compris au travail.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le texte que nous examinons aujourd'hui est très attendu par les professionnels de la santé au travail, par les partenaires sociaux, les employeurs et les salariés dans leurs entreprises.
Nous sommes tous d'accord pour constater que les enjeux de santé au travail prennent une place de plus en plus importante dans la vie de nos concitoyens. L'émergence de nouveaux risques professionnels, tels que les risques psychosociaux, les risques liés aux produits cancérigènes, mutagènes ou reprotoxiques, les troubles musculosquelettiques,…
…rend nécessaire un rôle plus affirmé des médecins du travail et, plus largement, des services de santé au travail dans le domaine de la prévention. Or les services de santé au travail ont, dans les faits, une mission davantage axée sur le contrôle de l'aptitude. Il est donc urgent de procéder à une redéfinition légale des missions des services de santé au travail. Cette proposition de loi s'y emploie.
Il s'agit d'éviter une situation qui pointerait la seule responsabilité individuelle du salarié devant le risque professionnel et l'accident ou la maladie. Il s'agit aussi de passer à une véritable médecine du travail, fondée sur une vision plus collective, où la responsabilité de l'employeur est engagée pour la collectivité de l'entreprise et où chaque acteur de celle-ci est impliqué dans la prévention des risques.
Relevons d'emblée que cette proposition de loi n'aborde pas le sujet, pourtant majeur, de la démographique médicale.
Aujourd'hui, 55 % des médecins du travail ont plus de cinquante-cinq ans et les départs à la retraite dans cette profession s'annoncent massifs : près de 80 % des effectifs d'ici à dix ans.
Comment pallier cette chute des effectifs et assurer le renouvellement de cette génération de médecins du travail ? C'est la question de l'attractivité même du métier de médecin du travail qui est posée :...
…comment redonner tout son intérêt à une profession dont on constate qu'elle peine à attirer les jeunes internes ?
L'une des solutions est d'encourager le développement de passerelles entre médecine de ville et médecine du travail en facilitant les reconversions professionnelles de médecins en exercice vers la santé au travail. Cette voie est déjà ouverte, et nous proposerons de la développer plus encore, parce que la santé au travail ne peut pas se passer des compétences médicales de professionnels expérimentés qui souhaiteraient donner un nouveau départ à leur carrière.
La proposition de loi comporte plusieurs avancées, et d'abord la nouvelle définition des missions de la médecine du travail et des services de santé au travail. Elle confirme l'objectif d'éviter l'altération de la santé du travailleur du fait de l'exercice d'une activité professionnelle, et précise la diversité des missions exercées dans ce cadre : conseil, suivi, surveillance de l'état de santé et prévention. Ces missions sont complémentaires de celles exercées par le médecin du travail.
La place de chaque acteur des services de santé au travail est clairement établie, ce qui doit contribuer à leur efficacité. La prévention de la pénibilité et l'amélioration des conditions de travail font partie des missions utilement rappelées par la proposition de loi. Nous proposons de mentionner également, parmi ces missions, la prévention de la désinsertion sociale et professionnelle, en ayant particulièrement à l'esprit la question des seniors, pour lesquels il est nécessaire de reconstituer une offre de services, avec un regard particulier sur les TPE et PME. Les services de santé au travail ont un rôle déterminant à jouer à ce sujet.
Les conditions d'exercice des missions sont aussi précisées : elles s'effectuent dans le cadre d'une équipe pluridisciplinaire au sein de laquelle le médecin du travail, dont l'indépendance est garantie, conserve un rôle central. Le groupe Nouveau Centre insiste pour que les garanties d'indépendance dont bénéficie le médecin du travail soient également étendues à chaque membre de l'équipe pluridisciplinaire, de manière que chacun puisse remplir sa mission dans la sérénité.
La question de la gouvernance du conseil d'administration des services de santé au travail a suscité, depuis plusieurs mois et encore aujourd'hui, des débats nourris. Comment assurer l'équilibre, au sein du conseil d'administration, entre les représentants des employeurs et les représentants des salariés ? La réponse à cette question est d'autant plus importante qu'elle conditionne le climat qui va présider à la validation des priorités des services de santé au travail proposées par la commission médico-technique puis à leur mise en oeuvre.
Dans cette réforme des services de santé au travail, la notion de confiance est essentielle : du point de vue du salarié, parce que celui-ci a besoin de savoir que sa santé sur son lieu de travail fait l'objet d'une surveillance attentive et de mesures concertées en matière d'amélioration des conditions de travail et de prévention ; du point de vue de l'employeur, puisque c'est lui qui met en oeuvre, dans le cadre de ses obligations légales, les mesures propres à éviter l'altération de la santé physique et psychique du salarié. Une obligation dont le défaut peut engager sa responsabilité pénale.
Au regard de ces éléments, notre collègue Charles de Courson, particulièrement attentif à ces questions d'équilibre dans la gouvernance des services de santé au travail, a convaincu notre groupe de ne pas retenir le principe, arrêté au Sénat, d'une présidence alternée du conseil d'administration. Selon nous, une telle formule entrerait en conflit avec la responsabilité, y compris pénale, de l'employeur en matière de santé au travail. C'est au titre de cette responsabilité que les employeurs peuvent estimer indispensable d'exercer la présidence du service. Pour autant, cela n'empêche pas que la définition et la mise en oeuvre des priorités d'action en matière de prévention des risques professionnels puissent s'effectuer dans le cadre d'un dialogue entre partenaires sociaux.
La composition paritaire du conseil d'administration, l'attribution aux représentants des salariés du poste de trésorier des services de santé au travail et la prédominance des mêmes représentants des salariés au sein de la commission de contrôle contribuent, par ailleurs, à l'équilibre recherché. Notre groupe sera très vigilant quant à la composition de la commission médico-technique qui propose les orientations du projet du service, au sein de laquelle les professionnels de la santé au travail doivent avoir un rôle essentiel.
S'agissant des priorités des services de santé au travail, nous avons souhaité, en commission, que celles-ci tiennent compte des orientations du plan national de santé au travail et de ses déclinaisons régionales, de sorte que l'architecture de la santé au travail soit clairement établie. Cette précision tend à mieux encadrer la notion de réalités locales en fonction desquelles ces priorités peuvent être arrêtées. Nous considérons, en effet, que ces réalités locales ne peuvent pas être un moyen de restreindre le champ de la santé au travail.
Au chapitre des attentes de notre groupe, nous pensons qu'il manque à ce texte une dimension territoriale d'organisation des services de santé au travail. De ce point de vue, la dimension régionale nous paraît la plus adaptée pour assurer à la fois cohérence globale et proximité. C'est pourquoi nous proposons d'instaurer un schéma régional d'organisation des services de santé au travail, élaboré par le préfet après une large concertation associant les différents services de santé au travail concernés, les partenaires sociaux, notamment au sein des CRPRP, et l'Agence régionale de santé.
Il ne s'agit pas de créer une instance supplémentaire mais, au contraire, d'organiser les services de santé au travail dans un périmètre suffisamment large pour dégager des cohérences d'ensemble tout en tenant compte des spécificités des bassins d'emploi.
À tout le moins, il nous semble essentiel de ne pas fermer la porte aux innovations que les territoires peuvent mettre en oeuvre dans le domaine de la santé au travail, qui pourraient être confortées et développées dans le cadre de l'expérimentation. À ce sujet, j'ai déposé un amendement de repli.
Nous souhaitons également que les salariés itinérants soient mieux pris en compte dans le cadre du suivi médical et voient leur surveillance médicale renforcée.
Je voudrais, enfin, rappeler toute l'importance de la formation continue pour les différents professionnels des services de santé au travail, qu'il s'agisse des membres de l'équipe pluridisciplinaire ou des directeurs de service de santé au travail. Une formation continue aux enjeux de la santé au travail, qui pourrait être un élément de l'agrément délivré aux services, ne peut qu'aller dans le sens de la qualité d'une démarche de prévention et de suivi médical dont nous savons tous l'importance.
Une telle formation souligne aussi qu'au-delà d'enjeux financiers et de gestion, ce sont les problématiques de santé au travail qui l'emportent chez tous les professionnels de ce secteur.
C'est convaincu que ce texte comporte des avancées notables pour redonner à la médecine du travail une capacité d'action indispensable pour relever les nouveaux défis de la santé au travail que le groupe Nouveau Centre lui apportera son soutien. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collèges, l'urgence de remédier à la situation de la médecine du travail doit faire consensus et impose l'examen de ce texte tant attendu.
Je ne reviendrai pas sur la censure du Conseil constitutionnel s'agissant des articles traitant de la médecine du travail dans le projet de loi portant réforme des retraites et relatifs à la nécessaire prise en compte de la pénibilité.
Certes, ce n'est pas un texte de loi qui réglera le problème de la démographie médicale et encore moins qui abaissera la moyenne d'âge des professionnels – je rappelle que 75 % des médecins du travail ont plus de 50 ans.
La santé au travail aujourd'hui, c'est d'abord les maladies professionnelles physiques – troubles musculo-squelettiques – ou psychiques comme le mal-être, le stress, le burn out. Les attentes en la matière sont nombreuses.
Pour faire face à ces nouvelles attentes et à ces problèmes de démographie médicale, il convient de généraliser les services pluridisciplinaires de santé au travail. C'est la complémentarité de professionnels d'horizons différents qui garantira une meilleure prévention et un suivi plus réactif des difficultés que rencontrent les salariés et les employeurs – je ne veux stigmatiser personne.
L'article 1er du présent texte définit les missions des services de santé au travail plus clairement que la loi du 17 janvier 2002, et aborde les actions de prévention, le rôle de conseil auprès des employeurs et des salariés et réaffirme les conditions de la veille sanitaire dans le cadre professionnel.
Si ces dispositions avaient été mises en oeuvre dans le passé, le lourd problème de l'amiante n'aurait pas eu les conséquences que nous connaissons aujourd'hui.
Encore faut-il le dire !
Il est donc urgent de légiférer.
L'article 2 formalise les échanges entre le médecin du travail et l'employeur et confirme l'indépendance du médecin dans le dispositif.
La proposition de loi inscrit l'action des services de santé au travail interentreprises dans une contractualisation au niveau régional – le périmètre me semble pertinent – pour assurer, autour de projets pluriannuels, une réflexion sur les priorités à dégager.
On peut penser que la réflexion menée autour de projets durables puisqu'ils sont pluriannuels créera une dynamique et permettra de croiser des expériences, de tirer des enseignements à reproduire dans les différentes branches professionnelles.
Le texte aborde naturellement les modalités spécifiques de surveillance de l'état de santé de certaines catégories de salariés du secteur agricole, des chantiers d'insertion, voire de certaines professions qui n'avaient pas été prises en compte à ce jour. Il y avait une attente dans ce domaine.
La proposition de loi prend en compte également un sujet particulièrement difficile auquel nous devons porter une attention particulière : la désinsertion professionnelle en cas d'inaptitude. En effet, établir ce constat ne doit pas être une fin en soi, mais l'occasion d'offrir une nouvelle opportunité professionnelle. Il est très certainement nécessaire d'anticiper et de traiter la prévention de la désinsertion qui, au-delà du coût financier, représente surtout un véritable gâchis au plan humain, social et sociétal. Nous avons toutes et tous rencontré, dans nos permanences, des personnes qui se sentent inutiles, qui ont le sentiment de n'avoir plus ni place, ni identité sociale du fait de la désinsertion professionnelle.
La réforme des retraites, qui allonge la durée d'activité de deux ans pour l'ensemble des salariés, a fait du maintien dans l'emploi, notamment des seniors, un objectif majeur.
La question de la pénibilité, et par là même celle des services de santé au travail, sont donc indissociables.
Nous ne devons pas nous borner, dans ce projet, à aborder la question de la gouvernance des services de santé, mais plutôt nous attacher à trouver un compromis acceptable sur un sujet qui concerne l'ensemble des salariés.
Il convient donc d'adopter les dispositions relatives à cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
C'est le maître Jacques du groupe socialiste !
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collèges, nous examinons enfin en séance publique la question de l'organisation et du rôle de la médecine du travail. C'est presque un miracle. Après l'échec de la négociation sociale, les changements de ministre de tutelle à répétition – M. Hortefeux, puis M. Woerth –, les amendements cavaliers dans la loi sur les retraites, la censure par le Conseil constitutionnel, il y eut le parcours fort laborieux de ces dispositions, pourtant jugées urgentes dès 2008 dans un rapport qui a fait consensus, tant sur les constats que sur les propositions. Je veux parler du rapport de Christian Dellacherie, membre du Conseil économique et social. Ce rapport réaffirme notamment la spécificité de la médecine du travail française, système unique et précieux, auquel nous sommes tous attachés.
Sur un certain nombre d'aspects, cette proposition de loi reprend d'ailleurs les suggestions du rapport que je viens de citer. Par exemple, l'article 2 oblige l'employeur à prendre en considération les recommandations d'un médecin du travail qui constate l'existence d'un risque pour les salariés. L'employeur devra désormais fournir une réponse écrite motivée s'il refuse de les mettre en oeuvre.
La communication systématique des préconisations du médecin du travail et les réponses de l'employeur aux salariés seraient d'ailleurs souhaitables. Nous défendrons de nouveau cette position à l'occasion de l'examen des articles.
Je veux aussi évoquer les missions des services de santé au travail qui reposent sur une pluridisciplinarité réaffirmée, principe qui avait été instauré par la loi dite de modernisation sociale du 17 janvier 2002.
Ces équipes pluridisciplinaires doivent être animées et coordonnées par des médecins du travail à l'indépendance renforcée. Il s'agit de répondre à une crainte évoquée par le rapport Dellacherie, qui mettait en garde contre une simple juxtaposition des compétences. Le travail coordonné en vue d'objectifs communs et partagés par toute l'équipe des services de santé au travail afin d'aboutir à une prise en charge globale des risques en matière de santé au travail est nécessaire.
Malheureusement, pour un certain nombre de points, le temps n'a pas oeuvré dans le bon sens. Cette proposition de loi s'écarte d'un certain nombre d'objectifs qui devraient pourtant être considérés comme primordiaux. La question de la gestion paritaire des services de santé au travail constitue un point central. Le système proposé inquiète fortement les organisations syndicales de salariés, qui représentent celles et ceux qui sont les premiers concernés par la médecine du travail. Elles jugent inacceptable, et elles ont raison, le maintien d'une présidence patronale avec voix prépondérante. Nous partageons donc leur position. La mission même des services de santé au travail, qui consiste à « éviter toute altération de la santé des travailleurs du fait de leur travail », doit s'exercer dans un dialogue social équilibré. Or ce que vous proposez n'est pas équilibré.
Toutefois, ces questions ne doivent pas éclipser le véritable enjeu. La médecine du travail est aujourd'hui sinistrée, en raison notamment de la pénurie de médecins du travail. Nous pouvons travailler à loisir sur les missions des services de santé au travail, le pilotage régional ou la pluridisciplinarité. Mais si le problème de la démographie médicale n'est pas pris à bras-le-corps, toutes ces réflexions seront sans objet dans quelques années.
Dans ce domaine comme dans les autres – je pense à la psychiatrie et à la médecine générale –, le Gouvernement ne se donne pas les moyens et donc n'obtient pas de résultats. Monsieur le ministre, pensez-vous vraiment que la réforme des structures réglera indéfiniment le problème des moyens ? Peut-on, pour la médecine du travail, se passer de médecins ?
Sur les quelque 6 900 médecins du travail que compte notre pays, plus de la moitié a plus de cinquante-cinq ans. Dans huit ans, 80 % des médecins du travail seront partis à la retraite. Selon une étude réalisée en 2009 par le Centre interservices de santé et de médecine du travail en entreprise, dans trois ans 70 % des services de santé au travail dépasseront les 3 300 salariés par médecin du travail en moyenne. Comment, dans ces conditions, le médecin peut-il remplir correctement ses missions ?
Mais ce n'est pas une raison !
S'agissant du recrutement, paradoxalement, les places de médecins du travail à la sortie de l'internat ne trouvent pas preneur. Les jeunes médecins choisissent en majorité le salariat, mais pas la médecine du travail. En 2009 par exemple, 63 postes sur les 105 proposés au niveau national ont été pourvus.
La pyramide des âges des enseignants en santé au travail n'est pas meilleure que celle des médecins. Sur la petite trentaine de professeurs des universités praticiens hospitaliers, beaucoup ne sont pas loin de la retraite.
Le retard pris par la réforme n'est peut-être pas étranger à cette situation de pénurie et au déficit des vocations. Un sentiment d'incertitude sur leur future profession ne pouvait que prévaloir, ces dernières années, chez les jeunes internes amenés à choisir la médecine du travail.
Mais ce n'est sans doute pas la seule explication.
Il faut agir sur plusieurs leviers de manière cohérente et globale. Tout d'abord, il faut repenser la formation des médecins du travail et des enseignants en santé au travail, créer des passerelles, rendre les conditions de travail plus attractives. Ensuite, il faut valoriser la profession, la fonction même de médecin du travail et plus largement le domaine de la santé au travail. Bref, il faut changer le regard porté sur les services de santé au travail et casser le cercle vicieux d'une image dégradée, renforcée par une pénurie de moyens.
Malheureusement, le temps nécessaire à la formation des médecins du travail est trop long pour que les effets d'une politique démographique active puissent venir compenser efficacement les très nombreux départs en retraite des prochaines années. Les services de santé au travail vont donc devoir gérer la pénurie. Peut-être est-ce la raison d'être de la rédaction de l'article 1er, selon lequel les priorités des services de santé au travail sont précisées « en fonction des réalités locales ».
Que recouvre cette formule ? Peut-être d'éventuelles dérogations aux obligations légales en fonction des moyens disponibles localement.
Ce ne serait pas acceptable.
D'une façon générale, la médecine du travail ne jouit pas dans notre vie économique et sociale de la considération qui conviendrait. La Mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale a inscrit à son programme le thème de la prévention de la santé. Les travaux doivent commencer dans les jours qui viennent. Nous veillerons à ce que, avec notamment la médecine scolaire, elle-même encore plus maltraitée, la médecine du travail y ait toute sa place. (« Excellent ! » et Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Madame la présidente, monsieur le ministre, chers collèges, la santé au travail est un véritable enjeu de société, couvrant des aspects beaucoup plus larges que la seule dimension médicale. De nouvelles problématiques telles que le vieillissement de la population, l'emploi des seniors, la pénibilité, le développement des emplois précaires ou encore l'allongement des carrières professionnelles nous obligent aujourd'hui à adapter notre dispositif de santé au travail.
Pour continuer de garantir à chaque salarié la possibilité de travailler dans un environnement sain et en bonne santé, nous devons d'abord répondre à la crise démographique que traverse la médecine du travail.
Le manque de médecins met en insécurité juridique les chefs d'entreprise. Je souhaite vous interpeller à ce sujet, monsieur le ministre, car dans certains départements, les visites médicales sont effectuées par des infirmiers.
Ce n'est un secret pour personne : la spécialité n'attire plus assez de médecins. Pour enrayer cette crise des vocations, la proposition de loi revalorise l'image de cette profession trop souvent méconnue. Désormais, le médecin du travail sera à la tête d'une équipe pluridisciplinaire, associant des spécialistes et des techniciens, favorisant ainsi une approche intégrée de la santé au travail.
Dans ma circonscription, notre service de médecine est déjà organisé de cette manière et ça marche ! Le médecin du travail anime une équipe pluridisciplinaire qui réunit toutes les compétences aussi bien techniques que paramédicales. Cette méthode de travail permet de répondre efficacement et rapidement à l'ensemble des problèmes pouvant survenir sur le lieu de travail. Un ingénieur chimiste contrôle le contenu des produits utilisés dans l'entreprise, un technicien spécialisé mesure régulièrement les risques liés au bruit, un psychologue prend en compte les risques psychosociaux au travail. Et je pourrais vous donner d'autres exemples.
Cette organisation n'est pas une simple juxtaposition de compétences. Au contraire, elle permet de développer une vraie culture interdisciplinaire et une communauté d'objectifs entre tous les professionnels travaillant dans les services de santé au travail.
En ce qui concerne la gouvernance, je me réjouis du compromis qui a pu être trouvé en commission au sujet de la composition du conseil d'administration.
Rappelons que l'employeur finance toutes les dépenses afférentes à la santé au travail et qu'il est personnellement responsable de la sécurité et, donc, de la santé de ses salariés. Il était donc indispensable de lui laisser la possibilité et les moyens d'exercer ses responsabilités. Le texte final instaure une composition paritaire du conseil d'administration en confiant la présidence à un représentant des employeurs et le poste de trésorier à un représentant élu parmi les salariés. Il s'agit d'une bonne réponse. Nous avons donc désormais un bon équilibre entre, d'un côté, le conseil d'administration où la voix des employeurs est prépondérante et, de l'autre, la commission de contrôle où les salariés sont majoritaires à hauteur des deux tiers.
Nous devons également mieux prévenir la désinsertion professionnelle en cas d'inaptitude. Chaque salarié doit pouvoir rester en bonne santé dans son entreprise jusqu'à la fin de sa carrière. Malheureusement, certains d'entre eux peuvent se retrouver inaptes au travail, avec toutes les conséquences que cela implique, pouvant parfois conduire à un drame social. Les salariés déclarés inaptes à leur poste de travail doivent pouvoir se reconvertir.
Monsieur le ministre, je vous propose d'étudier la possibilité de décliner à l'échelle nationale une bonne initiative qui vient de Saint-Quentin. (Sourires.)
Dans cette ville, à l'initiative d'employeurs, un club se réunit régulièrement avec des syndicats, la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi, l'association de gestion du fonds pour l'insertion professionnelle des personnes handicapées, et des médecins du travail, pour étudier le cas de salariés devenus inaptes au travail. Ensemble, ils trouvent des solutions pour reclasser ces salariés dans ces mêmes entreprises locales : une personne inapte dans une entreprise peut très bien se révéler apte dans une autre.
Un boulanger allergique à la farine, inapte à son poste, peut très bien se reconvertir sur un autre au sein d'une entreprise voisine.
Voilà une bonne illustration d'une collaboration intelligente entre tous les partenaires. Cela montre qu'il est possible d'offrir une nouvelle chance au salarié. Et une activité, même différente, c'est toujours mieux que le chômage.
Vous l'aurez compris, mes chers collègues, je soutiendrai et voterai cette proposition de loi qui modernisera le système de santé au travail, renforcera la prévention des risques et surtout préservera la santé des salariés dans les entreprises.
Je vous invite néanmoins, monsieur le ministre, à poursuivre la réflexion sur plusieurs questions cruciales comme celle de la formation des médecins, en facilitant les passerelles entre médecine générale et médecine du travail,…
…ou encore le partage du dossier médical personnel. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Je suis d'accord.
Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, comme nous ne disposons pas de trente-cinq heures pour examiner cette proposition, je m'efforcerai d'être le plus synthétique possible. Au-delà des aspects positifs que recèle le texte et que nous allons tâcher d'améliorer encore, au-delà des aspects plus néfastes que nous allons tenter de supprimer et au-delà des trente amendements que nous allons présenter, je reviendrai sur le point faible de cette proposition de loi : la démographie médicale et en particulier la pénurie des médecins du travail.
L'état des lieux vient d'être fait : on compte quelque 6 800 médecins du travail dont une bonne partie, nous ne devons pas l'oublier, exerce à mi-temps. Le renouvellement ne se fera pas très rapidement. Près de 1 500 médecins du travail vont partir à la retraite dans les deux ans qui viennent. L'avenir est inquiétant car il faut dix ans pour former un médecin, l'équivalent de deux mandats législatifs. En outre, plusieurs textes sont « plombés » par cette démographie, d'autant que l'on doit compter avec la frilosité de nos maîtres et professeurs, avec leur conservatisme. La puissance publique gagnerait à se montrer plus coercitive, plus décidée sur la question du numerus clausus, sur celle des études de médecine. Comme on l'a rappelé en commission, il a fallu du temps pour créer trois postes récemment, il a fallu bousculer les habitudes.
