Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, en matière électorale, le législateur a toujours procédé par touches successives, améliorant, adaptant, mettant en cohérence, comblant parfois des lacunes. Le régime juridique qui régit la vie politique de notre pays est donc le fruit d'une construction progressive, qui doit être périodiquement revisitée.
C'est ce qu'il vous est proposé de faire aujourd'hui à travers trois textes qui, tout en vous concernant directement, représentent une avancée importante pour notre démocratie et son fonctionnement : un projet de loi organique sur l'élection des députés ; un projet de loi ratifiant une ordonnance sur l'élection des députés par les Français établis hors de France ; une proposition de loi sur la transparence financière de la vie politique.
Ces textes traitent, d'une part, de l'élection des députés, notamment pour les Français établis hors de France mais pas seulement, et, d'autre part, de la transparence financière de la vie politique.
Le premier des sujets abordés par ces textes est l'élection des députés.
Avec la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, nous avons voulu notamment que les Français établis hors de France puissent être, conformément à l'engagement pris par le Président de la République pendant sa campagne, représentés à l'Assemblée nationale comme ils le sont aujourd'hui au Sénat : la nouvelle rédaction de l'article 24 de la Constitution le précise.
Cette révision constitutionnelle, qui prendra effet lors du prochain renouvellement général de l'Assemblée nationale, c'est-à-dire en juin 2012, exige que soient prises au préalable plusieurs dispositions législatives.
La loi du 13 janvier 2009 a autorisé le Gouvernement à prendre par ordonnances, outre les dispositions relatives à la délimitation des circonscriptions, celles plus particulièrement nécessaires à l'élection des députés élus par les Français établis hors de France.
Ces députés représenteront, à l'instar de ceux élus dans les départements ou dans les collectivités d'outre-mer, l'intégralité de la nation. C'est pourquoi le régime électoral de droit commun, et notamment l'élection au scrutin uninominal majoritaire à deux tours, leur a été rendu pour l'essentiel applicable par l'article 3 de cette loi.
Néanmoins, il s'agit d'un corps électoral résidant à l'étranger, et donc d'une campagne se déroulant hors de nos frontières. Certaines adaptations liées aux caractéristiques particulières de l'élection étaient donc nécessaires. C'est l'objet de l'ordonnance du 29 juillet 2009 dont il vous est proposé la ratification.
De manière très simple, l'article 1er de cette ordonnance rend applicable une grande partie des dispositions de droit commun du code électoral, en adapte d'autres et en introduit de nouvelles.
Sont ainsi créés onze articles portant sur la tenue et la révision des listes électorales consulaires, les comptes de campagne, l'organisation des lieux de vote, la diffusion de la propagande officielle des candidats, etc. Il s'agit pour l'essentiel de dispositions reprises des règles applicables aux autres scrutins organisés à l'étranger, notamment l'élection du Président de la République et le référendum.
Quelques règles spécifiques sont toutefois introduites : déclarations de candidature à Paris et ouverture des comptes de campagne en France ; deux semaines entre le premier et le second tour de scrutin, comme aujourd'hui pour les élections législatives en Polynésie française, avec vote anticipé le samedi dans les deux circonscriptions d'Amérique ; possibilité de voter, dans des conditions qui seront définies par décret en Conseil d'État, par correspondance et par voie électronique, comme pour l'élection des membres de l'Assemblée des Français de l'étranger et afin de faciliter la participation des électeurs au scrutin. Le contenu précis de ces règles particulières est détaillé dans le « Rapport au Président de la République » qui accompagne l'ordonnance.
Le second projet de loi, organique celui-ci, relatif à l'élection des députés, complète l'ordonnance et définit les conditions d'éligibilité, mais aussi les règles d'inéligibilité et d'incompatibilité spécifiques, auxquelles la Constitution confère le caractère organique, qui s'appliqueront à ces nouveaux parlementaires.
Mais ce projet de loi organique va au-delà : il rénove et actualise également le régime de droit commun de l'élection des députés. Il était en effet nécessaire de moderniser le régime électoral applicable à l'ensemble des députés.
Il s'agit en particulier d'harmoniser ce régime avec celui des élections locales et de prendre en compte les changements de périmètre ou de dénomination concernant les fonctions susceptibles de conduire à des inéligibilités ou des incompatibilités. Il s'agit aussi de tenir compte des observations du Conseil constitutionnel à la suite des échéances électorales de 2007.
L'article 1er du projet de loi organique ramène d'abord à dix-huit ans l'âge minimal pour la candidature à la députation. Il propose de modifier les règles d'inéligibilité et de mettre à jour, notamment, la liste des fonctions publiques et électives assorties de l'inéligibilité : celles-ci, même si elles ont souvent été modifiées ou complétées, n'avaient jamais fait l'objet d'un réexamen global depuis 1958.
Cet article 1er a été complété en commission des lois par des dispositions qui prévoient des sanctions en cas de fausses déclarations de patrimoine et instaurent un droit à la transmission de certaines déclarations fiscales. Nous aurons certainement l'occasion d'y revenir au cours des débats.
