La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail (nos 969 rectifié, 992,999).
Cela me semble s'imposer compte tenu des événements intervenus à la fin de la semaine dernière.
Le Président de la République, s'exprimant au cours d'une convention de l'UMP – car il assiste désormais aux réunions partisanes, ce qui est un fait nouveau mais ne semble choquer personne –, a en effet déclaré : « La France change : désormais, quand il y a une grève, personne ne s'en aperçoit. »
Une telle déclaration, au moment où nous discutons de la rénovation de la démocratie sociale, en dit long sur vos objectifs réels. Il n'est pas acceptable que le Président de la République parle en des termes aussi péjoratifs d'un droit prévu par la Constitution, dont il est normalement le garant. La grève n'est pas un objectif en soi, mais un moyen ultime et parfois indispensable d'exprimer une revendication ou une aspiration. N'est-ce pas le mouvement social qui a permis de vous faire reculer sur le CPE et le CNE ?
Les masques sont tombés : après avoir trahi les partenaires sociaux en ne respectant pas l'accord sur le temps de travail, vous tentez d'humilier les organisations syndicales en les renvoyant à leur impossibilité de mobiliser.
Ces déclarations marquent du sceau du cynisme les débats sur la prétendue rénovation de la démocratie sociale. Dans ces conditions, monsieur le président, au nom de mon groupe, je vous demande une suspension de séance de dix minutes.
J'ai bien noté votre demande, monsieur Vidalies, mais M. le ministre souhaite d'abord vous répondre.
La parole est à M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité.
Je ne sais pas si mon intervention sera de nature à convaincre M. Vidalies de retirer sa demande.
N'êtes-vous pas pour le dialogue ?
Quant aux propos M. Karoutchi, ils feront l'objet d'une autre suspension.
Parce qu'une autre suspension est d'ores et déjà prévue ?
Ce n'est pas moi qui fais des déclarations provocatrices ! M. Karoutchi se moque de ce texte et souhaite discuter du suivant le plus vite possible.
Monsieur Vidalies, la grève est un droit constitutionnel.
Et ils n'ont pas prévu de modifier ce point-là de la Constitution. (Sourires.)
Mais c'est mieux si l'on peut discuter avant d'y recourir. Pouvoir organiser, en cas de grève, les transports terrestres, c'est mieux aussi, notamment pour l'usager. Or c'est ce que permet le texte sur le service minimum adopté cet été par notre majorité, mais contre lequel vous avez voté. Désormais, il faut se mettre autour d'une table avant de pouvoir déclencher une grève, et je trouve que c'est une excellente chose. Le pays n'est plus paralysé. Il faut respecter le droit de grève, mais aussi le droit de ceux qui empruntent les transports en commun pour aller travailler. Tout cela a été rendu possible par le dialogue social voulu par le Président de la République.
Respecter les droits constitutionnels tout en valorisant le dialogue social au bénéfice des Français : c'est une excellente chose. Je m'étais même dit que cette politique, qui rassemble les Français, pourrait nous rapprocher. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Monsieur le président, vous qui êtes un homme d'expérience et de sagesse, vous savez bien qu'il y a le texte et le contexte. Or le contexte change tous les jours, du fait d'un personnage qui n'a pas encore compris qu'il est Président de la République. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Chaque jour, il viole l'article 5 de la Constitution. Comme l'a dit le lauréat du prix de l'humour politique, c'est le seul homme qui, pour devenir Premier ministre, aura été obligé de passer par l'Élysée !
Ce qui est inconvenant, monsieur le ministre – et je sais bien qu'in petto, comme on dit au Vatican, vous pensez comme moi –, c'est que M. Sarkozy se soit exprimé devant son ancienne structure partisane, ce qu'aucun Président de la République n'avait jamais fait depuis 1958.
Non, ils étaient républicains, et il y a là plus qu'une nuance !
Monsieur le ministre, vous qui voyez le chef de l'État toutes les semaines – et qui êtes, contrairement à d'autres, en odeur de sainteté –, pourriez-vous lui rappeler qu'il reste Président de la République jusqu'à la fin de son mandat ? Et à l'occasion, demandez-lui donc d'user plus convenablement de la langue de Molière. Le ministre de l'éducation nationale, qui souhaite voir l'enseignement revenir aux fondamentaux, pourrait lui prodiguer ses conseils. Ce serait plus agréable à entendre – sur la forme, du moins, car, sur le fond, son propos était parfaitement déplacé et représentait une nouvelle provocation des parvenus à l'égard du mouvement ouvrier. La majorité paiera cette attitude, avec les intérêts, au retour des frimas ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
C'est en effet dans un contexte précis, celui de l'examen du projet de loi sur la représentativité syndicale, que le Président de la République s'est permis de faire preuve du plus grand mépris à l'égard des syndicats et de dénigrer la grève. Alors que l'on ne cesse de nous répéter qu'il faut rétablir le dialogue social et moderniser la France pour la rapprocher des autres pays européens qui, eux, ont moins recours à la grève, la déclaration du Président ne peut que nous inquiéter, d'autant qu'elle ne concerne pas seulement les transports terrestres, monsieur le ministre. Faut-il rappeler que nous allons bientôt discuter d'un projet de loi visant à réduire le droit de grève des enseignants ?
À travers leurs représentants, ce sont les salariés qui sont ainsi traités avec mépris, …
…de même, d'ailleurs, que les syndicats du patronat – comme le prouve la façon dont vous traitez la position commune. Le même mépris est d'ailleurs exprimé à l'égard des cadres de l'armée ou des médias. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Dès lors, il est difficile de discuter sereinement de textes qui ne font que traduire ce mépris généralisé.
Je regrette l'attitude de nos collègues de l'opposition. Le débat s'était déroulé jusque-là dans d'assez bonnes conditions (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche), et je regrette de le voir aujourd'hui prendre une autre tournure.
Comme le ministre l'a dit, le droit de grève est un droit constitutionnel. Nous sommes tous d'accord sur ce point. Mais le droit d'aller à l'école, celui d'emprunter les transports en commun ou de travailler sont également des droits constitutionnels, …
…et nous devons tous les respecter. À aucun moment le Président de la République n'a remis en cause le droit de grève ni stigmatisé les grévistes. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Il a simplement voulu dire que dans notre pays, il y a des droits pour ceux qui veulent faire grève et des droits pour ceux qui ne veulent pas faire grève.
Rappels au règlement
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à quinze heures dix, est reprise à quinze heures vingt.)
Jeudi soir, l'Assemblée a poursuivi l'examen des articles du projet de loi, s'arrêtant à l'amendement n° 756 à l'article 17.
Je suis saisi de quinze amendements identiques, nos 756 à 770 .
La parole est à M. Alain Vidalies.
Cet amendement porte sur le titre de la section, c'est-à-dire sur la définition même des conventions de forfait. Nous proposons de réserver l'application des conventions de forfait aux cadres.
Il y a ici deux approches. Je vois bien ce qui va se passer tout au long de nos débats : le Gouvernement nous renverra tantôt à l'une, tantôt à l'autre. Soit le champ d'application des conventions de forfait est extrêmement précis et s'adresse à une catégorie de cadres bien définie, et ne concerne donc qu'un nombre limité de salariés, ce qui correspond à la définition d'origine donnée par la loi Aubry ; soit on élargit, par modifications successives de la loi Fillon, le champ d'application d'une dérogation à la règle normale du calcul du temps de travail, et davantage de salariés seront alors concernés. Ces dérogations, compréhensibles si elles sont limitées, créeraient des dégâts considérables si elles s'appliquaient à des salariés non-cadres, qui ne bénéficient pas de cette définition exceptionnelle. Il faut donc choisir. Le Gouvernement, avec l'empilement de textes successifs, cumule les deux inconvénients : il applique ces systèmes dérogatoires à de plus en plus de salariés et conserve le caractère exceptionnel, justifié, à l'origine, par un champ d'application limité.
Puisque vous voulez conserver ce système où n'existe pratiquement aucune limite, nous proposons, dans cet amendement et les suivants, de le réserver aux cadres, comme cela a été prévu lors de la création du concept de forfait jour.
Je considère que la série d'amendements a été présentée.
La parole est à M. le rapporteur…
Non, monsieur le président ! Nous voulons défendre les amendements suivants !
Ce sont des amendements identiques et celui-ci a été parfaitement défendu par M. Vidalies. Je vous donnerai la parole pour répondre à la commission.
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Non, monsieur le président !
Ce sujet est extrêmement important, monsieur le président. Nous avons certes compris que le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement considérait que ce texte ne méritait pas d'être examiné avec attention et qu'il fallait passer à l'examen des suivants. Nous considérons pour notre part qu'il contient des éléments forts, comme, notamment, la volonté du Gouvernement de rendre de plus en plus difficiles les conditions de travail des salariés.
Donc, par cet amendement, nous voulons, s'agissant des conventions de forfait, réserver ce que vous présentez comme une avancée, mais que nous considérons comme un recul, aux seuls salariés cadres, puisque c'est l'élément sur lequel nous pouvons nous appuyer. Vous prenez le risque d'un dumping social, qui aura pour conséquence de mettre en compétition les entreprises d'une même branche professionnelle, avec des incidences extrêmement lourdes pour l'ensemble des salariés.
De plus, le texte que nous examinons aujourd'hui succède à d'autres qui sont déjà venus fragiliser le code du travail. Il mérite donc d'être encadré. L'amendement que nous vous proposons s'inscrit dans cette volonté. Nous vous demandons donc de compléter l'alinéa 3 de l'article 17 par les mots « applicables aux cadres ».
En dépit de la volonté du secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement d'abréger nos travaux, pour les dévaloriser en prétendant qu'ils ne méritent pas qu'on y passe le temps nécessaire, je souhaite exercer le droit d'amendement qui nous est encore reconnu dans cette enceinte et auquel je vous sais également, monsieur le président et monsieur le ministre, très attachés. M. le ministre est, en effet, prévoyant. Cela pourrait lui servir un jour ! Pour ce qui nous concerne, nous ne méprisons pas le droit constitutionnel !
L'amendement n° 759 anticipe sur ceux que nous présenterons tout à l'heure et que vous voterez naturellement. Il tend à préciser que l'article 17 sur les conventions de forfait s'applique aux cadres et non à l'ensemble des salariés. Vous savez, comme moi, que les conventions de forfait ont été notamment prévues par la loi Aubry du 19 janvier 2000 dans une section portant sur les dispositions particulières relatives aux cadres. Nous souhaitons donc revenir à cette disposition. En effet, les cadres, nous le verrons tout à l'heure lorsque nous examinerons le dispositif relatif aux conventions de forfait, bénéficient, par définition, d'une autonomie dans l'organisation de leur travail, contrairement à la plupart des salariés. Nous espérons certes que cette disposition sera modifiée et ne sera pas votée comme telle. Mais, à l'heure où je vous parle, l'application de votre dispositif permettrait de faire travailler, en forfait jours, les gens jusqu'à 282 jours par an, ce qui est d'ailleurs probablement contraire aux dispositions de la Charte sociale européenne et jusqu'à 417 heures supplémentaires sans repos compensateur, s'agissant de conventions de forfait heures.
Un tel dispositif, même restreint aux cadres, n'est pas acceptable. Nous excluons donc totalement de l'appliquer à l'ensemble des salariés. Vous devez, dès à présent, préciser dans l'alinéa 3 que ces conventions de forfait sont applicables aux cadres.
Voilà pourquoi nous souhaitons discuter des amendements déposés à cet effet. Nous espérons qu'ils seront adoptés.
Nous rencontrons décidément un problème de sémantique depuis le début de ce débat. La semaine dernière, M. le rapporteur parlait de « partenariat » entre le salarié et l'employeur. Nous avons longuement discuté sur ces points, mais il semble que nous n'ayons pas été entendus. Il y a aujourd'hui un certain cynisme à étendre les conventions de forfait aux non-cadres, partant du principe qu'on peut effectivement considérer que les cadres ont une certaine responsabilité et une certaine autonomie dans leur travail. Étendre ces conventions de forfait aux non-cadres véhiculerait l'idée selon laquelle les non-cadres sont aussi responsables et autonomes sur leur poste de travail. Cela laissera songeurs des millions de salariés en France.
Nous demandons donc de compléter l'alinéa 3 de cet article par les mots « applicables aux cadres ».
La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, pour donner l'avis de la commission sur ces amendements.
La commission a repoussé ces amendements identiques. Je me permettrai, monsieur le président, de faire une réponse précise. Cela me permettra de ne plus intervenir.
Même si ce n'est pas précisé dans les termes actuels du droit, les forfaits existent. Les modalités de leur mise en oeuvre ont été définies par la jurisprudence, qui a énoncé trois conditions pour qu'elles soient valides : elles doivent avoir fait l'objet d'un accord entre les parties ; le nombre d'heures concernées doit être précisé dans la convention qui a valeur d'annexe au contrat ; enfin, en aucun cas ce forfait ne peut être désavantageux pour le salarié.
Sous ces trois conditions, le forfait est possible pour tous les types de salariés, à moins que les conventions collectives n'en disposent autrement.
Le projet de loi ne fait donc que « préciser » formellement dans le droit des pratiques assez courantes qui concernent non seulement les cadres mais aussi un certain nombre d'autres catégories de salariés.
La parole est à M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité.
Même argumentation.
Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 756 à 770 .
(Ces amendements ne sont pas adoptés.)
Je suis saisi de quinze amendements identiques, nos 771 à 785 .
La parole est à M. Alain Vidalies.
Votre argumentation, monsieur le rapporteur, s'appliquait non pas aux amendements précédents mais à des amendements qui viendront ultérieurement. Elle aurait pu convenir s'il s'était agi de débattre de l'intégration dans le code du travail du forfait mensuel ou hebdomadaire, mais ce ne peut être une explication générique.
Ici, il s'agit du champ d'application. Puisque vous ne voulez pas réserver le forfait aux cadres et que vous souhaitez des élargissements successifs, supprimons l'extrême souplesse dont seront maintenant victimes un grand nombre de salariés. Ni le Gouvernement, ni le rapporteur pour avis, ni vous n'avez fourni la moindre étude d'impact, ce qui aurait été fort intéressant pour nos débats. Combien de salariés seront soumis à ce nouveau système ? Parle-t-on de quelques centaines de salariés, de quelques milliers, de quelques dizaines de milliers, de centaines de milliers, de plus d'un million ? Personne n'en sait rien. En tout cas, vous n'en dites rien. Ce n'est tout de même pas la moindre des difficultés de ce débat que d'étendre un système dérogatoire sans savoir quelle est la portée réelle de la mesure et le nombre de salariés concernés. Il n'y a rien dans le rapport.
Le ministère dispose normalement de plus de moyens d'investigation que nous, mais c'est probablement un ou deux millions de salariés au moins, peut-être plusieurs millions avec une interprétation plus large du texte, qui risquent d'être subitement soumis au régime du forfait.
Puisque vous ne voulez pas limiter le champ d'application de la mesure, limitez-en les effets. Notre proposition n'a rien d'avant-gardiste, il s'agit simplement de prévoir que ces salariés ne pourront pas travailler plus de quarante-huit heures par semaine et que, au cours d'une période de douze semaines consécutives, ils ne pourront pas effectuer plus de quarante-quatre heures en moyenne, ou quarante-six heures si c'est prévu par un accord de branche.
Ce sont uniquement des verrous de sécurité. Ce n'est d'ailleurs pas une revendication sociale, il s'agit de protéger la santé de ces salariés. Nous sommes obligés de réintroduire ces limites dans la loi puisque, dans un certain nombre de cas et notamment pour le forfait en jours, elles ne s'appliquent pas. Jusqu'à présent, cela ne concernait qu'un nombre très limité et défini de cadres dans l'entreprise. Dans la mesure où un grand nombre de salariés risquent désormais d'être concernés, il me semble que, sans que cela fasse l'objet d'un affrontement idéologique, on pourrait au moins inscrire dans la loi que ces règles minimales de protection de la santé des salariés s'appliqueront à tous les salariés concernés par votre texte.
Avec cette extension des conventions de forfait, on nous laisse à penser que chaque salarié pourrait avoir une autonomie dans l'organisation de son travail. Or la réalité est assez différente.
C'est implicite. À partir du moment où les cadres ne seront plus les seuls à bénéficier de conventions de forfait, le dispositif, à l'évidence, concernera toutes celles et tous ceux qui sont dans l'entreprise.
Pouvoir organiser son temps de travail, cela peut sans aucun doute avoir un intérêt, à condition que cela soit possible pour le salarié. Or ce qui nous inquiète beaucoup, c'est qu'il risque d'y avoir un grand déséquilibre en défaveur des salariés, notamment dans les TPE et les PME, où l'on sait qu'ils sont déjà en situation de fragilité.
Nous vous proposons donc de prévoir des garde-fous. On ne considère pas seulement la question économique ou la problématique du travail à l'intérieur de l'entreprise, l'objectif est aussi de protéger la vie personnelle et familiale du salarié et de préserver sa santé.
Depuis que nous avons commencé à examiner ce projet de loi, j'entends dire qu'il s'agirait finalement d'éléments un peu secondaires. Pas du tout ! La dynamique de l'entreprise, la dynamique économique, ne peut se comprendre que si chacun est respecté dans son travail. Ce n'est pas le choix que vous faites dans ce texte.
Nous proposons donc de bien encadrer l'extension des conventions de forfait en prévoyant une durée maximale hebdomadaire de travail de quarante-huit heures au cours d'une même semaine et une durée maximale hebdomadaire de travail calculée sur une période de douze semaines consécutives de quarante-quatre heures, ou de quarante-six heures prévues par un accord de branche.
Sur ces amendements comme sur d'autres, il faut bien recadrer le débat.
Nous sommes tous d'accord pour dire que la négociation sociale a pour objet de trouver un accord entre les partenaires sociaux de façon à définir notamment les conditions dans lesquelles l'entreprise fonctionne, mais tout cela doit se faire dans le cadre fixé par la loi.
La relation contractuelle entre le salarié et son employeur, nous le savons, n'est pas équilibrée, et, partout où c'est nécessaire, et c'est là où nous avons un désaccord, la loi doit apporter les protections indispensables au salarié. Sinon, on le voit bien, dans un rapport déséquilibré, la spirale dérégulatrice se met en place, la concurrence entre les entreprises est redoutable et aboutit à une dégradation considérable non seulement des conditions de travail mais aussi, notamment, des conditions de rémunération.
Il est donc indispensable d'introduire des dispositions qui permettent d'établir des garde-fous et qui ne livrent pas les salariés à la simple concurrence par le biais des conventions de forfait. Il en va en particulier de leur santé et de leur sécurité.
Nous avons eu à plusieurs reprises l'occasion de débattre de la question de la santé et de la sécurité des salariés au travail. À un moment où se déroule, difficilement, une négociation sociale sur la pénibilité, après l'établissement par M. Poisson d'un rapport sur la pénibilité au travail, dont nous avons rejeté les conclusions, il convient de ne pas perdre de vue ces préoccupations. Si les lois ne contiennent pas les garde-fous nécessaires, à quoi sert de prétendre que les partenaires sociaux devraient négocier ?
Certes, la négociation sociale doit se dérouler, et nous avons dit dans quelles conditions, mais la loi doit prévoir des garde-fous, notamment une durée maximale hebdomadaire de travail de quarante-huit heures au cours d'une même semaine, ce qui est tout de même beaucoup, et une durée maximale hebdomadaire de travail calculée sur une période de douze semaines consécutives de quarante-quatre heures en moyenne, ou de quarante-six heures prévues par un accord de branche.
La commission a repoussé ces amendements.
Il n'y a pas d'extension par rapport au droit existant, monsieur Vidalies. Rien n'empêche aujourd'hui d'utiliser des forfaits. Il me paraît donc exagéré de parler du sort que les salariés vont subitement avoir à subir.
Par ailleurs, je ne me souviens pas d'avoir entendu au cours des auditions une organisation syndicale demander que l'on introduise les dispositions que vous proposez, pour une raison très simple, c'est qu'elles sont de droit commun et s'appliquent par définition à toutes les modalités d'organisation du travail. Ce serait donc redondant. Par ailleurs, il serait dangereux de le préciser à cet endroit du texte et pas aux autres.
Même avis. Ces amendements tendent tout simplement à revenir sur le dispositif des forfaits en jours. Telle est d'ailleurs, je crois, l'intention des rédacteurs.
Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 771 à 785 .
(Ces amendements ne sont pas adoptés.)
Je suis saisi de quinze amendements identiques, nos 786 à 800 .
La parole est à M. Régis Juanico.
L'article 17, c'est la banalisation et la déréglementation des conventions de forfait.
C'est en quelque sorte l'individualisation du temps de travail poussée à son paroxysme, avec, bien sûr, derrière, la question de la santé et de la sécurité des travailleurs, la question fondamentale des rythmes de vie, l'articulation entre vie privée et professionnelle et toute la question des repères collectifs dans notre société.
Toute une série d'accords atomisés sur le temps de travail vont échapper à tout encadrement des accords collectifs et de la loi. Il est donc nécessaire de bien délimiter le champ d'application de cette mesure à un certain nombre de catégories, le moins possible, puisque, vous le savez, par toute une série de modifications législatives, nous avons déjà augmenté de façon significative le nombre de salariés concernés par les conventions de forfait en jours ou en heures, qui, à l'origine, étaient un dispositif dérogatoire.
Dans les lois Aubry, c'est un dispositif réservé à certains cadres. On l'a étendu à l'ensemble des cadres dits autonomes, puis aux salariés non cadres itinérants, puis aux salariés dont la durée de travail ne peut être prédéterminée. Les conventions de forfait ne concernent pour le moment que 8 à 10 % environ de l'ensemble des salariés, mais, demain, si nous n'y prenons pas garde et si nous ne mettons pas de garde-fous, le nombre de salariés concernés va augmenter de façon considérable.
L'objet de ces amendements est très simple. Il s'agit de prévoir que les conventions de forfait sont susceptibles d'être conclues par les salariés ayant la qualité de cadre, dont la définition correspond à des caractéristiques légales précises, inscrites dans les conventions collectives de branche et d'adhésion aux caisses complémentaires d'assurance vieillesse pour les cadres.