Les 35 heures ? Ce pourrait être 20 ou 40, le problème consiste à trouver des médecins qui les occupent – nous en sommes à ce stade ! Il n'y a tout simplement pas de médecins pour occuper ces postes ! Le problème des 35 heures peut par conséquent être éliminé du débat.
Je prendrai un exemple très concret et j'espère que vous ferez confiance à mes sources puisqu'il s'agit de mon épouse. (M. le rapporteur opine du chef.) Merci, monsieur le rapporteur. (Sourires.) Elle s'occupe du comité d'hygiène et de sécurité et des conditions de travail de son entreprise – il s'agit d'un laboratoire. On a pu constater, notamment dans le domaine alimentaire, l'existence de certains risques. Or il a semblé justifié à mon épouse que les salariés de son entreprise bénéficient d'une visite médicale par an, à savoir d'un service médical renforcé, alors que le service médical normal comporte une visite tous les deux ans. On le lui a refusé et voici la réponse d'un organisme de grande qualité en matière de médecine du travail dans ma circonscription : « L'ensemble de l'équipe médicale de notre organisme intervient dans un contexte de pénurie de temps médical qui affecte gravement notre secteur d'activité et notre bassin d'emploi. Nous sommes donc dans l'obligation d'adapter son fonctionnement notamment en visites médicales et nous avons un ordre de priorités. »
Il s'agit du bassin d'emplois de Dunkerque. La qualité des médecins du travail n'est pas en cause. Du reste, nombre d'entre eux ne sont pas avares de leur temps : j'en connais qui dépassent largement les 35 heures de travail hebdomadaire, en particulier dans le secteur de la prévention. Nous en avons tous rencontré au cours de visites d'entreprises, dans des séminaires de prévention, dans des colloques où ils interviennent en dehors de leur temps de travail rémunéré.
Quant à la pluridisciplinarité, il s'agit d'une excellente pratique ; elle pourrait même s'étendre à une pluridisciplinarité médicale. Le monde du travail a en effet changé, la santé au travail également. Les pathologies oculaires, par exemple, sont sous-estimées en regard du nombre d'employés dans les services qui travaillent devant un écran. Au-delà du médecin du travail spécialisé dans certaines pathologies, il faut parfois faire appel à quelqu'un de plus spécialisé qui doit être protégé, comme l'a souligné M. Vidalies, au même titre que les autres. Un de nos amendements propose que les CHSCT disposent d'experts. Ainsi, dans le domaine des risques psychosociaux, il faudra un jour ou l'autre que des psychiatres interviennent et ils devront, je le répète, être protégés.
La pénurie de médecins du travail n'est pas due, à mon sens, à ce qu'on appelle l'héliotropisme, qu'on constate couramment par ailleurs, ni à une question de rémunération – aucun de ces médecins ne se plaint à cet égard. La puissance publique gagnerait à se montrer plus pertinente en agissant dans le cadre des études médicales afin d'offrir à cette médecine honorable et humaniste des possibilités beaucoup plus larges. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, monsieur le président de la commission des affaires sociales, mes chers collègues, la loi fondatrice de la médecine du travail a près de soixante-cinq ans. Ce système unique, sans équivalent à l'étranger, est au bord de l'asphyxie.
Pourquoi en est-on arrivé là ? Bridé par un code du travail qui n'a pas suffisamment évolué, le médecin du travail, cantonné dans une approche de prévention individuelle, contraint de faire des visites médicales à tour de bras pour répondre à des obligations réglementaires totalement décalées, se retrouve dans une situation intenable.
Et c'est bien cette situation qui a contribué à donner une image peu flatteuse du médecin du travail, dont tout le monde se demande à quoi il sert, si ce n'est à faire des visites de contrôle de l'aptitude.
La santé au travail est entrée dans une spirale infernale, la faible attractivité du métier conduisant tout droit à problème démographique majeur. Cet enchaînement conduit le médecin du travail à ne plus pouvoir remplir les missions que lui a confiées le code du travail et il souffre de ne pouvoir consacrer le temps nécessaire aux salariés qui en ont le plus besoin.
Pourtant, depuis une quinzaine d'années, la loi a été modifiée à plusieurs reprises. Dans l'ensemble, elles ont été plutôt mal acceptées par la profession, car elles ont peut-être été perçues uniquement comme un moyen de faire face à la crise démographique ou plus simplement comme une menace.
Le texte actuel ne fait pas exception et son accueil par les médecins du travail est pour le moins mitigé. Il est pourtant de nature à redonner de l'espoir et des perspectives concrètes à ces spécialistes médicaux. En définissant les missions du service de santé au travail, en précisant qu'elles sont assurées par une équipe pluridisciplinaire autour des médecins du travail, en confiant à ces derniers la fonction d'animateur et de coordonnateur de l'équipe, le texte est sans équivoque sur le rôle central réservé au médecin au sein du service de santé au travail. Ce rôle central n'est pas usurpé quand on connaît le niveau de formation exigeant de cette spécialité médicale. Son champ de compétence est vaste. Il couvre un large spectre allant des matières médicales telles que la toxicologie, la pathologie professionnelle, aux domaines plus techniques que sont l'ergonomie, la législation ou la connaissance du fonctionnement de l'entreprise.
Avec ce texte, la reconnaissance de la santé au travail comme une branche déterminante de la santé publique progresse. Les politiques de santé, définies dans le plan national « Santé, travail » et sa déclinaison régionale, se traduiront dans le contrat d'objectifs et de moyens établis entre le service, l'État et les organismes de sécurité sociale, le projet de service pluriannuel s'inscrivant dans ce contrat.
Voilà enfin une organisation cohérente qui nous permettra d'obtenir des résultats tangibles en matière de prévention et de ne plus vivre des catastrophes annoncées telles que le scandale de l'amiante.
Partie prenante dans la santé publique, les services de santé au travail s'intégreront plus facilement dans les réseaux de veille sanitaire. En plus de l'efficience recherchée, cette nouvelle dimension plus collective sera certainement, pour l'avenir, une source importante de notoriété et d'attractivité pour cette spécialité médicale.
Le puzzle des réformes de la santé au travail se complète, mais il manque encore quelques pièces sans lesquelles l'ensemble ne fonctionnera toujours pas.
Je pense aux aspects réglementaires. L'idéal serait que l'on ne parle plus de visites médicales, qui donnent une image très réductrice. Pourquoi ne pas libérer les potentialités du médecin du travail en substituant à ces sacro-saintes visites médicales réglementaires, un « suivi de santé » dont la teneur serait laissée totalement à l'appréciation du médecin du travail.
Je pense également à la formation initiale et à la formation continue de l'équipe pluridisciplinaire – y compris celle du médecin – dont il faut revoir l'architecture.
Je pense encore au développement des possibilités de reconversion des médecins car la réalité, c'est que la prévention est une vocation qui se révèle avec le temps alors que, il faut bien le reconnaître, l'étude des pathologies séduit davantage les étudiants au début de leur cursus.
C'est exactement ce que j'ai dit, que n'avez-vous déposé un amendement en ce sens ?
Je pense, pour finir, au soutien à la recherche car, vous le savez, monsieur le ministre, la démographie des enseignants chercheurs n'est pas meilleure que celle de la filière.
Pour conclure, la médecine du travail peut, grâce à ce texte, s'imposer comme une médecine moderne. Son exercice, axé exclusivement sur la prévention, est tout aussi noble et utile que celui de la médecine de soin.
Il est temps de comprendre que la santé au travail est dans l'intérêt commun de tous, salariés et employeurs, et non dans l'intérêt des uns contre celui des autres.
Il est temps de réaliser que de bonnes conditions de travail et une bonne santé au travail constituent de réels investissements qui ont un effet sur les performances et l'image de l'entreprise.
Je suis donc favorable à cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le travail c'est notre place dans la société, c'est ce que nous échangeons avec les autres ; le travail doit construire et non détruire, développer et non user, physiquement, socialement, psychiquement, selon la belle définition de l'OMS.
Et même si nous savons que cela ne peut être toujours, ni partout le cas, ce doit être partout et toujours notre ambition de le rendre possible.
La médecine du travail est l'une des clefs de cette ambition.
La France a, la concernant, un système spécifique auxquels les partenaires sociaux comme nous-mêmes sont attachés. Force est de constater qu'en l'état, les résultats sont, au moins partiellement, un échec : est-il besoin d'évoquer le drame de l'amiante, la montée en puissance des troubles musculo-squelettiques et les dégâts des syndromes de stress ?
Le manque de médecins est bien sûr la raison essentielle de ces échecs. Quand on a 3000, 4000, jusqu'à 7 000 personnes à voir, peut-on imaginer être véritablement utile, avoir une action de prévention ou de dépistage ? Non.
On ne peut pas davantage anticiper. Or le travail change, en mieux souvent, en pire trop souvent et, avec lui, la pathologie du travail. Nouvelles substances, nouvelles performances imposées, nouveaux gestes, de nouveaux risques apparaissent. Où a été, où est aujourd'hui l'anticipation ?
Dans la loi de réforme des retraites, vous avez joué sur les mots et appelé pénibilité ce qui est déjà de l'ordre de l'invalidité, alors que toutes les données étaient disponibles pour que nous puissions entrer dans cette culture de la prévention que nous avait annoncée Nicolas Sarkozy dans la première année de sa présidence et que nous attendons encore, comme nous attendons la grande loi de santé publique qui nous avait été promise.
Où est l'anticipation, où est la prévention ? Où est la nécessaire revalorisation par les actes du rôle du médecin du travail ? Si l'augmentation du nombre des postes est de l'ordre du règlement, la revalorisation réelle de leur rôle relève de la volonté politique.
Nous devons avoir deux objectifs, la prévention et la prévision collective, l'organisation du travail, en un mot la santé au travail avec le CHSCT, où peuvent se concerter employeurs, salariés et médecins du travail. Cela suppose d'élargir et de consolider son rôle et ses moyens, et nous aurions aimé que ce soit le cas dans ce texte.
La prévention et le dépistage individuels sont proprement le rôle du médecin du travail. J'ai travaillé longuement avec ces médecins sur le dépistage des cancers cutanés, spécialement dans les professions exposées au soleil et aux intempéries. Dépistage minutieux, identification des sujets à risques, information éventuelle à destination de la famille, conseils de protection, orientation des cas quand un cancer était suspecté : avaient-ils le temps de tout faire ? Non. Le seul fait d'énumérer ces actions vous démontre qu'elles demandent trop de temps.
Nous examinons un texte qui est loin de répondre à l'ensemble de nos exigences, et qui va à l'encontre des souhaits des partenaires sociaux sur certains points, notamment la gouvernance.
Lors des débats, nous serons particulièrement attentifs au maintien de l'indépendance du médecin du travail et de l'équipe pluridisciplinaire, et nous examinerons favorablement tout ce qui pourra renforcer son action, en particulier par la pluridisciplinarité, ainsi que le rôle des 16 millions de salariés, qui sont les premiers intéressés.
Ce que nous pouvons appeler le travail durable impose une autre ambition, une autre réforme, pour entrer dans une vraie culture de santé durable. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le texte que nous examinons cet après-midi va clairement dans le bon sens. J'espère qu'il pourra contribuer à résoudre certaines difficultés et, surtout, à rendre à la médecine du travail le rôle qu'elle a peu à peu perdu.
Vous me permettrez de vous faire part de mon expérience personnelle. Chef d'entreprise dans le domaine des services, donc assez peu concerné par les maladies professionnelles, j'ai une vision assez lointaine de la médecine du travail. À mes yeux, elle représente surtout un coût élevé, pour un service on ne peut plus réduit. Alors même que la cotisation est annuelle, la visite médicale obligatoire de mes salariés n'a lieu que tous les deux ans et se résume à un examen médical standard et très sommaire : passage par l'urinoir, prise de tension et quelques questions générales. Mis à part l'ergonomie des fauteuils et l'impact de la luminosité des écrans, il n'y a guère de risque de maladie professionnelle. En dix ans d'activité, aucun médecin du travail n'a franchi les portes de mon entreprise. J'ai donc tendance à trouver, et je suis loin d'être le seul, que je paie cher pour pas grand-chose alors que, très souvent, la visite médicale obligatoire est le seul lien de mes salariés avec le monde médical. Il y aurait sans doute des choses à revoir sur la répartition des cotisations entre secteurs d'activité.
Il faudrait également améliorer les contacts entre la médecine du travail et les chefs d'entreprise, et notamment les patrons de PME. Certes, cela ne relève pas de la loi, mais il n'est pas interdit au législateur d'indiquer l'esprit dans lequel il souhaite qu'elle soit appliquée.
Actuellement, les patrons de PME ont l'impression de subir les procédures sans être écoutés et sans pouvoir réellement se défendre. Il serait vraiment nécessaire que les médecins du travail viennent plus souvent visiter les locaux des entreprises, dialoguent avec les chefs d'entreprise pour comprendre leurs contraintes et faire de la prévention.
Il faudrait également que le médecin du travail informe tout simplement le chef d'entreprise des décisions qu'il prend. Trop souvent, le chef d'entreprise est informé par le document de la CPAM que l'arrêt de travail délivré à l'un de ses salariés par la médecine du travail est lié à une maladie professionnelle.
J'ai quelques exemples de décisions très coûteuses pour les entreprises qui auraient pu être évitées par un contact téléphonique préalable entre le chef d'entreprise et le médecin du travail. J'ai ainsi vu, en Haute-Savoie, une personne licenciée pour inaptitude à quinze jours de la date où elle pouvait partir en retraite, sans aucune concertation.
Sur l'inaptitude et ses conséquences, il y aurait aussi beaucoup à redire. Là encore, les chefs d'entreprise se sentent désarmés et estiment qu'il existe une véritable présomption de maladie professionnelle. Parfois, c'est presque à l'employeur de prouver qu'une inaptitude physique ou une maladie n'a rien à voir avec le travail, ce qui est difficile, voire impossible.
L'exemple typique est le syndrome du canal carpien. Parfois, il est effectivement provoqué par des gestes répétitifs et peut donc être considéré comme maladie professionnelle, mais il peut aussi n'y avoir aucun lien (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR), et nombre de personnes n'ayant pas travaillé en sont atteintes car il existe d'autres facteurs de risques comme la morphologie des personnes ou le fait qu'elles soient diabétiques. Or il est quasi systématiquement reconnu comme maladie professionnelle, à la charge de l'entreprise.
Il y a donc clairement deux éléments dans cette réforme, la loi en elle-même et la manière dont elle est appliquée.
Si la loi me paraît satisfaisante, il y a beaucoup à revoir dans la pratique. Les chefs d'entreprise doivent être davantage écoutés et associés aux procédures. Les médecins du travail ont tout à y gagner, car ce qui est en jeu, c'est la légitimité de leurs interventions dans les entreprises.
Il faut véritablement casser cette incompréhension, et malheureusement, ce n'est pas par la loi que cela peut se faire, si l'on veut améliorer l'image de la médecine du travail dans notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Voilà pourquoi il faut un système paritaire, monsieur le ministre. La médecine du travail, c'est pour les salariés !
Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous l'avons déjà souligné, la majorité tente un retour au texte d'origine inspiré par le MEDEF et censuré par le Conseil constitutionnel. À cet instant de nos échanges, je souhaite revenir sur deux points essentiels de clivage, deux aspects de la médecine du travail, la gouvernance et la démographie médicale.
Plutôt que de me situer dans un pur débat d'idées, j'illustrerai mon propos par un exemple qui, sur ces deux aspects, me semble caractéristique des avancées à réaliser. Il s'agit de la situation de l'ASTIA, association de santé au travail interentreprises et de l'artisanat, basée à Toulouse, à laquelle j'adhère en tant que double employeure, pharmacienne et députée.
Fusion de l'association de médecine et de santé au travail au sein du centre de médecine du travail de l'artisanat, cette association symbolise ce que nous ne devons plus laisser perdurer dans notre pays. Cet exemple est symptomatique de la dérive systémique de la médecine du travail. Devant le caractère inacceptable des statuts proposés, les cinq organisations syndicales représentées au niveau à la fois territorial, départemental et régional ont protesté et elles n'ont pas été les seules.
Le directeur régional du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle est également resté perplexe devant les bizarreries de la gouvernance de cette association : l'objet exclusif de l'association se dédouble curieusement en, d'une part, l'organisation d'un service de santé au travail, d'autre part, la fourniture d'une prestation « santé travail » comportant une activité de prévention des risques dans le cadre d'équipes pluridisciplinaires. L'activité de service de santé au travail est effectivement exclusive d'autres activités.
Ce même directeur régional notifie le besoin de réexaminer les compétences entre les services de la Haute-Garonne afin de clarifier et optimiser les ressources médicales, et, bouquet final, il prévient : à la mesure de la dimension du service, les statuts de l'association, qui limitent la composition de l'assemblée générale à trente-deux membres élus au scrutin de liste bloqué et ensuite cooptés en cas de vacance de poste, apparaissent particulièrement fermés et ne répondent pas pleinement aux observations de mes courriers antérieurs à l'AMST.
En clair, la direction régionale du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle a mis en garde contre le fonctionnement opaque de cette association aux marges de la légalité, voire de l'illégalité. Où est cette démocratie paritaire tant vantée ? Pour aller au bout de ma présentation et de manière non exhaustive, je citerai quelques points saillants de ces fameux statuts.
Comme l'évoque la lettre précédemment citée, le nombre de représentants à l'assemblée générale de l'association est de trente-deux pour 17 000 entreprises adhérentes à l'ASTIA et pas moins de 230 000 employés représentés et censés être suivis. L'information relative aux élections des représentants se fait par voie de presse trois mois avant. Les entreprises adhérentes n'ont que quatre semaines au plus pour former et communiquer une liste impérativement complète de trente-deux candidats. Cela veut dire par exemple qu'une union professionnelle souhaitant être représentée au sein de l'association, si elle n'a pas trente-deux noms à fournir, devra se rapprocher d'une ou plusieurs autres entreprises, dont elle devra s'assurer de la participation à l'ASTIA puisqu'il n'y a pas de communication, et le tout en moins de quatre semaines. Ajoutons un processus de vote par correspondance opaque et nébuleux, car l'ASTIA n'a obligation de faire parvenir les éléments nécessaires au vote que dix jours avant celui-ci, l'organisation statutaire des votes à main levée, la révocation possible de chaque membre par seize autres membres avec, cerise sur le gâteau, le remplacement de ce membre par l'AG elle-même, sans aucun cadre, l'absence de rôle défini pour le bureau, le verrouillage des postes clés, président, trésorier, vice-président, pour les seuls employeurs, le fait que la parole des salariés soit muselée, que la diversité d'opinions soit empêchée institutionnellement, l'absence de paritarisme et, un comble, l'absence totale d'informations sur la place des médecins du travail au sein de ce conseil d'administration dans les statuts votés.
L'exemple de l'ASTIA est représentatif du chemin qu'il nous reste encore à parcourir. Les organismes de santé ayant vocation, me semble-t-il, à assurer une mission d'intérêt général, leurs statuts doivent permettre la réalisation de leurs objectifs.
Sur le second point, la démographie médicale, je prendrai de nouveau un exemple en Haute-Garonne.
Un médecin du travail travaillant aux quatre cinquièmes se voit affecter une société de soixante-quinze salariés. Arrivé à son quota maximal, ce médecin le fait savoir à sa hiérarchie. Surprise, l'ASTIA lui indique que, du fait de la pénurie de médecins et de l'augmentation des effectifs traités, les médecins en exercice vont devoir travailler « en mode dégradé ». Dégradé, le terme est pudique, mais il veut bel et bien dire que la qualité de la consultation sera altérée par la quantité d'individus à traiter avec, à la clé, de possibles erreurs d'appréciation, avec toutes les conséquences que cela peut avoir sur les salariés concernés.
Le médecin, pour justifier son incapacité à prendre de nouveaux patients, évoque notamment le suivi de quatre-vingt-dix-sept chauffeurs de nuit d'une entreprise. Là encore, la réponse de l'ASTIA est parlante : concernant les travailleurs de nuit, dans un contexte de pénurie médicale nous cessons de décompter à part les salariés travaillant de nuit. Pour être clair, circulez, il n'y a rien à voir, les chauffeurs de nuit seront vus quand ils pourront être vus.
Mes chers collègues, cet exemple montre à lui seul que les questions de gouvernance et de démographie médicale doivent absolument être résolues avec la plus grande célérité. Il en va tout simplement de la santé des salariés de notre pays.
Pour moi, la réponse est sans appel. Ce texte n'est vraiment pas à la hauteur et ne réglera rien, ne serait-ce que le problème haut-garonnais. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Monsieur le président Méhaignerie, monsieur le rapporteur, je souhaite tout d'abord saluer le travail de rapprochement consensuel conduit par M. le rapporteur Lefrand et par Mme Anne-Marie Payet, rapporteure du texte au Sénat. Cela montre que les deux assemblées partagent une vision stratégique de l'évolution des services de santé au travail au service des entreprises et des salariés, une vision qui s'appuie à la fois sur le pilotage stratégique régional des objectifs et sur la pluridisciplinarité. Je souligne par ailleurs la pertinence du consensus auxquels les deux chambres sont également parvenues sur la gouvernance.
Monsieur Vidalies, je ne voudrais pas vous compromettre mais je suis d'accord avec vous, au moins sur un point. La médecine du travail ne doit pas être seulement réparatrice, mais avant tout préventive. C'est le sens de notre projet, qui place la pluridisciplinarité au coeur de ce texte.
Madame Poursinoff, je crois, oui, qu'il faut valoriser le travail, mais en valorisant la santé au travail et non en développant une vision stigmatisante du travail. Et c'est en favorisant l'implication des salariés dans l'entreprise que nous pouvons encourager une meilleure reconnaissance et une meilleure équité de la médecine du travail.
Monsieur Vercamer, vous avez raison de pointer la situation de la démographie médicale. La recette miracle à cet égard n'existe pas. Nous sommes le pays qui compte le plus grand nombre de médecins du travail au monde, 6 000,…
Si ce nombre est rapporté au nombre d'habitants, nous sommes derrière la Finlande !
…mais nous avons besoin de davantage, car la question de la démographie ne se limite pas à un chiffre en valeur absolue ; c'est également une question de répartition, de proportionnalité. Je ne me gargarise donc pas de ce nombre de 6 000, car je pense au contraire qu'il nous faut aller au-delà.
La solution des passerelles de reconversion par la validation des acquis de l'expérience sera d'ailleurs bientôt possible dans le cadre du suivi de la mise en place de la loi HPST. Je pense qu'il faut revaloriser l'image, ce à quoi le développement de la pluridisciplinarité va nous aider. Il convient de rendre plus attractif le travail en équipe qui dépasse le seul examen clinique.
M. Mallot a évoqué la question de l'attractivité de la médecine du travail. Nous avons augmenté le nombre de postes dédiés à cette spécialité. Il y en avait une centaine ces dernières années mais ce sont tout au plus quatre-vingts étudiants qui choisissent cette voie. Nous sommes donc, avec le professeur Frimat, en train de travailler sur le moyen terme en anticipant le remplacement des postes de PU-PH en médecine du travail, dans le cadre des pôles d'excellence interrégionaux.
Mme Dalloz, vous avez raison de souligner l'intérêt de la contractualisation pluriannuelle. Celle-ci offre la visibilité indispensable et permet de projeter les services sur des objectifs partagés avec les grands acteurs de la prévention, les DIRECCTE, les CARSAT… Il faut passer d'une logique basée sur la visite clinique à un système centré sur des objectifs.
Madame Gruny, je veux comme vous souligner le compromis trouvé sur la gouvernance. Le rôle de la commission de contrôle, sous l'égide des représentants des salariés, est consacré dans la loi.
Je salue toutes les initiatives pragmatiques qui permettent de prévenir la désinsertion professionnelle des salariés inaptes. Le sujet concerne principalement les régions les plus industrielles, mais il faut dans tous les cas, en associant tous les acteurs, prévenir de telles situations.
Vous avez cité le bassin d'emploi de Saint-Quentin. Je suis ministre du travail, de l'emploi et de la santé mais je ne peux que souligner qu'il s'agit d'un excellent exemple.
