La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi organique, adopté par le Sénat, relatif au Défenseur des droits (nos 2573, 2991).
Je rappelle que ce projet de loi organique a fait l'objet d'une discussion générale commune avec le projet de loi relatif au Défenseur des droits, que l'Assemblée a achevée hier soir.
J'appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles du projet de loi organique relatif au Défenseur des droits.
Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, monsieur le président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, monsieur le rapporteur, l'article 1er est celui qui détermine les conditions de nomination du Défenseur des droits.
Nous avons déjà une idée de cette procédure nouvelle : c'est au Président de la République, nous le savons, qu'il reviendra de procéder à cette nomination. Certes, on ne manquera pas de me le faire remarquer, l'Assemblée peut naturellement s'y opposer à une majorité des trois cinquièmes ; mais il est aisé pour l'exécutif de manipuler sa majorité. Il n'est qu'à voir ce qui s'est passé à l'occasion de la discussion de ce texte au Sénat : les sénateurs avaient voté dans un sens le soir, mais dès le lendemain matin, après un petit-déjeuner à l'Élysée, ils ont modifié leur vote ! Autant dire que, dans un système majoritaire, la faculté dont disposerait la majorité de s'opposer à l'exécutif est tout à fait virtuelle.
Il existe un autre système de nomination, que Christian Vanneste et moi-même avons pu découvrir et surtout apprécier dans le cadre des travaux que nous avons menés durant un an au sujet des autorités administratives indépendantes. Dans les démocraties, les véritables démocraties, ce n'est pas l'exécutif qui nomme les responsables ou les autorités en matière de libertés publiques ; c'est le Parlement, c'est-à-dire la majorité et l'opposition. Puisque la Constitution et le texte ne le permettent pas, nous ne pouvions pas proposer dans notre rapport que le Défenseur des droits soit nommé de cette manière, mais nous le proposerons pour ses adjoints. En tout état de cause, je veux souligner que la nomination du Défenseur des droits par le Président de la République ne correspond pas à la pratique généralement en vigueur dans les pays démocratiques, mais plutôt à ce que l'on peut constater dans les pays que je qualifierai de « totalitaires » – non que je veuille comparer la France à un système totalitaire : je fais simplement remarquer que notre démocratie est encore un peu en arrière par rapport aux pays qui connaissent une véritable démocratie parlementaire.
Nous en venons aux amendements.
La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas, pour soutenir l'amendement n°171 .
Les conditions de nomination du Défenseur des droits relevant de la Constitution, il n'est évidemment pas possible d'y revenir. Cependant, nous proposons de compléter ces règles dans le sens d'une légitimité accrue. Si personne ne songe à remettre en cause la légitimité du Président de la République à nommer qui il souhaite comme Défenseur des droits, nous proposons néanmoins que le Parlement soit associé au processus de nomination par le biais d'une liste établie par les commissions des lois de l'Assemblée nationale et du Sénat, ce qui atténuera le déséquilibre originel lié au fait que tout viendra de l'exécutif et que tout est lié au choix présidentiel. Le fait de tout devoir au Président de la République n'amène pas à l'ingratitude !
Il faudrait, comme nous l'a dit le Défenseur du peuple espagnol, non seulement que le Parlement exprime, plus qu'une majorité, une majorité qualifiée. La possibilité qui pourrait être offerte aux deux chambres d'établir une liste assez conséquente – il ne s'agit pas de proposer deux ou trois noms – balayant largement les horizons, permettrait de suggérer au Président de la République des noms auxquels il n'aurait pas forcément pensé : c'est une spécificité bien française que d'imaginer qu'un seul homme puisse avoir réponse à toutes les questions. C'est la collégialité que nous proposons, et que nous aurons l'occasion de défendre à plusieurs reprises. En l'occurrence, il s'agit ici d'associer la représentation nationale, à savoir l'Assemblée nationale et le Sénat – le peuple et les collectivités –, afin que notre pays puisse être doté du meilleur Défenseur des droits possible.
La commission est défavorable à cet amendement. La Constitution prévoit que le Défenseur des droits sera désigné par le Président de la République après avis de commissions compétentes de chaque assemblée. Ce serait fausser l'esprit et la lettre de cette disposition que de prévoir que le Président de la République est encadré dans son choix par une liste établie par les commissions des assemblées.
Par ailleurs, je ne peux laisser M. Dosière affirmer que la nomination par le Président de la République nous ferait basculer dans un système totalitaire.
Je vous en donne acte, mais j'insiste tout de même sur le fait que nous sommes dans un système totalement démocratique, et ce n'est pas y faire injure que de donner un pouvoir de nomination au Président de la République.
La parole est à M. Michel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés, pour donner l'avis du Gouvernement.
L'article 71-1 de la Constitution précise bien que le Parlement est associé à la nomination du Défenseur des droits, et les législateurs organiques n'ont pas compétence pour modifier la Constitution. Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement.
Je suis opposé cet amendement, pour les raisons juridiques qui viennent d'être exposées, mais j'en vois une autre : j'admets, monsieur Dosière, qu'il doit bien exister une méthode encore plus démocratique de désignation du Défenseur des droits ou des membres du Conseil constitutionnel. Mais dans ce cas, pourquoi le groupe socialiste n'a-t-il jamais, à l'occasion de l'examen des projets de réforme constitutionnelle, fait des propositions en ce sens ?
Je ne suis d'ailleurs pas convaincu que la collégialité que vous prônez constitue le meilleur moyen de trouver le candidat idéal – à supposer qu'il existe, ce n'est qu'après sa désignation que l'on peut considérer avoir fait le bon choix. Ce qui garantit réellement l'indépendance, c'est la limitation à un seul mandat : le fait de ne pouvoir être nommé une nouvelle fois élimine la tentation d'agir pour plaire.
C'est un fait : toutes les personnes désignées par le Président de la République et par les présidents des deux assemblées deviennent indépendantes dès leur nomination. Il est possible qu'il existe un meilleur système de désignation, mais dans ce cas, vous n'auriez pas dû attendre l'arrivée de la course, à savoir la réforme constitutionnelle, pour faire connaître votre position. Si vous aviez quelque chose à dire, vous auriez dû le dire avant, et à froid : la crédibilité de votre propos y aurait gagné.
Je veux appeler l'attention de M. le ministre sur le fait que le propre d'une loi organique est de préciser un article de la Constitution. Je ne vois rien, dans l'amendement proposé, qui soit contraire à l'article 71-1 de la Constitution : en réalité, cet amendement ne fait que préciser la nature de l'avis donné par les commissions des assemblées, et rien ne s'oppose à ce que cet avis soit constitué d'une liste de personnalités parmi lesquelles le Président de la République procède à un choix.
(L'amendement n° 171 n'est pas adopté.)
(L'article 1er est adopté.)
Je suis saisie d'un amendement n°261 .
La parole est à M. Jean-Pierre Decool.
L'amendement n°261 tend à préciser les conditions de l'exercice des fonctions du Défenseur des droits : il est proposé d'indiquer qu'il remplit ses fonctions de façon autonome, en fonction de ses propres critères.
La commission est défavorable à cet amendement. L'indépendance du Défenseur des droits, garantie par la Constitution et confirmée par l'article 2 du projet de loi organique, n'a pas besoin d'être précisée. Ajoutons que cet amendement constituerait une régression en faisant uniquement référence à l'autonomie, notion plus restreinte que celle d'indépendance.
Cet amendement est satisfait : il ressort en effet des termes de la première phrase de l'article 2 que le Défenseur des droits ne reçoit, dans l'exercice de ses attributions, aucune instruction. Plutôt que d'émettre un avis défavorable, j'invite donc M. Decool à retirer son amendement.
Monsieur le ministre, je suis doublement satisfait. D'abord, j'ai eu le plaisir de vous entendre prononcer correctement mon patronyme, d'origine flamande et non britannique. (Sourires.) Ensuite, mon amendement est effectivement satisfait, ce qui me permet de le retirer.
(L'amendement n°261 est retiré.)
Nous proposons d'élargir le bénéfice de l'immunité pénale aux adjoints du Défenseur des droits et du Défenseur des enfants : cette immunité est tout aussi indispensable à l'exercice leurs missions.
L'indépendance des autorités garantes de la protection des droits et libertés dans notre pays est la condition sine qua non de son effectivité, notamment lorsque l'action de l'État ou de pouvoirs économiques est susceptible d'être remise en cause. La plupart des autorités indépendantes concernées, lorsqu'elles ont appris – dans la presse ! – leur disparition, ont mis en évidence les risques liés à la dilution, au sein d'une institution omnicompétente, le Défenseur des droits, d'attributions spécifiques nécessitant des connaissances et une approche particulière dans les différents domaines touchant aux droits et libertés.
L'indépendance réside d'abord dans le fait de pouvoir émettre des critiques et recommandations sans avoir à en référer à personne – à cet égard, la puissance des rapports publiés par nos diverses autorités n'est plus à démontrer. L'existence d'un Défenseur des droits chargé de chapeauter toutes les autorités traitant des droits des personnes et décidant, seul, des suites à donner aux saisines, du contenu des rapports, soulève la question de son indépendance face aux pressions des mondes politiques et économiques.
Aujourd'hui, cinq autorités indépendantes au moins interviennent dans le domaine de la défense des libertés. Il suffira désormais de concentrer la pression sur un seul homme, le Défenseur des droits nommé par l'exécutif, pour maintenir sous une épaisse chape de plomb l'ensemble du contrôle des libertés. C'est là une régression démocratique majeure, que nous aurions pu éviter si vous n'aviez pas repoussé l'amendement de notre collègue Urvoas. C'est la raison pour laquelle nous avons déposé des amendements en faveur d'une indépendance organique de chacune des autorités ou, à défaut, renforçant leurs capacités d'action dans le cadre de l'institution du Défenseur des droits. Dans cette perspective, il est logique que nous proposions d'étendre aux adjoints du Défenseur des droits les protections garanties au Défenseur lui-même.
L'article 2 prévoit que le Défenseur des droits ne peut être poursuivi, recherché, arrêté, détenu ou jugé à l'occasion des opinions qu'il émet ou des actes qu'il accomplit dans l'exercice de ses fonctions J'estime que cette protection doit être étendue aux adjoints du défenseur.çp Les adjoints doivent pouvoir bénéficier de l'immunité pénale durant l'exercice et dans le cadre de leurs fonctions, ce qui leur donnera beaucoup plus de crédibilité.
La commission a repoussé l'amendement n° 129 , car, tel qu'il est rédigé, il aurait pour effet de dissocier le défenseur des enfants des autres adjoints,…
…ce que nous ne souhaitons pas.
En revanche, l'amendement n° 274 a été accepté par la commission. Il est en effet souhaitable que les adjoints puissent bénéficier, au regard des compétences nombreuses susceptibles de leur être déléguées, d'un régime de protection identique à celui du Défenseur des droits.
Dans le cadre d'une stricte interprétation du texte, le Défenseur des droits est naturellement le seul à être une autorité détentrice du pouvoir, donc le seul à devoir bénéficier des immunités.
Cela dit, dans un esprit d'ouverture, je me rallie volontiers à la position de la commission.
Comme la commission et le Gouvernement rejettent mon amendement, je tiens à préciser que je soutiendrai l'amendement de Mme Antier qui exprime la même volonté que le mien.
Cela dit, permettez-moi de noter qu'en refusant cet amendement, vous décrédibilisez votre proposition de retenir une dénomination particulière pour le défenseur des enfants : au fond, vous le ramenez à un adjoint sans responsabilité ni sans pouvoir de décision particuliers, ce que nous regrettons.
Nous déposerons toute une série d'amendements pour montrer notre volonté de faire en sorte que le défenseur des enfants ait des pouvoirs de décision identiques à ceux qu'il avait lorsqu'il était une autorité indépendante, ce que vous lui déniez. C'est pourquoi ne je retirerai pas mon amendement n° 129 .
Je m'interroge sur la constitutionnalité d'une telle disposition.
Monsieur le garde des sceaux, vous indiquez que le seul à être identifié est le défenseur des droits, et que le défenseur des enfants est le seul adjoint nommément identifié. De ce fait, l'immunité devrait être exclusivement réservée au défenseur des droits, et éventuellement au défenseur des enfants. L'étendre aux adjoints ne me paraît pas constitutionnel.
(L'amendement n° 129 n'est pas adopté.)
(L'amendement n° 274 est adopté.)
En conséquence, l'amendement n° 260 tombe.
(L'article 2, amendé, est adopté.)
Je souhaite intervenir sur cet article car un amendement quelque peu étonnant a été adopté en commission, au titre de l'article 88, qui vise à fixer un âge au-dessus duquel on ne peut pas nommer le défenseur des enfants. Nous avons aussitôt remarqué que cette disposition pouvait écarter un certain nombre de candidatures potentielles, autrement dit apparaître comme une disposition ad hominem.