Au nom de la santé de l'économie, monsieur le ministre et monsieur le rapporteur, vous avez une fâcheuse tendance à mépriser la santé des salariés de notre pays. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Mais non ! (« Mais si ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Nous sommes obligés, sur les bancs de l'opposition, de proposer partout des limites, en termes d'horaires, de salariés concernés, etc. Si on laisse faire, en effet, il ne faudra pas s'étonner de l'accroissement du nombre des accidents du travail, que ce soit sur le lieu de travail ou sur le trajet entre le domicile et le lieu de travail. Le projet de loi sur l'offre valable d'emploi qui va être soumis à notre examen en sera sans doute une nouvelle illustration. Il ne faudrait pas que cette inflation du nombre des accidents du travail contraigne votre gouvernement à traquer les fraudeurs éventuels en durcissant encore le contrôle des arrêts de travail, qui seront peut-être le seul moyen pour les salariés de se reposer de telles charges horaires.
Voilà pourquoi nous demandons, après notre collègue Sirugue qui l'a suffisamment argumenté, que cet alinéa soit inséré après le troisième alinéa, pour éviter une inversion des normes sociales.
Je ne vais donc pas entrer dans un argumentaire détaillé. Je voudrais quand même vous dire, mes chers collègues, qu'il est un peu exagéré de prétendre être les seuls au monde à vous préoccuper de la santé des salariés.
Deuxièmement, ce que vous dénoncez existe déjà dans le droit du travail.
Pas du tout. Je répète qu'en ce qui concerne les conventions de forfait dont nous sommes en train de débattre, c'est-à-dire les forfaits heures, et non les forfaits jours, le projet de loi ne fait que codifier ce que le droit permet déjà, sans en changer ni le contenu, ni les modalités.
L'étonnement qu'on feint dans cet hémicycle doit donc avoir des limites.
La commission a repoussé ces amendements.
Défavorable.
On ne pourra pas continuer à débattre avec un rapporteur qui persiste à prétendre que tout cela ne change rien à rien. On se demande pourquoi on nous soumet ce projet de loi ! Apparemment vous avez réussi à convaincre M. Karoutchi de ne prêter aucune importance à ce texte, puisqu'il nous fait savoir que si son examen n'est pas achevé demain, on passera à autre chose !
Ce que vous dites n'est pas vrai, monsieur le rapporteur. À l'origine, les conventions de forfait, notamment de forfait jours, étaient limitées aux cadres « dont la durée du temps de travail ne peut être prédéterminéee du fait de la nature de leurs fonctions, des responsabilités qu'ils exercent et du degré d'autonomie dont ils bénéficient dans l'organisation de leur emploi du temps ».
Vous avez étendu peu à peu cette catégorie de salariés. La loi Fillon de 2003 ne retient plus pour seul critère de définition des salariés relevant du forfait jours que « l'autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps » ; le même texte l'étend aux salariés non-cadres « dont la durée de temps de travail ne peut être prédéterminée et qui disposent d'une réelle autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps pour l'exercice des responsabilités qui leur sont confiées ».
Le texte que nous examinons aujourd'hui ne parle plus que des salariés qui disposent d'une autonomie, sans faire référence à leurs responsabilités.
En nous disant que cette succession de modifications ne change finalement rien, vous violez le principe juridique selon lequel nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude. Soyez sérieux ! Vous ne pouvez pas ignorer que du fait de ces extensions successives de son champ d'application, ce régime, loin d'être marginal, concerne environ 10 % des salariés, comme M. Juanico l'a rappelé. Il n'est pas normal que s'agissant d'un nouveau régime juridique dont vont relever des millions de personnes, vous ne soyez pas en mesure de nous dire si cette extension touchera 2 %, 5 %, ou 25 % de salariés en plus. Et personne ne se choquerait qu'on débatte ainsi dans le vide d'une telle matière ? C'est quand même incroyable !
Il y a donc bien une modification du champ d'application de cette mesure et une fuite en avant vers une dérogation généralisée, du fait du caractère extrêmement vague des termes employés. Cet élargissement de la catégorie des salariés concernés venant s'ajouter à la priorité donnée à l'accord d'entreprise, le salarié ne bénéficiera même plus de la protection prévue par l'accord de branche. Assumez au moins cette dérégulation massive du dispositif.
La parole est à M. Jean-Pierre Brard, à moins qu'il ne renonce à son temps de parole au profit de Mme Billard !
Nos interventions ne sont pas exclusives l'une de l'autre : les éclairages varient selon la couleur ! (Sourires.)
Vous ne pouvez pas, monsieur le ministre, balayer d'un revers de main les amendements de nos collègues socialistes, qui sont évidemment très importants. À vous entendre, monsieur le rapporteur, ils seraient déjà satisfaits. Dans ce cas, il est un bon moyen d'aller vers le consensus que vous ne cessez d'appeler de vos voeux : c'est de donner votre feu vert.
Quant à vous, monsieur le ministre, on sait combien vous êtes habile, roué, madré.
Parole d'expert !
Je vous remercie du compliment, mais j'avoue que je suis battu, et que vous me contraignez à la modestie ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Vous avez remarqué, monsieur le président, que le ministre se borne désormais à répondre par mimiques. C'est dire à quel point il est dans les cordes !
On comprend bien, monsieur le président, monsieur le ministre, que vous vous êtes tous fait remonter les bretelles pendant le week-end. Voilà d'ailleurs Pierre Méhaignerie, l'un des apôtres de l'unité, et du soutien plein d'abnégation au Gouvernement…
…même quand on n'est pas d'accord, par esprit de sacrifice et pour gagner son paradis un jour prochain.
Ce n'est pas moi, mon cher collègue, qui ai tenu les discours de Latran et de Ryad ! Ce n'est pas moi qui viole la laïcité, mais celui qui devrait en être le garant.
Mais revenons à notre sujet. Vous avez raison de dire, monsieur le rapporteur, que la gauche n'est pas la seule à s'occuper de la santé des salariés. Vous vous en occupez, vous aussi, mais c'est pour les passer à l'essoreuse : franchises médicales, déremboursements ou transferts aux assurances complémentaires, vente des médicaments dans les supermarchés, tout cela va dans le même sens. Vous avez même poussé l'inhumanité jusqu'à taxer les victimes de l'amiante au nom de la solidarité.
L'intérêt de nos débats ici n'est pas de vous convaincre : vous êtes complètement autistes ; c'est d'éclairer nos concitoyens, ceux qui sont dans les tribunes, et ceux, beaucoup plus nombreux, qui nous regardent. Il s'agit d'arracher le masque de vos bonnes paroles, derrière lesquelles il n'y a que turpitudes, pour la commission desquelles vous êtes en place.
En ce domaine, monsieur le ministre, vous êtes expert, et votre discours patelin ne vise qu'à cacher le recul de toutes les conquêtes réalisées, en particulier depuis la Libération, par les salariés de notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Je dois avouer que vous êtes particulièrement habile, monsieur le rapporteur, à cacher la réalité de cet article.
En effet, cette réécriture du code n'est pas neutre. L'article du code dont vous proposez la modification précise d'entrée que les conventions de forfait s'appliquent aux cadres, en dépit des modifications successives que vous y avez introduites et qui étendent la portée de ces forfaits. Aujourd'hui, sous prétexte de restructurer cet article du code, la nouvelle rédaction que vous en proposez commence par préciser que « la durée de travail de tout salarié peut être fixée, même en l'absence d'accord collectif préalable, par une convention individuelle de forfait en heures sur la semaine ou sur le mois ». Vous déclarez donc d'emblée que cette disposition concerne tous les salariés, et non plus seulement les cadres.
Il est vrai que, dans l'état actuel du droit, les conventions de forfaits jours sur une base hebdomadaire ou mensuelle ne relèvent pas d'accords collectifs préalables. Mais en étendant la catégorie de salariés concernée par ces forfaits bien au-delà des cadres, vous modifiez le texte en profondeur, sur un point apparemment de détail. Sans même parler du forfait jours, dont nous parlerons plus tard et qui fait encore plus débat, vous ne pouvez pas prétendre n'avoir rien modifié au régime des forfaits sur la semaine ou sur le mois.
Cette modification n'est pas neutre puisque, comme vous le reconnaissez dans votre rapport, cela peut concerner les techniciens de maintenance, ou d'autres secteurs, tels que l'électronique ou l'informatique.
Non ! il faut qu'ils soient cadres pour relever du régime des forfaits sur une base hebdomadaire ou mensuelle.
Cela concerne également les agents de maîtrise dans des branches comme la grande distribution alimentaire, ou les salariés effectuant des missions particulières, en matière commerciale notamment, les marins, les chauffeurs livreurs, les bergers.
On voit que cette extension des forfaits fixés de gré à gré entre salariés et employeurs à des non-cadres n'est quand même pas une petite modification sans importance.
Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 786 à 800 .
(Ces amendements ne sont pas adoptés.)
Je suis saisi de quinze amendements identiques, nos 801 à 815 .
La parole est à M. Alain Vidalies.
Défavorable.
Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 801 à 815 .
(Ces amendements ne sont pas adoptés.)
Je suis saisi de quinze amendements identiques, nos 816 à 830 .
La parole est à M. Alain Vidalies.
Défavorable.
Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 816 à 830 .
(Ces amendements ne sont pas adoptés.)
Je suis saisi de quinze amendements identiques, nos 831 à 845 .
La parole est à M. Alain Vidalies.
Défavorable.
Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 831 à 845 .
(Ces amendements ne sont pas adoptés.)
Je suis saisi de quinze amendements identiques, nos 846 à 860
La parole est à M. Alain Vidalies.
Il s'agit toujours de savoir où on doit arrêter le curseur, avant de débattre du champ d'application.
Je ne crois pas que l'affirmation du rapporteur, selon laquelle tout cela ne change rien à rien, soit une bonne base de débat. Hormis vous, monsieur le rapporteur, je n'ai entendu d'aucun commentateur une analyse aussi restrictive de ce texte.
La question politique de fond est celle de savoir si ces dérogations constituent un no man's land juridique, échappant à toutes les règles, à l'exception des règles européennes : une durée minimale de onze heures de repos quotidien – ce qui signifie des journées de travail de treize heures – et la limite de 48 heures hebdomadaires.
Nous ne cesserons pas de vous demander à combien de salariés s'appliquera cette absence de règles. Vous avez déjà fait un mauvais coup en matière de repos compensateur. Nous vous avions pourtant averti que vous ne vous contentiez pas de modifier une modalité de l'organisation du temps de travail, mais que vous remettiez en cause une disposition protectrice de la santé des travailleurs instituée par une loi de 1976.
Il s'agit ici du même sujet. En fixant des limites maximales, le législateur n'indique pas un modèle : il pose les limites en deçà desquelles l'accord ne peut pas aller. Vous proposez, vous, qu'on supprime toute limite. Ce n'est quand même pas faire preuve d'un degré très avancé de civilisation sociale que de conserver comme seule protection les limites maximales applicables dans les vingt-sept pays de l'Union européenne.
La règle qu'on applique aux salariés français est donc la limite maximale qui s'applique aux salariés dans des pays dont on disait voici quelques années qu'ils progresseraient et acquerraient peut-être un modèle social une fois entrés dans l'Europe – c'était du moins le signe qu'on voulait leur donner.
Aujourd'hui, vous avez tellement déréglementé que, dans certains cas, ces règles minimales sont précisément la seule protection qui reste. Va-t-on parler encore longtemps d'un « modèle social français », alors que, pour des millions de salariés, il ne restera plus que ces règles minimales ?
Comme d'autres amendements que nous défendrons, celui-ci vise précisément à réintroduire certaines règles propres à notre droit, applicables aux autres salariés et qui n'ont rien de révolutionnaire : parler du repos quotidien et de l'interdiction de faire travailler un salarié plus de six jours dans une même semaine, c'est faire du droit social des années 1930 !
Vous parlez de souplesse, mais savez-vous ce qu'est la vie de quelqu'un qui travaille 13 heures par jour et qui va, en plus, travailler aussi le samedi ? Cette personne peut avoir des enfants et des loisirs. Elle a le droit de vivre. Derrière cette déréglementation absolue, il y a des gens, à qui il faut penser quand on fait le droit ! Nous ne vous demandons rien d'extravagant, mais simplement de respecter ces règles minimales que sont le droit à la protection de la santé et à un minimum de vie de famille. Tel est l'objectif de ces amendements, et j'espère que, sur ces questions au moins, vous pourrez prendre en considération nos propositions.
J'ai, en quelque sorte, déjà répondu tout à l'heure par anticipation à M. Vidalies et je répète que les durées maximales ou minimales visées dans cet amendement sont déjà satisfaites par le droit.
Je me permets par ailleurs de renvoyer Mme Billard à la loi du 19 janvier 1978, qui, si elle ne figure pas dans le code du travail, dispose du moins des modalités de la mensualisation, notamment dans son article 2 sur le paiement au mois, où elle trouvera les fondements de l'argumentation que j'ai développée tout à l'heure. Par une ironie du sort que vous me permettrez de souligner en souriant, cette loi était la transcription d'un accord national interprofessionnel du 10 décembre 1977.
Mais si !
Comme je l'ai indiqué à M. Vidalies, l'amendement est déjà satisfait par le droit commun. La commission a donc repoussé ces différents amendements.
Amendements inutiles. Même argumentation que M. le rapporteur.
Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 846 à 860 .
(Ces amendements ne sont pas adoptés.)
Cet amendement vise à supprimer les alinéas étendant aux non-cadres les forfaits en heure sur la semaine ou sur le mois. Par quelle prescience, en effet, une loi de 1978, bien antérieure à la création des forfaits par la loi Aubry II, aurait-elle pu prévoir que ces forfaits s'appliqueraient aux non-cadres ?
La loi Aubry a instauré le forfait pour les cadres. Il s'agit ici des non-cadres.
C'est bien ce que je dis : vous étendez aux non-cadres les forfaits heures sur la semaine ou sur le mois, ce qui n'était pas prévu par la loi d'origine – sinon, certes, dans le cas d'un accord,…
…ce que précisément vous supprimez. Vous me direz peut-être que le dispositif existe déjà. Certes, le code permet aujourd'hui des forfaits heures à la semaine ou au mois sans accord.
Des accords collectifs peuvent prévoir le recours à ces forfaits pour des non-cadres.
Si. Or, vous en supprimez l'exigence.
Il est par ailleurs indéniable que vous avez procédé depuis 2002, avec diverses lois, à des expérimentations. De fait, dès lors que vous vous étiez engagés à ce que plus aucune loi ne modifie le code du travail sans négociation avec les partenaires sociaux, vous avez dû, après le CPE, pour lequel vous avez tenté de passer outre et qui vous est revenu comme un boomerang, trouver une solution : les expérimentations. Nous avons donc vu l'expérimentation qui supprimait la limitation du nombre d'heures supplémentaires en cas d'accord de modulation du temps de travail – le fameux amendement de Pierre Méhaignerie qui s'appliquait en fait aux industries agroalimentaires. Nous avons également vu l'expérimentation prévue par la loi de février pour des accords de gré à gré en matière de forfaits jours.
Avec le texte que nous examinons aujourd'hui, à la différence de celui qui a été voté en février 2008, qui prévoyait une date butoir au 31 décembre 2009, il n'est même plus question d'étude d'impact, comme l'a justement relevé notre collègue socialiste. Il n'est plus question d'attendre le 31 décembre 2009 pour tirer le bilan de cette expérimentation : vous décidez de modifier le code du travail par des dispositions qui entreront en vigueur dès la promulgation de cette loi.
Vous faites donc bien des modifications, mais ce ne sont pas toujours celles que vous dites. Les deux principales sont celle qui étend à tous les non-cadres les forfaits en heures sur la semaine sur le mois et celle qui étend les forfaits jour en autorisant systématiquement, et non plus à titre d'expérimentation jusqu'au 31 décembre 2009, les accords de gré à gré.
Je ne prévoyais pas d'évoquer le droit de grève à propos de l'article 17, …
Je n'y suis pour rien : il semble que le Président de la République intervienne à n'importe quel moment et dans n'importe quelles conditions, et parfois d'ailleurs d'une manière un peu ridicule. La question est, au demeurant, très importante et devrait nous servir d'exemple à l'Assemblée nationale,…
Un peu de respect, je vous prie ! (Approbations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Il n'y a pas lieu d'avoir de respect, car le dénigrement est inadmissible dans notre vie politique !
Ce que le Président de la République se permet de dire de la grève est absolument inadmissible, monsieur le ministre, et il faut en tirer des leçons.
Toutes les personnes qui se mettent en grève ne le font pas parce qu'elles le veulent, mais parce qu'elles sont contraintes de le faire pour défendre leurs intérêts et les intérêts de notre pays. Il faudra en tenir compte. Vous nous répétez sans cesse que la grève est une gêne pour le pays, qu'elle prend des otages, qu'elle coûte cher à la France, …
Certes, mais soyez conséquents avec vous-mêmes ! Hier, le Président de la République a déclaré que personne ne voyait la grève, qu'elle était transparente, qu'elle n'existait pas, que ce n'était rien du tout. Il faut donc que vous en teniez compte désormais – et nous vous le rappellerons ! Quand vous dites qu'il faut limiter le droit de grève et instaurer un service minimum, vous remettez en cause un droit qui, de l'aveu du Président de la République, n'a pas beaucoup d'effet : c'est un non-sens, et nous vous le rappellerons.
J'en viens à la question qui nous est posée et à l'amendement n° 266 .
La rédaction que vous proposez pour l'article L. 3121-38 du code du travail modifie les choses. Elle stipule en effet que « la durée du travail de tout salarié peut être fixée, même en l'absence d'accord collectif préalable, par une convention individuelle de forfait en heures sur la semaine ou sur le mois ». Avec cet article vous élargissez donc à l'ensemble des catégories de salariés les forfaits en heures sur la semaine ou sur le mois sans évaluation préalable, comme vient de le rappeler Martine Billard, des conséquences que la mise en oeuvre de ces forfaits a eues sur les catégories de salariés déjà concernées par ce dispositif, notamment en termes d'augmentation de la durée effective du travail.
Votre texte aura pour effet, avec la disparition de l'encadrement collectif des forfaits, de laisser le salarié dans une relation de face-à-face avec son employeur. C'est tout à fait rétrograde, c'est un retour en arrière ! Il est vrai que votre doctrine consiste à refuser de reconnaître une dépendance entre l'employeur et le salarié, qui a pourtant donné naissance, par réaction, aux formes modernes du contrat de travail et donné toute sa légitimité à l'existence d'un droit du travail distinct du droit commun des contrats.
En fin de compte, c'est vous qui êtes réactionnaires, vous qui faites machine arrière ! Vous voulez en revenir à une conception préindustrielle de la relation de travail, au décret d'Allarde de 1791, qui renvoyait qui renvoyait la relation entre l'employeur et le salarié à la négociation individuelle. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Oui, vous êtes un peu de cette époque-là, comme pour le droit de grève !
Une approche aussi théorique et dogmatique – et tout particulièrement dans le contexte économique actuel –, outre qu'elle donnera tous pouvoirs aux employeurs, aura pour effet, vous le savez, une dégradation des conditions de travail d'une majorité de nos concitoyens. Nous proposons donc la suppression des présentes dispositions.
…pour nous expliquer la formulation retenue et la place qui lui est donnée dans l'inscription de la nouvelle loi. Nous parlons ici des conventions forfaitaires sur le mois ou sur la semaine, qui, alors qu'elles ne figuraient jusqu'à présent dans le code du travail que sous la rubrique « cadres », apparaissent désormais dans une rubrique générale et devraient s'appliquer à l'ensemble des salariés.
Votre analyse de cette modification, dont je veux bien vous donner acte sur le plan strictement juridique, est qu'elle ne change rien, car la rédaction de l'accord interprofessionnel de 1977 sur la mensualisation prévoyait déjà la possibilité d'une convention de forfait sur la semaine ou sur le mois. Ainsi, selon vous, cet article générique ne change strictement rien au droit positif.
J'observe cependant que les salariés en contrat à durée déterminée, les salariés à temps partiel et divers salariés qui ne sont pas à temps pleins sont exclus du champ d'application de l'accord interprofessionnel de 1977, auquel vous vous référez. Ainsi, cette référence même devrait exclure ces salariés de l'article générique.
Ma question est donc très simple : ce tour de passe-passe n'aura-t-il par finalement pour effet, sous prétexte de vous contenter de reprendre la jurisprudence, d'appliquer en réalité les possibilités de forfait mensuel ou hebdomadaire à tous les salariés – à temps plein, en CDD ou saisonniers – pour lesquels elles ne sont pas prévues aujourd'hui au titre de cet accord interprofessionnel ?
La commission a repoussé ces amendements identiques, pour des motifs que nous avons déjà eu l'occasion de préciser antérieurement. M. Vidalies ayant parfaitement rappelé quelle était ma position sur ces différents sujets, je n'y reviendrai pas.
Il me semble par ailleurs que la jurisprudence a répondu aux questions qu'il pose en ouvrant peu à peu aux différents régimes qu'il a évoqués la possibilité d'appliquer ces forfaits. La loi de 1978 nous semble donc jouer pleinement.
En troisième lieu, je rappelle que ce paragraphe ne modifie pas le droit actuel, mais le précise en faisant droit dans une très large mesure aux dispositions jurisprudentielles qui précisent les modalités dans lesquelles les salariés peuvent être soumis aux forfaits évoqués. La commission a donc, je le répète, repoussé ces différents amendements de suppression.
Avis défavorable. Monsieur Vidalies, le texte de 1978 ne limitait pas aux seuls cadres les forfaits hebdomadaires et mensuels en heures. Comme vient de le rappeler très justement M. le rapporteur, une jurisprudence abondante est venue en préciser les recours et les contours.
Par ailleurs, ce mécanisme ne peut pas s'appliquer aux temps partiels. En effet, le forfait prévoyant une forme d'intégration des heures supplémentaires et les salariés à temps partiel ayant droit, quant à eux, aux heures complémentaires, ces derniers ne sont évidemment pas visés par ce dispositif.