Vous aurez remarqué, monsieur le député, la précaution oratoire que j'ai prise ! La ville de Saint-Quentin, ma ville, dans la circonscription de Mme Gruny, prend de bonnes initiatives ; je peux me permettre de le souligner, même si ce n'est certainement pas la seule ville dans ce cas.
Monsieur Hutin, vous avez souligné les orientations positives de cette réforme, en particulier la pluridisciplinarité. Ce n'est pas la seule chose que vous ayez dite mais je m'y arrêterai. Vous avez, prenant l'exemple d'un laboratoire, évoqué une multiplication des visites périodiques. La meilleure réponse externe de prévention n'est pas forcément de multiplier les visites. C'est un des éléments mais il n'est pas le seul. Il faut aussi développer les actions en milieu de travail qui permettront d'agir, par exemple, avec des toxicologues.
C'est bien ce que je voulais dire : nous pouvons compléter.
Mme Delong a un regard particulier sur ces questions car elle est certainement la seule ici à avoir été médecin du travail. Quand elle souhaite plus de souplesse dans les visites médicales, cela montre bien que nous ne sommes pas dans un débat idéologique mais dans une démarche pragmatique. Ce message doit être entendu. Il faut trouver le bon moyen de le faire, c'est notre intention, et je tenais à en apporter la garantie. Une santé au travail mieux prise en compte, c'est aussi des salariés qui se sentent mieux et des entreprises plus efficientes. Mme Delong est bien placée pour le savoir.
M. Tardy a souligné la nécessité des liens entre médecins du travail et chefs d'entreprise. Il n'y a évidemment pas à tergiverser sur l'indépendance…
Le dialogue n'est pas interdit ! Chacun sait comment se positionner, nous sommes en territoire connu. D'ailleurs, les médecins du travail ne souhaitent pas que le dialogue soit absent. C'est en les soulageant de ce carcan que constituent les visites obligatoires, grâce au développement de la pluridisciplinarité, qu'on favorisera la présence de médecins dans l'entreprise. Ce texte renforce le dialogue à ce sujet.
Mme Delaunay a eu raison de souligner l'intérêt d'une meilleure articulation entre les médecins du travail et d'autres catégories de médecins pour développer la prévention. Je pense notamment au dépistage des risques de cancer de la peau. L'articulation est justement prévue et permise par ce texte.
Enfin, les difficultés que vous évoquez, madame Lemorton, renforcent notre volonté de rénover les procédures d'agrément des services de santé au travail. J'ai bien conscience que, si ce texte apporte des outils, les choses dépendront ensuite de la pratique. Je ne prétends pas que le vote de ce texte réglera tout mais je pense que, sans ce texte, nous ne pouvons pas avancer. La question des procédures d'agrément n'est pas un sujet secondaire ; j'en ai bien conscience et je tenais à vous le dire. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
J'appelle, dans le texte de la commission, les articles de la proposition de loi.
La médecine du travail devrait être un maillon essentiel de la santé publique – ce qui est visé, c'est une population au travail en bonne santé –, non seulement du point de vue des salariés mais aussi du point de vue des entreprises. La France est pourtant un très mauvais élève de la classe européenne dans à peu près tous les domaines de la santé au travail.
Les accidents au travail restent à un niveau très élevé. Les maladies professionnelles ne cessent d'augmenter et se sont même multipliées par cinq ces dix dernières années. La pénibilité, notamment par la répétition des mêmes gestes, est préoccupante et les troubles musculo-squelettiques représentent 80 % des maladies professionnelles. L'exposition à des substances chimiques ou radioactives ou à de nombreuses poussières conduit aussi à une véritable épidémie de cancers.
Aussi, depuis dix ans, les affaires se multiplient : affaire de l'amiante – vous cherchez actuellement à réduire les indemnisations –, suicides de plus en plus nombreux. L'origine de ce dernier phénomène se trouve dans des méthodes de management qui soumettent les salariés à un harcèlement permanent d'une incroyable violence et qui traitent les personnes comme on manierait un stock de marchandises.
Devant de telles dérives, on serait en droit de s'attendre à un renforcement des moyens de la médecine du travail. Or il n'en est rien.
Ces affaires sont aussi le résultat du manque de protection des médecins du travail face aux pressions exercées par les entreprises à leur égard. On sait ce qui s'est passé chez France Télécom. Là encore, vous ne répondez pas à la demande des médecins du travail, de leurs syndicats et de leurs associations, qui souhaitent rompre tout lien organique entre les entrepreneurs et la médecine du travail. Ce point est essentiel et devrait conduire nécessairement à la création d'un service public de santé au travail, prenant la forme d'une agence nationale de santé au travail et d'agences régionales décentralisées.
Si l'indépendance du médecin n'est pas négociable, que les salariés aient leurs propres représentants dans ce domaine en est un complément indispensable. Nous sommes surpris qu'au lieu de prévoir le renforcement du rôle des CHSCT, on choisisse de mettre en place un interlocuteur salarié, nommé directement par le chef d'entreprise. En termes de recul démocratique, il est difficile de faire mieux, d'autant que ce salarié ne sera ni choisi par les salariés ni protégé comme les autres délégués. Vous comprenez, dans ces conditions, que nous soyons en total désaccord avec cette réforme.
Je suis saisie d'un amendement de suppression, n° 10.
La parole est à M. Roland Muzeau.
Le présent amendement vise à supprimer l'article 1er qui, comme quelques autres, reprend – nous l'avons déjà dit – l'article 63 du texte portant réforme des retraites, article censuré pour des raisons de forme par le Conseil constitutionnel car il s'agissait d'un cavalier.
Cet article résulte de l'échec des négociations de l'accord interprofessionnel portant sur la revalorisation de la médecine du travail. Et pour cause, les organisations, salariales, d'un côté, patronales, de l'autre, n'avaient pas la même notion du terme « modernisation », pas plus qu'elles n'ont les mêmes desseins quant à ce que devrait être la médecine du travail. Cet échec incombe objectivement au MEDEF, partisan d'un affaiblissement du rôle de la médecine du travail dans l'entreprise, d'un financement partagé entre les employeurs et la solidarité nationale via la sécurité sociale, et promoteur du slogan « Qui paie commande ».
De fait, cet article s'inspire très largement des positions développées depuis quelques années par le MEDEF. Le texte se borne ainsi à faire des médecins les coordinateurs et animateurs des équipes pluridisciplinaires qui assurent les missions des services de santé au travail. Or ces services seront administrés paritairement par un conseil dont la présidence reviendra obligatoirement aux représentants des employeurs. Une telle tutelle met à mal la compétence générale des médecins du travail, d'autant que les équipes pluridisciplinaires devront mettre en oeuvre des priorités préalablement approuvées par le conseil d'administration des services de santé au travail.
L'employeur pourra en outre nommer un ou plusieurs salariés chargés de s'occuper des activités de protection et de prévention des risques professionnels dans l'entreprise. Or, si l'indépendance du médecin du travail est réaffirmée dans le texte – fort heureusement ! –, il n'en va pas de même pour ces salariés dont le lien de subordination vis-à-vis de l'employeur est évident puisqu'ils seront désignés par lui sans bénéficier d'aucune protection particulière.
Dilution de la responsabilité des médecins et affaiblissement de leur compétence d'ordre général, responsabilisation de certains salariés, reprise en main par les employeurs de la médecine du travail : nous avons là tous les ingrédients pour une régression sans précédent depuis 1946 de la médecine du travail, sur fond de précarisation. Pour toutes ces raisons, nous demandons la suppression de cet article.
La commission a repoussé cet amendement. Je vois d'ailleurs mal comment elle pourrait être favorable à un amendement qui supprime l'article principal de la proposition de loi, sur lequel repose en grande partie cette réforme que la majorité mais aussi les services de santé au travail et les partenaires sociaux veulent voir aboutir. Je rappelle la décision du Conseil d'orientation sur les conditions de travail de mai 2010, dans laquelle les partenaires sociaux demandent que cette réforme vienne en discussion au Parlement.
Les dispositions qui figurent au présent article reposent sur un constat et un diagnostic en grande partie partagé. Pour vous avoir entendu encore à l'instant, monsieur Muzeau, je crois que nous sommes à peu près tous d'accord sur le diagnostic. En outre, les propositions que nous avons faites émanent de plusieurs rapports, dont le rapport Conso-Frimat de 2007, qui fait autorité et dont les conclusions ont notamment été reprises dans le protocole d'accord des partenaires sociaux de septembre 2010.
Comment pouvez-vous prétendre que ces dispositions n'ont pas donné lieu à une réelle concertation des partenaires sociaux, alors que ceux-ci ont travaillé pendant près de neuf mois ?
De peu ! (Sourires.)
Qu'il s'agisse de prévoir les missions des services de santé au travail, de reconnaître explicitement le rôle des équipes pluridisciplinaires, d'inscrire ces services dans une dynamique de contractualisation au niveau régional, mais également de rappeler et d'intensifier l'indépendance du médecin du travail, toutes ces dispositions font aujourd'hui consensus.
(L'amendement n° 10 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.)
L'intervention de Mme Delong dans la discussion générale a éclairé le discours de la majorité. Ses constats rejoignaient les nôtres et ses propositions celles que nous formulions nous-mêmes. M. le ministre a ensuite indiqué que cette intervention était frappée au coin du bon sens, notre collègue étant la seule ici à avoir exercé les fonctions de médecin du travail.
Dès lors je vous dis, chers collègues de la majorité, que nous savons bien que vous n'êtes absolument pas sensibles aux arguments, même parfois raisonnés et travaillés, de l'opposition, que vous êtes uniquement ici pour répondre aux ukases du Gouvernement. Mais quand certains de nos arguments sont repris dans vos rangs, vous pourriez estimer qu'au moins cette voix-là mériterait d'être entendue. En tout cas, je suis conforté dans notre démarche quand nous sommes rejoints, comme vous le reconnaissez vous-même, monsieur le ministre, par une députée qui a eu une expérience en la matière.
Cet amendement reprend une de nos propositions qui ne fait pas difficulté et qui serait un plus car elle s'inscrit dans la démarche prévue par la loi Auroux et tire la leçon de l'expérience menée chez France télécom. Le fait que 80 % des salariés y aient répondu au questionnaire qui leur avait été envoyé montre à la fois un besoin d'expression individuelle et la nécessité de pouvoir synthétiser l'ensemble des réponses pour en faire un sujet de négociation. Nous proposons donc d'inscrire dans la loi cette procédure qui permettrait de faire reconnaître très précisément le droit d'expression : tous les deux ans, l'entreprise organiserait une consultation de l'ensemble des salariés, et le résultat en serait communiqué bien sûr au chef d'entreprise, mais aussi aux représentants du personnel. Une telle disposition marquerait un progrès collectif dans la prise en compte de la prévention en matière de santé au travail.
Si vous me le permettez, madame la présidente, je vais faire une réponse globale sur cet amendement et les suivants qui portent sur le rôle du CHSCT.
Ils sont liés.
Ceux qui ont participé aux travaux de la mission d'information sur les risques psychosociaux, présidée parMarisol Touraine et dont j'avais l'honneur d'être le rapporteur, savent à quel point je suis favorable à un renforcement du rôle et de la légitimité des CHSCT. Plusieurs propositions du rapport allaient dans ce sens, notamment l'élection des membres du CHSCT au suffrage direct, l'augmentation de ses moyens d'action en accordant des délégations horaires plus importantes ou en dotant le comité d'un budget propre, ou encore le développement de la formation pour les membres du comité et pour les délégués du personnel, en particulier sur les risques psycho-sociaux. En tant que rapporteur sur le présent texte, j'aurais pu être tenté de vous suivre sur une partie de vos propositions relatives au CHSCT, monsieur Vidalies. Mais je ne l'ai pas fait pour deux raisons.
Tout d'abord, comme l'a dit notamment notre collègueFrancis Vercamer, il convient, avant de modifier les dispositions applicables au CHSCT, de mener une réflexion approfondie sur le sujet et, à tout le moins, de prévoir une consultation des partenaires sociaux. Or le ministre l'a rappelé : des négociations sont actuellement en cours. S'agissant plus largement des institutions représentatives du personnel, je préfère évidemment ne pas piétiner les négociations entre partenaires sociaux, les laisser se poursuivre plutôt que de précipiter une réforme.
La seconde raison, c'est que le sujet dont nous débattons aujourd'hui, c'est l'organisation des services de santé au travail et de la médecine du travail. Il s'agit, nous l'avons tous rappelé, d'une priorité absolue, et je ne tiens pas que cette proposition de loi aborde d'autres sujets au risque de se disperser et surtout de subir une censure du Conseil constitutionnel au titre d'un cavalier législatif – on sait qu'il est très pointilleux ces derniers temps sur ce point – alors qu'il y a urgence et qu'il faut donc réformer rapidement.
J'entends vos arguments sur les CHSCT, j'en partage une bonne partie, mais je pense que ce n'est ni le bon texte, ni le bon moment, ni la bonne manière pour les réformer.
J'en viens à votre amendement n° 75 . Il tend à rendre obligatoire une consultation bisannuelle des salariés sur leurs conditions de travail, le dispositif se bornant à prévoir l'envoi d'un questionnaire élaboré par le CHSCT. Vous voyez que le lien existe. Or rien n'empêche aujourd'hui celui-ci de recourir à l'envoi de tels questionnaires dans le cadre des missions qui lui sont dévolues par la loi. Rendre cette démarche obligatoire alors qu'elle est déjà possible ne me paraît pas pertinent. L'avis est donc défavorable.
Avis défavorable pour plusieurs raisons de fond que vient d'expliquer le rapporteur. Monsieur Vidalies, je ne sais pas qui soutient qui chez vous ni qui gagnera les primaires, et je ne voudrais pas vous mettre en difficulté, mais M. Hollande à tenu des propos très intéressants : il a notamment déclaré qu'il fallait constitutionnaliser la place des partenaires sociaux. Je pense que l'application de la loi Larcher va déjà dans le bon sens mais, quoi qu'il en soit, quand vous défendez un tel amendement, vous êtes en contradiction avec ce que propose M. Hollande. De plus, vous prenez une initiative parlementaire sans même savoir si les partenaires sociaux y sont favorables alors que nous débattons d'un sujet qui dépasse largement le seul cas de la médecine du travail puisque nous abordons aussi les IRP et le rôle du CHSCT. Sur le fond, je reprends l'argumentation du rapporteur ; sur la forme, je ne voudrais pas qu'à un moment donné, vous vous trouviez mis en difficulté.
Monsieur le ministre, je comprends que, du côté de l'UMP, on ne soit pas inquiet des subtilités, voire des inconvénients qu'on croit voir dans l'organisation de nos primaires parce qu'il y a nettement moins de difficultés quand on organise une primaire avec un seul candidat et un seul électeur.
Évidemment, on se garantit en ce cas par avance de tout problème.
Pour vous répondre sur le fond, monsieur le ministre, j'indique que je ne suis pas d'accord avec l'idée de Constitution sociale. Ce n'est pas ma position.
J'espère que cela ne vous portera pas préjudice ! C'est courageux, monsieur Vidalies !
La Constitution sociale est un sujet de débat majeur que les socialistes ont déjà abordé. Dans notre régime républicain, il y a le temps de la négociation et il faut respecter l'accord majoritaire ; puis c'est la loi qui intervient, et uniquement en ce cas. Nous avons une position très claire sur ce point, et c'est dans ce cadre que s'inscrit le débat que vous évoquez.
Vous avez préféré me répondre sur ce terrain parce que, monsieur le ministre, c'est aussi difficile pour vous que pour que le rapporteur de nous expliquer pourquoi vous ne voulez pas voter cet amendement. Certes, l'envoi d'un questionnaire par le CHSCT est toujours possible, mais ce n'est pas parce que des bonnes initiatives prises ici ou là donnent de bons résultats qu'il faut exonérer ceux qui ne les prennent pas. L'initiative prise à France Télécom a donné des résultats qui m'ont moi-même surpris – je ne crois pas que sinon j'aurais déposé cet amendement – : 80 % des salariés, toutes générations et qualifications professionnelles confondues, ont répondu à un questionnaire très long et compliqué, et cela a permis de faire beaucoup avancer les choses dans le groupe. Si vous pensez que ce qui s'est passé à France Télécom a donné de bons résultats et que vous voulez faire avancer les choses en matière de prévention, encore faut-il que ceux qui sont au coeur du dispositif, les salariés, aient à un moment donné un droit d'expression. Ce ne serait pas une procédure lourde, la consultation n'aurait lieu qu'une fois tous les deux ans, ce serait un vrai progrès démocratique sans contrainte majeure pour l'employeur.
Mais vos avis négatifs montrent bien dans quel cadre très restreint vous avez abordé une question qui mérite une ouverture d'esprit beaucoup plus large. J'ajoute que, faute d'arguments, vous êtes revenu, monsieur le ministre, à des petits débats politiciens dont vous avez la spécialité.
(L'amendement n° 75 n'est pas adopté.)
La parole est à Mme Catherine Lemorton, pour défendre l'amendement n° 73 .
Cet amendement vise à préciser ce qu'est une cause de danger grave et imminent parce que actuellement, cette notion veut à la fois tout dire et ne rien dire. À cet effet, trois nouveaux alinéas seraient insérés après l'alinéa 1.
Le premier d'entre eux est le plus important parce qu'il conditionne les deux autres. Il répond en effet à la question : qu'est-ce que la santé aujourd'hui ? Si on en croit la définition de l'OMS, c'est la santé physique, mais aussi mentale – je pourrais même ajouter la santé environnementale.
Le deuxième alinéa précise la cause de danger grave et imminent : lorsqu'il y a risque « pour la vie ou la santé physique ou mentale d'un travailleur ou de plusieurs travailleurs ». La cause de danger grave, ce n'est bien sûr pas seulement une grosse pierre qui pourrait tomber ou un risque d'accident de voiture. Depuis la mission d'information sur les risques psycho-sociaux, nous savons très bien que le danger grave et imminent peut être beaucoup plus sournois.
Le troisième alinéa prévoit qu' « après le mot : “ danger ”, la fin du deuxième alinéa de l'article L. 4132-2 est ainsi rédigée : “ Il [l'employeur] soumet au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail les mesures qu'il envisage de prendre pour faire cesser le risque de danger ou l'atteinte portée à la santé [définie précédemment] du ou des travailleurs. ” »
Oui, madame la présidente. Je précise que la consultation du CHSCT me paraît d'autant moins indispensable que l'employeur doit agir dans l'urgence. Exiger une consultation en cas de danger grave et imminent n'est donc pas raisonnable.
Même avis.
(L'amendement n° 73 n'est pas adopté.)
Cet amendement tend à répondre à une question qui est au coeur de nos débats, à savoir quels sont les objectifs fixés à un salarié susceptibles de mettre en cause sa santé. C'est le problème du stress au travail.
La mission d'information et le colloque que le groupe socialiste a organisé la semaine dernière ont montré que, pour beaucoup de salariés, cette question est très présente : que peut faire un membre du personnel lorsqu'on lui fixe un objectif qu'il considère inatteignable ? Que peut faire le salarié quand on lui rétorque que son objectif est identique à celui des autres ou même que les autres ont fait mieux ? Beaucoup ignorent qu'ils n'y arrivent pas parce qu'il est inatteignable, et ils se sentent dévalorisés. Tous les praticiens du droit du travail constatent qu'avec l'organisation de la compétition entre les salariés à travers de tels objectifs, on a un mécanisme apparu récemment et détourné par certaines formes de management, et qu'il convient d'allumer un contre-feu à cette dérive. C'est extrêmement important sur le plan pratique. Il s'agit d'indiquer au salarié concerné ce qu'il peut faire.
C'est pourquoi, si on intime au salarié de fabriquer, par exemple, tant de pièces pendant ses sept ou huit heures de travail et que c'est impossible, nous proposons qu'il puisse saisir le CHSCT pour qu'il y ait un contrôle sur la faisabilité de l'objectif assigné. Il y aura au moins un échange avec l'employeur et, en cas de difficultés ultérieures – licenciement, voire maladie professionnelle –, le rapport circonstancié du CHSCT pourra servir de preuve en cas de litige. Ce serait un droit nouveau, qui part du vécu. La représentation nationale s'honorerait de prendre en compte ce qu'est la réalité de la vie de nos concitoyens.
(L'amendement n° 74 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Monsieur le rapporteur, peut-on raisonnablement parler de la santé au travail sans parler de la situation des CHSCT ? Un tel choix n'est pas raisonnable…
…car il limite la réflexion uniquement au service médical de prévention alors que la santé au travail, c'est bien autre chose ; il s'agit d'abord des salariés, et elle renvoie à notre histoire sociale, à l'époque où on a mis en place les CHSCT, vous l'avez rappelé vous-même. Nous sommes d'accord sur la nécessité de les faire évoluer mais, malgré cela, vous présentez un texte qui ne traite qu'une partie de la question. Vous vous mettez dès lors dans une grande difficulté. Ainsi, la gestion du système est importante, mais s'il y a une réponse forte sur les CHSCT, la problématique est différente.
La pluridisciplinarité c'est important, mais à condition que l'on traite la protection des intervenants. Si vous ne les protégez pas, la pluridisciplinarité prend un autre sens, celui de réduire les pouvoirs du médecin du travail.
Cette cohérence rend la lecture de votre texte extrêmement claire. Alors que vos propres travaux, vos propres rapports vous alertent sur son importance, vous choisissez de ne pas parler du CHSCT en matière de santé au travail. Ce n'est pas de l'inadvertance mais un choix politique délibéré que nous combattons.
(L'amendement n° 63 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Cet amendement vise à la création d'un CHSCT inter-établissements pour les personnels des entreprises de moins de cinquante salariés qui travaillent sur un même site ou dans un même bassin d'emploi.
Les grandes entreprises ont leur médecine du travail autonome ; les petites entreprises ont leur médecine du travail inter-entreprises. Quid du CHSCT ? Néant. Aucun interlocuteur possible, par d'alerte partagée, pas de prévention partagée, pas d'information.
Dans le cadre de notre mission sur les risques psychosociaux, monsieur le rapporteur, vous avez insisté sur l'importance du CHSCT. Nous avons pu constater aussi le désert de prévention dans lequel étaient les personnels des entreprises de moins de cinquante salariés. Vous ne pouvez donc qu'approuver cet amendement qui abonde dans le sens du rapport que vous avez vous-même produit. C'est indispensable. Nous ne pouvons pas laisser ces salariés en dehors du système des CHSCT.
Sans rien changer sur le fond en ce qui concerne les CHSCT, je rappelle que dans les entreprises de moins de cinquante salariés, les missions confiées au CHSCT ne sont pas laissées en déshérence, elles sont confiées aux délégués du personnel.
Par ailleurs, l'inspecteur du travail peut imposer la mise en place d'un CHSCT s'il l'estime nécessaire. C'est prévu. Enfin, les entreprises de moins de cinquante salariés ont d'ores et déjà la possibilité de se regrouper sur un plan professionnel ou interprofessionnel en vue de constituer un CHSCT…
…en vertu de l'article L.4611-6 du code du travail. C'est pourquoi je ne suis pas favorable à cet amendement.
(L'amendement n° 64 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Dans le même esprit que le précédent, cet amendement aborde la question des bassins d'emploi, des sites prédestinés à telle ou telle activité comme nous pouvons en avoir, les uns et les autres, dans nos circonscriptions.
Dans ce cas, le CHSCT ne serait pas créé ex-nihilo mais, comme vous le disiez monsieur le rapporteur, à la suite d'un accord collectif ou à la demande de l'inspecteur du travail.
Le CHSCT de site serait alors inscrit dans la loi, et être utilisé par exemple dans un port où certains personnels travaillent pour plusieurs entreprises dans les mêmes conditions, et dans la sidérurgie qui fait appel à de nombreuses entreprises de maintenances comptant moins de cinquante salariés pour la plupart. Créer un CHSCT de site serait une excellente idée.
(L'amendement n° 65 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Avec cet amendement, nous nous intéressons aux salariés d'entreprises extérieures qui interviennent sur un site donné. Nous avons beaucoup parlé des itinérants du nucléaire qui appartiennent souvent à des entreprises de moins de cinquante salariés. Ils ont certes des habilitations, mais souvent leurs interventions sont particulièrement dangereuses puisqu'elles ont lieu lors d'arrêts de site, de tranches nucléaires. Dans la sidérurgie, le même système existe pour les arrêts de hauts-fourneaux nécessitant aussi des travaux particulièrement dangereuses.
