La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à seize heures.)
L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, portant diverses dispositions d'adaptation de la législation au droit de l'Union européenne ( nos 2996, 2949).
La parole est à M. Thierry Mariani, secrétaire d'État chargé des transports.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, la proposition de loi portant diverses dispositions d'adaptation de la législation au droit de l'Union européenne qui vous est soumise permet de transposer en droit français plusieurs directives en retard de transposition.
Je souhaite tout d'abord souligner la qualité du dialogue constructif et fructueux qui s'est instauré entre votre assemblée et le Gouvernement lors de l'examen de ce texte par la commission du développement durable, et je vous en remercie.
D'initiative sénatoriale, cette proposition, qui comprend 17 articles, procède tout d'abord à la ratification de l'ordonnance du 21 octobre 2010 comprenant plusieurs transpositions dans le domaine de l'environnement. Elle transpose par ailleurs directement plusieurs directives ; je mentionnerai notamment la directive « services » et la directive relative à la gestion de la sécurité des infrastructures routières. Enfin, elle habilite le Gouvernement à légiférer par voie d'ordonnances.
Je tiens à souligner que ces habilitations données au Gouvernement ne sauraient être regardées comme un dessaisissement de votre assemblée de ses compétences législatives. L'urgence et les contraintes des nouvelles procédures européennes de sanction en raison d'un retard de transposition de la part d'un État membre rendent en effet nécessaires les choix qui vous sont soumis. Le Gouvernement a pris soin, dans la rédaction des amendements adoptés par le Sénat, d'être très explicite sur les choix qui seront retenus lors de la rédaction des dispositions en cause, pour le marché intérieur de l'électricité et du gaz notamment. Je sais qu'un certain nombre d'entre vous y sont particulièrement sensibles.
En outre, ainsi que je l'ai annoncé devant la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire le 1er décembre, le Gouvernement prendra en considération les observations des membres de votre assemblée lors de la mise au point du texte des ordonnances avant leur examen par le Conseil d'État. Le Gouvernement s'engage également à travailler en étroite coordination avec le rapporteur et le président de la commission du développement durable lors de l'élaboration des ordonnances.
L'article 2 bis transpose trois directives issues du paquet « énergie climat » adopté en décembre 2008 sous la présidence française de l'Union européenne. L'article 2 quater a pour objet la transposition de deux directives concernant les règles communes pour le marché intérieur de l'électricité et du gaz. Sur le contenu de ces ordonnances, mon collègue Éric Besson a été auditionné, jeudi dernier, par la commission des affaires économiques dans un climat constructif.
Enfin, lors de la discussion des articles, la commission vous soumettra une série d'amendements à l'article 17 de la proposition de loi qui me paraît offrir un compromis permettant à la fois d'apporter une réponse aux inquiétudes exprimées par les élus au sujet des articles 17 et 19 de la loi du 20 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement et de se conformer aux choix du Gouvernement.
En conclusion, je mentionnerai l'importance que cette proposition de loi revêt pour le Gouvernement. Ce texte a été longuement débattu devant votre commission. J'ai alors pris la mesure de votre réel souci de permettre à notre pays de tenir ses engagements et d'éviter toute sanction financière.
Cette proposition de loi vous permettra de prendre part à l'oeuvre de transposition du droit européen qui nous incombe et de permettre à la France de respecter ses engagements. Je crois qu'elle démontre la volonté conjointe du Gouvernement et du Parlement de mieux travailler de concert à l'application des textes communautaires ; cette évolution traduit le grand sens des responsabilités dont témoigne le Parlement – je remercie le rapporteur Marcel Saddier – et constitue une application du renforcement constitutionnel du rôle du Parlement.
La parole est à M. Martial Saddier, rapporteur de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire. .
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui n'est pas de ces coupés sportifs dont les courbes félines et les lignes racées fendent l'air sans effort apparent et suscitent l'admiration des promeneurs. (Sourires.) Sur l'autoroute législative. monsieur le secrétaire d'État, je la rangerais plutôt dans la catégorie des véhicules utilitaires. Mais, après tout, qui ne se souvient de ces épiciers itinérants, dont la camionnette à panneaux abattants apportait pain, saucisses, légumes, friandises et rasoirs jetables aux habitants de nos villages ?
Pour ce premier texte qui vous voit siéger au banc des ministres, monsieur le secrétaire d'État, vous venez défendre sous les ors du Palais-Bourbon les retards du Gouvernement, la modernisation de l'étiquetage des produits cosmétiques et – l'honnêteté, l'ayant dit en commission, m'oblige à le rappeler – le dessaisissement du Parlement par lui-même.
L'exercice n'est pas nécessairement aisé, je ne l'apprendrai pas au parlementaire expérimenté que vous avez été, mais vous pouvez compter sur l'enthousiasme mesuré et le soutien de votre majorité. Je souligne du reste que vous n'y êtes pour rien, puisque vous venez de prendre vos fonctions et attrapez donc le texte en route. Je tiens à vous remercier, car vous et votre équipe avez été disponibles et à l'écoute de la commission.
Le texte qui nous est soumis est issu d'une proposition de loi « portant diverses dispositions d'adaptation de la législation au droit communautaire », déposée le 6 septembre 2010 sur le bureau du Sénat par nos collègues Gérard Longuet, Jean Bizet et Jean-Paul Émorine. La commission de l'économie du Sénat a modifié le texte de la proposition de loi au cours de sa réunion du 3 novembre. Le Sénat a ensuite procédé à son adoption en première lecture, après engagement de la procédure accélérée, au cours de sa séance publique du 17 novembre.
Examinée par notre commission du développement durable le 1er décembre, cette proposition de loi sera, selon toute vraisemblance, adoptée avant Noël. Notre assemblée, monsieur le secrétaire d'État, aura entendu le souhait du Gouvernement d'un parcours législatif rapide : à peine plus d'un mois. Peut-être sommes-nous donc moins loin, en définitive, de la « sportive racée » que nous ne le pensions.
Le texte est structuré en quatre titres, qui trouvent leur unité dans l'absence de liens qu'ils entretiennent les uns avec les autres. (Sourires.)
Le titre Ier comprend diverses dispositions relatives à l'environnement et au climat. Je passerai rapidement sur la ratification d'une ordonnance du 21 octobre 2010 comprenant des dispositions sur la mise en place d'une infrastructure d'information géographique, sur l'intégration des activités aériennes au système communautaire d'échanges de quotas ou sur l'intégration en droit interne de la convention internationale pour la prévention de la pollution par les navires.
En revanche, l'article 2 bis mérite qu'on s'y attarde puisqu'il vise à habiliter le Gouvernement à transposer, par voie d'ordonnances, trois directives au fondement même du paquet « énergie-climat ».
La première vise à mettre en place un cadre commun relatif à la production et à la promotion d'énergie à partir de sources renouvelables.
La deuxième étend à d'autres secteurs industriels le système d'échanges de droits d'émission qui s'appliquait déjà au secteur énergétique et à l'industrie lourde.
La troisième fixe, pour la première fois, un objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre provenant des carburants.
Les projets d'ordonnance n'ont pu être communiqués en temps utile aux membres de la commission du développement durable. Il s'agit là d'une situation très regrettable, je tenais à le redire publiquement.
De la même manière, l'article 2 ter vise à habiliter le Gouvernement à transposer, dans les conditions prévues par l'article 38 de la Constitution, une directive du 16 février 1998 sur les produits biocides et six règlements portant sur des sujets techniques relativement complexes. En l'occurrence, le recours aux ordonnances n'appelle pas de commentaires.
L'article 2 quater habilite le Gouvernement à légiférer par voie d'ordonnances dans les domaines du marché intérieur du gaz et de celui de l'électricité. À la suite du débat qui s'est tenu devant la commission du développement durable et conformément à votre engagement, monsieur le secrétaire d'État, vos services ont transmis le texte des projets d'ordonnance en fin de semaine dernière. Je tenais à vous en remercier.
De surcroît, en accord avec le président de la commission du développement durable, une réunion de la commission des affaires économiques s'est tenue jeudi dernier autour de son président, Serge Poignant, en présence du ministre en charge du dossier, Éric Besson, pour débattre du contenu de ces ordonnances. Le Gouvernement a également tenu parole.
Le titre II comprend des dispositions relatives à des professions ou produits divers :
Premièrement, les géomètres-experts, dont les conditions d'exercice de la profession sont mises en conformité avec la directive « services » ;
Deuxièmement, les gérants d'auto-école, dont le cadre d'exercice professionnel est également mis en conformité avec la directive « services » ;
Troisièmement, les experts en automobile ;
Quatrièmement, les produits cosmétiques, pour ce qui concerne les modalités de leur étiquetage ou la suppression progressive des tests réalisés sur des animaux.
Le titre III est relatif aux transports et aborde des questions d'infrastructures routières, de droits des voyageurs ferroviaires, de transport aérien et de sécurité maritime. Je crois que personne ne critiquera les premiers articles, 7, 7 bis, 8 et 9, qui organisent la sécurité des routes principales, encadrent le transport routier à l'échelle européenne, octroient au voyageur ferroviaire des droits européens que la loi française lui confère déjà et en plus grand nombre, et enfin qui autorisent à intégrer un critère environnemental dans les achats publics de véhicules à moteur.
C'est principalement dans les articles 12 à 15, tous introduits par amendement gouvernemental en séance publique au Sénat, que vous me permettrez de juger que le Parlement boit le calice jusqu'à la lie !
Le Gouvernement nous inflige une série d'habilitations à légiférer par ordonnances, ce qui, sur « l'autoroute législative », nous scotche définitivement sur la voie de droite et nous incite franchement à céder à la tentation de prendre la prochaine sortie... J'admets volontiers que la transcription en droit de la convention du travail maritime, parfaitement négociée par les partenaires sociaux, peut se dispenser du regard des parlementaires. Un tel fonctionnement est quasiment unique dans le monde, mais je dois reconnaître que cela a été bien fait. En revanche, monsieur le secrétaire d'État, j'ai du mal à comprendre pourquoi vos services ne trouvent pas le temps de nous soumettre un projet de rédaction pour les redevances aéroportuaires, directive dont le délai de transposition n'expirera que dans trois mois. Et surtout, même si je peine à apercevoir la mer depuis ma circonscription de montagne, je ne m'explique pas que le Gouvernement veuille garder la main sur le paquet « Erika III » si cher à tous les élus de la République, et pas seulement à nos collègues du littoral, car notre résolution de lutter contre la marée noire ne souffre aucune contestation, ni à droite ni à gauche. J'ai bien noté cependant que vous vous êtes engagé à associer les parlementaires au travail d'élaboration des ordonnances, ce dont je vous remercie.
Les délais étant ce qu'ils sont, nous devons nous soumettre à l'ordonnance ou nous démettre de plusieurs dizaines de millions d'euros devant la Cour de Luxembourg. Nous allons donc nous soumettre, mais de bien mauvaise grâce, vous l'aurez compris. C'est un point sur lequel le président de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire est particulièrement sensible, je lui laisserai donc le soin de le développer.
Au sommet de chaque gâteau, il faut une cerise. Au sommet de cette proposition de loi, nous avons le titre IV. Sa vocation d'adaptation au droit communautaire est évidente, puisqu'il compte deux articles importants en matière d'urbanisme qui modifient sur la densité des sols, les SCOT et les PLU le contenu du Grenelle 2 de l'environnement. J'ai bien compris qu'il y avait quelques imperfections dans la rédaction de ce dernier, mais si notre utilitaire de la voie de droite est de surcroît entouré de cavaliers, je crains fortement que la maréchaussée de l'aile Montpensier ne se montre suspicieuse à notre passage... (Sourires.)
Ce véhicule législatif, qui offre une hospitalité opportune alors que la France est menacée d'amendes lourdes par le juge européen, a néanmoins connu quelques épisodes neigeux, rendant son pilotage parfois périlleux et le risque de sortie de piste, réel. Certaines dispositions se trouvaient en effet reprises par l'ordonnance du 21 octobre 2010 que j'ai évoquée il y a quelques instants, alors que d'autres figuraient également dans la proposition de simplification du droit présentée par notre collègue Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois. Cette proposition de loi a été examinée en première lecture par le Sénat, il y a exactement une semaine. La « pagaille » législative, si j'ose dire, a néanmoins été évitée et une harmonisation opérée entre les deux chambres : c'est tant mieux.
Pour ce qui me concerne et comme vous l'aurez compris, mes chers collègues, je ne trouve pas matière à enthousiasme dans cette proposition de loi. Néanmoins, j'en reconnais la réelle utilité et le caractère inéluctable. Nous sommes tenus de passer sous les fourches caudines des transpositions ; c'est une obligation contractée par la France devant ses partenaires européens.
Sous le bénéfice des quelques amendements de forme que je vous présenterai et qui seront soumis à votre appréciation, et compte tenu des lourdes pénalités qui menacent notre pays, je vous invite à adopter cette proposition de loi.
La parole est à M. Serge Grouard, président de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je suis particulièrement honoré d'avoir à rendre compte de ce texte en tant que nouveau président de la commission du développement durable, laquelle a fait preuve d'une exceptionnelle efficacité eu égard à la brièveté du passage de ce texte en commission, brièveté qui, je l'espère, était exceptionnelle. La méthode employée suscite, en effet, comme le rapporteur l'a fait remarquer, quelques interrogations. Sans m'attarder sur le fond, qu'il a excellemment rappelé, je m'en tiendrai à des observations de forme.
La proposition de loi de nos collègues sénateurs, enregistrée le 9 septembre dernier, a été adoptée au Sénat le 14 novembre. Le Gouvernement avait déjà engagé la procédure accélérée le 15 octobre. Le parcours législatif s'achèvera dans les soixante-douze heures, la CMP étant déjà prévue pour demain matin !
Un tel délai constitue un record pour une procédure législative : à peine trois mois entre le dépôt et l'adoption définitive, à peine un mois entre le vote du Sénat et l'examen en séance publique à l'Assemblée nationale. N'étant pas à l'origine de cette procédure, je n'en revendique évidemment pas la paternité ; je me flatte cependant de pouvoir l'accompagner.
Il est vrai qu'il y a urgence. Nul ne méconnaît le retard que notre pays a pris dans la transposition des directives européennes et l'ampleur des transpositions à réaliser dans les domaines de l'environnement et des transports. La production effrénée de textes par Bruxelles nous oblige – et ce « nous » désigne les autorités nationales, j'y intègre donc le Gouvernement – à suivre un rythme élevé. Il y a peut-être, là également, matière à s'interroger.
Mais je dois évoquer, comme vient de le faire notre rapporteur, le caractère peu agréable et par ailleurs fort perfectible de la méthode de transposition employée. Certaines dispositions qui nous sont aujourd'hui soumises figuraient déjà, en effet, dans la proposition de loi de notre excellent collègue Jean-Luc Warsmann, qui, après avoir été adoptée par notre Assemblée il y a plus d'un an, était en attente au Sénat. Or, soudainement, elle a été inscrite à l'ordre du jour du Sénat où elle a été adoptée mardi dernier.
Quelques semaines auparavant, le 21 octobre pour être précis, le Gouvernement avait publié une ordonnance opérant la transposition de la directive INSPIRE. Or ces dispositions figuraient dans la proposition de loi que nous examinons en ce moment, ainsi que dans celle de Jean-Luc Warsmann. Un dispositif, trois supports normatifs : la main droite ignore ce que fait la jambe gauche...
Une telle méthode risquait d'entraîner des incohérences législatives. Après la commission de l'économie du Sénat, notre commission du développement durable doit procéder aux ajustements nécessaires. C'est ce qu'elle fait. Il n'y aura qu'à comparer le texte initial de la proposition de loi au texte final qui sera adopté sous peu pour juger l'importance des modifications apportées : nous pouvons en remercier M. le rapporteur.
Je comprends, je l'ai dit, l'urgence de ce texte mais, pour l'avenir, je suggère que nous tirions deux leçons de cette expérience.
Première leçon : il serait bon que l'exécutif prenne à temps les dispositions nécessaires pour que notre pays ne s'expose pas à des sanctions européennes pour défaut de transposition. Les délais prévus dans les règlements et les directives sont suffisamment étendus pour que l'on puisse prévenir une précipitation parfois incompréhensible.
Je prends l'exemple de l'article 15, qui autorise le recours à une ordonnance pour transposer la directive sur les redevances aéroportuaires : cette directive date du 11 mars 2009 et rien n'a, hélas, été fait depuis, alors qu'elle est relativement facile à transcrire. La date limite de transposition est le 15 mars 2011 mais le Gouvernement réclame une habilitation de dix-huit mois. J'avoue que la simple arithmétique ne me permet pas de comprendre la logique de ces dates.
Seconde leçon : il faudrait que le Parlement évite de multiplier des « textes balais », dont la lourdeur et la complexité constituent autant de handicaps. M. Warsmann a pris une initiative pour combler des manques ponctuels, mais sa démarche n'a d'intérêt que par son caractère exceptionnel. Ainsi, il est difficile d'inscrire la proposition de loi de simplification et d'adaptation du droit à l'ordre du jour de nos assemblées. De plus, comme l'urgence n'a pas été déclarée, la procédure nécessitera au moins deux lectures. Choisir ce texte pour porter la transposition de directives et habiliter le Gouvernement à prendre par ordonnances les dispositions nécessaires, c'est retenir une option qui risque d'être vouée à un triple échec : départir le Parlement de son rôle essentiel de législateur, agir forcément en retard et se priver de l'expertise des commissions compétentes dans des domaines techniques, cette expertise qui nous a conduits, par voie d'amendements, à introduire des modifications non négligeables.
Vous avez parlé, monsieur le rapporteur, de « l'autoroute législative ». Pour ma part, je prendrai une comparaison ferroviaire et dirai que cette proposition de loi s'apparente à un « train d'habilitations ». Monsieur le secrétaire d'État, je réitère la demande que nous vous avions déjà présentée lors du passage du texte en commission : nous cédons à l'urgence cette fois, mais nous espérons que, par la suite, nous pourrons remédier à ces situations en amont et éviter d'être pris dans une telle configuration.
En tout état de cause, je vous remercie de nous associer à la rédaction des ordonnances. C'est la raison pour laquelle j'invite nos collègues à adopter la proposition de loi portant diverses dispositions d'adaptation de la législation au droit européen.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le texte que nous examinons est issu d'une proposition de loi portant diverses dispositions d'adaptation de la législation au droit communautaire, déposée le 6 septembre 2010 sur le bureau du Sénat par MM. Gérard Longuet, Jean Bizet et Jean-Paul Emorine. Il vise à transposer diverses directives et règlements européens dans la législation nationale. Par cette proposition de loi, le Parlement se saisit lui-même de la question du retard de transposition des textes européens. Comme l'indique Martial Saddier dans son rapport : « C'est donc dans le constat des conséquences dommageables d'un retard de transposition que ce texte-catalogue trouve sa principale justification, à défaut d'une véritable cohérence d'ensemble. » Nous partageons totalement cette analyse.
Cette proposition de loi « catalogue » suscite, pour le moins, sur la forme et sur le fond plusieurs critiques.
S'agissant de l'initiative parlementaire, nous devrions avant tout saluer la vigilance de nos collègues sénateurs, qui les a conduits à déposer cette proposition de loi afin de prévenir une sanction à l'encontre de la France dans le cadre d'une procédure en manquement initiée par la Commission européenne. Cette rigueur les honore, d'autant que l'on se trouve confronté à une détérioration du déficit français de transposition : en mars 2010, la France affichait un déficit de transposition de dix directives. Cela étant, nous déplorons que l'initiative parlementaire ait dû se substituer au Gouvernement.
Le Gouvernement est-il si négligent que l'accumulation des retards de transposition, tous secteurs confondus, l'a conduit à laisser aux membres de sa majorité le soin de présenter une proposition de loi « fourre-tout » pour transposer ces textes européens en droit français ? Le retard a déjà fait des victimes collatérales, notamment dans le domaine de l'urbanisme. L'amendement de mon collègue havrais Daniel Fidelin illustre les difficultés qui se manifestent sur le terrain : je pense notamment à la situation du SCOT – schéma de cohérence territoriale – de l'agglomération havraise.
Les auteurs de la proposition justifient que l'initiative parlementaire en vienne à se substituer à celle du Gouvernement faute de véhicule législatif adéquat. En réalité, cela résulte du fait que le Gouvernement a traditionnellement recours à la transposition sectorielle. Or cette méthode, pour le moins discutable, de morcellement de la transposition des directives laisse à l'écart nombre de dispositions très spécifiques. Il faut ensuite avoir recours à des lois « fourre-tout » ou qui s'apparentent à des catalogues pour finaliser les transpositions. La proposition de loi soumise aujourd'hui à notre approbation en est une parfaite illustration.
Dans l'urgence, elle compile « diverses dispositions » – c'est un euphémisme – d'adaptation de la législation au droit communautaire sans aucun souci de cohérence, et demande aux parlementaires de se prononcer, également dans l'urgence, sur ce patchwork de dispositions.
Cette méthode n'est pas satisfaisante, elle ne permet pas aux parlementaires et, surtout, aux citoyens d'avoir une vision globale des directives, donc d'en saisir pleinement les enjeux et de comprendre le fonctionnement de l'Europe.
À cet égard, je déplore à nouveau que le gouvernement français ait renoncé à ce qu'il avait initialement envisagé de faire : déposer un projet de loi-cadre pour transposer la très célèbre directive « services ». Sur ce point, la France s'est distinguée des autres États membres, qui ont opté quant à eux pour une loi-cadre de transposition. Nous déplorons, je le répète, que le Gouvernement n'ait pas choisi de transposer de la même manière une directive qui livre bon nombre de services aux règles de la concurrence sauvage, et qu'il ait préféré la voie sectorielle, voire, dans certains domaines, la voie réglementaire.
Non seulement la transposition, qui aurait dû être achevée le 29 décembre 2009, ne l'est toujours pas – en attestent les dispositions transposées aux articles 3 et 4 de la présente proposition de loi –, mais, surtout, le Parlement a été privé d'un débat. Pour justifier son choix, le Gouvernement a argué qu'une loi-cadre de transposition aurait pu servir d'« épouvantail » à tous ceux qui auraient été tentés d'instrumentaliser un exercice essentiellement technique à des fins électorales. Mais cela s'appelle la démocratie, monsieur le secrétaire d'État !
Merci, monsieur Lecoq !
En réalité, le Gouvernement a préféré une méthode de transposition privant les parlementaires et, surtout, les citoyens d'une vision d'ensemble du texte et de la possibilité de débattre réellement de ses enjeux. C'est inadmissible ! La représentation nationale aurait au contraire dû débattre spécifiquement de cette question majeure, afin de contrer le déficit démocratique inhérent à la construction européenne.
Permettez-moi de regretter vivement que la lecture au Sénat ait été, pour le Gouvernement, l'occasion de présenter une série d'amendements l'habilitant à prendre par voie d'ordonnance plusieurs mesures de transposition. Comme l'a indiqué notre rapporteur, M. Saddier, « c'est ce qui donne au texte cet aspect de “train d'habilitations” : près de la moitié de ses articles se bornent à renvoyer à une ou plusieurs ordonnances à venir ».
Par principe, vous le savez, nous dénonçons le recours aux ordonnances, qui dessaisit le Parlement de ses droits. Vos collègues de la majorité eux-mêmes l'ont regretté. La rédaction des ordonnances, quand bien même les parlementaires y seraient associés, risque en effet de ne pas prendre en considération certaines spécificités nationales, voire de plus larges préoccupations. Il appartient au Parlement de discuter les textes au fond, afin de souligner ces spécificités, et seul un tel débat garantit une appréciation globale, dans le respect de nos valeurs.
En ce qui concerne spécifiquement les textes européens, le débat de fond est plus nécessaire encore, tant la marge de manoeuvre du législateur national est encadrée par les directives et les règlements de l'Union. Aussi est-il tout à fait regrettable que le Parlement soit par exemple privé de débat sur les directives du paquet « énergie-climat », qu'il est proposé de transposer par voie d'ordonnance. Trois directives sont en cause : la première est relative à la promotion de l'utilisation de l'énergie produite à partir de sources renouvelables ; la deuxième vise à améliorer et à étendre le système communautaire d'échange des quotas d'émission de gaz à effet de serre ; la troisième concerne la qualité des carburants. Il s'agit donc de dispositions qui touchent de près l'organisation de notre secteur énergétique et celle des réseaux de transport d'électricité et de gaz.
De même, il est inacceptable que l'on dessaisisse le Parlement de ses prérogatives en prévoyant de transposer par ordonnance six règlements et une directive dans les domaines suivants : la classification, l'étiquetage et l'emballage des substances et des mélanges ; l'enregistrement, l'évaluation et l'autorisation des substances chimiques, ainsi que les restrictions applicables à ces substances ; les dispositions relatives à certains gaz à effet de serre fluorés ; les dispositions relatives aux polluants organiques persistants ; les exportations et les importations de produits chimiques dangereux ; les dispositions relatives à des substances qui appauvrissent la couche d'ozone ; la mise sur le marché de produits biocides. Ces sujets ne sont pas secondaires, eux non plus.