L'argument selon lequel le défenseur des enfants pourrait avoir soixante-quatorze ans en fin de mandat ne tient pas : à cet âge, le président Charles de Gaulle se représentait à la présidence de la République et Jacques Chirac était encore en activité !
Le défenseur des enfants devant disposer d'une certaine expérience, d'une certaine sagesse, le critère de l'âge n'a pas lieu d'être ; ou alors, s'il s'agit d'éliminer certaines personnalités, autant le dire clairement, en précisant, par exemple, qu'on ne peut pas nommer défenseur des enfants quelqu'un qui vient d'exercer la fonction de député et qui a perdu sa circonscription…
Sur l'article 3, je suis d'abord saisie d'un amendement n° 275 .
La parole est à Mme Edwige Antier.
Avis défavorable. Cet amendement prévoit un régime d'incompatibilités très strict pour les adjoints du défenseur des droits : interdiction de tout mandat électif, de tout emploi public et de toute activité professionnelle. Étant donné que les adjoints seront conduits à exercer un nombre limité d'attributions par voie de délégation du défenseur des droits, un tel régime d'incompatibilités serait dissuasif à l'excès et empêcherait de trouver les personnes compétentes et intéressées. C'est la raison pour laquelle la commission des lois a privilégié, à l'article 11 A, un mécanisme de prévention et d'interdiction des conflits d'intérêts pour les adjoints semblable à celui prévu pour les membres du collège. Les adjoints devront s'abstenir sur une réclamation concernant un organisme au sein duquel ils détiennent un intérêt direct ou indirect ou exercent des fonctions ou ont détenu de tels intérêts ou exercé de telles fonctions au cours des trois années précédant leur nomination.
Même position que le rapporteur.
Si l'on veut vraiment donner une identité et des responsabilités importantes à chaque adjoint, il faut leur fixer les mêmes incompatibilités qu'au défenseur des enfants. Cela garantira tout à la fois le respect dû à leur fonction et leur disponibilité.
Je suis assez favorable à l'amendement de Mme Antier, mais j'ai bien noté que le rapporteur et le Gouvernement étaient contre.
L'indépendance implique qu'il y ait incompatibilité d'exercice avec d'autres fonctions. C'est une question de principe. Nous sommes en train de mettre en place une autorité assez unique, le Défenseur des droits. Hier, dans le cadre de la discussion générale, nous avons eu un long débat sur l'opportunité ou non d'effacer les autorités indépendantes ; nous aurons l'occasion d'y revenir avec le défenseur des enfants. Je crois que cette incompatibilité doit s'étendre aux adjoints.
(L'amendement n° 275 est adopté.)
La parole est à M. Pierre Morel-A-L'Huissier, pour soutenir l'amendement n° 245 .
Mon amendement a pour objet de supprimer l'incompatibilité entre les fonctions de défenseur des droits et tout mandat électif.
L'incompatibilité avec un mandat parlementaire, prévue dans l'article 71-1 de la Constitution, est pleinement légitime, de même que l'incompatibilité avec une fonction ministérielle. De même, il peut sembler logique de prévoir une incompatibilité du même ordre avec un mandat de représentant au Parlement européen. En revanche, vouloir étendre cette incompatibilité aux mandats locaux est excessif. En l'état actuel du droit, le médiateur de la République, tout comme le défenseur des enfants ou le contrôleur général des lieux de privation de liberté, dès lorsqu'ils exerçaient un mandat local avant leur entrée en fonction, peuvent continuer à l'exercer et être candidats à son renouvellement. Il est préférable de s'en tenir à ce type d'encadrement dans l'exercice des mandats électifs.
Le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
Cette disposition a de prime abord pour objet de supprimer l'incompatibilité entre la fonction de défenseur des droits et celle de membre du Gouvernement. Cela n'est pas possible car l'alinéa 4 de l'article 71-1 de la Constitution dispose que les fonctions de défenseur des droits sont incompatibles avec celles de membres du Gouvernement et de membres du Parlement.
Il vous également proposé de supprimer l'incompatibilité entre la fonction de Défenseur des droits et tout mandat électif. Compte tenu de l'étendue de ses attributions, la fonction de Défenseur des droits ne peut être cumulée avec aucun mandat électif, qu'il soit local, national ou européen. En effet, la mission du Défenseur des droits justifie qu'il s'y consacre entièrement. Ajoutons qu'il serait anormal que le défenseur des droits puisse exercer un mandat local alors qu'il serait amené à connaître des litiges impliquant les collectivités locales et les administrés.
Nous sommes très surpris que le rapporteur de ce texte redépose, en son nom propre, en séance un amendement dont il était l'auteur, et qui avait déjà été repoussé en commission pour les mêmes raisons. Autrement dit, le rapporteur n'a tenu strictement aucun compte des débats, des échanges et du vote que nous avons émis en commission sur le même sujet et pour les mêmes raisons, rappelées à l'instant par le garde des sceaux.
Madame Mazetier, je me permets de vous dire que lorsque j'ai appelé l'amendement n° 245 , j'ai bien précisé qu'il s'agissait d'un amendement de M. Morel-A-L'Huissier et non d'un amendement du rapporteur. Et il a bien reçu un avis défavorable du Gouvernement.
La parole est à M. Jean-Pierre Decool, pour soutenir l'amendement n° 262 .
Cet amendement tend à compléter la liste des incompatibilités. Ainsi, il convient de rendre incompatible cette fonction avec l'affiliation à un parti politique, l'exercice d'une fonction directive ou d'un emploi, au sein d'un parti politique, d'un syndicat, d'une association ou d'une fondation, l'exercice de la carrière de magistrat, l'exercice d'une activité professionnelle, libérale, commerciale ou artisanale.
Avis défavorable. Les incompatibilités que l'amendement n° 262 propose d'ajouter à l'alinéa 1er de l'article 3 sont déjà prévues pour partie aux alinéas 3 et 4 du même article. Il en est ainsi pour l'exercice des fonctions de magistrat et l'exercice de toute activité professionnelle, libérale, commerciale ou artisanale, ainsi que l'exercice d'un emploi au sein d'un parti, d'un syndicat, d'une association ou d'une fondation. Pour le reste, la question de l'interdiction à l'affiliation à un parti n'est pas traitée par le texte. Sans doute conviendrait-il dans ce cas de poser une interdiction plus large d'adhésion à toute forme d'association ou syndicat.
Je demande à M. Decool de retirer son amendement que je ne peux accepter pour les mêmes raisons que celles que vient de rappeler le rapporteur.
La parole est à M. Louis Giscard d'Estaing, pour soutenir l'amendement n° 267 .
Cet amendement a reçu, me semble-t-il, un avis favorable de la commission de lois qui l'a examiné dans le cadre de l'article 88.
Il vous est proposé de fixer, ce qui est tout à fait légitime dans une loi organique, une limite d'âge pour l'accès aux fonctions de défenseur des droits.
Il y a dans nos institutions plusieurs fonctions éminentes qui sont parfaitement définies en termes de critère d'âge, et notre collègue Dosière le sait parfaitement. Ainsi en est-il des fonctions de vice-président du Conseil d'État et de Premier président de la Cour des comptes, où la limite d'âge est de soixante-huit ans.çpMon amendement vise donc à fixer une limite d'âge non pas à la fin du mandat, mais au moment de la nomination, à l'instar de ce que prévoient certains textes réglementant les conditions de nomination à certains hauts postes de nos institutions, ainsi que vous le savez, monsieur le ministre.
Ma foi non…
Le Défenseur des droits, à la différence du vice-président du Conseil d'État et au premier président de la Cour des comptes, pourrait par conséquent exercer ses fonctions au-delà de l'âge prévu par l'amendement.
Cette disposition permettrait de faire appel à des personnalités d'expérience qui ont dépassé l'âge légal de la retraite – désormais fixé à soixante-deux ans – et, au-delà, d'assurer une forme de renouvellement. Car il ne s'agit pas d'un collège : j'entends bien l'argument selon lequel l'exercice des fonctions de membre du Conseil constitutionnel n'est soumis à aucune limite d'âge. Mais le Conseil est un collège…
Pour ce qui est du Défenseur des droits, il s'agit d'une fonction individuelle, et il est important de respecter les règles que nous appliquons par ailleurs dans nos institutions.
Cet amendement a été voté par la commission et je suis personnellement très favorable à la limite d'âge proposée.
Le Gouvernement est tout à fait défavorable à cet amendement pour des raisons à mes yeux assez claires. Je comprends très bien le but visé par M. Giscard d'Estaing avec cet amendement…
Si vous ne comprenez pas, c'est la raison pour laquelle je suis ministre et pas vous. (Rires.) Voilà déjà un bon début d'explication.
Il paraîtrait plus pertinent que la mesure proposée soit de portée générale. Il est vrai que l'on peut être membre du Conseil constitutionnel sans limite d'âge : il suffit d'observer sa composition actuelle pour s'en convaincre. Il n'y a pas non plus de limite d'âge pour se présenter à la présidence de la République.
Mais il s'agit d'un mandat électif, ce qui n'est pas le cas du défenseur des droits !
Je rappelle que soixante-huit ans était précisément l'âge du général de Gaulle lorsqu'il est devenu Président de la République.
On ne trouve dans notre droit public aucun exemple de limite d'âge pour des non fonctionnaires. Le vice-président du Conseil d'État est le premier des fonctionnaires, le premier président de la Cour de cassation est un très haut fonctionnaire. En revanche, la nomination du président d'une autorité administrative indépendante créée par la Constitution n'est soumise, j'y insiste, à aucune limite d'âge.
Il serait par conséquent souhaitable, monsieur Giscard d'Estaing, de retirer votre amendement au bénéfice d'une réflexion plus large tout à fait légitime à laquelle je suis prêt à participer.
Pourquoi créer une exception pour le défenseur des droits ? Je ne vois pas bien le fondement de la disposition que vous proposez et c'est pourquoi je vous demande, je le répète, de bien vouloir retirer votre amendement ; faute de quoi, le Gouvernement émettra un avis défavorable.
Je serai bref car le ministre s'est exprimé mieux que je n'aurais su le faire.
Je suis surpris car on pourrait penser qu'il s'agit d'un amendement ad hominem : c'est toujours ennuyeux, car la disposition proposée par notre collègue pourrait s'appliquer à de très nombreuses fonctions. Pourquoi pourrait-on être parlementaire à l'âge de quatre-vingt-deux ans alors que l'on ne pourrait devenir Défenseur des droits si l'on a plus de soixante-huit ans ? Pourquoi ne pas élargir au défenseur des droits la déclaration de patrimoine imposée aux élus ?
La mesure proposée est difficile à justifier sur un plan général, sauf si l'on accole des noms à l'amendement, auquel cas il devient compréhensible. Comme je ne connais pas ces noms et que je ne les devine pas, je ne comprends pas cet amendement.
Je veux m'exprimer contre l'amendement de notre collègue Louis Giscard d'Estaing pour qui je n'en ai pas moins beaucoup d'estime. Je me souviens de l'ombudsman d'un autre pays d'Europe : cet équivalent du défenseur des droits auprès du Président de la République, plus âgé que soixante-huit ans, était devenu une vraie référence dans son pays et avait acquis une très grande autorité.
Limiter l'âge de l'accès aux fonctions en question, ainsi que l'a précisé M. le ministre, ne serait pas une bonne mesure : cet amendement empêcherait la nomination de certaines personnalités qui donneraient à la fonction de défenseur des droits une dimension incontestable.
Nous devons dépasser la querelle des noms – ce n'est du reste, certainement ce qui anime pas notre collègue Giscard d'Estaing.
Je veux seulement l'inviter à méditer l'expérience européenne : quand on considère les âges des différents ombudsman européens, son amendement devient sans objet.
Si j'examine l'amendement de M. Louis Giscard d'Estaing avec l'attention qu'il mérite, on pourrait être mis à la retraite comme vice-président du Conseil d'État à l'orée de ses soixante-huit ans et nommé dans la foulée défenseur des droits pour les six années qui suivent. C'est dire si votre comparaison, mon cher collègue, se révèle quelque peu bancale.
Il s'agit de nommer quelqu'un non à un poste de fonctionnaire : c'est une responsabilité éminemment politique, non un poste adiminisratif.
De plus, si l'on vote ce type d'amendements, je suis convaincu que, bientôt, on empêchera les parlementaires d'être élus au-delà de soixante-cinq ans. Évitons ce précédent qui pourrait fâcher certains d'entre nous.
(L'amendement n° 267 n'est pas adopté.)
