Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, comme nous ne disposons pas de trente-cinq heures pour examiner cette proposition, je m'efforcerai d'être le plus synthétique possible. Au-delà des aspects positifs que recèle le texte et que nous allons tâcher d'améliorer encore, au-delà des aspects plus néfastes que nous allons tenter de supprimer et au-delà des trente amendements que nous allons présenter, je reviendrai sur le point faible de cette proposition de loi : la démographie médicale et en particulier la pénurie des médecins du travail.
L'état des lieux vient d'être fait : on compte quelque 6 800 médecins du travail dont une bonne partie, nous ne devons pas l'oublier, exerce à mi-temps. Le renouvellement ne se fera pas très rapidement. Près de 1 500 médecins du travail vont partir à la retraite dans les deux ans qui viennent. L'avenir est inquiétant car il faut dix ans pour former un médecin, l'équivalent de deux mandats législatifs. En outre, plusieurs textes sont « plombés » par cette démographie, d'autant que l'on doit compter avec la frilosité de nos maîtres et professeurs, avec leur conservatisme. La puissance publique gagnerait à se montrer plus coercitive, plus décidée sur la question du numerus clausus, sur celle des études de médecine. Comme on l'a rappelé en commission, il a fallu du temps pour créer trois postes récemment, il a fallu bousculer les habitudes.
Les 35 heures ? Ce pourrait être 20 ou 40, le problème consiste à trouver des médecins qui les occupent – nous en sommes à ce stade ! Il n'y a tout simplement pas de médecins pour occuper ces postes ! Le problème des 35 heures peut par conséquent être éliminé du débat.
Je prendrai un exemple très concret et j'espère que vous ferez confiance à mes sources puisqu'il s'agit de mon épouse. (M. le rapporteur opine du chef.) Merci, monsieur le rapporteur. (Sourires.) Elle s'occupe du comité d'hygiène et de sécurité et des conditions de travail de son entreprise – il s'agit d'un laboratoire. On a pu constater, notamment dans le domaine alimentaire, l'existence de certains risques. Or il a semblé justifié à mon épouse que les salariés de son entreprise bénéficient d'une visite médicale par an, à savoir d'un service médical renforcé, alors que le service médical normal comporte une visite tous les deux ans. On le lui a refusé et voici la réponse d'un organisme de grande qualité en matière de médecine du travail dans ma circonscription : « L'ensemble de l'équipe médicale de notre organisme intervient dans un contexte de pénurie de temps médical qui affecte gravement notre secteur d'activité et notre bassin d'emploi. Nous sommes donc dans l'obligation d'adapter son fonctionnement notamment en visites médicales et nous avons un ordre de priorités. »
Il s'agit du bassin d'emplois de Dunkerque. La qualité des médecins du travail n'est pas en cause. Du reste, nombre d'entre eux ne sont pas avares de leur temps : j'en connais qui dépassent largement les 35 heures de travail hebdomadaire, en particulier dans le secteur de la prévention. Nous en avons tous rencontré au cours de visites d'entreprises, dans des séminaires de prévention, dans des colloques où ils interviennent en dehors de leur temps de travail rémunéré.
Quant à la pluridisciplinarité, il s'agit d'une excellente pratique ; elle pourrait même s'étendre à une pluridisciplinarité médicale. Le monde du travail a en effet changé, la santé au travail également. Les pathologies oculaires, par exemple, sont sous-estimées en regard du nombre d'employés dans les services qui travaillent devant un écran. Au-delà du médecin du travail spécialisé dans certaines pathologies, il faut parfois faire appel à quelqu'un de plus spécialisé qui doit être protégé, comme l'a souligné M. Vidalies, au même titre que les autres. Un de nos amendements propose que les CHSCT disposent d'experts. Ainsi, dans le domaine des risques psychosociaux, il faudra un jour ou l'autre que des psychiatres interviennent et ils devront, je le répète, être protégés.
La pénurie de médecins du travail n'est pas due, à mon sens, à ce qu'on appelle l'héliotropisme, qu'on constate couramment par ailleurs, ni à une question de rémunération – aucun de ces médecins ne se plaint à cet égard. La puissance publique gagnerait à se montrer plus pertinente en agissant dans le cadre des études médicales afin d'offrir à cette médecine honorable et humaniste des possibilités beaucoup plus larges. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)