Le titre II de la proposition de loi comprend des dispositions relatives à des professions et activités réglementées. Je l'ai dit, deux des quatre articles composant ce titre correspondent non seulement à des articles de la proposition de loi Warsmann, mais également à la transposition de la directive « services ». Ils concernent la profession de géomètre-expert, visée à l'article 3, et l'activité de direction ou de gérance d'une auto-école, à l'article 4. Cette méthode, que j'ai dénoncée, montre que le Gouvernement veut adopter en catimini des dispositions que nous n'avons de cesse de combattre, et qui mettent toutes les activités humaines en concurrence frontale.
Enfin, les dispositions du titre III, relatif aux transports, soulèvent à nos yeux bien des problèmes. Ainsi, nous craignons que l'article 7 ne constitue un premier pas vers un alourdissement des charges pesant sur les collectivités en matière de gestion des routes départementales. Aujourd'hui, en effet, l'essentiel du réseau est composé de ces routes. Il n'est donc pas exclu que le Gouvernement souhaite, dans un second temps, étendre à ce réseau les obligations d'audit. Si telle n'est pas votre intention, monsieur le secrétaire d'État, peut-être pourrez-vous nous apporter quelques éclaircissements.
Par ailleurs, nous regrettons l'introduction de deux nouveaux articles figurant également dans la proposition de loi Warsmann et qui concernent la poursuite de la libéralisation du secteur aérien. L'article 10, notamment, risque d'encourager les compagnies françaises à recruter dans des pays où les contraintes de qualification et d'aptitude médicale qui s'imposent à elles seront moindres, voire inexistantes.
Vous le savez, nous demandons régulièrement un bilan sur les directives communautaires d'ouverture à la concurrence. Nous souhaitons que, dans ce cadre, la politique communautaire des transports soit réétudiée et réorientée, afin que la question du service public devienne centrale. Nous n'avons obtenu aucune réponse à ce jour.
Pour toutes ces raisons, vous comprendrez que notre groupe vote contre cette proposition de loi.
C'était modéré !
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la présente proposition de loi résulte d'une initiative sénatoriale et vise à transposer plusieurs directives soit directement, soit en habilitant le Gouvernement à le faire par voie d'ordonnance.
Ne nous voilons pas la face : en ce qui concerne la transposition de directives européennes, notre pays n'est pas en avance. Le Conseil européen des 8 et 9 mars 2007 a décidé de ramener l'objectif fixé aux États membres de 1,5 % de déficit maximum de transposition des directives à 1 % à compter de 2009. Or, selon les derniers résultats publiés par la Commission cette année, la France n'a pas transposé dans les délais 1,2 % des directives – soit une quinzaine –, alors que la moyenne des vingt-sept pays membres est de 0,9 %. Nous faisons donc partie des neuf États membres qui dépassent le plafond de 1 %.
Or ces retards ne sont pas sans conséquences. Sans conséquences politiques, d'abord : la France risque d'être fragilisée dans les négociations au sein de l'Union européenne. En effet, nous ne pouvons pas prétendre à un rôle de leader politique en Europe tout en en restant le mauvais élève en matière de transposition des textes européens.
Sans conséquences financières, ensuite. Car l'absence de transposition nous expose à des amendes forfaitaires et à des astreintes journalières, que la Cour de justice de l'Union européenne peut désormais prononcer, en application du traité de Lisbonne, dès le premier arrêt en manquement.
Le calcul du montant de l'amende et de l'astreinte tient compte de la gravité de l'infraction, de la capacité de l'État à payer la pénalité et du nombre de jours de persistance de l'infraction. S'agissant de la France, le montant minimal de l'amende forfaitaire est fixé à 10,9 millions d'euros, tandis que le montant d'éventuelles astreintes s'échelonne de 13 098 à 785 880 euros par jour de retard. La France est concernée à elle seule par près de la moitié des arrêts de la Cour de justice pour inexécution d'un premier arrêt en manquement, puisqu'elle l'est par trois des sept arrêts ayant donné lieu à une condamnation pécuniaire.
Le 12 juillet 2005, dans l'affaire dite des « poissons sous taille » (Exclamations et rires sur les bancs des groupes SRC et GDR), …
…la Cour a prononcé une amende forfaitaire de 20 millions d'euros et une astreinte semestrielle de 57,8 millions d'euros.
Le 14 mars 2006, pour transposition non conforme de la directive relative à la responsabilité civile du fait des produits défectueux, la France a payé au total une somme de 759 600 euros.
Enfin, le 9 décembre 2008, pour transposition tardive de la directive relative à la dissémination volontaire d'OGM, notre pays s'est acquitté d'une somme forfaitaire de 10 millions d'euros.
Alors que le Parlement vient d'adopter un budget contraint, il est indispensable de limiter ces condamnations, qui rejaillissent sur nos finances publiques, donc d'intégrer les textes communautaires à notre droit dans les meilleurs délais.
Ainsi, plusieurs véhicules législatifs portant diverses dispositions d'adaptation de la législation au droit de l'Union, dits DDAC, sont en cours d'examen au Parlement : un projet de loi en matière de santé, de travail et de communications électroniques, examiné la semaine dernière par la commission des affaires sociales ; un projet de loi de transposition de diverses directives en matière civile et commerciale, déposé au Sénat en septembre dernier ; enfin, la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui.
Cette dernière traite de plusieurs sujets et réforme diverses professions : les géomètres-experts, les experts en automobile, le personnel de l'aviation civile et les moniteurs d'auto-école. Elle concerne l'environnement et le développement durable, certaines professions réglementées, les transports, mais aussi les documents d'urbanisme.
Ce texte tend à intégrer à notre législation les dispositions de plus d'une quinzaine de textes européens, en particulier des directives dont le délai de transposition arrive à échéance ou à propos desquelles notre pays fait déjà l'objet d'une procédure d'infraction. Permettez-moi d'en citer quelques-unes.
Tout d'abord, la directive services du 12 décembre 2006, qui aurait dû être transposée le 28 décembre 2009 et pour laquelle une procédure d'infraction a été ouverte en janvier 2010. Il s'agit d'assouplir les conditions d'accès à certaines professions réglementées afin de les rendre accessibles aux ressortissants européens.
Ensuite, la directive du 19 novembre 2008 concernant la gestion de la sécurité des infrastructures routières, qui aurait dû être transposée hier, le 19 décembre 2010. Elle a pour objet d'appliquer de nouvelles règles de sécurité aux routes d'importance européenne, par cohérence avec les mesures en faveur de la sécurité routière que nous avons prises ces dernières années et qui permettent de réduire le nombre de décès chaque année.
Il s'agit encore de trois directives du 23 avril 2009 constituant le paquet « énergie-climat », et de directives datant également de 2009, relatives au marché intérieur de l'énergie, qui visent à accroître l'indépendance des gestionnaires de réseaux de transport d'électricité ou de gaz et à compléter les compétences du régulateur de l'énergie, la CRE.
S'y ajoutent les directives du paquet législatif communautaire sur la sécurité maritime, dit « paquet Erika III », à propos desquelles la France s'est fortement mobilisée afin d'engager la responsabilité des transporteurs de passagers par mer en cas d'accident.
Enfin, en permettant l'application du règlement du 23 octobre 2007 sur les droits et obligations des voyageurs ferroviaires, nous donnons les moyens aux agents de la DGCCRF et de la direction générale des infrastructures, des transports et de la mer de contrôler les informations fournies aux voyageurs par les entreprises ferroviaires et par les vendeurs de billets.
La liste n'est pas exhaustive, mais je veux vous épargner, mes chers collègues, un inventaire à la Prévert. Ces quelques exemples suffisent à montrer à quel point ces textes concernent le quotidien de nos concitoyens, et combien il est donc primordial de les intégrer à notre législation dans les meilleurs délais.
Je regrette néanmoins comme vous, monsieur le rapporteur, que nous devions avoir recours aux ordonnances pour mener des réformes parfois de grande ampleur, telle la réforme du marché intérieur de l'énergie.
Je fais cependant confiance aux ministres concernés pour associer les parlementaires à la rédaction des ordonnances.
Thierry Mariani, maintenant secrétaire d'État chargé des transports, connaît l'important travail fourni par la commission des affaires européennes, puisqu'il en fut, jusqu'à une date toute récente, le vice-président – et le plus remarquable ! Sa succession est donc difficile. (Sourires.) Pierre Lequiller, qui a fait faire un bond en avant à la productivité de la commission, doit être soutenu, comme les collègues qui l'accompagnent – qu'ils soient de droite ou de gauche, car l'unanimité y est souvent au rendez-vous –, afin que soient mis en lumière, pour le public, mais aussi pour les parlementaires, les rouages de la législation européenne, laquelle détermine à 80 % celle des États membres, comme nous le savons.
Je tiens donc à relayer devant vous les réflexions de nos collègues Didier Quentin et Jérôme Lambert, qui, dans un grand élan de solidarité, ont présenté à la commission, le 7 décembre dernier, une communication relative à la transposition des directives. Ils en appellent à une modernisation de l'intervention parlementaire dans cet exercice et observent que, si l'on veut éviter des textes fourre-tout – pardonnez-moi l'expression –, la commission des affaires européennes pourrait jouer un rôle utile en s'impliquant davantage et mieux.
Ainsi, nos rapporteurs, qui étudient les directives dès leurs premiers pas à Bruxelles, pourraient tirer un meilleur parti de leur expertise pour s'assurer qu'elles sont correctement et diligemment transposées en droit interne. À cette fin, Didier Quentin et Jérôme Lambert proposent que le mandat des rapporteurs des directives les plus importantes soit étendu à leur transposition, en lien avec la commission permanente concernée, sur le modèle des rapports sur l'application des lois.
En parallèle, les projets de loi nationaux devraient plus systématiquement intégrer, dès leur rédaction, les dispositions de transposition des directives européennes intervenant dans leur domaine. Cela permettrait de garantir un chaînage vertueux entre notre législation nationale et le cadre européen dans lequel elle s'inscrit ainsi que de nourrir des débats cohérents.
En outre, le recours aux textes portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire, certes inévitable, pourrait gagner en cohérence en étant mieux institutionnalisé, par exemple grâce à la mise en place d'un DDAC rassemblant toutes ces dispositions d'ordre technique, tous les deux ans, qui serait examiné dans des conditions régulières laissant aux parlementaires tout le temps nécessaire à un travail approfondi.
Je ne doute pas, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, que ces propositions trouveront un écho favorable auprès de vous. En attendant leur mise en oeuvre, le groupe UMP votera la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui.
Monsieur le président, je serai plus bref : je partage en grande partie les propos de M. Voisin, et M. Mariani, qui fut un membre éminent de la commission des affaires européennes, connaît bien ces sujets.
Chaque année, nous nous lamentons devant l'incurie de notre pays, mauvais élève de l'Europe en matière de transposition – je le dis d'autant plus librement que tous les gouvernements sont concernés. Comme les délais nous obligent à transposer les directives avant la fin de l'année, nous nous retrouvons à la même période à examiner des trains de transpositions plus ou moins bricolées, à travers projets de loi et propositions de loi, dans des conditions toujours insatisfaisantes, avec beaucoup de dispositions renvoyant à des ordonnances, dont le législateur doit se dessaisir. À droite comme à gauche, nous déplorons les conditions dans lesquelles nous sommes appelés à examiner ces textes.
Le moment est venu d'essayer de trouver des solutions pour se sortir de cette situation.
Il s'agit d'abord d'identifier le problème. Pour moi, il est simple : le Gouvernement garde la haute main sur la transposition des directives et peine à établir un suivi technique et administratif, du fait de son organisation éclatée et de la complexité des textes. Aussi est-il confronté à des difficultés pour répondre dans les délais impartis aux exigences liées aux transpositions.
Mais il existe une autre raison qu'il ne faut pas éluder, c'est que le Gouvernement, pour des motifs politiques, refuse d'assumer la transposition de certaines directives, Jean-Paul Lecoq l'a déjà souligné.
La transposition de la directive « services » aura fait l'objet de dix textes de loi, dont la présente proposition et un projet récemment déposé sur le bureau de notre assemblée que nous examinerons plus tard. Il n'est pas concevable que cet éclatement, s'agissant d'un texte à l'histoire politique lourde, n'ait pas été voulu. Le Gouvernement s'est refusé, de manière délibérée, à affronter les effets supposés de la transposition de cette directive qui, il est vrai, s'attaque à des secteurs d'activité susceptibles de se mobiliser. La transposition s'est donc faite en catimini et nous n'avons pu y consacrer un débat sérieux.
Il est temps d'examiner les solutions possibles.
Comme M. Voisin, je me référerai aux conclusions du rapport de Jérôme Lambert et Didier Quentin, qui me semblent particulièrement intéressantes. Elles pourraient, monsieur le président, nourrir le travail de notre assemblée. Il importe que le Parlement s'implique bien davantage dans le processus de transposition et que les commissions des affaires européennes établissent un suivi véritable.
Sans doute, monsieur le président, elles effectuent ce travail souvent très en amont, à travers des rapports, mais on constate qu'à un certain moment, elles en sont dessaisies. La balle, si je puis dire, passe dans le camp gouvernemental et elles ne sont plus en mesure de suivre précisément le processus. Comme le préconise le rapport Lambert-Quentin, un investissement beaucoup plus important des commissions de l'Assemblée nationale et du Sénat s'impose.
Notons à cet égard que beaucoup de parlements nationaux procèdent déjà de la sorte. Les parlementaires eux-mêmes se saisissent de la législation européenne et effectuent de manière patiente et régulière le travail législatif un peu ingrat que réclame la transposition des directives. Nous pourrions nous inspirer utilement de nos voisins, qui ont su trouver une réponse nettement meilleure que la nôtre.
Je plaide pour que les conclusions du rapport Lambert-Quentin soient suivies d'effets et que notre assemblée revendique haut et fort un rôle important en matière de transposition. Le Gouvernement voudra sans doute conserver certaines de ses prérogatives et de ses compétences mais j'estime que le Parlement a toute légitimité, compte tenu des résultats des transpositions, pour tenter de trouver, de concert avec le Gouvernement, des solutions législatives.
J'en viens très rapidement à la directive « services ».
Comme le Gouvernement a fait le choix d'une transposition sectorielle, il existe aujourd'hui, domaine d'activité par domaine d'activité, toute une série de dispositions qui touchent les géomètres experts, les gérants d'auto-école, les experts automobiles, les agences de mannequins et diverses autres professions. Un autre choix aurait été possible : il consistait à inclure dans le droit français les principes figurant dans la directive en vue d'une application transversale aux différents régimes administratifs. Nous avions, avec Jean-Patrick Gille, défendu une proposition de loi en ce sens dans le cadre d'une niche parlementaire. Elle n'a malheureusement pas été retenue.
Nous sommes extrêmement insatisfaits de la manière dont la transposition de la directive « services » est faite et va continuer à se faire, comme le montre le prochain projet de loi dont nous débattrons en janvier. Nous considérons qu'il aurait été possible d'avoir un débat plus riche et plus fructueux sur cette directive, s'agissant en particulier des services sociaux d'intérêt général qui n'ont malheureusement pas été exclus de son champ. Mais nous aurons l'occasion d'y revenir.
Pour l'heure, je veux redire qu'il est temps de trouver des solutions pour régler de manière plus satisfaisante la question de la transposition des directives dans le cadre de nos discussions parlementaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, tout a été dit sur cette proposition de loi. Je pensais être l'élu de la majorité le plus critique à son égard mais en écoutant avec attention le rapporteur et le président de la commission, j'ai découvert qu'ils avaient des positions particulièrement incisives, ce dont je les remercie.
Le texte qui nous est soumis est très dense, très technique aussi car il comporte beaucoup de dispositions habilitant le Gouvernement à prendre des ordonnances. Comme de nombreux collègues, j'éprouve à son égard un certain malaise, davantage pour des raisons de forme et de méthode que pour des raisons de fond.
Officiellement, il s'agit d'une proposition de loi mais il a tout d'un projet de loi. À quoi sert donc de réserver davantage d'espaces aux initiatives parlementaires si c'est pour mieux y loger des textes gouvernementaux ?
Ce texte n'est pas isolé, il s'inscrit dans un ensemble comprenant deux autres projets de loi portant transposition de directives. Leur examen concomitant a donné lieu à une véritable partie de bonneteau législatif, avec le passage de dispositions d'un texte à l'autre. Celles transposant la directive INSPIRE ont pu à certain moment être inscrites dans trois textes différents : la proposition de loi de simplification du droit, la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui et l'ordonnance du 21 octobre 2010. Ce n'est qu'un exemple. Plusieurs autres dispositions ont navigué d'un texte à l'autre.
Et nous atteignons les limites de la sincérité des débats parlementaires quand certaines de ces dispositions sont modifiées à l'occasion de leur transfert dans un autre texte. De telles pratiques, monsieur le secrétaire d'État, ne sont pas acceptables.
Si certaines dispositions sont réellement urgentes, regroupez-les donc dans un projet de loi et veillez à ce qu'il soit inscrit à l'ordre du jour de chaque assemblée dans les meilleurs délais.
Un dernier point me fâche : le caractère très expéditif de l'examen de cette proposition de loi par notre assemblée. Déposée le 18 novembre, elle a été examinée en commission dès le 1er décembre en vue d'un débat en séance publique le 20 décembre. Comment voulez-vous travailler sérieusement dans de tels délais ? L'examen en commission n'a pu être correctement mené, comme le montre aujourd'hui le grand nombre d'amendements rédactionnels du rapporteur. Je veux bien admettre qu'il y ait urgence à transposer, mais cela n'autorise en rien un travail bâclé. Il y a visiblement un problème avec la méthode de transposition des directives en droit national.
Je m'associe pleinement aux conclusions que nos collègues Jérôme Lambert et Didier Quentin ont présentées le 7 décembre devant la commission des affaires européennes sur la méthode de transposition des directives. Il faut éviter au maximum les textes fourre-tout et les transpositions par thématiques quand un véritable véhicule législatif existe. Quand des transpositions par ordonnances sont prévues, il faut y associer les parlementaires le plus en amont possible. C'est aussi à nous, mes chers collègues, de nous faire entendre et de réclamer d'être associés.
Au sein de la commission des affaires économiques, nous avons ainsi fermement demandé au Gouvernement à être associés à la rédaction des directives transposant le paquet « télécommunications » et le paquet « énergie-climat ». Dans les deux cas, il s'en est suivi un dialogue très constructif avec Éric Besson, ministre chargé de ces dossiers, qui est venu devant la commission présenter les avant-projets d'ordonnance, comme l'a rappelé le rapporteur. Une habilitation a été réécrite et précisée à notre demande et des députés référents ont été désignés afin de bien préparer la ratification. C'est ainsi que notre assemblée devrait procéder pour toutes les ordonnances.
Bien que mécontent de la méthode, je voterai toutefois ce texte parce que j'estime nécessaire de transposer rapidement certaines dispositions et que je fais toute confiance à Martial Saddier, mon collègue de Haute-Savoie, pour suivre la rédaction de ces ordonnances et veiller à ce que le Parlement y soit associé.
Monsieur le secrétaire d'État, la proposition de loi qui nous est soumise est un texte fourre-tout : on y ratifie, on y habilite, on y transpose et on y modifie. Ce texte traduit de la part du Gouvernement un manque de volonté politique, de la précipitation, de l'incohérence et – je le crains – le peu de considération qu'il porte malheureusement au Parlement.
Contrairement à ce que l'on veut bien nous faire croire et à ce que j'ai pu lire dans le rapport du Sénat, il ne s'agit pas d'une proposition de loi portant diverses dispositions d'adaptation de la législation au droit communautaire, même si certaines dispositions prévoient la transposition de directives, mais bien plutôt d'une loi habilitant le Gouvernement à légiférer par ordonnances.
Le Gouvernement n'assume pas ses responsabilités puisqu'il a profité de la proposition de loi émanant du Sénat pour y glisser subrepticement, comme le coucou allant pondre dans le nid d'un autre, de nombreux amendements l'autorisant à avoir recours aux ordonnances de l'article 38 de la Constitution pour transposer quatorze directives et sept règlements.
Cette situation n'est pas nouvelle, mais elle nous heurte toujours en ce qu'elle tend à nous dessaisir de nos prérogatives et à dépouiller le Parlement de son pouvoir ; les justifications d'ordre pratique ou autres ne sont pas de nature à nous convaincre.
Le seul argument avancé aujourd'hui par le Gouvernement est celui du retard de la France en matière de transposition. En effet, le Conseil européen des 8 et 9 mars 2007 a décidé de ramener l'objectif fixé aux États membres de 1,5 % de déficit maximum de transposition des directives du marché intérieur à 1 % à compter de 2009. Or selon les derniers résultats publiés par la Commission en septembre 2010, la France n'a pas transposé dans les délais 1,2 % des directives relatives au marché intérieur.
Le retard de la France ne tient pas, selon nous, à l'encombrement du calendrier parlementaire, au manque d'efficacité de notre système pour l'incorporation des normes, voire à des difficultés d'ordre politique, mais à un manque de volonté politique car, comme le relève le Conseil d'État dans une étude du 22 février 2007 : « Il existe une forte corrélation entre l'expression de la volonté politique et une transposition efficace. La transposition efficace des directives reste ainsi subordonnée, pour une bonne part, à la manifestation, au plus haut niveau de l'État, de la détermination politique. »
Les conséquences de ces retards, nous ne les sous-estimons pas. Il s'agit de la fragilisation de la position de la France dans les négociations communautaires, du risque de se voir condamner au versement d'amendes, d'une forte insécurité juridique puisque la jurisprudence développée par la Cour de justice reconnaît un effet direct partiel aux directives communautaires lorsque le délai pour leur transposition a été dépassé, enfin d'une atteinte au fonctionnement équilibré de notre démocratie, le recours aux ordonnances conduisant à la transposition de nombreux textes à caractère législatif sans les garanties qu'apporte l'examen parlementaire, ce que Bruno Sido, rapporteur de ce texte pour le Sénat, n'a pas manqué de relever.
Dois-je rappeler aussi que le sénateur Haenel précise, dans un rapport du 19 février 2002, que la loi dont la transposition est l'objet exclusif ou non, doit rester la norme et que la transposition par ordonnance ne devrait être envisagée qu'en dernière solution et dans des circonstances exceptionnelles ?
D'ailleurs, Didier Quentin et Jérôme Lambert ont appelé récemment à une modernisation de l'intervention parlementaire. En encourageant le Gouvernement à garantir un regard politique sur un processus aujourd'hui trop largement administratif, ils suggèrent qu'au lieu de transposer par ordonnances ou par projets de loi sectoriels, on fasse en sorte que les projets de loi nationaux intègrent plus systématiquement dès leur rédaction les dispositions des directives européennes intervenant dans leur champ d'application, ce qui permettrait de garantir un chaînage vertueux entre notre législation nationale et le cadre européen dans lequel elle s'inscrit, ainsi que de nourrir des débats cohérents.
Alors que la directive constitue un élément souple puisqu'elle doit fixer des objectifs tout en laissant aux États membres le soin de choisir les moyens adéquats pour les réaliser, et que les autorités nationales disposent d'une autonomie sur le fond de la transposition, il nous semble essentiel qu'en ce domaine les pouvoirs du Parlement soient préservés par le recours systématique à la loi, nous permettant ainsi de nous prononcer sur le contenu de ces directives, d'exprimer un point de vue sur leurs conditions d'application en France et, si nécessaire, de demander des garanties.
Le Gouvernement ne devra pas oublier de remercier très chaleureusement les sénateurs de la majorité qui lui auront permis discrètement et facilement de bénéficier d'une législation déléguée, privant ainsi le Parlement de ses prérogatives.
Avec l'article 2 bis, issu d'un amendement gouvernemental, ce n'est rien moins que le paquet « énergie-climat » qui sera transposé en droit interne par ordonnances. Porté par la France, il vise l'objectif des « trois fois vingt ». D'ici à 2020, chaque pays devra diminuer de 20 % ses émissions de gaz à effet de serre, porter à 20 % la part des énergies renouvelables et améliorer de 20 % l'efficacité énergétique.
Nous le savons et nous le reconnaissons, le paquet « énergie-climat » constitue une avancée majeure en matière de lutte contre le réchauffement climatique, premier défi environnemental de notre planète. Est-il normal, est-il acceptable pour la représentation nationale d'être privée d'un débat sur un sujet majeur qui, en un an, a fait l'objet de deux sommets internationaux, celui de Copenhague et celui de Cancun, qui devrait nous permettre de définir une politique énergétique réellement durable et d'examiner les moyens d'atteindre les objectifs fixés, dont le plus important est certainement celui du marché des quotas d'émission de gaz à effet de serre, lequel devrait être modifié en 2013 puisqu'à partir de cette date un système d'enchères intégral sera mis en place ?
