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Intervention de Lionel Tardy

Réunion du 30 juin 2011 à 15h00
Organisation de la médecine du travail — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLionel Tardy :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le texte que nous examinons cet après-midi va clairement dans le bon sens. J'espère qu'il pourra contribuer à résoudre certaines difficultés et, surtout, à rendre à la médecine du travail le rôle qu'elle a peu à peu perdu.

Vous me permettrez de vous faire part de mon expérience personnelle. Chef d'entreprise dans le domaine des services, donc assez peu concerné par les maladies professionnelles, j'ai une vision assez lointaine de la médecine du travail. À mes yeux, elle représente surtout un coût élevé, pour un service on ne peut plus réduit. Alors même que la cotisation est annuelle, la visite médicale obligatoire de mes salariés n'a lieu que tous les deux ans et se résume à un examen médical standard et très sommaire : passage par l'urinoir, prise de tension et quelques questions générales. Mis à part l'ergonomie des fauteuils et l'impact de la luminosité des écrans, il n'y a guère de risque de maladie professionnelle. En dix ans d'activité, aucun médecin du travail n'a franchi les portes de mon entreprise. J'ai donc tendance à trouver, et je suis loin d'être le seul, que je paie cher pour pas grand-chose alors que, très souvent, la visite médicale obligatoire est le seul lien de mes salariés avec le monde médical. Il y aurait sans doute des choses à revoir sur la répartition des cotisations entre secteurs d'activité.

Il faudrait également améliorer les contacts entre la médecine du travail et les chefs d'entreprise, et notamment les patrons de PME. Certes, cela ne relève pas de la loi, mais il n'est pas interdit au législateur d'indiquer l'esprit dans lequel il souhaite qu'elle soit appliquée.

Actuellement, les patrons de PME ont l'impression de subir les procédures sans être écoutés et sans pouvoir réellement se défendre. Il serait vraiment nécessaire que les médecins du travail viennent plus souvent visiter les locaux des entreprises, dialoguent avec les chefs d'entreprise pour comprendre leurs contraintes et faire de la prévention.

Il faudrait également que le médecin du travail informe tout simplement le chef d'entreprise des décisions qu'il prend. Trop souvent, le chef d'entreprise est informé par le document de la CPAM que l'arrêt de travail délivré à l'un de ses salariés par la médecine du travail est lié à une maladie professionnelle.

J'ai quelques exemples de décisions très coûteuses pour les entreprises qui auraient pu être évitées par un contact téléphonique préalable entre le chef d'entreprise et le médecin du travail. J'ai ainsi vu, en Haute-Savoie, une personne licenciée pour inaptitude à quinze jours de la date où elle pouvait partir en retraite, sans aucune concertation.

Sur l'inaptitude et ses conséquences, il y aurait aussi beaucoup à redire. Là encore, les chefs d'entreprise se sentent désarmés et estiment qu'il existe une véritable présomption de maladie professionnelle. Parfois, c'est presque à l'employeur de prouver qu'une inaptitude physique ou une maladie n'a rien à voir avec le travail, ce qui est difficile, voire impossible.

L'exemple typique est le syndrome du canal carpien. Parfois, il est effectivement provoqué par des gestes répétitifs et peut donc être considéré comme maladie professionnelle, mais il peut aussi n'y avoir aucun lien (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR), et nombre de personnes n'ayant pas travaillé en sont atteintes car il existe d'autres facteurs de risques comme la morphologie des personnes ou le fait qu'elles soient diabétiques. Or il est quasi systématiquement reconnu comme maladie professionnelle, à la charge de l'entreprise.

Il y a donc clairement deux éléments dans cette réforme, la loi en elle-même et la manière dont elle est appliquée.

Si la loi me paraît satisfaisante, il y a beaucoup à revoir dans la pratique. Les chefs d'entreprise doivent être davantage écoutés et associés aux procédures. Les médecins du travail ont tout à y gagner, car ce qui est en jeu, c'est la légitimité de leurs interventions dans les entreprises.

Il faut véritablement casser cette incompréhension, et malheureusement, ce n'est pas par la loi que cela peut se faire, si l'on veut améliorer l'image de la médecine du travail dans notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

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