…comment redonner tout son intérêt à une profession dont on constate qu'elle peine à attirer les jeunes internes ?
L'une des solutions est d'encourager le développement de passerelles entre médecine de ville et médecine du travail en facilitant les reconversions professionnelles de médecins en exercice vers la santé au travail. Cette voie est déjà ouverte, et nous proposerons de la développer plus encore, parce que la santé au travail ne peut pas se passer des compétences médicales de professionnels expérimentés qui souhaiteraient donner un nouveau départ à leur carrière.
La proposition de loi comporte plusieurs avancées, et d'abord la nouvelle définition des missions de la médecine du travail et des services de santé au travail. Elle confirme l'objectif d'éviter l'altération de la santé du travailleur du fait de l'exercice d'une activité professionnelle, et précise la diversité des missions exercées dans ce cadre : conseil, suivi, surveillance de l'état de santé et prévention. Ces missions sont complémentaires de celles exercées par le médecin du travail.
La place de chaque acteur des services de santé au travail est clairement établie, ce qui doit contribuer à leur efficacité. La prévention de la pénibilité et l'amélioration des conditions de travail font partie des missions utilement rappelées par la proposition de loi. Nous proposons de mentionner également, parmi ces missions, la prévention de la désinsertion sociale et professionnelle, en ayant particulièrement à l'esprit la question des seniors, pour lesquels il est nécessaire de reconstituer une offre de services, avec un regard particulier sur les TPE et PME. Les services de santé au travail ont un rôle déterminant à jouer à ce sujet.
Les conditions d'exercice des missions sont aussi précisées : elles s'effectuent dans le cadre d'une équipe pluridisciplinaire au sein de laquelle le médecin du travail, dont l'indépendance est garantie, conserve un rôle central. Le groupe Nouveau Centre insiste pour que les garanties d'indépendance dont bénéficie le médecin du travail soient également étendues à chaque membre de l'équipe pluridisciplinaire, de manière que chacun puisse remplir sa mission dans la sérénité.
La question de la gouvernance du conseil d'administration des services de santé au travail a suscité, depuis plusieurs mois et encore aujourd'hui, des débats nourris. Comment assurer l'équilibre, au sein du conseil d'administration, entre les représentants des employeurs et les représentants des salariés ? La réponse à cette question est d'autant plus importante qu'elle conditionne le climat qui va présider à la validation des priorités des services de santé au travail proposées par la commission médico-technique puis à leur mise en oeuvre.
Dans cette réforme des services de santé au travail, la notion de confiance est essentielle : du point de vue du salarié, parce que celui-ci a besoin de savoir que sa santé sur son lieu de travail fait l'objet d'une surveillance attentive et de mesures concertées en matière d'amélioration des conditions de travail et de prévention ; du point de vue de l'employeur, puisque c'est lui qui met en oeuvre, dans le cadre de ses obligations légales, les mesures propres à éviter l'altération de la santé physique et psychique du salarié. Une obligation dont le défaut peut engager sa responsabilité pénale.
Au regard de ces éléments, notre collègue Charles de Courson, particulièrement attentif à ces questions d'équilibre dans la gouvernance des services de santé au travail, a convaincu notre groupe de ne pas retenir le principe, arrêté au Sénat, d'une présidence alternée du conseil d'administration. Selon nous, une telle formule entrerait en conflit avec la responsabilité, y compris pénale, de l'employeur en matière de santé au travail. C'est au titre de cette responsabilité que les employeurs peuvent estimer indispensable d'exercer la présidence du service. Pour autant, cela n'empêche pas que la définition et la mise en oeuvre des priorités d'action en matière de prévention des risques professionnels puissent s'effectuer dans le cadre d'un dialogue entre partenaires sociaux.
La composition paritaire du conseil d'administration, l'attribution aux représentants des salariés du poste de trésorier des services de santé au travail et la prédominance des mêmes représentants des salariés au sein de la commission de contrôle contribuent, par ailleurs, à l'équilibre recherché. Notre groupe sera très vigilant quant à la composition de la commission médico-technique qui propose les orientations du projet du service, au sein de laquelle les professionnels de la santé au travail doivent avoir un rôle essentiel.
S'agissant des priorités des services de santé au travail, nous avons souhaité, en commission, que celles-ci tiennent compte des orientations du plan national de santé au travail et de ses déclinaisons régionales, de sorte que l'architecture de la santé au travail soit clairement établie. Cette précision tend à mieux encadrer la notion de réalités locales en fonction desquelles ces priorités peuvent être arrêtées. Nous considérons, en effet, que ces réalités locales ne peuvent pas être un moyen de restreindre le champ de la santé au travail.
Au chapitre des attentes de notre groupe, nous pensons qu'il manque à ce texte une dimension territoriale d'organisation des services de santé au travail. De ce point de vue, la dimension régionale nous paraît la plus adaptée pour assurer à la fois cohérence globale et proximité. C'est pourquoi nous proposons d'instaurer un schéma régional d'organisation des services de santé au travail, élaboré par le préfet après une large concertation associant les différents services de santé au travail concernés, les partenaires sociaux, notamment au sein des CRPRP, et l'Agence régionale de santé.
Il ne s'agit pas de créer une instance supplémentaire mais, au contraire, d'organiser les services de santé au travail dans un périmètre suffisamment large pour dégager des cohérences d'ensemble tout en tenant compte des spécificités des bassins d'emploi.
À tout le moins, il nous semble essentiel de ne pas fermer la porte aux innovations que les territoires peuvent mettre en oeuvre dans le domaine de la santé au travail, qui pourraient être confortées et développées dans le cadre de l'expérimentation. À ce sujet, j'ai déposé un amendement de repli.
Nous souhaitons également que les salariés itinérants soient mieux pris en compte dans le cadre du suivi médical et voient leur surveillance médicale renforcée.
Je voudrais, enfin, rappeler toute l'importance de la formation continue pour les différents professionnels des services de santé au travail, qu'il s'agisse des membres de l'équipe pluridisciplinaire ou des directeurs de service de santé au travail. Une formation continue aux enjeux de la santé au travail, qui pourrait être un élément de l'agrément délivré aux services, ne peut qu'aller dans le sens de la qualité d'une démarche de prévention et de suivi médical dont nous savons tous l'importance.
Une telle formation souligne aussi qu'au-delà d'enjeux financiers et de gestion, ce sont les problématiques de santé au travail qui l'emportent chez tous les professionnels de ce secteur.
C'est convaincu que ce texte comporte des avancées notables pour redonner à la médecine du travail une capacité d'action indispensable pour relever les nouveaux défis de la santé au travail que le groupe Nouveau Centre lui apportera son soutien. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)