Il nous semble légitime d'affirmer la mission du CHSCT pour ces salariés. Dans ce cadre, le CHSCT veillerait à la mise en oeuvre d'actions de prévention et de protection de ces risques par l'employeur ou le donneur d'ordre. Cette pratique de recours à des petites entreprises extérieures se développant, il est d'autant plus légitime de se préoccuper du problème.
(L'amendement n° 66 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Cet amendement semble de précision mais il est important étant donné la montée des risques psychosociaux dans le domaine de la santé au travail.
Nous proposons, dans l'article L. 4612-2, de rajouter les risques psychosociaux au nombre des sujets soumis au CHSCT.
L'article L. 4612-1 mentionne déjà la protection de la santé physique et mentale des travailleurs. Comme vous l'avez dit et nous le mentionnons dans notre rapport, la jurisprudence a confirmé le rôle du CHSCT en matière de prévention des risques psychosociaux.
Cet amendement est donc superfétatoire puisque la mesure proposée existe déjà dans la législation.
(L'amendement n° 67 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Toujours dans le registre des pouvoirs du CHSCT, cet amendement tend à obliger l'employeur à lui transmettre tous les documents relatifs à l'organisation du travail dans l'entreprise.
Cette série d'amendements révèle ce que vous n'avez pas voulu faire. Compte tenu d'un constat partagé sur le bilan, des interrogations légitimes soulevées par le dossier de l'amiante, les risques squelotto-musculaires, certaines maladies professionnelles et les risques psychosociaux, nous recherchons une réponse. Vous ne le faites pas, au-delà d'une organisation administrative dirigée par les employeurs.
Cette question des CHSCT, de l'implication au fond de ceux qui sont concernés, était importante. Cet amendement vise à leur donner aussi des moyens en organisant un devoir d'information à la charge de l'employeur.
(L'amendement n° 68 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Nous sommes toujours dans le même débat sur les initiatives qui font partie des propositions formulées au nom du groupe socialiste dans la motion que j'ai présentée au début de nos travaux.
On nous reproche souvent d'aborder les débats avec une approche uniquement négative mais nos amendements montrent que nous avons essayé de comprendre votre démarche. Nous en avons dénoncé les aspects qui nous paraissaient négatifs – c'est le rôle de l'opposition – mais nous avons aussi fait une série de propositions autour de trois orientations : la création d'un niveau régional pour l'organisation de la santé au travail ; les CHSCT, leur développement et leurs pouvoirs pour impliquer les salariés ; la création d'un véritable droit à l'expression pour les salariés.
Cet amendement se situe dans cette démarche sur un point dont j'ai déjà rappelé l'importance. Lorsqu'un salarié se voit opposer des objectifs qu'il estime inatteignables, il faut que des procédures de dialogue soient organisées et que cette personne ne reste pas seule face elle-même et avec un sentiment de dévalorisation.
Tous les colloques auxquels nous participons révèlent cette situation. Tout le monde – les médecins, les psychiatres, les syndicalistes – sait que ce processus est actuellement à l'origine de beaucoup de difficultés personnelles parce qu'il n'y a pas de recours, pas de lieux. La personne se sent dévalorisée à cause de ces évaluations et de ces objectifs. Il faut permettre qu'il y ait du lien social car cette réalité est devant nous.
(L'amendement n° 69 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Oui, ce serait plus facile !
Madame la présidente, j'étais sur le point de répondre favorablement mais comme le ministre m'y encourage aussi, je n'en ai plus envie parce que je sais qu'il ne me veut pas du bien.
C'était pour la cohérence du propos et de la réponse !
Revenons à notre amendement et à notre démarche.
Le CHSCT doit-il être non seulement un lieu de débat, de rencontre entre la direction et les représentants des salariés, mais aussi un lieu où émettre des propositions ?
Cet amendement tend à reconnaître au CHSCT le droit de formuler des propositions sur les conditions de travail et à obliger l'employeur à y répondre. C'est du dialogue social construit. Seul le cadre est obligatoire, à l'exclusion de toute autre contrainte. Il s'agit de faire en sorte que chacun soit sûr d'obtenir une réponse s'il est confronté à ce type de question.
(L'amendement n° 70 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Si je n'ai pas voulu le défendre avec le précédent, c'est parce que cet amendement aborde une question un peu différente et très importante puisqu'il s'agit de changer le mode de désignation des membres des CHSCT.
Cet amendement prévoit que les membres du CHSCT ne soient plus désignés mais élus. Pourquoi ? Parce qu'on ne peut pas à la fois exiger que le CHSCT soit un vrai lieu de débat, qu'il y ait plus de rencontres, qu'il ait plus de pouvoirs et de capacités d'initiatives, et rester face à une structure qui, finalement, n'a pas la légitimité suffisante pour assumer son rôle.
Comme nous pensons que la légitimité doit résulter du vote des salariés, il faut que le CHSCT – s'il est aussi important que ce que l'on pense – soit constitué de membres élus et cet amendement propose les modalités d'élection.
On nous répond systématiquement que nos propositions viennent trop tôt ou trop tard, mais je suis très étonné que le rapporteur ne se soit pas saisi de cet amendement car beaucoup d'autres que nous partagent la même exigence.
Ce texte est un rendez-vous manqué, disais-je tout à l'heure. En voilà un exemple type. Ce n'était tout de même pas compliqué, à ce stade, de faire un travail au moins sur le mode de désignation et le pouvoir des CHSCT. Tout le monde a travaillé sur ce sujet qui peut faire l'objet d'un consensus au moins politique dans cette assemblée, voire avec l'ensemble des partenaires sociaux. C'est tout à fait regrettable.
Cet amendement vise à renforcer la légitimité du CHSCT par l'élection de ses membres.
(L'amendement n° 62 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Dans la logique du précédent, cet amendement prévoit les modalités d'exercice du nouveau mandat des membres du CHSCT à la suite de leur élection.
(L'amendement n° 71 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Cet amendement s'inscrit dans la même démarche puisqu'il s'agit de permettre au CHSCT de recourir aux services d'un expert, à l'instar du comité d'entreprise.
(L'amendement n° 72 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Globalement, tel que défini à l'article 1er, le contenu des missions des services de santé au travail semble faire consensus.
Il est effectivement important que la priorité soit donnée par ces services à la prévention, pour éviter toute altération de la santé des travailleurs du fait de leur travail.
Sans plus de détails, il est fait référence aux actions de prévention mise en oeuvre par le SST pour accompagner les salariés tout au long de leurs parcours professionnels.
Par cet amendement, nous proposons de préciser les trois angles d'intervention possibles, à savoir les actions de prévention primaire, secondaire et tertiaire.
D'aucuns diront que cette précision est inutile, puisque tout le monde sait que la prévention recouvre les trois types d'actions que sont, premièrement, l'identification des risques à la source dans les situations de travail pour éviter les dommages sur la santé des salariés ; deuxièmement, des interventions secondaires visant, elles, à réduire les risques ; troisièmement, des actions d'accompagnement des victimes ou de leurs collègues une fois que l'accident ou le dommage est, malheureusement, survenu. Ce rappel nous paraît d'autant plus opportun qu'actuellement la logique de prévention primaire, touchant à l'organisation du travail, semble reléguée au second plan, la gestion des risques, une fois que ces derniers se manifestent, prenant le pas sur leur prévention.
Je ne prendrai qu'un exemple : celui des risques psychosociaux où, comme nous l'avons vu dans la mission d'information que nous avons tenue, les solutions du type cellules d'écoute, ticket psy, formation, sensibilisation sont privilégiées. Le bilan quantitatif et qualitativement mitigé des accords sur le stress, qui sont conclus dans seulement 600 entreprises sur les 2 500 concernées, a révélé l'absence d'engagements et d'actions touchant à l'organisation du travail. C'est pourtant là le coeur du problème. « La prévention ne porte pas assez sur la prévention primaire » regrette Henri Fourest de la CFDT, « la plupart des textes comportent des indications sur la prévention tertiaire et les structures d'écoute. »
Vous ne cessez de faire valoir que l'objet même de cette « refondation » de la médecine du travail autour de la pluridisciplinarité est de renforcer la prévention des risques professionnels en donnant une large part à l'action en milieu de travail. Notre amendement s'inscrit totalement dans cette perspective. Je vous demande donc de lui réserver le meilleur accueil possible.
…mais pas sur la forme.
L'action préventive des services de santé au travail est déjà clairement affirmée, mon cher collègue, dans le premier alinéa de l'article L. 4622-2 du code du travail qui reprend la formulation utilisée à l'article L. 4622-3 pour les médecins du travail en indiquant que leur rôle consiste à « éviter toute altération de la santé des travailleurs du fait de leur travail ». C'est la définition même de la prévention.
La volonté, que vous avez exprimée au travers de cet amendement comme des suivants, de rappeler sans cesse que l'action des services de santé au travail est préventive pourrait témoigner, si je ne vous connaissais pas, d'une suspicion à leur égard. Ils me paraissent pour le moins redondants.
Introduire dans un texte législatif les notions de prévention primaire, secondaire et tertiaire, sans donner plus de détail d'ailleurs, n'est satisfaisant ni sur la forme, ni sur le fond, dans la mesure où l'accent est déjà mis sur la prévention. De plus, les actions de santé au travail visées sont menées précisément « dans un but de préserver la santé physique et mentale des travailleurs ». Si la préservation de la santé physique et mentale des travailleurs ne fait pas partie de la prévention, j'ai besoin de retourner en cours de Français.
(L'amendement n° 1 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Pourquoi souhaitons-nous préciser et faire figurer le terme de « prévention » ? Parce que, quand on parle de prévention ou de préservation de la santé, toute la question est de savoir comment on entend la mettre en place. Est-ce uniquement par l'information ou est-ce aussi par l'action ? Il y a là une grosse différence.
Aujourd'hui, la prévention est très souvent conçue comme une meilleure information dispensée aux travailleurs, ou même au chefs d'entreprise ou aux cadres chargés d'encadrer des équipes de salariés.
Or, il est important d'aller au-delà de la simple information et de s'impliquer au niveau de l'action : il faut que le médecin du travail puisse intervenir et faire des formations, par exemple, sur la façon de se tenir sur son poste de travail. On parle beaucoup des troubles musculo-squelettiques. Il est fondamental d'apprendre aux salariés travaillant sur des postes informatiques comment se tenir face à l'écran. Si l'écran est de côté, il en résultera inévitablement des troubles au niveau des vertèbres cervicales. Si le salarié est installé correctement devant son poste de travail, il les évitera.
Il ne suffit pas de dire. Il faut aussi agir, ce qui suppose que le médecin du travail ait le temps de le faire et donc qu'il y ait suffisamment de médecins du travail dans les entreprises. Il faut aussi que les chefs d'entreprise acceptent que des formations soient dispensées sur le temps de travail, afin de réellement prévenir – au sens d'empêcher – par la démonstration. C'est le sens de nos amendements.
Madame Billard, vous venez de défendre l'article 1er mieux que je n'aurais su le faire. C'est justement le rôle des équipes pluridisciplinaires que nous mettons en place dans ce texte que de faire appel à des ergonomes et à des psychologues, pour faire la prévention que vous appelez de vos voeux.
Le médecin du travail n'est pas compétent pour tout. Il ne peut pas et n'a pas vocation à tout faire. Un ergonome est plus utile qu'un médecin du travail pour déterminer la hauteur d'un siège. Donc, vous avez parfaitement défendu la notion de prévention que nous voulons développer avec les équipes pluridisciplinaires. Je vous en remercie. Cela veut dire que nous avons bien fait de ne pas accepter votre amendement de suppression de l'article 1er. Nous n'aurions pas répondu à vos attentes.
Vous proposez, dans votre amendement, de rédiger ainsi l'alinéa 4 : « Les services de santé au travail conduisent les actions de santé au travail d'ordre préventif, dans le but de préserver la santé… » C'est quelque peu redondant, reconnaissez-le.
(L'amendement n° 12 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Par cet amendement, je vous propose de rétablir une disposition introduite par le Sénat et supprimée par notre commission des affaires sociales.
Nous sommes tous conscients des conséquences dramatiques liées à la consommation de drogue ou d'alcool. C'est un sujet majeur de santé publique. On imagine difficilement que la santé au travail n'affiche pas clairement, comme une de ses missions, la prévention des addictions sur le lieu de travail.
J'avais proposé, en commission, de supprimer la disposition introduite par le Sénat sur l'alcool et les addictions parce que je craignais qu'elle ne soit considérée par les salariés comme dépassant le cadre de la santé au travail et même comme vexatoire.
Mais j'avoue que j'ai été sensible à l'intervention de nombreux de mes collègues qui ont expliqué qu'il s'agissait d'une cause qui méritait d'être défendue, y compris et jusque sur le lieu du travail. L'inscription de la santé au travail dans le cadre, plus large, de la santé publique, telle qu'elle est proposée par certaines améliorations du texte, justifie cette démarche. Si un doute pouvait subsister, mon ancien état d'alcoologue permet de le lever et d'accepter votre amendement.
Même avis. Très bon amendement !
J'étais intervenue en commission contre cette disposition. Je le fais à nouveau en séance publique. Pourquoi ce ciblage spécifique ? On pourrait aussi écrire qu'il est interdit aux chefs d'entreprise de faire travailler des salariés dans des locaux sans système d'aération et sans fenêtres, parce que de telles conditions de travail existent, et elles sont inadmissibles.
Par cette disposition, on fait une stigmatisation particulière, alors que la loi interdit la consommation d'alcool sur les lieux de travail. Aux termes du droit du travail, le chef d'entreprise est responsable du respect de la loi dans son entreprise. C'est à lui de mettre les sanctions nécessaires si des salariés consomment de l'alcool et mettent, par là même, leur santé en danger au travail.
En tous les cas, je ne vois pas pourquoi il faudrait inscrire cette disposition, à cet endroit du texte, alors que d'autres problèmes de santé au travail, tout aussi importants, n'y figurent pas. Cet alinéa est un alinéa global sur la prévention et la pénibilité au travail, et donc sur les responsabilités des chefs d'entreprise.
Ce débat est important et risque de donner lieu à des commentaires et même à des dérapages. Monsieur le rapporteur, vous aviez été bien inspiré d'accepter la suppression de cette disposition. Je pense, en effet, que ceux qui la proposent se trompent, parce qu'ils font un mélange des genres.
Il y a des questions de santé publique et des questions de santé au travail. L'article tel qu'il existe aujourd'hui ne vise que les questions spécifiques de santé au travail, c'est-à-dire les risques professionnels, les conditions de travail et la pénibilité.
Si l'amendement est adopté, on passe d'un domaine à l'autre. Et l'on est alors en droit de se demander : pourquoi l'alcool et la drogue et pas d'autres questions de santé publique d'égale importance, comme la protection contre les maladies sexuellement transmissibles ou la conduite automobile ? Ce sont des grands problèmes de société, auxquels les salariés sont confrontés comme les autres.
À partir du moment où vous passez de la protection, c'est-à-dire de la santé au travail, à la santé publique et que, à l'intérieur de cette dernière, vous montrez du doigt l'alcool et la drogue, j'ai le devoir de vous dire que votre démarche devient éminemment suspecte et nous renvoie à des heures peu glorieuses de notre histoire sociale. Quand il a été question, dans cet hémicycle, de créer les congés payés, il s'est trouvé des députés, sur les bancs des réactionnaires, pour dire qu'il ne fallait pas le faire parce que les ouvriers allaient aller au bistro pour boire. Lors du débat sur les retraites, l'année dernière, j'ai alerté sur la situation des salariés du bâtiment, qui vivent huit ans de moins que les autres. Quelqu'un qui a eu une grande promotion hier soir a alors rétorqué que, dans le bâtiment, ils fument beaucoup. On n'était pas loin du dérapage.
Je considère donc que vous faites une erreur. Ces questions peuvent évidemment être abordées, mais, ce faisant, vous passez d'un domaine à un autre. Vous faites une stigmatisation. C'est ainsi que le ressentent les syndicats de salariés, même le rapporteur en commission.
On comprend mal que cette disposition, sortie fort utilement par la porte au moment de l'examen du texte en commission, revienne par la fenêtre en séance publique.
Je ne suis pas du tout d'accord avec votre argumentation, cher collègue.
D'abord, il s'agit d'addictions sur le lieu même du travail. Il ne faut pas se leurrer. Si la loi interdit la consommation d'alcool au travail, on sait pertinemment qu'il y a des situations de consommation sur certains lieux de travail qu'il faut absolument dénoncer.
Ensuite, il y a également derrière cet amendement, l'affirmation qu'il faut traiter l'addiction dans son ensemble et que l'action qui a pu être conduite par le médecin du travail, dans un contexte globalisé, peut avoir des effets positifs pour les personnes qui bénéficient de ce service de santé au travail.
(L'amendement n° 24 est adopté.)
Cet amendement vise à ce que le problème de la désinsertion professionnelle figure parmi les missions des services de santé au travail.
Le rôle du médecin du travail dans la lutte contre la désinsertion professionnelle est important. Celle-ci peut résulter d'une inaptitude ou d'une difficile reprise du travail après un arrêt de longue maladie. Or, souvent, un salarié qui est licencié pour inaptitude comprend mal pourquoi il a perdu son emploi.
Cet amendement a reçu un avis favorable, car, avec l'allongement de la durée de vie active, avec l'augmentation du nombre de travailleurs atteints de maladies graves mais pouvant néanmoins continuer à travailler, la prévention de la désinsertion professionnelle va devenir une priorité dans les années à venir. Il me paraît intéressant de le mentionner explicitement parmi les missions des services de santé au travail. On aurait peut-être même pu aller plus loin et considérer que non seulement la réinsertion, mais l'insertion professionnelle, c'est-à-dire la création de conditions favorables à la prise de poste, que ce soit pour des personnes handicapées ou pour des personnes atteintes de maladie chronique, pourraient relever explicitement des missions des services de santé au travail. Pour l'heure, je suis grandement favorable à cet amendement.
(L'amendement n° 3 , accepté par le Gouvernement, est adopté.)
Je présente cet amendement avec une sérénité d'autant plus grande, madame la présidente, que c'est, je crois, le seul des nôtres auquel la commission se soit déclarée favorable.
Pour ma part, j'attends d'entendre votre argumentaire !
M. le ministre est le seul à s'y opposer : l'amendement doit lui paraître incongru.
En réalité, il s'agit d'un amendement de précision. Dans sa rédaction actuelle, le texte proposé pour l'article L. 4622-4 du code du travail fixe les principes, en mêlant celui de l'indépendance et celui de la collaboration du médecin du travail dans des équipes avec l'employeur et le CHSCT. Il nous semble que, pour renforcer l'indépendance, il serait préférable d'écrire qu'ils travaillent « en toute indépendance », et de préciser ensuite qu'« ils mènent leurs actions en collaboration », au lieu de faire un lien entre les deux, ce qui atténue la portée de l'affirmation de l'indépendance qui, comme chacun sait, rédigée ainsi à l'indicatif, vaut juridiquement impératif.
Comme vous le subodoriez, mon cher collègue, la commission est favorable à cet amendement. La rédaction que vous proposez paraît plus claire et plus logique que la rédaction actuelle. Il n'est en effet pas satisfaisant de placer sur le même plan le principe de l'indépendance fonctionnelle du médecin du travail et ses modalités d'action en coordination avec les employeurs, les représentants du personnel et les autres intervenants. La clarification que vous apportez est donc la bienvenue.
J'ai été convaincu par l'argumentation. L'amendement a le mérite de clarifier le texte, et j'y suis favorable.
(L'amendement n° 44 est adopté.)
Je suis saisie d'un amendement n° 79 .
La parole est à M. Roland Muzeau.
Les alinéas 23 à 34 créent un nouveau chapitre qui nous éclaire sur la logique de déresponsabilisation des employeurs qui est à l'oeuvre dans ce texte.
Il est ainsi prévu que les missions des services de santé au travail soient exercées par les médecins qui agissent en coordination avec les employeurs, les membres du CHSCT ou les délégués du personnel – et, jusque-là, tout va à peu près bien. Mais le nouvel article L. 4644-1 prévoit également – et là, rien ne va plus – que l'employeur puisse désigner « un ou plusieurs salariés compétents pour s'occuper des activités de protection et de prévention des risques professionnels de l'entreprise », lesquels pourront bénéficier « à leur demande, d'une formation en matière de santé au travail ».
Ces dispositions appellent plusieurs remarques et questions. Ces travailleurs désignés par l'employeur dont ils sont les subordonnés ne bénéficient d'aucune légitimité élective, d'aucun statut particulier, d'aucune protection spécifique. Gageons qu'ils agiront en toute liberté !
Comment seront-ils désignés ? À raison de leur compétence en matière de santé au travail, qui ne repose sur aucune obligation de formation et ne pourra être que supposée ? Il y a fort à parier qu'ils seront plutôt soigneusement choisis pour leur allégeance à la direction et à sa politique managériale.
Les salariés désignés auront la possibilité de demander à bénéficier d'une formation en matière de santé au travail. Mais cette formation ne devrait-elle pas être obligatoire ?
En définitive, en faisant endosser à ces travailleurs une responsabilité qui ne doit pas leur incomber, le patronat se donnerait les moyens de court-circuiter les institutions représentatives du personnel, notamment les membres du CHSCT. Qu'adviendra-t-il si ces salariés désignés se révèlent défaillants dans leur mission de protection ou de prévention des risques aboutissant à un accident du travail, à des maladies professionnelles ? L'employeur pourra-t-il se défausser sur eux de la responsabilité qui est aujourd'hui la sienne en matière de protection ?
En votant ces dispositions, vous permettrez l'institutionnalisation du risque professionnel et le transfert de sa responsabilité sur les épaules des salariés. En définitive, vous cautionnerez le principe assez cynique qui pourrait se résumer ainsi : « Qui paie commande pour ne pas être responsable. »
Ce mépris de la santé des travailleurs déjà précarisés qui produisent les richesses est scandaleux. C'est pourquoi nous demandons la suppression de ce nouveau chapitre IV et la fin de l'alinéa 8 qui y fait référence.
Avis défavorable. En supprimant la fin de l'alinéa 8, qui, je le rappelle, précise que, pour les services autonomes, le médecin du travail intervient en coordination avec l'employeur, les organisations représentatives du personnel, les salariés désignés par l'employeur pour s'occuper des questions de santé et les IPRP, cet amendement vise surtout à supprimer par coordination les dispositions qui figurent à la fin de l'article 1er, relatives à la possibilité, pour l'employeur, de désigner des salariés pour le seconder dans la gestion de la santé et de la sécurité, ou de faire appel à des IPRP extérieurs à l'entreprise.
Or cette disposition est simplement la transcription de l'article 7 de la directive européenne du 12 juin 1989. Nous en débattrons tout à l'heure, mais les dispositions prévues à l'article L. 4644-1 que vous mentionnez n'ont en aucun cas pour effet de reporter sur les salariés désignés la responsabilité qui pèse sur l'employeur. Il ne s'agit pas non plus pour l'employeur de court-circuiter le CHSCT.
Et j'y réponds, monsieur Muzeau. Il s'agit au contraire de faire appel à des compétences spécifiques, tant dans l'entreprise qu'à l'extérieur, lorsque c'est nécessaire. Ces IPRP ou « préventeurs » peuvent être des ingénieurs, des ergonomes qui disposent de compétences spécifiques que l'employeur ou les membres du CHSCT n'ont pas.
(L'amendement n° 79 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Il est essentiel de rappeler que les médecins du travail doivent occuper une place centrale dans l'organisation de la médecine du travail pour un suivi de qualité des salariés.
À la lecture de cette loi, il apparaît que la majorité n'a pas choisi cette orientation. Elle laisse clairement entrevoir que la mise en place des équipes pluridisciplinaires – qui, en soi, est une bonne chose – vise en partie à substituer aux médecins des personnels, certes tout à fait compétents, mais dont le rôle ne peut remplacer celui d'un médecin formé à cette spécialité.