Je vous remercie, monsieur le ministre, de ce début de précision. Contrairement à ce qu'a dit le rapporteur, les dispositions de l'accord interprofessionnel du 10 décembre 1977, qui sont visées dans la loi de mensualisation du 19 janvier 1978, exclut explicitement les travailleurs à domicile. L'article 17 est un article générique, c'est-à-dire qu'il concerne le champ d'application de la loi. Il faut donc, monsieur le ministre, pour avancer dans notre débat, que vous nous répondiez point par point : si cet article ne change rien, cela veut dire que nous sommes exactement dans le champ d'application de la loi de 1978, mais s'il change quelque chose, cela signifie que certaines personnes qui n'étaient pas concernées par ce type de forfait le seront dorénavant. De qui s'agirait-il ? Est-ce que le nouveau texte s'appliquera ou non aux travailleurs à domicile ? Et qu'en sera-t-il pour les travailleurs saisonniers, les intermittents et tous les travailleurs temporaires ? Ces questions concernent plusieurs centaines de milliers de salariés. Si l'explication de M. le rapporteur est la bonne, explication selon laquelle l'article 17 ne change rien puisque la loi de mensualisation de 1978 demeure valable, allez alors jusqu'au bout du raisonnement et dites-nous simplement que l'on est bien dans ce champ d'application et qu'il n'y aura aucun salarié supplémentaire concerné par le système des conventions de forfait hebdomadaire ou mensuel ; et confirmez-nous qu'aucun salarié exclu de l'application de l'ANI du 10 décembre 1977 ne sera concerné par le nouveau système.
Je sais que ce n'est pas votre intention, monsieur Vidalies, mais ne cherchons pas à créer de la confusion là où il ne doit pas y en avoir.
Vous ne me demandez pas de préciser quel sera le nouveau système à partir de l'entrée en vigueur de ce projet de loi, mais quelle est la situation aujourd'hui, n'est-ce pas ?
Non, monsieur le ministre. Nous voulons savoir ce qu'il en sera avec le nouveau système.
Le nouveau système ne changera rien parce que déjà, aujourd'hui, l'ensemble des salariés, sauf ceux à temps partiel, peuvent être concernés par une convention de forfait. N'allez pas faire croire que ce texte va changer la donne, car ce n'est pas le cas.
Il faut alors que vous vous mettiez d'accord avec le rapporteur, monsieur le ministre.
M. le rapporteur nous explique, dans son rapport, qu'il s'agit d'un article générique qui reprend l'accord de 1978, et donc qu'il ne change rien. Je demande simplement à M. le ministre de confirmer que c'est bien le cas et que les gens exclus de cet accord ne seront pas concernés par le nouveau système. Je rappelle que le texte du code du travail, comme l'a ditMartine Billard, ne vise actuellement que les cadres. Mais on nous explique qu'à cause de l'accord de mensualisation de 1977, il viserait aussi d'autres personnes. Dont acte. Mais restons dans ce cadre-là. Si c'est pour en sortir, et, en plus, ne pas respecter le champ d'application de l'ANI, il valait mieux l'écrire clairement : ce ne serait plus alors un article anodin, générique, mais une nouvelle extension de la précarité et de la flexibilité.
Monsieur Vidalies, il faut que vous choisissiez vos objections de manière cohérente, et non au fil de votre inspiration.
Très bonne intro !
Vous m'avez reproché, lorsque j'ai répondu sur les amendements de suppression de la section 4, d'user d'arguments à contre-temps. Comme je n'ai visiblement pas été bien compris, je répète que j'ai fait référence à la jurisprudence. Mon rapport indique, page 190, que la loi du 19 janvier 1978 transpose l'ANI de 1977, et, à la page suivante, que la jurisprudence a fixé les modalités selon lesquelles on pouvait étendre à toutes les catégories de salariés ce type de forfait. Ne me faites donc pas croire que vous avez lu la page 190 et que vous êtes passé directement à la page 192 ! Vous avez évidemment lu la page 191. Je maintiens que la jurisprudence répond parfaitement à votre question.
La jurisprudence ne concerne pas ceux qui sont exclus de l'accord interprofessionnel !
C'est un débat technique, mais important. Je maintiens qu'il n'y a pas de jurisprudence qui étende le système des conventions de forfait aux salariés exclus du champ d'application de l'ANI de 1977. C'est un point tout de même important à prendre en compte pour savoir quelles seront les conséquences de l'article 17. Je ne vois d'ailleurs pas en quoi cela créerait une difficulté de reprendre ces exclusions : ce serait assez extravagant d'appliquer le système du forfait aux salariés qui en sont pour le moment exclus. Si vous n'êtes pas en mesure de répondre précisément à nos questions, monsieur le ministre, cela veut dire que nos inquiétudes sont particulièrement fondées.
Je répète que je suis en désaccord total avec le rapporteur sur le fait qu'il y aurait une assise jurisprudentielle à l'extension des conventions de forfait, puisque la jurisprudence vise toujours l'accord de 1977 et la loi de 1978. Le juge ne peut pas étendre par une interprétation ce que la loi avait limité à certaines catégories de salariés.
Monsieur Vidalies, je ne conteste absolument pas votre bonne foi.
Attendez, je n'ai pas fini ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Il y a trois références : le code, la loi de 1978 et la jurisprudence. Le seul changement qu'apporte cet article, c'est qu'il codifie la loi de 1978 pour qu'elle fasse référence. Il n'y a pas d'autre changement.
Mais vous, monsieur Vidalies, vous cherchez à faire croire qu'il y aurait une modification par rapport à la législation en vigueur, ce qui n'est absolument pas le cas.
Vous faites les questions et les réponses ; prenez ma place pendant que vous y êtes, et il n'y aura plus de débat ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Vous n'avez pas dit non ; rien de tel qu'un débat parlementaire pour qu'une ambition se trahisse !
Je répète qu'il n'y a aucun changement de fond, mais seulement un changement de situation de la loi de 1978. Rien de plus, rien de moins.
L'amendement a pour objet de limiter le recours aux conventions de forfait en heures sur la semaine ou sur le mois aux seuls salariés pour lesquels le dispositif était initialement destiné, c'est-à-dire aux cadres intermédiaires, donc ni dirigeants, ni intégrés – puisque ces derniers suivent l'horaire collectif de l'entreprise. Il précise la définition du cadre en reprenant celle de l'article L. 3121-38 du code du travail, à savoir que la qualité de cadre s'entend au sens de la convention collective de branche ou au sens du premier alinéa de l'article 47 de la convention nationale de retraite et de prévoyance des cadres.
C'est une précision importante parce que l'on est en train d'étendre les conventions de forfait – et quand nous en viendrons au forfait en jours, nous verrons que les extensions qui ont déjà eu lieu vont être pérennisées. À l'issue de l'adoption de ce projet de loi, tout salarié pourra donc se voir proposer une convention de forfait, soit en heures, soit en jours. Or ces conventions ont comme première conséquence pratique d'augmenter le temps de travail sans que la rémunération soit majorée au titre des heures supplémentaires, puisque tel est le principe même du forfait. Certes, il est prévu que les forfaits en heures doivent intégrer le nombre d'heures supplémentaires prévues, mais cela suppose de tenir à jour le décompte des heures supplémentaires effectuées, et il n'y a aucune obligation légale à cet égard. On ne peut donc qu'être inquiet de l'extension à l'ensemble des salariés de ces systèmes de forfait, qui sont bien moins favorables que le décompte de la durée du travail en heures mensualisées, jusqu'ici le lot commun de l'immense majorité des salariés.
Il faut tout de même rappeler que la création des forfaits, dans la loi Aubry II, constituait une contrepartie à la réduction du temps de travail. Or on est en train de tout supprimer en termes de contrepartie. Les entreprises ont le beurre et l'argent du beurre : elles ont à leur disposition tous les systèmes d'assouplissement possibles. Ce sera, comme disait un ancien Premier ministre de votre majorité, qui nous le répétait toutes les demi-heures : « Souplesse, souplesse, souplesse ». En plus, cela va être la déréglementation totale. Il n'y a plus du tout de contrepartie en termes de réduction du temps de travail, ni en termes de repos compensateur. Vous n'avez pas répondu, jeudi dernier, à nos questions à ce sujet, monsieur le ministre, mais il apparaît que les repos compensateurs ne sont même plus comptabilisés dans le temps de travail ouvrant droit à la retraite puisqu'ils ne sont plus reconnus comme temps de travail effectif. Les droits des salariés sont donc de plus en plus restreints, et les conditions de travail s'aggravent totalement.
C'est pourquoi je propose de préciser que les conventions de forfait en heures sur la semaine ou sur le mois ne s'appliquent qu'aux salariés ayant qualité de cadre. Ce n'est qu'un amendement de repli car il faudrait en revenir à l'état du droit antérieur à la loi Aubry II, quand ces conventions concernaient uniquement les cadres dirigeants. Selon moi, tous les autres salariés, y compris ceux ayant le statut de cadre mais ne dirigeant pas l'entreprise, devraient être à la semaine de 35 heures, si tant est que celle-ci demeure la durée légale.
Nous sommes au début du XXIe siècle, la productivité horaire a très fortement augmenté, il y a besoin de beaucoup moins d'heures de travail pour produire l'immense majorité des biens nécessaires à une vie correcte, et je pense qu'entrer dans une course à l'augmentation du temps de travail dégrade la santé des salariés, est préjudiciable à l'avenir de la planète et n'aura comme conséquence, à terme, que de réduire le nombre de salariés au travail et d'aggraver les conditions spécifiques de travail des femmes.
Quel est l'avis de la commission sur l'ensemble des amendements en discussion ?
Même avis que la commission.
Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 876 à 890 .
(Ces amendements ne sont pas adoptés.)
Je suis saisi de quinze amendements identiques, nos 891 à 905 .
La parole est à M. Alain Vidalies.
Avis défavorable.
Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 891 à 905 .
(Ces amendements ne sont pas adoptés.)
Je suis saisi de quinze amendements identiques, nos 906 à 920 .
La parole est à M. Christophe Sirugue.
Ces amendements s'inscrivent, comme les précédents, dans la volonté de sécuriser, autant que faire se peut, la flexibilité que vous êtes en train d'installer, monsieur le ministre. Votre choix, nous l'avons bien compris tout au long de la discussion, c'est l'accord individuel et l'accord d'entreprise, c'est une flexibilité à outrance dont le salarié n'est qu'une variable d'ajustement, c'est l'extension des conventions de forfait aux non-cadres. J'ai dit tout à l'heure combien ce sera compliqué à réaliser dans les entreprises.
Pourtant, vous nous dites que votre choix, à vous aussi, serait de sécuriser, malgré tout, le travail des salariés. Je serais tenté de vous dire, à vous et aux députés de la majorité : prouvez-le ! Car on vous a déjà proposé par voie d'amendement que les durées maximales hebdomadaires de travail s'appliquent aux salariés concernés par les conventions de forfait ; vous avez refusé. Nous vous proposons maintenant que les conventions de forfait soient établies exclusivement dans le cadre d'un accord collectif. Vous, vous prévoyez dans votre texte que la convention individuelle de forfait puisse être négociée même en l'absence d'accord collectif, tandis que nous, nous voulons qu'on ne puisse en discuter que dans le cadre d'un tel accord. On verra bien qui défend les intérêts des salariés, et pas seulement une vision idéologique des choses. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
La semaine dernière, nous avons essayé d'expliquer pourquoi l'explosion de la hiérarchie des normes et l'atomisation des rapports du travail allaient, en définitive, totalement altérer les enjeux du progrès social.
Nous avons tenté de démontrer que toute l'histoire du progrès social s'est déroulée autour d'un principe : construire entre l'employeur et l'employé une relation qui ne nie pas le lien de subordination – personne ne l'a jamais méconnu –, mais qui établisse un équilibre. Ce dernier ne pouvant être trouvé dans des rapports bilatéraux entre le salarié et l'employeur,…
C'est bien dommage !
…il a été recherché dans différents cadres protecteurs : la loi, la convention collective de branche, voire la convention d'entreprise. Nous avons même rappelé que les États étaient eux-mêmes appelés à réguler ces rapports au niveau international, au point qu'il existe désormais des dispositions légales à cet échelon.
Monsieur le ministre, la semaine dernière, nous avons contesté vos propos et ceux du rapporteur lorsque vous avez évoqué l'idée que les relations du travail pouvaient être basées sur un « partenariat » entre l'employeur et l'employé. Pour nous, il n'y a qu'un seul partenariat : celui qui existe entre les partenaires sociaux – représentants syndicaux du patronat et des salariés, qui, effectivement, élaborent des règles d'équilibre.
Les amendements que nous vous proposons aujourd'hui se situent exactement dans la même ligne : nous voulons revenir à la logique pertinente du dialogue social qui passe par un accord collectif et par des instruments allant au-delà de la seule relation bilatérale et qui ne doivent pas, à l'avenir, se dissoudre dans le lien de subordination.
Pendant toute la durée de ces débats, nous rappellerons la nécessité du dialogue social, de la convention collective, de l'élaboration de rapports sociaux et du droit du travail dans le cadre d'accords qui dépassent la seule relation entre le salarié et l'employeur.
C'est pourquoi ces amendements proposent que l'établissement de forfaits dépende des conventions de branche. Nous avons déjà insisté sur ce point et nous le rappellerons sans cesse parce que, dans cette affaire, il faut qu'apparaisse clairement la stratégie actuellement mise en oeuvre par ce Gouvernement, qui a déjà fait adopter cinq dispositifs législatifs en quatre ans. Cette stratégie consiste à démembrer le droit social pour revenir à la relation entre l'employeur et le salarié.
Sans abus de langage, j'ai précisé que cette conception du dialogue social avait permis de laisser des enfants de douze ans dans les mines. Ils ont cessé d'y descendre quand a été mise en place une stratégie collective d'élaboration des rapports sociaux. J'ai aussi rappelé que l'employeur trouvait sa place et aussi son intérêt dans cette stratégie collective améliorant le sort du salarié. Le contrat de travail sert aussi l'intérêt de l'employeur ; l'inspecteur du travail protège aussi l'employeur. En définitive, les partenaires sociaux ont intérêt à ce que le débat ne se limite pas à la relation entre l'employeur et le salarié à l'échelon de l'entreprise.
C'est cela que vous cassez. C'est pour cela que nous sommes non pas dans le démantèlement des 35 heures, mais bien au-delà : à ce stade, nous allons vers une confiscation intégrale du pouvoir par l'employeur au détriment de l'employé placé dans un rapport de subordination.
En affirmant cela, je ne méconnais ni l'honneur, ni la dignité, ni les qualités des employeurs, mais je maintiens que, dans le contexte économique actuel, tout le monde va se fourvoyer. Je le répète : demain le Président de la République ira dans les entreprises pour pleurer avec les salariés sur les licenciements ; vous viendrez questionner le Gouvernement sur les fermetures d'entreprises. Mais vous aurez perdu toute possibilité d'induire une vraie politique sociale, celle qui repose sur les accords collectifs. C'est pourquoi, jusqu'à la fin des débats, nous le répéterons : vous cassez l'essentiel de ce qui a constitué le progrès social pendant ces cent cinquante dernières années.
La commission a repoussé ces différents amendements. Sans faire offense à nos collègues de l'opposition, je ne vais pas reprendre le débat qui a eu lieu la semaine dernière et qui nous a donné l'occasion d'apporter toutes les précisions. Effectivement, le projet de loi assume le fait que l'accord d'entreprise primera l'accord de branche et qu'il sera possible d'établir ce genre de forfaits en l'absence d'un accord collectif.
Même avis, mais je me demande si M. Le Bouillonnec n'est pas en train de remettre en cause tout ce qu'a fait Mme Aubry. Si tel était le cas, ce serait déplacé dans cette enceinte.
Vis-à-vis de Mme Aubry, je n'ai à me disculper de rien !
Monsieur Le Bouillonnec, je voudrais juste vous lire une circulaire qui date du 3 mars 2000.
Pourquoi pas remonter avant Jésus-Christ, monsieur Bertrand ? La remarque vaut pour moi comme pour vous. Vous construisez le droit du travail de demain, pas celui d'il y a cinquante ans !
Cette circulaire du 3 mars 2000, à propos des forfaits en heures, sur une base hebdomadaire ou mensuelle, indique : « Ces forfaits peuvent être mis en place sur la base d'un accord collectif ou du contrat de travail. » Tout votre discours, je présume qu'il vous renvoie à ce qu'a fait la majorité socialiste avant 2002. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. – Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Cela montre bien que vous vous méprenez sur la hiérarchie des normes. Je vous signale que le contrat de travail ne peut pas être contraire à un accord collectif. Vous venez de montrer du doigt…
Quel rétropédalage !
Pas du tout, monsieur Bertrand ! Le contrat de travail visé dans la circulaire ne peut pas entraîner pour le salarié des obligations qui soient défavorables comparées à celles contenues dans l'accord collectif étendu, lui-même ne pouvant être moins favorable que la loi. Peut-être l'avez-vous oublié, monsieur le ministre, mais c'est ce que l'on appelait la hiérarchie des normes.
Vous faites un exercice impossible !
Monsieur le ministre, si vous voulez prétendre le contraire, j'invite tous les professeurs d'université spécialistes du droit social à lire votre nouvelle version du droit du travail : le contrat de travail pourrait méconnaître les intérêts du salarié et être en contradiction avec les dispositions de la loi, du contrat collectif étendu ou du contrat de branche. Monsieur le ministre, il s'agit là d'une première dont je ne vous savais pas capable !
Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 906 à 920 .
(Ces amendements ne sont pas adoptés.)
Je suis saisi d'un amendement n° 83 .
La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.
Cet amendement vise à introduire dans la loi la pratique de la jurisprudence telle qu'elle est constatée actuellement sur ce type de forfaits. Il propose de préciser que l'existence d'une convention de cette nature ne se présume pas et que l'accord du salarié est requis pour l'établir.
Favorable.
Je suis saisi d'un amendement n° 82 .
La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.
Il s'agit d'une suite presque logique. Cet amendement précise que la convention de forfait dont on vient de parler doit être établie par écrit.
Favorable.
Je suis saisi d'un amendement n° 133 .
La parole est à Mme Martine Billard, pour le soutenir.
Dans le code du travail actuel, l'article L. 3121-41 prévoit que « lorsqu'une convention de forfait en heures a été conclue avec un salarié, la rémunération afférente au forfait est au moins égale à la rémunération que le salarié recevrait compte tenu du salaire minimum conventionnel applicable dans l'entreprise, et des majorations pour heures supplémentaires prévues ».
Or, dans la réécriture de cette section sur les forfaits, cette précision disparaît. Il me semble important de préciser que la convention de forfait en heures ne s'oppose ni au décompte des heures effectuées, ni au paiement des heures supplémentaires avec un taux de majoration au moins égal à celui prévu par le code du travail. Sinon, on risque de voir apparaître des conventions de forfait plus que minimalistes, imposant des horaires de travail supérieurs aux 35 heures, mais avec un gain minime pour les salariés.
Puisque le Gouvernement répète depuis un an qu'il faut « travailler plus pour gagner plus », il ne peut qu'être d'accord avec la nécessité de garantir l'effectivité de ce slogan dans le code du travail, afin d'éviter que des salariés ne se retrouvent en situation de gagner moins en travaillant plus. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Défavorable, tout en étant d'accord sur le fond : à notre avis, cet amendement sera satisfait par l'amendement n° 84 de la commission. D'ailleurs, nous en avons déjà discuté en commission avec Mme Billard la semaine dernière.
Je pense que M. le rapporteur ou la commission devraient pouvoir satisfaire Mme Billard. Avis défavorable, car je donnerai un avis favorable à l'amendement n° 84 .
C'est ce qui s'appelle faire confiance !
C'est vous qui ne faites pas confiance en n'approuvant aucun amendement de l'opposition !
Je suis saisi de quinze amendements identiques, nos 921 à 935 .
La parole est à Mme Catherine Lemorton.
Pour éviter toute utilisation abusive des conventions de forfait en heures sur la semaine et le mois en l'absence d'accord collectif définissant les principales modalités de ces conventions, nos amendements proposent de les soumettre à l'avis du comité d'entreprise ou des délégués du personnel, et, à défaut de représentants du personnel, à l'autorisation de l'inspection du travail.
Nous allons pouvoir passer aux travaux pratiques avec l'exemple de l'entreprise Goodyear d'Amiens, où la direction a enjoint aux syndicats de signer un accord « temps de travail contre emplois ». Face à un tel chantage affiché, on peut légitimement s'inquiéter pour les salariés sans représentants du personnel ou de comité d'entreprise, et qui seront renvoyés à ce colloque singulier entre l'employeur et l'employé – que le rapporteur se plaît à qualifier de « partenariat » – et qui est un rapport déséquilibré.
Dans ce cas, il nous semble indispensable que le législateur mette des garde-fous, des contrôles – en l'occurrence, l'inspection du travail.
Ma chère collègue, la puissance de votre argumentation n'a pas besoin de s'habiller d'artifices ! S'il vous plaît, reportez-vous au compte rendu des débats, je n'ai jamais prétendu que l'ensemble des relations entre l'employeur et le salarié pouvait être qualifié de partenariat. (« Mais si ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) Non. J'ai relu le compte rendu. Donc, je vous renvoie à mes déclarations précises.
Pour le reste, nous avons déjà débattu, la semaine dernière, de la place de l'inspecteur du travail dans ces dispositifs. Pour les mêmes raisons que celles déjà évoquées – le projet de loi est clair sur ce point –, la commission a repoussé cet amendement.
Défavorable.
Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 921 à 935 .
(Ces amendements ne sont pas adoptés.)
Je suis saisi de quinze amendements identiques, nos 936 à 950 .
La parole est à M. Alain Vidalies.
Défavorable.
Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 936 à 950 .
(Ces amendements ne sont pas adoptés.)
Je suis saisi de quinze amendements identiques, nos 951 à 965 .
La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.
Défavorable.
Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 951 à 965 .
(Ces amendements ne sont pas adoptés.)
Je suis saisi de quinze amendements identiques, nos 966 à 980 .
La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.
