J'en viens aux mesures qui, dans la proposition de loi et les amendements au projet de loi organique, concernent la transparence financière de la vie politique. La plupart d'entre elles n'ont soulevé aucune difficulté lors de l'audition des présidents de groupe cet été, mais elles ont en revanche suscité de vifs débats au sein de la commission des lois.
Je rappelle que la loi du 11 mars 1988 a institué une Commission pour la transparence financière de la vie politique, composée de hauts magistrats. Elle est chargée de recevoir les déclarations de patrimoine que les parlementaires, les présidents d'exécutifs locaux et les dirigeants d'entreprises publiques doivent déposer au début et à la fin de leur mandat.
La commission dispose essentiellement de deux pouvoirs : en cas de non-respect de l'obligation de déposer une déclaration, elle provoque la saisine du juge de l'élection, le Conseil constitutionnel pour les parlementaires, le Conseil d'État ou un tribunal administratif pour les autres élus, et celui-ci déclare inéligible et démissionnaire d'office la personne concernée, celle qui n'a déposé aucune déclaration ; si elle constate une évolution anormale de la situation patrimoniale entre deux déclarations, celle d'entrée et celle de sortie, elle transmet le dossier au parquet, et la juridiction pénale est donc saisie.
En revanche, elle ne peut rien faire si l'intéressé a omis de déclarer certains éléments de son patrimoine ou si l'évaluation qu'il en donne est fantaisiste, et elle demande depuis longtemps que cette lacune soit comblée par l'édiction d'une infraction sanctionnée pénalement et par la possibilité qui lui serait donnée de se faire communiquer les déclarations fiscales des personnes concernées.
Il vous est proposé de renforcer, mais de façon limitée, les pouvoirs de la commission à cet égard. Nous devons en effet trouver une voie étroite, un chemin de crête, pourrais-je dire, entre deux exigences. Parce que les élus doivent être exemplaires, il n'est pas possible d'admettre qu'une loi, la loi du 11 mars 1988 sur la transparence financière de la vie politique, puisse être contournée ou tenue en échec (« Très juste ! » sur divers bancs), mais nous ne devons pas céder aux sirènes du politiquement correct, à la tentation de l'autoflagellation, qui ne fait paradoxalement que nourrir le soupçon et alimenter les discours populistes.
C'est pourquoi la commission a adopté un texte équilibré. Il permet à la Commission pour la transparence financière de la vie politique de demander communication des déclarations fiscales et sanctionne les omissions et les fausses évaluations entachant les déclarations de patrimoine. Toutefois, la sanction ne sera encourue que s'il y a une volonté délibérée et incontestable de frauder et de mentir. Un simple oubli ou une divergence sur l'estimation d'un élément du patrimoine n'entrera pas dans le champ d'application. Sur la nature de la sanction, sanction pénale ou inéligibilité, le débat reste ouvert, il reviendra à l'Assemblée de trancher. Enfin, quel que soit le dispositif adopté, il s'appliquera non pas aux déclarations déjà déposées mais seulement à celles qui seront reçues à la commission après la promulgation de la loi. C'est le sens d'un amendement que je défendrai tout à l'heure.
Je voudrais qu'il soit bien clair que le renforcement des pouvoirs de la Commission pour la transparence financière de la vie politique doit aller de pair avec le strict respect de l'obligation de confidentialité à laquelle sont astreints ses membres. L'article 4 de la loi du 11 mars 1988 punit d'amende et de prison la méconnaissance de cette obligation. Il vous sera proposé par l'amendement n° 22 au projet de loi organique que je défendrai tout à l'heure que le président de la commission soit tenu de saisir le procureur de la république en cas d'infraction.
Telles sont les dispositions que la commission des lois invite l'Assemblée nationale à adopter.