Une telle situation conduirait à dévaloriser l'ensemble du dispositif de prévention que constitue la médecine du travail. Le médecin doit donc avoir un rôle central autour duquel s'organisent la médecine du travail et les services de santé interentreprises. En réaffirmant son rôle, nous entendons aussi le mettre, autant que faire se peut, à l'abri des pressions dont nous savons tous qu'elles sont une réalité quasi quotidienne dans nombre d'entreprises.
Une fois de plus, vous allez sans doute prétexter qu'il n'y a pas assez de médecins – ce que nous avons dénoncé –, mais c'est bien vous qui avez participé largement à cette situation en limitant le nombre de places de formation pour cette spécialité dans les CHU…
…et en omettant de revaloriser les salaires. Vous n'avez rien fait depuis dix ans. Je rappelle que le salaire moyen d'un médecin du travail débutant est de 2 400 euros après dix années d'études. Se prévaloir de sa propre turpitude n'a jamais constitué une défense digne de ce nom.
Le salaire moyen d'un médecin du travail est aujourd'hui de 6 000 euros par mois, sur treize mois.
Il y a là un point de divergence entre nous. Vous estimez que le médecin du travail ne doit pas faire partie de l'équipe pluridisciplinaire, alors que nous considérons qu'il doit au contraire en faire partie. Je vois d'ailleurs difficilement comment un médecin qui ne serait pas partie prenante d'une équipe pourrait à la fois l'animer et la coordonner. Le médecin a une place centrale dans le dispositif de santé au travail. S'il coordonne l'équipe, il ne doit pas prescrire ses actions. Le Conseil national de l'Ordre des médecins, dont vous vous êtes prévalu tout à l'heure, monsieur Muzeau, a rappelé que le médecin du travail doit faire partie de l'équipe pluridisciplinaire. Enfin, dans votre amendement, vous ne prévoyez plus la participation des infirmiers, ce qui est particulièrement regrettable.
Je suis donc défavorable à l'amendement n° 16 .
Même avis.
Je ne peux pas laisser le rapporteur m'imputer des propos que je n'ai pas tenus. Nous proposons une nouvelle rédaction de l'alinéa 10 commençant par ces mots : « Les médecins animent et coordonnent l'équipe pluridisciplinaire de santé au travail. Cette équipe comprend des assistants en prévention des risques pour la santé des travailleurs placés sous la responsabilité du médecin du travail. » Vous ne pouvez donc pas dire que nous préconisons la sortie du médecin de l'équipe pluridisciplinaire.
(L'amendement n° 16 n'est pas adopté.)
La parole est à Mme Martine Billard, pour défendre l'amendement n° 17 .
Il n'a en effet jamais été dit que médecin ne devait pas faire partie de l'équipe pluridisciplinaire. Dans la rédaction actuelle de l'alinéa 10 – « une équipe pluridisciplinaire de santé au travail comprenant des médecins du travail » –, le médecin n'est qu'un membre de l'équipe pluridisciplinaire parmi d'autres. Nous proposons de remplacer « comprenant » par « autour », afin de réaffirmer le rôle central du médecin du travail. On a l'impression que l'on cherche à noyer la spécificité du médecin du travail. Si je ne m'abuse, le rapporteur a même dit que le médecin ne doit pas « prescrire » des actions à l'équipe pluridisciplinaire, ce qui paraît assez surprenant si l'on considère que c'est précisément celui qui est le mieux formé en matière de santé au travail qui n'aura pas le droit d'orienter et de prescrire des actions à l'équipe. Pour l'instant, les membres de l'équipe pluridisciplinaire n'auront pas tous le niveau de formation en santé au travail qu'aura le médecin. C'est pourtant bien lui qui connaît les salariés, leur histoire, et qui sera le mieux à même de prescrire les actions à mener dans l'entreprise. Tel est le sens de notre amendement, qui vise à redonner une place centrale au médecin, non pas hors de l'équipe pluridisciplinaire, comme vous l'avez dit, monsieur le rapporteur, mais au contraire en son centre.
(L'amendement n° 17 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
La parole est à Mme Martine Billard, pour défendre l'amendement n° 18 .
À l'heure actuelle, le médecin du travail reçoit une formation spécifique, imposée par des textes réglementaires et sanctionnée, après plusieurs années d'études pratiques et théoriques, par un diplôme spécialisé. Or, avec la proposition de loi, les personnels qui vont concourir aux services de santé au sein des équipes pluridisciplinaires n'auront, semble-t-il, pas le même niveau de formation spécialisée en médecine du travail. On peut être inquiet, notamment, pour ceux qui seront amenés à suivre des salariés à l'extérieur des services de santé au travail. Les médecins de santé au travail ont les mêmes qualités que les médecins généralistes, mais la médecine de santé au travail présente des spécificités : il faut aller dans les entreprises, connaître les postes de travail, déterminer les influences qu'ils peuvent avoir sur la santé des travailleurs. Or, si le médecin du travail n'est plus un médecin spécialisé en médecine du travail, si d'autres membres de l'équipe pluridisciplinaire interviennent sans avoir reçu cette formation spécifique, la réforme induira à terme un amoindrissement du suivi des salariés au travail. La question du nombre de médecins en santé au travail est certes importante, mais, au lieu de renforcer les effectifs et l'efficacité de ces services de santé au travail, vous diluez la spécialisation de la santé au travail. Nous sommes très inquiets quant aux conséquences. Avec le système actuel, très spécifique, différents scandales ont pu éclater, que cela concerne l'amiante ou des suicides au travail dans certaines entreprises. Si, demain, cette spécificité est fragilisée, on peut redouter une explosion du nombre de cas dans les entreprises.
On peut, certes, ne pas être d'accord sur certains points, mais, en l'occurrence, j'ai du mal à comprendre l'objet même de l'amendement.
Si un service de santé au travail recrute un médecin du travail, un infirmier ou un « préventeur », c'est a priori en fonction de ses compétences, ou alors quelque chose m'échappe. Les personnels visés ont donc une compétence particulière.
Or, par votre amendement, tel qu'il est rédigé, vous proposez une formation spécifique pour l'ensemble des personnels,…
…c'est-à-dire que le médecin, l'infirmière, le « préventeur » ou l'ergonome vont recevoir la même formation spécifique. Cela me paraît quelque peu difficile à mettre en oeuvre.
Même avis.
Monsieur le rapporteur, le texte de l'amendement précise que « le contenu [de la formation spécifique] est fixé par décret ». Cela permet précisément de prévoir une formation spécifique pour les infirmiers, une formation spécifique pour les ergonomes, et ainsi de suite.
L'alinéa que tend à insérer notre amendement ne dispose donc pas que la formation est la même pour tous les membres de l'équipe pluridisciplinaire.
C'est très clair, monsieur le rapporteur, il faut le lire vraiment : « dont le contenu est fixé par décret ». Je crois qu'on ne peut pas être plus clair.
(L'amendement n° 18 n'est pas adopté.)
Il est défendu.
(L'amendement n° 19 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Par cet amendement, nous proposons d'insérer, après l'alinéa 10, l'alinéa suivant :
« Art. L. 4622-8-1. – Les personnels concourant aux services de santé au travail sont tenus au secret professionnel et médical au même titre que les médecins du travail. »
Si cet amendement se justifie par son texte même, il ne nous paraît pas inutile de rappeler, dans le cadre de nos débats, combien les contentieux sont importants sur les responsabilités imputées aux représentants du personnel.
Or des personnes seront désignées par leur employeur pour faire partie des équipes pluridisciplinaires. Non seulement elles doivent bénéficier de mesures de protection, au même titre que le médecin du travail, mais le secret professionnel doit être garanti. Il faut donc leur étendre les mesures qui s'appliquent aujourd'hui au médecin du travail et qui lui permettent d'exercer effectivement ses fonctions en toute indépendance.
Le projet de loi met en place tout un dispositif global qui ne prévoit rien de tel. Nous demandons qu'il y soit remédié.
Plusieurs amendements tendent à élargir la protection dont bénéficie le médecin du travail à l'ensemble de l'équipe de santé au travail ; cela ne me paraît pas nécessaire ni utile en l'occurrence. Les professionnels de santé, comme le médecin, l'infirmier ou le psychologue sont évidemment soumis au secret médical, sous réserve de dérogations, mais, aux termes du code de déontologie médicale, le médecin est le garant du secret médical et ces dispositions sont applicables aux assistants des services de santé au travail. Voilà qui me paraît satisfaire votre amendement, monsieur Muzeau.
Par ailleurs, pour revenir à un sujet que nous avons débattu en commission, étendre à l'ensemble de l'équipe pluridisciplinaire les protections dont jouit le médecin du travail me paraît quelque peu disproportionné eu égard à la signification et à la portée de ces dispositions.
L'amendement étant satisfait, j'émets un avis défavorable.
(L'amendement n° 20 n'est pas adopté.)
Nous pensons que, pour que tous les personnels qui concourent aux services de santé au travail puissent mener à bien les missions qui leur sont dévolues, la loi devrait garantir leur indépendance professionnelle et leur protection juridique vis-à-vis des décisions de l'employeur.
Cette question de l'indépendance se pose avec d'autant plus d'acuité que le texte instaure une nouvelle gouvernance des services de santé interentreprises. Ceux-ci seront désormais administrés paritairement par un conseil composé de représentants des employeurs, auxquels revient la présidence avec voix prépondérante, et leurs priorités d'action devront obligatoirement être validées par ledit conseil.
Pour assurer la protection, notamment juridique, des personnels et pour éviter les dérives dont certains employeurs se rendent quelquefois coupables – ou responsables, vous choisirez –, nous estimons qu'il est utile de préciser que ces personnels doivent pouvoir assurer les misions qui leur sont dévolues dans les conditions d'une indépendance professionnelle équivalente à celle qui est garantie aux médecins. A défaut, la protection de la santé des travailleurs pourrait bien rester un voeu pieux.
L'adoption de cet amendement permettrait par ailleurs – je l'ai dit il y a quelques instants – de protéger les salariés désignés, qui, en l'état actuel du texte, seraient plus sous la responsabilité et les ordres de l'employeur qu'au service des travailleurs ; du moins est-ce fort à craindre.
(L'amendement n° 21 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Ce n'est pas la première fois qu'il est fait allusion ces dernières années aux « réalités locales ».
La loi sur le travail du dimanche, par exemple, est en grande partie fondée sur cette même notion. Le MEDEF souhaiterait l'étendre à d'autres domaines, le SMIC par exemple, ce qui, soit dit en passant, nous ferait revenir aux années soixante.
Les yeux fixas sur les desiderata du MEDEF, la majorité satisfait ses moindres désirs dès que l'occasion se présente.
Dans le domaine qui nous concerne aujourd'hui, outre le fait qu'elle n'a pas de valeur juridique, cette expression de « réalités locales » présente, par son caractère très vague, le risque non négligeable d'une interprétation abusive. En matière de santé au travail, ce ne sont pas les réalités locales qui doivent dicter les obligations, c'est la nature de l'activité exercée par le salarié et les risques qui en découlent.
Or, dans ce domaine, vous proposez, par ailleurs, de revenir sur les conventions signées par les partenaires sociaux, qui visent à renforcer le suivi des salariés dans certaines branches.
La parole est à Mme Catherine Lemorton, pour soutenir l'amendement n° 46 .
L'expression « réalités locales » n'a effectivement aucune valeur juridique et laisse craindre une espèce d'ajustement inéluctable vers le bas. Prenons un exemple tout bête : l'accessibilité des handicapés dans une entreprise. On a bien vu les entorses faites à la loi de février 2005 : quand il est difficile de rénover un bâtiment, ou qu'on se heurte par exemple à la roche, eh bien, tant pis pour les handicapés, ils ne pourront pas y accéder ! Je crains que l'introduction de la notion de « réalités locales » ne conduise à des problèmes analogues et ne soit jamais lue que dans un sens restreignant les priorités des services de santé au travail.
Cet amendement me paraît donc un amendement de raison, procédant de considérations réalistes, un amendement qui s'impose.
Malgré tous les efforts déployés par Mme Lemorton pour me convaincre, je m'en tiens à un avis défavorable. Nous avons déjà eu ce débat en commission, et je pensais avoir apporté les précisions nécessaires.
La prise en compte des réalités locales dans le cadre de la contractualisation n'a évidemment pas vocation à se traduire par une adaptation à la pénurie, comme le craignent les auteurs des amendements. Elle doit, au contraire, contribuer à valoriser des initiatives mises en oeuvre pour répondre aux problèmes identifiés localement. C'est précisément le rôle des DIRECCTE, qui sont signataires des contrats, d'y veiller. L'objectif est bien de parvenir à décliner les grandes orientations arrêtées au niveau national et régional dans l'action concrète des services de santé au travail en tenant compte des réalités du terrain. On se plaint en permanence d'avoir des décisions qui viennent d'« en haut », sans aucun lien avec les réalités du terrain ; c'est précisément à cela que nous vous proposons de remédier.
J'avais déjà eu l'occasion de l'indiquer en commission : un directeur de service de santé au travail m'avait, lui, fait part de la crainte inverse que les priorités identifiées par les services de santé sur les territoires ne fussent plus prises en compte.
La rédaction actuelle du texte permet justement de prendre en compte les réalités que vivent les médecins du travail et les services de santé au travail. Je considère pour ma part que l'efficacité viendra précisément de la rencontre entre le national, le régional et les besoins ressentis sur le terrain. Il y a évidemment des spécificités liées aux bassins d'emploi ; je ne reprendrai pas l'exemple donné par le président Méhaignerie sur les TMS en Bretagne, notamment dans les ateliers d'abattages, ou celui des saisonniers en montagne.
D'un strict point de vue juridique, la contractualisation ici prévue ne saurait à elle seule avoir pour effet de déroger aux obligations légales et réglementaires applicables en matière de médecine du travail.
Même avis.
Cet amendement important met en évidence une difficulté.
Je ne suis pas d'accord, monsieur le rapporteur, avec votre analyse juridique de la situation créée. Le texte dispose que les priorités des services de santé au travail doivent être définies « dans le respect » – il y a une énumération – « des missions générales […], des orientations de la politique nationale en matière de protection et de promotion de la santé et de la sécurité au travail, d'amélioration des conditions de travail, ainsi que de son volet régional ». Vous ajoutez : « et en fonction des réalités locales ».
Quelle est la portée de cette précision ?
Elle peut n'en avoir aucune. S'il s'agit de dire de quoi les employeurs et les employés vont parler, je pense que dans les services de santé au travail, par des Landes, ils ne jugeront probablement pas opportun de discuter de la situation des employés des stations de ski, et vont plutôt s'occuper spontanément de la filière bois ; le point culminant de ma circonscription doit se situer à trois mètres d'altitude. Je le dis en plaisantant, mais c'est bien de cela qu'il est question.
Soit cette définition ne veut rien dire, soit elle veut dire autre chose. Si elle a un sens – et, dans cet hémicycle, on fait tout de même la loi ! –, cela veut dire que l'on met sur un pied d'égalité « les orientations de la politique nationale en matière de […] promotion de la santé » et « les réalités locales ». Cette rédaction n'est donc pas anodine. Cela veut dire qu'en fonction des « réalités locales » – concept juridique tellement flou qu'il faut bien réfléchir avant d'y recourir et que je vais essayer de le faire expertiser – on pourra déroger à ce qui figure sur le même niveau dans l'énoncé de la loi ; c'est d'ailleurs pour cela que vous l'avez inscrit dans la loi. La situation est donc très aléatoire, très dangereuse, et ne correspond pas, juridiquement, à ce que vous prétendez ici.
Je pense donc qu'il convient probablement d'examiner sérieusement les conséquences de cette affaire avant d'avaliser l'argumentation que vous avez développée. Les employeurs et les salariés vont s'occuper, bien sûr, de leur réalité spécifique, et nous n'avons pas besoin de l'inscrire dans la loi. Si vous l'avez inscrit au même niveau que le reste, cela pose une vraie difficulté juridique.
J'abonderai dans le même sens.
Dans les stations de ski, il y a des saisonniers, mais aussi des travailleurs présents à l'année. La circonscription du président de la commission des affaires sociales a pour spécificité la présence d'entreprises agroalimentaires ; cela n'empêche pas qu'il s'y trouve également des caissières de supermarché. Le problème est que, si l'on commence à préciser les choses à ce niveau, la conséquence pourra être – si l'on ne peut s'occuper de tout – que les travailleuses ou les travailleurs qui ne relèveront pas du secteur qui aura plus particulièrement été retenu au titre des « réalités locales » ne seront plus tellement pris en charge et suivis par les services de santé au travail.
Voilà ce qui nous inquiète dans le fait de mettre au même niveau l'intérêt général, qui concerne l'ensemble des salariés et l'ensemble des entreprises, et des « réalités locales » que l'on oppose presque à l'intérêt général. Outre le fait que la notion a peu de valeur juridique, la disposition en question présente un caractère très inquiétant et très dangereux en termes de répartition et d'utilisation des moyens en faveur des salariés d'un bassin d'emploi ou d'un secteur très spécifique.
J'entends vos arguments mais – je vous le demande encore une fois – entendez aussi les nôtres. Je me souviens par exemple d'un service de santé au travail de Bordeaux, confronté au problème spécifique de la présence d'un centre d'appels téléphoniques, où le travail engendrait des TMS importants. Or, si cette spécificité n'est prévue ni au niveau national ni au niveau régional, l'absence de mention des réalités locales empêchera de résoudre ce micro-problème.
L'objectif n'est pas de tirer vers le bas, comme vous le craignez, mais au contraire, de tenir compte des réalités remontées par les médecins du travail et par les services de santé au travail. Je prends l'exemple d'un centre d'appels téléphoniques parce qu'il est particulier. Mais certains services doivent pouvoir prioriser des actions qui ne seront pas prioritaires chez d'autres.
Je vais d'abord présenter l'amendement n° 4 , car l'amendement n° 5 est de repli.
Notre amendement n°4 vise à créer un schéma régional de façon à instaurer, au niveau de la région, une véritable déclinaison des services de santé, qui permettrait d'éviter la création de services de santé trop petits. Ceux-ci, faute de moyens suffisants, ne pourraient pas supporter des équipes pluridisciplinaires. Il s'agit en outre de faire en sorte que les services de santé soient inscrits dans un schéma général permettant au préfet – qui serait le pilote de ce schéma régional – de spécifier les dispositions venant du plan Santé au travail dans le cadre du schéma régional et des structures de services de santé ainsi définies par ce schéma.
Contrairement à l'amendement n°4 qui est assez directif, l'amendement n°5 vise le même objectif, mais dans un cadre expérimental, dans les régions définies par le ministre.
Défavorable.
Nous avons déjà eu ce débat. Je crains que la création de ce schéma régional ait, au contraire, pour effet de rigidifier le système et d'empêcher les acteurs locaux de profiter de la possibilité qui leur est donnée, au travers de la contractualisation que nous mettons en place – laissons-la vivre ! – de se saisir eux-mêmes de l'organisation territoriale.
La contractualisation que nous mettons en place avec cette proposition de loi répond à ce besoin, tout en laissant la liberté et la possibilité aux services de santé de se réformer par eux-mêmes. Cela commence à se faire sur le territoire, où nous constatons une mutualisation de plus en plus rapide.
Je ne suis pas persuadé qu'il soit nécessaire d'avoir une autorité extérieure pour affecter tel service sur tel territoire ou en supprimer un ici ou là. Au contraire, la contractualisation ira de pair avec l'agrément et, au fur et à mesure, l'un va se confondre avec l'autre. À ce niveau, aujourd'hui, nous n'avons pas besoin de créer un « SROSST » supplémentaire – nous avons déjà tant de schémas…
Je n'osais le dire, monsieur Vidalies, mais oui, c'est limite stalinien ! (Sourires.)
En ce qui concerne l'expérimentation, là aussi, laissons vivre la contractualisation avant de vouloir légiférer. En outre, il y a un problème de forme : l'expérimentation n'est bornée ni dans le temps ni dans l'espace. Par conséquent, elle ne sera pas recevable.
Cet amendement fait écho à celui présenté tout à l'heure, s'agissant des risques encourus par les professionnels pluridisciplinaires.
Les accords paritaires de 2000, entérinés par la loi de modernisation sociale de 2002, fonctionnent dans certains endroits, beaucoup moins bien dans d'autres, du fait, par exemple, des pressions que peuvent subir les équipes pluridisciplinaires. Nous n'en avons pas encore parlé, mais il faut savoir qui sont ces gens pour imaginer ce que sont leurs craintes ou les pressions qu'ils peuvent subir.
Il y a les assistants de services de santé au travail, les ingénieurs en prévention des risques professionnels – on imagine les investissements qui peuvent découler d'un certain nombre de préconisations. Il y a aussi les hygiénistes industriels, les ergonomes, les psychologues, essentiels dans le domaine des risques psychosociaux, les assistantes sociales, les toxicologues et les infirmiers, que l'on oublie souvent, mais qui sont souvent au premier rang dans les accidents du travail et le plus en contact avec les travailleurs.
Nous souhaitons donc que les mesures de protection dont bénéficie le médecin du travail soient étendues aux membres de l'équipe pluridisciplinaire.
Défavorable.
(L'amendement n° 47 n'est pas adopté.)
Je suis saisie d'un amendement n° 48 .
La parole est à M. Christian Hutin.
Dans le même esprit que le précédent, cet amendement concerne les licenciements des professionnels membres d'une équipe pluridisciplinaire de santé.
Monsieur le rapporteur, je ne suis pas tout à fait d'accord avec votre analyse sur le secret médical. Dans une équipe médicale, dans un hôpital ou dans un cabinet médical comme le mien, la secrétaire, le médecin, l'aide-soignante, l'infirmière, bref, l'ensemble du personnel qui travaille dans un service sont soumis au secret médical, secret qui va dans le sens de la protection du malade.
Or dans le dossier particulier dont nous parlons, c'est-à-dire les gens qui abordent les sujets de la santé et de la prévention au travail, il existe un rapport de force entre l'employeur et les salariés, entre l'employeur et ceux qui s'occupent de leur santé. Le secret médical existera, certes, parce qu'un infirmier de médecine du travail, par exemple, ne va pas trahir le secret médical concernant un salarié auprès de son employeur. Mais cela ne change rien à sa capacité d'être protégé, de pouvoir s'exprimer sereinement et de pouvoir alerter si nécessaire. Or ce sont eux qui seront les premiers au courant : d'abord parce qu'ils sont les plus proches des salariés, ensuite parce qu'il n'y a pas assez de médecins du travail et que l'on ne voit pas le médecin du travail tous les jours.
Défavorable.
Je ne suis pas médecin du travail, mais ce syndrome négatif et répétitif dans leur expression doit poser des problèmes au ministre et au rapporteur. Car, j'y insiste, être capable de dire « non » systématiquement, pendant des heures, est un syndrome lourd !
Il serait peut-être temps de changer de majorité pour que vous n'y soyez plus confrontés !
Vous nous donnez souvent des leçons sur ce que vous avez fait depuis longtemps. Cependant, la pluridisciplinarité, c'était d'abord une négociation initiée par nous dans les années 2000. Donc, elle existait avant vous ! C'est dans la loi de modernisation sociale de janvier 2002 que figure, pour la première fois, le choix de la pluridisciplinarité. Qu'en avez-vous fait ? Dix ans après, alors que le principe était posé dans la loi et qu'il y avait une négociation, vous devez rendre compte de ce que vous avez fait de la pluridisciplinarité. Ce que vous présentez aujourd'hui comme un principe nouveau et une orientation, c'est nous qui l'avons voté dans la loi, en janvier 2002, suite à une négociation. Là est la difficulté !
La question de l'indépendance et de la protection des autres intervenants est majeure. Il y a incohérence dans le raisonnement lorsque vous dites que la pluridisciplinarité est indispensable – nous en sommes d'accord, la loi a été votée il y a dix ans –, mais que vous ne voulez pas donner aux intervenants la protection qui leur est indispensable.