La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement n° 246 rectifié .
Je le retire, madame la présidente.
(L'amendement n° 246 rectifié est retiré.)
(L'article 3, amendé, est adopté.)
La parole est à M. François Bayrou, premier orateur inscrit sur l'article 4.
Nous voilà au coeur de la question du Défenseur des droits. Certains d'entre nous étaient naturellement favorables à la création de cette fonction avec l'idée que la défense des droits des citoyens face aux autorités publiques, face à l'administration, était une mission d'une très grande importance dans notre République.
L'idée de regrouper les compétences – proches – de différentes autorités, qu'il s'agisse, par exemple, des droits individuels, des droits du citoyen à lutter contre les discriminations, nous paraissait positive.
Nous y voyions comme un écho à la plus originale et à la plus ancienne institution de la République romaine : le tribun de la plèbe, chargé depuis le Ve siècle avant Jésus-Christ de défendre les citoyens non patriciens face à la caste qui jouissait de tous les droits et en particulier de celui, pour les chefs des grandes familles, de siéger au Sénat.
Plusieurs d'entre nous, sur tous les bancs, pensaient que le défenseur des droits pourrait acquérir le prestige, la lisibilité, comme on dit, la capacité, la reconnaissance, l'autorité nécessaires pour faire contrepoids, dans certains domaines, à l'autorité peut-être trop rapide ou trop impérieuse de l'État en tant que pouvoir politique ou en tant qu'administration.
Si je comprends très bien les débats concernant, par exemple, la personne chargée de contrôler les lieux de privation de liberté, il est toujours question de droits individuels.
Madame la présidednte, j'ai renoncé à mon temps de parole dans la discussion générale pour pouvoir m'exprimer ici plus longuement, mais j'irai très vite.
On a cru, sans doute par contagion sémantique, que le défenseur des droits pouvait aussi remplir les fonctions de défenseur des enfants. Or – j'y reviendrai à travers un amendement – la défense des enfants et la défense des droits, ce n'est pas la même chose. La loi de 2000, votée ici à l'unanimité, n'a pas institué un défenseur des droits des enfants mais bien un défenseur des enfants. L'enfant n'est pas un adulte en miniature dont il s'agirait de défendre les droits. La loi prévoit en effet que le défenseur des enfants s'occupe de l'intérêt de cette fragile personne en formation.
Renoncer à donner au défenseur des enfants son indépendance et la plénitude de son action menace cette fonction, la rend secondaire. La France est le pays européen où le plus grand nombre d'enfants sont placés en institutions ou en familles d'accueil. C'est un grand souci : quand on place un enfant, il ne s'agit pas de son droit. Bien sûr, un placement se décide dans le cadre de la loi ; mais ce qu'on doit prendre en compte est autrement plus large et plus subtil. C'est de la formation de la personnalité qu'il s'agit. Les conséquences sur le cercle familial, ou ce qu'il en reste, relèvent de l'intuitif, de l'affectif. De telles décisions ne peuvent relever que d'une autorité distincte du défenseur des droits.
Voilà pourquoi, selon moi, le défenseur des enfants doit garder son autonomie, sa pleine indépendance même, pour disposer de toute son autorité et user pleinement de la responsabilité dont la loi l'a chargé.
Dans les articles 4 et 5, nous proposons, René Dosière et moi-même, deux amendements qui visent à regrouper l'activité actuelle de la commission nationale de la déontologie et de la sécurité avec celle du contrôleur général des lieux de privation de liberté. Contrairement au contresens commis hier par certains commentateurs, l'une des conclusions du rapport que nous avons rédigé au nom du comité d'évaluation et de contrôle consiste non seulement à soutenir l'intégration aux compétences du défenseur des droits, de celles du défenseur des enfants et de celles, aussi, de la HALDE, mais consiste aussi à regrouper davantage que ne le fait le texte les autorités existantes.
Le projet envisage l'intégration du contrôleur général en 2014, en tant que quatrième adjoint. Nous souhaitons, nous, regrouper sa fonction avec la CNDS, et donc réduire le nombre des adjoints à trois.
À terme, notre proposition est génératrice d'une plus forte mutualisation et d'une plus grande économie. Certains ont relevé à tort, dans la motion de procédure de René Dosière, une contradiction fondée sur le fait que les compétences de la CNDS, en raison de sa petite taille, seraient noyées parmi celles du défenseur des droits, alors que sa petite taille la rend déjà difficilement visible à l'extérieur. Notre proposition consiste précisément à regrouper les compétences de la CNDS avec celles du défenseur des droits, mais en la dotant d'un poids plus important grâce à leur fusion avec celles du contrôleur général. Ce poids sera du reste renforcé par le mode de désignation évoqué précédemment par René Dosière.çpPar ailleurs, cet adjoint que nous souhaiterions désigner par le titre de « contrôleur général de la sécurité », aura bien dans ses compétences un domaine propre, et actuellement commun aux deux instances : celui de la confrontation entre l'exigence de sécurité et le respect des droits fondamentaux, étant entendu que la sécurité est aussi un droit fondamental. Pour l'heure, force est de relever un chevauchement entre les attributions de la CNDS et celles du Contrôleur général, qui interviennent tous deux dans les lieux de privation de liberté. C'est tellement vrai qu'une convention a dû être signée entre les deux autorités pour se répartir les tâches. Il faut noter également que sur les soixante-dix-huit avis de manquement qui ont résulté des 228 saisines de la CNDS pour 2009, quinze ont été renvoyés au contrôleur général.
Ce regroupement est donc dans la logique de la loi. Il va plus loin dans cette logique que le texte actuel et il permettra davantage de répondre aux préoccupations budgétaires qui sous-tendent ce texte, puisqu'il contribuera à la diminution du coût de fonctionnement de l'ensemble.
Je ne vais pas répéter ce que vient de dire Christian Vanneste : j'aurais pu dire exactement la même chose. Nous soutiendrons d'ailleurs un amendement qui va dans ce sens.
Je voudrais, à l'occasion de cet article qui définit les compétences du futur Défenseur des droits, appeler l'attention du Gouvernement sur un éventuel problème d'inconstitutionnalité. Le premier alinéa de l'article 71-1 de la Constitution dispose que le Défenseur des droits veille au respect des droits et libertés par les administrations de l'État, les collectivités territoriales, les établissements publics, ainsi que par tout organisme investi d'une mission de service public, ou à l'égard duquel la loi organique lui attribue des compétences. Autrement dit, le Défenseur des droits doit intervenir dans le domaine des administrations publiques ou des organismes de service public. Or certaines des institutions dont les compétences seront regroupées dans celles du Défenseur des droits interviennent dans le secteur privé : nous ne sommes plus tout à fait dans les attributions que la Constitution avait données au Défenseur des droits.
Je voulais savoir si le Gouvernement a songé à ce problème. En tout état de cause, dans la mesure où il s'agit d'une loi organique, le Conseil constitutionnel aura l'occasion de se pencher sur cette question. Mais, même si je ne suis pas ministre, monsieur le garde des sceaux, je dois être en mesure de vous interroger sur ce point. Et j'écouterai avec beaucoup de plaisir votre réponse de ministre…
Reconnaissez que vous l'avez cherché, monsieur le garde des sceaux : vous ne l'emporterez pas au paradis !
Monsieur le garde des sceaux, je souhaiterais vous faire part des réserves qu'ont exprimées les Nations unies et l'Union européenne vis-à-vis du texte que vous nous proposez.
En août 2010, il n'y a pas longtemps, le comité de l'ONU pour l'élimination de la discrimination raciale s'inquiétait de la multiplicité des fonctions de cette nouvelle institution, craignant que la lutte contre les discriminations, actuellement dévolues à la HALDE, par exemple, ne soit plus que l'un des éléments du mandat du Défenseur des droits. Ce comité des Nations unies recommandait le maintien d'une autorité indépendante dédiée à la lutte contre les discriminations.
De même, la commission européenne contre le racisme et l'intolérance réagit, dans son rapport d'avril 2010, en souhaitant que les compétences de la HALDE pour la protection des droits ne soient pas affaiblies dans cette nouvelle institution.
De la même manière, le maintien de la collégialité et de l'ouverture sur la société civile préoccupe également l'Union européenne et les Nations unies.
En Europe, dix-neuf pays, en plus de la France, ont choisi de se doter d'une autorité indépendante, spécialisée dans la lutte contre les discriminations, avec une collégialité des décisions et un comité consultatif des associations. Lorsque la compétence des discriminations existe dans une institution plus large, la collégialité des décisions est également de règle : c'est le cas au Royaume-Uni, en Slovaquie au Danemark.
Il était important que je rappelle ces très importantes réserves, aussi bien des Nations unies que de l'Union européenne, sachant que, de surcroît, nous sommes liés par des traités internationaux, qu'il faut respecter. Or je ne suis pas toujours sûr que le Défenseur des droits, tel que vous nous le présentez, réponde aux exigences des conventions et traités que nous avons signés dans le domaine du respect des libertés.
Avec cet article 4, nous sommes au coeur de ce projet de loi. On pourrait se demander si nous n'aurions pas intérêt, au moment où nous abordons son examen, à le rapprocher de l'article 5 pour ce qui touche aux les compétences du Défenseur des enfants.
Notre collègue François Bayrou a rappelé – et le rapport annuel du défenseur des enfants va dans le même sens – combien il était important de maintenir cette institution. Hier, on a pu constater que le défenseur des enfants restait le seul adjoint nommément identifié. L'article 5 précise que l'enfant pourra saisir directement le Défenseur des droits, et que ses représentants légaux, les membres de sa famille, les services médicaux et sociaux et toutes les associations pourront le faire. Le Défenseur des droits pourra également s'autosaisir.
Je ne voudrais pas qu'on ait l'impression que le défenseur des enfants est supprimé, alors que l'article 5 devrait être de nature à nous rassurer : non seulement il prévoit une identification spécifique, mais il garantir la saisine.
J'interviendrai également sur le contrôleur des prisons. Cette institution avait été souhaitée sur tous les bancs de cet hémicycle. Elle répond aux normes du Conseil de l'Europe. Elle découle de la loi pénitentiaire. Je me demande, monsieur le garde des sceaux, si l'on ne pourrait pas reporter la suppression de cette autorité indépendante au moins jusqu'en 2014. Nous pourrions alors débattre de la question de savoir si l'on doit la fondre dans cette nouvelle autorité qu'est le Défenseur des droits, qui a vocation à regrouper l'ensemble des autorités qui ont fait leurs preuves.
En tout état de cause, deux choses me semblent importantes : s'agissant du Défenseur des enfants, il faut absolument que le Gouvernement nous donne des réponses très claires et nous apporte des assurances ; s'agissant du Contrôleur des prisons, peut-être conviendrait-il de reporter la décision.
Nous en venons à l'examen des amendements sur l'article 4.
Je suis saisie d'un amendement n° 1 , tendant à la suppression de l'article.
La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas.
Je sais bien que le numéro des amendements n'a pas beaucoup de sens, mais j'y vois une dimension symbolique assez bien venue, dans la mesure où cet article 4 est tout à la fois l'histoire d'un glissement et d'une dilatation.
Un glissement : lorsque le constituant a créé le Défenseur des droits, il a en réalité, si l'on veut bien se donner la peine de relire l'alinéa, constitutionnalisé le médiateur. J'ai cité hier le rapport de Jean-Luc Warsmann sur le projet de loi de révision constitutionnelle, dans lequel il définissait ce qu'allait être le Défenseur des droits : c'était le médiateur. Il n'avait en aucune façon la fonction de contrôle, il était seulement chargé de la médiation.
Ensuite est venu le projet de loi organique, qui a proposé d'englober trois autorités administratives indépendantes. Le Sénat en a ajouté une quatrième, puis notre commission des lois en a ajouté une cinquième. D'où une dilatation de l'institution, de sorte que, aujourd'hui, quelle que soit la qualité de la personne qui sera désignée, probablement très estimable et compétente, on voit mal comment elle pourra maîtriser un ensemble de problèmes aussi varié, qui ira du rapport entre les usagers et l'administration jusqu'à la déontologie de la sécurité, en passant par les discriminations et les droits de l'enfant.
En plus de cette dilatation du périmètre, vous concentrez la personnalisation, puisque vous refusez la collégialité : vos collèges ne sont que consultatifs. Ils seront sollicités ou pas, ils émettront un avis ou pas : de toute façon, le Défenseur des droits fera ce qu'il veut, à tel point que l'on pourrait y voir un monarque de droit divin.