Ces amendements visent à insérer l'alinéa suivant après l'alinéa 6 : « Les conventions de forfait en heures sur la semaine ou sur le mois conclues donnent lieu au moins une fois par an à une consultation du comité d'entreprise ou des délégués du personnel. »
Il s'agit de faire en sorte que ces instances soient informées de l'existence et du contenu des conventions de forfait signées à titre individuel. La saisine du comité d'entreprise ou des délégués du personnel permettra de suppléer aux refus de nos différents amendements qui sollicitaient le recours à la convention collective ou à la convention cadre. Cette saisine pourra aussi remédier à votre refus de laisser intervenir l'inspecteur du travail, ce que nous avions également demandé en rappelant, à maintes reprises, que ce dernier permet aussi à l'employeur de se protéger.
Par ailleurs, on n'imagine évidemment pas que l'ignorance qui permettrait à l'employeur de construire une stratégie visant à soumettre l'employé à une pression forte pour accepter le dispositif devienne l'instrument du dumping à l'intérieur de l'entreprise. Cela exposerait aux risques que nous dénonçons depuis le début, ceux d'un travail non maîtrisé en termes de durée et susceptible de porter atteinte à la santé du salarié.
Lors de la deuxième séance de jeudi, monsieur le rapporteur, vous avez déclaré ceci : « La deuxième [divergence], c'est que vous vous fondez sur une sorte d'incapacité des employeurs à comprendre d'eux-mêmes que leur intérêt est d'avoir dans des relations normales avec leurs salariés – c'est-à-dire des relations non pas égales, ne rêvons pas, mais partenariales. »
Cela m'a conduit à vous répondre, vous vous en souvenez sans doute : « Les partenaires sociaux ne sont pas les salariés, mais les syndicats. » Ils travaillent avec les autres partenaires sociaux que sont les employeurs et les syndicats d'employeurs.
Nous voulons une dernière fois, dans le cadre du dispositif prévu à l'article 6, vous proposer que l'accord individuel signé entre le salarié et l'employeur sur les conventions de forfait reçoive une explicitation. Il faut que chacun ait connaissance de ce qui se fait dans l'entreprise, de sorte que l'on n'en reste pas à un engagement contractuel pris en catimini, lequel ne peut en effet être diffusé sans la volonté des parties. Cela permettrait de connaître précisément les conditions dans lesquelles l'instrument de la convention individuelle est utilisé par l'employeur au sein de l'entreprise. Tel est le sens de l'amendement.
La commission a repoussé cet amendement, non pour des raisons de fond, puisque la préoccupation en est largement partagée sur les bancs de la majorité, mais d'abord parce que l'article L. 2323-29 du code du travail dispose que le comité d'entreprise est systématiquement consulté sur les modalités d'aménagement du temps de travail.
L'alinéa 34 de l'article 17 du présent texte prévoit en outre que « le comité d'entreprise [sera] consulté chaque année sur l'aménagement du travail sous forme de forfait ainsi que sur les modalités de suivi de la charge de travail des salariés concernés ».
Compte tenu de sa place dans l'article, la disposition s'applique à l'ensemble de celui-ci.
Ce n'est pas le cas prévu par votre amendement ; en tout état de cause, quand il n'y a pas de comité d'entreprise, on ne peut pas le consulter…
C'est pourquoi notre amendement propose « une consultation du comité d'entreprise ou des délégués du personnel ».
Même avis : la consultation doit être annuelle.
Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 966 à 980 .
(Ces amendements ne sont pas adoptés.)
Je suis saisi de dix-sept amendements, nos 981 à 995 , n° 84 et n° 104 , pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 981 à 995 sont identiques, de même que les amendements nos 84 et 104 .
L'amendement n° 84 fait l'objet de treize sous-amendements identiques, nos 1725 à 1737 .
La parole est à M. Régis Juanico.
Les amendements nos 981 et suivants portent sur une question particulièrement importante, celle de la rémunération du salarié en convention de forfait.
Nous ne le dirons jamais assez, le projet de loi, c'est plus de précarité pour les salariés et certainement une dégradation de leurs conditions de travail. Mais, on l'oublie trop souvent, c'est aussi moins de pouvoir d'achat et plus de modération salariale.
Ce n'est pas vrai, vous le savez !
Votre texte, monsieur le ministre, s'inscrit dans le sillage d'une série de dispositifs adoptés depuis quelques années en faveur, prétendiez-vous, du pouvoir d'achat. Tous sont des échecs.
À y regarder de plus près, vous êtes en effet les champions de la déflation salariale. L'INSEE vient de publier les chiffres du premier trimestre de 2008. Compte tenu de l'inflation, qui suit une pente annuelle de 3,2 %, les salariés français ont, au cours du premier trimestre, perdu 0,5 % de leur pouvoir d'achat. Je ne reviendrai pas sur les chiffres que nous avons donnés ici même la semaine dernière au sujet du rachat des RTT et du dispositif relatif aux heures supplémentaires adopté avec la loi TEPA. Vous avez, monsieur le ministre, triomphalement annoncé avec Mme Lagarde une augmentation annuelle de 40 % des heures supplémentaires effectuées par les salariés.
Absolument : 40 %, merci de le rappeler !
C'est une supercherie, vous le savez bien ! Vous avez pris les chiffres du premier trimestre de 2007, époque à laquelle la loi TEPA n'était pas encore entrée en vigueur. Comme je vous l'ai montré, la comparaison qu'il faut retenir est celle du quatrième trimestre de 2007 – 8,4 heures par trimestre et par salarié – avec le premier trimestre de 2008 – 8,7 heures. L'augmentation n'est donc que de 4 %, et non de 40 % ! (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Pour revenir à l'amendement, nous sommes une fois de plus confrontés au principe : travailler plus pour gagner moins. La convention de forfait telle qu'elle est envisagée entraînerait en effet une majoration de seulement 10 % des jours supplémentaires de travail pour les salariés. Dès lors, toute la question est de savoir comment garantir la rémunération du salarié concerné. Nous proposons que celle-ci soit « au moins égale à celle correspondant à sa qualification et qu'il percevrait compte tenu des majorations pour heures supplémentaires applicables dans l'entreprise ». Cela revient tout simplement à s'inspirer de la jurisprudence en vigueur pour le salarié en convention de forfait en heures sur la semaine ou sur le mois.
La commission a repoussé les amendements nos 981 à 995 parce qu'elle leur a préféré la rédaction de l'amendement n° 84 . Celui-ci relève de la même inspiration, à deux différences près. La première tient à ce que ce dernier amendement évoque la « validité de la convention de forfait », et pas seulement la rémunération des personnels. La deuxième différence est que les amendements défendus par M. Juanico ne mentionnent que la qualification, ce que la commission a jugé trop restrictif.
La parole est à M. Jean-Paul Anciaux, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire, pour défendre l'amendement n° 104 .
L'amendement réintroduit dans le code du travail, en les reformulant, les dispositions actuellement contenues à l'article L. 3121-41, qui prévoit que la rémunération d'un salarié en convention de forfait soit au moins égale à celle résultant du salaire minimum applicable dans l'entreprise et des majorations pour heures supplémentaires. Une telle clause constitue une garantie pour le pouvoir d'achat des salariés : elle conditionnera la validité des conventions individuelles de forfait.
La parole est à M. Christophe Sirugue, pour défendre les sous-amendements.
Qui peut le plus peut le moins ! C'est ainsi que l'on pourrait formuler l'objet des sous-amendements nos 1725 à 1737 .
Nous considérons en effet qu'il faut aussi tenir compte de la qualification du salarié. L'inscrire dans la loi permettrait, toujours selon la logique que nous défendons, de sécuriser le dispositif en prenant en compte les particularités de chaque salarié, et ce d'autant plus que nous sommes pratiquement, désormais, dans des rapports de gré à gré. Notre proposition, monsieur le rapporteur, est d'ailleurs tout à fait complémentaire avec la vôtre : je ne doute donc pas que vous y serez favorable.
Quel est l'avis de la commission sur les sous-amendements en discussion et sur l'amendement n° 104 ?
Favorable à l'amendement n° 104 , puisqu'il est identique à l'amendement que j'ai moi-même défendu.
Quant aux sous-amendements nos 1725 à 1737 , j'en partage la motivation, ayant défendu un amendement en ce sens. Cependant, je m'interroge sur leur caractère trop restrictif : pourquoi se limiter à la notion de qualification, alors que l'on pourrait en mentionner beaucoup d'autres, comme les compétences ou les catégories ?
Très juste !
La commission n'a pas pu examiner ces sous-amendements. J'y suis néanmoins défavorable à titre personnel, même si, je le répète, je partage les motifs qui les ont inspirés.
Dans une incise et sans avoir l'air d'y toucher, monsieur le ministre, vous avez évoqué tout à l'heure les heures supplémentaires.
Je crois que M. Mothron siégeait à la commission des finances lorsque notre excellent collègue Gilles Carrez, rapporteur général du budget, a présenté son projet de rapport intéressant notamment les dispositions relatives aux heures supplémentaires. Je n'imagine pas, monsieur le ministre, que vous ne connaissiez pas ce rapport ! Ses conclusions feront plaisir à Pierre Méhaignerie, qui, d'ailleurs, est souvent d'accord avec Gilles Carrez, homme de droite mais d'une grande rectitude. On peut bien sûr en dire de même de M. Méhaignerie, dont les propos, souvent plus enrobés de miel, n'en demeurent pas moins de droite, eux aussi.
Que dit, monsieur le ministre, Gilles Carrez sur les conséquences réelles des exonérations de cotisations sociales relatives aux heures supplémentaires ? Que nous ne les connaissons pas !
Nul n'est capable de dire combien d'heures supplémentaires ont été créées. Ce que nous savons en revanche avec certitude, c'est que les nouvelles règles ont fait sortir de la zone grise des heures supplémentaires déjà effectuées, à l'instar de ce qui s'était produit avec le dispositif relatif à la TVA à 5,5 % sur les travaux réalisés dans les logements. Avec votre habileté coutumière, monsieur le ministre, vous avez encore profité d'un autre sujet pour nous resservir en douce votre couplet sur les heures supplémentaires. Je tenais donc à informer notre assemblée sur ce point, car tous nos collègues n'ont pu écouter Gilles Carrez à la commission des finances, non plus que nos concitoyens, puisque le débat n'était pas retransmis. M. Méhaignerie, qui avait déjà soulevé la question, y verra aussi la confirmation des conclusions de M. Séguin, Premier président de la Cour des comptes.
En outre, nous le verrons avec un amendement ultérieur, aucune évaluation n'est prévue : comme d'habitude, votre position relève exclusivement de l'idéologie, qu'à la manière de Tartuffe vous vilipendez mais ne cessez de pratiquer – à condition qu'on ne puisse l'identifier.
Allons, monsieur Brard…
Cela vous gêne que l'on emploie une référence culturelle ? Certes, vous n'y êtes pas habitué en Conseil des ministres, j'en conviens…
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements et les sous-amendements en discussion ?
Favorable aux amendements nos 84 et 104 et défavorable aux sous-amendements, car ils restreignent le champ : cela n'était pas, je pense, l'intention des auteurs. M. Vidalies et ses collègues seront néanmoins satisfaits, puisque leurs amendements reviennent au même que ceux défendus par les deux rapporteurs.
Je souhaite répondre brièvement au rapporteur.
Réintroduire dans le code du travail une disposition qui y était prévue est la moindre des choses. Je regrette que la commission et le Gouvernement n'aillent pas plus loin : l'un des problèmes est précisément de démontrer, en cas de difficulté avec l'employeur, combien d'heures supplémentaires ont été intégrées dans le forfait.
En l'absence de décompte des heures supplémentaires effectuées dans le cadre du forfait, il sera impossible, en cas de conflit, pour l'employeur comme pour le salarié, de prouver si la convention de forfait a été respectée ou non. C'est pour cela que j'avais déposé un amendement similaire, prévoyant un décompte des heures effectuées. J'insiste sur ce point car de plus en plus d'entreprises de sous-traitance, n'ayant pas leur siège en France, emploient des salariés venus de toute l'Europe. Nous en avons de nombreux exemples avec les chantiers navals – je pense aux Chantiers de l'Atlantique, où un certain nombre de salariés ont été embauchés par des entreprises de sous-traitance en cascade, sans le moindre respect du code du travail.
Ces salariés manquent des moyens nécessaires pour prouver leur bonne foi et le non-respect des termes du contrat par l'employeur : cela témoigne de l'affaiblissement des droits des travailleurs. Il me semblait donc important qu'ils puissent recourir au décompte de leurs heures pour limiter le dumping social entre entreprises sous-traitantes. Ce serait utile sur un certain nombre de grands chantiers, notamment dans le secteur de la construction navale.
J'aimerais, comme à notre habitude, faire une proposition constructive. J'ai parfois des difficultés – mais sans doute suis-je le seul – à suivre les méandres de la pensée de M. le ministre…
..et je salue la souplesse d'échine qui lui permet de s'y retrouver… (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Si j'ai bien compris, le Gouvernement et la commission sont opposés à notre sous-amendement au motif que la précision « de sa qualification et des majorations » restreindrait le champ d'application de la disposition. Je vous propose donc de recourir à un procédé habituel en la matière, qui fait la fortune des juristes et qui consisterait à ajouter « notamment », ce qui permettrait de prendre en compte notre préoccupation, tout à fait légitime, sans restreindre ce champ d'application ! Personne, monsieur le président, ne saurait s'opposer à une telle proposition !
Les sous-amendements nos 1725 à 1737 sont donc rectifiés en ce sens.
Quel est l'avis de la commission ?
J'en ai suffisamment entendu, la semaine dernière, de la part de mes collègues de l'opposition, sur l'utilisation abusive, déplacée, inutile, impromptue et impertinente de l'adverbe « notamment » pour accepter qu'ils recourent aujourd'hui au même procédé, qu'ils considéraient comme dilatoire il y a seulement soixante-douze heures ! Je m'oppose donc formellement à ce sous-amendement !
Même avis.
Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 981 à 995 .
(Ces amendements ne sont pas adoptés.)
Je mets aux voix par un seul vote les sous-amendements nos 1725 rectifié à 1737 rectifié .
(Ces sous-amendements ne sont pas adoptés.)
Je suis saisi d'un amendement n° 267 .
La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour le soutenir.
Il me semble, monsieur le ministre, que notre collègue est un peu sévère avec vous lorsqu'il dit se perdre dans les méandres de votre pensée…
Pourquoi n'entendons-nous plus M. Muzeau ?
Vous ne perdez rien pour attendre, monsieur le ministre ! Ne noyez pas le poisson ! Votre boussole est toujours braquée sur l'étoile polaire, qui, pour vous, consiste à beurrer la tartine du MEDEF (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), tout le reste n'étant qu'habillage.
Vous allez avoir du mal à faire croire cela !
Vous n'en avez que pour les banquiers, les compagnies d'assurance et les grands groupes, et le reste n'est que discours !
Pourquoi censurez-vous M. Muzeau ?
Il va parler ! Nous sommes pour le pluralisme, de ce côté de l'hémicycle ! Ce n'est pas comme chez vous, surtout depuis le conseil national de l'UMP ! Mais combien y a-t-il de députés aujourd'hui sur les bancs de l'UMP ? Certes, on a vu tout à l'heure M. Apparu lever timidement la main, parce que c'est un jeune député dynamique, qui n'a pas compris qu'il faut de la discipline… Mais c'est un autre débat.
Revenons à l'amendement. M. Muzeau s'exprimera à son tour, monsieur le ministre, lui qui a combattu deux jours entiers contre vous et vos collègues ! Par cet amendement, nous voulons supprimer les dispositions proposées pour l'article L. 3121-39, relatives à la mise en place des conventions de forfait sur l'année, pour des raisons analogues à celles qui nous amènent à refuser le dispositif relatif aux conventions de forfait en heures sur la semaine ou sur le mois.
Si, avec cet article, vous avez pris soin de renvoyer aux accords collectifs d'entreprise ou de branche, vous prévoyez néanmoins l'élargissement du dispositif à l'ensemble des salariés, sans en évaluer au préalable les conséquences en vous fondant sur l'expérience acquise.
Comme le montre l'exemple que j'ai cité tout à l'heure, vous n'avez que faire de ce que donnent vos politiques : ce qui vous importe, c'est seulement de les poursuivre, avec les objectifs idéologiques que vous réfutez. C'est précisément votre posture idéologique que nous combattons, celle dont souffrent nos concitoyens lorsqu'à la fin de chaque mois, ils font le bilan de cette politique et de ses conséquences sur leur niveau de vie.
Avis défavorable.
Je suis saisi de seize amendements, no 225 et nos 996 à 1010 , pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 996 à 1010 sont identiques.
La parole est à M. Francis Vercamer, pour soutenir l'amendement n° 225 .
Cet amendement est très proche de l'amendement de M. Vercamer. Si notre collègue considère qu'il est défendu, il n'en va pas de même pour nous car nous considérons qu'il est nécessaire de revenir sur une orientation fondamentale du projet de loi, qui est de donner la primauté aux accords d'entreprise par rapport aux accords de branche.
L'accord de branche professionnelle est un élément de sécurité pour le salarié, par rapport à l'accord d'entreprise. Selon vous, il faut laisser la négociation s'établir au sein de l'entreprise car c'est un facteur de souplesse ; nous considérons au contraire que c'est un facteur de fragilité, notamment dans les petites entreprises où la discussion entre l'employeur et le salarié est plus difficile que dans les grands groupes, qui bénéficient de la vigilance des organisations syndicales.
Nous vous proposons par cet amendement de retenir le principe de l'accord de branche dans le cadre des conventions de forfait.
Je ne reviendrai pas sur les différentes conventions de forfait, que nous avons longuement évoquées. En voulant étendre l'accord d'entreprise à l'ensemble des salariés et en refusant tous nos amendements, vous refusez tous les garde-fous que nous proposons. Nous considérons que la mise en oeuvre de ces conventions de forfait doit être prévue par un accord de branche étendu, s'appliquant à l'ensemble des entreprises de la branche, qu'il s'agisse d'un forfait en heures ou d'un forfait en jours. Là encore, monsieur le ministre, entre les déclarations et les actes, qu'allez-vous choisir ?
Même avis défavorable.
Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 996 à 1010 .
(Ces amendements ne sont pas adoptés.)
Je suis saisi de seize amendements identiques, n° 177 rectifié et nos 1011 à 1025 .
La parole est à Mme Martine Billard, pour soutenir l'amendement n° 177 rectifié .
Cet amendement vise à ce que les forfaits sur l'année soient prioritairement négociés dans le cadre d'un accord collectif de branche.
Je voudrais d'ailleurs vous poser à nouveau une question, monsieur le ministre, à laquelle vous n'avez toujours pas répondu : pourquoi la notion d'accord de branche « étendu » a-t-elle disparu dans les articles 16, 17 et 18 ? Cela a-t-il une signification ? Elle figurait pourtant, jusqu'à présent, dans le code du travail. Si l'on omet cette précision, les entreprises qui ne sont pas affiliées à une branche professionnelle et les entreprises étrangères n'ayant pas leur siège en France ne seront tenues ni par les accords de branche, qu'elles n'auront pas signés, ni par des accords d'entreprise. Elles n'auront pour seule référence que le code du travail.
Or, prenons l'exemple des jours fériés. Nos concitoyens oublient souvent que les jours fériés – à l'exception du 1er mai, qui est un jour férié, chômé et payé – ne dépendent pas du code du travail mais des conventions collectives. Sans accords de branche étendus, ne risque-t-on pas d'assister à des reculs ? Comme nous le verrons par la suite avec les forfaits en jours, qui n'imposent pas le respect des jours fériés, chômés et payés, en l'absence d'accords de branche étendus, les entreprises auront la possibilité de ne plus respecter ce qui est pourtant la norme puisque plus de 90 % des salariés travaillant aujourd'hui dans notre pays sont couverts par des accords de branche.
Je vous pose donc à nouveau la question, monsieur le ministre : le fait que les accords de branche étendus aient disparu de ces articles a-t-il un sens ?
Il reste plusieurs questions en suspens, et celle que pose Mme Billard n'est pas la moindre. En effet, où sont passés les accords collectifs de branche étendus ? Ils figurent dans le code du travail, mais sont absents de ce texte. Or, monsieur le ministre, vos commentaires à ce sujet sont d'une grande discrétion. Il faut avouer que nous avons du mal à suivre votre argumentation. Il serait utile que vous reveniez sur la circulaire que vous nous avez lue tout à l'heure pour nous démontrer que, dans le cadre de la loi Aubry, on pouvait signer des conventions annuelles directes sans accord collectif. Nous sommes tout de même à l'Assemblée nationale ! Nous aimerions poursuivre la discussion car cette nouveauté semble avoir échappé à l'ensemble des commentateurs.
S'agissant de la hiérarchie des normes, nous avons évoqué la semaine dernière le danger que représente l'accord d'entreprise pour le droit français. Vous avez d'ailleurs avoué que vous étiez inquiet des conséquences des arrêts de la Cour de justice européenne, notamment des arrêts Laval, Viking et Rüffert.
J'ai dit que j'étais attentif à leurs conséquences !
Quand on connaît votre capacité à faire du sur-place, monsieur le ministre, si vous dites être attentif à leurs conséquences, c'est que le problème doit être sérieux !Nous avons appris à parler le « Bertrand » ! (Sourires.)
Je ne manie pas le « SRC » avec autant de dextérité !
Dès lors que nos remarques soulèvent une interrogation, c'est que la situation doit être grave.
Le sujet est sérieux. À partir du moment où la Cour de justice européenne dit qu'un accord d'entreprise n'a pas de portée générale et que, par conséquent, il ne peut être appliqué à une entreprise étrangère – je pense à l'arrêt Rüffert portant sur une entreprise polonaise établie en Allemagne –, la référence à un accord de branche devient une précaution essentielle, et ceci concerne tant les salariés que les entreprises.