S'agissant de la pluridisciplinarité, si j'ai bonne mémoire, ce que vous avez mis en place en 2002, ce n'étaient pas des équipes pluridisciplinaires. C'était une pluridisciplinarité avec des intervenants extérieurs au médecin du travail. Il y donc une progression qui correspond à une demande liée au terrain.
Je suis saisie d'un amendement n° 23 .
La parole est à M. Roland Muzeau.
Il est défendu.
(L'amendement n° 23 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Je suis saisie d'un amendement n° 25 .
La parole est à M. Roland Muzeau.
Il est défendu.
(L'amendement n° 25 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Je suis saisie d'un amendement n° 26 .
La parole est à M. Roland Muzeau.
Dans la même logique que notre amendement précédent – dont je vous avoue qu'il avait ma préférence –, l'adoption de celui-ci permettrait de faire figurer dans la loi un titre plus conforme au contenu du chapitre IV : dans la mesure où l'employeur peut se décharger sur ses salariés d'une partie de ses responsabilités propres, le terme de « gestion » ne reflète pas la réalité. Il s'agira davantage d'une « cogestion ». Le chapitre s'intitulerait alors « Aide à l'employeur pour la cogestion de la santé et de la sécurité au travail ».
Monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, vous apprécierez sans doute l'objet de cet amendement…
La commission l'apprécie énormément, mais elle y est malheureusement défavorable !
Défavorable, j'en suis navré.
(L'amendement n° 26 n'est pas adopté.)
Je suis saisie d'un amendement n° 29 rectifié .
La parole est à M. Roland Muzeau.
Cet amendement vise à supprimer la possibilité pour les employeurs de désigner un ou plusieurs salariés supposés compétents et chargés de s'occuper des activités de protection et de prévention des risques professionnels de l'entreprise.
Pour ce faire, nous proposons de substituer aux alinéas 24 à 26, l'alinéa 26 amputé de l'expression qui suit la dernière virgule que nous estimons tautologique avec l'alinéa 5 de l'article 1er, soit le 2° du nouvel article L. 4622-2 du code du travail qui définit, en les détaillant, les missions des services de santé au travail.
Nous avons déjà eu l'occasion de développer nombre d'arguments sur cette question : salaire désigné par leur employeur pour leurs compétences supposées en matière de santé au travail, pas d'obligation de formation, présomption de dépendance vis-à-vis de l'employeur en raison du lien de subordination et de l'absence d'élections, de statut, de protection particulière etc. À cela, s'ajoute un autre argument : une telle faculté de désignation permettrait aux employeurs de faire des économies en évitant de recourir, pour certaines tâches, aux compétences des services de santé au travail interentreprises.
Nous ne pouvons pas accepter que des économies soient faites sur la prévention et la protection des risques professionnels par le recours à des salariés dont on n'exigerait aucune formation particulière préalable aux nouvelles responsabilités qu'il ne leur revient en aucune manière d'endosser.
Nous avons déjà eu cette discussion tout à l'heure. Il s'agit de transposer en l'occurrence une disposition de la directive du 12 juin 1989, c'est-à-dire la reprise exacte du premier alinéa de l'article 7. Dans les faits, il existe, dans les entreprises, des salariés chargés d'aider les employeurs et, en général, ce sont des salariés qui ont déjà une compétence en matière de santé : chefs de sécurité, responsables de maintenance ou autre.
Par ailleurs, vous le dites vous-même assez souvent, il y a beaucoup d'entreprises dans lesquelles il n'y a ni CHSCT ni délégués du personnel. Dans ce cadre, vous serez forcément d'accord avec moi, la présence d'un salarié susceptible de seconder l'employeur est très utile à l'ensemble des salariés.
C'est pourquoi, monsieur Muzeau, je suis défavorable à votre amendement.
Cet argumentaire, madame la présidente, vaut également pour les amendements n°s 49 et 28 .
Défavorable.
Madame la présidente, mon intervention me dispensera de défendre l'amendement n° 49 qui est de même nature.
Monsieur le rapporteur, vous dites qu'il s'agit d'inscrire dans la loi un principe qui figure dans la directive de 1989. Cela étant, vous avez dit tout à l'heure que nos initiatives sur le CHSCT sont malvenues, parce que les partenaires sociaux sont en train de négocier ces questions. Leur avez-vous demandé de négocier sur la création de ce conseil en prévention ? À ce stade, n'allez-vous pas un peu loin dans le raisonnement ? Article après article, vous adaptez votre raisonnement en fonction de vos choix politiques. Si vous ne mettez rien, respectez au moins l'engagement que vous avez pris il y a une demi-heure. En tout cas, vous ne pouvez pas, à chaque fois, adapter votre raisonnement sur le thème « Circulez, il n'y a rien à voir ! » C'est totalement incohérent !
À tort ou à raison, vous créez une nouvelle fonction, mais sans en avoir parlé à personne. Or chaque fois que nous vous disons qu'il faut donner tel ou tel pouvoir au CHSCT, vous opposez la nécessité de négocier. L'incohérence a ses limites, même à l'Assemblée nationale !
Par ailleurs, vous parlez d'inscrire ce principe dans la loi. Eh bien, non ! Depuis 1989, nous avons déjà examiné cette question. Et lorsque les risques professionnels sont venus en discussion dans la loi de 1990, alors que la directive de 1989 existait déjà, il a été décidé, après une négociation avec les partenaires sociaux, à l'unanimité, qu'il valait mieux faire référence aux CHSCT et que les objectifs de cette directive étaient remplis par notre droit positif.
Vous ne pouvez justifier votre initiative en nous opposant cette argumentation, car elle est fausse et nous amène dans une autre direction : celle des structures paritaires. C'est une argumentation juridique incohérente que je conteste.
Je suis saisie d'un amendement n° 28 .
La parole est à Mme Martine Billard.
Cet amendement porte toujours sur le rôle des CHSCT et sur cette innovation du salarié nommé par le chef d'entreprise. N'oublions pas que la suppression des CHSCT est une demande du MEDEF. En général, quand on ne veut plus d'un organisme, il y a deux façons de procéder : soit on le supprime, soit on le vide de son contenu. Comme il semble, en l'occurrence, impossible d'obtenir la suppression du CHSCT par une négociation entre les partenaires sociaux, car aucune confédération syndicale n'acceptera cette demande du MEDEF, vous avez choisi de vider le comité de son contenu en prévoyant la nomination par le chef d'entreprise d'un salarié chargé de la protection et de la prévention des risques professionnels. Dans un premier temps, cela se passera plutôt dans les entreprises au sein desquelles les délégués du personnel font office de délégués du CHSCT. Comme les délégués des petites entreprises sont souvent peu formés, car l'employeur se charge rarement de les informer de tous leurs droits, ils savent très rarement qu'ils ne peuvent pas occuper parallèlement ces deux fonctions. On verra ainsi fleurir ces salariés nommés par le patron pour court-circuiter les délégués du personnel ou le CHSCT. Que se passera-t-il quand le salarié nommé par le chef d'entreprise aura un avis contraire à celui du CHSCT ? Comment cela sera-t-il tranché ? J'aimerais obtenir une réponse sur ce point précis. Je pense, en effet, que cela peut avoir son importance dans la suite des événements.
Madame Billard, même si un avis est donné, il y a tout de même le pouvoir de direction du chef d'entreprise. Que l'on soit d'accord ou non, c'est tout de même l'un des fondements du droit du travail. Or vous souhaitez le remettre en cause.
Je ne peux pas être d'accord.
(L'amendement n° 28 n'est pas adopté.)
Je suis saisie d'un amendement n° 30 .
La parole est à M. Roland Muzeau.
Il y a tout de même des droits qui relèvent de la responsabilité du CHSCT, monsieur le ministre ! C'est l'exemple du droit de retrait qui est individuel et dont le CHSCT fait état. Il n'y a donc pas, fort heureusement d'ailleurs, que le pouvoir divin de l'employeur !
Cet amendement de repli vise à limiter les dégâts causés par ce texte, tant pour l'ensemble des travailleurs des entreprises dont un ou des salariés auront été désignés pour s'occuper des activités de protection et de prévention des risques professionnels, que pour les personnes désignées, qu'elles soient ou non volontaires. Il s'agit, pour les premiers, de garantir que leurs pairs désignés ont au minimum reçu une formation en matière de santé au travail et, pour les seconds, d'éviter une défaillance dans l'exercice de leurs lourdes et nouvelles fonctions de protection et de prévention des risques professionnels. Le texte prévoit que les salariés désignés par l'employeur pourront bénéficier à leur demande d'une formation en matière de santé au travail. Nous proposons que cette formation soit obligatoire, ce qui serait d'ailleurs plus conforme aux dispositions des articles L. 4614-14 à L. 4614-16 du code du travail afférents à la formation des représentants du personnel au CHSCT, auxquels cet alinéa se réfère.
Je vous rendrai service, monsieur Muzeau, en étant défavorable à votre amendement. Je ne pense pas qu'une obligation de formation soit adaptée dans le cas des salariés mentionnés ici dans la mesure où ils sont précisément désignés, voire pour certains, avant même d'être désignés, recrutés par l'employeur en raison de leur compétence. La formation ne sera donc pas forcément utile dans tous les cas. En revanche, je suis favorable au texte issu d'un amendement du Sénat qui précise qu'il est essentiel de garantir à ces salariés l'accès à une formation, s'ils le souhaitent. Dois-je rappeler que le texte, tel qu'il nous est présenté, est issu d'un excellent amendement d'un camarade sénateur communiste ? Je ne voudrais pas créer de problèmes entre camarades du parti en revenant sur une telle disposition !
Même avis.
(L'amendement n° 30 n'est pas adopté.)
Je suis saisie d'un amendement n° 31 .
La parole est à M. Roland Muzeau.
Défendu !
(L'amendement n° 31 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Défendu !
(L'amendement n° 32 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Je suis saisie d'un amendement n° 76 .
La parole est à M. Alain Vidalies.
Nous proposons d'instituer un conseiller de la prévention. Alors que, dans votre texte, le salarié chargé de la protection et de la prévention est désigné par l'employeur, nous pensons, pour notre part, que le conseiller de la prévention doit être membre du CHCST ou, en l'absence d'un tel comité ou en attendant la mise en place d'un CHCST de site, figurer sur une liste dressée par le préfet. Ce n'est pas une invention sui generis, puisque nous reprenons le dispositif imaginé dans les années 90 avec la création du conseiller du salarié qui assiste le salarié lors de l'entretien préalable au licenciement dans les petites entreprises, système qui fonctionne bien depuis toutes ces années.
Le dispositif que nous proposons est tout à fait différent du vôtre. Il s'inspire d'ailleurs – et nous y avons veillé avant de vous le soumettre – d'un certain nombre d'expériences tentées en Belgique, notamment, où cela a plutôt bien fonctionné. Le fait d'avoir, au sein du CHSCT, un référent conseiller en prévention a donné d'excellents résultats. Plusieurs articles du code du travail correspondent à cette démarche, ce qui prouve que nous avons fait l'effort de bien élaborer juridiquement une alternative à votre proposition que nous considérons très restrictive en matière de santé au travail.
La commission est défavorable à cet amendement qui vise à créer de toutes pièces un conseiller de la prévention susceptible – écoutez bien, mes chers collègues ! – d'être saisi par tout salarié estimant que les objectifs de travail qui lui sont assignés sont irréalisables. Cela ne relève pas du domaine de la santé au travail. Cette proposition dépasse largement le cadre de la présente proposition de loi. Je rappellerai ce que j'ai dit, même si cela vous pose parfois problème : laissons les partenaires sociaux négocier sur les institutions représentatives du personnel avant d'instaurer, de notre propre chef, une nouvelle instance qui se surimposera aux autres.
Même avis !
Je tiens à nourrir le débat de fond. Se tournant vers la majorité, M. le rapporteur lit le nouvel article proposé par notre amendement en s'indignant : « Vous vous rendez compte de ce qu'ils osent proposer ! » Il est, en effet, précisé que : « Chaque salarié peut saisir un conseiller de la prévention lorsqu'il estime que les objectifs de travail qui lui sont assignés par l'employeur, sont irréalisables ou de nature à mettre en cause sa santé. » Et il prend ses collègues de la majorité à témoin, absolument certain de leur approbation massive lorsqu'il qualifie cette proposition d'absolument scandaleuse !
Suggérer, aujourd'hui, qu'un salarié, lorsqu'il est confronté à cette situation, puisse saisir quelqu'un vous paraît-il monstrueux ?
C'est exactement ce qui se passe aujourd'hui et c'est à l'origine des nombreuses difficultés, comme l'ont souligné les uns et les autres ici et certains dans votre majorité. On ne peut analyser les dérives actuelles du marché du travail sur l'intensification du travail, donc établir le diagnostic, et ne pas trouver le remède ! Que font les gens dans ce cas ? Pour vous, ils doivent attendre d'être malades pour être soignés. Non ! Il faut une prévention, laquelle implique l'existence d'un lieu de discussion, d'un lieu de référence et une personne que l'on puisse saisir des problèmes. Je suis, pour ma part, très étonné que vous demandiez à vos collègues de vous approuver lorsque vous qualifiez notre proposition de monstrueuse, alors qu'elle ne reflète finalement que la réalité que connaissent des millions de salariés aujourd'hui !
(L'amendement n° 76 n'est pas adopté.)
C'est une assez belle idée, pour respecter la volonté des partenaires sociaux, que de supprimer les accords existants ! Y a-t-il des limites dans l'incohérence de l'argumentation ? Probablement pas ! Alors que l'on nous reproche de faire des propositions non négociées, ne voilà-t-il pas que vous osez, ce qui est rare –il y a peu de précédents en la matière –, inscrire dans ce texte le principe selon lequel les accords collectifs existants, car parfois considérés comme étant trop favorables, seront remis en cause et qu'il conviendra de les renégocier. Jusqu'où allez-vous aller dans l'incohérence ? Que vient faire cette disposition dans ce texte ? Si les partenaires sociaux ont envie de renégocier, ils le feront ! Si vous êtes pour la liberté de négociation, respectez-la ! On ne négocie pas le couteau sous la gorge ! Vous allez contraindre à une nouvelle négociation parce que ce qui a été décidé auparavant ne vous satisfait plus. Peut-être est-il nécessaire de renégocier. Si tel est le cas, les partenaires sociaux le feront. Mais leur avez-vous demandé s'ils en avaient envie ? Non ! Et vous nous renvoyez, pour ce qui nous concerne, à cette obligation. Nous arrivons là aux limites de l'exercice ! Cela n'a aucun sens et c'est dangereux. En outre, vous ne respectez même pas vos propres principes dont nous avons compris, depuis le début de ce débat, qu'ils étaient à géométrie variable !
La parole est à Mme Martine Billard, pour soutenir l'amendement n° 81 .
Il est vrai qu'il est invraisemblable, alors que l'on nous vante constamment la prédominance du contrat sur la loi, de nous proposer d'inscrire dans une loi la remise en cause d'accords signés par les partenaires sociaux. C'est la deuxième fois, depuis 2007, que vous agissez ainsi. De plus, ce que vous nous proposez est une régression. En effet, des accords prévoyant des visites médicales tous les deux ans ont été négociés, signés et appliqués par les partenaires sociaux. Vous avez modifié la loi pour que ces visites se déroulent tous les quatre ans, ce qui est une régression sociale et, aujourd'hui, vous voulez contraindre ceux qui appliquent des accords plus intéressants à se soumettre à votre décision.
Je rappelle que la France est signataire, depuis le 4 novembre 1980, du protocole international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels qui établit le principe de non-régression en matière de droits économiques, sociaux et culturels, principe repris dans les textes européens. Aujourd'hui, vous nous dites que les textes européens et internationaux ne vous intéressent pas. En effet, quand on veut absolument satisfaire le MEDEF, on s'assied dessus et on va jusqu'à casser ces accords ! Pour nous, c'est absolument inadmissible. Le rythme de ces visites médicales est d'autant plus nécessaire que la pénibilité et les dangers du secteur concerné sont plus importants que d'autres et que la main-d'oeuvre peu qualifiée y est nombreuse. Pour cette main-d'oeuvre qui a peu accès à la médecine de ville, les visites régulières de la médecine du travail sont en effet fondamentales.
En France, l'usage a consacré le principe selon lequel les accords d'entreprises ne sauraient être moins favorables aux salariés que la loi. Nous en sommes toujours à ce principe, même si vous avez cassé la hiérarchie des normes. Vous avez imposé le fait que jusques et y compris des accords d'établissements peuvent être moins favorables que des accords de branche, mais jusqu'ici, vous n'aviez pas encore réussi à casser le principe selon lequel les accords d'entreprises ne peuvent pas être moins favorables que la loi. J'espère que tout sera fait pour que vous ne poursuiviez pas votre oeuvre au-delà de 2012. Car sinon, il serait à craindre que vous alliez jusqu'à casser ce principe.
Défavorable. Il ne s'agit évidemment pas d'une régression du droit du travail. Il s'agit au contraire de faire bénéficier l'ensemble des salariés des avancées qui sont proposées dans le texte. C'est dans ce but qu'il est demandé aux partenaires sociaux de rediscuter l'ensemble de leurs accords dans le sens de la nette amélioration apportée par cette proposition de loi.
Même avis.
La position de M. le rapporteur est d'une mauvaise foi totale. D'abord, les partenaires sociaux peuvent toujours renégocier un accord. Personne ne les en empêche. Et à partir du moment où la loi est modifiée, il y a de toute façon une obligation minimale de s'aligner sur la loi, mais rien n'empêche de maintenir la partie des accords qui est plus favorable que la loi. C'est le principe même de notre droit du travail.
Ce que vous êtes en train de dire, c'est qu'il faut casser les accords pour qu'il s'alignent sur la loi, mais dans le cadre d'un alignement par le bas. C'est bien cela que nous dénonçons.
Il faut assumer ce que l'on fait, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur. Dans notre droit social, je ne connais pas de précédent où, par la loi, on ait remis en cause des accords collectifs au motif que, la loi étant en retrait, il faudrait obligatoirement renégocier des accords qui soient eux aussi en retrait. Je vous mets au défi de trouver, dans notre histoire sociale, des exemples de cette nature. Il n'y en a pas, ou alors très peu.
Normalement, la règle aurait voulu que vous respectiez la volonté que les partenaires sociaux ont exprimée dans les accords qu'ils ont signés. S'ils veulent, compte tenu d'un autre contexte, renégocier leurs accords, ils sont libres de le faire. Mais là, vous les obligez à négocier a minima, c'est-à-dire à conclure des accords en régression par rapport à ce qu'est aujourd'hui leur volonté. C'est quand même une démarche assez extraordinaire.
Ne nous dites pas que c'est pour que les salariés bénéficient de quelque chose. Non, c'est une obligation de négocier pour remettre en cause ce qu'ils ont décidé et qui est aujourd'hui plus favorable que ce qui figure dans cette proposition de loi. Franchement, où est la liberté de négociation ? Je pense que c'est une vraie erreur. Ils négocieront s'ils ont envie de négocier.
La question est intéressante. Il y a effectivement le problème des accords qui ont déjà été conclus. De ce point de vue, je suis assez d'accord avec ce que disent les collègues de l'opposition. Si on est pour le dialogue, on doit respecter les accords.
Néanmoins, il faut envisager le cas où une entreprise qui a recours à un service interentreprises décide de faire plus de visites médicales. Dans ce cas-là, c'est bien au service interentreprises qu'elle fera appel pour assurer ce nombre accru de visites médicales. Mais elle ne paiera pas plus de cotisations. Cela se fera donc forcément au détriment du service rendu à l'ensemble des autres entreprises. C'est une question qu'il faut se poser.
Votre argument serait juste, monsieur Vidalies, madame Billard, si le médecin du travail était intégré à l'entreprise. Dans ce cas, il y a un accord. Le médecin du travail est salarié de l'entreprise. Si on lui demande de faire plus de visites médicales et que ce n'est pas possible, l'employeur embauchera un autre médecin du travail pour respecter les accords. Mais dans le cadre du service interentreprises, on n'est pas tout à fait dans la même situation. Il y a donc un véritable problème.
C'est pourquoi je m'abstiendrai sur cet amendement. Mais je trouve qu'il est quand même intéressant, parce que le fait de rendre caducs des accords, cela me paraît aller un peu loin.
Monsieur Vidalies, je vous rappelle que la loi du 25 juin 2008 faisait suite à l'accord du 11 janvier 2008 sur les périodes d'essais. Les choses ont été remises à plat par la loi. Vous avez l'air de vous étonner, en disant : « C'est la première fois ! Comment cela se fait ? » Mais ce n'est pas la première fois. Je tenais à le préciser.
J'ajoute qu'il ne s'agit que d'une remise à plat. Rien de plus, rien de moins.
Comme vient de le dire M. Muzeau, votre démonstration, monsieur le ministre, prouve seulement que vous êtes en situation de récidive.
Pour reprendre le vocabulaire auquel vous êtes habitués, je dirai que la seule solution pour les partenaires sociaux sera d'adopter une « peine plancher ». Ce sera à peu près la seule solution possible. On ne va pas, par la loi, supprimer le contenu d'accords collectifs ! C'est quand même invraisemblable ! Ce n'est pas parce que vous l'avez fait une fois que vous êtes obligés de récidiver.
(Les amendements identiques nos 50 et 81 ne sont pas adoptés.)
(L'article 1er, amendé, est adopté.)
M. le Président a reçu de M. le ministre chargé des relations avec le Parlement une lettre l'informant que l'ordre du jour des mercredi 6 et jeudi 7 juillet est ainsi modifié :
Le mercredi 6 juillet, est inscrit le projet de loi fixant le nombre des conseillers territoriaux, qui sera le premier point de l'ordre du jour ;
La discussion, en deuxième lecture, de la proposition de loi modifiant certaines dispositions de la loi portant réforme de l'hôpital ne commencera que le jeudi 7 juillet.
Nous poursuivons l'examen de la proposition de loi relative à l'organisation de la médecine du travail.
Je suis saisie d'un amendement n° 51 .
La parole est à Mme Catherine Lemorton.
Le III de l'article 2 traite des échanges écrits entre le médecin du travail et l'employeur, reprenant les termes de l'article 25 sexies A du texte de la CMP sur les retraites. Il précise donc que le médecin du travail formalisera par écrit ses propositions afin de préserver les travailleurs d'un risque constaté et que, si l'employeur n'entend pas les mettre en oeuvre, il devra par écrit en indiquer les motifs.
Notre amendement vise à muscler le texte, qui est pour le moins laxiste. À partir du moment où l'employeur aura exprimé, pour le dire simplement, son refus de protéger son salarié, les préconisations du médecin du travail et la réponse de l'employeur seront « tenues à la disposition du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ou, à défaut, des délégués du personnel, de l'inspecteur ou du contrôleur du travail, du médecin inspecteur du travail ou des agents des services de prévention des organismes de sécurité sociale ».
Mais qui, parmi toutes ces personnes, sera au courant qu'il y a eu un refus de l'employeur ? Personne. C'est pourquoi nous proposons, par cet amendement, que toutes ces personnes ou institutions soient automatiquement informées des raisons du refus par l'employeur de mettre en oeuvre les solutions au problème qui aura été pointé du doigt par le médecin du travail.
C'est un amendement qui va dans le sens de la protection du salarié. Les organismes de contrôle, quels qu'ils soient, doivent être au courant du refus et des motivations de ce refus.
Si cet amendement ne recueille pas un avis favorable de la commission et du Gouvernement, c'est que je ne comprends pas l'essence du texte.
Défavorable. La commission est d'ailleurs également défavorable à l'amendement n° 83 , qui va dans le même sens.
Je constate, madame Lemorton, que l'exposé sommaire de votre amendement ne parle pas de l'amendement lui-même. Il évoque seulement les cas de refus, alors que l'amendement vise à transmettre systématiquement les préconisations du médecin du travail et la réponse de l'employeur. Vous allez noyer le CHSCT sous cet ensemble d'échanges, alors que, la plupart du temps, ils ne posent aucun problème.
Je rappelle d'ailleurs que, en cas de désaccord entre le médecin du travail et l'employeur, l'inspecteur du travail peut toujours être saisi. Mais ce n'est pas seulement en cas de refus que vous proposez de transmettre les échanges écrits. Vous proposez de le faire systématiquement. Cela me semble un peu exagéré.
