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Intervention de Roland Muzeau

Réunion du 30 juin 2011 à 15h00
Organisation de la médecine du travail — Article 1er, amendement 79

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRoland Muzeau :

Les alinéas 23 à 34 créent un nouveau chapitre qui nous éclaire sur la logique de déresponsabilisation des employeurs qui est à l'oeuvre dans ce texte.

Il est ainsi prévu que les missions des services de santé au travail soient exercées par les médecins qui agissent en coordination avec les employeurs, les membres du CHSCT ou les délégués du personnel – et, jusque-là, tout va à peu près bien. Mais le nouvel article L. 4644-1 prévoit également – et là, rien ne va plus – que l'employeur puisse désigner « un ou plusieurs salariés compétents pour s'occuper des activités de protection et de prévention des risques professionnels de l'entreprise », lesquels pourront bénéficier « à leur demande, d'une formation en matière de santé au travail ».

Ces dispositions appellent plusieurs remarques et questions. Ces travailleurs désignés par l'employeur dont ils sont les subordonnés ne bénéficient d'aucune légitimité élective, d'aucun statut particulier, d'aucune protection spécifique. Gageons qu'ils agiront en toute liberté !

Comment seront-ils désignés ? À raison de leur compétence en matière de santé au travail, qui ne repose sur aucune obligation de formation et ne pourra être que supposée ? Il y a fort à parier qu'ils seront plutôt soigneusement choisis pour leur allégeance à la direction et à sa politique managériale.

Les salariés désignés auront la possibilité de demander à bénéficier d'une formation en matière de santé au travail. Mais cette formation ne devrait-elle pas être obligatoire ?

En définitive, en faisant endosser à ces travailleurs une responsabilité qui ne doit pas leur incomber, le patronat se donnerait les moyens de court-circuiter les institutions représentatives du personnel, notamment les membres du CHSCT. Qu'adviendra-t-il si ces salariés désignés se révèlent défaillants dans leur mission de protection ou de prévention des risques aboutissant à un accident du travail, à des maladies professionnelles ? L'employeur pourra-t-il se défausser sur eux de la responsabilité qui est aujourd'hui la sienne en matière de protection ?

En votant ces dispositions, vous permettrez l'institutionnalisation du risque professionnel et le transfert de sa responsabilité sur les épaules des salariés. En définitive, vous cautionnerez le principe assez cynique qui pourrait se résumer ainsi : « Qui paie commande pour ne pas être responsable. »

Ce mépris de la santé des travailleurs déjà précarisés qui produisent les richesses est scandaleux. C'est pourquoi nous demandons la suppression de ce nouveau chapitre IV et la fin de l'alinéa 8 qui y fait référence.

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