Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le travail c'est notre place dans la société, c'est ce que nous échangeons avec les autres ; le travail doit construire et non détruire, développer et non user, physiquement, socialement, psychiquement, selon la belle définition de l'OMS.
Et même si nous savons que cela ne peut être toujours, ni partout le cas, ce doit être partout et toujours notre ambition de le rendre possible.
La médecine du travail est l'une des clefs de cette ambition.
La France a, la concernant, un système spécifique auxquels les partenaires sociaux comme nous-mêmes sont attachés. Force est de constater qu'en l'état, les résultats sont, au moins partiellement, un échec : est-il besoin d'évoquer le drame de l'amiante, la montée en puissance des troubles musculo-squelettiques et les dégâts des syndromes de stress ?
Le manque de médecins est bien sûr la raison essentielle de ces échecs. Quand on a 3000, 4000, jusqu'à 7 000 personnes à voir, peut-on imaginer être véritablement utile, avoir une action de prévention ou de dépistage ? Non.
On ne peut pas davantage anticiper. Or le travail change, en mieux souvent, en pire trop souvent et, avec lui, la pathologie du travail. Nouvelles substances, nouvelles performances imposées, nouveaux gestes, de nouveaux risques apparaissent. Où a été, où est aujourd'hui l'anticipation ?
Dans la loi de réforme des retraites, vous avez joué sur les mots et appelé pénibilité ce qui est déjà de l'ordre de l'invalidité, alors que toutes les données étaient disponibles pour que nous puissions entrer dans cette culture de la prévention que nous avait annoncée Nicolas Sarkozy dans la première année de sa présidence et que nous attendons encore, comme nous attendons la grande loi de santé publique qui nous avait été promise.
Où est l'anticipation, où est la prévention ? Où est la nécessaire revalorisation par les actes du rôle du médecin du travail ? Si l'augmentation du nombre des postes est de l'ordre du règlement, la revalorisation réelle de leur rôle relève de la volonté politique.
Nous devons avoir deux objectifs, la prévention et la prévision collective, l'organisation du travail, en un mot la santé au travail avec le CHSCT, où peuvent se concerter employeurs, salariés et médecins du travail. Cela suppose d'élargir et de consolider son rôle et ses moyens, et nous aurions aimé que ce soit le cas dans ce texte.
La prévention et le dépistage individuels sont proprement le rôle du médecin du travail. J'ai travaillé longuement avec ces médecins sur le dépistage des cancers cutanés, spécialement dans les professions exposées au soleil et aux intempéries. Dépistage minutieux, identification des sujets à risques, information éventuelle à destination de la famille, conseils de protection, orientation des cas quand un cancer était suspecté : avaient-ils le temps de tout faire ? Non. Le seul fait d'énumérer ces actions vous démontre qu'elles demandent trop de temps.
Nous examinons un texte qui est loin de répondre à l'ensemble de nos exigences, et qui va à l'encontre des souhaits des partenaires sociaux sur certains points, notamment la gouvernance.
Lors des débats, nous serons particulièrement attentifs au maintien de l'indépendance du médecin du travail et de l'équipe pluridisciplinaire, et nous examinerons favorablement tout ce qui pourra renforcer son action, en particulier par la pluridisciplinarité, ainsi que le rôle des 16 millions de salariés, qui sont les premiers intéressés.
Ce que nous pouvons appeler le travail durable impose une autre ambition, une autre réforme, pour entrer dans une vraie culture de santé durable. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)