Nous le savons, de nombreuses questions se posent à ce sujet. Devons-nous considérer que le marché est le meilleur outil, alors que sur celui-ci le prix du carbone a connu des fluctuations considérables, atteignant des sommets de plus de 30 euros la tonne, pour ensuite s'effondrer du jour au lendemain à moins de 5 euros ?
Aujourd'hui les prix faibles, autour de 12 euros, empêchent les industriels de raisonner en termes de décarbonisation. Nous pensons aussi que celui-ci porte en lui des risques de spéculation et de délocalisation au travers des mécanismes de développement propre.
Faut-il préférer au mécanisme du marché la taxation des émissions de CO2, ou faut-il promouvoir un mécanisme mixte, voire imposer sur le marché un prix plancher suffisamment élevé de la tonne de carbone ?
De ces questions, monsieur le secrétaire d'État, nous aimerions débattre, car à ce jour l'Assemblée nationale n'a abordé qu'une fois la lutte contre le réchauffement climatique : le 2 décembre 2009, avant Copenhague.
Enfin, quant au seul argument, celui du délai, que vous nous opposez, il est irrecevable puisque votre gouvernement pouvait transposer les directives du paquet « énergie-climat » dans le projet de loi portant engagement national en faveur de l'environnement voté en juillet 2010.
Pour justifier au Sénat, au travers de l'article 2 ter issu d'un amendement gouvernemental, la transposition par ordonnance de cinq règlements et d'une directive, vous invoquez le retard pris et banalisez le contenu de ces textes qui, pour nous, ne se limitent pas à des modifications rédactionnelles consistant à remplacer le mot « préparations » par le mot « mélanges », mais concernent des sujets aussi fondamentaux que la mise en oeuvre du règlement REACH ou la mise sur le marché des produits biocides et touchent aux codes de l'environnement, du travail et de la santé publique.
Est-il utile de rappeler que l'article 2 quater permettra au Gouvernement de transposer par ordonnance deux directives relatives au marché intérieur de l'énergie, l'une pour l'électricité, l'autre pour le gaz, et que ces mêmes dispositions qui figuraient à l'article 10 de la loi NOME avaient été rejetées ?
Déterminé et entêté, le Gouvernement vient de trouver opportunément un nouveau véhicule législatif avec cette proposition de loi.
Certains, aujourd'hui, ne sont pas loin de penser que ce troisième paquet « énergie » nous fait tendre vers le transfert total des pouvoirs de régulation du secteur électrique et gazier des gouvernements vers une autorité nationale munie de prérogatives étendues et d'une indépendance renforcée par rapport au pouvoir politique. Nous le voyons bien, les enjeux sont tels qu'il serait dangereux et coupable de laisser au Gouvernement le pouvoir de légiférer seul en ce domaine.
Même si les articles 12, 13, 14 et 15 ont moins retenu notre attention que les trois articles précédents, il n'en demeure pas moins qu'ils porteront eux aussi atteinte au pouvoir du Parlement puisqu'ils concernent huit directives, un règlement et des domaines allant de la sûreté de l'aviation civile aux transports maritimes, en passant par la convention du travail maritime et les redevances aéroportuaires.
Ce texte, monsieur le secrétaire d'État, ne peut que nous conduire une nouvelle fois à contester le choix fait par votre gouvernement d'une transposition sectorielle de la directive « services ». En effet, ce choix ne nous permet pas d'en avoir une vision d'ensemble et de débattre réellement de ses enjeux, dont on ne peut nier l'importance compte tenu des objectifs qu'elle poursuit et que je tiens à rappeler : faciliter la liberté d'établissement et la liberté de prestation de services au sein de l'Union européenne ; renforcer les droits des usagers des services ; promouvoir la qualité des services ; établir une coopération administrative entre les États membres.
Contrairement au choix fait dans vingt-cinq États sur vingt-sept, qui ont opté pour l'élaboration d'une loi-cadre générale, vous avez préféré une transposition saucissonnée en utilisant plusieurs textes : la loi de modernisation de l'économie, la loi Hôpital, patients, santé et territoires et la loi sur les réseaux consulaires. De plus, vous avez procédé, pour une large part, de manière réglementaire, ce qui n'a pas manqué de conduire certains sénateurs de votre majorité à regretter ces choix, déplorant qu'ils aboutissent à noyer le débat sur ce texte.
Nous le pensons, la transposition de la directive « services » demeurera ainsi l'exemple de ce qu'il ne faut pas faire. C'est pourquoi nous dénonçons l'absence d'une étroite association de la représentation nationale à ce processus de transposition, ainsi que le manque total de transparence des travaux, réduits au seul niveau interministériel, qui n'ont pas permis au Parlement d'exercer pleinement ses fonctions législative et de contrôle.
Comment ne pas relever également l'incohérence dans laquelle baignent nos travaux parlementaires puisque les articles 3, 4, 5, 10 et 11 du présent texte correspondent à des articles de la proposition de loi de simplification et d'amélioration de la qualité du droit, présentée par Jean-Luc Warsmann et déjà adoptée par l'Assemblée nationale le 2 décembre 2009 ?
Quant aux articles 16 et 17 de ce texte, ils sont issus d'amendements du Sénat et concernent des dispositions de la loi portant engagement national en faveur de l'environnement de juillet 2010. Si nous comprenons la nécessité d'allonger le délai pour l'intégration dans les SCOT et les PLU des dispositions de cette loi à l'article 17, nous ne pouvons pas accepter, au travers de l'article 16, de revenir sur une disposition importante de la loi Grenelle 2, dont l'objet est la protection des zones naturelles et patrimoniales et qui n'autorise pas de majoration du coefficient d'occupation du sol pour les constructions satisfaisant à des critères de performance énergétique élevée ou alimentées à partir d'équipements performants de production d'énergie renouvelable ou de récupération, dans un secteur sauvegardé, dans une ZPPAUP, ou dans le périmètre d'un immeuble inscrit ou classé.
Monsieur le secrétaire d'État, nous nous opposons à ce texte issu d'une initiative sénatoriale, qui est maintenant pleinement un texte gouvernemental puisque vous avez su et pu y glisser, sans opposition et en catimini, les amendements vous habilitant à légiférer par ordonnances, parce que nous ne voulons pas que nos droits, ceux de l'opposition mais aussi ceux de la majorité, soient bafoués ni que le Parlement devienne une simple chambre d'enregistrement à laquelle seraient confiées de basses besognes, comme celle d'aider le Gouvernement à faire face à son manque de volonté politique en matière de transposition en droit français des textes européens.
Nous voterons donc contre ce texte.
La discussion générale est close.
La parole est à M. le secrétaire d'État.
Le président de la commission du développement durable et le secrétaire d'État que je suis auraient rêvé d'un texte plus exemplaire ou plus glorieux pour inaugurer respectivement leurs nouvelles fonctions. Mais chacun aura compris qu'à défaut d'être remarquable, ce texte est nécessaire, comme l'a rappelé le rapporteur, car il est obligatoire. Ensuite, il permettra de réaliser des économies puisque, comme l'a signalé M. Voisin, toutes ces amendes finissent par coûter cher au budget de l'État. Enfin, il s'agit d'un texte pratique ; àl'instant, M. Chanteguet nous expliquait qu'il comporte des dispositions relatives tant au code de l'environnement qu'à celui de la santé publique ou du travail.
J'ai écouté avec attention toutes les interventions, et notamment la vôtre, monsieur le rapporteur. C'est vrai, ce texte est un véhicule utilitaire, mais je dirai, même si c'est une lapalissade, qu'il est utile. Il s'agit également d'un inventaire à la Prévert, puisqu'il concerne aussi bien les gérants d'auto-école, les produits cosmétiques que la profession de géomètre-expert en passant par des dispositions sur l'environnement. J'avoue que, si je n'avais pas changé récemment de fonction, c'est-à-dire si j'avais encore été vice-président de la commission des affaires européennes, j'aurais peut-être fait les mêmes remarques que vous sur la méthode de transposition. Personne n'est dupe de l'exercice. Il s'agit de trouver une méthode pour que ce soit l'une des dernières fois, sinon la dernière, que nous légiférons de la sorte.
En tout cas, je vous remercie, monsieur Saddier, pour un soutien qui, s'il n'est pas enthousiaste, est du moins sincère. Vous avez bien compris l'utilité de ce texte, et la nécessité de l'adopter.
J'ai écouté avec la même attention l'intervention du nouveau président de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire. Cette dernière sera étroitement associée à l'élaboration des ordonnances. Mes services doivent les transmettre au président de la commission et à son rapporteur. Monsieur Grouard, le Gouvernement partageant votre souci de transparence des travaux législatifs menés en application d'une habilitation, et comme cela a été évoqué lors de la réunion de la commission du 1er décembre, le projet d'ordonnance relatif au paquet « Erika III » a déjà dû vous être transmis…
Ce doit être la neige ! Même le service public postal souffre ; il n'y a pas de raison que le service aérien soit le seul à être bloqué. (Sourires.) Quoi qu'il en soit, le projet d'ordonnance est en route, et nous veillerons à ce qu'il vous parvienne dans les plus brefs délais.
Monsieur le président de la commission, je m'engage à nouveau à ce que les services de mon ministère travaillent en étroite collaboration avec vous. Après avoir passé seize ans sur les bancs du Parlement, je n'ai aucune envie que le premier texte que je lui présente au nom du Gouvernement le dépouille de ses pouvoirs.
M. Jean-Paul Lecoq a salué la vigilance des sénateurs qui ont déposé une proposition de loi afin d'éviter que des sanctions ne frappent la France. Je le remercie d'avoir reconnu les qualités éminentes du Sénat. Toutefois, je veux lui répondre sur un point très précis : le registre du personnel navigant de l'aéronautique civile n'est pas supprimé. L'article 10, qui l'inquiétait, l'ouvre simplement aux pilotes européens en application de la directive relative aux services. Il s'agit, en fait, d'une condition sine qua non pour accéder au statut de pilote professionnel. En clair, les conditions seront exactement les mêmes que celles valables actuellement pour le personnel français. Il n'y a aucun dumping social ; M. Lecoq peut-être rassuré.
M. Gérard Voisin, qui sera incessamment nommé vice-président de la commission des affaires européennes, a rappelé, à juste titre, le montant des amendes payées par la France en raison de ses retards dans la transposition des directives communautaires. Dans le cadre d'un budget contraint, il a eu raison de souligner qu'il est un peu stupide de dépenser à ce titre plusieurs dizaines de millions d'euros, voire davantage.
J'étais vice-président de la commission des affaires européennes, et je connais donc bien le rapport de Didier Quentin et de Jérôme Lambert. Sur ces questions, je suis d'accord avec Christophe Caresche, Lionel Tardy et Gérard Voisin. En fait, il s'agit de concilier l'absence de sanctions et l'efficacité du travail législatif. Il faudrait éviter d'examiner, un 20 décembre, un texte d'initiative parlementaire qui nous réjouit tous. (Sourires.)
Monsieur le président de la commission, j'ai demandé aux services de mon ministère de vous transmettre tous les deux mois les textes en cours de transposition, ou ceux qui doivent l'être, afin que nous puissions faire le point ensemble, et que nous ne nous retrouvions pas devant une date butoir. Je suis ouvert à l'idée que nous travaillions en commun au respect d'un calendrier, sachant qu'un retard non négligeable a peut-être déjà été accumulé et que cette proposition de loi nous permet de le résorber en grande partie.
L'approche de M. Christophe Caresche a été honnête. Il a constaté qu'aucun gouvernement, qu'il soit de gauche ou de droite, n'avait mérité le prix Nobel de la transposition. Je pense qu'en bonne intelligence l'opposition et la majorité, qui se sont rejointes dans les constats du rapport de MM. Quentin et Lambert, doivent parvenir à trouver un moyen pour que l'Assemblée puisse travailler et pour que sa mission soit respectée.
M. Lionel Tardy a évoqué un malaise ; il a considéré que ce texte était difficilement acceptable. J'aurai du mal à le contredire. Je ne vais pas répéter les arguments qui ont motivé la présentation d'un texte d'initiative sénatoriale ; vous savez qu'ils suffisent à susciter l'enthousiasme du Gouvernement. (Sourires.) L'essentiel est d'éviter que ce genre d'exercice ne se reproduise.
M. Jean-Paul Chanteguet a remercié les sénateurs et, globalement, nos observations relèvent du même registre : pour une fois, j'aurais du mal à le contredire.
En conclusion, avec ce texte, nous sommes un peu comme dans l'épreuve des figures imposées en patinage artistique :…
Monsieur Lecoq, vous ne m'entraînerez pas sur ce terrain-là ! (Sourires.)
…les figures imposées manquent peut-être de grâce mais elles sont nécessaires et efficaces.
Je remercie les sénateurs qui ont déposé cette proposition de loi, et les députés qui voudront bien la soutenir. Elle contribuera à ce que notre pays économise quelques millions d'euros. Je veillerai à ce que cette transposition se fasse dans les meilleures conditions, en respectant le plus possible l'avis du Parlement grâce à un dialogue constructif.
J'appelle maintenant les articles de la proposition de loi dans le texte de la commission.
À l'article 1er A, je suis saisi de trois amendements rédactionnels, nos 74, 73 et 72, présentés par M. Saddier.
Monsieur le rapporteur, vous avez la parole.
Je précise simplement, concernant l'amendement n° 72 , qu'il convient de faire référence au code des transports de manière générale sans préciser « dans sa rédaction résultant de l'ordonnance n° 2010-1307 du 28 octobre 20, ».
(Les amendements nos 73 , 74 et 72 , acceptés par le Gouvernement, sont successivement adoptés.)
(L'article 1er A, amendé, est adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 4 , visant à supprimer l'article 2 bis.
La parole est à M. Jean-Paul Chanteguet.
L'article 2 bis habilite le Gouvernement à transposer par ordonnances trois directives du paquet « énergie-climat ».
Nous estimons qu'il n'est pas acceptable que la représentation nationale soit privée d'un débat sur un sujet majeur qui a fait l'objet de deux sommets internationaux à Copenhague et à Cancun. Ce débat devrait nous permettre de définir une politique énergétique réellement durable et d'examiner les moyens d'atteindre les objectifs fixés.
Nous proposons donc la suppression de l'article.
Monsieur Chanteguet, je ne suis pas complètement insensible à l'argument, dont nous avons déjà débattu en commission, selon lequel il faut qu'un débat de fond puisse se dérouler au Parlement sur des sujets aussi importants.
Toutefois, je rappelle que l'État français est soumis à des délais très stricts et qu'il y a désormais urgence. Je vous rappelle surtout que le secrétaire d'État s'est engagé à associer le Parlement à l'élaboration des ordonnances.
En conséquence, je suis défavorable à l'amendement.
(L'amendement n° 4 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 16 , portant article additionnel après l'article 2 bis.
La parole est à M. Jean-Paul Chanteguet.
Cet amendement est défendu.
(L'amendement n° 16 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
La parole est à M. Jean-Paul Chanteguet pour soutenir l'amendement n° 5 , qui vise à supprimer l'article 2 ter.
L'article 2 ter autorise le Gouvernement à transposer par ordonnance plusieurs règlements, dont le règlement REACH. Or la mise en oeuvre de ce règlement n'est pas sans poser problème. Visant à établir un système intégré d'enregistrement, d'évaluation et d'autorisation des substances chimiques, il oblige les entreprises qui fabriquent et importent ces substances à évaluer les produits et, éventuellement, à fournir la preuve de leur innocuité. Cependant des difficultés subsistent. L'objectif fixé par le règlement d'ajouter, d'ici à 2012, une centaine de produits à une liste de substances très préoccupantes n'est pas en bonne voie. En novembre 2010, seulement trente-huit substances étaient inscrites sur cette liste. Ce nombre est à comparer à celui des quelque 500 substances jugées très préoccupantes par les organisations non gouvernementales et les syndicats, dont pratiquement 200 causent des maladies professionnelles reconnues. Il paraît inquiétant que seules quelques dizaines de substances aient été présentées comme candidates à la liste de substances prioritaires.
Par ailleurs, le manque de moyens de l'Agence européenne des produits chimiques suscite de nombreux doutes quant à sa capacité de bien traiter toutes les demandes. Au regard de l'ampleur de la tâche, il apparaît d'ores et déjà que l'Agence, comme les États membres, manquera des ressources nécessaires, ce qui posera rapidement un vrai problème en ce qui concerne l'évaluation des dossiers, non sur leur forme, mais sur leur contenu.
Compte tenu de ces enjeux, le Parlement ne peut être privé de ses droits : il doit pouvoir débattre de ces questions. C'est pourquoi nous proposons la suppression de cet article.
J'émets un avis défavorable. Je ne suis pas certain qu'il soit judicieux d'encombrer le Parlement avec des sujets aussi techniques.
Par ailleurs, mes chers collègues, je vous invite à ne pas vous tromper de débat : cet amendement de suppression vise le manque de moyens de l'Agence européenne des produits chimiques et l'inscription sur la liste des substances préoccupantes. Certes, il s'agit de problèmes réels, mais ils doivent être débattus dans le cadre des organes de l'Union européenne. Cet après-midi, notre débat porte sur la mise en conformité du droit français avec les règles de l'Union, et non sur les moyens ou le mode de fonctionnement de l'Agence européenne.
Je suis tout à fait d'accord avec le rapporteur. Même si leurs compétences sont immenses, je ne sais pas combien de parlementaires sont techniquement aptes à discuter des normes chimiques d'étiquetage des produits cosmétiques. Ce qui est certain, c'est que ce sujet relève vraiment d'une ordonnance.
(L'amendement n° 5 n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 6 , visant à supprimer l'article 2 quater.
La parole est à M. Jean-Paul Chanteguet.
Je répète qu'il n'est pas acceptable que les politiques se fassent de plus en plus par ordonnances.
C'est pourquoi cet amendement vise à supprimer l'article 2 quater. En effet, ce dernier reprend l'article 10 du projet de loi NOME, qui habilitait le Gouvernement à prendre par voie d'ordonnances les dispositions nécessaires à la transposition du paquet « énergie ». Or cet article avait été supprimé en première lecture du projet de loi NOME par la commission des affaires économiques, à la demande de son président de l'époque, M. Patrick Ollier, et du rapporteur, M. Jean-Claude Lenoir, ainsi que par des amendements du groupe socialiste et du groupe Nouveau Centre. Le président de la commission avait alors considéré que « le Gouvernement avait le temps de déposer un texte spécifique ». Il avait ajouté : « Il peut toujours le faire. Le Parlement doit pouvoir appréhender toutes les conditions de la transposition et mener un dialogue républicain avec le Gouvernement. »
Notre avis est défavorable car, cette fois, il y a véritablement urgence.
De plus, comme nous l'avions demandé en commission, le Gouvernement a immédiatement transmis le projet d'ordonnance.
Enfin, en accord avec le président de la commission du développement durable, M. Serge Grouard, et avec le président de la commission des affaires économiques, M. Serge Poignant, l'audition d'Éric Besson, dont je salue l'arrivée en séance, a été organisée en commission des affaires économiques. Le ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique a donc pu, lui aussi, apporter des garanties.
La parole est à M. Éric Besson, ministre chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique, pour donner l'avis du Gouvernement.
Pour les mêmes raisons que celles que vient de présenter très clairement M. le rapporteur, le Gouvernement est défavorable à la suppression de l'article.
(L'amendement n° 6 n'est pas adopté.)
Cet amendement, dont je salue l'initiative, qui revient à François-Michel Gonnot, a été adopté par la commission du développement durable. Il tend à mettre en cohérence le périmètre visé à l'article 2 quater avec les dispositions retenues par l'État en matière de dissociation des gestionnaires de réseau de distribution, en substituant au mot : « habitants », le mot : « clients ».
(L'amendement n° 82 , accepté par le Gouvernement, est adopté.)
(L'article 2 quater, amendé, est adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 7 , tendant à supprimer l'article 3.
La parole est à M. Jean-Paul Chanteguet.
Nous contestons le choix qui a été fait par le Gouvernement d'une transposition sectorielle de la directive « services ». C'est pourquoi nous proposons la suppression de l'article.
Je rappelle que la profession de géomètre-expert est régie par une loi remontant à 1946 et doit obéir à un certain nombre d'exigences liées à la directive « services ». Plusieurs de ces mesures se retrouvaient, du reste, dans l'article 85 de la proposition de loi de simplification et d'amélioration de la qualité du droit, dite « proposition de loi Warsmann », qui a été adoptée par l'Assemblée nationale.
La réglementation relative aux géomètres-experts comprend en effet certaines dispositions présentant un caractère discriminatoire, dont le maintien fragiliserait la France en cas de contentieux devant le juge européen.
Avis défavorable à la suppression de l'article.
Même avis.
(L'amendement n° 7 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.)
L'article 4 tend à dissocier les qualités que l'on doit avoir pour être professeur d'auto-école et les qualités de gestion administrative, technique et financière requises pour être gestionnaire d'une auto-école. Avis défavorable.
La profession d'expert en automobile, régie par une loi de 1972, requiert la possession d'un diplôme d'État délivré par le ministre chargé de l'éducation nationale. Afin de remédier à un certain nombre de difficultés, l'article 5 supprime l'obligation administrative du passage devant la CNEA et confie la gestion de la liste nationale au ministre chargé des transports. Il clarifie également la procédure disciplinaire en supprimant la mention d'un pouvoir disciplinaire de la CNEA et en lui confiant un rôle consultatif et il garantit l'indépendance des experts. Avis défavorable.
(L'amendement n° 9 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Sur l'article 7, je suis saisi de quatre amendements rédactionnels, nos 43 rectifié, 44, 45 et 46, de M. Saddier.
(Les amendements nos 43 rectifié , 44 , 45 et 46 , acceptés par le Gouvernement, sont successivement adoptés.)
(L'article 7, amendé, est adopté.)
Sur l'article 7, je suis saisi de cinq amendements rédactionnels, nos 47, 48, 49, 50 et 61.
La parole est à M. le rapporteur.
Il s'agit en effet d'amendements rédactionnels, parmi lesquels l'amendement n° 61 allège la rédaction de l'alinéa en ne distinguant pas des normes particulières au sein du droit européen.
(Les amendements nos 47 , 48 , 49 , 50 et 61 , acceptés par le Gouvernement, sont successivement adoptés.)
(L'article 7 bis, amendé, est adopté.)
Sur l'article 9, je suis saisi de quatre amendements rédactionnels, nos 25, 26, 27 et 28, présentés par M. Saddier.
(Les amendements nos 25 , 26 , 27 et 28 , acceptés par le Gouvernement, sont successivement adoptés.)
(L'article 9, amendé, est adopté.)
(M. Jean-Christophe Lagarde remplace M. Bernard Accoyer au fauteuil de la présidence.)
Je suis saisi d'un amendement n° 10 , tendant à supprimer l'article 10.
La parole est à M. Jean-Paul Chanteguet.
L'article 10 vise à transposer strictement la directive « services » dans le domaine du transport aérien. Je rappelle que la date limite de transposition était fixée au 28 décembre 2009. Avis défavorable.
(L'amendement n° 10 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 11 , tendant à supprimer l'article 11.
La parole est à M. Jean-Paul Chanteguet.
L'article 11 a trait à la procédure permettant aux exploitants d'aérodromes civils de confier à différents services des missions de sauvetage et de lutte contre les incendies d'aéronefs et de prévention du péril animalier ; il apporte, à ce propos, une précision terminologique, puisqu'il étend la lutte contre le péril « aviaire » au péril « animalier ». Par ailleurs, cet article supprime la condition d'agrément de l'organisme auquel ces missions peuvent être confiées et prévoit que les contrôles auquel il est soumis seront définis par décret. Or nous craignons qu'une telle disposition ne favorise l'externalisation, donc la privatisation, des activités liées à la sécurité des aérodromes. C'est pourquoi nous proposons de la supprimer.
Sur la forme, il était, là encore, urgent de transposer cette disposition dans notre droit interne. Sur le fond, il s'agit d'un changement de terminologie – « aviaire » étant remplacé par « animalier » – et du remplacement d'un agrément par une liste de conditions fixées par décret, ce qui apporte une certaine souplesse dans la gestion de la crise. Avis défavorable.
(L'amendement n° 11 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.)
(L'article 11 est adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 12 , tendant à supprimer l'article 12.
La parole est à M. Jean-Paul Chanteguet.
