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Intervention de Jean-Paul Lecoq

Réunion du 20 décembre 2010 à 16h00
Adaptation de la législation au droit de l'union européenne — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Paul Lecoq :

En réalité, le Gouvernement a préféré une méthode de transposition privant les parlementaires et, surtout, les citoyens d'une vision d'ensemble du texte et de la possibilité de débattre réellement de ses enjeux. C'est inadmissible ! La représentation nationale aurait au contraire dû débattre spécifiquement de cette question majeure, afin de contrer le déficit démocratique inhérent à la construction européenne.

Permettez-moi de regretter vivement que la lecture au Sénat ait été, pour le Gouvernement, l'occasion de présenter une série d'amendements l'habilitant à prendre par voie d'ordonnance plusieurs mesures de transposition. Comme l'a indiqué notre rapporteur, M. Saddier, « c'est ce qui donne au texte cet aspect de “train d'habilitations” : près de la moitié de ses articles se bornent à renvoyer à une ou plusieurs ordonnances à venir ».

Par principe, vous le savez, nous dénonçons le recours aux ordonnances, qui dessaisit le Parlement de ses droits. Vos collègues de la majorité eux-mêmes l'ont regretté. La rédaction des ordonnances, quand bien même les parlementaires y seraient associés, risque en effet de ne pas prendre en considération certaines spécificités nationales, voire de plus larges préoccupations. Il appartient au Parlement de discuter les textes au fond, afin de souligner ces spécificités, et seul un tel débat garantit une appréciation globale, dans le respect de nos valeurs.

En ce qui concerne spécifiquement les textes européens, le débat de fond est plus nécessaire encore, tant la marge de manoeuvre du législateur national est encadrée par les directives et les règlements de l'Union. Aussi est-il tout à fait regrettable que le Parlement soit par exemple privé de débat sur les directives du paquet « énergie-climat », qu'il est proposé de transposer par voie d'ordonnance. Trois directives sont en cause : la première est relative à la promotion de l'utilisation de l'énergie produite à partir de sources renouvelables ; la deuxième vise à améliorer et à étendre le système communautaire d'échange des quotas d'émission de gaz à effet de serre ; la troisième concerne la qualité des carburants. Il s'agit donc de dispositions qui touchent de près l'organisation de notre secteur énergétique et celle des réseaux de transport d'électricité et de gaz.

De même, il est inacceptable que l'on dessaisisse le Parlement de ses prérogatives en prévoyant de transposer par ordonnance six règlements et une directive dans les domaines suivants : la classification, l'étiquetage et l'emballage des substances et des mélanges ; l'enregistrement, l'évaluation et l'autorisation des substances chimiques, ainsi que les restrictions applicables à ces substances ; les dispositions relatives à certains gaz à effet de serre fluorés ; les dispositions relatives aux polluants organiques persistants ; les exportations et les importations de produits chimiques dangereux ; les dispositions relatives à des substances qui appauvrissent la couche d'ozone ; la mise sur le marché de produits biocides. Ces sujets ne sont pas secondaires, eux non plus.

Le titre II de la proposition de loi comprend des dispositions relatives à des professions et activités réglementées. Je l'ai dit, deux des quatre articles composant ce titre correspondent non seulement à des articles de la proposition de loi Warsmann, mais également à la transposition de la directive « services ». Ils concernent la profession de géomètre-expert, visée à l'article 3, et l'activité de direction ou de gérance d'une auto-école, à l'article 4. Cette méthode, que j'ai dénoncée, montre que le Gouvernement veut adopter en catimini des dispositions que nous n'avons de cesse de combattre, et qui mettent toutes les activités humaines en concurrence frontale.

Enfin, les dispositions du titre III, relatif aux transports, soulèvent à nos yeux bien des problèmes. Ainsi, nous craignons que l'article 7 ne constitue un premier pas vers un alourdissement des charges pesant sur les collectivités en matière de gestion des routes départementales. Aujourd'hui, en effet, l'essentiel du réseau est composé de ces routes. Il n'est donc pas exclu que le Gouvernement souhaite, dans un second temps, étendre à ce réseau les obligations d'audit. Si telle n'est pas votre intention, monsieur le secrétaire d'État, peut-être pourrez-vous nous apporter quelques éclaircissements.

Par ailleurs, nous regrettons l'introduction de deux nouveaux articles figurant également dans la proposition de loi Warsmann et qui concernent la poursuite de la libéralisation du secteur aérien. L'article 10, notamment, risque d'encourager les compagnies françaises à recruter dans des pays où les contraintes de qualification et d'aptitude médicale qui s'imposent à elles seront moindres, voire inexistantes.

Vous le savez, nous demandons régulièrement un bilan sur les directives communautaires d'ouverture à la concurrence. Nous souhaitons que, dans ce cadre, la politique communautaire des transports soit réétudiée et réorientée, afin que la question du service public devienne centrale. Nous n'avons obtenu aucune réponse à ce jour.

Pour toutes ces raisons, vous comprendrez que notre groupe vote contre cette proposition de loi.

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