À cet égard, je voudrais vous poser une dernière question, sur laquelle, monsieur le ministre du travail, vous ne vous êtes pas beaucoup exprimé, pas plus que vos collègues du groupe UMP. Dans le cadre de la loi de modernisation de l'économie, Mme Lagarde a fait voter un amendement, passé inaperçu sur le plan médiatique ainsi qu'aux yeux de nombre nos collègues, y compris, nous le confessons, sur nos bancs. Un amendement a été adopté, visant à ce qu'une entreprise étrangère établissant une succursale en France soit exonérée du paiement des cotisations vieillesse pour ses salariés, à la seule condition qu'elle ait un système de cotisation vieillesse dans son pays d'origine. Autrement dit, toute entreprise étrangère disposant dans un autre pays d'un système d'assurance vieillesse dont les cotisations représenteraient, par exemple, 0,5 % du montant des salaires, pourrait s'installer en France en maintenant ce dispositif, alors que le montant des cotisations vieillesse pour les entreprises françaises est de 10 %. Jusqu'à présent, une telle pratique était interdite.
C'est la réglementation européenne.
Non. Et si tel était le cas, vous n'auriez pas été obligé d'inscrire cette disposition dans la loi.
L'exposé des motifs est encore plus surprenant – et je tiens à votre disposition tous les documents – en ce qu'il prétend que cette mesure vise à renforcer l'attractivité de la France ! Le Gouvernement propose de diminuer le coût de l'emploi de salariés en France par des entreprises étrangères pour renforcer l'attractivité de la France ! Qu'est-il advenu des discours du Président de la République sur l'Europe, voire de ce qu'il a dit le week-end dernier ? L'ensemble que vous constituez crée le désordre économique et social. Nos amendements visent à remettre les choses dans un ordre juridique acceptable. (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Nous allons essayer !
Elle a eu raison !
La rédaction actuelle du projet de loi gouvernemental ne supprime pas l'extension de l'accord de branche, contrairement à la lecture que vous en avez faite. Celle-ci sera toujours nécessaire en cas d'application d'un accord à l'ensemble des entreprises. Vous l'avez vous-même reconnu, madame Billard, la notion d'accord de branche étendu ne figure pas dans le code du travail chaque fois que ce serait possible. Voilà pourquoi la commission et son rapporteur ont repoussé ces amendements identiques.
Défavorable.
Madame Billard, si la référence aux accords de branche étendus ne figure pas, c'est que cela obligerait les entreprises adhérentes à attendre l'extension de l'accord pour qu'il leur soit appliqué. Ce serait une perte de temps. Les conditions d'extension demeurent inchangées, mais les entreprises adhérentes pourront bénéficier sans attendre des avancées d'un accord collectif.
S'agissant du détachement, monsieur Vidalies, il n'y a pas de changement. Vous avez beau déployer, depuis le début de l'après-midi, des trésors d'imagination pour essayer de faire peur, cela ne marche pas ! Vos efforts tombent à côté !
Depuis le début de l'après-midi, monsieur le ministre, vous essayez de nous rassurer, mais vos efforts tombent à côté !
Je vous ai mis au défi de prouver ce que vous avancez. Or, à aucun moment, vous n'avez été en mesure de le faire. Nous voulons simplement éviter la double affiliation. Tant que nous n'aurons pas réussi à avancer à l'échelle européenne, notamment sur le problème de la portabilité des droits à pension complémentaire – il existe bien un projet de directive, bloqué en l'absence d'unanimité –, tant que le détachement ne fera pas l'objet d'un cadre européen clairement défini, cette disposition sera nécessaire, monsieur Vidalies. Elle ne change pas la donne et n'est en aucun cas une régression de notre système de protection sociale ; elle ne vise qu'à éviter la double affiliation. Il n'y a là rien de plus et rien de moins, et vous aurez du mal à faire peur avec de tels exemples !
Votre explication me laisse dubitative. Vous prétendez vouloir gagner du temps en supprimant l'extension de l'accord de branche…
La référence.
Si cette disposition a été inscrite dans le code du travail jusqu'à présent, c'est qu'il y avait une raison.
Je suis d'autant plus perplexe que l'article 7 du projet de loi prévoit que le temps de travail sera désormais inclus dans la négociation de l'accord d'entreprise. En outre, vous inversez la hiérarchie des normes pour ce qui est des négociations et vous refusez de maintenir explicitement la mention de l'accord de branche étendu. Vous dites que l'on gagnera du temps, mais vous ne m'empêcherez pas de penser qu'à terme, ce dispositif posera problème. Entre la signature des accords et le fait qu'il n'y ait plus d'obligation d'extension, certaines entreprises pourront…
S'agissant d'accords de branche étendus, il n'y a jamais eu d'obligation !
Certes, mais le fait de ne pas l'inscrire explicitement, autrement dit de le supprimer, ouvre la possibilité qu'il n'y ait jamais plus d'extension d'accords. Nous commençons à vous connaître depuis 2002, nous savons comment vous avez oeuvré sur notre code du travail, retirant une pierre çà et là et faisant s'effondrer tout l'édifice. Nous connaissons aussi les exigences du MEDEF, que vous satisfaites les unes après les autres.
Nous ne pouvons que craindre la disparition de l'extension des accords de branche.
J'ai bien compris vos explications, monsieur le ministre. En droit français, aujourd'hui, vous prétendez, vous qui êtes ministre de la République, qu'une entreprise étrangère qui s'établirait en France et qui emploierait des salariés étrangers…
Des salariés détachés.
Voilà pourquoi vous n'avez pas répondu à ma question, monsieur le ministre ! Notre amendement ne porte pas sur ce point. Je suis d'accord avec votre réponse, mais vous êtes hors sujet ! J'aimerais que vous répondiez à ma question, qui porte sur une innovation sur laquelle je m'interroge, d'ailleurs, et qui concerne Mme Lagarde et l'ensemble du Gouvernement. Si je m'adresse à vous, c'est que les conséquences de cette mesure seront d'ordre social. Le procès-verbal de la séance dont il est question montre bien qu'il ne s'agit pas d'une directive européenne, mais d'une novation, qui concerne les entreprises étrangères ayant des succursales en France, que l'on autorisera dorénavant à ne pas payer de cotisations au nom de l'attractivité. Cela n'a rien à voir avec la directive européenne ni avec votre réponse, monsieur le ministre. Nous souhaiterions savoir ce qu'en pense M. le ministre du travail.
Je mets aux voix par un seul vote les amendements n° 177 rectifié et nos 1011 à 1025 .
(Ces amendements ne sont pas adoptés.)
Je suis saisi de quinze amendements identiques, nos 1026 à 1040 .
La parole est à M. Alain Vidalies.
La commission ayant adopté un amendement similaire – n° 1070 –, elle les a repoussés. M. Vidalies semble l'ignorer, ce qui m'étonne compte tenu de sa vigilance et alors que nous l'avons adopté en sa présence en commission. Celle-ci préfère voir figurer cette précision au début de la deuxième phrase de l'alinéa 11.
Les amendements nos 1026 à 1040 sont retirés.
Je suis saisi de quinze amendements identiques, nos 1041 à 1055 .
La parole est à M. Jean Mallot.
L'alinéa 11 de l'article 17 précise que la conclusion de conventions individuelles de forfait, en heures ou en jours, sur l'année est prévue par un accord collectif d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, par une convention ou un accord de branche.
Nous sommes au coeur du débat, car c'est ici que le Gouvernement commet son forfait. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Je constate que vous l'approuvez, ce qui est significatif !
Le mécanisme que vous voulez mettre en place, en faisant prévaloir l'accord d'entreprise sur l'accord de branche, amorcera un processus de dumping social, que vous appelez de vos voeux pour adapter la France à la mondialisation financière, laquelle va broyer les salariés. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) On voit bien dans quelle spirale descendante vont être entraînées les normes sociales. Prenons l'exemple de deux entreprises : la première négocie par accord d'entreprise, dérogatoire aux accords de branche. La seconde entame des négociations. Quelle marge de manoeuvre auront les salariés de la dernière entreprise, sinon s'aligner sur sa concurrente ? La spirale descendante va amorcer son mouvement. Et, je reviens sur le point évoqué tout à l'heure par Alain Vidalies : qu'en sera-t-il face à des entreprises qui emploient des salariés étrangers cotisant au régime d'assurance vieillesse d'un autre pays que la France ? Pour négocier, les entreprises concurrentes s'aligneront vers le bas.
Vous avez ouvert des brèches et vous vous apprêtez à mettre en oeuvre votre dispositif, en mettant à mal tout le système social français, par l'inversion de la hiérarchie des normes, par l'individualisation des rapports sociaux, par la multiplication d'auto-entrepreneurs appelés à se débrouiller comme ils peuvent et de journaliers non protégés par des conventions collectives.
Voilà la France que vous souhaitez. Ce n'est pas celle que, nous, nous voulons. C'est pourquoi nous vous proposons, avec les amendements nos 1041 à 1055 , de supprimer la formule « à défaut », pour rétablir, au moins à cet endroit-là, la véritable hiérarchie des normes, celle qui peut protéger un peu les salariés de ce pays.
Défavorable également.
Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 1041 à 1055 .
(Ces amendements ne sont pas adoptés.)
Je suis saisi d'un amendement n° 134 .
La parole est à Mme Martine Billard, pour le défendre.
Défavorable, hélas…
Je suis saisi de quinze amendements identiques, nos 1071 à 1085 .
La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.
Toujours dans le même esprit, nous vous proposons d'insérer, à l'alinéa 11 de l'article 17, après les mots « l'accord » les mots « collectif préalable ». Faire figurer cette référence dans la loi est, pour nous, un minimum. Ne pas introduire cette dimension dans ce texte marquerait une véritable régression.
Favorable. C'est justement parce que la commission a accepté cet amendement que nous avons demandé tout à l'heure le rejet d'un amendement quasiment identique à la phrase précédente.
Pour nous, cette précision est implicite. Mais, si cet amendement permet de mettre un terme, une fois pour toutes, à toutes vos craintes sur une possible régression, le Gouvernement émet un avis favorable, et vous remercie d'apporter ainsi votre soutien. (Sourires.)
Je remercie M. le rapporteur. (« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Et pas le ministre ?
…qu'il n'a pas pu s'empêcher, alors qu'il s'agit d'un amendement de clarification,…
C'est pourquoi j'ai émis un avis favorable.
…d'être désagréable.
Monsieur le ministre, je voudrais revenir sur la question évoquée tout à l'heure. Parce que j'aime les choses précises, je suis allé rechercher l'exposé des motifs de l'amendement présenté par le Gouvernement au projet de loi LME. Et je constate qu'il n'a strictement rien à voir avec votre réponse.
C'est votre circulaire !
L'exposé des motifs qui a été distribué en séance indiquait : « Actuellement, la dispense d'affiliation à la sécurité sociale n'est en effet possible que dans certains cas et dans certaines conditions bien précises (salariés dont l'employeur est situé sur le territoire d'un pays de l'Espace économique européen ou d'un pays signataire d'une convention bilatérale de sécurité sociale). »
Mais ce dont il s'agit ici, c'est l'exonération d'affiliation pour des salariés détachés d'un groupe à un autre dans des États n'ayant pas conclu d'accord de réciprocité avec la France. Cette nouvelle exonération n'a strictement rien à voir avec la réponse que vous m'avez faite ou avec celle que vous ont préparée vos services.
En effet, vous aviez indiqué que la mesure s'appliquerait à tous les salariés étrangers concernés par la mobilité intergroupe, à l'exception de ceux auxquels s'applique le règlement de coordination des systèmes communautaires, ceux dont vous me parlez vous, et vous aviez terminé en disant que cette mesure contribuerait à renforcer l'attractivité du territoire national français. Nous sommes donc bien face à un nouveau dispositif, ou alors Mme Lagarde et le Gouvernement écrivent des choses inexactes.
Il faut, dans tous les cas, que chacun soit bien conscient de ce qui a été voté dans cette enceinte.
Cela dit, je remercie M. le rapporteur pour son ouverture d'esprit. Nous nous étions dit que, sur les 1 050 amendements déposés, deux permettaient d'ouvrir la porte : celui qui proposait 2098 comme date d'application, mais vous n'en avez pas voulu, et celui-ci, sur lequel nous pensions avoir une petite chance.
Monsieur Vidalies, je ne vais pas poser au ministre qui a réponse à tout, surtout quand vous évoquez le texte LME.
Je pense qu'on ne vous a pas consulté, et c'est pour cela que je me charge de faire le travail !
Vous savez qu'en termes de consultation, j'ai donné lorsque j'étais ministre de la santé.
Je voudrais juste préciser un point : la disposition de la loi LME, cela confirme bien ce que je vous disais tout à l'heure, ne concerne que les salariés extracommunautaires. Les autres sont soumis au règlement 1408-61, avec le principe d'affiliation dans le pays de travail.
Tout à l'heure, vous disiez que vous n'étiez pas d'accord. Cela signifie que nous progressons.
Là, il s'agit bien d'éviter, pour les détachés extracommunautaires, la double affiliation, pendant une durée limitée, de trois ans, non renouvelable.
Rien de plus, rien de moins que ce que je vous disais tout à l'heure.
Il faut avoir la demande du salarié concerné et celle de son entreprise, filiale de son groupe ou entreprise d'accueil.
Et il faut donc être exonéré de la filiation au régime de retraite.
Si cette question vous intéresse particulièrement, je vous invite aux conférences qui auront lieu pendant la présidence française sur cette question spécifique de la mobilité intergroupe. Nous aurons l'occasion d'en parler dès jeudi et vendredi à Chantilly, lors du premier sommet social de la présidence française. J'ai toujours indiqué que je souhaitais faire du cadre européen de la mobilité et des garanties nécessaires pour éviter le dumping social l'une des priorités de la présidence française. Je suis prêt, si cela vous intéresse, à vous associer à ces travaux.
En conséquence, les quinze amendements identiques suivants, nos 1056 à 1070, tombent.
Je suis saisi de quinze amendements identiques, nos 1086 à 1100 .
La parole est à M. Alain Vidalies.
Défavorable, hélas…
Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 1086 à 1100 .
(Ces amendements ne sont pas adoptés.)
Je suis saisi d'un amendement n°135 .
La parole est à Mme Martine Billard, pour le soutenir.
Cette loi va sans doute entraîner des modifications dans les contrats de travail de salariés en poste puisqu'elle ouvre la possibilité de passer au forfait en heures, par semaine et par mois, des salariés qui ne sont pas des cadres. Je propose que le fait de conclure une convention individuelle de forfait par un salarié constitue une modification substantielle du contrat de travail.
En cas de renégociation du contrat de travail, le salarié doit en effet pouvoir refuser la modification proposée car passer d'un contrat de travail horaire mensualisé à un contrat de travail en forfait constitue évidemment une modification plus que fondamentale du contrat de travail, avec ses nombreuses conséquences sur le temps de travail, la santé… Il me semble donc nécessaire de prévoir qu'un salarié pourra refuser cette modification et bénéficier d'une inscription au chômage, avec les indemnités qui y sont liées. Son refus ne devrait pas être considéré dans ce cas comme une démission.
la commission a repoussé cet amendement. Non qu'elle soit en désaccord avec Mme Billard sur le fond, mais parce qu'elle a adopté un amendement dont nous débattrons ultérieurement, qui prévoit que cette modification doit donner lieu à un consentement personnel et écrit du salarié. La convention est un élément du contrat de travail, bien plus qu'une simple modification de celui-ci.
Par ailleurs, sur un plan purement juridique, j'observe que, depuis 1996 et l'arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation, la terminologie de « modification substantielle du contrat » a été abandonnée au profit de celle de « modification du contrat » en cas de changement de conditions de travail.
Pour ces deux raisons, et tout en comprenant parfaitement vos motifs, qui me paraissent satisfaits par des amendements ultérieurs, la commission a repoussé l'amendement n° 135 .
Même argumentation, même avis.
On pourrait sous-amender cet amendement pour supprimer le terme « substantielle » puisque, en effet, cette référence n'est plus dans la jurisprudence.
Mais cet amendement pose un problème de fond, que l'on aurait tort d'écarter trop rapidement. Son adoption permettrait au moins d'éviter un nombre non négligeable de contentieux sur les conditions dans lesquelles la convention individuelle est conclue.
Rappeler qu'elle constitue une modification du contrat de travail, c'est du même coup ramener l'élaboration de la convention aux règles d'élaboration et de modification du contrat de travail. Cela permettrait de lever des incertitudes sur les conditions dans lesquelles se trouve placé le salarié quant à accepter ou non une proposition. Je ne parle même pas de la modification : je m'intéresse simplement à la procédure qui consiste à accepter ou non. Mme Billard l'a souligné, le salarié peut refuser la suggestion de l'employeur, en invoquant, par son refus, le fait qu'il s'oppose à la modification de son contrat de travail.
Ce point n'est pas négligeable, ni accessoire. J'ai le sentiment que telle serait la conclusion d'une jurisprudence au bout de cinquante contentieux et que, si la loi l'inscrivait immédiatement, cela éviterait de devoir rechercher cette solution devant la chambre sociale de la Cour de cassation. Cet amendement me paraît donc assez pertinent.
J'aurai besoin d'un éclaircissement pour savoir ce que je fais de cet amendement.
Deux situations se présentent : à l'embauche – le salarié accepte ou non la proposition de contrat de travail qui lui est faite –, et lorsque le salarié est déjà dans l'entreprise et que le chef d'entreprise lui propose une convention individuelle de forfait.
Le rapporteur nous proposera tout à l'heure un amendement prévoyant que la mise en oeuvre de la convention individuelle de forfait en jours sur l'année requiert l'accord du salarié concerné. Mais, d'une part, cela ne concerne que les forfaits en jours et pas les modifications de forfait en heures – mon amendement est plus global, puisqu'il couvre l'ensemble des conventions de forfait – ; d'autre part, cela signifie-t-il que le refus par le salarié concerné de la modification de son contrat de travail vers une convention de forfait sera considéré comme un licenciement et non pas comme une démission ?
De mon point de vue, le fait de refuser une telle disposition ne peut pas être considéré comme une démission au regard du droit actuel, et je ne vois pas de modification particulière à apporter sur ce point.
Je confirme que le refus du forfait ne constitue pas, par nature, une faute.
Monsieur le président, à ce stade du débat, je sollicite, au mon de mon groupe, une suspension de séance d'une dizaine de minutes.
Article 17
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures quarante-cinq, est reprise à dix-huit heures.)
La séance est reprise.
Je suis saisi de quinze amendements identiques, nos 1101 à 1115 .
La parole est à M. Christophe Sirugue.
Ces amendements nous permettent de revenir sur un problème qui nous préoccupe : le contrôle et l'organisation du temps de travail, et plus particulièrement l'amplitude des journées et la charge de travail qui en résulte.
Dans le cadre des accords d'entreprise, que le Gouvernement a choisi de mettre en avant, ce point résulte de la négociation entre le salarié et l'entreprise. Or, si l'on ne prend pas garde à inscrire dans la loi certains éléments qui permettront de sécuriser le plus possible le salarié, on peut craindre des débordements, notamment dans les petites entreprises. L'alinéa proposé met en avant l'accord collectif qui fixera les conditions dans lesquelles le salarié fait connaître son choix sur l'organisation de son temps de travail. Certes, il s'agit d'un point est capital quand on travaille dans une entreprise. Mais il est clair – nombreux sont ceux qui l'ont souligné – qu'à côté du travail, il y a aussi la vie de famille et la santé.
Chaque fois que nous retiendrons des dispositifs qui permettent malgré tout une approche plus collective et favorisent une autre approche que le rapport individuel entre le chef d'entreprise et le salarié, nous considérons qu'il s'agit d'un progrès. D'où ces amendements, dont l'objectif est d'élargir les droits du salarié et de permettre que l'organisation de son temps de travail et l'amplitude de ses journées lui soient le plus profitables possible.
J'ajoute que le choix des conventions de forfait est mis en avant, puisque le Gouvernement a choisi de les étendre à tous les salariés. Cette mesure rend d'autant plus utile la sécurisation proposée par nos amendements.
Ces amendements respectent, ou plutôt subissent la démarche du Gouvernement. On doit donc les considérer comme des amendements de précision ou de repli.
Le Gouvernement souhaite un simple accord d'entreprise, qui résulte d'une disposition législative étendant les possibilités de convention. Il s'agit donc, une nouvelle fois, d'un article générique, qui concerne les conventions de forfait en heures ou en jours. Mais quel sera le contenu de cet accord ? Le législateur peut-il se montrer indifférent à cet égard ou doit-il poser lui-même certaines limites ? Le Gouvernement a certes refusé que l'on se réfère précisément à des normes. Mais le contenu de l'accord doit du moins être fixé par la loi. Elle doit prévoir qu'il établisse la manière dont le salarié fait connaître son choix et manifeste sa volonté. Je rappelle que nous sommes aujourd'hui dans l'abstraction la plus totale : comment l'accord sera-t-il trouvé entre employeurs et salariés ? Quelles seront les modalités de suivi de l'organisation du travail ? Comment seront précisées l'amplitude des journées d'activité et la charge de travail ? Quelles seront les conditions d'application de l'accord ?
Nous souhaitons que soient précisés sa méthode et son contenu. Même si l'on épouse la logique du Gouvernement, il faut adopter, pour l'accord d'entreprise, une méthode commune. Celle nous proposons est minimale : elle vise seulement à indiquer les questions auxquelles l'accord doit répondre, abstraction faite des réponses qui leur seront données. Certes, nous aurions souhaité que le législateur soit plus précis, et fixe lui-même les amplitudes horaires ou les conditions de travail des salariés. Mais, si l'on s'en tient à l'idée que ces questions doivent figurer dans l'accord, les amendements me paraissent extrêmement utiles, ne serait-ce que pour imposer un minimum de cohérence, à défaut d'une homogénéité, à laquelle je ne crois guère, à ce qui résultera de l'atomisation du droit du travail conventionnel.
Puisque le Gouvernement a donné la priorité à l'accord d'entreprise, que celui-ci réponde au moins à des questions essentielles pour les salariés – pour tous les salariés, quelle que soit l'entreprise pour laquelle ils travaillent ! Car c'est bien au législateur de fixer le contenu de l'accord d'entreprise.