Tout d'abord, la date d'entrée en vigueur de ce règlement relatif à l'aviation civile est fixée au 30 avril 2010. Ensuite, le droit français contraire est déjà caduc, et il faut en tirer les conséquences formelles. Enfin, ainsi que je l'ai indiqué, le recours à une ordonnance est, en l'espèce, pleinement justifié, non par l'urgence, mais par le caractère fastidieux de la tâche. D'où, d'ailleurs, le délai important de l'habilitation. Avis défavorable.
(L'amendement n° 12 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 13 , tendant à supprimer l'article 13.
La parole est à M. Jean-Paul Chanteguet.
La transposition du paquet « Erika iii » est une oeuvre massive. Je prends note de l'engagement du ministre, qui nous a indiqué tout à l'heure que l'ordonnance était dans les tuyaux. Nous disposerons donc du projet.
Les dates limite de transposition sont comprises entre le 30 novembre 2010 et le 17 juin 2011, mais il y a une volonté de ne pas saucissonner l'ensemble en plusieurs petits textes.
Je rappelle, pour information, que, dans ce domaine, une habilitation a déjà été votée par le Sénat à l'unanimité.
Avis défavorable à la suppression de l'article.
(L'amendement n° 13 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 14 , tendant à supprimer l'article 14.
L'article 14 vise, non pas à légiférer, mais à donner force de droit à un accord professionnel international. L'une des spécificités du monde maritime tient au fait que le code du travail y est issu d'un accord interprofessionnel. Les procédures seront longues à mettre en oeuvre sur le terrain ; mieux vaut prendre de l'avance. Là encore, je rappelle que l'habilitation a été votée à l'unanimité par le Sénat.
Avis défavorable.
(L'amendement n° 14 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Cet amendement apporte une précision anecdotique. Même s'il est toujours plaisant d'être dénommé « jeune », ce terme ne désigne aucune catégorie juridique précisément identifiée. L'amendement vise donc à lui substituer l'expression « marins de moins de dix-huit ans ».
Avis favorable. La jeunesse étant éternelle, je préfère la définition proposée par le rapporteur.
(L'amendement n° 39 est adopté.)
Il s'agit d'un amendement rédactionnel. L'habilitation permet à l'ordonnance de prévoir également des sanctions de nature administrative.
(L'amendement n° 40 , accepté par le Gouvernement, est adopté.)
(L'article 14, amendé, est adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 15 , tendant à supprimer l'article 15.
La parole est à M. Jean-Paul Chanteguet.
L'article 15 autorise la transposition par ordonnance de la directive sur les redevances aéroportuaires. À ce sujet, je veux me faire l'écho des regrets exprimés par deux de nos collègues sénateurs. Bruno Sido déplore que le Gouvernement n'ait pas été en mesure de proposer au Parlement un texte de transposition alors que cette directive a été adoptée il y a dix-huit mois. Quant à Roland Ries, il estime qu'un projet de loi de transposition aurait dû être débattu au Parlement, afin d'évoquer notamment la suppression des distorsions de concurrence entre les plateformes d'un même bassin.
Comme Bruno Sido et Roland Ries, nous regrettons que la transposition de cette directive ne fasse pas l'objet d'un projet de loi. C'est pourquoi nous proposons la suppression de l'article 15.
Là encore, je ne suis pas insensible à vos propos, mon cher collègue. Dans son intervention liminaire, le président de la commission a lui-même insisté sur ce point. Toutefois, je vous rappelle que la date limite pour la transposition est fixée au 15 mars 2011. La France pourrait donc courir à très court terme le risque important de se voir infliger des pénalités. Si j'ai pu être parfois sévère pour le texte, je reconnais qu'en l'espèce, il s'agit de dispositions très techniques, qui seraient soumises à peu de modifications au cours d'un débat législatif. Avis défavorable.
J'ajoute que la transposition de cette directive en droit national aura lieu dans le cadre d'une consultation des compagnies aériennes et des aéroports. Avis défavorable.
(L'amendement n° 15 n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 17 .
La parole est à M. Charles de La Verpillière.
Je présente cet amendement au nom de notre collègue Roland Blum, empêché.
Pour éviter de mettre en difficulté certaines communes ou syndicats mixtes, nous proposons d'allonger les délais qui leur sont laissés pour mettre les plans locaux d'urbanisme et les schémas de cohérence territoriale en conformité avec la loi Grenelle 2. Cette disposition est très attendue par nos collègues maires et présidents d'un établissement public de coopération intercommunale.
Monsieur le président, en même temps que je donnerai l'avis de la commission, je présenterai les amendements nos 77 à 80 .
C'est d'autant plus justifié que l'adoption de l'amendement n° 17 ferait tomber tous les autres amendements à cet article.
Nous abordons un sujet complexe.
Monsieur de La Verpillière, je suis très sensible à vos arguments. Toutefois, la commission, avec un certain nombre de collègues et en accord, je pense, avec le Gouvernement, a déposé ces cinq amendements qui me semblent utiles et autour desquels nous pourrions, je crois, nous retrouver.
L'objectif de l'article 17, ajouté par le Sénat, est d'arrêter les mesures transitoires du Grenelle 2 de l'environnement en matière d'urbanisme.
La commission en a discuté. De l'année 2000 – date de la loi SRU, dont chacun comprendra pourquoi je la mentionne – jusqu'au Grenelle 2, nous nous sommes préoccupés de densification et d'économie des terres agricoles, d'un meilleur respect de l'environnement, des trames bleue et verte, des zones humides. Nous nous sommes également souciés de répondre à l'une des préoccupations de nos concitoyens : mieux se loger. Tous les gouvernements ont ainsi régulièrement modifié le code de l'urbanisme et légiféré en la matière.
Ce qui pose aujourd'hui problème aux élus locaux, c'est que des textes sont votés tous les deux ans, quand il en faut sept, huit, voire dix pour établir un SCOT, quand des périodes de trois à quatre ans sont nécessaires pour mettre en conformité les PLU. Chaque fois que les élus locaux décident de modifier leur PLU ou leur SCOT, ils doivent à mi-parcours – et quelquefois avant – changer de méthode, apporter des compléments, voire repartir à zéro.
Sur tous les bancs de l'hémicycle, on reconnaît, je crois, que ce n'est pas supportable. C'est pour cela que M. Boënnec a mis en avant, lors de la réunion de la commission, des points qui avaient été laissés de côté. J'ai aussi mis en évidence un certain nombre de difficultés causées par la rédaction du Sénat.
Les deux dernières semaines ont permis de parvenir à un consensus autour de cette série d'amendements cosignés par M. Boënnec, Mme Labrette-Ménager et moi-même. J'espère que le Gouvernement les regardera d'un oeil bienveillant.
Ces amendements rétablissent d'abord la date du 13 janvier 2011 pour l'entrée en vigueur du Grenelle 2 ; je vous rappelle que le texte actuel prévoit une entrée en vigueur six mois après la promulgation de la loi.
Ils prévoient également une dérogation pour les SCOT et pour les PLU approuvés avant le 1er juillet 2013 et dont le projet aura été arrêté avant le 1er juillet 2012. Les PLU et SCOT existants, ainsi que ceux en cours d'approbation ou de révision qui n'auraient pas choisi d'appliquer les nouvelles dispositions demeureraient applicables, mais ils devraient intégrer les nouvelles dispositions avant le 1er janvier 2016.
Nous avons, vous en conviendrez, travaillé dans un temps très court ; j'espère que nous avons atteint un équilibre entre la souplesse nécessaire aux élus locaux et l'ambition du Grenelle de l'environnement. Cet amendement répond, je crois, aux préoccupations principales des élus locaux, aussi bien pour les SCOT que pour les PLU.
Compte tenu de ce consensus, si nos collègues signataires de l'amendement n° 17 voulaient bien le retirer et se rallier à ceux-ci, nous aurions réalisé une véritable avancée pour les SCOT et les PLU en cours avant la date butoir d'application définitive – il en faut bien une – du Grenelle 2.
Nous avons longuement débattu de cet amendement en commission. Ces discussions étaient d'ailleurs totalement justifiées, car beaucoup d'élus locaux sont un peu déboussolés par les modifications des délais et la multiplication des textes.
J'approuve les propos du rapporteur, et je salue son travail, qui a permis de rapprocher les positions des parlementaires qui relayent les préoccupations des maires et les nécessités législatives. Ce compromis me semble satisfaisant, et je crois que M. de La Verpillière sera satisfait des amendements présentés par M. Boënnec et le rapporteur.
À défaut du retrait de l'amendement n° 17 , j'émettrai sur celui-ci un avis défavorable. Mais je précise à l'avance que je donnerai un avis favorable aux amendements de M. Boënnec qui, encore une fois, me semblent apporter une solution satisfaisante au problème qui vous préoccupe.
Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, nouvelle ministre de l'environnement, a répondu à une question orale sur ce sujet le 16 novembre dernier au Sénat en indiquant qu'il fallait, compte tenu de l'importance de la réforme, soulager les collectivités locales qui jouaient le jeu et qui s'engageaient dans un SCOT ou dans un PLU, en leur accordant un délai de dix-huit mois pour achever les procédures en cours – le rapporteur l'a très bien dit, ce sont des procédures longues et coûteuses – et en leur accordant un délai de six ans pour appliquer l'ensemble des dispositions de l'article 19 du Grenelle 2.
C'est le bon sens même.
Mes amendements reprennent l'esprit de celui présenté au Sénat par le sénateur Daniel Raoul, qui a le mérite d'ouvrir le débat même si, reconnaissons-le, il fait un peu figure de cavalier dans ce texte. Je remercie d'ailleurs l'ensemble de mes collègues qui m'ont appuyé en commission, notamment Michel Piron, spécialiste en matière d'urbanisme, et Yanick Paternotte, ainsi que le groupe SRC qui a, je crois, voté cet amendement même si le compte rendu de la séance de la commission indique qu'il s'est abstenu.
En tout cas, l'amendement que j'avais déposé en commission avec Fabienne Labrette-Ménager a été repris. Je remercie le Gouvernement et le rapporteur, qui ont travaillé d'arrache-pied ces derniers jours puisque les délais étaient très courts. Le Gouvernement a su nous écouter et rechercher la meilleure des solutions, qui ne lèse pas la démarche du sénateur Daniel Raoul et de notre collègue Jacques Remiller, mais qui recherche le consensus.
Il s'agit de desserrer l'étau pour les collectivités locales, en leur donnant un peu de temps, sans obérer la loi Grenelle 2. Il s'agit aussi, disons-le, de soulager les budgets des collectivités locales : ces procédures, nous le savons tous, coûtent fort cher.
Le mieux serait donc, je crois, que nos collègues retirent leur amendement afin que les amendements nos 77 à 80 puissent être adoptés.
J'ai déjà indiqué que nous étions favorables à l'allongement des délais pour l'application des articles 17 et 19 de la loi Grenelle 2. On voit bien que les communes et les EPCI risquent de rencontrer de véritables difficultés.
Monsieur Boënnec, je ne sais pas ce qui a été indiqué dans le compte rendu, mais nous avons effectivement voté en faveur de l'amendement que vous avez présenté en commission.
Monsieur le rapporteur, je voudrais toutefois vous poser quelques questions précises, car nous n'avons pas eu le temps de nous pencher sur vos amendements.
Pour les SCOT et les PLU approuvés avant le 13 janvier 2011, quel sera le délai de prise en compte de l'article 19 du Grenelle 2 ?
Quant à ceux encore en cours de révision ou d'élaboration au 13 janvier 2011, de quel délai disposera-t-on pour conduire à leur terme les procédures de révision ou d'élaboration ?
Monsieur le rapporteur, vos amendements intègrent-ils les dispositions prévues par mon amendement n° 18 , portant sur la reprise des SCOT qui seraient annulés par une décision de justice ?
Monsieur Chanteguet, nous proposons que les SCOT et les PLU en cours d'élaboration ou de révision approuvés avant le 1er juillet 2013, dont le projet a été arrêté avant le 1er juillet 2012, puissent appliquer ou non les nouvelles dispositions.
Ceux qui ne les auraient pas appliquées devront le faire lors de leur prochaine révision et au plus tard le 1er janvier 2016.
Monsieur Fidelin, l'amendement n° 77 n'est pas incompatible avec la discussion que nous aurons par la suite sur votre amendement.
Monsieur de La Verpillière, souhaitez-vous maintenir votre amendement ?
Je constate que les préoccupations à l'origine de cet amendement déposé par notre collègue Roland Blum sont très largement partagées sur tous les bancs : compte tenu des assurances de M. Boënnec, de M. le rapporteur et bien sûr du Gouvernement, je retire l'amendement.
(L'amendement n° 17 est retiré.)
Je viens de le défendre : il rétablit au 13 janvier 2011 la date d'entrée en vigueur du Grenelle 2 pour les PLU.
Monsieur Fidelin, je vous réponds à propos de l'amendement n° 18 . Les SCOT sont des procédures administratives extrêmement lourdes et très longues ; qui demandent un engagement politique, au sens noble du terme, d'élus de tous bords. Élaborer un SCOT dure dix ans et coûte énormément d'argent ; si des communes se retirent ou au contraire le rejoignent, c'est plus complexe encore. Votre amendement soulève le problème de procédures qui, déférées devant des tribunaux administratifs une fois arrivées à leur terme, sont cassées uniquement pour des raisons de forme.
Il y a, là aussi, pour certaines procédures, un délai très court, notamment entre le 24 décembre et la date d'entrée en vigueur du Grenelle 2 de l'environnement, le 13 janvier. À titre personnel, je suis favorable à ce que, pendant cette période, l'on ne soit pas contraint, lorsqu'il s'agit uniquement d'un vice de forme, de réengager la totalité de la procédure, qui représente dix ans de travail et des sommes colossales. Il ne faudrait pas remettre en cause l'engagement politique d'hommes et de femmes de tous bords, car cela reviendrait à sanctionner les élus qui ont, les premiers, donné l'exemple en se lançant dans des démarches intercommunales à travers les SCOT. Nous sommes nombreux, dans cet hémicycle, à être des élus locaux et nous savons à quel point la démarche est difficile.
La punition serait sévère pour ceux qui resteront, qui auront été les bons élèves et les premiers à mettre en oeuvre les SCOT.
Favorable.
(L'amendement n° 77 est adopté.)
Je constate que le vote est acquis à l'unanimité.
Je suis saisi d'un amendement n° 78 .
La parole est à M. le rapporteur.
Cet amendement fixe les dates en deçà desquelles les SCOT pourront encore opter pour les dispositions antérieures au Grenelle 2.
Favorable.
(L'amendement n° 78 est adopté.)
Le vote est également acquis à l'unanimité.
Nous en venons à l'amendement n° 18 .
La parole est à M. Daniel Fidelin.
Je remercie le rapporteur d'avoir déjà fait part de son sentiment sur mon amendement.
Il a pour objectif de permettre aux EPIC de corriger dans un SCOT les dispositions qui ont provoqué son annulation pour vice de forme ou de procédure et, après enquête publique, de l'approuver de nouveau. À titre d'exemple – et ce pourrait être le cas dans de nombreux domaines – une directive européenne transposée de manière incomplète a provoqué une annulation.
Comme vous l'avez dit, monsieur le rapporteur, cet amendement de bon sens vise à éviter de reprendre à zéro toute la procédure, et ce pour plusieurs années. Il permettra aux communes de rendre leur PLU compatible avec les SCOT et la DTA. Il évitera également à l'État et aux collectivités de subir de lourdes conséquences financières.
Je m'en suis déjà expliqué tout à l'heure. Mais j'insiste, notamment pour le compte rendu et pour les lecteurs extérieurs à cet hémicycle, sur le fait qu'il s'agit d'un amendement de bon sens. Personne, dans notre assemblée, n'entend remettre en cause une décision d'annulation qui serait fondée sur les dispositions de fond d'un document de type SCOT. Nous parlons bien d'un vice de forme. Enfin, il s'agit d'une exception qui fait l'objet d'un délai très court, a priori du 24 décembre au 13 janvier, date d'entrée en vigueur du Grenelle 2 de l'environnement.
Pour ces raisons, j'émets un avis favorable.
Au départ, j'étais défavorable à cet amendement. Mais compte tenu des explications du rapporteur, je m'en remets à la sagesse de l'Assemblée.
(L'amendement n° 18 est adopté.)
Cet amendement est à nouveau adopté à l'unanimité. Comme quoi la sagesse fait des progrès !
La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement n° 79 .
Nous en venons enfin à l'amendement n° 81 .
La parole est à M. Martial Saddier.
Il s'agit d'un amendement rédactionnel qui tient compte de l'intégration de la LOTI dans le code des transports.
Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.
(L'ensemble de la proposition de loi est adopté.)
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi organique relatif à l'élection des députés nos 1887, 3025), du projet de loi ratifiant l'ordonnance n° 2009-936 du 29 juillet 2009 relative à l'élection de députés par les Français établis hors de France (nos 1894, 3026) et de la proposition de loi portant simplification de dispositions du code électoral et relative à la transparence financière de la vie politique (nos 2562, 3027).
La Conférence des présidents a décidé que ces trois textes donneraient lieu à une discussion générale commune.
La parole est à M. Philippe Richert, ministre chargé des collectivités territoriales.
Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, en matière électorale, le législateur a toujours procédé par touches successives, améliorant, adaptant, mettant en cohérence, comblant parfois des lacunes. Le régime juridique qui régit la vie politique de notre pays est donc le fruit d'une construction progressive, qui doit être périodiquement revisitée.
C'est ce qu'il vous est proposé de faire aujourd'hui à travers trois textes qui, tout en vous concernant directement, représentent une avancée importante pour notre démocratie et son fonctionnement : un projet de loi organique sur l'élection des députés ; un projet de loi ratifiant une ordonnance sur l'élection des députés par les Français établis hors de France ; une proposition de loi sur la transparence financière de la vie politique.
Ces textes traitent, d'une part, de l'élection des députés, notamment pour les Français établis hors de France mais pas seulement, et, d'autre part, de la transparence financière de la vie politique.
Le premier des sujets abordés par ces textes est l'élection des députés.
Avec la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, nous avons voulu notamment que les Français établis hors de France puissent être, conformément à l'engagement pris par le Président de la République pendant sa campagne, représentés à l'Assemblée nationale comme ils le sont aujourd'hui au Sénat : la nouvelle rédaction de l'article 24 de la Constitution le précise.
Cette révision constitutionnelle, qui prendra effet lors du prochain renouvellement général de l'Assemblée nationale, c'est-à-dire en juin 2012, exige que soient prises au préalable plusieurs dispositions législatives.
La loi du 13 janvier 2009 a autorisé le Gouvernement à prendre par ordonnances, outre les dispositions relatives à la délimitation des circonscriptions, celles plus particulièrement nécessaires à l'élection des députés élus par les Français établis hors de France.
Ces députés représenteront, à l'instar de ceux élus dans les départements ou dans les collectivités d'outre-mer, l'intégralité de la nation. C'est pourquoi le régime électoral de droit commun, et notamment l'élection au scrutin uninominal majoritaire à deux tours, leur a été rendu pour l'essentiel applicable par l'article 3 de cette loi.
Néanmoins, il s'agit d'un corps électoral résidant à l'étranger, et donc d'une campagne se déroulant hors de nos frontières. Certaines adaptations liées aux caractéristiques particulières de l'élection étaient donc nécessaires. C'est l'objet de l'ordonnance du 29 juillet 2009 dont il vous est proposé la ratification.
De manière très simple, l'article 1er de cette ordonnance rend applicable une grande partie des dispositions de droit commun du code électoral, en adapte d'autres et en introduit de nouvelles.
Sont ainsi créés onze articles portant sur la tenue et la révision des listes électorales consulaires, les comptes de campagne, l'organisation des lieux de vote, la diffusion de la propagande officielle des candidats, etc. Il s'agit pour l'essentiel de dispositions reprises des règles applicables aux autres scrutins organisés à l'étranger, notamment l'élection du Président de la République et le référendum.
Quelques règles spécifiques sont toutefois introduites : déclarations de candidature à Paris et ouverture des comptes de campagne en France ; deux semaines entre le premier et le second tour de scrutin, comme aujourd'hui pour les élections législatives en Polynésie française, avec vote anticipé le samedi dans les deux circonscriptions d'Amérique ; possibilité de voter, dans des conditions qui seront définies par décret en Conseil d'État, par correspondance et par voie électronique, comme pour l'élection des membres de l'Assemblée des Français de l'étranger et afin de faciliter la participation des électeurs au scrutin. Le contenu précis de ces règles particulières est détaillé dans le « Rapport au Président de la République » qui accompagne l'ordonnance.
Le second projet de loi, organique celui-ci, relatif à l'élection des députés, complète l'ordonnance et définit les conditions d'éligibilité, mais aussi les règles d'inéligibilité et d'incompatibilité spécifiques, auxquelles la Constitution confère le caractère organique, qui s'appliqueront à ces nouveaux parlementaires.
Mais ce projet de loi organique va au-delà : il rénove et actualise également le régime de droit commun de l'élection des députés. Il était en effet nécessaire de moderniser le régime électoral applicable à l'ensemble des députés.
Il s'agit en particulier d'harmoniser ce régime avec celui des élections locales et de prendre en compte les changements de périmètre ou de dénomination concernant les fonctions susceptibles de conduire à des inéligibilités ou des incompatibilités. Il s'agit aussi de tenir compte des observations du Conseil constitutionnel à la suite des échéances électorales de 2007.
L'article 1er du projet de loi organique ramène d'abord à dix-huit ans l'âge minimal pour la candidature à la députation. Il propose de modifier les règles d'inéligibilité et de mettre à jour, notamment, la liste des fonctions publiques et électives assorties de l'inéligibilité : celles-ci, même si elles ont souvent été modifiées ou complétées, n'avaient jamais fait l'objet d'un réexamen global depuis 1958.
Cet article 1er a été complété en commission des lois par des dispositions qui prévoient des sanctions en cas de fausses déclarations de patrimoine et instaurent un droit à la transmission de certaines déclarations fiscales. Nous aurons certainement l'occasion d'y revenir au cours des débats.
L'article 2 étend aux candidats aux élections législatives le dispositif de la possibilité pour le juge constitutionnel de retenir la « bonne foi » dans l'examen des comptes de campagne des candidats, qui existe déjà pour les élections locales en vertu de l'article L. 118-3 du code électoral. Il s'agit d'une recommandation du rapport rendu par Pierre Mazeaud, reprenant lui-même les observations du Conseil constitutionnel.
Les articles 3 à 4 sont des adaptations plus ponctuelles de certaines règles organiques comme la « purge » de l'incompatibilité liée au cumul de plusieurs mandats, privilégiant la perte du mandat local le plus ancien, ou encore la simplification de la contestation du refus d'enregistrement d'une candidature par le préfet.
Les articles 5 à 9 procèdent à des adaptations pour l'élection des députés des Français établis hors de France, qu'il s'agisse des règles relatives au contentieux de l'élection, aux inéligibilités les concernant et aux listes des électeurs qui pourront y participer : il est en particulier prévu à l'article 9 qu'un Français établi à l'étranger pourra toujours être inscrit sur une liste électorale d'une commune en France, mais qu'il pourra choisir de voter à l'étranger pour l'élection présidentielle et les élections législatives, ce droit d'option étant commun aux deux élections et s'exerçant chaque année.
Les articles suivants, enfin, procèdent à des adaptations mineures pour tenir compte des dispositions qui précèdent et ils précisent la date d'entrée en vigueur de celles-ci.
Avant d'aborder la proposition de loi sur la transparence financière de la vie politique, je souhaite insister sur le fait que ces deux premiers textes du Gouvernement, le projet de loi organique et le projet de loi de ratification, sont indispensables à l'organisation des élections législatives de 2012. Ils devront donc être promulgués avant la fin du premier semestre 2011 afin que les candidats puissent se préparer aux adaptations que vous aurez introduites.
Le second sujet abordé par ces textes, tout particulièrement par la proposition de loi du président Warsmann et du rapporteur Charles de La Verpillière – je les salue tous deux – est la transparence financière de la vie politique.
Monsieur le président Warsmann, vous avez souhaité, avec M. Charles de La Verpillière, adjoindre aux textes du Gouvernement l'examen d'un troisième texte qui, tout en simplifiant l'organisation des campagnes électorales, est relatif à la transparence financière de la vie politique.
La réglementation actuelle a permis une avancée importante pour la transparence de la vie politique. La France a mis en place, à partir de 1988, une législation sur le financement des campagnes électorales et des partis politiques : la première grande loi en la matière – la loi du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique – a fait l'objet, ensuite, de nombreuses modifications en 1990, 1993, 1995, 1996 et 2003.
Avec ce renforcement du régime électoral, nous avons permis des avancées considérables pour notre démocratie : notamment le plafonnement des dépenses électorales, l'interdiction du financement des campagnes électorales par les entreprises, la création d'autorités de contrôle, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques et la Commission pour la transparence financière de la vie publique, ainsi que l'introduction d'une sanction d'inéligibilité au caractère dissuasif.