Monsieur le garde des sceaux, parce que vous englobez tout et son contraire, parce que vous refusez la collégialité, parce que vous ne permettez pas l'indépendance, nous proposons de supprimer l'article et de revenir à ce qui était l'esprit du constituant : la constitutionnalisation du Médiateur. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La commission a repoussé cet amendement. Je voudrais en profiter pour répondre à un certain nombre de collègues qui se sont exprimés, qu'il s'agisse de M. Bayrou, de M. Vanneste, de M. Pinte ou de M. Hunault.
La loi organique a pour but de définir le champ d'intervention d'une autorité à assise constitutionnelle : le Défenseur des droits. Nous avons choisi d'insérer dans ce champ d'intervention toutes les compétences du médiateur de la République, toutes celles de la CNDS. On y a ajouté celles du Défenseur des droits des enfants, ainsi que celles du contrôleur des lieux de privation de liberté et celles de la HALDE.
Cette autorité renforcée pourra être saisie directement – ce qui n'est pas le cas aujourd'hui, puisque seuls des parlementaires peuvent la saisir –, elle sera dotée de moyens d'investigation supplémentaires et renforcés, elle aura un pouvoir d'injonction, et elle sera assistée, pour qu'elle puisse fonctionner, par des adjoints.
Tout en comprenant la position de M. Bayrou, je rappelle que, ainsi que l'a dit M. le ministre devant la commission des lois, il ne s'agit pas de diluer les différentes autorités administratives indépendantes qui sont regroupées, mais au contraire de renforcer leur autorité et leur pouvoir d'action.
Je voudrais d'abord dire quelques mots en réponse aux orateurs qui se sont exprimés sur l'article, avant d'en venir à l'amendement lui-même. Et cela vaudra probablement pour les amendements suivants.
Je comprends parfaitement que les parlementaires rendent hommage aux autorités administratives qui ont été créées ces dernières années, et qui remplissent bien leur office. Pour ma part, je n'ai pas de problème particulier avec le Défenseur des enfants. En tant qu'élu local, j'ai travaillé avec lui et je suis satisfait de la façon dont nous avons pu travailler. Il me semble également que la HALDE fait un très bon travail. Je n'ai pas à là juger.
Mais la question n'est pas de savoir si ces institutions remplissent bien leur office. Elles le remplissent bien, et c'est heureux : elles sont tout de même là pour cela…
La question qui se pose est la suivante. Le constituant a décidé de créer un Défenseur des droits. C'était une revendication ancienne, qui émanait pratiquement de tous les bancs de l'Assemblée, et de tous les secteurs. La création de ce Défenseur des droits s'inspire d'autres exemples européens. La seule question qu'il faut se poser, c'est de savoir s'il sera plus facile à ce Défenseur des droits de défendre les droits du citoyen face aux institutions publiques, ou entre parties privées, ou si, au contraire, il aura moins de compétences, moins de pouvoirs, moins de facilités. Pourra-t-il faire mieux, ou sera-t-il obligé de faire moins ?
Chaque droit a sa spécificité. J'en ai parfaitement conscience. Je veux le dire à M. Bayrou : il a fort bien défendu la spécificité des droits des enfants.
Non. Le défenseur des enfants ne défend pas les droits des enfants, il défend les enfants !
Je sais bien que M. Bayrou a dit que le défenseur des enfants ne défendait pas des droits, mais des enfants. Mais il a aussi défendu les droits qu'ont les enfants : il existe une Charte des droits des enfants, à laquelle nous avons adhéré, et qui fait partie de notre corpus de conventionalité. Et c'est ce qui me permet de rejoindre ce que disait M. Pinte : nous avons adhéré à un certain nombre de conventions internationales, de traités internationaux, qui nous obligent. Ce qui supposera forcément un contrôle de conventionalité quelque part, et qui se fera très naturellement. Le Conseil constitutionnel choisira de le faire ou pas, mais d'autres pourront éventuellement le faire.
Un choix a été fait, celui de créer un Défenseur des droits, de le doter de pouvoirs importants, de lui donner un large domaine de compétences, de lui permettre d'avoir à la fois tous les pouvoirs jusqu'alors dévolus aux autorités administratives indépendantes qu'il absorbe, auxquels s'ajouteront un certain nombre de pouvoirs propres : il pourra notamment adresser des injonctions à l'administration, et il pourra être partie devant les tribunaux en tant que Défenseur des droits.çpNous avons bien compris qu'il pouvait y avoir certaines situations spécifiques : c'est justement pourquoi un adjoint particulier sera placé auprès du Défenseur des droits, qui portera le titre de défenseur des enfants et jouera un rôle tout à fait spécifique, individualisé, auprès du Défenseur des droits. Ce qui doit permettre de préserver non pas la spécificité de la défense des droits – le Défenseur des droits le fera très bien –, mais la spécificité de la défense des individus que sont les enfants.
Grâce à ce système, nous sommes arrivés à un Défenseur des droits qui, demain, créera lui-même son office, comme le Conseil constitutionnel l'a créé au fil des ans. Le Conseil constitutionnel de 1958 présidé par Léon Noël se réunissait trois fois par an, et décidait de ce qui relevait du Parlement et de ce qui relevait du gouvernement, point final. Au fil des ans, le Conseil constitutionnel a modifié son rôle, le constituant et le Parlement l'y ont aidé, mais nous avons aujourd'hui un contrôleur complet de la constitutionnalité de la loi, comme il en existe peu en Europe occidentale.
Le Défenseur des droits, avec ses adjoints et les collèges qui vont l'assister, va pouvoir se construire lui aussi une personnalité particulière. Demain, il sera – en équité et non en droit puisque les juges sont là pour dire le droit – un défenseur solide des droits des citoyennes et des citoyens tant devant les administrations de l'État, les administrations publiques, les établissements publics, les collectivités locales, que devant l'ensemble des parties privées, comme le faisaient déjà les autorités administratives indépendantes.
Pour en revenir à l'amendement que M. Urvoas vient de présenter fort brillamment, comme à son habitude…
Ce n'est pas une flatterie : je ne fais que reconnaître les compétences juridiques et universitaires de M. Urvoas.
Quel que soit le brio de la démonstration, je suis quand même conduit à donner un avis défavorable, parce que le constituant a fixé clairement le champ de la délégation du législateur organique, et, M. Urvoas le sait parfaitement, on ne peut pas aller au-delà de cette délégation. C'est la raison pour laquelle mon avis reste défavorable.
Le garde des sceaux vient de porter sa démonstration avec le talent qu'on lui connaît. Sur les mêmes fondements qu'il vient de développer avec mon excellent collègue Urvoas, je suis au regret de ne pas être d'accord. Le constituant n'a pas fixé le champ de compétence du Défenseur des droits ; sinon, à quoi servirait-il d'avoir cette discussion ce soir, notamment sur l'article 4 ? La preuve en est que la HALDE, les arguments développés par Étienne Pinte nous le rappellent, ne figurait pas dans le projet de loi déposé au départ. Elle a été ajoutée par nos collègues du Sénat. Sans parler du cas du contrôleur général des lieux de privation de liberté.
Nous voyons donc bien qu'il s'agit d'une dilution. Nous aurions pu trouver un accord sur le périmètre précis et les fonctions du Défenseur des droits, mais nous sommes finalement dans une situation où un certain nombre d'autorités indépendantes ont été ajoutées, et d'autres pas, qui auraient pu l'être. J'ai débattu tout à l'heure sur la chaîne parlementaire avec plusieurs de nos collègues sur ce sujet, dont un qui m'a cité comme exemple les débats concernant la CNIL et la CADA, dont les champs de compétences pourraient se chevaucher. Pourquoi ne pas ajouter ces autorités pour élargir les compétences à l'accès au droit, aux documents administratifs, et aux questions de fichiers ? Nous aurions tout aussi bien pu en débattre. Du coup, pardonnez-moi de vous le dire, monsieur le garde des sceaux, nous nous retrouvons face à une espèce de bricolage sur le champ de compétences débattu dans cet article 4. Vous avouez que les autorités indépendantes actuelles fonctionnent plutôt bien. Cette prise de position, qui témoigne de votre fair play, ne peut que nous satisfaire par rapport à certains débats qui ont eu lieu. Reste qu'un problème d'indépendance et de collégialité dans le fonctionnement que vous proposez.
Enfin, peut-on s'entendre pour certains rapprochements, tel que celui de la CNDS et du contrôleur général des lieux de privation de liberté, ainsi que le disait René Dosière, pour les autres, tel que la HALDE, le fonctionnement est totalement différent ? Où va-t-on discuter de la prévention et des actions de lutte contre la discrimination à destination d'un certain nombre de professionnels ?
Cela ne sera pas dans le champ de compétence ni dans les possibilités d'action du Défenseur des droits. Pour toutes ces raisons, nous maintenons notre amendement.
Je voterai contre l'amendement de nos collègues socialistes mais, monsieur le garde des sceaux, permettez-moi d'insister : nous sommes en train de fusionner des autorités indépendantes créées au cours de ces vingt dernières années, qui ont fait leurs preuves ; cela mérite quelques instants de réflexion.
Nous avons inscrit dans la Constitution l'existence du Défenseur des droits, il est donc créé. La loi organique que nous discutons dans cet hémicycle vise à déterminer son champ de compétences, et par l'article 4, nous allons supprimer cinq autorités qui ont fait leurs preuves. Mieux vaut prendre quelques instants pour savoir si cet article 4 est correctement rédigé.
Je prends acte de vos explications et je vous en remercie. Je ne suis pas sûr qu'à l'heure où nous parlons, vous ayez dans l'hémicycle une majorité pour supprimer le Défenseur des enfants, mais votre explication consistant à dire que le Défenseur des enfants reste le seul adjoint nommément identifié, et qu'il pourra toujours être saisi par les enfants, est de nature à nous rassurer et à nous permettre de voter cet article 4.
En revanche, je ne suis pas content des explications du rapporteur, qui n'ont pas été très claires. Je souhaiterais que le président de la commission des lois vienne nous rassurer comme le ministre l'a fait sur la saisine de cet adjoint identifié, car c'est fondamental.
Monsieur le garde des sceaux, permettez-moi d'insister pour avoir une réponse à propos du contrôleur des prisons : cela ne fait que deux ans qu'il a été nommé et cela mériterait que nous nous y attardions car ce sont des questions légitimes. Qui plus est, nous sommes liés par des textes internationaux : M. Bayrou l'a rappelé à propos des enfants, tout comme M. Pinte. Votre réponse nous a rassurés, nous sommes en train de définir le périmètre du Défenseur des droits créé par le constituant, mais rien n'oblige à supprimer les autorités existantes.
Sollicité par M. Hunault, je veux bien essayer de lui répondre. Le point de départ reste la décision du constituant lors de la révision constitutionnelle. Le Gouvernement a donc déposé en son temps un projet de loi organique découlant de l'article 71-1 de la Constitution, et le Parlement a très naturellement joué son rôle, ce qui explique que vous vous prononciez donc sur les textes émanant des commissions.
Le Sénat a pour sa part décidé d'introduire des autorités administratives indépendantes qui ne figuraient pas dans le projet du Gouvernement. L'Assemblée fait de même, avec des modalités différentes de celles retenues par le Sénat, s'agissant du contrôleur général des lieux de privation de liberté. L'Assemblée propose d'attendre la fin du mandat de l'actuel contrôleur général. C'est une bonne chose, car le travail de M. Delarue est excellent, nécessaire, qui posera en quelque sorte la jurisprudence en la matière. Lorsque, suivant la volonté de l'Assemblée nationale, il sera intégré au sein du Défenseur des droits, il se sera créé un corpus de règles qui lui sera des plus utiles pour contrôler le fonctionnement de ces lieux privatifs de liberté.
On notera à ce propos que personne ne conteste l'indépendance de l'actuel contrôleur général, alors qu'il est nommé exactement dans les mêmes conditions que le Défenseur des droits. Personne ne conteste l'indépendance de tel ou tel directeur de telle ou telle autorité administrative indépendante ; ils sont pourtant nommés exactement dans les mêmes conditions que le futur Défenseur des droits.
L'indépendance s'acquiert une fois nommé par le fait que l'on ne peut pas être renouvelé ni démis. C'est la règle sous la Ve République : personne ne soutiendra que le contrôleur général n'est pas indépendant.
C'est donc que vous êtes de mon avis : il en ira exactement de même pour le Défenseur des droits.
(L'amendement n° 1 n'est pas adopté.)
Je suis saisie d'un amendement n° 130 .
La parole est à M. Michel Vaxès.