Ne nous y trompons pas : il s'agit d'un amendement extrêmement important. C'est pourquoi je tiens à le défendre de façon autonome, sans convention de forfait, puisque je revendique une certaine autonomie dans l'organisation de mon travail…
L'article 17 traite des conventions individuelles de forfait prévues dans un accord collectif. Il s'agit donc de trouver une articulation entre la situation individuelle et la démarche collective, sachant que celle-ci relève de l'entreprise et non de la branche. Nous y reviendrons.
Le Gouvernement prétend ouvrir les conventions de forfait en jours et en heures aux cadres et aux non-cadres. Les salariés qui disposeraient d'une certaine autonomie dans l'organisation de leur travail seront passibles de ce type de dispositif. Raison de plus pour que nous nous interrogions sur la façon dont sera établi l'accord et sur les garanties à lui apporter.
Quelqu'un a parlé tout à l'heure de protection. N'est-ce pas le rôle du législateur que d'en prévoir ? À défaut, que se passera-t-il ? L'imagination au pouvoir a du bon. « Que cent fleurs s'épanouissent ! » (Sourires.) Mais il serait opportun de ne pas laisser le système dériver jusqu'au point où les accords prévoiront n'importe quoi. Il y va de la santé des travailleurs.
Vous souriez, monsieur le rapporteur, mais il n'y a pas de quoi. Mettez-vous à la place des travailleurs concernés – essayez, du moins. Ce devrait être possible…
Vous comprendrez que, si l'on ne veille pas à préciser les modalités par lesquelles le salarié fera connaître son choix, des pressions psychologiques risquent de peser sur ce choix, qui cessera dès lors d'être libre, éclairé et délibéré. Le point mérite toute notre attention. C'est bien le moins que de préciser l'amplitude des journées d'activité et la charge de travail qui en résulte. Ne le pensez-vous pas, monsieur le rapporteur, vous qui êtes l'auteur d'un rapport sur la pénibilité du travail ?
Vous avez d'ailleurs beaucoup écrit sur ce sujet, mais nous avons été extrêmement déçus par vos conclusions…
Vous le savez sans doute. Néanmoins, nous attachons autant d'importance que vous au sujet. Ne serait-ce que pour ces deux aspects – l'autonomie de décision du salarié et sa liberté de choix au sein de l'accord collectif pour conclure la convention de forfait en heures ou en jours et, d'autre part, la santé et la sécurité des salariés au travail –, il est nécessaire d'intervenir pour corriger le plus possible les dérives auxquelles la démarche du Gouvernement, qui renverse la hiérarchie des normes, conduit tout naturellement.
C'est pourquoi l'amendement propose de préciser ce que devrait contenir l'accord de branche. Dès lors, l'accord de l'entreprise interviendrait dans ce cadre, et le salarié se trouverait protégé. Nous espérons que le Gouvernement aura le bon sens d'émettre à son sujet un avis favorable, ce qui limiterait un peu le dumping social – dont tout montre pourtant qu'il l'appelle secrètement de ses voeux !
Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, pourquoi insistons-nous tant pour que l'accord collectif fixe les conditions dans lesquelles le salarié doit faire connaître son choix, ainsi que les modalités de suivi de l'organisation du travail, l'amplitude des journées d'activité et la charge de travail qui en résulte ? Pourquoi est-il si important que ces précisions figurent dans le texte de loi que nous discutons ?
Nous disons une chose essentielle : nous sommes favorables tant à la souplesse dans l'entreprise – c'est-à-dire à la prise en compte des besoins de l'entreprise, en termes d'activité – qu'au choix que peuvent faire certains salariés, en termes d'organisation du travail. Oui à la souplesse, laquelle existe d'ailleurs depuis plusieurs années, comme nous avons eu l'occasion de le rappeler à de nombreuses reprises ; mais non à la chienlit ! (Sourires sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Les gaullistes de gauche vont voter l'amendement, c'est sûr ! (Sourires.)
Non au règne du n'importe quoi ! Si l'on n'y prend pas garde, qu'arrivera-t-il dans les entreprises ? À quoi conduit le texte de loi ? Parfois, les accords sont forcés. C'est le cas chez Bosch ou chez Goodyear Dunlop, à Amiens, où les salariés font grève – ce n'est pas encore un gros mot dans cet hémicycle, que je sache !
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Non ! Seulement à l'Élysée !
Dans ces entreprises, les salariés contestent un accord portant sur l'organisation du travail en quatre fois huit heures, tout simplement parce qu'il résulte plus d'un chantage que d'un accord. Que prévoit-il, en effet ? Qu'on travaille quarante-huit heures par semaine, pendant quatre ou cinq mois par an, et que les heures supplémentaires ne soient pas payées. Les salariés ont calculé que, sur leur feuille de paie, ils auront peut-être 400 ou 500 euros de moins.
Si l'on n'y fait pas attention et qu'on n'inscrive pas dès maintenant des garde-fous très clairs dans la loi, nous encouragerons ce type de chantage, que nous réprouvons tous dans cet hémicycle. En effet, nul ne peut cautionner de telles pratiques de la part d'un employeur.
Il faut aussi éviter que, dans les négociations, le climat social ne se dégrade de façon considérable. Or c'est le cas aujourd'hui dans un certain nombre d'entreprises qui ont pratiqué ce type d'accord. C'est pourquoi nous tenons tant à nos amendements.
Le projet de loi est à nos yeux l'un des textes les plus dangereux que nous ayons examiné depuis le début de la législature. C'est aussi l'un des plus régressifs, au sens où il inverse la norme des relations entre employeur et salarié. Il conduit au moins-disant social. Il mettra même les salariés en concurrence d'une entreprise à l'autre, quand ce n'est pas à l'intérieur d'une même entreprise.
À l'accord d'entreprise, le Gouvernement préfère l'accord de branche, voire l'accord de gré à gré entre salarié et employeur, établi dans ces conditions partenariales qui sont si chères au rapporteur. Le danger est réel. C'est pourquoi il est du devoir du législateur de protéger les salariés, puisqu'un danger pèse sur leurs conditions de travail, déjà mises à mal aujourd'hui. On peut craindre en outre que cette évolution ne soit pas sans incidences sur la sécurité et, plus globalement, sur la santé des salariés.
Nous avons tout tenté jusqu'à maintenant, mais vous avez tout refusé, monsieur le ministre. Vous avez refusé les interventions éventuelles de l'inspection du travail, pour protéger le salarié dans ce colloque singulier entre salarié et employeur, que j'ai évoqué.
Vous avez refusé tous les amendements qui pouvaient protéger les salariés d'un éventuel licenciement, dans le cas où ils n'accepteraient pas de faire des heures supplémentaires.
Devant la fragilisation du monde du travail, devant les protections qui ne sont pas assurées, nous vous demandons d'accepter nos amendements.
La commission a repoussé ces amendements identiques.
D'une part, les « caractéristiques principales de ces conventions », visées à la fin de l'alinéa 11 de l'article 17, me semblent répondre aux interrogations légitimes de nos collègues.
Erreur ! Signet non défini., rapporteur. On ne voit pas bien ce que seraient ces « caractéristiques », sinon celles que visent les amendements défendus par Mme Lemorton.
D'autre part, nous assumons le fait que des accords pourront se faire entre salariés et employeur. Un désaccord existe bien entre nous à ce sujet. Très naturellement, selon nous, toutes les questions soulevées par ces amendements doivent faire l'objet de négociations et d'accords entre ces deux parties.
En conséquence, pour ne pas préempter la négociation de ces accords et leur contenu, mais aussi parce que le projet de loi prévoit, d'ores et déjà, que l'accord fixe les caractéristiques principales des conventions, la commission a repoussé ces amendements.
On ne peut pas vouloir à la fois la liberté des négociateurs et donner trop de détails pour encadrer les conventions.
Les réponses du rapporteur et du ministre ne sont vraiment pas raisonnables.
Il y a d'abord eu entre nous, vous l'avez constaté, un désaccord politique sur la priorité à donner à l'accord d'entreprise – nous reprendrons d'ailleurs ce débat. Vous auriez pu alors accepter que la loi fasse mention des normes que les accords devraient respecter, or vous n'avez pas voulu de cette solution de repli. Mais, même fixer des objectifs communs à l'ensemble des accords d'entreprises, c'est encore trop pour vous !
Monsieur le rapporteur, selon vous, il est évident que les accords d'entreprises devront traiter des questions abordées par vos amendements. Certes, votre parole est d'or, mais uniquement dans cet hémicycle. Je ne suis pas certain que les entreprises se référeront à l'interprétation de M. Poisson pour savoir ce qu'elles mettront ou pas dans les accords.
Et que se passera-t-il si les entreprises ne souhaitent pas traiter l'un des éléments cités dans l'amendement n° 1101 ? Prenons, au hasard, les « conditions de contrôle de leur application » – vous voyez, au passage que nous n'avons pas chargé la barque. Elles seraient donc prévues dans certains accords d'entreprise, et pas dans d'autres !
Dans ce cas, que fera l'administration si elle opère un contrôle ? Le problème est résolu, me direz-vous, puisque, grâce à votre texte, il n'y aura plus d'intervention de l'inspecteur du travail.
Il n'y aura plus d'autorisation administrative, mais nous n'avons jamais dit qu'il n'y aurait plus d'intervention de l'inspection du travail !
En attendant que vous ayez supprimé la possibilité d'un éventuel recours aux prud'hommes – je vous donne acte vous ne l'avez pas fait pour l'instant –, que va faire le juge ? Comment les accords seront-ils interprétés ?
Si certains éléments sont dans un accord et pas dans d'autres, et que le salarié, devant le conseil de prud'hommes, argumente que des règles relatives à l'amplitude de la journée d'activité ou aux conditions de contrôle n'ont pas été respectées, le juge peut considérer que cette mention, que vous ne voulez par rendre obligatoire, est, en conséquence, superfétatoire. Alors, le non-respect de ces éléments par l'employeur peut ne pas constituer une violation grave du contrat de travail ! Voilà à quelles extrémités nous nous trouvons réduits, uniquement pour des questions de méthode.
Même si vous n'êtes pas d'accord avec l'énumération de l'amendement n° 1101 , il vous appartient de déposer dans les jours qui viennent, ou lors de la navette, un amendement ou un sous-amendement qui préciserait ce qui doit figurer, selon vous, dans l'accord d'entreprise.
Il faut au moins qu'il y ait une certaine homogénéité. Il s'agit d'équité entre les salariés, mais aussi entre les entreprises. Sans cela, certaines d'entre elles pourraient s'exonérer des obligations évoquées dans l'amendement n° 1101 . Nous ne serions même plus alors dans l'atomisation : ce serait du n'importe quoi, et on mettrait ce qu'on voudrait dans les accords !
Vous nous répondez que, naturellement, tout ce qui est dans l'amendement n° 1101 doit être dans les accords ! Il serait bien plus précis, et ce ne serait pas être très directif, que le législateur précise aux partenaires sociaux à quelles questions, au minimum, les accords devront répondre.
Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 1101 à 1115 .
(Ces amendements ne sont pas adoptés.)
Je suis saisi de quinze amendements identiques, nos 1116 à 1130 .
La parole est à M. Christophe Sirugue.
Monsieur le rapporteur, je n'imagine pas que vous puissiez refuser ces amendements.
Comme l'esprit du projet de loi donne, selon vous, toute sa place à la souplesse et à la flexibilité, je n'imagine pas que cette approche puisse être partiale.
Vous proposez souplesse et flexibilité pour l'employeur. Or l'amendement n° 1116 suggère que la même logique puisse s'appliquer au salarié qui pourrait faire connaître son choix de conclure ou non une convention de forfait en heures ou en jours. L'accord doit aussi prévoir les conditions du renouvellement ou de la sortie de la convention proposée au salarié.
Un équilibre entre l'employeur et les salariés doit être inscrit dans la loi pour que ne s'installe pas le sentiment chez certains qu'ils pourraient être pénalisés par un projet de loi, dont vous nous dites, depuis le début des débats, qu'il va dans le sens de l'intérêt général, aussi bien au profit de l'employeur que des salariés.
Afin que vous puissiez mettre en adéquation vos paroles et vos actes, ce que vous ferez, je n'en doute pas, monsieur le rapporteur, nous vous demandons de donner un avis favorable à ces amendements.
Les amendements dont nous discutons n'ont pas pour objet d'altérer la capacité des parties à discuter du contenu de l'accord. Ces amendements organisent les conditions dans lesquelles l'accord intervient, et précisent de quelle manière il se construit.
Il s'agit d'une pratique courante en droit du travail : le législateur ne se substitue pas à la volonté des parties quant à l'issue des négociations ; en revanche, il organise les conditions de la discussion. Il précise aussi aux partenaires sociaux quels sujets doivent impérativement être traités pour que soient supprimés tous les litiges potentiels.
Lorsque des amendements précisent qu'un contrat de travail, un accord d'entreprise, un accord de branche ou un accord collectif doit comporter certains éléments, ce n'est pas pour empêcher le déroulement de la discussion, mais pour éviter de futurs contentieux, dont ceux portant sur la construction de l'accord.
Plus la loi précise les sujets qu'un accord doit évoquer, plus elle purge l'accord de contentieux éventuels. Les amendements que nous avons déposés relatifs aux accords collectifs visent à éviter ces litiges, à commencer par ceux portant sur la conclusion, et donc sur l'existence même de ces accords.
Déterminer ce que doivent contenir les accords collectifs est le meilleur moyen de les favoriser. Il ne s'agit pas d'en fixer le contenu, mais de dire sur quels points ils doivent être exempts de toute imprécision. Il s'agit bien, comme vous le souhaitez, de permettre la conclusion de ces accords en demandant aux partenaires de régler précisément des problèmes donnés. Cela permet aussi d'éviter aux partenaires sociaux de discuter des sujets qu'ils doivent évoquer, ce qui reste le meilleur moyen de ne jamais entrer dans une véritable négociation. Enfin, une telle démarche permet que les modalités dans lesquelles l'accord est intervenu ne soient pas contestées après coup devant les juridictions.
Il appartient aux parties de négocier. Nos amendements ne leur enlèvent rien, mais leur donnent, au contraire, une marge de manoeuvre en leur assurant que des contentieux ne naîtront pas demain de leurs travaux, pour manque de précision.
L'amendement n° 1116 tend à inscrire dans le projet de loi deux précisions relatives au contenu des accords d'entreprise. Elles portent sur les conditions dans lesquelles le salarié fait connaître son choix de conclure ou de ne pas conclure une convention, ainsi que sur les conditions de renouvellement ou de sortie de la convention.
J'ai bien entendu l'argument selon lequel ces précisions n'ont rien à faire dans la loi. D'une certaine façon, dans notre raisonnement, cette observation aurait quelque pertinence. Mais vous devez aller jusqu'au bout de votre logique : c'est parce que vous choisissez l'accord d'entreprise que seule la loi peut fixer le périmètre des accords.
Dans le cadre de la démarche qui est la nôtre, ces précisions relèveraient évidemment de l'accord de méthode, et plus particulièrement de l'accord de branche.
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Évidemment !
Mais, dans votre logique, l'accord de branche ne sera plus qu'un accord supplétif, autrement dit, il sera quasi-inexistant puisqu'il perdra sa supériorité hiérarchique par rapport à l'accord d'entreprise. Ce vide laissé par la disparition de l'accord de branche rend indispensable l'intervention du législateur pour préserver un minimum d'homogénéité au dispositif.
Ce qui est surprenant, c'est que vous n'alliez pas au bout de votre propre logique ! Soyez cohérent dans votre démarche : puisque l'accord de branche ne répondra plus à certaines questions, il appartient à la loi de le faire.
Aujourd'hui, vous faites disparaître l'accord de branche et vous ne prévoyez rien pour les éléments qui en relevaient. Résultat : il régnera une sorte de loi de la jungle. Il n'y aura même pas d'accord sur la méthode, et les partenaires sociaux négocieront, dans chaque entreprise, dans des conditions qui pourront être extrêmement particulières –, alors que le risque est moindre pour les accords de branche.
Comment comparer une entreprise dans une situation financière très difficile, ou ayant perdu un marché important et où l'existence même de l'emploi des salariés est en jeu, et une autre qui, au contraire, vient de signer de gros contrats ?
Sur le temps de travail, l'une va négocier avec l'argument qu'elle veut éviter des licenciements, et l'autre avec l'argument qu'elle veut avoir la capacité de répondre à de nouvelles commandes. C'est le jour et la nuit, c'est complètement différent !
Si vous n'imposez pas une méthode commune, le paysage de l'organisation du droit social sera absolument disparate et il sera impossible d'y trouver la moindre cohérence. Il revient donc à la loi de fixer un cadre.
J'ajoute que, pour l'instant, il ne s'agit que du cadre des questions à poser, et pas des réponses. L'amendement n° 1116 n'est donc pas très aventureux.
Vous ne voulez pas des accords de branches. Alors, dans ce cas construisez au moins un cadre, car dans votre rédaction actuelle, il n'y a plus aucune règle !
La commission est défavorable à ces amendements, pour des raisons exactement identiques à celles pour lesquelles elle a repoussé les amendements précédents.
Premièrement, on a du mal à imaginer qu'un accord ne contienne pas ce type de dispositions. Il sera forcément précis. En tout cas, il ne saurait se résumer à la phrase : « Je suis d'accord pour conclure une convention de forfait. »
Deuxièmement, un amendement va bientôt venir en discussion, qui a pour objet de préciser que le salarié doit donner son accord par écrit.
Enfin, puisque ce point doit faire l'objet d'une négociation, laissons les parties décider du cadre méthodologique. C'est d'ailleurs une pratique habituelle dans ce type d'exercice.
Pour ces trois raisons, la commission a repoussé ces amendements.
Avis défavorable. L'encadrement législatif est bien sûr nécessaire, notamment au regard de la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Mais vous savez bien que les conditions de validité des accords sont renforcées, notamment grâce à la règle du « 30-50 ».
Par ailleurs, rien, dans le texte, n'exclut le contrôle de l'application de ces conventions par l'inspection du travail.
Ces deux garanties supplémentaires méritaient d'être rappelées.
Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 1116 à 1130 .
(Ces amendements ne sont pas adoptés.)
Je suis saisi de quinze amendements identiques, nos 1131 à 1145 .
La parole est à M. Jean Mallot.
Ils sont satisfaits !
M. le ministre et M. le rapporteur nous expliquent que nos amendements sont inutiles, au motif que cela va de soi, que rien ne change. Cet éloge du non-dire, du non-faire, de l'ignorance, voire du non-sens…
…me rappelle une chronique de Vialatte, l'une de mes lectures favorites : « Aujourd'hui, la rentrée a eu lieu depuis longtemps. Les élèves de sixième ont déjà commencé à ne pas apprendre le latin. Des spécialistes nous assurent qu'ils auront la tête mieux faite. Les connaissances barbouillent l'esprit, retardent le jugement et fatiguent la mémoire. On ne saurait commencer trop jeune à ignorer ! » (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Je pourrais continuer, mais l'on me reprocherait de faire de l'obstruction. Je le regrette, car cette citation semble réjouir M. le ministre, qui a du reste le sourire depuis le début de l'après-midi.
J'en viens aux amendements nos 1131 à 1145 . Ceux-ci visent à préciser que s'appliquent aux salariés concernés par une convention de forfait les dispositions de l'article L. 3131-1 – aux termes duquel tout salarié bénéficie d'un repos quotidien d'une durée minimale de onze heures consécutives –, de l'article L. 3132-2 – qui précise que la durée minimale du repos hebdomadaire est de vingt-quatre heures consécutives – et celles du titre IV du livre Ier de la troisième partie relatives aux congés payés.
Si les salariés concernés par les conventions de forfait ne pouvaient bénéficier de ces dispositions, ce serait une régression sans précédent. Comme je n'imagine pas que vous souhaitiez une telle évolution, je vous invite à sortir, pour une fois, du non-dit, de l'ignorance cultivée et du non-sens et à vous prononcer en faveur de ces amendements.
Ils sont satisfaits !
Je vous rappelle, chers collègues, que vous aurez encore l'occasion de vous exprimer longuement sur l'article 17.
La parole est à M. Régis Juanico.
Ces amendements sont extrêmement importants, car ils visent à appliquer les dispositions minimales en matière de repos aux salariés concernés par une convention de forfait sur l'année. Pour ma part, je ne ferai pas référence à Alexandre Vialatte, mais au philosophe André Gorz.
Vous pourriez citer Gaëtan Gorce ! (Sourires.)
André Gorz s'est interrogé sur la désynchronisation des temps de la vie et des temps sociaux. Or c'est bien de cela qu'il s'agit dans le projet de loi. Quels sont en effet nos repères communs dans la vie sociale, à l'heure de la fragmentation du temps de travail ?
Quand un couple de salariés, un homme et une femme… (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Lorsqu'un couple de toute nature (Sourires) est soumis à des rythmes de travail anarchiques, que se passe-t-il ? Eh bien, on ne se voit plus et on ne voit plus ses enfants. La désorganisation, la désynchronisation des temps sociaux a pour conséquence la disparition des repères communs, et c'est extrêmement grave pour une société.
Ce que nous voulons rappeler à travers ces amendements, c'est que les dispositions minimales en matière de repos sont issues d'un siècle et demi de luttes sociales. Il ne faut pas oublier que ces conquêtes – que ce soit l'interdiction du travail des enfants à la fin du xixe siècle, la semaine de quarante heures ou les congés payés – ont été arrachées par le mouvement ouvrier, par des syndicats, au prix de grèves et, parfois, de vies humaines.
En matière de temps de travail, il y a des dispositions minimales à respecter, et nous souhaitons que celles-ci soient inscrites dans le marbre de la loi.
Monsieur le ministre, vous vous voulez sans cesse rassurant. En bonne place dans la vitrine rassurante que l'on nous montre, vous êtes une espèce de Plastic Bertrand. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.– Rires et exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Vous n'aviez pas osé, jeudi dernier !
Pardonnez-moi, monsieur le ministre, mais j'ai été poussée par certains de vos amis de la majorité. (Sourires.)