Ces règles ont indéniablement atteint leur but au regard des réglementations étrangères comparables. C'est ce que le Conseil de l'Europe a reconnu, en 2009, dans son rapport consacré à l'évaluation de cette réglementation, rapport indiquant que notre pays été doté d'une législation complète et rigoureuse. Ces avancées ont permis au financement de la vie politique française de progresser en transparence et à la compétition électorale de gagner en équité. Mais cette réglementation électorale est aussi la résultante d'une stratification progressive qui nécessite d'être consolidée. Vingt ans après, il convient effectivement de se demander si ce régime est toujours autant adapté aux réalités des campagnes électorales, qu'il s'agisse des élections législatives ou des élections locales. Vous le savez, le Conseil constitutionnel a plusieurs fois prononcé l'inéligibilité de candidats dont le compte de campagne avait été rejeté par la Commission nationale de contrôle. Ces décisions ont été l'occasion de débattre sur les qualités et les défauts de cette réglementation, non pas en la remettant en cause, mais davantage en envisageant de simplifier et de clarifier certaines de ses dispositions et de consolider l'ensemble. En effet, la cohérence de cette législation n'est pas toujours évidente. Il suffit de penser, par exemple, à l'absence de transposition du régime de la bonne foi pour les élections législatives que je viens d'évoquer. Il convient donc de s'interroger sur l'ensemble de cette réglementation et d'examiner comment certaines ambiguïtés peuvent être levées, de se demander si certaines formalités ne doivent pas être précisées et si des rédactions ne sont pas à harmoniser. C'était déjà le sens de la démarche du président de votre assemblée, M. Bernard Accoyer, lorsqu'il a demandé en juin 2008 à M. Pierre Mazeaud, ancien président du Conseil constitutionnel, de réfléchir sur les réformes à apporter à la législation sur le financement des campagnes électorales pour les élections législatives.
Le rapport du groupe de travail qu'il a réuni contient des propositions portant spécifiquement sur les élections législatives ou, plus généralement, sur l'ensemble des campagnes électorales, qui inspirent directement certaines des mesures contenues dans la proposition de loi adoptée de façon consensuelle par votre commission des lois. C'est également ce qu'ont fait la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques et la Commission pour la transparence financière de la vie publique en énonçant toutes deux, dans leurs rapports annuels les plus récents, plusieurs recommandations destinées à améliorer la législation et la réglementation relatives à la transparence des financements politiques. C'est encore ce que vient de faire le groupe de travail pluraliste constitué au sein de la commission des lois du Sénat sur le droit des campagnes électorales, dont le rapport d'information, adopté par la commission mercredi dernier, contient plusieurs propositions destinées « à moderniser le droit des campagnes électorales, simplifier la vie des acteurs des campagnes et adapter les sanctions électorales ». C'est aussi la raison pour laquelle le Gouvernement a lancé, depuis plusieurs mois, une démarche d'amélioration de la transparence financière de la vie politique. Comme vous le savez, le Président de la République a chargé M. Jean-Marc Sauvé, vice-président du Conseil d'État, de présider une commission de réflexion sur les conflits d'intérêts, commission qui devrait rendre ses conclusions au cours du mois de janvier 2011. Votre assemblée s'est également saisie de ces sujets en créant un groupe de travail sur la prévention des conflits d'intérêts.
Notre objectif à tous, c'est de moderniser et de tendre toujours davantage vers une représentation démocratique dans laquelle les citoyens puissent avoir pleine et entière confiance. Votre proposition de loi s'inscrit donc en adéquation avec la démarche d'amélioration de la transparence financière de la vie politique souhaitée par le Gouvernement. Elle propose la mise en place de mesures techniques, pragmatiques et efficaces. Certaines sont la transposition de recommandations émises dans leurs rapports respectifs par la Commission pour la transparence financière de la vie politique et par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques ; d'autres sont le fruit des réflexions de votre rapporteur. Votre commission a, par exemple, proposé un système d'actualisation annuelle du montant maximal des dons aux candidats et aux partis politiques, comme c'est le cas pour les plafonds des dépenses électorales. Ce mécanisme permettra de prendre en compte l'évolution de l'inflation, ce qui fait défaut aujourd'hui. Il est sans doute aussi nécessaire d'alléger la charge de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, et les obligations pesant sur les petits candidats,…
Cela n'existe pas, un petit candidat ! Ça peut très bien être un grand candidat !
…en excluant du champ de son contrôle les candidats ayant rassemblé moins de 1 % des suffrages et qui n'ont pas reçu le moindre don.
D'autres dispositions suscitent le débat, si on en juge les amendements déposés, notamment sur les moyens à retenir pour améliorer l'efficacité du travail de la Commission pour la transparence financière de la vie politique et lui permettre de mieux exercer ses missions. D'autres encore peuvent sembler à première vue des avancées spectaculaires en matière de financement de la vie politique, mais sont le plus souvent de mauvaises réponses à d'authentiques problèmes. Je pense par exemple à l'amendement de M. Dosière, peu suivi semble-t-il par le groupe socialiste, qui entend interdire à tout titulaire d'un mandat national également titulaire d'un mandat local de recevoir la moindre indemnité correspondant à son travail d'élu de terrain.
Le Gouvernement aborde donc l'examen de ces dispositions avec un esprit ouvert, constructif et pragmatique. Il considère que le texte qui est examiné, issu des travaux de votre commission des lois, est une bonne base de départ pour engager le débat sur des questions essentielles pour notre démocratie. Il aurait cependant préféré connaître au préalable les propositions de la commission Sauvé sur les conflits d'intérêts, propositions qui devraient être de nature à prévenir ou à dénouer les situations de conflit dans lesquelles peuvent se trouver, notamment, les membres du Gouvernement, mais aussi les chefs des entreprises publiques les plus importantes, ce qui rejoint l'objet de certaines des mesures proposées aujourd'hui. Mais puisque le débat s'engage et même si, à mon sens, nous ne disposons pas de tous les éléments pour le mener, je souhaite qu'il soit de qualité et qu'il laisse des marges d'adaptation. Nous pourrons ainsi, lorsque les travaux des groupes de travail parlementaires et ceux de la commission Sauvé seront achevés, en tenir compte et, si besoin, compléter les dispositions de ce texte lors de son examen au Sénat et, en seconde lecture, dans votre assemblée.
C'est donc, mesdames et messieurs les députés, dans cet esprit constructif que je souhaite que nous abordions ces débats. Je sais, à titre personnel, pouvoir compter sur l'appui du travail des membres de votre assemblée lorsque cela s'avère nécessaire pour dépasser les querelles du moment.
Je dirai un dernier mot sur la simplification et la modernisation du code électoral. Il est aujourd'hui absolument nécessaire d'entreprendre la recodification de l'actuel code électoral, qui date de 1964. Sa lisibilité s'est fortement dégradée au fil du temps, à tel point que le Conseil d'État a évoqué publiquement la nécessité d'une « refonte complète à court terme ». Le Conseil constitutionnel a, pour sa part, appelé l'attention des pouvoirs publics sur cette question de façon répétée depuis une quinzaine d'années. Il est donc nécessaire de renforcer la sécurité juridique de la loi électorale, notamment pour éviter les risques que peut entraîner pour les candidats un code illisible. Le Gouvernement a par conséquent entamé une opération de recodification en lien avec la Commission supérieure de codification, laquelle a constamment veillé à associer à ses travaux des parlementaires et des fonctionnaires des deux assemblées. Le futur code électoral devrait comprendre globalement 850 articles de nature législative, dont 200 articles environ de valeur organique. Ces derniers sont relatifs en particulier à l'élection du Président de la République, des députés et des sénateurs, ainsi que des membres des assemblées propres à l'outre-mer. Il importe aujourd'hui de rechercher les moyens de donner rapidement une traduction législative au travail considérable déjà largement engagé en ce sens pour harmoniser et simplifier les différents régimes électoraux, et d'éviter ainsi que ce travail ne devienne obsolète à brève échéance. Dans ce but, vous serez prochainement saisis d'un projet de loi organique, et d'un projet de loi ordinaire pour les dispositions qui ne peuvent être harmonisées à droit strictement constant. Le texte proposé par votre commission des lois retient, en son article 7B, l'amendement que nous avions déposé pour vous proposer d'habiliter le Gouvernement à procéder par ordonnance aux harmonisations les plus simples et à droit constant.
Voilà, mesdames et messieurs les députés, ce que je souhaitais vous dire en ouvrant la discussion générale sur ces trois textes importants. Je ne doute pas que la qualité de nos débats sera la même que celle qui a présidé aux grandes lois que je citais au cours de mon propos. Je vous remercie de votre attention et vous donne rendez-vous pour le débat qui se déroulera tout à l'heure. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Charles de La Verpillière, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, je dirai d'abord quelques mots de l'ordonnance du 29 juillet 2009 relative à l'élection de députés par les Français établis hors de France et du projet de loi qui la ratifie.
Compte tenu de la taille de certaines des circonscriptions dans lesquelles seront élus les députés représentant les Français de l'étranger, l'ordonnance prévoit que les deux tours se dérouleront à deux semaines d'intervalle. Elle autorise le vote par correspondance, postal et électronique, et elle élargit les possibilités de vote par procuration. Les frais de transport exposés par les candidats ne seront pas inclus dans le plafond des dépenses électorales et seront remboursés forfaitairement. Enfin, l'ordonnance définit le rôle des ambassades et des postes consulaires au cours de la campagne et lors du vote. La commission des lois n'a apporté à ces dispositions que des précisions et des modifications purement techniques.
Le projet de loi organique relatif à l'élection des députés, dans sa version initiale présentée par M. le ministre, n'appelle pas non plus de longs développements, même s'il comporte des dispositions dont la portée n'est pas négligeable : l'âge d'éligibilité au mandat de député est abaissé de vingt-trois à dix-huit ans ; la liste des fonctions publiques ou électives assorties de l'inéligibilité à l'Assemblée nationale est mise à jour pour tenir compte, notamment, de l'apparition de nouvelles fonctions de direction dans les collectivités décentralisées et leurs établissements publics. Le texte prévoit que le député qui, à la suite d'une élection, cumulera plus de deux mandats et n'aura pas spontanément démissionné de l'un d'entre eux sera déclaré démissionnaire d'office du plus ancien de ses mandats, comme en droit commun électoral.
La commission des lois a toutefois tenu à préciser que le mandat perdu ne pourra être que le mandat local le plus ancien et non le mandat national.
Un autre alignement du droit applicable aux députés sur le droit commun concerne la prise en compte de la bonne foi des candidats qui encourent l'inéligibilité par suite du rejet de leur compte de campagne. Le Conseil constitutionnel, lui-même, et M. Mazeaud, chargé d'une mission de réflexion par le président Bernard Accoyer en juin 2008, ont proposé d'étendre aux candidats aux élections législatives la règle applicable aux candidats aux élections locales qui figure déjà à l'article L. 118-3 du code électoral. Le Conseil constitutionnel pourra ainsi ne pas prononcer automatiquement l'inéligibilité lorsque la bonne foi du candidat sera établie, en dépit du rejet de son compte de campagne. C'est là un progrès tout à fait bienvenu.
Enfin, le projet de loi organique comporte un certain nombre de dispositions techniques pour l'élection des députés représentant les Français établis hors de France qui n'appellent pas de commentaires particuliers.
Dès les premières auditions auxquelles j'ai procédé, il est apparu que les dispositions initiales du projet de loi organique n'épuisaient pas le sujet et qu'il fallait profiter de l'occasion pour procéder à une réforme plus ambitieuse. Cette réforme fait l'objet de la proposition de loi portant simplification de dispositions du code électoral et relative à la transparence financière de la vie politique que nous avons cosignée le président Jean-Luc Warsmann et moi-même. Lorsque les mesures envisagées sont spécifiquement applicables aux députés et sont de nature organique, elles sont, bien évidemment, reprises dans des amendements au projet de loi organique lui-même.
Les mesures de simplification du droit électoral concernent le financement des campagnes électorales et avaient été préconisées aussi bien par le rapport de M. Mazeaud, dont j'ai déjà parlé, que par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques dans ses rapports annuels.
Je n'en mentionnerai que deux, le droit à l'ouverture d'un compte bancaire pour tous les candidats et la dispense de dépôt d'un compte de campagne pour les candidats ayant obtenu moins de 1 % des suffrages. La commission des lois a toutefois précisé que cette dispense ne s'appliquerait qu'aux candidats n'ayant pas bénéficié de dons de personne physiques. À ce sujet, elle a aussi décidé, utilement selon moi, que le plafond des dons aux candidats, actuellement de 4 600 euros, serait actualisé tous les ans par décret, de même que le plafond des dons aux partis politiques.
Enfin, s'agissant toujours du financement des campagnes électorales, la commission des lois a été unanime, me semble-t-il, à regretter que l'obligation de déposer un compte de campagne et les sanctions qui s'y rattachent ne s'appliquent pas aux élections sénatoriales.
J'en viens aux mesures qui, dans la proposition de loi et les amendements au projet de loi organique, concernent la transparence financière de la vie politique. La plupart d'entre elles n'ont soulevé aucune difficulté lors de l'audition des présidents de groupe cet été, mais elles ont en revanche suscité de vifs débats au sein de la commission des lois.
Je rappelle que la loi du 11 mars 1988 a institué une Commission pour la transparence financière de la vie politique, composée de hauts magistrats. Elle est chargée de recevoir les déclarations de patrimoine que les parlementaires, les présidents d'exécutifs locaux et les dirigeants d'entreprises publiques doivent déposer au début et à la fin de leur mandat.
La commission dispose essentiellement de deux pouvoirs : en cas de non-respect de l'obligation de déposer une déclaration, elle provoque la saisine du juge de l'élection, le Conseil constitutionnel pour les parlementaires, le Conseil d'État ou un tribunal administratif pour les autres élus, et celui-ci déclare inéligible et démissionnaire d'office la personne concernée, celle qui n'a déposé aucune déclaration ; si elle constate une évolution anormale de la situation patrimoniale entre deux déclarations, celle d'entrée et celle de sortie, elle transmet le dossier au parquet, et la juridiction pénale est donc saisie.
En revanche, elle ne peut rien faire si l'intéressé a omis de déclarer certains éléments de son patrimoine ou si l'évaluation qu'il en donne est fantaisiste, et elle demande depuis longtemps que cette lacune soit comblée par l'édiction d'une infraction sanctionnée pénalement et par la possibilité qui lui serait donnée de se faire communiquer les déclarations fiscales des personnes concernées.
Il vous est proposé de renforcer, mais de façon limitée, les pouvoirs de la commission à cet égard. Nous devons en effet trouver une voie étroite, un chemin de crête, pourrais-je dire, entre deux exigences. Parce que les élus doivent être exemplaires, il n'est pas possible d'admettre qu'une loi, la loi du 11 mars 1988 sur la transparence financière de la vie politique, puisse être contournée ou tenue en échec (« Très juste ! » sur divers bancs), mais nous ne devons pas céder aux sirènes du politiquement correct, à la tentation de l'autoflagellation, qui ne fait paradoxalement que nourrir le soupçon et alimenter les discours populistes.
C'est pourquoi la commission a adopté un texte équilibré. Il permet à la Commission pour la transparence financière de la vie politique de demander communication des déclarations fiscales et sanctionne les omissions et les fausses évaluations entachant les déclarations de patrimoine. Toutefois, la sanction ne sera encourue que s'il y a une volonté délibérée et incontestable de frauder et de mentir. Un simple oubli ou une divergence sur l'estimation d'un élément du patrimoine n'entrera pas dans le champ d'application. Sur la nature de la sanction, sanction pénale ou inéligibilité, le débat reste ouvert, il reviendra à l'Assemblée de trancher. Enfin, quel que soit le dispositif adopté, il s'appliquera non pas aux déclarations déjà déposées mais seulement à celles qui seront reçues à la commission après la promulgation de la loi. C'est le sens d'un amendement que je défendrai tout à l'heure.
Je voudrais qu'il soit bien clair que le renforcement des pouvoirs de la Commission pour la transparence financière de la vie politique doit aller de pair avec le strict respect de l'obligation de confidentialité à laquelle sont astreints ses membres. L'article 4 de la loi du 11 mars 1988 punit d'amende et de prison la méconnaissance de cette obligation. Il vous sera proposé par l'amendement n° 22 au projet de loi organique que je défendrai tout à l'heure que le président de la commission soit tenu de saisir le procureur de la république en cas d'infraction.
Telles sont les dispositions que la commission des lois invite l'Assemblée nationale à adopter.
J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche une motion de rejet préalable déposée en application de l'article 91, alinéa 5, du règlement, sur le projet de loi organique relatif à l'élection des députés.
La parole est à M. René Dosière.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le groupe socialiste n'avait pas prévu de défendre ces motions de procédure car, au vu des travaux de notre commission, nous allions vers un texte consensuel. Comme l'a rappelé le rapporteur, il s'agissait d'un texte technico-politique visant à corriger un certain nombre de faiblesses ou d'insuffisances de la législation concernant la vie politique, ce qui était exigé tant par la Commission nationale des comptes de campagne que par la Commission pour la transparence financière de la vie politique. Nous pensions donc que ce texte pourrait être adopté à l'unanimité, le groupe socialiste en tout cas était prêt à le voter.
Et puis, nous avons découvert vendredi dernier, donc après le vote du texte en commission, que le secrétaire général de l'UMP et le président du groupe majoritaire avaient décidé, avec quelques comparses, de déposer des amendements, trois en particulier, qui revenaient sur le texte adopté en commission. Une telle procédure n'est naturellement pas illégale, mais elle est assez inhabituelle, d'autant plus que, lorsque le rapporteur avait consulté les présidents de groupe, ils n'avaient pas fait à l'époque de remarque particulière.
Ces amendements modifiant considérablement le texte qui nous est proposé, il nous a semblé nécessaire de défendre des motions de procédure pour pouvoir exposer en détail, ce qui n'est pas toujours possible en séance, le temps accordé pour soutenir un amendement étant de deux minutes, les raisons pour lesquelles nous sommes totalement opposés à ces dispositions, qui nous paraissent très dangereuses.
Le rapporteur a rappelé le rôle de la Commission pour la transparence financière de la vie politique. J'ai toujours beaucoup de mal à la nommer ainsi quand on sait à quel point ses travaux sont confidentiels, mais c'est ainsi qu'elle est appelée. Elle a été créée en 1988, alors que François Mitterrand était Président de la République et Jacques Chirac Premier ministre. C'est à l'initiative du Président de la République que l'on a voté ces dispositions, qui ont d'ailleurs été sensiblement renforcées en février 1995 à la suite des conclusions d'un groupe de travail mené par le président de l'Assemblée nationale d'alors, Philippe Séguin, qui avait réuni l'ensemble des responsables politiques.
Il est prévu que les membres du Gouvernement, les élus, nationaux ou locaux, ainsi que les dirigeants des organismes publics doivent lui faire sur l'honneur une déclaration de patrimoine au début et à la fin de leurs fonctions. Ces déclarations ne sont pas rendues publiques, elles ne seront d'ailleurs pas consultables avant un délai de soixante ans, voire cent ans dans certains cas. Cela fournira peut-être aux historiens du futur un certain nombre d'éléments d'information sur le patrimoine de la classe politique des années 1970-2000, mais nous pourrions naturellement avancer sur ce point. C'est donc une transparence qui est toute relative.
En 1992, une proposition de loi socialiste qui tendait à améliorer la transparence du patrimoine, en le rendant partiellement public, n'avait pu aller au terme du processus législatif.
Cette commission, présidée par le vice-président du Conseil d'État et composée de hauts magistrats, a pour mission, selon l'article 3 de la loi, d'apprécier la variation des situations patrimoniales telle qu'elle résulte des déclarations et des observations que les intéressés ont pu lui adresser. À s'en tenir au texte législatif, voilà une belle et noble mission.
La réalité est un peu différente. Étant donné ses pouvoirs, il s'agit d'une mission impossible. Certains observateurs qui se sont intéressés à son rôle parlent même de farce pour initiés, voire de parodie de démocratie.
La commission n'a en effet aucun pouvoir d'investigation. Elle reçoit les déclarations, dont le contenu est très variable, même si, au fil du temps, un modèle a été fourni aux intéressés. Comment pourrait-elle d'ailleurs apprécier les évolutions de patrimoine puisqu'elle n'a pas connaissance des revenus des intéressés ?
Dès son quatrième rapport, publié au Journal officiel le 21 janvier 1993, elle a exprimé le souhait de disposer de leurs déclarations : « La commission estime toutefois que, dès lors que la connaissance véritable des patrimoines et de leur évolution exige que soient également connus les revenus, il serait souhaitable que le législateur lui attribue effectivement le pouvoir d'obtenir les renseignements nécessaires à cet égard, notamment par la production de la déclaration des revenus. »
Depuis dix-sept ans, dans chacun de ses rapports successifs, le quatorzième et dernier étant paru au Journal officiel du 1er décembre 2009, avec un peu plus d'insistance à chaque fois, mais dans la formulation qui est celle de hauts fonctionnaires, la commission renouvelle cette demande.
On peut lire par exemple dans le huitième rapport, Journal officiel du 25 mars 1999, que « la sincérité des déclarations serait mieux garantie par l'obligation d'y joindre les copies de la déclaration souscrite au titre de l'impôt de solidarité sur la fortune, si l'intéressé y est assujetti, et de l'ensemble des avis d'imposition à l'impôt sur le revenu échus au cours du mandat ».
Dans le dixième rapport, publié au Journal officiel du 9 mars 2001, nous lisons : « Tant il est clair qu'il est difficile d'apprécier la variation d'un patrimoine sans connaître la capacité d'épargne de l'intéressé ». C'est le bon sens même.
Dans le douzième rapport, publié au Journal officiel du 19 février 2004, la commission indique qu'elle a soumis au Gouvernement ses propositions de réforme : « Ainsi, l'information de la commission sur les revenus perçus par les intéressés lui permettrait de mieux appréhender les évolutions de patrimoine sans l'obliger à formuler auprès d'eux des demandes d'éclaircissement complémentaires souvent vécues comme des mises en cause de leur probité. »
Apparemment, malgré cette demande, le Gouvernement n'a pas bougé. Ce ne fut pas le cas du groupe socialiste puisque, à mon initiative, une proposition de loi n° 1497 enregistrée le 4 mars 2004 et signée par l'ensemble des membres du groupe, a été déposée pour permettre à la commission de remplir son rôle. La proposition n'a, hélas, jamais été discutée.
Dans son treizième rapport, au Journal officiel du 20 décembre 2007, la commission laisse percer un soupçon d'amertume : « Force est de constater que ces recommandations » – elle ne dit pas que cela fait quatorze ans qu'elle les formule ! – « sont pour l'instant demeurées sans suites. » Mais, nouveauté, la commission joint à son rapport un modèle de projet de loi modifiant la législation selon ses voeux.
Je m'inspirerai d'ailleurs de ce projet, comme de la précédente proposition de loi, pour déposer, avec Jean-Jacques Urvoas, Jean-Marc Ayrault et les membres du groupe socialiste, une nouvelle proposition de loi, n° 2188, qui sera mise en distribution en janvier 2010 et qui reprend les suggestions de la commission.
Au même moment, le Journal officiel du 1er décembre 2009 publie le quatorzième et présentement dernier rapport de la commission, dans lequel elle revient à la charge : « Afin de renforcer l'efficacité du contrôle exercé et de garantir la sincérité des déclarations de patrimoine, il est nécessaire de permettre à la commission de recouper les informations dont elle dispose. »
Elle formule à cet égard deux propositions. Tout d'abord, elle suggère que lui soient fournies, lorsqu'elle le demande, les déclarations faites au titre de l'impôt sur le revenu et, le cas échéant, au titre de l'ISF ; à défaut, elle sollicite de disposer auprès de l'administration fiscale d'un droit de communication de ces mêmes déclarations. Seconde proposition : face aux déclarations douteuses, pour mieux cerner les cas d'enrichissement illicite, elle souhaite pouvoir disposer d'informations sur le patrimoine des proches de l'assujetti.
Le GRECO, Groupe d'États contre la corruption, organisme placé auprès du Conseil de l'Europe, a récemment évalué la situation française et approuvé les demandes de la commission, qui renforceraient le dispositif existant.
Voilà donc toutes les demandes de bon sens que le rapporteur a reprises dans sa PPL et a fait adopter, non sans difficultés, en commission des lois ; dix-sept ans après, la commission allait enfin pouvoir devenir plus efficace. Or ce sont ces demandes de bon sens que M. Copé et M. Jacob refusent, en proposant par amendement de revenir sur le vote favorable de la commission, au motif – je cite l'exposé sommaire de l'amendement n° 31 – que « comme tout citoyen, les parlementaires sont déjà astreints à déclarer chaque année leurs revenus auprès de l'administration fiscale. L'État en disposant donc déjà, la disposition » – la communication à la commission – « paraît inutile et superfétatoire. »
Quelle hypocrisie ! Comment un ancien ministre du budget peut-il ignorer le secret fiscal…
…et le fait que, faute d'une disposition législative, l'administration fiscale n'a pas le droit de communiquer les déclarations des contribuables ? Ce texte est tout à fait invraisemblable et d'une hypocrisie totale.