Le garde des sceaux a évoqué le constituant, qui a décidé la création du Défenseur des droits, pour justifier son opposition à l'amendement du groupe socialiste. Je propose quant à moi de ne pas supprimer entièrement l'article 4, mais seulement les alinéas n° 3 à 6 ; peut-être que M. Hunault acceptera-t-il alors de le voter : l'intention du constituant est satisfaite dès lors que le Médiateur de la République est transformé en Défenseur des droits. L'article 71-1 de la Constitution ne requiert pas autre chose. C'est le Gouvernement et le pouvoir législatif qui décideront du périmètre des attributions de ce défenseur des droits.
À nos yeux, la spécialisation des autorités indépendantes est la condition fondamentale de leur efficacité. On a parlé de la CNDS ; je prendrai quant à moi l'exemple du Défenseur des enfants. Lorsqu'un enfant est en difficulté, s'il sait qu'il existe une institution qui lui est spécialement dédiée, qui saura l'écouter et le comprendre, une institution avec laquelle il aura peut-être même déjà été en contact dans le cadre de la mission de promotion des droits et de l'intérêt supérieur de l'enfant, gageons qu'il sera rassuré. En revanche, je crains que sans spécialisation, bon nombre de situations difficiles concernant les enfants n'aboutissent pas à une saisine. La spécialisation, c'est la capacité à entrer dans le détail d'une situation, à mieux prendre en compte leur particularité. Dans la mesure où le Défenseur des droits sera une autorité généraliste, il est à craindre que la qualité des réponses jusque-là apportée par les autorités indépendantes spécialisées en souffre gravement.
Cela est d'autant plus problématique que le super-médiateur que sera le Défenseur des droits devra tout à la fois être médiateur et contrôleur. Si la protection des libertés est le point commun des autorités concernées, il est malvenu de confier à une même personne le soin de rechercher un règlement à l'amiable des conflits, et de vérifier par ailleurs qu'en matière de sécurité ou de respect des droits des détenus, les droits de l'homme sont respectés : à l'évidence, on ne peut s'arranger à l'amiable avec l'humiliation d'un prisonnier ou d'un gardé à vue dont la garde à vue aura dérapé. Ce sont là deux missions de nature différente, et c'est pourquoi nous pensons qu'elles doivent être menées par des personnes différentes.
çpTelles sont les raisons pour lesquelles nous renouvelons notre attachement à la spécialisation des attributions de ces missions et nous refusons la dilution et la confusion des compétences et proposons la suppression des alinéas 3 et 6 de cet article.
Cet amendement propose de restreindre le champ des compétences du Défenseur des droits à celui de l'actuel médiateur. Telle n'est pas l'intention initiale du constituant lorsqu'il a introduit l'article 71-1, rédigé de façon à permettre un champ de compétences élargi à la protection de l'ensemble des droits et libertés. J'en veux pour preuve le fait que les cinq autorités administratives indépendantes ont des activités connexes qui peuvent se chevaucher ; ajoutons que ces AAI avaient passé des conventions avec le médiateur. Ce que nous souhaitons – et cela mez permet de répondre à M. Michel Hunault, membre de la commission des lois –, c'est une autorité constitutionnelle dotée de pouvoirs renforcés, élargis, qui concernent tous les droits des citoyens et le respect des libertés. Il ne s'agit pas de se restreindre au médiateur, mais de s'ouvrir aux cinq AAI.
Même avis que la commission.
L'amendement présenté par M. Vaxès montre à quel point ce texte est une occasion manquée. Lors de la discussion générale, nous avons tous indiqué que nous étions très satisfaits de la constitutionnalisation d'un Défenseur des droits.
La constitutionnalisation du médiateur de la République, devenu Défenseur des droits, était une bonne nouvelle. Malheureusement, l'extension à l'infini de son champ de compétences et des missions qui lui sont attribuées affaiblit de fait considérablement sa force de frappe et les résultats que nous pourrons en attendre, en tout cas dans l'immédiat.
Votre comparaison avec le Conseil constitutionnel, monsieur le garde des sceaux, est tout à fait étonnante. Au moment de sa création, nous avez-vous expliqué, le Conseil constitutionnel n'était saisi que trois fois par an alors qu'aujourd'hui il fonctionne à plein régime. Autant dire que toutes les saisines actuellement traitées par les autorités administratives indépendantes, et que vous entendez fusionner, n'ont plus de caractère d'urgence : ainsi, la HALDE traitait de plus en plus de dossiers et remplissait une mission essentielle de lutte contre les discriminations et pour la reconnaissance de l'égalité, une mission très visible et très ancrée sur notre territoire. UIne fois la HALDE fusionnée et absorbée par le Défenseur des droits, les victimes de discrimination devront attendre que ses compétences, ses modalités d'action, son efficacité jusqu'alors reconnues se retrouvent dans le Défenseur des droits : il faut laisser le temps au temps.
Pour filer la métaphore avec le Conseil constitutionnel, reconnaissons que celui-ci est saturé par le nombre de saisines, de missions et les délais qui lui sont impartis pour se prononcer. D'une institution qui, petit à petit, pris a progressé sa place et élargi ses expressions et ses avis, nous arrivons à une autorité qui, du fait même de ses effectifs, n'a plus les moyens d'examiner au fond toutes les saisines qui lui sont soumises.
Je ne suis pas sûre que la comparaison avec le Conseil constitutionnel soit en l'espèce la meilleure.
Je ne suis pas favorable à l'intégralité de l'amendement qui vient de nous être proposé par nos collègues de l'opposition. Je rejoins en revanche l'amendement déposé par M. Bayrou tendant à supprimer l'alinéa 3.
Monsieur Pinte, vous parlez de l'amendement n° 119 de M. Bayrou, qui n'a pas encore été présenté.
Certes, mais je voudrais en parler dès maintenant, dans la mesure où l'amendement n° 130 propose de supprimer les alinéas 3 à 6.
À l'occasion du vingtième anniversaire de la Convention internationale des droits des enfants, les membres du Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale – dont je suis président depuis le 30 juillet dernier, à la suite d'un arrêté du Premier ministre – ont exprimé leur hostilité à l'annonce de la suppression de l'institution du Défenseur des enfants en tant qu'autorité indépendante.
La réforme proposée par le Gouvernement, en opérant une fusion des missions, sous la houlette d'un Défenseur des droits, présente le risque, comme cela a déjà été indiqué, de diluer dans une structure généraliste et axée sur le traitement des réclamations, ce qui constitue aujourd'hui toute la pertinence et la force d'une institution attachée aux intérêts propres des enfants. Cela pourrait se traduire par une perte de visibilité des enjeux et une régression de la capacité de saisine de l'institution sur les problématiques spécifiques à l'enfance.
Sur le plan du droit international, notons que tant la Convention internationale des droits des enfants que les pratiques en vigueur dans plusieurs États européens préconisent l'institution d'un Défenseur des enfants sous la forme d'une structure distincte.
(L'amendement n° 130 n'est pas adopté.)
Je suis saisie d'un amendement n° 119 .
La parole est à M. François Bayrou.
Je voudrais persuader l'Assemblée nationale que le but défini par la Constitution pour le Défenseur des droits n'est pas le même que celui défini par la loi pour le défenseur des enfants.
Le constituant a dit, comme chacun le sait, que le domaine du Défenseur des droits était la défense des droits et des libertés ; or celui du Défenseur des enfants n'est nullement circonscrit au domaine de la défense des droits et des libertés. La loi de 2000, que nous avons adoptée à l'unanimité, précise explicitement dans son article 1er : « En outre, le défenseur des enfants peut se saisir des cas lui paraissant mettre en cause l'intérêt de l'enfant. » Les droits objectifs de l'enfant et l'intérêt de l'enfant pour son avenir, pour la construction de sa personnalité dans des démarches de nature individuelle ou, à l'inverse, collectives – j'ai parlé du placement tout à l'heure – , ce n'est pas la même chose. Du coup, l'autorité du défenseur n'est pas de même nature. L'article 10 de la loi de 2000, adoptée, je le répète, à l'unanimité par cette assemblée, précise : « Dans la limite de ses attributions, le Défenseur des enfants ne reçoit d'instruction d'aucune autorité. »
Or le texte que nous examinons ce soir prévoit exactement le contraire : ainsi qu'il a été indiqué à plusieurs reprises, le Défenseur des enfants serait une sorte d'adjoint. Le garde des sceaux lui-même a précisé que le Défenseur des droits serait le seul à avoir un pouvoir d'injonction auprès d'un certain nombre d'administrations ou de pouvoirs. La défense des droits d'un côté, M. Étienne Pinte vient de le rappeler, et la défense de l'intérêt de l'enfant de l'autre, ce n'est pas comparable. La vocation du défenseur des enfants est beaucoup plus large et infiniment précieuse pour l'équilibre de la société française.
C'est pourquoi mon amendement n° 119 propose de rétablir dans son indépendance le défenseur des enfants.
Sur le vote de l'amendement n° 119 , je suis saisie par le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Quel est l'avis de la commission ?
La commission a repoussé cet amendement.
Monsieur Bayrou, j'ai rencontré à deux reprises Mme Versini et analysé avec elle un certain nombre d'amendements. Deux hypothèses étaient possibles : ou bien l'on gardait l'indépendance, ou bien c'était intégration. Dans un courrier qu'elle m'a adressé, Mme Versini elle-même a penché pour la deuxième hypothèse…
…après de nombreuses discussions. Je peux vous fournir la lettre de Mme Versini.
Mes chers collègues, je vous en prie ! Seul M. le rapporteur a la parole.
Il y a eu, monsieur Bayrou, entre la première et la deuxième audition, une évolution totale de Mme Versini. Nous avons apporté une série de correctifs ont été apportés pour garantir ce qu'elle souhaitait dans l'émergence du Défenseur du droit.
Le problème du défenseur des enfants est une question lourde. Elle a suscité, depuis hier, de nombreuses discussions au sein de l'Assemblée.
Monsieur Bayrou, j'aimerais vous montrer ce que, à mon avis, le Défenseur des droits apporte en plus et vous prouver, en reprenant le texte, que ce dernier pourra bien entendu défendre l'enfant dans ses droits, mais également dans son intérêt.
Les pouvoirs conférés au Défenseur des droits sont plus larges que ceux conférés au défenseur des enfants. Le Défenseur des droits peut faire des injonctions à l'administration et s'occuper des cas où les droits de l'enfant seraient lésés par une personne publique, ce qui n'était pas le cas du défenseur des enfants.
Je reprends votre distinction, parfaitement pertinente : le mérite du Défenseur des enfants, c'est qu'il peut s'occuper non seulement des droits, mais aussi de l'intérêt de l'enfant. Le texte de la loi organique sur lequel l'Assemblée délibère reprend cette idée. Le fait que le défenseur des enfants soit intégré dans le Défenseur des droits des enfants a été le point de départ de la réflexion et à la base des travaux de la commission Balladur : il s'agissait de faire en sorte que les droits des enfants soient plus facilement défendus par la nouvelle institution que par l'ancienne.
Le paragraphe 3 de l'article 5 de la loi organique prévoit que le Défenseur des droits est saisi des réclamations qui lui sont adressées par un enfant lorsqu'il invoque la protection de ses droits ou une situation mettant en cause son intérêt.
De la même façon, l'article 8 du projet de loi organique précise que lorsque le Défenseur des droits « se saisit d'office ou lorsqu'il est saisi autrement qu'à l'initiative de la personne s'estimant lésée, ou s'agissant d'un enfant de ses représentants légaux, le Défenseur des droits ne peut intervenir qu'à la condition que cette personne ou le cas échéant ses ayants droit, ait été avertie et ne se soit pas opposée à son intervention. Toutefois, il peut toujours se saisir des cas lui paraissant mettre en cause l'intérêt supérieur d'un enfant et des cas relatifs à des personnes qui ne sont pas identifiées ou dont il ne peut recueillir l'accord ».
Dans toutes les hypothèses, le Défenseur des droits peut se saisir des situations qui mettent en cause non seulement des droits de l'enfant, mais également l'intérêt de l'enfant.
Je crois avoir apporté une réponse claire. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement espère que M. Bayrou, qui a fort bien défendu son amendement, aura trouver satisfaction dans les arguments que je viens de présenter ; car nous partageons le même souci : préserver les droits de l'enfant, mais aussi veiller à son intérêt.
Mes chers collègues cinq orateurs m'ont demandé la parole, alors que notre règlement prévoit que seuls l'auteur de l'amendement, un orateur contre et éventuellement un orateur pour répondre à la commission ou au Gouvernement peuvent s'exprimer.çpToutefois, eu égard à l'importance du sujet, je donnerai la parole à un orateur par groupe.
Étant donné que vous êtes nombreux à vouloir vous exprimer, je vous demande, afin de pas trop m'éloigner du règlement, de désigner au sein de vos groupe celui ou celle qui prendra la parole.
