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Intervention de Roland Muzeau

Réunion du 7 juillet 2008 à 15h00
Rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail — Article 17, amendement 1191

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRoland Muzeau :

N'étant pas un spécialiste de l'UMP, je me suis trompé de phrase, mais cela revient au même : ce slogan devient l'alpha et l'oméga de nos débats parlementaires ! Non seulement vous dites qu'il faut supprimer la loi parce qu'on a des difficultés à l'appliquer – comme l'a dit M. Vidalies –, mais encore cela est totalement faux parce qu'elle est appliquée dans un grand nombre de cas, en l'occurrence là où les organisations de salariés et les CE existent et peuvent, parce qu'ils en ont les moyens, se préoccuper des questions sociales. Cette loi est bel et bien appliquée, même si elle ne l'est pas partout faute de représentation des salariés.

Cela étant dit, je vous pose une question simple, chers collègues : pouvez-vous prétendre encore longtemps avoir raison contre tout le monde ? La réponse est oui. Après tout, si le peuple ne vous donne pas raison, vous vous dites : « À bas le peuple ! » D'autres ont essayé avant vous, vous savez ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

Je savais que j'allais vous réveiller ! Il faut bien que vous parliez un peu, vous avez été tellement silencieux depuis mardi dernier ! Merci, chers collègues ! (Sourires.)

Avez-vous convaincu les syndicats de salariés depuis le début de nos débats ? La réponse est non. Il suffit pour s'en convaincre de lire les dépêches de l'AFP datant de ce jour, lundi 7 juillet, et les communiqués des organisations syndicales, qui ne sont quand même pas toutes stupides : elles savent lire des textes de loi et connaissent le code du travail !

« Que deviennent dès lors les congés d'ancienneté et les jours fériés ? Ces salariés pouvant travailler jusqu'à 13 heures par jour seront-ils sollicités de 8 heures à 21 heures, les 24 et 31 décembre ? », interroge la CGC qui a déjà annoncé son intention de déposer un recours sur ce sujet devant la Cour européenne des droits de l'homme. Elle parle également de « l'augmentation relative de leur pouvoir d'achat – les jours travaillés au-delà de 218 jours [n'étant] majorés que de 10 % », au lieu de 25 %. La Centrale des cadres a tout compris ! Et de conclure : « Tout cela a assez duré ». Ce communiqué ne date pas d'avant-hier, mais d'aujourd'hui !

Que dit la CFDT de la loi Aubry II et des questions qui nous occupent ce soir ? « En dix ans d'expérimentation, le législateur n'a pas su trouver un encadrement adéquat. Les souplesses permises par les forfaits jours ont conduit des entreprises à y recourir massivement, n'hésitant pas s'il le fallait à modifier le statut du salarié pour lui imposer un forfait jour. » Dans ce communiqué, la CFDT démontre combien ce texte de loi est nocif pour les salariés.

Force ouvrière, dont je rappelle que ni elle ni la CGC ne sont signataires de l'article 17 de la position commune, considère qu'une limite maximale en jours se doit d'être posée par la loi – 218 jours – et que l'obligation actuelle de récupération doit être rétablie. Dans un long communiqué, elle explique pourquoi.

Quant à la CGT, elle explique qu'au Technocentre de Renault, 50 % des salariés sont des cadres, qu'ils sont tous au forfait jours, travaillent plus de 50 heures par semaine et n'ont ni les récupérations, ni le repos compensateur, ni les indemnités afférentes. Le rapport d'audit diligenté par le CHSCT et confié à une société agréée par le ministère du travail, a rendu des conclusions terribles sur les forfaits jours : « […] une culture du surengagement liée notamment à la combinaison de la passion pour le métier, de l'ambition professionnelle et d'un système managérial qui s'appuie sur ces leviers pour atteindre des objectifs encore plus ambitieux ». Voilà la réalité, et c'est vers cela que vous allez !

Certes, les amendements de la commission et du rapporteur apportent un semblant de correction à ces travers que nous dénonçons depuis le début de nos débats. C'est sans doute parce que la présidente de la chambre sociale de la Cour de cassation vous a alerté de façon très argumentée, dans un compte rendu passionnant, sur les dangers de votre texte. Elle y parle d'une absence de limite qui a déjà justifié les critiques exprimées à deux reprises par le comité européen des droits sociaux, qui considère que ce texte viole la Charte sociale du Conseil de l'Europe – ce que nous disons sans cesse depuis le début de nos débats. Elle se demande s'il ne serait pas opportun, pour prévenir de futurs contentieux, que le législateur fixe une limite qui permette de considérer que la durée du travail est raisonnable au sens de la Charte. Ce faisant, elle vous invite à corriger vos propres errements, ce que vous tentez maintenant de faire afin d'éviter les dérives. Mais il y avait chez vous quelques ultras…

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