Plus grave encore : un autre amendement, des mêmes, propose de supprimer la nouvelle incrimination pénale adoptée par la commission des lois en cas de « Flosse déclaration » (Rires et applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR), de fausse déclaration de patrimoine, au motif que le droit actuel suffirait à résoudre la question. Vous verrez tout à l'heure pourquoi j'ai commis ce lapsus.
Manifestement, les auteurs de cet amendement n'ont jamais lu les rapports de la commission. Dans le onzième, publié au JO du 18 juillet 2002, il y a huit ans, la commission fait part de « l'impasse dans laquelle elle se trouve au vu des jugements de relaxe prononcés par les tribunaux à l'encontre de personnes assujetties poursuivies des chefs de faux et usage de faux » à son initiative. Celle-ci déclare alors qu'il faut « une réforme indispensable : la création d'une infraction spécifique pour fausse déclaration de patrimoine », demande reprise par notre rapporteur.
Pour comprendre cette demande, il faut savoir que, lorsque la commission, malgré la pauvreté des informations dont elle dispose, a des doutes sur l'évolution du patrimoine d'une personne, élue ou non, elle lui demande des explications, généralement par écrit, à titre exceptionnel oralement. Dans la plupart des cas, les réponses obtenues la satisfont. Dans le cas contraire, la commission saisit le parquet, en joignant ses observations écrites, conformément à l'article 3, dernier alinéa, de la loi de 1988, modifiée en 1995, et à l'article 4 du décret 96-763 du 1er septembre 1996.
Depuis l'origine, dix dossiers ont été transmis au parquet, ce qui démontre le caractère exceptionnel de cette saisine. Le problème, c'est que les juges, dans ce cas, prononcent un jugement de relaxe au motif que le législateur n'a pas prévu de sanctions spécifiques concernant les déclarations fausses ou inexactes des élus sur leur patrimoine, la seule sanction prévue l'étant en cas d'absence pure et simple de déclaration : il s'agit de l'inéligibilité des élus ou de la nullité de la nomination pour un responsable public.
Sans doute s'agit-il de cas peu nombreux – dix depuis l'origine –, mais combien exemplaires, et je vais vous en donner un exemple. Malgré la discrétion de la commission, qui ne fournit jamais de nom – voilà encore pour la transparence ! –, j'ai pu reconstituer, en lisant le jugement de relaxe rendu par le tribunal correctionnel de Paris le 24 octobre 2001, ainsi que les différents rapports de la commission, le cas de Gaston Flosse, ancien président de la Polynésie et toujours sénateur. (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes UMP et NC.)
Compte tenu des insuffisances, omissions et incohérences dans ses déclarations de patrimoine de 1996 et 1997, et la commission ne parvenant pas à obtenir des explications plausibles, le dossier est transmis au parquet. Les investigations menées par ce dernier font notamment apparaître que deux prêts de 2 millions de francs – 305 000 euros – chacun lui ont été consentis en 1994 et 1995 par la société Pacer Limited, installée au Vanuatu, île distante de 8 000 kilomètres de la Polynésie.
Les conditions de ces prêts, d'une durée de six ans, sont étonnantes : aucune garantie, aucune hypothèque, aucune prise de sûreté, aucune assurance-vie pour l'emprunteur. À l'audience correctionnelle, l'intéressé donne comme motif à ces conditions exceptionnelles l'entretien de bons rapports avec le représentant local à Tahiti de la société Pacer Limited. Le tribunal relèvera cependant que ce représentant employait dans une de ses autres sociétés polynésiennes le fils du président du gouvernement pour un salaire de 5 040 euros sans que son activité ait été d'un grand secours : en termes crus, il s'agissait d'un emploi fictif.
Que dit, finalement, le tribunal ? Je le cite : « L'omission de déclaration de ces éléments ne peut être que délibérée de la part du prévenu,…
…qui souhaitait manifestement cacher l'existence de ces prêts à une commission qui pouvait légitimement s'interroger sur l'intérêt pour une société de confier de telles sommes à de telles conditions au seul motif de l'amitié existant entre l'emprunteur et le représentant légal de la société Pacer Limited. »
Et le tribunal de poursuivre : « Les dissimulations opérées par l'intéressé ont mis de façon évidente la commission dans l'incapacité d'accomplir sa mission. » On ne saurait être plus clair.
Eh bien, l'intéressé sera pourtant relaxé, au motif que le législateur, selon le tribunal, « n'a pas prévu de sanction spécifique concernant les déclarations fausses – vous avez compris pourquoi je parlais de « Flosse déclaration » ! – ou inexactes des élus sur leur propre patrimoine. »
Et c'est ce type de comportement que l'amendement de M. Copé et M. Jacob veut protéger, en refusant une indispensable incrimination pénale.
C'est tout simplement scandaleux. Protéger ce type de comportement, c'est entretenir dans l'opinion l'idée que les élus sont tous pourris. C'est insupportable pour les élus honnêtes.
Or, mes chers collègues, l'affaire ne s'arrête pas là. Dans une déclaration de patrimoine ultérieure de Gaston Flosse, établie le 9 mai 2001, la commission constate que les deux prêts en question n'ont pas été remboursés. Après une demande d'explications demeurée sans réponse, la commission transmet de nouveau le dossier au parquet, le 7 janvier 2003. Le 7 septembre 2004, vingt mois plus tard, le procureur de la République adjoint répond qu'il ne peut que procéder au classement.
La commission et son vice-président, s'étonnant d'une telle désinvolture à leur égard, obtiennent, le 30 mai 2005, une réponse du procureur Marin lui-même, qui souligne : « Mon parquet a estimé que l'ancienneté des prêts contractés et, d'autre part, la nécessité de procéder à des investigations par voie de commissions rogatoires internationales rendaient peu probable la possibilité d'établir la réalité des libéralités ou contreparties subodorées. Aussi a-t-il considéré inopportun d'engager des poursuites. »
Quand on connaît la réalité des faits, que je viens d'évoquer à travers un exemple, on apprécie mieux la « subtilité » de l'exposé sommaire de l'autre amendement Copé et Jacob, que je cite : « Dans le droit actuel, s'il y a suspicion, la commission pour la transparence peut d'ores et déjà transmettre le dossier au parquet, qui est à même d'apprécier la nécessité de poursuivre. Le juge dispose alors d'un arsenal de mesures de droit commun pour condamner l'assujetti s'il y a lieu : abus de biens sociaux, prise illégale d'intérêts… » J'admire les points de suspension, qui nous laissent imaginer la quantité de mesures que le juge peut prendre, alors que je viens de vous démontrer, par les rapports de la commission, que le juge considère justement qu'il n'a aucun pouvoir dans ce domaine.
Nos collègues concluent : « C'est la raison pour laquelle cette nouvelle incrimination pénale n'a pas lieu d'être. » Là encore, on ne saurait être plus hypocrite !
En conclusion, mes chers collègues, j'appelle votre attention sur la gravité de ces amendements, au cas où la majorité confirmerait le vote intervenu cet après-midi en commission des lois.
En premier lieu, ces amendements ôtent tout pouvoir à la commission pour exercer son travail. C'est en quelque sorte un enterrement sans fleurs ni couronnes.
C'est même un retour en arrière, car aujourd'hui la commission peut toujours, de façon facultative, solliciter auprès des assujettis qu'ils lui remettent leurs déclarations, et, généralement, d'ailleurs, les gens accèdent à une telle demande. Mais dès lors que l'Assemblée aura refusé une disposition prévoyant que la commission peut demander aux intéressés leurs déclarations de revenus, la commission n'aura plus aucun droit à réclamer, même de manière facultative, ces déclarations. Ce sera donc bien un retour en arrière, la commission aura encore moins de pouvoirs qu'elle n'en avait jusqu'à présent.
Quant au second amendement, il protège quelques voyous délinquants.
Oui, j'ai bien dit des « voyous délinquants » parce que la Commission pour la transparence financière de la vie politique a cité notamment trois cas où des personnes, qui certes n'ont pas été condamnées pour de fausses déclarations de patrimoine, l'ont été à des peines de prison, d'amende et d'inéligibilité pour d'autres motifs : elles étaient corrompues, elles avaient accepté des pots de vin. On comprend donc que la commission soit suspicieuse vis-à-vis des déclarations de patrimoine de gens qui ont ce type de comportement. Ils sont rares, fort heureusement, mais ils existent : voilà ceux que vous voulez protéger par cet amendement.
C'est inadmissible pour des élus honnêtes parce que cela jetterait la suspicion sur l'ensemble des élus. Si la majorité d'entre vous accepte de voter un tel dispositif, cela aggravera le discrédit dont ils sont l'objet.
Le groupe socialiste considère qu'il faut sanctionner très durement les élus qui trichent ou qui sont délinquants car c'est un comportement qui porte préjudice à l'ensemble des élus honnêtes. C'est la raison pour laquelle nous nous opposerons de toutes nos forces au vote de ces amendements et nous espérons qu'il y aura, dans cette assemblée, une majorité pour nous suivre. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Monsieur Dosière, vous avez reconnu que le travail en commission s'était déroulé de façon très convergente et que le texte qui en est issu vous semblait équilibré. Néanmoins, environ quatre-vingts amendements ont été déposés sur l'ensemble des textes, et je comprends que certains d'entre eux fassent vraiment débat.
À cet égard, permettez-moi de rappeler deux choses : premièrement, il est important de débattre de ce projet de loi organique, sans préjuger ce qui sera décidé par l'Assemblée ; deuxièmement, nous avons besoin d'un texte qui puisse s'appliquer en 2012, année des élections législatives. Pour que celles-ci se déroulent dans des conditions conformes à la législation, nous devrons avoir terminé l'examen de ces textes de loi au premier trimestre 2011. Le calendrier, vous le voyez, est assez serré. C'est la raison pour laquelle le rejet du projet de loi organique sans même l'examiner ne me paraît pas la bonne formule. J'invite donc les députés à voter contre la motion de rejet préalable.
Dans les explications de vote, la parole est à M. Jean-Pierre Schosteck, pour le groupe UMP.
Nous avons bien noté que le dépôt de cette motion de procédure a permis à M. Dosière de faire un numéro. Nous en saluons la qualité orale, mais nous n'en partageons absolument pas les conclusions.
J'observerai tout d'abord, monsieur Dosière, que vous nous aviez habitués à un langage plus châtié. Vous avez ainsi évoqué les amendements déposés par M. Copé, par M. Jacob et par « quelques comparses ». C'est ainsi que nous avons été qualifiés. On permettra à un « comparse » de rejeter cette motion, et ce pour plusieurs raisons.
La discussion de fond aura lieu bien entendu au fur et à mesure de l'examen des amendements, mais j'ai déjà relevé, dans votre intervention, quelques éléments qui prêtent à débat. Ainsi, vous évoquez des incohérences qui auraient été signalées il y a dix-huit ans déjà. Il semble qu'en dix-huit ans, vous et vos amis au pouvoir auriez pu en profiter pour les corriger.
Vous avez commencé en disant que vous n'aviez pas l'intention de défendre une motion de procédure, mais que des amendements vous y ont incité. Je suis surpris car, même si je ne suis pas parlementaire depuis extraordinairement longtemps – cela ne fait qu'une vingtaine d'années –, il me semble bien qu'il y a des procédures qui permettent le dépôt d'amendements après l'examen en commission, et je n'y vois rien d'anormal. Je note d'ailleurs que, lors de la réunion que nous avons tenue tout à l'heure au titre de l'article 88 du règlement, il y avait plus d'amendements de votre côté que du nôtre. Il ne s'agit donc que de quelques arguties.
J'anticiperai sur le fond pour vous dire combien nous sommes surpris de cette leçon de morale. Il y a, c'est vrai, quelques errements dans la situation actuelle,…
…mais ce n'est pas une raison pour jeter l'opprobre sur l'ensemble de la classe politique.
Par conséquent, le groupe UMP votera pour le rejet de cette motion de circonstance.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, notre groupe votera bien évidemment cette motion de rejet préalable.
Depuis le début de la discussion de ces textes de loi, il y avait jusqu'à ce soir un climat de compromis propice à une solution équilibrée, tout à fait dans la lignée de la discussion que nous avions eue ici même à propos de la proposition de loi de notre groupe sur la transparence financière. Nous avions alors déjà pu aborder un certain nombre de questions que nous allons retrouver ce soir.
S'agissant de la transparence financière des parlementaires, nous étions arrivés, dans ces deux nouveaux textes, à un équilibre intéressant avec cette avancée que constituait la possibilité de sanction pénale en cas de déclaration de patrimoine incomplète ou mensongère transmise à la Commission pour la transparence financière de la vie politique. Cette proposition de bon sens était déjà formulée dans le rapport de Pierre Mazeaud remis fin 2008.
Je signale au groupe UMP, si cela lui avait échappé, que le Premier ministre en personne, François Fillon, en réponse à une demande de la Commission pour la transparence, a émis un avis favorable à l'incrimination pénale.
C'est une proposition tout à fait équilibrée et nous émettrions un signal contre-productif en ne la suivant pas. Les élus doivent être plus exemplaires que tous les autres Français. Dans l'opinion, ce serait interprété comme le choix d'une corporation qui défend quelques brebis galeuses en son sein – même si elles sont en nombre très limité.
Nous enverrions donc un très mauvais signal si les amendements de M. Copé et de ses collègues étaient adoptés ce soir. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le ministre, je vous ai écouté avec beaucoup d'intérêt et d'attention. Au nom de mon groupe, je voterai contre la motion de rejet préalable parce que ce projet de loi apporte, avec les amendements votés par la commission des lois, une réponse à un certain nombre de questions soulevés par la Commission pour la transparence financière de la vie politique et par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques. Nous avons intérêt à ce que ressorte de notre discussion un texte qui reprenne les objectifs et les amendements approuvés par la commission des lois.
Néanmoins, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, je vous dis tout net que le groupe Nouveau Centre s'opposera avec force…
…aux amendements qui contredisent des dispositions que nous avons adoptées unanimement en commission.
Nous avons prévu une incrimination pour fausse déclaration de patrimoine, et je souhaite, monsieur le ministre, que nous restions dans ce consensus,…
qui reflète une exigence communément partagée, autant par la droite que par la gauche, en matière d'éthique et de transparence de la vie politique.
J'aurai l'occasion de rappeler que c'est plutôt de ce côté-ci de l'hémicycle et de cette majorité qu'ont été votés un certain nombre de textes qui ont amélioré considérablement les conditions de financement de la vie politique et la transparence, comme l'a évalué récemment le GRECO – le groupe d'États contre la corruption.
C'est pourquoi j'invite mes collègues à rejeter la motion de rejet préalable défendu par M. Dosière.
Notre groupe votera cette motion de rejet préalable pour les raisons que René Dosière a exprimées avec force. Mais j'apprécie l'honnêteté intellectuelle de notre collègue du Nouveau Centre, membre comme moi de la délégation française auprès du Conseil de l'Europe, qui reconnaît que certains amendements mettent en péril la lecture du texte par l'opinion publique. Ces amendements sont une attaque contre la démocratie. D'urgence, il faut rediscuter de tout cela. C'est pourquoi nous soutenons cette motion de rejet. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
(La motion de rejet préalable, mise aux voix, n'est pas adoptée.)
J'ai reçu de M. Jean-Marc Ayrault et des membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche une motion de renvoi en commission déposée en application de l'article 91, alinéa 6, du règlement, sur le projet de loi organique relatif à l'élection des députés.
La parole est à M. René Dosière, pour une durée qui ne peut excéder trente minutes.
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, en raison du nouveau climat qui s'est instauré après le dépôt des amendements de M. Copé et de M. Jacob, la nécessité de discuter plus avant en commission m'est apparue flagrante.
Je vais aborder des aspects quelque peu différents des points qui ont déjà été évoqués, mais rapidement, en commission. Il me paraît nécessaire que nous approfondissions notre réflexion pour permettre l'amélioration du financement de la vie politique. Celui-ci présente quelques failles, d'ailleurs fort habilement et fort légalement exploitées par certains députés.
Globalement, la législation sur le financement des partis politiques est satisfaisante. Mais des esprits imaginatifs arrivent, je l'ai dit, à en exploiter les failles. Si l'on recense aujourd'hui plusieurs centaines de partis politiques, c'est que leur définition est uniquement financière. Il suffit pour en faire exister un d'avoir un agrément de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, et des comptes vérifiés par deux commissaires aux comptes. Dès lors, les particuliers peuvent faire des dons, qui donnent droit à des déductions fiscales, et ces partis peuvent présenter des candidats pour obtenir, moyennant certaines conditions, l'aide financière de l'État – 1,60 euro par voix recueillie et par an.
On connaît assez bien les règles métropolitaines, qui imposent la présentation d'au moins cinquante candidats, dont chacun doit avoir obtenu au moins 1 % des suffrages. Ces règles ne sont d'ailleurs pas très sévères, ce qui permet hélas à des sectes de bénéficier d'une aide publique substantielle.
En revanche, on connaît moins les dispositions qui s'appliquent outre-mer : il suffit de présenter un seul candidat pour bénéficier de l'aide publique ; aucune condition de suffrages n'était requise jusqu'en 2007, mais il faut désormais avoir obtenu 1 % des votes, ce qui n'est pas trop difficile.
À cette aide publique dite « première part » peut s'ajouter une seconde part qui est liée au rattachement d'un parlementaire et qui s'élève à 44 300 euros par parlementaire. Un tel rattachement est soumis à une condition : il faut que le parti politique bénéficie de l'aide publique au titre de la première part.
Rien ne vaut un exemple pour se faire comprendre, et la meilleure illustration de ce type de construction imaginative et légale est l'histoire du groupement politique appelé Metz pour tous, récemment rebaptisé Démocratie et République.
Entre 1998 et 2002, Metz pour tous a bénéficié de la première partie de l'aide publique, car ce groupe politique avait présenté outre-mer un candidat ayant obtenu deux voix. En conséquence, Metz pour tous a perçu 3,03 euros par an, au titre de la première partie de l'aide publique. Un parlementaire pouvait donc se rattacher à ce parti, lui permettant de bénéficier de la deuxième partie de l'aide, c'est-à-dire 44 890 euros à l'époque.
En 2002, pour la nouvelle législature, le candidat de Metz pour tous a obtenu une voix, un score assez remarquable qui vaudra au parti de percevoir une aide publique de 1,63 euro, arrondie à 2 euros. Durant la législature, l'aide publique au titre de la deuxième partie s'est élevée à 44 300 euros par parlementaire rattaché.
En 2003, la législation électorale est très légèrement modifiée : à partir de 2007, les candidats qui se présentent outre-mer devront obtenir au moins 1 % des suffrages dans leur circonscription.
Qu'à cela ne tienne ! À la même époque, en Polynésie, la situation politique devient suffisamment compliquée pour que l'une des députées sortantes de l'UMP n'obtienne pas l'investiture de Gaston Flosse – toujours lui !
Sachant cela, cette députée se rattache à Metz pour tous, qui double ainsi, en 2007, son financement au titre de la deuxième partie. Elle se présente en candidate indépendante. Compte tenu de sa notoriété et, dois-je dire, de ses qualités, elle obtient 8 746 voix, un score intéressant mais insuffisant pour être élue, compte tenu de ses adversaires.
Toutefois, ce score de 8 746 voix dépasse le nouveau seuil fixé à 1 % des suffrages, que n'atteignait pas le candidat précédent, et permet à Metz pour tous, devenu Démocratie et République – on appréciera la qualité des termes – de continuer à percevoir l'aide publique, à hauteur modeste mais plus raisonnable de 14 632 euros.
L'immense intérêt de cette aide publique est de permettre à des parlementaires de se rattacher à ce parti, en apportant chacun une aide de 44 300 euros.
En 2008, trois sénateurs sont rattachés à ce parti ; en 2009, quatre sénateurs et trois députés ; en 2010, quatre sénateurs et cinq députés. Les noms ne sont pas connus, les bureaux des assemblées ne donnant pas l'identité des députés et sénateurs rattachés. Les données 2011 ne sont pas encore publiques, le bureau de l'Assemblée ayant procédé récemment à ces rattachements.
Cela étant, les comptes de ce parti politique sont publiés tous les ans au Journal officiel par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques.
Ils montrent que les dépenses de ce parti sont essentiellement des dépenses de propagande : 180 000 euros en 2005, 110 000 euros en 2006, 113 400 euros en 2007, 182 000 euros en 2008.
À côté de ces dépenses de propagande figurent des versements à des mandataires financiers à l'occasion des campagnes électorales, ce qui est tout à fait légal : les partis politiques peuvent financer sans limite les campagnes électorales. D'ailleurs, Metz pour tous a fait des dons à d'autres partis politiques, notamment à un parti de l'île de La Réunion.
Côté recettes, à l'aide publique s'ajoutent de substantielles cotisations d'élus. À partir de 2004, l'un d'eux a ainsi versé 15 000 euros de cotisations. Celles-ci donnant droit à des déductions fiscales, elles permettent vraisemblablement au cotisant de ne pas payer d'impôt sur le revenu.
Dans les recettes figurent aussi des dons de personnes physiques.
Dès lors, apparaît bien le double et même le triple intérêt de ces micropartis. Les parlementaires concernés, voire les candidats soutenus par ce microparti, n'ont aucun problème pour assurer le financement de leur communication ou de leur campagne électorale puisque l'apport des partis politiques n'est pas plafonné. En outre, par le biais des dons à ce parti, ils optimisent aussi le niveau de leur impôt sur le revenu. Sans doute existe-t-il encore d'autres avantages annexes.
Tout cela est parfaitement légal, mais est-ce moral ? Tout à l'heure, on m'a reproché d'être moral. Si vous préférez, employons le terme « vertueux », au sens que les Grecs donnaient à ce mot, une référence qui me permet de rendre hommage à Jacqueline de Romilly.
Face à cette situation, nous avons décidé de réagir en déposant deux amendements dont je viens, en quelque sorte, de donner l'exposé des motifs. J'espère que vous aurez à coeur de les adopter.
Le premier amendement prévoit qu'à partir des prochaines élections – la mesure ne peut évidemment être rétroactive – seuls les parlementaires élus outre-mer, dans les conditions particulières qui sont les leurs, pourront se rattacher à un parti politique qui bénéficie de l'aide publique, du fait même des conditions particulières de l'outre-mer.
En commission, le rapporteur avait repoussé cet amendement dont il craignait l'inconstitutionnalité. Nous avons modifié un peu sa rédaction sans en changer le sens profond.
Dès lors, monsieur le rapporteur, qu'il existe déjà des conditions différentes entre la métropole et l'outre-mer, je ne vois pas pourquoi on ne pourrait introduire cette spécificité.
Certes, un parlementaire métropolitain peut actuellement se rattacher à un parti d'outre-mer en toute légalité. Une réponse ministérielle adressé au parlementaire intéressé, en 1994, montre d'ailleurs que cette affaire avait été préparée de longue date. Après votre vote, je pense que cela ne sera plus possible. Nous échapperons sinon au ridicule, du moins à des manoeuvres visant à contourner l'esprit du texte.
Nous avons présenté un second amendement à l'initiative de Régis Juanico, le trésorier du parti socialiste que la manière dont Metz pour tous utilise ses élus laisse un peu songeur. Portant sur ces micropartis, dont on a beaucoup parlé récemment, cet amendement prévoit de plafonner globalement les dons effectués entre les partis afin d'éviter ce type d'échanges.
La Commission nationale des comptes de campagne et des financements des partis politiques s'intéresse depuis longtemps à ces facultés qu'ont les micropartis de se constituer, de recueillir des dons, voire d'effectuer des transferts vers d'autres partis.
J'espère que ces deux amendements seront acceptés, car si ces montages sont parfaitement légaux et permettent de rendre hommage à l'imagination et aux connaissances techniques de leurs auteurs, ils ne grandissent pas le financement de la vie politique.
Monsieur le ministre, j'espère que nous aurons l'appui du Gouvernement pour mettre fin à ces pratiques contestables qui ne sont pas de nature à réconcilier nos concitoyens avec la vie politique. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
L'explication que j'ai donnée tout à l'heure à propos de la motion de rejet préalable est valable aussi pour la motion de renvoi en commission.
Dans les explications de vote, la parole est à M. Jean-Paul Garraud, pour le groupe UMP.
Nous avons écouté avec attention les explications de René Dosière qui, chose assez étonnante, revenait pour la deuxième fois.