Pour le groupe Nouveau Centre, M. Hunault a demandé la parole. Pour le groupe SRC, c'est M. Urvoas qui s'exprimera et pour le groupe des députés non-inscrits, M. Bayrou.
La parole est à M. Michel Hunault.
Une nouvelle fois, monsieur le garde des sceaux, vous avez apporté des réponses précises et je vous en remercie. Malheureusement, je n'ai pas apprécié la réponse de M. le rapporteur sur cette question essentielle. M. Pinte a posé des questions précises. M. Bayrou a rappelé que la loi instaurant le défenseur des enfants a été votée à l'unanimité – suite aux engagements internationaux de la France – afin de permettre aux enfants de saisir directement leur défenseur. Le ministre nous a assuré que tel sera toujours le cas avec un adjoint identifié. Nous aurions intérêt, à ce stade de la discussion, de conserver à ce débat qui honore notre Parlement toute la sérénité et la solennité qui s'imposent. Nous avons voté à Versailles le principe de la création d'un Défenseur des droits dont le périmètre restait à définir dans le cadre d'une loi organique ; cela dit, rien ne nous engageait à supprimer un certain nombre d'autorités administratives indépendantes.
Il me semble légitime d'avoir une vraie discussion sur la question de savoir s'il est opportun ou non de supprimer des institutions qui ont joué leur rôle. M. le garde des sceaux, au nom du Gouvernement s'est donné la peine de dire que selon lui le dispositif prévu apporte un certain nombre de garanties ; j'aimerais que notre rapporteur ne se contente pas de prêter à Mme Versini des propos qui, apparemment, ne correspondent pas à ce qu'elle a écrit aux députés…
…ni à ses prises de positions officielles.
Avant de passer au vote, j'aimerais que vous nous assuriez que le texte que vous proposez est conforme aux engagements internationaux de la France. À défaut d'une réponse claire, je voterai l'amendement de M. Bayrou.
Je souhaite intervenir pour défendre l'amendement de M. Bayrou, mais également pour rétablir les faits afin que mes collègues ici présents n'aillent pas croire que Mme Versini serait d'accord avec la disparition du défenseur des enfants. Et comme je ne suis pas ventriloque, je vais vous donner lecture de la lettre envoyée par Mme Versini à tous les députés le 4 janvier 2011…
…qu'elle concluait en ces termes : « Je vous confie ces arguments empreints de toute la force de mes convictions » rappelant qu'elle avait toute confiance en l'Assemblée nationale.
« Vous avez entre vos mains, écrivait-elle, le sort de la défense du droit des enfants. Vous pouvez soit décider de maintenir un défenseur des enfants autonome et spécialisé, soit supprimer le défenseur des enfants et doter le Défenseur des droits d'un adjoint. Mais, précisait-elle, en l'état du texte, cet adjoint n'est qu'un simple collaborateur…
…dont les attributions seront celles que voudra bien lui déléguer le Défenseur des droits, c'est-à-dire quasiment aucune tant les impossibilités de délégations sont nombreuses. Il apparaît donc comme un chef de service non identifiable par les enfants. Vous pouvez, par contre, décider de lui donner des pouvoirs liés à son domaine de compétence en prévoyant dans la loi une large délégation… » Nous y reviendrons par voie d'amendements.
Je n'interprète nullement les propose de Mme Versini : si elle a pris la décision d'adresser une lettre aux 577 membres de cette Assemblée pour nous mettre en garde et appeler notre attention sur le fait que l'adjoint au Défenseur des droits ne sera qu'un simple chef de service non identifiable par les enfants. Il me semble que l'on ne peut guère voir dans son propos un appui au texte du Gouvernement. C'est la raison pour laquelle je voterai l'amendement de François Bayrou.
À mon tour de détromper M. Morel-A-L'Huissier. Il est bien évident – M. Hunault l'a dit – que nous ne discutons pas de la position de tel ou tel défenseur des enfants : nous sommes le législateur, et c'est de l'institution que nous parlons.
Au demeurant, laisser croire ou sous-entendre que Mme Versini aurait rallié la position défendue dans ce texte, alors qu'elle est intervenue sur tous les tons auprès de toutes les instances, de tous les courants démocratiques du pays pour défendre cette institution qui a très bien rempli son rôle, serait une escroquerie. Je suis sûr que M. Morel-A-L'Huissier a été victime d'un instant d'inattention.
Revenons au fond du problème. Est-il possible de mettre sur le même plan un défenseur des enfants dont le domaine d'action est plein et entier conformément à ce que nous avons signé et aux demandes réitérées des organisations internationales chargées de ce sujet – M. Pinte l'a rappelé –, bref un défenseur des enfants pleinement dédié à la défense des droits et des intérêts de l'enfant, et un adjoint intégré dans une institution très importante dont le titulaire aura bien d'autres choses à faire que de s'occuper des enfants, de leur intérêt et des conflits, y compris affectifs, qui naissent autour d'eux ?
L'Assemblée nationale serait fidèle au vote unanime de 2000, aux engagements internationaux du pays…
…et au bon sens de la défense de l'intérêt de l'enfant, si elle décidait par ce vote de conserver au Défenseur des enfants ses compétences et son indépendance.
Je voterai moi aussi la suppression de l'alinéa 3 proposée par M. Bayrou.
Vous avez refusé la suppression de l'article 4, ainsi que celle des alinéas 3 à 6. Nous pouvons comprendre vos préoccupations. Cela étant, concernant le droit des enfants, une majorité se dégage ici pour préserver le caractère indépendant du défenseur des enfants, ce qui correspond également à la volonté de huit Français sur dix. L'UNICEF a fait une enquête et nous disposons les chiffres de la SOFRES : huit Français sur dix, je le répète, sont favorables au maintien de l'autorité indépendante du Défenseur des enfants. Nous vous demandons simplement de respecter cette volonté.
Je vous remercie, madame la présidente, d'avoir noté qu'il s'agissait là du « point dur » de ce texte.
Monsieur le garde des sceaux, j'aimerais vous interroger sur l'amendement de M. Bayrou. Tout le monde admet que le défenseur des enfants a acquis une position importante. Ce qui gêne M. Bayrou et tous ceux, nombreux à l'extérieur de l'hémicycle, qui pensent comme lui, c'est que les nouveaux pouvoirs dévolus au défenseur des enfants par le truchement du Défenseur des droits vont se traduire par la disparition du défenseur des enfants au profit du Défenseur des droits, qui seul aura pouvoir en la matière.
Ne serait-il pas possible de prévoir, à volonté, une délégation de droits eu égard aux nouveaux pouvoirs prévus par le texte ? Si le défenseur des enfant, par délégation, pouvait exercer, dans son domaine propre, les nouveaux droits reconnus au Défenseur des droits, M. Bayrou aurait satisfaction et M. Vaxès n'aurait plus à craindre loin d'être « noyé », le défenseur des enfants, fortement identifié, exercerait dans son domaine propre les droits du Défenseur des droits. Une telle délégation et-elle envisageable, monsieur le garde des sceaux ?
Je ne souhaite pas allonger les débats, mais trois questions ont été posées, qui méritent des réponses approfondies.
Premièrement, grâce à la révision constitutionnelle et au projet de loi organique, la France respecte totalement ses obligations conventionnelles. Cela dit, c'est à elle qu'il appartient d'apprécier la manière dont elle exécute ses engagements internationaux, conformément à la règle qui prévaut depuis longtemps.
Deuxièmement, monsieur Clément, l'article 11 A du projet de loi organique prévoit expressément dans son paragraphe 6 que le Défenseur des droits peut déléguer ses attributions à ses adjoints dans leur domaine de compétence.
Monsieur Dosière, nous parlons d'un pouvoir et d'une compétence accordés à une autorité par la Constitution. Et qu'on le veuille ou non, monsieur Vaxès, la modification constitutionnelle a été votée. La Constitution ayant donné des compétences…
Bien sûr que si.
…il revient à la loi organique de mettre en oeuvre le jeu de ces compétences et d'autoriser la délégation. C'est ce qui est prévu aux paragraphes 6, 7 et 8 : chacun des adjoints peut représenter le Défenseur des droits dans son domaine de compétence, auprès des organisations rassemblant les autorités indépendantes de pays tiers chargées de la protection des droits et libertés. Cela répond également à l'une des demandes en matière de respect du droit des traités.
Pas sur le périmètre : sinon, nous n'aurions pas besoin d'une loi organique !
J'admets que l'on soit contre un texte, mais on ne peut pas s'opposer à sa lettre. Il suffit de savoir lire et le texte est suffisamment clair.
Troisièmement, imaginons que nous conservions le système actuel du défenseur des enfants. Que se passerait-il ? Nous devons nous poser la question. Nous sommes ici, Assemblée nationale, Gouvernement, non pour défendre des institutions, mais pour défendre des droits, des intérêts ou des situations dignes d'intérêt et de défense.
Que se passerait-il si l'on conservait le défenseur des enfants à côté du Défenseur des droits ?
Vous nous présentez une situation idyllique, à savoir un défenseur des enfants qui défend de façon complète et absolue les enfants. Or c'est totalement faux : le défenseur des enfants n'a de compétence que pour régler des problèmes d'ordre privé. Dès lors qu'une administration est mise en cause, le défenseur des enfants transmet le dossier au médiateur. Demain, il y aura le défenseur des enfants et le Défenseur des droits. Chaque fois que sera transmis un problème relatif à une administration publique au sens large du terme, le défenseur des enfants devra transmettre le dossier au Défenseur des droits.
Il me semble qu'une seule autorité administrative indépendante gérant la totalité de la situation, dans le cadre d'une vision globale, sera plus efficace. Je le dis très clairement : la création du Défenseur des enfants était une étape fondamentale ; il ne s'agit absolument pas de la remettre en cause, mais de faire mieux. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Je ne vois pas pourquoi nous n'y parviendrions pas. Or la proposition qui vous est soumise permet justement de faire mieux, d'aller plus loin, de parfaire en somme ce que le législateur a fait en 2000. (Même mouvement.)
Je veux répondre à MM. Hunault et Bayrou.
Dans la lettre qu'elle m'a adressée le 10 septembre 2010, Mme Versini évoquait deux hypothèses. La première, qui avait sa préférence, était le maintien d'un défenseur des enfants spécifique et indépendant. Mais « si les travaux de votre assemblée l'amenaient à retenir le deuxième schéma, dans la continuité du texte adopté par le Sénat », écrivait-elle, « il me paraîtrait indispensable de réexaminer deux points particulièrement fondamentaux ».
« En premier lieu, la délégation faite au Défenseur des enfants », laquelle comporterait deux aspects : « donner un avis et faire des recommandations sur les textes législatifs et réglementaires concernant les enfants » – il s'agit de l'article 25 – et « présenter un rapport public spécifique aux enfants, idéalement le 20 novembre, date de la journée internationale des droits de l'enfant – il s'agit de l'article 27 ». Or les amendements que j'ai acceptés tiennent compte de ces orientations.
« En second lieu, les garanties de liberté d'opinion et d'immunité professionnelle prévues à l'article 2, alinéa 2, du projet de loi organique au profit du Défenseur des droits devraient être étendues au Défenseur des enfants ». Or, dans cette seconde hypothèse, les trois éléments que Mme Versini appelait de ses voeux ont été intégrés à des amendements.
Voilà pourquoi je soutiens que j'ai scrupuleusement respecté l'orientation tracée par Mme Versini. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l'amendement n°119 .
(Il est procédé au scrutin.)
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 64
Nombre de suffrages exprimés 63
Majorité absolue 32
Pour l'adoption 27
Contre 36
(L'amendement n° 119 n'est pas adopté.)
Cet amendement est le premier d'une série qui vise à renforcer la protection de l'enfant. Nous proposons ainsi d'introduire dans le texte la notion d'« intérêt supérieur de l'enfant », consacrée par l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant, ou de la substituer, le cas échéant, à celle d'« intérêt de l'enfant ».
La notion d'intérêt supérieur donne la priorité à l'intérêt de l'enfant dans toute décision le concernant. Elle a été créée par le droit international afin de compléter les garanties contenues dans les droits eux-mêmes.
En outre, cette notion est directement invocable devant les juridictions françaises. Le Conseil d'État a reconnu très tôt l'applicabilité directe de l'article 3-1 sur l'intérêt supérieur de l'enfant, par sa décision du 22 septembre 1997. Il a ensuite été rejoint par la Cour de cassation, qui a opéré un revirement en admettant l'applicabilité de l'article 3-1 sur l'intérêt supérieur de l'enfant et celle de l'article 12 sur le droit de l'enfant à s'exprimer sur toute question l'intéressant et sur toute procédure le concernant. Ainsi, les deux plus hautes juridictions françaises ont aujourd'hui la même position sur l'applicabilité de la notion d'intérêt supérieur de l'enfant.
