Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous l'avons déjà souligné, la majorité tente un retour au texte d'origine inspiré par le MEDEF et censuré par le Conseil constitutionnel. À cet instant de nos échanges, je souhaite revenir sur deux points essentiels de clivage, deux aspects de la médecine du travail, la gouvernance et la démographie médicale.
Plutôt que de me situer dans un pur débat d'idées, j'illustrerai mon propos par un exemple qui, sur ces deux aspects, me semble caractéristique des avancées à réaliser. Il s'agit de la situation de l'ASTIA, association de santé au travail interentreprises et de l'artisanat, basée à Toulouse, à laquelle j'adhère en tant que double employeure, pharmacienne et députée.
Fusion de l'association de médecine et de santé au travail au sein du centre de médecine du travail de l'artisanat, cette association symbolise ce que nous ne devons plus laisser perdurer dans notre pays. Cet exemple est symptomatique de la dérive systémique de la médecine du travail. Devant le caractère inacceptable des statuts proposés, les cinq organisations syndicales représentées au niveau à la fois territorial, départemental et régional ont protesté et elles n'ont pas été les seules.
Le directeur régional du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle est également resté perplexe devant les bizarreries de la gouvernance de cette association : l'objet exclusif de l'association se dédouble curieusement en, d'une part, l'organisation d'un service de santé au travail, d'autre part, la fourniture d'une prestation « santé travail » comportant une activité de prévention des risques dans le cadre d'équipes pluridisciplinaires. L'activité de service de santé au travail est effectivement exclusive d'autres activités.
Ce même directeur régional notifie le besoin de réexaminer les compétences entre les services de la Haute-Garonne afin de clarifier et optimiser les ressources médicales, et, bouquet final, il prévient : à la mesure de la dimension du service, les statuts de l'association, qui limitent la composition de l'assemblée générale à trente-deux membres élus au scrutin de liste bloqué et ensuite cooptés en cas de vacance de poste, apparaissent particulièrement fermés et ne répondent pas pleinement aux observations de mes courriers antérieurs à l'AMST.
En clair, la direction régionale du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle a mis en garde contre le fonctionnement opaque de cette association aux marges de la légalité, voire de l'illégalité. Où est cette démocratie paritaire tant vantée ? Pour aller au bout de ma présentation et de manière non exhaustive, je citerai quelques points saillants de ces fameux statuts.
Comme l'évoque la lettre précédemment citée, le nombre de représentants à l'assemblée générale de l'association est de trente-deux pour 17 000 entreprises adhérentes à l'ASTIA et pas moins de 230 000 employés représentés et censés être suivis. L'information relative aux élections des représentants se fait par voie de presse trois mois avant. Les entreprises adhérentes n'ont que quatre semaines au plus pour former et communiquer une liste impérativement complète de trente-deux candidats. Cela veut dire par exemple qu'une union professionnelle souhaitant être représentée au sein de l'association, si elle n'a pas trente-deux noms à fournir, devra se rapprocher d'une ou plusieurs autres entreprises, dont elle devra s'assurer de la participation à l'ASTIA puisqu'il n'y a pas de communication, et le tout en moins de quatre semaines. Ajoutons un processus de vote par correspondance opaque et nébuleux, car l'ASTIA n'a obligation de faire parvenir les éléments nécessaires au vote que dix jours avant celui-ci, l'organisation statutaire des votes à main levée, la révocation possible de chaque membre par seize autres membres avec, cerise sur le gâteau, le remplacement de ce membre par l'AG elle-même, sans aucun cadre, l'absence de rôle défini pour le bureau, le verrouillage des postes clés, président, trésorier, vice-président, pour les seuls employeurs, le fait que la parole des salariés soit muselée, que la diversité d'opinions soit empêchée institutionnellement, l'absence de paritarisme et, un comble, l'absence totale d'informations sur la place des médecins du travail au sein de ce conseil d'administration dans les statuts votés.
L'exemple de l'ASTIA est représentatif du chemin qu'il nous reste encore à parcourir. Les organismes de santé ayant vocation, me semble-t-il, à assurer une mission d'intérêt général, leurs statuts doivent permettre la réalisation de leurs objectifs.
Sur le second point, la démographie médicale, je prendrai de nouveau un exemple en Haute-Garonne.
Un médecin du travail travaillant aux quatre cinquièmes se voit affecter une société de soixante-quinze salariés. Arrivé à son quota maximal, ce médecin le fait savoir à sa hiérarchie. Surprise, l'ASTIA lui indique que, du fait de la pénurie de médecins et de l'augmentation des effectifs traités, les médecins en exercice vont devoir travailler « en mode dégradé ». Dégradé, le terme est pudique, mais il veut bel et bien dire que la qualité de la consultation sera altérée par la quantité d'individus à traiter avec, à la clé, de possibles erreurs d'appréciation, avec toutes les conséquences que cela peut avoir sur les salariés concernés.
Le médecin, pour justifier son incapacité à prendre de nouveaux patients, évoque notamment le suivi de quatre-vingt-dix-sept chauffeurs de nuit d'une entreprise. Là encore, la réponse de l'ASTIA est parlante : concernant les travailleurs de nuit, dans un contexte de pénurie médicale nous cessons de décompter à part les salariés travaillant de nuit. Pour être clair, circulez, il n'y a rien à voir, les chauffeurs de nuit seront vus quand ils pourront être vus.
Mes chers collègues, cet exemple montre à lui seul que les questions de gouvernance et de démographie médicale doivent absolument être résolues avec la plus grande célérité. Il en va tout simplement de la santé des salariés de notre pays.
Pour moi, la réponse est sans appel. Ce texte n'est vraiment pas à la hauteur et ne réglera rien, ne serait-ce que le problème haut-garonnais. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)