Ces amendements touchent au coeur de ce texte : la santé des salariés dans les entreprises qui seront dépourvues de garde-fous parce que le législateur, en l'occurrence la majorité, les aura refusés. Où est l'équilibre, pour un salarié, entre sa vie professionnelle et sa vie privée, notamment familiale ? Certes, le travail est essentiel à l'épanouissement, mais il n'est pas tout, et un citoyen doit pouvoir avoir d'autres activités pour trouver sa place dans notre société.
Vous nous dites, monsieur le ministre, que toutes ces dispositions sont déjà dans la loi.
C'est le cas !
Nous, nous en doutons sérieusement. Si, pour vous, c'est une telle évidence, pourquoi ne pas les inscrire dans le projet de loi ? Cela rassurerait tout le monde !
J'insiste sur le fait que les salariés ne doivent pas travailler plus de six jours par semaine. Or on sait qu'un projet de loi nous sera bientôt soumis sur le repos dominical et, quoi que vous en disiez, nous craignons fort que certains des salariés soumis aux conventions de forfait en heures ou en jours sur l'année ne soient contraints de travailler deux semaines d'affilée.
Je pense également aux jeunes qui entrent sur le marché du travail, parfois après avoir subi un échec scolaire et avoir suivi une orientation qui leur a été imposée. Le monde du travail dérégulé que vous souhaitez, sans limite du temps de travail ni congés acceptables, mettra en danger leur santé et fera peser un risque sur leur avenir professionnel. C'est pourquoi nous vous demandons d'accepter nos amendements.
La commission a repoussé ces amendements, pour des motifs que j'ai déjà exposés. Les dispositions proposées figurent déjà dans le code du travail : elles font partie du droit commun et s'appliquent aux forfaits. J'ajoute que, s'agissant de ces derniers, nous apporterons tout à l'heure des précisions qui vont dans le sens de ce que souhaitent les auteurs de ces amendements. En tout état de cause, ces derniers sont satisfaits.
Ces amendements sont en effet satisfaits. Du reste, le projet de loi apporte, dans ce domaine, plus de garanties que n'en apportaient les lois Aubry. Jusqu'à présent, il était en effet possible de déroger aux durées maximales par voie conventionnelle. Or ce ne sera plus le cas.
Quant à vos amendements, leur « plastique » est a priori impeccable (Sourires), mais leur adoption risquerait de fragiliser les normes que vous entendez défendre, en suscitant des raisonnements a contrario. Mieux vaut donc ne pas inscrire ces dispositions dans le projet de loi.
Je m'interroge, monsieur le ministre, quand je vous entends affirmer que le texte de loi que nous examinons apporterait plus de garanties que les lois Aubry. La seule explication à cela est que vous avez voulu apporter, avec cette réponse, votre contribution au quart d'heure de détente de notre assemblée…
Pas du tout !
Je préférerais que vous assumiez votre préférence pour l'accord d'entreprise et que, nos divergences politiques étant clairement posées, nous puissions en débattre. Quand vous nous expliquez que vous entendez apporter des garanties aux salariés, nous avons un peu de mal à l'admettre !
De telles allégations, qui pourraient être qualifiées de tromperie sur la qualité de la marchandise dans un contexte commercial, n'ont en tout cas pas leur place dans le cadre d'un débat parlementaire.
Vous auriez pu répondre que le champ d'application était trop large, dans la mesure où nos amendements sont génériques et visent à la fois les conventions de forfait en heures et celles en jours.
J'aurais accepté une telle observation. Mais le problème, c'est que vous élargissez le champ d'application afin que de plus en plus de salariés puissent être soumis à ce système, sans augmenter parallèlement les garanties. Dès lors, il est normal que, de notre côté, nous essayions soit de restreindre le champ d'application, soit d'augmenter les garanties. Malheureusement, il est clair que vous n'acceptez ni l'un ni l'autre.
Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 1131 à 1145 .
(Ces amendements ne sont pas adoptés.)
Je suis saisi de quinze amendements identiques, nos 1146 à 1160 .
La parole est à M. Christophe Sirugue.
Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, je m'étais naïvement imaginé que vous pourriez accepter certains aménagements permettant d'aboutir à un texte équilibré, dans la mesure où nous débattons d'un texte ayant trait aux relations entre partenaires sociaux car, pour que ces relations soient satisfaisantes, il est préférable que la loi profite aussi bien aux salariés qu'à l'entreprise.
Votre réponse, monsieur le rapporteur, m'a fait comprendre que vous ne partagiez pas cette vision équilibrée des choses. De ce fait, la fonction de garde-fou des amendements que nous avons déposés prend une importance encore plus grande. Ceux que nous examinons maintenant concernent les salariés qui ont accepté, de gré ou de force, une convention de forfait en heures ou en jours sur l'année et visent à ce que ces conventions respectent les durées maximales hebdomadaires du travail s'appliquant aux salariés concernés, c'est-à-dire 48 heures au cours d'une même semaine, ou 44 heures sur une période de douze semaines consécutives – ou, dans ce dernier cas, 46 heures dans le cadre d'un accord de branche.
Il nous paraît nécessaire de vous inciter à sécuriser les relations à l'intérieur de l'entreprise, car le modèle de société que vous êtes en train de construire ne connaît qu'une chose : le travail, et rien que le travail. Certes, les Français vont pouvoir faire des économies, puisque les couples qui ne pourront jamais se réunir du fait de leurs horaires de travail n'auront plus besoin d'investir dans un lit à deux places : il leur suffira d'occuper en alternance un lit à une place – et, pour le devoir conjugal, ils s'arrangeront comme ils pourront ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Je voudrais rappeler le dispositif que nous proposons avec ces amendements.
Nous souhaitons que les dispositions relatives aux durées hebdomadaires maximales de travail prévues au premier alinéa de l'article L. 3121-35 et aux premier et deuxième alinéas de l'article L. 3121-36 s'appliquent aux salariés concernés par une convention de forfait en heures ou en jours sur l'année.
Quand vous nous dites avoir l'intention de respecter certaines références ayant vocation à constituer le cadre dans lequel doit s'inscrire le dispositif, nous ne demandons pas mieux ! Ainsi, s'agissant des dispositions européennes, vous avez indiqué que vous n'entendiez pas prolonger de manière inconsidérée et dangereuse le temps de travail, et que vous souhaitiez simplement apporter une certaine souplesse au niveau de l'entreprise.
Toutefois, si vous avez réellement pour objectif de maintenir les limites légales à la durée du travail, au-dessus desquelles le salarié voit sa situation personnelle, son intégrité physique et sa santé compromises, alors vous devez absolument rappeler ces critères, afin qu'il n'y ait aucun doute sur ce point. Si vous refusez de le faire, cela signifie que vous vous placez dans l'hypothèse où ces accords pourraient, sans protections, sans contrôles, sans évaluations et sans conséquences pour l'employeur, contribuer à faire exploser ces limites, avec toutes les conséquences que cela pourrait avoir sur la cohésion sociale.
C'est tout le contraire !
Nos amendements visent à la fois les conventions de forfait en heures et celles en jours. Et ne venez pas me répondre, monsieur le rapporteur, qu'ils sont satisfaits !
En fait, ils ne le sont que pour moitié : les durées maximales hebdomadaires s'appliquent seulement aux salariés en conventions de forfait en heures. Notre objectif est précisément d'aligner les conventions de forfait en heures et les conventions de forfait en jours du point de vue de ces règles de protection minimale.
Ce débat vient peut-être un peu prématurément mais, dans la mesure où vous étendrez ultérieurement les conditions de recours au forfait en jours et, surtout, que vous inventez qu'un nombre maximal de jours travaillés puisse se rajouter aux 218 jours actuels, la question d'un verrou mis au forfait en jours revêt d'autant plus d'importance ! À ce sujet, je me permets de vous rappeler ce qu'a dit M. Larcher de l'ensemble de ce texte de loi, et qui laisse penser qu'à l'UMP, seuls les sénateurs se préoccupent de l'aspect social. C'est terrible, mais nous en sommes là : face à un ministre campé sur une position excessive et à des députés de la majorité qui ne sont disposés à consentir aucun compromis, notre seul espoir de parvenir à un texte équilibré se trouverait au Sénat, entre les mains de l'ancien ministre du travail ! Afin que vous puissiez réagir en toute connaissance de cause, je vous cite les propos de M. Larcher : « les membres de la commission des affaires sociales du Sénat sont à l'écoute des salariés ; il y a de réelles possibilités d'amendement au Parlement. Je pense que l'on pourrait instaurer plusieurs verrous supplémentaires pour garantir le respect de la santé et de la sécurité au travail ».
Pour notre part, nous ne faisons rien d'autre que d'essayer de poser ces verrous. Mais vous vous êtes obstinés à repousser toutes nos propositions et, aussi incroyable que cela puisse paraître, notre seul espoir réside désormais dans le Sénat ! Puisque vous ne voulez pas nous écouter, j'espère que vous entendrez au moins l'appel de cet homme de grande expérience qu'est l'ancien ministre du travail, et que vous allez enfin vous décider à nous dire où vous entendez placer ces verrous – nous ne verrions évidemment aucun inconvénient à ce que vous vous inspiriez pour cela de nos amendements. (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Premièrement, je rappelle que la rédaction actuelle du code du travail prévoit que la durée maximale hebdomadaire du travail ne peut dépasser 48 heures et 44 heures sur douze semaines glissantes, sauf accord prévoyant d'aller jusqu'à 46 heures – cela figure d'ailleurs en toutes lettres aux articles mentionnés dans l'exposé des motifs des amendements que nous examinons. Cela s'applique à l'ensemble des salariés visés à l'article 17. Ces amendements sont donc satisfaits.
Deuxièmement, pour ce qui est du forfait jours, nous discuterons tout à l'heure des modalités selon lesquelles on appliquera le nombre de jours plafond. Contrairement à ce que vous affirmez, il ne s'agit pas d'une pure invention : une logique sous-tend l'amendement de la commission des affaires culturelles, qui consiste à rétablir l'obligation de repos hebdomadaire de 48 heures. Par la durée maximale, on fait en sorte de ne pas dépasser un certain nombre de jours par an.
Troisièmement, au risque de vous déplaire, mes chers collègues, je vous répète que, puisque le droit commun s'applique, il n'y a pas lieu de faire figurer l'alinéa que vous proposez dans ce texte. La commission est défavorable à vos amendements dans la mesure où ils sont satisfaits.
Même analyse.
Je m'étonne, au nom du groupe Nouveau Centre, de la défiance dont font preuve les députés socialistes à l'égard des partenaires sociaux (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) On parle d'une convention établie sur la base d'un accord collectif d'entreprise ou, à défaut, d'une convention ou d'un accord de branche. La convention de forfait va donc s'établir sur la base d'une négociation collective.
Alors que nous débattons d'un texte relatif à la démocratie sociale, il me paraît quelque peu attristant, mes chers collègues, de vous voir vous acharner à démontrer que les partenaires sociaux ne seront pas capables de mettre des verrous !
Par ailleurs, un certain nombre de vos propositions sont déjà satisfaites. (« Non ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.) Certes, il ne sera peut-être pas inutile de placer certains verrous supplémentaires – ce que j'ai d'ailleurs prévu de faire –, mais devez-vous pour autant défendre ces masses d'amendements identiques qui sont autant de marques de défiance à l'égard des partenaires sociaux, pourtant tout à fait capables d'intégrer eux-mêmes ces dispositions légales dans les accords qu'ils concluent ? (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Monsieur le rapporteur, vous ne pouvez pas vous contenter de répondre que nos amendements sont satisfaits par le droit. Les deux articles du code du travail relatifs à la durée hebdomadaire maximale et auxquels font référence nos amendements ne s'appliquent pas au forfait jours.
Vous disiez l'inverse il y a un instant ! Nos amendements ne sont donc pas satisfaits, et ils apportent quelque chose à la réglementation.
Je veux surtout revenir sur les propos que vous venez de tenir et qui pourrait constituer une avancée. Je serai très attentif au compte rendu analytique sur ce point. Vous avez dit que votre proposition de fixer le nombre de jours maximal à 235, par exemple – nous ignorons ce qu'il en sera au bout du compte –, était inspirée par l'application implicite de la règle des 48 heures hebdomadaires, y compris dans le cadre du forfait en jours. Pouvez-vous confirmer cette interprétation ? La règle est aujourd'hui valable pour le forfait en heures. Nos amendements visent à la prévoir également pour le forfait en jours. Si vous êtes d'accord pour que la limitation s'applique aussi au forfait en jours, dites-le clairement. L'avancée mérite d'être soulignée.
Je ne change rien pour le forfait en heures. Sur le forfait en jours, je maintiens que le nombre total de jours travaillés dans l'année sera plafonné, mais que ni le projet de loi ni les amendements de la commission n'ont prévu de limitation en heures. Si j'ai dit le contraire, je fais amende honorable et je tiens à ce que cela figure au compte rendu. C'était à l'insu de mon plein gré. (Sourires.)
La législation actuelle reste en vigueur : 11 heures de repos quotidien consécutives, ce qui limite le plafond hebdomadaire en heures de travail à 13 heures.
Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 1146 à 1160 .
(Ces amendements ne sont pas adoptés.)
Alain Vidalies. Ces amendements sont défendus.
Défavorable.
Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 1161 à 1175 .
(Ces amendements ne sont pas adoptés.)
Je suis saisi de quinze amendements identiques, nos 1176 à 1190 .
La parole est à M. Jean Mallot.
Ces amendements visent à insérer après l'alinéa 11 de l'article 17 un alinéa ainsi rédigé :
« La rémunération du salarié en convention de forfait en heures ou en jours sur l'année est au moins égale à celle correspondant à sa qualification et qu'il percevrait compte tenu des majorations pour heures supplémentaires applicables dans l'entreprise. »
Nous pourrions envisager un sous-amendement tendant à introduire l'adverbe « notamment » après le mot « correspondant ». Mais le rapporteur nous proposera sans doute lui-même de sous-amender en ce sens nos amendements, qui ont pour objet d'apporter des garanties de rémunérations pour le salarié en convention de forfait en heures ou en jours sur l'année. La rémunération est l'un des outils majeurs du dumping social. Contrairement à ce que disait M. Vercamer, une pression s'exerce dans l'entreprise et le rapport de force n'est pas équilibré. Vous voulez l'ignorer, mais telle est bien la réalité. On ne peut pas nier non plus l'effet de contagion d'entreprise à entreprise, qui sera majeur en matière de rémunération, et donc ensuite en matière de droits à la retraite. Dans un contexte de concurrence exacerbée, on voit bien à quels dégâts s'attendre.
Or nos compatriotes sont extrêmement préoccupés par leur pouvoir d'achat. Nos amendements devraient, en conséquence, vous intéresser. Vous montreriez, en les acceptant, que vous êtes en phase avec les préoccupations qu'ils traduisent et que vous ne cherchez pas, au détour de ce texte, à mettre en place des mécanismes qui réduiraient, au bout du compte, la rémunération des salariés, et donc leur pouvoir d'achat.
Soyez cohérent, monsieur le ministre, et soutenez nos amendements.
Permettez-nous d'insister sur la garantie de rémunération pour les salariés en convention de forfait en heures ou en jours. En effet, cette question concerne aujourd'hui au bas mot 10 % des salariés, mais risque, demain, d'en toucher beaucoup plus puisque le texte étend le champ d'application des conventions de forfait. De telles garanties sont essentielles alors que le pouvoir d'achat ne cesse de se dégrader.
Au premier trimestre 2008, les salariés ont d'ores et déjà perdu 0,5 % de leur pouvoir d'achat du fait de l'inflation. Depuis 2002, soit depuis que cette majorité est aux affaires, le pouvoir d'achat n'a augmenté en moyenne que de 1,2 à 1,3 % par an, contre 2,6% entre 1998 et 2002, soit pendant la période d'instauration des 35 heures. Les chiffres sont là, et vous aurez du mal à les contester.
J'ai évoqué l'échec des dispositifs mis en place par le Gouvernement. S'agissant des heures supplémentaires, j'ai relu l'étude de la DARES portant sur le premier trimestre de 2008. J'étais loin de penser que les résultats étaient aussi mauvais que cela. C'est en effet dans les entreprises qui sont en moyenne à 35 heures que les chiffres sont les plus mauvais – 5 heures par salarié et par trimestre. Alors qu'on pourrait s'attendre à ce que la demande d'heures supplémentaires soit particulièrement forte dans ces entreprises, il apparaît au contraire que le choix des salariés est tout autre.
Ces amendements témoignent de notre vigilance. Nous voulons prévoir dans la loi que la rémunération du salarié en convention de forfait en heures ou en jours sur l'année est au moins égale à celle correspondant à sa qualification et qu'il percevrait compte tenu des majorations pour heures supplémentaires applicables dans l'entreprise.
Apparemment, nous ne sommes pas les seuls à avoir des doutes et des craintes, puisque M. Vercamer a également déposé des amendements sur cet article. Il en est resté à l'accord de branche, alors que nous constatons qu'il y a un renvoi sur l'accord d'entreprise, voire l'accord de gré à gré entre le salarié et l'employeur. Et c'est précisément cela qui nous inquiète. Nos amendements traduisent ces craintes au regard des salariés qui n'ont ni délégué du personnel ni comité d'entreprise.
Le Gouvernement souhaite favoriser les heures supplémentaires. M. Juanico vient de montrer quel était le résultat de cette politique. Il faudrait vérifier en outre s'il ne s'agit pas simplement d'un effet d'aubaine, et dans quelles conditions ces heures supplémentaires ont été acceptées par les salariés. À ce stade du débat, nous ignorons toujours à quel niveau sera fixé le plafond de ces heures et nous craignons qu'il ne soit très élevé. Il ne faudrait pas que le Gouvernement signifie ainsi qu'il ne veut pas redonner de la valeur au travail.
Monsieur le ministre, avec les mesures que vous prenez, le fameux « travailler plus pour gagner plus » revient à dire que vous ne voulez pas augmenter les salaires.
Telle est bel et bien la réalité, messieurs. Nous souhaitons donc que le critère de qualification soit pris en compte dans la rémunération du salarié.
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Très bien !
Nous avons déjà eu ce débat à propos d'autres amendements. Je ne reprendrai pas ici les arguments que j'ai développés à cette occasion. La commission a repoussé ces amendements.
Même avis que la commission.
Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 1176 à 1190 .
(Ces amendements ne sont pas adoptés.)
Nous en arrivons à l'un des points les plus sensibles du texte puisqu'il porte sur la modification du forfait en jours.
La grande innovation du projet consiste, à partir du plafond de 218 jours existant, à prévoir un nombre maximal de jours travaillés dans l'année. Ce nouveau concept, qui figurera dans l'accord, conduira les salariés à travailler au-delà de 218 jours. On le sait, seul le repos quotidien de onze heures prévu par le droit européen est applicable au forfait en jours. En l'état actuel du texte et compte tenu du caractère particulier de ce forfait, des salariés pourraient ainsi être amenés à travailler 282 jours dans l'année, puisque la seule limite serait les 30 jours de congés payés, le 1er mai et les 52 dimanches annuels, étant précisé qu'ils pourraient travailler 13 heures par jour tous les jours. De telles conditions de vie et de travail, tout à fait possibles, seraient épouvantables. J'ajoute que je n'intègre pas dans ces calculs les possibilités de rachat du peu de ce qui leur reste : ils pourraient utiliser leur compte épargne temps – nous y reviendrons à l'occasion de nos différents amendements.
Le forfait en jours est une affaire extrêmement délicate. Ce concept, y compris dans le cadre des lois Aubry, n'avait rien d'évident. Il est apparu entre les deux lois Aubry. Contrairement à la vision qui sévit dans les rangs de l'UMP, il y a bien eu deux lois Aubry. La première devait s'appuyer uniquement sur la négociation et la seconde en tirer les enseignements. Il est apparu à cette occasion qu'il fallait traduire en jours, et non plus en heures, la réalité de l'activité de certaines catégories de cadres très particulières.
Au terme du débat que nous avions eu alors, le verrou a été placé à 218 jours à partir d'une définition très précise.
La définition contenue dans la loi Aubry était en effet extrêmement précise. Elle stipulait que la disposition ne s'appliquait qu'aux cadres et, parmi ces cadres, à ceux « dont la durée du temps de travail ne peut être prédéterminée, du fait de la nature de leurs fonctions, des responsabilités qu'ils exercent et du degré d'autonomie dont ils bénéficient dans l'organisation de leur emploi du temps ». Cela concernait en réalité un nombre très limité de cadres supérieurs, puisque l'ensemble de ces critères étaient cumulatifs.
Que l'on soit clair sur ce qui s'est passé par la suite : vous avez conservé l'innovation que constituait le forfait en jours, mais en élargissant considérablement son champ d'application, que nous avions, nous, strictement limité. La loi Fillon du 17 janvier 2003 a d'abord permis aux cadres de bénéficier d'une convention de forfait en jours dès lors qu'ils étaient autonomes pour l'organisation de leur emploi du temps – je vous laisse comparer les deux définitions : c'est le jour et la nuit. Ensuite, vous avez étendu le bénéfice de cette disposition aux salariés non cadres, « dont la durée du temps de travail ne peut être prédéterminée et qui disposent d'une réelle autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps pour l'exercice des responsabilités qui leur sont confiées, sous réserve qu'ils aient donné individuellement leur accord ». Vos réformes de 2003 et 2005 nous ont donc fait basculer dans un autre monde.
Je terminerai par une mise en garde, dont l'avenir dira si elle est juridiquement fondée.
Le forfait en jours a déjà fait l'objet d'un certain nombre de recours, et la France a régulièrement été condamnée pour non-respect de la Charte sociale, du fait, disent les décisions, de l'amplitude horaire que cette disposition pouvait induire dans le temps de travail. Vous savez aussi que la question de l'application en droit interne de la Charte sociale a été posée par un arrêt de la Cour de cassation, et que, par ailleurs, dans l'arrêt Blue Green que j'ai déjà évoqué, le rapporteur devant la chambre sociale de la Cour de cassation a indiqué que la chambre n'était pas en mesure de statuer sur la compatibilité de la convention de forfait en jours avec le droit européen, n'ayant pas été saisie de cette question. Il n'a échappé à aucun des commentateurs de cet arrêt que l'étape suivante se jouerait lorsqu'un justiciable saisirait directement la Cour sur ce point.