L'article 2 étend aux candidats aux élections législatives le dispositif de la possibilité pour le juge constitutionnel de retenir la « bonne foi » dans l'examen des comptes de campagne des candidats, qui existe déjà pour les élections locales en vertu de l'article L. 118-3 du code électoral. Il s'agit d'une recommandation du rapport rendu par Pierre Mazeaud, reprenant lui-même les observations du Conseil constitutionnel.
Les articles 3 à 4 sont des adaptations plus ponctuelles de certaines règles organiques comme la « purge » de l'incompatibilité liée au cumul de plusieurs mandats, privilégiant la perte du mandat local le plus ancien, ou encore la simplification de la contestation du refus d'enregistrement d'une candidature par le préfet.
Les articles 5 à 9 procèdent à des adaptations pour l'élection des députés des Français établis hors de France, qu'il s'agisse des règles relatives au contentieux de l'élection, aux inéligibilités les concernant et aux listes des électeurs qui pourront y participer : il est en particulier prévu à l'article 9 qu'un Français établi à l'étranger pourra toujours être inscrit sur une liste électorale d'une commune en France, mais qu'il pourra choisir de voter à l'étranger pour l'élection présidentielle et les élections législatives, ce droit d'option étant commun aux deux élections et s'exerçant chaque année.
Les articles suivants, enfin, procèdent à des adaptations mineures pour tenir compte des dispositions qui précèdent et ils précisent la date d'entrée en vigueur de celles-ci.
Avant d'aborder la proposition de loi sur la transparence financière de la vie politique, je souhaite insister sur le fait que ces deux premiers textes du Gouvernement, le projet de loi organique et le projet de loi de ratification, sont indispensables à l'organisation des élections législatives de 2012. Ils devront donc être promulgués avant la fin du premier semestre 2011 afin que les candidats puissent se préparer aux adaptations que vous aurez introduites.
Le second sujet abordé par ces textes, tout particulièrement par la proposition de loi du président Warsmann et du rapporteur Charles de La Verpillière – je les salue tous deux – est la transparence financière de la vie politique.
Monsieur le président Warsmann, vous avez souhaité, avec M. Charles de La Verpillière, adjoindre aux textes du Gouvernement l'examen d'un troisième texte qui, tout en simplifiant l'organisation des campagnes électorales, est relatif à la transparence financière de la vie politique.
La réglementation actuelle a permis une avancée importante pour la transparence de la vie politique. La France a mis en place, à partir de 1988, une législation sur le financement des campagnes électorales et des partis politiques : la première grande loi en la matière – la loi du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique – a fait l'objet, ensuite, de nombreuses modifications en 1990, 1993, 1995, 1996 et 2003.
Avec ce renforcement du régime électoral, nous avons permis des avancées considérables pour notre démocratie : notamment le plafonnement des dépenses électorales, l'interdiction du financement des campagnes électorales par les entreprises, la création d'autorités de contrôle, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques et la Commission pour la transparence financière de la vie publique, ainsi que l'introduction d'une sanction d'inéligibilité au caractère dissuasif.
Ces règles ont indéniablement atteint leur but au regard des réglementations étrangères comparables. C'est ce que le Conseil de l'Europe a reconnu, en 2009, dans son rapport consacré à l'évaluation de cette réglementation, rapport indiquant que notre pays été doté d'une législation complète et rigoureuse. Ces avancées ont permis au financement de la vie politique française de progresser en transparence et à la compétition électorale de gagner en équité. Mais cette réglementation électorale est aussi la résultante d'une stratification progressive qui nécessite d'être consolidée. Vingt ans après, il convient effectivement de se demander si ce régime est toujours autant adapté aux réalités des campagnes électorales, qu'il s'agisse des élections législatives ou des élections locales. Vous le savez, le Conseil constitutionnel a plusieurs fois prononcé l'inéligibilité de candidats dont le compte de campagne avait été rejeté par la Commission nationale de contrôle. Ces décisions ont été l'occasion de débattre sur les qualités et les défauts de cette réglementation, non pas en la remettant en cause, mais davantage en envisageant de simplifier et de clarifier certaines de ses dispositions et de consolider l'ensemble. En effet, la cohérence de cette législation n'est pas toujours évidente. Il suffit de penser, par exemple, à l'absence de transposition du régime de la bonne foi pour les élections législatives que je viens d'évoquer. Il convient donc de s'interroger sur l'ensemble de cette réglementation et d'examiner comment certaines ambiguïtés peuvent être levées, de se demander si certaines formalités ne doivent pas être précisées et si des rédactions ne sont pas à harmoniser. C'était déjà le sens de la démarche du président de votre assemblée, M. Bernard Accoyer, lorsqu'il a demandé en juin 2008 à M. Pierre Mazeaud, ancien président du Conseil constitutionnel, de réfléchir sur les réformes à apporter à la législation sur le financement des campagnes électorales pour les élections législatives.