Le fait que la deuxième motion soit défendue par le même orateur indique que l'opposition compte finalement peu de candidats désireux de s'exprimer à ce sujet.
Dans vos propos, monsieur Dosière, j'ai cherché les éléments justifiant le renvoi en commission que vous demandez.
Vous racontez pas mal d'histoires sur l'outre-mer, mais je cherche encore les raisons du renvoi en commission demandé.
S'agissant de la transparence financière de la vie politique, il n'y pas de ce côte-là des gens qui ont la morale avec eux et de ce côté-ci des gens qui veulent absolument protéger la classe politique.
Sans faire de mauvais esprit, vu la façon dont sont désignés les premiers secrétaires au parti socialiste, on peut douter que s'y manifestent certaines vertus que vous voulez voir s'exprimer ici même.
Pour revenir au sujet, nous savons tous que ce texte apporte des améliorations en ce qui concerne la transparence financière de la vie politique et le pouvoir de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques. Cela étant, nous avons des points de divergence notables.
Je ne me lancerai pas, comme vous, monsieur Dosière, dans la défense des amendements ou, plutôt, dans des explications de vote sur les amendements.
Leur examen viendra après.
Les différences fondamentales portent sur l'incrimination supplémentaire que vous proposez d'introduire et qui, selon vous, serait indispensable. Je connais très peu d'exemples dans le code pénal où de simples omissions peuvent entraîner des pénalités aussi sévères.
Les députés n'ont pas l'intention de protéger qui que ce soit. La preuve en est que les hommes et les femmes politiques sont poursuivis quand ils doivent l'être, ce qui est tout à fait normal.
Il existe, à cet effet, tout un arsenal législatif, dont nous allons reparler.
Par contre, que de simples déclarations puissent entraîner deux ans d'emprisonnement, 30 000 euros d'amende l'inéligibilité et le retrait des droits civiques – voire de famille, comme cela était prévu en commission des lois avant d'être heureusement rectifié –, nous ne sommes pas du tout d'accord.
Encore une fois, je n'ai pas trouvé dans les explications de M. Dosière des raisons de renvoyer le texte en commission. Nous nous opposons donc à cette motion. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Je suis un peu étonné par l'explication de vote de M. Garraud. Il parle de l'omission de déclaration à la Commission pour la transparence financière de la vie publique alors que M. Dosière n'en a pas du tout parlé dans sa motion de renvoi en commission. Il doit éprouver un petit sentiment de culpabilité, comme ses deux amis, M. Copé et M. Jacob, dont je souhaiterais la présence dans cet hémicycle, avec qui il a cosigné un amendement au coeur du débat.
Pourquoi faut-il renvoyer ce texte en commission ?
Premièrement, pour étudier les questions évoquées par René Dosière, à savoir les micropartis. Il est quand même extraordinaire que, alors que la plupart des députés se calent sur l'organisation prévalant en matière d'élection, deux ou trois parlementaires, par le biais de petits arrangements entre amis et un parti se situant aux Antilles, à l'île de La Réunion et aux Comores, récoltent de l'argent pour le financement de leurs campagnes sans jamais être contrôlés. Cela mérite qu'on approfondisse un peu la question en commission.
La seconde raison pour laquelle il faut renvoyer le texte en commission est le retournement de situation qui s'y est opéré. Alors que, le 8 décembre, une quarantaine de députés avaient adopté à l'unanimité, en commission des lois, après force discussions et contre-propositions, une disposition prévoyant une incrimination pénale pour les députés qui auraient fait sciemment de fausses déclarations sur leur patrimoine, plusieurs amendements proposés par M. Copé, ancien président du groupe UMP, et par M. Jacob, nouveau président du groupe UMP, ont détricoté, aujourd'hui, en commission, ce que nous avions construit tous ensemble, contre l'avis de M. Warsmann, président de la commission des lois. Cela mérite qu'on en reparle à trente ou quarante, et pas à quelques-uns, avec un commando de cinq députés venus pour voter, contre l'avis du président et du rapporteur de la commission, des amendements qui démolissent ce que nous avons fait.
Pour ces deux raisons, nous appelons les parlementaires à voter cette motion de renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
L'exposé de notre collègue René Dosière était passionnant : il a expliqué comment était manipulé un outil qui permet pourtant une vraie expression démocratique. Derrière les micropartis se cachent parfois des trafiquants et des délinquants. Mais il peut également s'agir de partis en création. Et petit parti peut devenir grand.
Il ne faudrait pas que, derrière les questions et les problèmes posés par les délinquants, on oublie l'espace démocratique suscité par la loi pour créer et développer un parti. Cet espace est très réduit. Pour approfondir cette question et toutes celles soulevées dans la motion de renvoi en commission, il est nécessaire de prendre le temps de travailler en commission. Il est en effet indispensable de faire le distinguo entre les délinquants potentiels – et essayer de trouver les moyens de les identifier – et les partis en création dans l'espace démocratique laissé à cet effet.
La marge est tellement faible qu'il est nécessaire de consacrer du temps à cette question et d'être nombreux pour l'examiner.
Je partage les arguments développés par les députés socialistes. Je les fais miens et voterai donc sans hésiter la motion de renvoi en commission. Tout en faisant attention à la délinquance, il faut respecter l'espace permettant une expression démocratique pleine et entière. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Le groupe Nouveau Centre s'oppose à la motion de renvoi en commission.
En expert des questions financières de la vie politique, vous avez, monsieur Dosière, posé de vraies questions, que d'autres parlementaires ont déjà posées à M. le ministre, dont celui qui parle en ce moment, par le biais de questions écrites au Gouvernement concernant les informations dans la presse et les micropartis.
Mais, quand on aborde ce genre de questions, monsieur Dosière, il faut faire très attention. Êtes-vous sûr que le groupe parlementaire du parti socialiste soit à l'abri ?
Parmi les candidats à la candidature au parti socialiste, il me semble que certains ont un microparti.
Vous avez cité un exemple concernant la ville de Metz.
Pour répondre clairement à la question de notre collègue Dosière, je crois que nous aurions intérêt, monsieur le ministre, à ce que le Gouvernement, dans un souci de transparence, aide à la publication de tous les micropartis. Nous nous apercevrions peut-être qu'il y en a plus dans l'opposition que dans la majorité.
Deuxièmement, M. Dosière a évoqué le financement des campagnes électorales. Selon moi, il n'a pas eu tort de poser la question de la multitude des candidatures qui apparaissent l'espace des élections législatives, car des sectes, à travers de faux partis, viennent ainsi capter l'argent public. En dehors de la caricature de M. Dosière, …
… il s'agit là d'une vraie question, qui a été soulevée dans l'hémicycle à plusieurs reprises.
Vous venez de prendre vos fonctions, monsieur le ministre, mais je sais que vous êtes très attentif à ces questions. Je pense que nous aurions intérêt – je propose à nos collègues de l'opposition une autre méthode – d'avoir un groupe parlementaire de tous bords pour étudier les améliorations – par voie législative ou par voie réglementaire – qui pourraient être apportées pour les financements des campagnes dès les échéances de 2012.
Cela s'appelle une commission. En l'occurrence, c'est le rôle de la commission des lois !
(La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n'est pas adoptée.)
Dans la discussion générale commune, la parole est à M. Michel Hunault.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, si les trois textes dont nous commençons cet après-midi l'examen se rejoignent dans leur dimension électorale, l'objet de notre discussion n'en sera pas moins double, et même, en réalité, triple.
Il s'agit, comme vous l'avez rappelé, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, dans un premier temps d'adapter notre code électoral à l'entrée en vigueur, à compter du prochain renouvellement général de notre assemblée, de la disposition de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 qui prévoit que nos compatriotes établis hors de France fassent désormais l'objet d'une représentation spécifique sur les bancs de cet hémicycle.
C'est l'objet de l'ordonnance du 29 juillet 2009, qu'il nous est proposé de ratifier. C'était également l'objet initial du projet de loi organique relatif à l'élection des députés.
Sur ce point, les éléments qu'il nous revient de trancher par cette discussion sont des plus limités.
L'existence au sein de cette assemblée de députés représentant les Français établis hors de France a en effet été décidée voici maintenant plus de deux ans par le constituant, et ne fait ainsi plus débat.
Par ailleurs, les questions connexes les plus essentielles, à savoir le nombre de ces députés et le mode de scrutin qui présidera à leur élection, ont également déjà été tranchées, notamment par la loi du 13 janvier 2009.
Le législateur a donc retenu le principe d'une élection au scrutin uninominal majoritaire à deux tours, et le monde s'est ainsi vu découper en onze nouvelles circonscriptions législatives.
C'est important pour nos compatriotes établis hors de France, qui sont désormais au nombre de 2 200 000, de pouvoir être représentés à l'Assemblée nationale et non plus seulement au Sénat. Toutefois, reconnaissons que ce ne sera pas un mandat facile puisqu'un député aura la lourde charge de sillonner des circonscriptions très vastes.
Pour l'essentiel donc, notre discussion sur ce point se limite à débattre des adaptations du code électoral proposées par le Gouvernement pour prendre en compte la création de sièges de députés élus par les Français établis hors de France.
À ce titre, je veux saluer la qualité du travail effectué par le Gouvernement dans la rédaction de cette ordonnance. Si nombre de questions relatives aux conditions dans lesquelles ces députés seront en mesure d'exercer leur mandat restent posées, celles-ci relèvent davantage de la compétence du Bureau de notre assemblée que de celle du législateur.
J'en viens au deuxième objet de cette discussion, qui aura sans doute plus que le premier retenu l'attention : je pense à l'entreprise de simplification et d'actualisation de certaines dispositions organiques du code électoral, devenue à l'initiative du président de la commission des lois l'occasion de renforcer la transparence financière de la vie politique sur la base tant des conclusions du rapport commandé par le président de l'Assemblée nationale à notre ancien collègue Pierre Mazeaud que des préconisations de la Commission pour la transparence financière de la vie politique.
À ce titre, au-delà de mesures telles que l'abaissement de l'âge requis pour se présenter aux élections législatives, les dispositions du projet de loi organique que vous nous proposez d'adopter et de la proposition de loi de nos collègues poursuivent un double objet puisqu'il s'agit, d'une part, de répondre à certains dysfonctionnements observés lors du dernier renouvellement de notre assemblée et, d'autre part, de renforcer les moyens juridiques de l'exigence de transparence financière qui entoure la vie politique.
Nous serons nombreux, je crois, à saluer non seulement l'opportunité de mesures telles que l'extension au contentieux de l'élection législative du régime de la bonne foi auquel le Conseil d'État a, à l'heure actuelle, déjà recours en ce qui concerne, par exemple, les élections cantonales – le rapporteur y a fait référence tout à l'heure –, mais également la disposition visant à créer, au bénéfice de tout candidat, un véritable droit opposable, à l'ouverture, dans l'établissement de son choix, d'un compte bancaire en vue d'une campagne électorale.
Pour sa part, la question de la transparence financière de la vie politique échappe au seul terrain de la technique juridique pour toucher à celui, bien plus large, de la moralité de la vie publique.
Il importe que le politique prenne toute la mesure de l'exigence d'exemplarité dans laquelle il se doit d'inscrire son action.
En la matière, le groupe Nouveau Centre soutient bien évidemment l'ensemble des mesures, proposées par ce texte, qui visent à enrichir les informations devant être fournies à la Commission pour la transparence financière de la vie politique. Nous vous proposerons également d'étendre la liste des personnes soumises à cette obligation de déclaration de patrimoine en intégrant dans le champ de la loi de 1988 les membres des exécutifs des collectivités locales, qui gèrent des sommes très importantes, quelquefois supérieures au budget de certains ministères. À bien des égards et compte tenu des montants désormais atteints par les budgets des collectivités locales, il serait étonnant que l'évolution en cours de mandat, du patrimoine d'un membre de l'exécutif continue d'échapper à tout contrôle.
Je voudrais aussi aborder un point aujourd'hui absent de nos débats, les conséquences à tirer de l'abrogation voulue par le Conseil constitutionnel, dans le cadre d'une question prioritaire de constitutionnalité, de l'article L. 7 du code électoral. Je souhaite à titre personnel qu'une personne qui a fait l'objet, dans l'exercice de ses mandats, d'une condamnation pénale pour délit financier ne soit pas éligible. Nous aurons l'occasion d'en reparler.
Monsieur le ministre, vous avez eu raison d'évoquer le Conseil de l'Europe. J'ai eu l'honneur d'y siéger pendant dix-sept ans, jusqu'à ces dernières semaines, et d'y avoir voté diverses recommandations, notamment la convention pénale et la convention civile contre la corruption. J'ai également eu l'honneur d'être rapporteur du projet de loi relatif à la lutte contre la corruption de septembre 2007, qui les transposait en droit interne. Le Conseil de l'Europe a surtout institué le GRECO, qui permet aux quarante-sept États du Conseil de lutter contre la corruption par le biais d'un processus d'évaluation et, surtout, par la transparence de la vie financière.
Vous avez eu raison de le rappeler, et personne ne peut le contester dans cet hémicycle – surtout pas l'opposition –, notre droit interne dispose en la matière des standards les plus évolués. Il faut voir, aussi, d'où nous partons. J'ai entendu la motion de renvoi défendue par l'opposition. Il ne faudrait pas, tout à l'heure, à l'occasion de la discussion de tel ou tel amendement, faire table rase du passé. C'est cette majorité qui, depuis vingt ans, a transposé les standards internationaux en matière de transparence de la vie financière – et cet élan ne fut pas interrompu entre 1997 et 2002, car M. Jospin y fut également attentif. Alors que, il y a vingt ans, il n'existait aucun texte à ce sujet, les campagnes électorales sont aujourd'hui soumises à un contrôle très strict. On voit le chemin qui a été parcouru.
Le présent texte met en oeuvre les objectifs de la Commission de la transparence de la vie politique et de la Commission de contrôle des comptes de campagne. Certes, il y a des améliorations à apporter, et le groupe Nouveau Centre est prêt à participer à ce travail. Ce texte vise à prendre en compte le cas de certains de nos collègues qui ont été sanctionnés par des peines d'inéligibilité, bien que leur intégrité n'ait jamais pu être mise en cause.
Il suffisait parfois que le trésorier de leur campagne décède et soit remplacé par un autre, pour qu'ils voient leurs comptes invalidés pour des erreurs de moins de cinquante euros versés en espèces. Il fallait améliorer le texte pour éviter que, dans de telles circonstances, leur honneur soit sali et leur élection annulée.
Toutefois, nos concitoyens ont aujourd'hui de grandes exigences éthiques. Vous avez regretté, monsieur le ministre, que ce texte soit examiné avant que la commission de réflexion sur les conflits d'intérêts ne rende ses conclusions. Puis-je vous rappeler, très respectueusement, que le Gouvernement a encore la main sur l'ordre du jour de notre assemblée ? Je ne vois cependant aucune contradiction entre les deux événements. Le président de l'Assemblée nationale a invité tous les groupes parlementaires à participer aux travaux du groupe de travail. J'ai le sentiment que ce projet de loi n'est qu'une étape et je suis sûr que le Gouvernement acceptera que nous menions une réflexion sur les conclusions du groupe de travail sur la prévention des conflits d'intérêts. S'il faut aller encore plus loin dans la transparence de la vie politique, le Gouvernement ne manquera pas de nous le proposer.
Enfin, j'ai été rapporteur de la loi sur le blanchiment et je sais que nous disposons d'instruments de contrôle du patrimoine des élus, d'obligations de déclaration de soupçons, et que nous avons TRACFIN, cellule de veille et de contrôle. Certains de nos collègues parlementaires n'ont-ils pas dû justifier des mouvements qui n'apparaissaient pas très clairs ?
Nous avons intérêt, lors de l'examen des articles, à conserver un certain consensus sur les objectifs du projet de loi. Nous discuterons des amendements, mais, de grâce, ne jetons pas la suspicion sur un côté ou l'autre de l'hémicycle.
Tous, nous sommes attachés à améliorer encore les systèmes de transparence. Vous avez eu raison, monsieur le ministre, de vous référer au GRECO pour dire que, parmi les démocraties, la France s'était dotée d'un des arsenaux les plus transparents.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les textes que nous examinons ce soir sont importants, voire essentiels, pour le bon fonctionnement de notre démocratie, pour la sérénité de la relation entre les représentants et les représentés. Nous avons là une occasion idéale pour faire évoluer les choses de manière sereine, sans la pression d'un scandale qui secouerait l'opinion et nous obligerait à agir dans l'urgence.
Pourtant, avant même l'examen en séance publique, bien des maladresses ont entouré le cheminement de ces textes. Ce fut le cas, d'abord, pour leur programmation. Ces textes, qui prenaient la poussière sur une étagère, ont brutalement été inscrits à l'ordre du jour au début de décembre. Un mardi, en Conférence des présidents, sans qu'aucun signe avant-coureur l'ait laissé présager, il fut décidé que la date limite de dépôt des amendements serait fixée au vendredi suivant. Autant dire que le débat en commission devait être tronqué.
La veille des fêtes de fin d'année, après une session bien remplie, ne paraît pas le meilleur moment pour l'examen en séance publique. Enfin, je m'explique mal que l'on inscrive ces textes à l'ordre du jour avant que les diverses commissions sur les conflits d'intérêts, qui travaillent et auditionnent actuellement, n'aient rendu leur rapport.
Quand aux auditions préalables à l'examen de ces textes, elles n'ont débuté que le jeudi 9 décembre. L'examen en commission et les différents amendements, notamment ceux déposés par le président du groupe majoritaire, ont révélé une volonté de ne pas évoluer d'un iota sur le sujet. Je ne vois pas de meilleur moyen de nourrir l'antiparlementarisme des Français que de refuser toute évolution. Je comprends certaines réticences. La tradition française est de garder un certain secret sur les questions d'argent. Il faut trouver des solutions qui permettent à chacun de ne pas mettre l'ensemble de son patrimoine et de ses revenus sur la place publique. Mais, en même temps, nous devons un minimum de comptes à nos électeurs. Ils doivent notamment savoir quels sont nos liens, nos appartenances et nos intérêts. Cela leur permet d'évaluer notre action politique, nos votes, et de choisir en connaissance de cause le bulletin qu'ils glisseront dans l'urne.
Quoi que nous fassions, nous serons critiqués. Mais autant l'être sur la base d'éléments concrets, sur lesquels on peut se justifier, argumenter. Sur certains sujets, rien n'est pire que le silence, qui laisse place à tous les fantasmes et à toutes les extrapolations. Nous avons tout à gagner à la transparence.
Ces textes nous offrent l'occasion d'engager quelques réformes, que nous serons tôt ou tard amenés à accomplir. Je pense en particulier à la question des cumuls, que ce soit le cumul des mandats ou celui de fonctions et d'activités. Nous avons suffisamment parlé du cumul des mandats. Il s'agit d'un conflit d'intérêts massif, qui peut amener nombre de députés, élus de la nation, à voter contre l'intérêt général pour des questions purement locales. Au moins est-il public : chacun sait à quoi s'en tenir. Il en va autrement pour le cumul d'un mandat national avec des activités professionnelles pouvant placer un élu en situation de conflit d'intérêts. Un certain nombre d'interdictions existent, mais il en est une au moins qui ne va pas assez loin. Des situations que je juge profondément malsaines se sont mises en place. Nous aurons l'occasion d'en reparler à propos de l'amendement que j'ai déposé, mais j'attire votre attention sur le risque que nous courons tous si un seul d'entre nous commet un faux pas.
D'autre part, ces cumuls d'activités se caractérisent par une absence de publicité. Quand on cherche bien, on découvre que tel ou tel parlementaire fait partie d'un conseil de surveillance d'une entreprise, ou exerce encore comme avocat.
Ces informations peuvent pourtant avoir une importance pour bien évaluer l'action politique d'un parlementaire.
Là encore, l'absence de transparence mine la confiance qui doit nécessairement exister entre les représentants et les représentés. C'est une vraie gangrène.
Mes chers collègues, nous devons des comptes à nos électeurs. Nous leur devons aussi de respecter scrupuleusement l'intérêt général. Je ne conçois pas l'exercice de mon mandat autrement.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, une fois n'est pas coutume, nous nous retrouvons plutôt dans ces textes. Pour ma part, je me félicite de l'état d'esprit dans lequel, depuis plusieurs mois, le président Warsmann et le rapporteur M. de La Verpillière ont mené des travaux débouchant sur un certain nombre de dispositions qui nous agréent – même si nous avons à formuler quelques nuances. Nous nous apprêtions à le dire et à assumer notre position jusqu'au bout, lorsque nous avons appris que certains amendements déposés au titre de l'article 88 détricotent ce que nous avions patiemment construit et mettent en cause cette cohésion que je saluais. Notre décision finale dépendra donc de l'orientation de nos débats.
Nous nous retrouvons cependant dans un certain nombre de mesures qui figurent dans ces textes : celles sur l'inéligibilité, avec une petite nuance sur le statut des représentants des missions diplomatiques – mais c'est vraiment un point de détail –, la validation des comptes de campagne, avec, là encore, une petite nuance sur l'exonération de déclaration que vous souhaitez pour ceux qui n'ont pas réuni 1 % des suffrages, mais que vous avez accepté de sous-amender en ajoutant la condition qu'ils n'aient pas reçu de dons publics de personnes privées.
Nous nous retrouvons également – car nous le demandions depuis longtemps – dans l'abaissement à dix-huit ans de l'âge auquel on peut se présenter aux élections législatives. Cette mesure n'est pas seulement symbolique : la majorité doit être pleine et entière, sur les plans pénal, civil et politique. C'est ensuite aux partis, aux formations politiques, qu'il appartiendra de faire en sorte que, dans la démocratie représentative, ceux qui représentent le peuple lui ressemblent le plus possible. De ce point de vue, il subsiste une petite anomalie. Vous le savez, monsieur le ministre, puisque vous venez de cette noble assemblée : on peut être Président de la République ou député à dix-huit ans, mais il faut en avoir trente pour être candidat au Sénat. Il faudrait corriger cela et abaisser à dix-huit ans la limite d'âge pour être sénateur.
Nous nous reconnaissons aussi dans les dispositifs arrêtés pour revenir à l'abandon du mandat le plus ancien en cas de cumul. Vous avez eu raison, monsieur le rapporteur, de préciser qu'il s'agissait du plus ancien des mandats territoriaux, et non pas des mandats nationaux. Il y a là une forme de moralisation – n'hésitons pas, pour une fois, à employer le mot, et d'autant moins que c'est vous qui êtes à l'origine de cette nouvelle proposition, que nous avions également faite par le passé. Il s'agit en réalité d'empêcher l'« effet locomotive » : un élu se présente à une nouvelle élection puis renonce au mandat qu'il vient d'obtenir en abandonnant les électeurs qui ont voté pour lui.
Nous nous reconnaissons aussi dans le dispositif – que nous appelions de nos voeux et auquel nous souhaitons pouvoir travailler jusqu'à la lecture définitive – qui permet, en laissant le moins d'espace possible à la jurisprudence, de définir la notion de bonne foi, pour faire en sorte que l'inéligibilité ne soit plus mécanique lorsqu'un compte de campagne est refusé pour des raisons qui ne mettent pas en cause l'honnêteté et la bonne foi de celui qui a été élu ou de celui qui a été battu. Vous avez proposé une rédaction, monsieur le rapporteur. Nous avons proposé une contre-rédaction, qui s'inspire largement du rapport Mazeaud. Il serait bon que nous puissions aboutir à une rédaction qui réduise au maximum le champ de l'interprétation de la jurisprudence, pour que les choses soient aussi claires que possible pour tous.
Nous nous reconnaissons aussi, naturellement, dans certains dispositifs à l'origine desquels nous sommes. Sachant ce que le président de la commission des lois a dit de cette mesure lors de l'examen du texte sur la réforme des collectivités territoriales, je comprendrais mal que la majorité ne soit pas favorable à l'amendement que nous proposons sur la modification du mode de scrutin dans les élections locales.
Le renvoi à un texte différent est contraire à l'engagement que vous aviez pris, monsieur le président Warsmann, monsieur de la Verpillière, ainsi que le prédécesseur de M. le ministre, et que vous avez réitéré ici en des termes que je pourrais citer, l'engagement de modifier le mode de scrutin municipal dans les communes de plus de 500 habitants pour essayer de corriger au moins l'effet désastreux de la réforme que vous avez proposée pour la représentation des femmes aux élections territoriales. Je ne vois pas ce qui pourrait vous empêcher de voter l'amendement que nous proposons, strictement conforme aux engagements que vous-mêmes avez pris devant la représentation nationale.
Nous avons déposé deux autres amendements. L'un, voté tout à l'heure par la commission des lois, me paraît aller dans le sens de ce que nous faisons depuis plusieurs années, dans le sens, notamment, de la réforme constitutionnelle en vertu de laquelle les suppléants des ministres rendent aux ministres qui quittent le Gouvernement leur siège au Parlement. Nous proposons en effet que les suppléants des députés élus au Sénat ou au Parlement européen puissent succéder aux députés titulaires dans les mêmes conditions.