Même avis.
(L'amendement n° 51 n'est pas adopté.)
Je suis saisie d'un amendement n° 83 .
La parole est à M. Roland Muzeau.
En matière de santé au travail, il est grand temps de mener des politiques de transparence. Ce qui est proposé dans ce texte vise une fois de plus à retenir, ou tout du moins à ralentir, l'information. De telles méthodes sont décidément d'un autre temps. De même, l'intérêt de compter les CHSCT parmi les destinataires des conclusions des médecins du travail semble évident, du moins à nos yeux.
C'est pourquoi nous proposons, par cet amendement, que les propositions et préconisations du médecin du travail, ainsi que la réponse de l'employeur, ne soient pas simplement tenues à la disposition des CHSCT et de l'inspection du travail, mais qu'elles leur soient transmises systématiquement. C'est aussi, nous semble-t-il, un moyen de renforcer l'effectivité de l'action des médecins du travail.
(L'amendement n° 83 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Je suis saisie d'un amendement n° 34 .
La parole est à M. Roland Muzeau.
En première ligne pour défendre la santé des salariés, les médecins du travail souffrent parfois de leur manque d'autonomie par rapport à l'employeur ou au directeur des services de santé au travail. Beaucoup s'interrogent sur l'efficacité de leur action, et sont frustrés du manque d'effectivité de leurs préconisations, l'employeur n'étant pas tenu de donner suite aux mesures visant à préserver la santé des salariés.
Si le texte dans son ensemble est loin de les rassurer quant à leur indépendance technique, l'article 2 « obligeant » les employeurs à justifier de leur refus, ou de l'absence de mise en oeuvre des propositions formulées par le médecin du travail, peut être lu positivement.
Nous avons défendu un amendement pour que les préconisations du médecin du travail et la réponse de l'employeur soient non pas simplement tenues à disposition, mais automatiquement transmises à l'inspection du travail et aux CHSCT.
Dans l'intérêt des salariés et pour renforcer la responsabilité de l'employeur vis-à-vis du médecin, nous vous proposons que lors d'un contentieux lié à l'altération ou à la dégradation de l'état de santé du salarié en lien avec son activité professionnelle, le refus de l'employeur de se conformer aux prescriptions du médecin soit opposable à l'employeur.
(L'amendement n° 34 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
(L'article 2 est adopté.)
Je suis saisie d'un amendement n° 82 , tendant à supprimer l'article 3.
La parole est à M. Roland Muzeau.
La question de la gouvernance des services de santé au travail a été l'un des points durs de blocage expliquant l'échec de la négociation interprofessionnelle sur la médecine du travail, comme je l'ai dit tout à l'heure en défendant la motion de renvoi en commission. Objet de débats et de tractations au fil de la discussion parlementaire, ce sujet nous divise encore, et explique en partie notre désaccord sur ce texte.
Au départ, la partie patronale souhaitait simplement que les syndicats soient « associés » à la gestion des services de santé au travail. Au cours des négociations, il avait été concédé que les conseils d'administration des SST deviennent strictement paritaires. La nécessité de ce principe paritaire, défendu à juste titre par les organisations syndicales de salariés, fait désormais consensus. C'est, selon la CFE-CGC, « la seule condition susceptible de créer les conditions de crédit et de confiance à l'action des SST, la seule condition qui permette une orthodoxie financière des actions réalisées par ces services. »
Une fois posé ce principe, le problème est venu lorsqu'il s'est agi d'en préciser le contenu et la portée. Ouverte au lobbying exercé par les employeurs, la majorité, au sein de notre assemblée, a défendu la préférence patronale : le texte propose, certes, de créer un conseil d'administration composé à parts égales de représentants des employeurs et des salariés, mais avec une présidence revenant de droit aux employeurs, les financeurs, dans le domaine de la santé au travail, devant obligatoirement, in fine, être les décideurs. Bel argument !
Les organisations syndicales ont bataillé ferme pour que cette disposition, totalement inacceptable selon la CGT, par exemple, préservant la mainmise des employeurs sur les SST ne soit pas maintenue dans le texte.
En première lecture, nos collègues du Sénat, dans leur grande sagesse, ont su trouver une solution équilibrée, qualifiée par la CFE-CGC de « correction salutaire », emportant l'adhésion des syndicats à la réforme de l'ensemble. Pour que la gestion des SST soit réellement paritaire, il avait été prévu de confier alternativement les postes de président et de trésorier aux représentants des employeurs et des salariés. Précision notable, afin d'impliquer les organisations syndicales et d'employeurs représentatives au niveau national et interprofessionnel dans le fonctionnement de ces structures, le texte prévoyait que les représentants des employeurs membres de ce conseil seraient désignés au plan national parmi les entreprises adhérentes.
Cette solution ne garantit pas à elle seule l'indépendance de l'action des SST et des médecins du travail, dont le choix des priorités relève de la direction des services. Mais elle apporte des avancées en termes de transparence et de confiance pour les salariés. Elle devait donc, selon nous, être maintenue dans le texte.
Notre rapporteur, soutenu en cela par le Gouvernement, en a décidé autrement en proposant le retour à la prééminence patronale, sous couvert, bien sûr, d'arguments juridiques dont nous avons montré combien ils étaient contestables. L'article 3 confie donc cette présidence à un représentant des employeurs, et donne, en contrepartie, le poste de trésorier au représentant des salariés. Et surtout, pour que rien ne change, les représentants des employeurs à ce conseil resteront désignés localement.
Vous dites que cette solution est équilibrée, nous ne le pensons pas, et c'est pourquoi nous proposons de supprimer l'article 3 tel qu'il a été réécrit par la commission.
Monsieur Muzeau, j'ai du mal à croire que vous préfériez le statu quo actuel en matière de gouvernance des services de santé au travail à la réforme proposée. Cette réforme fait passer la représentation des salariés au sein du conseil d'administration d'un tiers des sièges à la moitié. Si votre amendement était adopté, nous en reviendrions à une composition d'un tiers de représentants des salariés et de deux tiers de représentants des employeurs.
Vous ne faites pas le choix des salariés, monsieur Muzeau !
De plus, cela interdirait aux salariés de présider la commission de contrôle.
Par ailleurs, vous en appelez aux statuts des associations pour régler directement la question de la gouvernance, je suis parfaitement d'accord avec vous là-dessus, c'est ce que j'ai défendu en commission sur le principe de la présidence patronale. Mais en même temps vous récusez le fait que le financement des SST par les employeurs justifie qu'ils aient la main sur ces services.
Si j'ai obtenu le soutien du Gouvernement, ce n'est certainement pas en commission, monsieur Muzeau, puisqu'il n'était pas là ! Je propose donc un compromis acceptable par toutes les parties en présence, et c'est également l'avis de la rapporteure du Sénat, Mme Payet. Votre amendement aboutirait à ne plus donner qu'un tiers des voix aux représentants des salariés.
Défavorable.
Peut-être est-ce l'heure avancée qui fait que le rapporteur est moins attentif à ce que l'on dit, mais nous demandons la suppression de l'article tel qu'il a été rédigé par la commission. Nous vous demandons d'en revenir au texte issu du Sénat.
Cela avait d'ailleurs probablement été l'élément déterminant pour emporter l'abstention des groupes de l'opposition au Sénat, vous le savez pertinemment.
J'ai sous les yeux une déclaration de la SFE-CGC selon laquelle sur les questions de gouvernance, ce texte tel qu'il sort du Sénat doit être adopté en l'état et ne pas être dénaturé lors du vote final.
Monsieur Muzeau, vous proposez dans votre amendement de supprimer l'article, c'est-à-dire que l'on ne modifie plus la gouvernance par rapport à ce qui existe en l'état actuel des choses.
Nous demandons la suppression de l'article tel que vous l'avez rédigé en commission.
(L'amendement n° 82 n'est pas adopté.)
Il s'agit d'un amendement de précision qui ne devrait pas essuyer un refus, puisqu'il s'agit simplement de donner de la cohérence à cet article 3.
Dans sa rédaction actuelle, l'article 3 instaure une fausse parité dans la direction des SST, puisqu'il prévoit que le président du conseil d'administration sera un représentant des employeurs adhérents avec voix prépondérante en cas de partage de voix. Il n'y aura donc pas alternance, ce qui permettra aux pratiques indélicates, voire frauduleuses de certains mouvements patronaux de perdurer, j'ai évoqué l'exemple de Toulouse tout à l'heure.
Il s'agit de parallélisme des formes : si l'on évoque à l'alinéa 4 les « représentants des salariés des entreprises adhérentes, désignés par les organisations syndicales représentatives au niveau national et interprofessionnel », il ne suffit pas que les employeurs soient des entreprises adhérentes ; il faut rédiger de la même manière : « des entreprises adhérentes désignées par les organisations syndicales d'employeurs représentatives au niveau national et interprofessionnel. » C'est ainsi que les deux catégories de représentants auront une voix égale. Il s'agit donc juste d'un amendement de précision, que le rapporteur ne peut qu'accepter.
La parole est à M. Sébastien Huyghe, pour soutenir l'amendement n° 78 .
Cet amendement vise à garantir une juste application du paritarisme par la nomination logique des représentants des employeurs et des salariés par les organisations représentatives au niveau national et interprofessionnel.
En effet, la version actuelle du texte introduit un grave déséquilibre dans la mise en oeuvre du paritarisme issu du droit du travail en omettant de préciser que la désignation des représentants employeurs se fait, comme pour les représentants salariés, par les organisations représentatives au niveau national et interprofessionnel, mais simplement par les représentants des employeurs désignés par les entreprises adhérentes.
Il s'agit ici d'un rééquilibrage logique, les salariés disposants par ailleurs, aux termes des articles 3 et 3 bis, de la trésorerie des services de médecine du travail, de la majorité au sein de la commission de contrôle desdits services ainsi que de la présidence de cette commission.
Avis défavorable à ces deux amendements. Nous avons eu l'occasion d'en parler longuement en commission, et nous avons travaillé sur cette question de gouvernance.
Le même raisonnement est applicable à la question de la présidence du conseil d'administration et à la désignation des représentants des employeurs au sein de ce conseil. Les services de santé au travail interentreprises sont constitués sous la forme d'associations loi 1901. La libre association va de pair avec la libre organisation de l'association selon la volonté majoritaire de ses adhérents.
C'est la raison pour laquelle le conseil d'administration de l'association ne peut être que l'émanation de l'assemblée générale de ses adhérents. Ainsi, si l'on prévoit la désignation des représentants des employeurs par les organisations patronales, non seulement ce sera constitutionnellement risqué – nous l'avons longuement évoqué précédemment – mais surtout, ce sera une source de conflits sans fin entre une assemblée générale qui aura des adhérents et un conseil d'administration qui ne sera pas élu par les adhérents. Nous risquons d'avoir en permanence des sources de conflits et de blocage entre une assemblée générale formée d'employeurs qui se seront volontairement rassemblés et un conseil d'administration qui ne sera pas l'émanation de cette assemblée générale. L'assemblée générale n'acceptera jamais les décisions du conseil d'administration. Ce serait ingérable, tant constitutionnellement que sur le plan pratique. Et l'association risque la paralysie complète.
Je voudrais simplement signaler, pour terminer, que la question est complètement différente de celle de la désignation des représentants des salariés. On leur donne le pouvoir d'avoir 50 % des voix au sein du conseil d'administration, mais c'est un contexte complètement différent, et on ne peut pas parler de parallélisme des formes entre les adhérents volontairement rassemblés dans une association et des salariés à qui l'on donne le droit de siéger dans un conseil d'administration.
Je demande donc le retrait de ces amendements, car il y a un risque de blocage complet qui rendrait cette réforme de la médecine du travail complètement inefficace.
Même avis que la commission, et je fais la même demande à Sébastien Huyghe. On risque de remettre complètement en cause l'équilibre qui a été trouvé.
Permettez-moi de réagir à l'exposé des motifs de mon ami Sébastien Huyghe. Je lis qu'il faut un parallélisme des formes – c'est grossièrement ce qui est marqué – mais je rappelle que je réclame depuis un certain temps le parallélisme des formes pour la désignation des représentants des employeurs. Aujourd'hui, nous avons modifié la représentativité des organisations syndicales salariées, mais pas celle des employeurs, qui fonctionne toujours sous un régime archaïque. Si l'on veut un parallélisme des formes, il faut commencer par réformer la représentativité des employeurs. Peut-être ensuite pourra-t-on chercher un parallélisme des formes dans les structures.
La question est de savoir si, sur la santé au travail, il y aura un dialogue social, y compris au niveau national.
Nous voulons avoir des organisations syndicales représentatives, de salariés et d'employeurs, issus des entreprises adhérentes, mais missionnés par les organisations représentatives. Pourquoi est-ce important ? Cela permet d'éviter une atomisation du dialogue social en fonction des réalités locales et sans aucun sens, et de faire remonter les problèmes, d'avoir des organisations qui ensuite, au niveau national, prennent position. Et cela servira aussi aux pouvoirs publics, qui ne pourront aller discuter avec chaque représentant. Les pouvoirs publics pourront échanger avec les organisations syndicales de salariés et avec les organisations patronales. C'est une question non seulement de paritarisme, de parallélisme, mais aussi d'efficacité, et je pense que vous faites fausse route en nous proposant cette disposition.
(L'amendement n° 52 n'est pas adopté.)
Je suis saisie d'un amendement n° 53 .
La parole est à M. Alain Vidalies.
Nous abordons maintenant une des questions importantes de ce débat : la constitution de l'organisme paritaire de gestion des services de santé au travail.
M. le rapporteur vient de donner une précision qui doit déjà figurer au Journal officiel et qui pose un problème politique majeur. Nous avions une rédaction issue du Sénat. Le groupe socialiste au Sénat et le groupe communiste, se sont abstenus sur le vote final, uniquement parce qu'il y avait cette avancée sur la question de la gestion paritaire avec alternance de la présidence.
Vous saviez que, pour notre part, nous étions prêts à respecter cette évolution dans le débat à l'Assemblée nationale. Le texte est passé au Sénat au mois de janvier. Depuis, nous attendions, alors qu'il était semble-t-il urgent, que le texte revienne devant l'Assemblée nationale. Il y vient enfin aujourd'hui. Je pensais, jusqu'à l'intervention de notre rapporteur il y a quelques minutes, que tout n'était pas fini, puisqu'au fond, nous sommes d'accord avec la position du Sénat, donc dans la logique institutionnelle, dans la CMP à venir, cette position aurait été majoritaire. Or, tout de go, il y a quelques minutes, le rapporteur, en dehors de tout cheminement institutionnel, nous a expliqué qu'il était déjà intervenu un accord et que le Sénat était prêt à s'aligner sur l'Assemblée nationale, c'est-à-dire à abandonner sa position. Comme si nous n'étions ici que dans un jeu de rôle, et que tout avait été arrangé ailleurs. Je ne vous fais pas de procès d'intention, vous avez dit il y a quelques minutes avoir déjà l'accord de la rapporteure au Sénat, alors que la question majeure est de savoir si le Sénat va respecter son vote majoritaire.
Cela va décevoir ceux qui pensaient depuis l'origine que là était, non pas toute l'affaire, mais au moins le noeud du débat, compte tenu du petit périmètre de votre loi. Il y a là une décision politique majeure, un peu déroutante, car nous aurions pu trouver une forme de consensus, une déclaration régressive et qui sera vécue comme telle. Le Sénat, vous nous l'avez annoncé, va donc s'aligner sur cette position.
Soulignons la brutalité du fait majoritaire dans ces cas-là. Nous avons l'impression que les sénateurs avaient utilisé un espace de liberté, quelque chose que nous avions respecté, mais finalement, c'est toujours trop. Même un peu, c'est trop avec vous ! Nous voilà donc avec ce texte régressif, et j'espère que nous serons en position de le remettre en cause dans quelques mois.
Je ne sais pas ce qui peut expliquer que vous alliez jusque-là sur un texte de cette nature et que vous créiez un problème politique, alors que vous auriez pu porter à votre crédit le fait de sortir de ce débat en obtenant notre abstention sur un texte qui avait suscité un accord au Sénat.
Nous nous sommes largement expliqués sur la gouvernance. Monsieur Vidalies, je ne préjuge évidemment pas du vote du Sénat. C'est une assemblée démocratique. Je vous inviterai à relire le Journal officiel. J'ai indiqué que Mme la rapporteure du Sénat défendrait la même position qu'en première lecture, qui n'est pas la gouvernance avec présidence alternée.
Pas du tout ! Relisez les débats. Vous essayez d'instiller le doute. Soyez honnêtes. Mme la rapporteure au Sénat n'était pas favorable à la présidence alternée. Elle l'a défendue et elle a été battue. J'ai eu l'occasion de la rencontrer et elle m'a dit qu'elle conserverait, en seconde lecture, la même position qu'en première lecture.
Défavorable.
(L'amendement n° 53 n'est pas adopté.)
Je suis saisie d'un amendement n° 35 .
La parole est à M. Roland Muzeau.
Les employeurs ont la responsabilité d'organiser les services de santé au travail et, aux termes de l'article 3, les services de santé interentreprises seront administrés par un conseil présidé par un employeur, lequel n'a bien souvent aucune compétence particulière en matière de prévention des risques, aucune qualification médicale.
Au même titre que les autres acteurs des services de santé, le directeur du service, le président doit être, selon nous, formé aux problématiques de santé au travail. C'est la raison pour laquelle nous proposons d'insérer après l'alinéa 5 de l'article 3 un alinéa ainsi rédigé :
« Préalablement à sa prise de fonctions, le président est tenu de recevoir une formation en matière de santé au travail dans les conditions prévues aux articles L. 4614-14 à L. 4614-16. »
(L'amendement n° 35 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
(L'article 3 est adopté.)
Mes chers collègues, à ce stade de notre discussion, il reste vingt-six amendements à examiner. Je vous propose donc, après une suspension de quelques minutes, de prolonger la séance pour terminer l'examen de ce texte.
Article 3
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures vingt, est reprise à vingt heures vingt-cinq.)
Je suis saisie de trois amendements portant article additionnel après l'article 3.
La parole est à M. Christian Hutin, pour soutenir l'amendement n° 54 .
Cet amendement vise à protéger les salariés qui siègent dans le Conseil paritaire de gestion d'un service de santé au travail interentreprises.
J'ai cru comprendre qu'il allait se discuter beaucoup de choses dans cet organisme. Si les salariés ont peu de chances de remporter la victoire du fait de la voie prépondérante du président, ils doivent néanmoins pouvoir dire certaines choses sans crainte, sans risquer de perdre leur travail ou de subir des pressions. Il nous semble donc plus que logique que les salariés siégeant dans cet organisme puissent bénéficier du statut de « salarié protégé ».
(L'amendement n° 54 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Je suis saisie d'un amendement n° 60 .
La parole est à M. Roland Muzeau.
Par cet amendement, nous proposons de compléter les principes généraux de prévention inscrits dans le code du travail qui doivent guider l'action des employeurs, en y intégrant une information sur les risques auxquels les salariés peuvent être exposés, les droits et les procédures en matière de santé au travail, et la communication des services de santé au travail.
C'est la raison pour laquelle nous proposons que le dernier alinéa de l'article L. 4121-2 du code du travail soit ainsi rédigé :
« 9° Réaliser un livret d'information sur les risques auxquels les salariés peuvent être exposés, les droits et les procédures en matière de santé au travail et donner les instructions appropriées aux travailleurs ainsi que les coordonnées du service de santé au travail. »
Avis défavorable. Les informations contenues dans ce livret sont d'ores et déjà prévues par le code du travail sous d'autres formes.
(L'amendement n° 60 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Je suis saisie d'un amendement n° 84 .
La parole est à M. Roland Muzeau.
Après l'article 3, nous proposons d'insérer l'article suivant :
Après l'article L. 4622-3 du code du travail, il est inséré un article L. 4622-3-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 4622-3-1. – Au titre des objectifs de prévention tels que définis à l'article L. 4622-3, la consultation médicale professionnelle constitue une activité clinique individuelle qui renseigne sur les objectifs, la nature et les conditions d'exercice du travailleur, notamment les risques professionnels et psychosociaux, auxquels il est susceptible d'être exposé.
« Chaque salarié bénéficie obligatoirement, au moins tous les douze mois, d'une consultation médicale.
« Lors de cet entretien individuel, le salarié est informé sur l'influence du travail sur sa santé, sur les risques qu'il encourt et les moyens de les prévenir.
« La consultation médicale professionnelle répond aux obligations déontologiques et légales en matière d'aide à l'accès aux droits sociaux, en particulier en ce qui concerne la rédaction de certificats médicaux constatant les atteintes à la santé dues au travail.
« Conformément aux articles L. 1111-2 du code de la santé publique et L. 4624-1 du présent code, la consultation médicale professionnelle s'exerce dans l'intérêt premier de la santé du travailleur et de son maintien ou retour dans l'emploi.
« Le volet “santé au travail” du dossier mentionné aux articles L. 1111-14 et suivants du code de la santé publique constitue le support permettant le plein exercice des missions dévolues au médecin du travail. ».
L'ensemble de ces précisions est de nature à aider le salarié à se protéger et l'employeur à ne pas commettre d'erreur.
(L'amendement n° 84 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Je suis saisie d'un amendement n° 55 .
La parole est à M. Christian Hutin.
Nous avons défini différents échelons pour l'organisation de la médecine du travail : sites, bassins d'emploi, branches. Nous proposons de créer une instance régionale paritaire dans le but de coordonner les services de santé au travail, les régions étant de plus en plus enclines à travailler dans le domaine de l'économie, de l'industrie.
Avis défavorable.
L'amendement de notre collègue Vercamer, qui a été adopté en commission, a permis de clarifier le cadre national et régional dans lequel s'inscrit la contractualisation. L'amendement de nos collègues socialistes est donc satisfait, les CRPRP correspondant à leur demande.
(L'amendement n° 55 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Je suis saisie d'un amendement n° 42 .
La parole est à M. Roland Muzeau.
Il convient de faire bénéficier les personnels concourant aux services de santé au travail des mêmes protections que celles dont bénéficient les médecins du travail. À l'alinéa 2, après la première occurrence du mot : « travail », cet amendement vise donc à insérer les mots : « et les personnels concourant aux services de santé au travail ».
(L'amendement n° 42 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
(L'article 5 bis est adopté.)
Je suis saisie d'un amendement n° 6 .
La parole est à M. Francis Vercamer.
Cet amendement vise à remplacer les mots « médecin du travail » par les mots « membre de l'équipe pluridisciplinaire », pour étendre la protection dont bénéficie le médecin du travail à l'ensemble de l'équipe pluridisciplinaire.
(L'amendement n° 6 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Je suis saisie d'un amendement n° 38 tendant à supprimer l'article 6.
La parole est à M. Roland Muzeau.
Il est anormal et scandaleux que certaines catégories de travailleurs ne bénéficient d'aucune surveillance médicale. Cette situation est le résultat d'une pénurie organisée et d'un laxisme de l'administration quant au contrôle des obligations légales incombant aux employeurs en matière de protection de la santé des travailleurs.
L'expérimentation du suivi de ces travailleurs telle qu'elle est proposée à l'article 6 apparaît dès lors comme satisfaisante. Cependant, le fait de prévoir que le suivi sera assuré par une personne non spécialiste des questions de santé au travail, sans formation spécifique ni habilitation, ne peut nous satisfaire pour au moins trois raisons. Cela institue une médecine du travail au rabais pour des catégories de travailleurs souvent précaires et isolés. Cela nuit à la cohérence de la médecine du travail en favorisant un système à au moins trois vitesses et trois niveaux de prévention et porte en germes le risque d'une disparition de la médecine du travail.
L'on ne peut être que défavorable à un amendement qui supprime un dispositif visant précisément à permettre un meilleur suivi médical de certaines catégories de salariés, aujourd'hui non suivis.
(L'amendement n° 38 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Je suis saisie d'un amendement n° 56 .
La parole est à M. Alain Vidalies.