Je vous mets donc en garde, comme nous l'avions fait à l'époque : ne réitérez pas la mésaventure juridique du CNE – dont ont pâti aussi bien les salariés que les entreprises – en vous engageant sur la voie aléatoire de la généralisation du forfait en jours. Le risque, en effet, est au moins aussi fort qu'il soit sanctionné comme étant incompatible avec nos engagements européens.
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Très bien !
Nous aurons l'occasion, avec les amendements qui suivent, de revenir sur la question du plafonnement en jours du forfait jours, mais je voudrais compléter les propos de M. Vidalies sur l'arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation. Les griefs de cette dernière à l'encontre du forfait jours dans son état actuel étaient au nombre de deux : le premier concernait la durée excessive du travail hebdomadaire dans le cadre de ce forfait ; le second, l'absence de principe de rémunération majorée pour les heures supplémentaires. Dans la mesure où ces deux griefs sont satisfaits soit par le projet de loi, soit par les amendements adoptés aussi bien par la commission saisie pour avis que par la commission saisie au fond, il me semble que le projet de loi est à l'abri du risque qu'évoque M. Vidalies.
Les amendements ont donc été repoussés par la commission.
Avis défavorable. La loi organise aujourd'hui la récupération des jours travaillés au-delà de 218 jours, avec le résultat que l'on sait : une fuite en avant qui permet de dépasser régulièrement ce plafond, en repoussant d'année en année la récupération de ces journées.
Où sont ici les garanties pour les salariés ? J'entends les grands discours sur la santé, mais regardons, au-delà des textes, ce qui se fait en pratique : dans les faits, il n'y a aucun plafond ! Or nous apportons des garanties, et vous aurez du mal à expliquer qu'il s'agit d'un recul. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
La loi prévoit que la récupération doit avoir lieu dans l'année qui suit. Il suffit qu'elle soit respectée !
Je suis avec attention ce débat et reconnais bien volontiers que M. Vidalies est un expert en droit du travail.
C'est vrai !
Mais ce qu'il cherche avec les derniers amendements qu'il a proposés, ce n'est pas tant à les faire adopter – car il connaît parfaitement la position de la commission et du Gouvernement – qu'à provoquer chez le rapporteur ou le ministre un écart de langage qu'il pourrait ensuite utiliser. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Je connais bien M. Vidalies et je devine parfaitement les voies et les moyens auxquels il a recours.
Je comprends son attitude, mais il me permettra de m'exprimer à mon tour en expert sur l'arrêt de la Cour de cassation.
Comme le rappelle l'article qu'il a cité et qui reprend les conclusions du rapporteur devant la chambre sociale de la Cour de cassation, celle-ci ne pouvait se prononcer en l'état actuel du droit. Or M. Vidalies voudrait faire dire à notre rapporteur un certain nombre de choses que ce dernier ne peut pas dire, et faire avouer au Gouvernement qu'il n'y a pas de garanties alors que des garanties existent. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Sans oublier le travail que j'ai pu autrefois accomplir avec nos collègues socialistes,…
…je voudrais leur suggérer de recentrer leur opposition sur quelques principes forts, plutôt que de dérouler, amendement après amendement, une litanie de citations intellectuelles, amusantes, intelligentes, intéressantes, certes, mais qui donnent le sentiment qu'ils se répètent et qui affaiblissent leur position. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Je ne veux pas répondre à la place de mes collègues socialistes, mais il me semble que M. le ministre fait preuve d'une mauvaise foi absolue ! Si le problème du forfait en jours réside dans le dépassement du plafond des jours de récupération, il suffit d'introduire dans la loi un article qui limite dans le temps la période de récupération de ces jours travaillés. Ce n'est pas très compliqué et cela existe d'ailleurs dans la fonction publique, en tout cas dans certaines collectivités. On peut inscrire dans le texte de loi que les jours travaillés au-delà du forfait en jours doivent être récupérés dans l'année ou dans les deux ans – ce délai pouvant être discuté.
Au lieu de cela, le ministre pose comme principe devant le Parlement que, lorsqu'une loi n'est pas appliquée, il faut la changer ! Qu'à cela ne tienne, des tas de lois qui ne sont pas appliquées vont pouvoir être modifiées, dans bien d'autres domaines que le code du travail – je pense notamment aux libertés publiques.
Quant au rapporteur, il ne voit guère de problème puisque les seuls griefs de la Cour de cassation concernaient la durée excessive du travail hebdomadaire. Mais une convention de forfait en jours oblige, d'une part, à un minimum de onze heures de repos entre deux jours travaillés, ce qui, par soustraction, autorise des journées de travail de treize heures ; d'autre part, elle interdit de travailler plus de six jours consécutifs, et six jours que multiplient treize heures font donc soixante-dix-huit heures de travail hebdomadaire, ce qui est parfaitement possible puisque la commission a déjà refusé que la limite des quarante-huit heures s'applique aux conventions de forfait en jours.
Or je rappelle que le débat sur l'opt out qui a lieu en ce moment au Parlement européen pose la limite à soixante-cinq heures.
Soixante heures…
Soixante heures pouvant être étendues à soixante-cinq avec les temps de garde.
Si la limitation de l'opt out à soixante heures – ou soixante-cinq heures pour des cas très précis – est adoptée par le Parlement européen lors de la deuxième lecture de la directive, il sera difficile au ministre de la République française qui l'a défendue à Bruxelles d'expliquer ensuite devant la Cour de cassation que soixante-dix huit heures ne constituent pas une durée de travail hebdomadaire excessive !
Le rapporteur et le ministre auront du mal à nous convaincre que les forfaits en jours ne sont pas problématiques au regard de la durée du travail hebdomadaire.
Je remercie Jean-Pierre Soisson de ces conseils sur la menée des débats et j'essaierai d'en tenir compte. (Rires sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Pour ce qui concerne l'arrêt de la Cour de cassation, il ne portait naturellement pas directement sur la question de savoir si le forfait en jours était compatible avec les engagements européens, puisque celle-ci ne lui était pas posée, mais sur le décompte réel des heures effectuées par le salarié qui l'avait saisie, sur le fondement d'un article spécifique que vous avez repris dans le texte de loi. Néanmoins, la Cour a bien laissé entendre qu'elle était prête à se saisir de la question, d'où ma mise en garde.
Pour le reste, monsieur le ministre, vous proposez un texte qui permet tous les dépassements en nous disant que, puisque la loi n'est pas appliquée, il n'y a qu'à la supprimer.
Je vous suggère d'expliquer à vos collègues de la Chancellerie votre méthode pour mettre le droit en adéquation avec la réalité !
Il n'est pas vrai qu'aujourd'hui le texte ne prévoie aucune garantie. La précision se trouve dans l'article L. 3121-49 du code du travail : « Lorsque le nombre de jours travaillé dépasse le plafond annuel fixé par la convention ou l'accord, le salarié bénéficie, en outre, au cours des trois premiers mois de l'année suivante, d'un nombre de jours égal à ce dépassement », ce nombre de jours étant calculé après déduction de plusieurs éléments. Dès lors, cependant, que vous supprimez le plafond de deux cent dix-huit jours, cette disposition ne pourra plus s'appliquer.
Le ministre ne peut pas nous dire que ces jours s'accumulent année après année et que, puisque tout le monde ignore la loi, il suffit de la modifier. Si c'est là la nouvelle méthode que la République adopte pour légiférer, nous allons pouvoir vous donner du grain à moudre. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Si le slogan « désormais, tout est possible » devient la pratique parlementaire…
Non, c'était « Ensemble, tout devient possible » !
N'étant pas un spécialiste de l'UMP, je me suis trompé de phrase, mais cela revient au même : ce slogan devient l'alpha et l'oméga de nos débats parlementaires ! Non seulement vous dites qu'il faut supprimer la loi parce qu'on a des difficultés à l'appliquer – comme l'a dit M. Vidalies –, mais encore cela est totalement faux parce qu'elle est appliquée dans un grand nombre de cas, en l'occurrence là où les organisations de salariés et les CE existent et peuvent, parce qu'ils en ont les moyens, se préoccuper des questions sociales. Cette loi est bel et bien appliquée, même si elle ne l'est pas partout faute de représentation des salariés.
Cela étant dit, je vous pose une question simple, chers collègues : pouvez-vous prétendre encore longtemps avoir raison contre tout le monde ? La réponse est oui. Après tout, si le peuple ne vous donne pas raison, vous vous dites : « À bas le peuple ! » D'autres ont essayé avant vous, vous savez ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Je savais que j'allais vous réveiller ! Il faut bien que vous parliez un peu, vous avez été tellement silencieux depuis mardi dernier ! Merci, chers collègues ! (Sourires.)
Avez-vous convaincu les syndicats de salariés depuis le début de nos débats ? La réponse est non. Il suffit pour s'en convaincre de lire les dépêches de l'AFP datant de ce jour, lundi 7 juillet, et les communiqués des organisations syndicales, qui ne sont quand même pas toutes stupides : elles savent lire des textes de loi et connaissent le code du travail !
« Que deviennent dès lors les congés d'ancienneté et les jours fériés ? Ces salariés pouvant travailler jusqu'à 13 heures par jour seront-ils sollicités de 8 heures à 21 heures, les 24 et 31 décembre ? », interroge la CGC qui a déjà annoncé son intention de déposer un recours sur ce sujet devant la Cour européenne des droits de l'homme. Elle parle également de « l'augmentation relative de leur pouvoir d'achat – les jours travaillés au-delà de 218 jours [n'étant] majorés que de 10 % », au lieu de 25 %. La Centrale des cadres a tout compris ! Et de conclure : « Tout cela a assez duré ». Ce communiqué ne date pas d'avant-hier, mais d'aujourd'hui !
Que dit la CFDT de la loi Aubry II et des questions qui nous occupent ce soir ? « En dix ans d'expérimentation, le législateur n'a pas su trouver un encadrement adéquat. Les souplesses permises par les forfaits jours ont conduit des entreprises à y recourir massivement, n'hésitant pas s'il le fallait à modifier le statut du salarié pour lui imposer un forfait jour. » Dans ce communiqué, la CFDT démontre combien ce texte de loi est nocif pour les salariés.
Force ouvrière, dont je rappelle que ni elle ni la CGC ne sont signataires de l'article 17 de la position commune, considère qu'une limite maximale en jours se doit d'être posée par la loi – 218 jours – et que l'obligation actuelle de récupération doit être rétablie. Dans un long communiqué, elle explique pourquoi.
Quant à la CGT, elle explique qu'au Technocentre de Renault, 50 % des salariés sont des cadres, qu'ils sont tous au forfait jours, travaillent plus de 50 heures par semaine et n'ont ni les récupérations, ni le repos compensateur, ni les indemnités afférentes. Le rapport d'audit diligenté par le CHSCT et confié à une société agréée par le ministère du travail, a rendu des conclusions terribles sur les forfaits jours : « […] une culture du surengagement liée notamment à la combinaison de la passion pour le métier, de l'ambition professionnelle et d'un système managérial qui s'appuie sur ces leviers pour atteindre des objectifs encore plus ambitieux ». Voilà la réalité, et c'est vers cela que vous allez !
Certes, les amendements de la commission et du rapporteur apportent un semblant de correction à ces travers que nous dénonçons depuis le début de nos débats. C'est sans doute parce que la présidente de la chambre sociale de la Cour de cassation vous a alerté de façon très argumentée, dans un compte rendu passionnant, sur les dangers de votre texte. Elle y parle d'une absence de limite qui a déjà justifié les critiques exprimées à deux reprises par le comité européen des droits sociaux, qui considère que ce texte viole la Charte sociale du Conseil de l'Europe – ce que nous disons sans cesse depuis le début de nos débats. Elle se demande s'il ne serait pas opportun, pour prévenir de futurs contentieux, que le législateur fixe une limite qui permette de considérer que la durée du travail est raisonnable au sens de la Charte. Ce faisant, elle vous invite à corriger vos propres errements, ce que vous tentez maintenant de faire afin d'éviter les dérives. Mais il y avait chez vous quelques ultras…
Monsieur le président, le ministre m'a reproché tout à l'heure de ne pas assez parler !
C'est vrai !
Mais je n'essaie pas de me rattraper : je pense objectivement que vous aurez beaucoup de difficultés à convaincre tout le monde, vu l'opposition unanime qui se manifeste contre vous.
Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 1191 à 1205 .
(Ces amendements ne sont pas adoptés.)
Je suis saisi de quinze amendements identiques, nos 1206 à 1220 .
La parole est à M. Alain Vidalies.
Les amendements n°s 1206 à 1220 sont retirés.
Je suis saisi de quinze amendements identiques, nos 1221 à 1235 .
La parole est à M. Christophe Sirugue.
Ces amendements ont pour objet de préciser la définition de la qualité de cadres, en proposant d'insérer, dans l'alinéa 15 de l'article 17, après les mots « Les cadres », les mots : « ayant la qualité de cadre au sens des conventions collectives de branche ou du premier alinéa de l'article 4 de la convention collective nationale de retraite et de prévoyance des cadres du 14 mars 1947 ».
Ces amendements précisent donc que seuls les salariés ayant la qualité de cadre au sens de la loi Aubry, c'est-à-dire des conventions collectives de branche et d'adhésion aux caisses complémentaires d'assurance vieillesse, peuvent conclure des forfaits en jours sur l'année.
Nous reviendrons sur le champ d'application du texte.
Je veux simplement dire qu'il y a un monde entre ce qu'était, au début, le champ d'application des forfaits en jours et ce qu'il est devenu aujourd'hui avec votre texte ! Et ne nous renvoyez pas à la loi Aubry, car votre raisonnement ne tient pas la route ! Appliquer des règles avec un maximum de souplesse à très peu de salariés qui sont bien définis n'a rien à voir avec votre démarche d'aujourd'hui ! Nous, nous avions regardé ce qui se passait dans les entreprises pour essayer de répondre à leurs besoins. Vous, ce que vous avez fait a le goût du forfait jours, ça ressemble au forfait en jours, mais ça n'a plus rien à voir avec ce qu'il était dans la loi Aubry.
D'où notre volonté de revenir à cette définition à laquelle nous étions attachés : avec ces amendements, nous revenons au seul champ d'application qui permettait de justifier ces exceptions.
Même avis défavorable.
Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 1221 à 1235 .
(Ces amendements ne sont pas adoptés.)
Je suis saisi de quinze amendements identiques, nos 1236 à 1250 .
La parole est à M. Alain Vidalies.
Cet amendement complète les conditions requises pour que les cadres puissent conclure une convention en forfait jours, en précisant qu'il s'agit de ceux pour lesquels la durée du temps de travail ne peut être prédéterminée. C'est déjà une restriction massive lorsqu'on réfléchit à ce que voulez faire du forfait jours !
Cette définition ne figurait pas dans la première loi Aubry. Mais, lors de la synthèse de l'ensemble des accords qui avaient été passés, est apparue cette problématique des cadres dont la durée du temps de travail ne pouvait pas, par définition, être prédéterminée. Je ne parle pas des cadres dirigeants, dont la fonction était précisée – le plus souvent des cadres qui participaient au management de l'entreprise. Nous avons donc accepté le concept et la seconde loi Aubry a inclus cette définition.
Aujourd'hui, vous faites disparaître cette définition de la loi. Mais, puisque M. le ministre adore les raisonnements a contrario, qu'il nous permette d'utiliser sa méthodologie. Vous le voyez, nous faisons des efforts considérables pour essayer d'avancer…
…et, même si je ne suis pas les conseils de Jean-Pierre Soisson, c'est une méthode qui a son intérêt !
Puisque vous élargissez le champ, revenez à cette définition ! C'est le sens de ces amendements qui signifient, a contrario, que même les salariés dont le temps de travail peut être déterminé, c'est-à-dire l'ensemble des salariés qui sont en situation normale de travail, peuvent dorénavant être soumis, comme vous l'avez fait non pas dans cette loi mais précédemment, à ce système du forfait jours. C'est pour nous une dérive inacceptable.
La commission a émis un avis défavorable. Nous avons eu un débat sur ce sujet. Il y a, au départ, une interrogation sur l'interprétation juridique de la notion d'autonomie qui n'est, aujourd'hui encore, pas totalement précisée par le droit, en tout cas pas de manière satisfaisante.
La commission avait, dans un premier temps, adopté un amendement qui visait à préciser cette notion d'autonomie, mais je l'ai ensuite retiré.
Très bien !
Cet amendement précisait qu'étaient concernés les salariés qui disposent d'une réelle autonomie ou pour lesquels la durée du temps de travail ne peut être prédéterminée. La commission a considéré qu'il étendait les populations de salariés susceptibles d'être touchés par ce type de forfait.
Tout à fait !
J'ai dit en commission la semaine dernière que ce n'était pas du tout l'intention du rapporteur.
C'est bien de le préciser !
J'ai donc retiré cet amendement pour ne pas étendre les populations concernées, car ce n'est pas non plus le but recherché par le projet de loi.
À l'inverse, mon cher collègue, il ne vous a pas échappé qu'ajouter, comme le font vos amendements, « ne peut être prédéterminée » restreint la population qui peut être concernée. En conséquence, afin que la population concernée ne soit pas restreinte sans motif particulier, la commission a repoussé ces amendements.
Avis défavorable. Ces amendements sont superfétatoires pour une simple et bonne raison : l'actuel article L. 3121-38 relatif au champ des salariés concernés par les conventions de forfait jours sur l'année est inchangé. Le projet de loi le reprend à l'identique. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.) Vos craintes sont donc infondées.
Monsieur le ministre, vous nous dites que l'article L. 3121-38 est repris de façon inchangée ?
À l'identique !
Il y a un article L. 3121-38 nouveau dans le texte de loi ! Il y a donc un petit problème !
Les dispositions de l'article L. 3121-38 sont reprises dans le texte de loi. C'est vrai aussi pour l'article L. 3121-51 ! Reportez-vous au texte du projet !
Pour l'article L. 3121-38, ce n'est pas possible puisqu'il est réécrit !
L'actuel article L. 3121-38, qui définit les cadres intéressés par les dispositions des conventions de forfait en heures, se trouve bel et bien modifié par la rédaction de l'alinéa 6.
Je sais bien que nos débats durent depuis un certain temps déjà, mais nous ne devons pas, pour autant, multiplier les porte-parole. Les dispositions de cet article sont reprises dans le projet de loi.
Aux articles L. 3121-38 et L. 3121-51.
Permettez-moi, monsieur le ministre, de vous lire l'actuel article L. 3121-38, celui que modifient les dispositions de votre texte :
« La durée de travail des salariés ayant la qualité de cadre au sens de la convention collective de branche ou au sens du premier alinéa de l'article 4 de la convention nationale de retraite et de prévoyance des cadres du 14 mars 1947 et dont la nature des fonctions ne les conduit pas à suivre l'horaire collectif applicable au sein de l'atelier, du service ou de l'équipe auquel ils sont intégrés peut être fixée par des conventions individuelles de forfait.
« Ces conventions individuelles de forfait peuvent être établies sur une base hebdomadaire, mensuelle ou annuelle. »
Et qu'ai-je dit à l'instant, monsieur Le Bouillonnec ? Pouvez-vous lire la suite ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Monsieur le ministre, l'actuel article L. 3121-38 se trouve modifié par la nouvelle rédaction que vous nous proposez. Les dispositions actuellement en vigueur tombent.
Mais non ! Pouvez-vous reprendre ce que je viens de dire, monsieur Le Bouillonnec ?
Il en a le droit – il a, en tout cas, celui d'essayer. Pour l'instant, nous, nous faisons la loi, et, en matière de droit du travail, la loi, c'est un peu la norme. Nous avons donc plutôt intérêt à faire très attention à ce que nous faisons.
Nous sommes en première lecture. Les députés de l'opposition – mais je ne doute pas que nos collègues de la majorité soient comme nous – ont envie d'apporter leur contribution, pour ne pas assister, en CMP, au lessivage de ce qui aura été fait dans l'hémicycle. C'est pourquoi, monsieur le ministre, nous discutons, nous travaillons. Nous avons posé une question. Il n'est pas incongru que nous signalions une contradiction entre un article existant et une nouvelle rédaction. Au lieu de me demander de lire tel ou tel article – ce qui n'a aucun sens –, répondez plutôt à ma question : y a-t-il contradiction entre le texte en vigueur et la modification que vous proposez ? Nous, nous estimons qu'il y en a une. Purgez donc la difficulté juridique, et nous n'y passerons pas cent sept ans !
Notre collègue vient de lire l'article L. 3121-38, qui concerne les cadres et qui n'est pas repris dans l'article du projet de loi. L'alinéa 6 de l'article 17 réécrit en effet un article L. 3121-38 qui porte sur « la durée du travail de tout salarié » et qui fait tomber l'article L. 3121-38 figurant actuellement dans le code.
Quant à l'article L. 3121-51, s'il est bien maintenu, il concerne les salariés non cadres. Ainsi, pour les salariés cadres, la précision qui existait jusqu'ici dans le code disparaît.
Mais non !
Prouvez-le-nous ! Monsieur le ministre, je vous démontre que ce que vous dites est faux. Tout collègue qui lit la page 35 du projet de loi peut constater que l'article L. 3121-38 s'y trouve réécrit. Il est invraisemblable que vous souteniez le contraire !
Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 1236 à 1250 .
(Ces amendements ne sont pas adoptés.)
Monsieur le président, la tournure qu'ont prise nos débats nécessite une suspension de séance. Nous avons le droit de ne pas être d'accord avec l'avis que le rapporteur et le Gouvernement formulent sur les amendements que nous avons déposés. De même, nous avons le droit de poser des questions sur la réécriture d'un article du code du travail réécrit par le projet de loi et, lorsque la réponse ne nous satisfait pas, nous avons le droit d'insister.
Nous savons lire, monsieur le ministre, et nous vous lisons les deux versions, affirmant qu'il y a réécriture et que les droits des cadres ne sont pas maintenus. Je demande donc une suspension de séance de dix minutes.
Je vais vous donner plus que satisfaction, mon cher collègue, en levant dès à présent la séance.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite de la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail.
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-neuf heures cinquante.)
Le Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,
Claude Azéma