Enfin, quelques amendements visent une évolution du mode de participation. Ils portent notamment sur les procurations. Nous espérons que la majorité saura nous entendre.
Je ne comprends pas bien pourquoi nous nous trouvons aujourd'hui dans une situation un peu plus difficile. Je ne comprends pas bien quelles peuvent être les motivations des amendements qui sont venus démolir l'édifice que nous avions construit tout à l'heure. De quoi s'agit-il ? Je veux le dire simplement. Vous proposiez, monsieur le rapporteur, le Gouvernement proposait que les parlementaires déclarent à la fin de leur mandat les revenus qu'ils avaient perçus au cours de celui-ci. La commission des lois a trouvé que c'était trop et que cette déclaration ne devait se faire que si la Commission pour la transparence financière de la vie politique voyait une anomalie dans l'évolution de leur patrimoine. C'était une très bonne proposition : ce n'était pas systématique mais, en cas d'anomalie, on demandait aux députés leur déclaration de revenus et, s'ils ne la donnaient pas, on autorisait la commission pour la transparence à aller, au bout de deux mois, la chercher auprès de l'administration fiscale. Rien de choquant, et rien que de très normal aux yeux de l'opinion ! Pourquoi avoir changé cela ? Pourquoi la commission pour la transparence, qui est faite pour contrôler l'évolution du patrimoine des élus, ne pourrait-elle pas savoir ce qu'ont touché les parlementaires pendant leur mandat ? Ils ont touché leurs 5 400 euros d'indemnité parlementaire, comme vous, comme moi, comme tous ceux qui sont ici. Certains, en plus, sont rentiers ou propriétaires d'entreprises,…
…ont des actions, sont avocats ou professeurs d'université. Ils ont le droit de l'être, mais, si leur patrimoine décuple, il est assez normal que la commission pour la transparence éprouve le besoin de savoir quel était le niveau de leurs revenus.
Je vous en conjure : ne laissez pas la suspicion gagner l'esprit de ceux qui nous regardent ! De manière parfaitement naturelle, on va se dire : « s'ils refusent ce mécanisme tout simple, c'est qu'ils veulent cacher quelque chose ! » Quant à la pénalisation, pardonnez-moi mais il ne s'agit pas de créer une juridiction d'exception, comme je l'ai entendu dire. Lorsque nous adoptons la loi Hadopi et instaurons des sanctions nouvelles applicables au piratage électronique, nous ne créons pas une juridiction d'exception, nous donnons aux tribunaux la capacité de punir, selon les termes fixés par la loi, un nouveau délit. En l'occurrence, c'est exactement la même chose : lorsqu'un député ou un sénateur ment, cache effrontément l'évolution de son patrimoine à la Commission pour la transparence de la vie politique, oui, ce député est passible d'une sanction. Deux ans de prison et trente mille euros d'amende, c'est beaucoup, mais c'est mérité, car il ne s'agit pas de n'importe qui, il s'agit d'un député. Tout cela est parfaitement cohérent.
Je vous en supplie donc, je vous en conjure : ne cassez pas le fruit d'un travail qui, pour une fois, a réuni gauche et droite dans cet hémicycle pour donner plus de transparence et de crédibilité à la vie politique tout entière.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes réunis aujourd'hui pour examiner, dans le cadre d'une discussion commune, trois textes qui visent à actualiser de manière coordonnée les dispositions relatives à la campagne électorale et aux conditions d'élection pour les différents types d'élections politiques ainsi qu'à introduire de nouvelles exigences en matière de transparence financière de la vie publique.
L'objet initial du projet de loi organique relatif à l'élection des députés était assez restreint. Les discussions en commission ont apporté certaines modifications, notamment l'incrimination de déclaration de patrimoine incomplète ou mensongère – déclaration transmise par un parlementaire à la Commission pour la transparence financière de la vie politique – et la communication à cette commission, à sa demande, des déclarations d'impôt sur le revenu ou d'impôt de solidarité sur la fortune des parlementaires. Si nous approuvons les mesures portant sur les inéligibilités et sur la validation des comptes de campagne, nous tenons à souligner que la notion de « bonne foi », introduite à l'article 2 et reprise de l'article régissant le statut des élus locaux, est assez difficile à apprécier et donc, potentiellement, source d'arbitraire. Nous regrettons que la commission des lois ait assoupli encore le dispositif prévu en proposant que le Conseil constitutionnel puisse « ne pas prononcer l'inéligibilité du candidat dont la bonne foi est établie ou relever le candidat de cette inéligibilité », sans qu'il soit précisé que la bonne foi du candidat doit s'apprécier au regard du faible degré de gravité des manquements commis. Pourtant, cette précision eût été intéressante.
Je ne développe pas le sujet du projet de loi portant ratification de l'ordonnance du 29 juillet 2009 relative à l'élection de députés par les Français établis hors de France, pour centrer mon propos sur la proposition de loi portant simplification de dispositions du code électoral et relative à la transparence financière de la vie politique, plus spécifiquement sur son second chapitre.
Je vous le dis d'emblée : ces améliorations restent, pour nous, trop timides. Nous considérons qu'il aurait fallu aller bien plus loin dans la transparence, contrairement à ce que pensent certains de nos collègues. Du reste, les dernières modifications apportées cet après-midi par la commission des lois sont pour nous inacceptables ; j'y reviendrai.
Depuis 1988, la France s'est dotée d'une législation sur le financement des campagnes électorales et des partis politiques. Les différentes lois adoptées depuis lors – mon collègue l'a précisé – ont largement modifié les usages et habitudes des partis et ont contribué à rendre plus transparent leur financement en plafonnant le montant des dépenses électorales et les dons versés aux partis. Outre le financement des partis politiques et des campagnes électorales, l'un des objectifs du législateur de 1988 était d'assurer la transparence du patrimoine des élus, de manière à pouvoir vérifier qu'ils ne profitent pas de leurs fonctions électives pour s'enrichir indûment. À cet effet a été instituée une obligation de déclaration de patrimoine, déposée en début puis en fin de mandat. Le contrôle des déclarations de patrimoine incombe à la Commission pour la transparence financière de la vie politique, dont la mission est d'apprécier la variation du patrimoine entre ces deux déclarations. Dans le cas où elle constate des évolutions de patrimoine pour lesquelles elle ne dispose pas d'explications satisfaisantes, elle transmet le dossier au parquet après avoir mis l'intéressé en demeure de faire ses observations, soit par oral, soit par écrit.
Dans les rapports qu'elle publie – au moins un tous les trois ans –, elle indique, de manière récurrente, que la loi devrait être modifiée sur au moins deux points. Tout d'abord, elle demande que l'obligation de déclaration de patrimoine soit assortie d'une déclaration des revenus. En effet, comment apprécier le caractère normal ou non d'une évolution de patrimoine lorsque les informations sur le revenu ne sont pas communiquées ? Ensuite, elle demande que soit prévue la possibilité de sanctionner des déclarations insincères.
L'institution qui est, depuis son origine, privée de pouvoir réel ne cesse de demander qu'on lui donne enfin les moyens de contrôler et de sanctionner efficacement. C'est aussi, pour nous, une nécessité. Notre travail, en tant que députés, ne consiste pas à instituer un mécanisme d'auto-protection mais bien à faciliter le travail de la commission. N'en déplaise à certains, nous jugeons proprement scandaleux, à cet égard, les amendements adoptés cet après-midi par la commission des lois.
La Commission pour la transparence financière de la vie politique est en effet confrontée à plusieurs obstacles qui l'empêchent d'agir. Elle déplore une dégradation du respect des délais de dépôt des déclarations de patrimoine, avec 33 % de défaillants aux dernières élections municipales. En outre, elle n'a aucun moyen de vérifier l'exactitude des montants communiqués, puisqu'elle n'a pas le droit d'accéder aux fichiers de l'administration fiscale, d'appeler une banque ou n'importe quel autre tiers. Ensuite, les textes n'ont pas prévu de contrôle sur le patrimoine du conjoint. Enfin, les personnes sur qui pèsent les obligations de déclaration n'ont aucune obligation de livrer leurs revenus, feuilles d'impôts ou déclarations faites au titre de l'impôt sur la fortune.
Il est donc urgent de renforcer les pouvoirs de la commission. Depuis 1988, elle a traité 10 000 dossiers – des dossiers de ministres, de parlementaires, d'élus locaux, de dirigeants d'entreprises publiques ou d'offices HLM – mais elle n'a décelé que douze fois des éléments suffisamment douteux pour justifier une transmission au parquet –, « sans que cela puisse rien donner », regrettent ses services.
Plusieurs anciens membres de la Commission pour la transparence financière de la vie politique ont dénoncé une « commission alibi ».
Fait exceptionnel, on se souvient que M. Philippe Séguin, membre de droit, avait même manqué une séance de la commission. Dans une lettre qu'il avait adressée à Jean-Marc Sauvé, il regrettait : « Chaque séance comprend des dossiers pour lesquels notre mission ne peut être convenablement assurée. » Il expliquait: « Les déclarations ne comprennent pas, dans les cas de séparation de biens, le patrimoine du conjoint. L'incomplétude volontaire du patrimoine familial déclaré rend alors fallacieuse son analyse [...]. Notre commission ne peut demander le montant des revenus ni accéder aux dossiers fiscaux [...], elle n'est pas destinataire des alertes déclenchées par Tracfïn [la cellule antiblanchiment de Bercy]. » Par la suite, à la fin du mois de novembre 2009, Christian Pierre, conseiller honoraire à la Cour de cassation, avait démissionné de la commission. Il avait préalablement adressé, lui aussi, une longue lettre à ses collègues pour décrire son désarroi. Son constat est sans appel : «La commission ne contrôle rien. Elle ne fait que recevoir des déclarations. C'est tout. Comme un confessionnal. Ces déclarations peuvent être entièrement fausses sans que rien ne permette d'en détecter l'artifice. »
C'est dans ce contexte, que la proposition de loi de MM. Warsmann et de La Verpillière entend enrichir les informations qui doivent être fournies à la Commission pour la transparence financière de la vie politique et créer une sanction pénale pour toute déclaration volontairement incomplète ou mensongère.
Si cette proposition apporte des modifications qui vont dans le bon sens, nous estimons néanmoins qu'elle reste en deçà de ce que nous pourrions exiger des politiques. Nous regrettons le recul intervenu à la suite de l'examen en commission des lois.
Ainsi l'article 4 qui prévoyait d'exiger que la déclaration de fin d'exercice du mandat ou des fonctions comprenne également « le détail des revenus » perçus pendant la durée du mandat ou des fonctions a-t-il malheureusement été supprimé. La raison invoquée est que l'article 5, qui prévoit la transmission à la Commission pour la transparence financière de la vie politique, à sa demande, des déclarations d'impôt sur le revenu et d'impôt de solidarité sur la fortune, devrait suffire à garantir une information plus complète. Or les dispositions de l'article 4, qui rendaient obligatoire et automatique la transmission des revenus, me semblaient plus à même de garantir cette information.
Par ailleurs, l'article 5 a été précisé par la commission des lois. Il prévoit désormais que la Commission pour la transparence financière de la vie politique devra faire la demande de transmission des déclarations d'impôt sur le revenu et d'impôt de solidarité sur la fortune aux personnes intéressées, et ne pourra s'adresser à l'administration fiscale qu'à défaut de réponse de la personne concernée dans un délai de deux mois. Là encore, il s'agit d'un recul par rapport au texte initial. Si la possibilité de s'adresser à l'administration fiscale constitue certainement une avancée, le délai de deux mois après que l'institution aura demandé les déclarations de revenus constitue une perte de temps qui ne va pas dans le sens d'une plus grande efficacité de l'institution.
L'amendement de M. Copé et de ses collègues, qui vise à supprimer la nouvelle incrimination pénale, a été adopté en commission ; c'est inacceptable. En ce qui nous concerne, il n'y a pas d'ambiguïté possible : les élus doivent être sanctionnés dès lors qu'il ne jouent pas le jeu de la transparence. C'est la moindre des choses qu'ils doivent à leurs électeurs. De même, nous sommes persuadés qu'il ne peut y avoir de bonne gouvernance sans une transparence financière qui s'applique aux différents pans de la sphère économique.
Pour ne prendre qu'un exemple d'actualité – sans aller outre-mer ou ailleurs –, je ne peux m'empêcher de dénoncer ici le problème de l'absence de transparence de la rémunération de Carlos Ghosn chez Nissan. D'un montant d'environ 8 millions d'euros, elle « était totalement cachée aux actionnaires de Renault et n'apparaît jamais dans le document de référence» du groupe automobile, selon Proxinvest. On pourrait d'ailleurs en dire autant des présidents de société HLM, pourtant soumis aux règles de la Commission pour la transparence de la vie publique.
Vous comprendrez, à la lumière de toutes ces observations, que nous ne puissions soutenir ce texte en l'état.
La parole est à M. Patrice Calméjane, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les règles applicables aux campagnes électorales pour les élections législatives ont fait apparaître, à l'usage, quelques lacunes ou imperfections, d'où le projet de loi organique relatif à l'élection des députés déposé le 29 juillet 2009.
Aussi, en vertu de la révision constitutionnelle de juillet 2008, a-t-il été créé des sièges de députés représentant les Français établis hors de France. Cela appelle évidemment certaines adaptations de dispositions relatives aux inéligibilités à l'élection de ces députés prévues par le projet précité.
Suite au rapport Mazeaud sur le financement des campagnes, sur lequel j'ai travaillé – j'avais d'ailleurs envoyé à M. Accoyer un certain nombre de remarques –, il ressort des préconisations de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques et de celles de la Commission pour la transparence financière de la vie politique que l'adaptation et la modification des dispositions électorales relatives à l'élection des députés pouvaient également offrir l'occasion de modifier plus largement des dispositifs du code électoral applicables à l'ensemble des élections.
Ainsi, le régime des inéligibilités est revu et prend dorénavant en compte les évolutions de notre droit, des institutions, et quelques cas particuliers pour les candidats.
Aussi, ce projet est porteur d'adaptations plus ponctuelles de certaines règles organiques, notamment la purge de l'incompatibilité liée au cumul de plusieurs mandats. En l'état actuel du droit, à défaut de choix, le député qui acquiert un mandat le plaçant en situation d'incompatibilité perd le mandat acquis le plus récemment. Il est proposé de prévoir une perte du mandat acquis à la date la plus ancienne, à l'instar des règles applicables en cas de cumul de mandats locaux.
Dans cette rubrique relative aux adaptations ponctuelles, il y a aussi une simplification des conditions du refus d'enregistrement d'une candidature aux élections législatives.
De plus, il y est consacré une partie sur l'adaptation de certaines dispositions pour prendre en compte la création des députés élus par les Français de l'étranger, notamment le régime des inéligibilités.
Dans cet ensemble de textes dit « paquet électoral », une simplification des règles applicables à l'ensemble des campagnes électorales est prévue. Ainsi, il est proposé, premièrement, d'exonérer de l'obligation de dépôt d'un compte de campagne et de financements politiques les candidats ayant obtenu moins de 1 % des suffrages exprimés, à condition que l'amendement de la commission des lois soit adopté, qui prévoit de ne pas avoir bénéficié de dons de personnes physiques ouvrant droit à réduction d'impôt pour les donateurs.
Cela évitera peut-être les candidatures un peu pirates, si je puis dire.
Il est proposé, deuxièmement, de prendre systématiquement comme point de départ de la computation du délai de dépôt des comptes de campagne le premier tour.
Troisièmement, de subordonner le dépôt de toute candidature aux élections à la production des documents prouvant qu'un mandataire financier a été effectivement désigné, et cela pour toutes les élections où un mandataire est obligatoire.
Quatrièmement, de créer un véritable droit à l'ouverture d'un compte bancaire en vue d'une campagne électorale.
Enfin, il est consacré des exigences nouvelles en matière de déclarations à la Commission pour la transparence financière de la vie politique.
Le débat en commission des lois a fait apparaître que de telles propositions n'ont de sens que si l'obligation de confidentialité qui pèse aujourd'hui comme hier sur les membres de la Commission pour la transparence financière de la vie politique est scrupuleusement respectée par ces derniers. La loi du 11 mars 1988 institue, certes, des sanctions pénales sévères à l'encontre de toute personne qui divulguerait des observations ou des déclarations qu'a eu à connaître la commission. Plus généralement, les membres de la commission doivent avoir pleinement conscience du fait que de l'attitude de chacun d'entre eux dépend la crédibilité même de la commission.
Permettez moi d'insister sur un problème que je ne cesse de soulever et qui me paraît aberrant et injuste : celui de certains DOM-TOM et de la domiciliation des futurs députés représentants les Français à l'étranger, où les régimes fiscaux sont très différents voire inexistants. Comment la commission va-t-elle pouvoir travailler dans ces conditions ?
Je souhaite donc que tous les députés aient un domicile fiscal en France métropolitaine. Cela me paraîtrait une illustration du principe de l'égalité de tous devant la loi, surtout qu'ils sont payés par de l'argent public.
Le groupe UMP votera ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Régis Juanico, pour le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je suis le dernier orateur inscrit dans la discussion générale, je me contenterai donc d'évoquer devant vous les différentes dispositions des textes de loi examinés ce soir, qui vont permettre à la fois de renforcer la transparence financière de notre vie politique et de simplifier certaines règles de financement des campagnes électorales.
Je veux d'abord commencer par remercier le président de la commission des lois, Jean-Luc Warsmann, et le rapporteur, Charles de La Verpillière, car, il y a deux mois, lors de l'examen de la proposition de loi déposée par le groupe socialiste, radical et citoyen visant à renforcer les exigences de transparence financière de la vie politique, dont j'étais le rapporteur, texte qui comportait de nombreux points communs avec la proposition de loi en discussion ce soir, nous avions émis la crainte que certaines dispositions consensuelles de ce texte ne soient repoussées aux calendes grecques de l'agenda parlementaire. Monsieur Warsmann, vous nous aviez indiqué que la discussion interviendrait avant le mois de janvier. Vous avez tenu parole sur ce point, en inscrivant rapidement ces textes de loi à l'ordre du jour de notre assemblée, même si, sur le fond, j'y reviendrai dans un instant, nous aurions souhaité que vous alliez un tout petit plus loin sur un certain nombre de dispositions que nous considérons comme fondamentales.
Les textes issus de la commission des lois que nous discutons aujourd'hui sont tout d'abord un bon compromis et une avancée en matière d'obligation de transparence financière pour les élus, avec l'introduction de la possibilité d'une sanction pénale en cas de déclaration de patrimoine incomplète ou mensongère transmise à la Commission pour la transparence financière de la vie politique. Cette dernière aura en outre la possibilité de demander aux parlementaires leur déclaration d'impôt sur le revenu ou d'ISF.
Même si nous aurions pu aller plus loin, deux dispositions importantes sont introduites dans la loi et font l'objet d'un équilibre dans le débat de très grande qualité que nous avons eu en commission des lois. J'ose espérer que les amendements déposés par M. Copé, qui sont déflagrateurs sur le plan politique car ils visent purement et simplement à supprimer ces dispositions, ne seront pas votés, ce soir, par nos collègues de la majorité.
Les autres points contenus dans la proposition de loi reprennent pour l'essentiel les propositions formulées par Pierre Mazeaud dans le cadre de la mission de réflexion sur la législation relative aux financements des campagnes électorales et un certain nombre de propositions de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements de la vie politique, Il s'agit d'évolutions de bon sens.
D'abord, l'instauration d'une même date de dépôt pour tous les comptes de campagne à une même élection, que le candidat soit élu au premier ou au second tour.
Ensuite, l'obligation pour les établissements bancaires d'ouvrir un compte et de mettre à disposition les moyens de paiement pour les mandataires et les associations de financement désignés par les candidats à une élection.
De plus, l'obligation de désigner un mandataire avant de déposer sa déclaration de candidature en préfecture. C'est là aussi du bon sens.
Enfin, l'absence d'obligation de déposer un compte de campagne quand le candidat a obtenu moins de 1 % des suffrages exprimés et qu'il n'a reçu aucun don de personne physique – même, si, sur ce dernier point, il faudra être attentif à l'avenir à ne pas encourager une multiplication de candidatures fantaisistes.
Nous souhaitons compléter le texte par voie d'amendement sur deux points fondamentaux, qui permettront d'améliorer encore la transparence du financement des partis politiques.
Le premier point concerne l'interdiction pour un parlementaire de métropole de se rattacher à un parti éligible à l'aide publique au seul titre de ses résultats outre-mer. De tels rattachements – notre collègue René Dosière l'a évoqué tout à l'heure – ont pour seul but de bénéficier de l'aide publique accordée au titre de la deuxième fraction, sans s'adosser à un parti ayant droit à la première fraction au titre de ses résultats en métropole. Il s'agit manifestement d'un détournement de l'esprit de la loi dans lequel l'aide publique doit être accordée aux partis politiques.
Le second point vise à mettre fin à ce que nous considérons comme un contournement de l'esprit de la loi concernant le plafonnement des dons de personnes physiques, à savoir la multiplication des dons à différents partis ou groupements au-delà de la somme de 7 500 euros.
La proposition de loi propose des dispositions permettant d'actualiser, chaque année, en fonction de l'évolution de l'indice du coût de la vie, les dons de personnes physiques aux candidats à une élection, aujourd'hui plafonnés à 4 600 euros, et les dons de personnes physiques aux partis ou groupements politiques, actuellement plafonnés à 7 500 euros. Nous n'y sommes pas opposés, à condition d'avancer dans le même temps sur la question du plafonnement global des dons de personnes physiques aux partis.
Alors que le plafonnement à 4 600 euros des dons pour les campagnes électorales vaut pour toutes les campagnes électorales organisées pour la même élection, le plafonnement à 7 500 euros des dons de personnes physiques aux partis politiques est un plafonnement applicable parti par parti. Ainsi, il est tout à fait possible à une même personne de verser plusieurs fois 7 500 euros à autant de partis politiques qu'elle le souhaite.
Dès son rapport d'activité pour l'année 1995, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques s'était inquiétée de cette faille.
Ainsi, la faculté de donner plus de 7 500 euros par an aux partis politiques a des effets pervers. Elle contribue à favoriser la création de micro-partis – comme l'a fort bien expliqué tout à l'heure René Dosière lors de la défense de l'une des motions. Nous sommes passés en vingt ans de 28 à 296 formations politiques enregistrées à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques. Depuis 2009, plus de quarante micro-partis ont été créés.
Notre amendement propose que l'enveloppe du montant plafonné soit appréciée pour l'ensemble des dons d'une personne physique à un ou plusieurs partis. Cette modification n'interdirait pas à une même personne de faire des dons à plusieurs partis, si elle le souhaite, mais elle présenterait la vertu d'empêcher que le cumul de ces dons dépasse le montant plafonné fixé aujourd'hui à 7 500 euros.
Ces dispositions, qui permettraient de corriger des failles de la législation actuelle, seraient également économes des deniers publics, puisqu'elles contribueraient à limiter le montant des réductions d'impôt résultant de dons ou cotisations versés à des partis politiques. La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a chiffré la dépense fiscale résultant de ces réductions d'impôts ainsi que de celles liées aux dons pour des campagnes électorales à plus de 30 millions d'euros chaque année. Cela ne représente pas une petite somme.
Mes chers collègues, la France s'est dotée, par touches successives, principalement à travers les lois de 1988, 1990, 1995 et 2003 – des majorités différentes étaient concernées, mais la représentation nationale s'est unie autour de ces lois –, d'une législation sur le financement des partis et des campagnes électorales complète et rigoureuse. Elle permet à la fois d'apporter une aide publique aux partis, d'encadrer les financements privés dont ils peuvent bénéficier, de plafonner les dépenses électorales des candidats, d'imposer la transparence des ressources et des dépenses et de soumettre le respect de cette législation à un contrôle et à des sanctions. Il faut donc la conforter et l'améliorer, si des failles y sont constatées.
Les textes de loi soumis à notre vote aujourd'hui permettent d'aller plus loin dans la moralisation de la vie politique, à condition de ne pas être amputés de leurs dispositions fondamentales sur la transparence financière et surtout si le texte est enrichi par un certain nombre de nos amendements, qui seront votés, je l'espère, par nos collègues siégeant sur tous les bancs. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La discussion générale commune est close.
La suite des débats est renvoyée à la prochaine séance.
Prochaine séance, ce soir à vingt-et-une heures quarante-cinq :
Suite de la discussion du projet de loi organique sur l'élection des députés ;
Du projet de loi sur l'élection de députés par les Français établis hors de France ;
De la proposition de loi sur la transparence financière de la vie politique.
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt heures vingt-cinq.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,
Claude Azéma