Nous proposons ici de conforter cette évolution de notre droit en intégrant cette notion au projet de loi.
La parole est à Mme Henriette Martinez, pour soutenir l'amendement n° 180 .
Je considère, moi aussi, que la notion d'intérêt supérieur de l'enfant renforce les droits de l'enfant.
En effet, il existe des cas de protection de l'enfance où il ne s'agit pas de droits au sens strict, ni même au sens de la convention internationale des droits de l'enfant, mais où il s'agit de l'intérêt supérieur de l'enfant, tel que le définit la loi du 5 mars 2007 : la satisfaction de ses besoins physiques, affectifs, intellectuels et sociaux.
Ainsi, dans bien des cas de maltraitance, notamment psychologique, par exemple lorsque des enfants se trouvent dans une secte, ce ne sont pas les droits de l'enfant que l'on met en avant, mais son intérêt supérieur à être dans une situation saine du point de vue de son éducation et de la satisfaction de ses besoins.
Voilà pourquoi la mention de l'intérêt supérieur de l'enfant complète et renforce celle de ses droits.
Plusieurs députés du groupe UMP. Bravo !
Le champ d'intervention de la HALDE vise autant les personnes publiques que les personnes privées. Pour mémoire, les réclamations reçues par la HALDE depuis sa création concernent à 30,54 % le domaine de l'emploi privé, à 11,09 % les biens et services privés, et à 3,04 % le logement privé.
Il convient donc de préciser cette spécificité dans la définition du champ de compétences du Défenseur des droits.
(L'amendement n° 188 , accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.)
La parole est à M. Christian Vanneste, pour soutenir l'amendement n° 227
Mes chers collègues, cet amendement fait partie d'une proposition que l'on pourrait dire de synthèse entre les deux courants en présence (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) : celui qui va dans le sens de la loi, c'est-à-dire du regroupement ; celui qui souhaite maintenir l'identité de chacune des instances qu'il s'agit de fusionner.
Ainsi, René Dosière et moi-même proposons ici de souligner tout d'abord que la Commission nationale de déontologie de la sécurité et le Contrôleur général des lieux de privation de liberté partagent un même domaine de compétence : la sécurité eu égard aux droits fondamentaux et, en particulier, à la liberté.
Il existe actuellement des chevauchements. Pourquoi les conserver ? Pourquoi faut-il établir une convention entre les deux instances pour savoir, lorsqu'un problème se pose dans une prison, s'il concerne un membre du personnel ou le fonctionnement de l'établissement ?
Cet amendement assure à ces deux autorités une masse critique. On a dit que la CNDS n'avait pas assez de poids ; mais, si l'on fusionne la CNDS et le Contrôleur général, l'ensemble aura plus de poids, et, si on les intègre au Défenseur des droits, ils bénéficieront des moyens de celui-ci. Enfin, cela permettra d'atteindre les objectifs fixés, ce qui est l'un des buts de la loi. Il est vrai qu'entre 2005 et 2009, le budget de la CNDS a dérapé de 41 % ; il est clair qu'il faut arrêter cette dérive.
En revanche, plusieurs des amendements que nous allons défendre par la suite permettent de compenser cette fusion, notamment, à l'article 11, en soulignant la nécessaire collégialité de l'ensemble constitué par la CNDS et le Contrôleur général. C'était du reste le souhait de M. Delarue : « s'agissant de questions aussi délicates », nous disait-il, « je ressens le besoin d'un fonctionnement collectif ».
Deuxièmement, il faut une dénomination forte. Or, actuellement, il n'y en a pas : il s'agit d'un adjoint. Seul le Défenseur des enfants conserve une dénomination spécifique. Nous proposons pour notre part le nom de « Contrôleur général de la sécurité ».
Vient enfin le mode d'élection, évoqué d'emblée par M. Dosière.
En adoptant cet amendement, premier de la série, nous respecterons les intentions profondes qui ont présidé à la loi ; ce sera plus efficace, plus fort, et cela coûtera moins cher. Et, en adoptant ensuite nos autres amendements, on montrera que ces instances restent dotées d'une existence solide et que l'on ne noie pas chacune des autorités en place dans le grand bain du Défenseur des droits.
Sur le vote de l'amendement n° 227 , je suis saisie par le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Quel est l'avis de la commission sur cet amendement ?
Je connais bien le point de vue de M. Vanneste, qu'il vient d'exposer à nouveau.
Nous sommes chargés de définir le champ d'intervention du nouveau Défenseur des droits ; j'ai souhaité y intégrer, en accord avec la commission des lois, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté. Nous souhaitons que cela se fasse à l'issue du mandat de M. Delarue.
Avis défavorable, donc.
Même avis.
La réponse du rapporteur aux questions de M. Vanneste n'est absolument pas satisfaisante.
Il s'agit bien de se conformer à la logique de ce texte, qui consiste à regrouper plusieurs compétences. Il se trouve que la CNDS et le Contrôleur général des lieux de privation de liberté ont les mêmes compétences ; nous proposons donc de les regrouper.
Ce sont bien les mêmes compétences, monsieur Clément,...
…et il s'agit dans les deux cas de contrôle, non de médiation, à la différence du Défenseur des enfants et du Médiateur de la République. En outre, il existe des territoires communs aux deux instances – ainsi du domaine pénitentiaire, que vient de citer Christian Vanneste. Nous proposons donc, dans le cadre de ce texte comme dans le rapport que nous avons rédigé au nom du Comité d'évaluation et de contrôle, de regrouper ces deux organismes.
Le rapporteur nous a suivis sur le Contrôleur général des lieux de privation de liberté, mais non sur la CNDS – après avoir hésité, semble-t-il. Il faut être plus conséquent, en regroupant les deux et en les intégrant au Défenseur des droits. Cette opération sera gage de simplification et, certainement, d'économie ; elle renforcera le rôle de la CNDS comme celui du Contrôleur général, même si elle n'a lieu qu'en 2014.
On voit qu'il ne s'agit pas d'un débat entre la droite et la gauche, puisque certains amendements sont cosignés par un collègue de l'UMP et par le groupe socialiste. (Exclamations sur quelques bancs du groupe SRC.)
Je dois dire que je suis stupéfait des explications du rapporteur, quelle que soit l'estime que je lui porte. (Sourires.) Nous avons décidé de supprimer le Contrôleur des prisons, nous dit-il, et ce sera fait en 2014.
Monsieur le ministre, vous avez élevé le débat tout à l'heure, et vous avez apporté des réponses très précises. Je ne peux que saluer la manière dont vous abordez ce débat, qui a son importance.
Le Contrôleur des prisons résulte d'un texte, la loi pénitentiaire, voté en application des recommandations du comité de prévention de la torture du Conseil de l'Europe,…
…qui conseille l'adoption de mécanismes de contrôle des lieux privatifs de liberté.
Lorsque Mme Lebranchu était garde des sceaux, la création du Contrôleur des prisons a suscité un accord unanime. Nos groupes respectifs ont déposé des propositions de loi en ce sens. Et voilà que le rapporteur déclare : « Nous, nous avons décidé de le supprimer en 2014 ! »
Que l'on explique au moins pourquoi il faudrait le fondre dans le Défenseur des droits. À mon sens, on affaiblit le Contrôleur en en décidant aujourd'hui la suppression future.
Car le Contrôleur a une mission ; et s'il était vraiment inutile, monsieur le rapporteur, il aurait fallu aller jusqu'au bout, en le supprimant ce soir même.
Au lieu de décider de le supprimer en 2014, pourquoi ne pas dresser le bilan de son action à cette date ? Je m'adresse aux députés de la majorité.
Il me paraît plus intelligent de prévoir, comme les deux auteurs de l'amendement, une fusion en 2014.
C'est pourquoi, monsieur le ministre, je compte sur vous pour me dire si la suppression annoncée pour 2014 est conforme aux engagements pris au sein du Conseil de l'Europe. Nous qui faisons la loi, nous sommes tenus par nos engagements européens. Nous avons voté nombre de lois transposant des textes ou recommandations émanant de l'Union européenne ou du Conseil de l'Europe.
J'aurais aimé que le rapporteur se donne la peine de nous rassurer sur cette suppression qui affaiblit l'institution.
Je regrette beaucoup le ton employé par M. Hunault. Il y a des limites : je ne suis pas là pour accepter ce genre de propos.
Les observations de l'opposition me gênent beaucoup moins que celles de M. Hunault.
L'amendement proposé vise à ce que l'intégration du Défenseur des droits dans la CNDS n'intervienne qu'en juillet 2014, lorsque les compétences du Contrôleur général des lieux de privation de liberté reviendront également au Défenseur. Il aurait pour effet d'obliger à nommer en 2012 un nouveau président et de nouveaux membres de la CNDS, pour un mandat écourté. Ce ne serait pas forcément plus opportun qu'une fusion immédiate de la CNDS dans le Défenseur des droits.
En outre, les tâches de la CNDS et du Contrôleur sont proches mais néanmoins distinctes et les chevauchements pourront être évités dès lors que le Défenseur des droits se substituera à l'actuelle CNDS dans la convention conclue avec le Contrôleur pour la répartition de compétences.
Pour ce qui est de l'« élévation du niveau », monsieur Hunault, je crois donc vous avoir apporté satisfaction.
Enfin, je vous précise que j'ai auditionné le président de la CNDS, sans qu'aucune difficulté soit apparue dans l'analyse que nous avons pu effectuer ensemble.
Je confirme l'avis défavorable de la commission.
Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l'amendement n° 227 .
(Il est procédé au scrutin.)
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 50
Nombre de suffrages exprimés 48
Majorité absolue 25
Pour l'adoption 26
Contre 22
(L'amendement n° 227 est adopté.)
Nous pouvons remercier M. Clément : grâce à lui, l'amendement a été voté !
Ne vous énervez pas, monsieur Clément. Cela a été pris en compte par le service de la séance : une mise au point sera faite.
La parole est à M. Jean-Pierre Decool, pour soutenir l'amendement n° 263 .
Cet amendement a pour objet d'étendre les compétences du Défenseur des droits en lui octroyant le pouvoir d'engager et de poursuivre d'office toute enquête entrant dans le champ d'application de ses compétences.
Cet amendement, qui n'a pas été examiné par la commission, est satisfait par l'article 5 dont le dernier alinéa permet au Défenseur de s'auto-saisir.
Je vais une nouvelle fois demander à M. Decool de retirer son amendement. Il repose sur une excellente idée, mais il est déjà satisfait.
(L'amendement n° 263 est retiré.)
(L'article 4, amendé, est adopté.)
La parole est à Mme Muriel Marland-Militello, pour soutenir l'amendement n° 241 à l'article 5.
Cet amendement vise à prévenir un problème d'interprétation.
Dans les cas où les associations peuvent saisir le Défenseur des droits pour des tiers, qu'il s'agisse de lutte contre les discriminations ou de protection de l'enfance, le présent projet de loi pose une condition d'ancienneté de cinq ans pour que leurs demandes soient recevables.
Par souci de clarté, il convient de rappeler que la saisine personnelle visée par l'alinéa 2 de l'article 5 n'est pas soumise à une telle condition d'ancienneté : elle est ouverte à toutes les associations, dès leur déclaration.
Cet amendement est déjà satisfait. Le texte ne laisse aucun doute : toute association pourra saisir le Défenseur des droits dès lors qu'elle estimera que les droits et libertés d'une personne auront été lésés par le fonctionnement d'une administration de l'État, d'une collectivité territoriale, d'un établissement public ou d'un organisme investi d'une mission de service public.
Je vous suggère donc de retirer votre amendement, madame la députée.
C'est bien volontiers que je le fais, monsieur le ministre. J'apprécie votre réponse, un peu moins celle du rapporteur. (Exclamations et rires sur les bancs du groupe SRC.)
Il est défendu.
(L'amendement n° 132 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Chers collègues, je voudrais vous dire ma satisfaction, ainsi que celle de Christian Vanneste, après l'adoption de l'amendement n° 227 qui fait suite aux travaux que nous avons menés au sein de cette assemblée.
Cet amendement n° 228 , rédactionnel, vise à tirer les conséquences du vote intervenu tout à l'heure. Il serait logique de l'adopter par éviter toute incohérence.
Je comprends bien la position de M. Dosière, mais, par cohérence également, je suis défavorable à cet amendement. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Mais non ! La cohérence veut qu'il soit adopté !
(L'amendement n° 228 n'est pas adopté.)
La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas, pour soutenir l'amendement n° 2 .