L'amendement vise à préciser les modalités d'intervention des médecins non spécialistes, ce qui n'est pas une petite affaire. Le texte prévoit cette intervention, mais si cette possibilité est ouverte à l'ensemble du corps médical sans autre précision, cela revient à nier la spécificité de la médecine du travail.
L'habilitation ne peut résulter du choix fait par le service de santé au travail. La santé publique, dont la santé au travail est un élément majeur, relève du pouvoir politique et d'une autorité de santé publique, c'est-à-dire régalienne. L'habilitation des médecins spécialistes ne peut donc résulter que d'une autorisation administrative compétente en matière de santé publique et ne doit pas procéder du choix fait par le service de santé au travail. Imaginez un instant que la responsabilité du médecin soit mise en cause en raison d'un défaut de compétence ? Cela ne serait pas acceptable. La précision que nous voulons introduire dans le dispositif est tout à fait normale compte tenu des exigences de la santé au travail.
Si vous le permettez, madame la présidente, je donnerai également l'avis de la commission sur l'amendement suivant, n° 43.
Je ne suis pas sûr qu'un dispositif d'habilitation par autorité administrative soit plus efficace et plus protecteur que les dispositions qui sont prévues par le texte. Par ailleurs, cette habilitation vient sanctionner une formation spécifique qui n'existe pas aujourd'hui, et qui devrait être, au préalable, mise en place. Je ne peux que le regretter dans la mesure où ces dispositions vont enfin permettre à certaines catégories de travailleurs – il me semble que vous ne pouvez qu'être d'accord – de bénéficier d'un suivi médical dont ils ne bénéficient pas. Je pense notamment aux deux millions de salariés de particuliers employeurs à temps partiel.
Il appartient aux services de santé au travail d'assurer la surveillance médicale des salariés qui leur sont confiés de manière adéquate, leur responsabilité étant engagée. Je doute qu'ils fassent n'importe quoi concernant le recrutement. Par ailleurs, je vous rappelle que les services de santé au travail sont agréés. Il y a donc un droit de regard de l'autorité administrative sur les moyens mis en oeuvre par ces services pour remplir leur mission.
En outre, je note, monsieur Vidalies, que vous souhaitez conserver la référence aux mannequins « mineurs », ce que la commission n'a pas souhaité dans la mesure où ces derniers relèvent d'un suivi renforcé et non d'un suivi dérogatoire.
Enfin, je vous ferai remarquer que nous allons beaucoup plus loin que la disposition que Laurent Fabius avait fait voter ici il y a quelques années.
Cela devrait vous faire plaisir !
Pour la fonction publique, l'aptitude était décidée par des médecins agréés sans aucune formation et sans aucun contrôle par un service de santé au travail.
Défavorable. Les actes pourront faire l'objet d'une habilitation par voie réglementaire, il n'y a donc pas de problème.
(L'amendement n° 56 n'est pas adopté.)
Je suis saisie d'un amendement n° 43 .
Il me semble que le rapporteur a déjà donné un avis sur cet amendement, monsieur Muzeau.
Certes, mais il ne me satisfait pas, madame la présidente.
Nous souhaitons que les médecins non spécialistes reçoivent une formation avant leur prise de fonction…
…et qu'aucune ambiguïté ne subsiste entre les fonctions de médecin traitant et de médecin du travail.
Nous considérons que les médecins doivent avoir suivi une formation spécifique définie par décret et obtenu une habilitation délivrée par l'autorité administrative compétente. Cela me semble être la moindre des choses. Quant aux délais, vous êtes en mesure de les fixer, puisque vous êtes au Gouvernement.
Vos amis alors !
(L'amendement n° 43 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Un ange passe, madame la présidente ! (Sourires.) Cet amendement a été accepté en commission. Si elle revenait sur sa décision, j'en serais malade. Un délai de trois ans au lieu de cinq ans apparaît plus conforme.
Bonne idée !
C'est Saint-Quentin ! Ne confondez pas, monsieur Muzeau ! C'est toujours la Picardie, mais ce n'est pas pareil.
Laisser cinq années s'écouler avant de faire le bilan dans un domaine aussi sensible que celui de la santé ne serait pas raisonnable…
C'est du bon sens.
…et si ce bilan était négatif, il serait d'autant plus difficile de redresser la situation.
Avis très favorable également, car c'est un amendement de bon sens.
(L'amendement n° 41 est adopté.)
Je constate que le vote est acquis à l'unanimité.
Je suis saisie d'un amendement n° 80 .
La parole est à M. Fernand Siré.
Je défends cet amendement à la demande des dix-neuf députés qui l'ont signé avec moi.
Le médecin traitant est autorisé à délivrer la fiche médicale d'aptitude nécessaire à la signature d'un contrat d'apprentissage.
Cet amendement vise à permettre au médecin traitant, qui connaît le mieux l'enfant puisqu'il le suit depuis sa naissance, de délivrer le certificat médical d'aptitude nécessaire à la signature de son contrat d'apprentissage
En effet, pour enregistrer un contrat d'apprentissage, il faut que l'apprenti joigne une fiche d'aptitude délivrée par le médecin du travail – c'est le code du travail.
À chaque rentrée scolaire, les apprentis pâtissent de l'engorgement des services médicaux du travail, qui ont autre chose à faire. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Les délais d'attente pour passer cette visite médicale d'embauche sont très longs et reportent souvent la remise du certificat alors que l'apprenti a déjà fait un mois, deux mois, voire trois mois de travail.
Il travaille donc à la fois sans contrat et sans avoir passé d'examen médical approprié. Le médecin de famille, qui est le plus approprié pour connaître l'état de santé du jeune homme, est le mieux placé pour faire un certificat d'aptitude.
Je vous fais remarquer que pour faire un stage chez de nombreuses professions libérales – médecins, avocats – ils n'ont souvent pas besoin de certificat médical.
Avant de demander l'avis de la commission, je vous fais observer, monsieur Siré, que les jeunes femmes sont tout aussi concernées que les jeunes hommes !
Tout à fait, madame la présidente.
La commission a émis un avis très défavorable sur cet amendement.
L'article 6 renvoie à des accords collectifs de branche étendus pour prévoir des dérogations visant à mieux prendre en compte la situation des salariés et améliorer leur suivi. Or le présent amendement me semble uniquement justifié non par une absence ou une défaillance de suivi, mais par une seule difficulté concrète d'organisation des visites médicales d'aptitude des apprentis. Je ne nie pas l'existence de ces difficultés et la nécessité d'y apporter une réponse, mais je considère que la proposition de nos collègues n'a pas sa place ici.
Comme tout salarié, les apprentis bénéficient de la médecine du travail. En outre, en tant que mineurs, ils ont droit à une surveillance médicale renforcée. Dans ce cas, prévoir pour eux une dérogation qui n'est, en outre, pas du tout encadrée – il n'y aucune condition à remplir, tout médecin traitant pourrait désormais délivrer des fiches d'aptitude – me semble totalement inopportun et pourrait même se révéler dangereux pour les intéressés.
Il est important que le médecin connaisse le milieu du travail et les propositions que nous avons faites jusqu'à présent à propos de médecins non spécialistes concernent des médecins volontaires, formés, encadrés, et ayant passé un contrat avec un service de santé au travail.
Pour l'ensemble de ces raisons, monsieur Siré, je vous demanderai de bien vouloir retirer cet amendement qui appelle un examen plus approfondi de la question.
Même avis que la commission.
Cet amendement vise à instituer l'imposition d'une cotisation supplémentaire en cas de non-respect par l'employeur des obligations découlant de l'article L. 4622-1 du code du travail.
Défavorable.
(L'amendement n° 77 n'est pas adopté.)
Je sais déjà que l'on va me répondre que cet amendement est plutôt d'ordre réglementaire. Néanmoins, il traite d'une question importante puisqu'il vise à ce que tout travailleur itinérant bénéficie d'une surveillance médicale renforcée.
Nous savons que les travailleurs itinérants, très souvent sur la route, sont exposés à des accidents de trajet, qui peuvent être dommageables non seulement, pour eux-mêmes, mais également pour autrui. À ce titre, il me semble important qu'ils fassent l'objet d'une surveillance médicale renforcée, à l'instar des chauffeurs de poids lourds ou des conducteurs de bus.
Comme vous l'avez vous-même dit, monsieur Vercamer, cet amendement est d'ordre réglementaire et non législatif. En outre, je ne vois pas en quoi la qualité de salarié itinérant justifierait un suivi spécifique, qui concerne aujourd'hui des salariés affectés à des travaux comportant des exigences ou des risques bien spécifiques, comme les risques canceromutagènes et reprotoxiques.
Dans un article ultérieur, vous proposez un amendement qui vise à inclure les salariés itinérants dans la liste des catégories de travailleurs pouvant bénéficier de modalités dérogatoires de suivi définies par décret. De deux choses l'une : soit ces salariés sont déjà bien suivis par leur service de santé au travail, et un renforcement de ce suivi pourrait être utile ; soit ce suivi est défaillant, et il faut mettre en place des dispositions dérogatoires. Les deux amendements apparaissent contradictoires.
Dans le doute, je vous propose de retirer cet amendement.
Défavorable.
L'article 7 prévoit que toutes les conventions entre services de santé au travail et employeurs doivent être soumises à l'autorisation préalable du conseil d'administration, sauf lorsque les conventions portent sur des opérations courantes ou conclues à des conditions usuelles, comme le prévoit l'alinéa 6.
Nous estimons qu'en matière de prévention des conflits d'intérêts au sein des services de santé au travail interentreprises, il ne saurait y avoir d'exceptions : la transparence doit être de rigueur, a fortiori dans des domaines touchant au droit du travail. Nous proposons donc de supprimer l'alinéa 6.
(L'amendement n° 40 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
(L'article 7 est adopté.)
Cet amendement est particulièrement important puisqu'il traite du problème de la démographie médicale. Comme vous le savez, 55 % des médecins du travail ont plus de cinquante-cinq ans : compte tenu des départs à la retraite et des délais de formation des médecins du travail, la situation de pénurie qui prévaut déjà ne va pas s'améliorer dans les années à venir, M. le ministre l'a reconnu tout à l'heure.
Mon amendement vise à créer des passerelles de reconversion pour les médecins généralistes afin de leur permettre de se réorienter vers la médecine du travail, après avoir suivi une formation adaptée et réuni les qualifications nécessaires, lesquelles seraient déterminées par décret. Le ministre du travail étant aussi ministre de la santé, …
…voilà déjà une bonne passerelle pour essayer de trouver des solutions à ce problème de démographie médicale.
L'avis est défavorable mais j'aimerais consacrer quelques instants à ce sujet, qui est effectivement important.
Cet amendement part d'une très bonne intention. Nous avons évoqué à de nombreuses reprises les problèmes liés à la démographie médicale et développement de la reconversion des médecins. L'article 43 de la loi HPST, comme vous le savez, monsieur Vercamer, a mis en place un système de validation des acquis de l'expérience en renvoyant à des décrets pris en Conseil d'État le soin de fixer les « conditions dans lesquelles l'expérience acquise peut être validée, en tout ou partie, en vue de l'obtention d'un diplôme de formation médicale spécialisée ».
Je crois – M. le ministre pourra sans doute nous le confirmer – que ces décrets sont prévus pour la fin de l'année. Ils répondront parfaitement à votre préoccupation, monsieur Vercamer, et de manière beaucoup plus large que votre amendement.
Ces décrets ne concerneront pas uniquement la médecine du travail mais ils auront un champ plus large, dans le cadre de l'application de la loi HPST. Cela dit, cet amendement partait d'une idée intéressante, je tenais à vous le dire, monsieur Vercamer.
Si M. le ministre nous confirme qu'un décret va être pris avant la fin de l'année, je vais bien évidemment retirer mon amendement. Je fais confiance au Gouvernement.
(L'amendement n° 9 est retiré.)
(L'article 8 est adopté.)
La parole est à M. Roland Muzeau, pour défendre son amendement de suppression, n° 39.
En confiant au directeur des services de santé au travail, sous l'autorité du président, le soin de mettre en oeuvre les actions de santé au travail approuvées dans le cadre du projet de service pluriannuel, l'article 9 affaiblit considérablement le rôle du médecin du travail, relégué au simple rang d'exécutant. Ce dernier est dépossédé de son autonomie de décision puisqu'il serait, aux termes de cet article, limité par un projet qui réduira inévitablement la santé des travailleurs à de simples priorités ou objectifs a minima préalablement définis.
De telles dispositions ne vont manifestement pas dans le bon sens, d'autant que les directeurs des services de santé au travail sont placés, d'un point de vue organisationnel et financier, en situation de dépendance par rapport aux employeurs. Nous demandons donc la suppression de l'article 9.
(L'amendement n° 39 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Cet amendement vise à mettre fin à des situations que tout le monde connaît mais dont on ne parle pas. Elles sont néanmoins à la source des soupçons qui peuvent être portés sur le fonctionnement des services de santé au travail.
Nous souhaitons compléter l'article 9 par l'alinéa suivant :
« Les fonctions de directeur d'un service de santé au travail sont exercées à titre exclusif. Elles sont incompatibles avec toute autre fonction au sein d'une organisation représentative d'employeurs ou de salariés. Le directeur d'un service de santé au travail doit avoir une formation spécifique dont le contenu est fixé par décret. »
Soit vous estimez que les fonctions de directeur sont importantes et que le service de santé au travail doit être autonome, et vous votez en faveur de cet amendement ; soit vous pensez que le non-dit qui entoure beaucoup de ces services, dont le fonctionnement est marqué par la proximité avec les structures patronales, peut perdurer, et un jour ou l'autre, je vous le dis comme je le pense, vous serez confrontés à l'éclatement d'une affaire, du fait de la confusion qui règne dans les modes de financements. C'est probablement l'un des prochains dossiers qui provoquera des difficultés. Il est de la responsabilité du législateur de les prendre en considération. En tout cas, vous ne pourrez pas dire que vous ne saviez pas.
Le problème de la confusion des genres entre structures de gestion patronale et services de santé au travail est réel, qu'il s'agisse des locaux, des services d'informatique ou de la direction. Si vous voulez vraiment donner de l'importance au service de santé au travail, il faut faire en sorte que son directeur n'exerce pas plusieurs métiers en même temps. Il s'agit non seulement d'une mise en cohérence avec les autres dispositions du texte, mais aussi d'une question de moralisation qu'il vaut mieux traiter à ce stade de nos débats.
Défavorable. Je peux comprendre la démarche de M. Vidalies : ses arguments sont intéressants. Néanmoins, les dispositions proposées vont un peu loin : l'interdiction d'exercer une quelconque fonction au sein d'une organisation représentative d'employeurs ou de salariés me paraît quelque peu contraire au droit syndical. Cela créerait au moins autant de difficultés que cela réglerait de conflits. Bien sûr, nous connaissons tous les risques que vous évoquez.
Mais l'amendement proposé ne répond pas à la question et s'oppose à toute liberté syndicale.
Même avis
Je serais très heureux que M. Vidalies rejoigne la commission d'enquête sur le financement du dialogue social dont le Nouveau Centre a demandé la création. Il a en effet avancé exactement les mêmes arguments que nous : des problèmes se posent en ce domaine et il faut essayer de les régler.
Pas de provocation ! Demandez une commission d'enquête sur l'UIMM et les 500 millions cachés sous le matelas !
(L'amendement n° 57 n'est pas adopté.)
(L'article 9 est adopté.)
Pour ce qui est de l'impossibilité pour le directeur du service de santé au travail de diriger plusieurs services, vous nous opposez le respect du droit syndical. Il va vous falloir maintenant trouver d'autres arguments pour ce qui est des locaux ou des services informatiques, qui font l'objet de ces deux amendements.
Il me parait aller de soi d'inscrire dans la loi que les locaux des SST doivent être indépendants des locaux de l'entreprise ou des groupements d'entreprises et que les réseaux informatiques utilisés par la médecine du travail doivent de la même façon être indépendants de ceux de certaines unions patronales, par exemple.
Si quelqu'un ici pense que ces propositions sont farfelues, qu'il m'en fasse la démonstration. On peut continuer à parler de ces problèmes sans jamais vraiment les évoquer. Chacun ici prend ses responsabilités, car il y aura des affaires. Tout le monde connaît la réalité des problèmes que je soulève : M. le rapporteur – et je lui rends hommage pour cela – l'a lui-même reconnu même s'il a estimé que la réponse que j'y apportais n'était pas adéquate. Mais ce n'est pas à ma réponse que je suis attaché ; je suis attaché à ma question. La réponse, c'est à vous de l'apporter, monsieur le ministre, c'est vous qui détenez les responsabilités. Après, certains diront peut-être que personne ne s'est occupé de ces problèmes. Il me semblerait toutefois tout à l'honneur de notre assemblée de les traiter en adoptant ces amendements ou d'autres dispositifs, car la permanence de cette situation n'est plus acceptable.
La parole est à Mme Martine Billard, pour défendre l'amendement de suppression n° 36.
Nous nous inquiétons du fait que la situation de toute une fraction de salariés – et compte tenu des secteurs visés, ils sont nombreux à être concernés – relève de décrets, sur lesquels nous disposons à l'heure actuelle de peu d'éléments.
S'agissant des travailleurs exécutant habituellement leur contrat de travail dans une entreprise autre que celle de leur employeur visés à l'alinéa 8, on peut penser qu'il est mieux qu'ils relèvent du service de médecine du travail de l'entreprise dans laquelle ils sont détachés plutôt que de la SSII à laquelle ils sont simplement liés par un contrat. Toutefois, nous aimerions qu'un texte précis nous soit proposé pour savoir ce que cela signifie.
Le problème se pose également pour les salariés temporaires, autrement dit pour les intérimaires dont la durée des missions peut être très courte ou très longue. Il nous paraît inquiétant que ces salariés puissent relever d'autres services de médecine du travail que ceux de leur entreprise d'intérim, sans plus de précisions.
Un dernier exemple : les travailleurs détachés à titre temporaire par une entreprise non établie en France. Voyez le scandale des travailleurs du chantier de l'EPR à Flamanville, qui sont nombreux à dépendre d'entreprises non établies en France : dans ce cas, le droit du travail français n'est absolument pas respecté, qu'il s'agisse des conditions de travail ou des salaires, entre autres.
Monsieur le ministre, pouvez-vous donc nous en dire un peu plus sur ce que le décret prévoira pour ces catégories de travailleurs ?
Enfin, l'alinéa 15, qui réintroduit la notion d'adaptation locale, nous pose lui aussi un problème. Il donne l'impression d'être une sorte de décret dans le décret. Je sais que vous avez prévu que la santé des travailleurs concernés bénéficie d'une protection au moins équivalente à celle dont jouissent les autres travailleurs. Mais ces spécificités, source de division des travailleurs face à la loi, ne peuvent que nous inquiéter, d'autant que tous ceux que l'on peut appeler les travailleurs précaires sont déjà assez peu protégés par le droit du travail, et ne le sont guère en fait lorsqu'ils le sont en droit. Ne les fragilisons pas encore davantage par des dispositions relatives à la médecine du travail.
Défavorable. Il s'agit de catégories de salariés très mal suivis, les modalités de surveillance existantes n'étant pas adaptées à leur travail. Dès lors, l'article 10, comme l'article 6, contribue à mieux protéger les salariés : il ne faut surtout pas le supprimer.
Les catégories de salariés visées peuvent-elles être mieux couvertes qu'aujourd'hui ? C'est évident. Tel est le sens de l'article 10.
Par ailleurs, la partie réglementaire fera l'objet d'une concertation qui inclura les organisations syndicales.
(L'amendement n° 36 n'est pas adopté.)
Je suis saisie d'un amendement n° 8 .
La parole est à M. Francis Vercamer.
Il s'agit d'un amendement de repli après le retrait de l'amendement n° 7 .
À défaut d'une surveillance médicale renforcée, les travailleurs itinérants devraient bénéficier d'une surveillance médicale équivalente à celle des autres salariés. Quand ils sont sur la route, il leur est difficile de bénéficier d'une surveillance médicale normale. Je propose donc désormais d'ajouter cette disposition à l'article 10.
Défavorable. Soit le travailleur itinérant est proche de son domicile ou du siège de son entreprise, auquel cas il est suivi par le service de santé au travail de celle-ci ; soit il en est éloigné, auquel cas il relève du 5° de l'article 10, et l'amendement est satisfait.
Même avis.
L'alinéa 9 de l'article 10 recouvre déjà ce cas. Je ne sais pas si M. Vercamer sera satisfait, mais son amendement l'est. (Sourires.)
C'est justement à l'alinéa 9 que je propose d'ajouter le mot « itinérants ».
, et M. Guy Lefrand, rapporteur. Mais le cas y est déjà prévu !
Monsieur le rapporteur, un salarié itinérant n'est pas nécessairement ou proche ou éloigné de son domicile : il peut être alternativement l'un et l'autre selon les moments. Voyez les marchandiseurs, qui couvre des secteurs très étendus.
Je propose donc d'ajouter ces travailleurs aux travailleurs éloignés.
(L'amendement n° 8 n'est pas adopté.)
Je suis saisie d'un amendement n° 61 .
La parole est à M. Christian Hutin.
Je connaissais les spécialités locales : à Dunkerque, c'est le potchevleesch ; à Saint-Quentin, ce sont des spécialités au chocolat, des tuiles, je crois.
Ah non !
Je sais de quoi je parle !
Je vérifierai : je crois connaître un pâtissier qui en propose. Je vous en rapporterai, monsieur le ministre.
Ne confondez pas : ce ne sont pas des tuiles ! (Rires.)
Merci, monsieur le ministre. J'aurai au moins obtenu quelque chose ce soir ! (Rires.)
Mais vous n'avez pas obtenu une réponse détaillée. Je vous en prie, monsieur le ministre !
Ce n'est pas parce que je suis ministre de la santé que je rechignerai à vous dire que nous avons une spécialité à base de chocolat. Mais il ne s'agit pas de tuiles : je laisse la tuile à d'autres. (Rires et exclamations.)
J'avais presque tout bon, madame la présidente !
Bref, je savais qu'il existait des spécialités locales ; mais des spécificités locales en droit du travail, voilà qui est tout à fait choquant. Il serait incroyable que, dans certains secteurs, le droit du travail ne soit pas le même qu'ailleurs.
Nous sommes d'autant plus inquiets que l'on vise surtout de travailleurs déjà plus fragiles que les autres : les stagiaires ; les sous-traitants – beaucoup plus exposés que les autres dans le nucléaire, dont on a parlé tout à l'heure ; les saisonniers – devront-ils devenir corvéables à merci ?
Nous proposons donc de supprimer l'alinéa 15.
Défavorable. Nous avons déjà abordé ce sujet.
(L'amendement n° 61 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.)
(L'article 10 est adopté.)
Je suis saisie d'un amendement n° 85 de la commission.
La parole est à M. le rapporteur.
Il s'agit d'un amendement de coordination.
(L'amendement n° 85 , accepté par le Gouvernement, est adopté.)
(L'article 12, amendé, est adopté.)
Je suis saisie d'un amendement n° 37 .
La parole est à M. Roland Muzeau.
Cet amendement est défendu.
(L'amendement n° 37 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
(L'article 13 est adopté.)
Mes chers collègues, nous avons achevé l'examen des articles de la proposition de loi.
Je vous rappelle que la conférence des présidents a décidé que les explications de vote et le vote par scrutin public sur l'ensemble de la proposition de loi auraient lieu le mardi 5 juillet, après les questions au Gouvernement.
Nous sommes arrivés au terme de la session ordinaire.
Je rappelle que les mardi 21 juin et lundi 27 juin 2011, il a été donné connaissance à l'Assemblée des décrets de M. le Président de la République portant convocation du Parlement en session extraordinaire à compter du vendredi 1er juillet 2011.
En application de l'article 28 de la Constitution, je constate la clôture de la session ordinaire 2010-2011.
Prochaine séance, lundi 4 juillet, à dix-sept heures trente :
Ouverture de la session extraordinaire ;
Discussion du projet de loi relatif à la répartition des contentieux et à l'allégement de certaines procédures juridictionnelles.
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt et une heures cinq.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,
Claude Azéma