La question de la gouvernance des services de santé au travail a été l'un des points durs de blocage expliquant l'échec de la négociation interprofessionnelle sur la médecine du travail, comme je l'ai dit tout à l'heure en défendant la motion de renvoi en commission. Objet de débats et de tractations au fil de la discussion parlementaire, ce sujet nous divise encore, et explique en partie notre désaccord sur ce texte.
Au départ, la partie patronale souhaitait simplement que les syndicats soient « associés » à la gestion des services de santé au travail. Au cours des négociations, il avait été concédé que les conseils d'administration des SST deviennent strictement paritaires. La nécessité de ce principe paritaire, défendu à juste titre par les organisations syndicales de salariés, fait désormais consensus. C'est, selon la CFE-CGC, « la seule condition susceptible de créer les conditions de crédit et de confiance à l'action des SST, la seule condition qui permette une orthodoxie financière des actions réalisées par ces services. »
Une fois posé ce principe, le problème est venu lorsqu'il s'est agi d'en préciser le contenu et la portée. Ouverte au lobbying exercé par les employeurs, la majorité, au sein de notre assemblée, a défendu la préférence patronale : le texte propose, certes, de créer un conseil d'administration composé à parts égales de représentants des employeurs et des salariés, mais avec une présidence revenant de droit aux employeurs, les financeurs, dans le domaine de la santé au travail, devant obligatoirement, in fine, être les décideurs. Bel argument !
Les organisations syndicales ont bataillé ferme pour que cette disposition, totalement inacceptable selon la CGT, par exemple, préservant la mainmise des employeurs sur les SST ne soit pas maintenue dans le texte.
En première lecture, nos collègues du Sénat, dans leur grande sagesse, ont su trouver une solution équilibrée, qualifiée par la CFE-CGC de « correction salutaire », emportant l'adhésion des syndicats à la réforme de l'ensemble. Pour que la gestion des SST soit réellement paritaire, il avait été prévu de confier alternativement les postes de président et de trésorier aux représentants des employeurs et des salariés. Précision notable, afin d'impliquer les organisations syndicales et d'employeurs représentatives au niveau national et interprofessionnel dans le fonctionnement de ces structures, le texte prévoyait que les représentants des employeurs membres de ce conseil seraient désignés au plan national parmi les entreprises adhérentes.
Cette solution ne garantit pas à elle seule l'indépendance de l'action des SST et des médecins du travail, dont le choix des priorités relève de la direction des services. Mais elle apporte des avancées en termes de transparence et de confiance pour les salariés. Elle devait donc, selon nous, être maintenue dans le texte.
Notre rapporteur, soutenu en cela par le Gouvernement, en a décidé autrement en proposant le retour à la prééminence patronale, sous couvert, bien sûr, d'arguments juridiques dont nous avons montré combien ils étaient contestables. L'article 3 confie donc cette présidence à un représentant des employeurs, et donne, en contrepartie, le poste de trésorier au représentant des salariés. Et surtout, pour que rien ne change, les représentants des employeurs à ce conseil resteront désignés localement.
Vous dites que cette solution est équilibrée, nous ne le pensons pas, et c'est pourquoi nous proposons de supprimer l'article 3 tel qu'il a été réécrit par la commission.