N'oublions pas, mes chers collègues, que le Conseil d'État impose que la loi soit la plus claire possible. Or, le vote qui vient d'intervenir est totalement absurde. Par souci de cohérence, le ministre aurait au moins dû s'en remettre à la sagesse de l'Assemblée – mais je mettrai ce résultat grotesque sur le compte de la fatigue qui commence à gagner l'hémicycle.
Selon la rédaction actuelle de l'article 5, une association peut saisir le Défenseur des droits en cas de non-respect du droit des enfants ou de discrimination mais non dans les affaires relatives à la déontologie de la sécurité.
Notre amendement vise à combler cette lacune.
(L'amendement n° 2 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas, pour soutenir l'amendement n° 3 .
Il est défendu.
(L'amendement n° 3 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
L'efficacité de la protection des libertés dépend largement de l'ouverture des possibilités de saisine des institutions qui en ont la charge. C'est la raison pour laquelle les recours administratifs sont simples et gratuits et que l'intérêt à agir y est entendu de manière large. Cela vaut également pour les autorités administratives.
Les modalités de saisine des autorités existantes sont hétérogènes. Certaines, comme la HALDE, peuvent s'auto-saisir, le Défenseur des enfants peut être saisi directement par les enfants et leurs proches, mais la CNDS ne peut ni être saisie directement, ni s'auto-saisir. Elle a d'ailleurs dénoncé ces restrictions avec force dans un communiqué relatif au Défenseur des droits.
La rédaction de l'article 5 issue du Sénat était plus ouverte que celle aujourd'hui soumise au débat. En commission, le souci d'améliorer la qualité juridique du texte a conduit au rétrécissement du champ de la saisine, supprimant plusieurs possibilités de saisine lorsque l'intérêt supérieur de l'enfant est en cause.
Afin de mieux garantir la protection des droits et libertés par le Défenseur des droits, nous proposons de rétablir le champ de la saisine tel qu'il a été défini au Sénat.
Le Défenseur peut être saisi par toute autorité. Cet amendement est donc inutile. Avis défavorable.
Cet amendement est satisfait. Je propose donc à M. Vaxès de le retirer.
Je souhaiterais que M. le ministre m'indique pour quelles raisons il considère que cet amendement est satisfait. Je note d'ailleurs une certaine contradiction entre la position du ministre et celle du rapporteur, qui se dit hostile à cette rédaction.
En l'occurrence, il n'y a aucune contradiction !
(L'amendement n° 133 n'est pas adopté.)
La parole est à M. Jean-Pierre Decool, pour défendre l'amendement n° 201 .
Nous proposons par cet amendement que tout syndicat puisse saisir le Défenseur des droits, notamment pour des motifs de lutte contre les discriminations, afin de mener une action collective.
Cet amendement est satisfait puisque toute association dont l'objet est la lutte contre les discriminations a la possibilité de saisir le Défenseur si elle est déclarée depuis cinq ans.
Même avis.
Un syndicat n'est pas une simple association. Il ne relève pas des mêmes statuts.
Qui peut le plus peut le moins. Ce qui est permis à une association l'est a fortiori à un syndicat.
(L'amendement n° 4 n'est pas adopté.)
La parole est à Mme Muriel Marland-Militello, pour soutenir l'amendement n° 242 .
Il s'agit d'appliquer la même condition d'ancienneté – cinq ans d'existence – aux associations, qu'elles aient pour objet la lutte contre les discriminations, la protection de l'enfance ou le respect des droits fondamentaux des personnes privées de liberté.
L'adoption de l'amendement aboutirait à restreindre le champ d'action des associations concernées. Je vous suggère donc de retirer cet amendement, chère collègue.
Le Gouvernement a le même avis. Cet amendement conduirait à limiter le nombre d'associations pouvant saisir le Défenseur. Comme je pense que ce n'est pas le but que vous poursuivez, madame la députée, je vous demanderai de bien vouloir retirer votre amendement.
Comment expliquez-vous que cette condition d'ancienneté s'applique aux seules associations ayant pour objet la lutte contre les discriminations et la protection de l'enfance ? Mieux vaudrait ne l'appliquer à aucune.
Votre position me paraît incohérente. Vous restreignez les possibilités de saisine pour un certain type d'actions et pas pour les autres.
Je veux bien retirer l'amendement si vous supprimez la condition d'ancienneté pour toutes les associations, quelles que soient les actions qu'elles mènent.
Nous avons repris le mode de fonctionnement du Défenseur des enfants, qui prévoit des exceptions. C'est la raison pour laquelle il n'y a pas de règle générale. Nous avons repris ce qui existait déjà pour ne pas restreindre le champ de compétences ni le mode de saisine des autorités administratives préexistantes.
Pour saisir le Contrôleur général des lieux de privation de liberté, il n'y a pas aujourd'hui de condition d'ancienneté : toute association peut le faire. L'amendement aboutirait donc à un recul. C'est pourquoi la commission, à son grand regret, s'est sentie obligée de donner un avis défavorable.
Pour le Contrôleur général des lieux de privation de liberté, je le souligne, nous sommes allés très loin puisque nous avons demandé que sa saisine ne soit assortie d'aucune condition. Ne faisons pas marche arrière avec le Défenseur : gardons les mêmes règles sans les rendre plus strictes.
(L'amendement n° 242 est retiré.)
Cet amendement tend à permettre au Défenseur des droits de se saisir d'office des cas lui paraissant mettre en cause l'intérêt et les droits de l'enfant lorsqu'ils lui sont signalés par des personnes n'entrant pas dans les catégories précitées. Il s'agit d'élargir le champ de l'autosaisine du Défenseur des droits et de repréciser les cas où l'intérêt supérieur et les droits de l'enfant sont en danger. Dans de tels cas, tout signalement par toute personne doit pouvoir susciter l'autosaisine.
La parole est à M. Jean-Pierre Decool, pour soutenir l'amendement n° 288 .
L'article 5 énonce : « Le Défenseur des droits peut en outre se saisir d'office ou être saisi par les ayants droit de la personne dont les droits et libertés sont en cause. » Je comprends bien l'intention des auteurs des amendements, mais leur adoption aurait pour effet de limiter l'autosaisine aux seules questions relatives aux droits de l'enfant. Je souhaite donc leur retrait.
Je partage tout à fait l'avis du rapporteur. Les amendements auraient pour conséquence, non souhaitée par leurs auteurs de restreindre la capacité d'autosaisine du Défenseur des droits, prévue de façon très large à l'article 5.
La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas, pour soutenir l'amendement n° 5 .
C'est un amendement qui ne bouleversera pas l'équilibre du texte. Le ministre ne cesse de présenter comme un progrès la possibilité de saisir directement le Défenseur. Nous ne voudrions pas que l'effet amplificateur de cette faculté soit bridé par une éventuelle décision ultérieure de soumettre cette saisine à des formes particulières.
Aussi suggérons-nous de préciser dans la loi que « les réclamations ne sont soumises à aucune condition de forme particulière », ce qui laisse la possibilité à tous les citoyens de saisir par tous moyens le Défenseur des droits.
L'objectif est légitime, mais l'article 6 garantit déjà la gratuité et l'absence de formalité particulière pour saisir le Défenseur des droits. La commission a repoussé l'amendement.
Comme vient de l'indiquer le rapporteur, l'amendement est satisfait par l'article 6.
Je ne comprends pas bien l'argumentation du rapporteur. Je lis l'article 6, qui précise que la saisine est gratuite, mais je ne vois rien sur les formes qu'elle peut prendre.
La question de la forme de la saisine mérite que l'on s'y attarde. À l'appui de l'amendement, j'établirai un parallèle avec la Cour européenne des droits de l'homme, que l'on saisit, j'ai pu le constater en visitant dans la salle du courrier, sans y mettre de forme particulière.
Il faut aller plus loin que les dispositions de l'article 6. Saisir le Défenseur des droits doit être à la portée de tout le monde. Monsieur le ministre, j'aimerais que vous preniez le temps de nous rassurer et que vous nous assuriez qu'aucune saisine ne sera rejetée pour non-respect des modalités. Il faut répondre avec précision à la question que pose l'amendement. C'est important, car chacun sait que le formalisme éloigne des institutions ceux qui ont justement le plus besoin d'être défendus.
Je veux bien répondre à tous ceux qui m'interrogent.
Ai-je dit le contraire ? Je sais parfaitement que je suis là au service de la représentation nationale, et c'est avec plaisir. (Sourires et applaudissements sur divers bancs.) J'ai toujours plaisir à être dans une enceinte parlementaire, c'est même là où je me sens le mieux. Je n'ai donc aucun problème.
Pour répondre aux remarques, toujours pertinentes et importantes, de M. Hunault, je m'en tiens à des règles de base simples : lorsque rien n'est dit, c'est la liberté qui prévaut.
Le Défenseur des droits prévoira peut-être des conditions de traduction de la demande pour la rendre intelligible par lui-même, par ses adjoints et par les collèges, mais il n'y a pas lieu de prévoir de procédure supplémentaire. Tel qu'il est, le projet de loi est un texte de liberté.
L'inscrire dans le texte reviendrait justement à mettre en place un tout autre système. Pour ma part, j'en reste à un principe simple : la liberté est la règle, la mesure de police l'exception. C'est vrai pour tout.
Vraisemblablement, le Défenseur des droits va se doter d'un règlement intérieur. Qui nous dit qu'il ne prévoira pas, à cette occasion, un certain formalisme en ce qui concerne le dépôt des requêtes ? Cet amendement me semble justifié.
(L'amendement n° 5 est adopté.)
La parole est à M. Jean-Pierre Decool, pour soutenir l'amendement n° 264 .
Il s'agit de préciser que, pour les questions relevant de sa compétence, le Défenseur des droits ne pourra être saisi par une autorité administrative.
La saisine du Défenseur des droits est ouverte à des personnes physiques ou morales. Toutefois, la plupart des autorités administratives indépendantes n'ayant pas la personnalité morale, elles ne seront de toute façon pas susceptibles de saisir le Défenseur des droits. Par conséquent, l'amendement est, pour l'essentiel, déjà satisfait.
Si l'on souhaitait exclure les quelques autorités qui ont la personnalité morale, il faudrait utiliser l'expression « autorité publique indépendante ». Avis défavorable.
Même position.
S'il était écrit « autorité publique indépendante », la commission n'aurait en effet plus d'objection formelle – mais la portée de l'amendement serait faible.
Pourriez-vous, monsieur le président, lire le texte de la rectification ?
« Aucune autorité publique indépendante ne peut présenter de demande devant le Défenseur des droits pour des questions relevant de sa compétence. »
(L'amendement n° 264 , tel qu'il vient d'être rectifié, est adopté.)
(L'article 5, amendé, est adopté.)
La parole est à Mme Edwige Antier, pour soutenir l'amendement, n° 276 , portant article additionnel après l'article 5.
Nous avons eu tout à l'heure une longue discussion autour de la spécificité du Défenseur des enfants. J'ai noté avec intérêt qu'une quasi-unanimité se dégageait pour affirmer qu'il méritait une attention vraiment particulière. C'est évident, car il n'est pas, comme le disait fort bien le ministre, le défenseur des droits de l'enfant, mais des enfants eux-mêmes.
Les enfants ne savent pas qu'ils ont des droits ; ils pensent même qu'ils n'en ont pas. Ils n'iront jamais saisir directement le Défenseur des droits. Ils ont besoin de sentir que quelqu'un défend les enfants. Il faut donc que le Défenseur des enfants, adjoint du Défenseur des droits, puisse être saisi directement. Quand un enfant a un grave problème de maltraitance, il doit pouvoir s'adresser à celui dont il pense qu'il va le défendre. Pour résoudre les problèmes de visibilité soulignés tout à l'heure, je propose d'introduire une possibilité de saisine directe du Défenseur des enfants, bien sûr effectuée simultanément auprès du Défenseur des droits. Il faut vraiment individualiser la requête auprès du Défenseur des enfants. Je vous remercie d'y être sensibles.
Madame Antier, nous avons beaucoup débattu de cette question. Si je suis d'accord pour donner au Défenseur des enfants la plus grande visibilité possible, la saisine directe d'un adjoint serait contraire à la logique que nous avons retenue d'une délégation de compétence du Défenseur des droits à ses adjoints. L'amendement a été repoussé par la commission, même si je comprends votre objectif.
Je comprends très bien la demande de Mme Antier, mais l'Assemblée nationale vient de se prononcer sur cette question. Elle n'a pas voté l'amendement présenté par M. Bayrou et a accepté le texte du projet de loi organique présenté par la commission. Dès lors, seul peut être saisi le Défenseur des droits.
Le défenseur des enfants existera en tant qu'adjoint et pourra être indirectement saisi. Je propose à Mme Antier de retirer son amendement.
Monsieur le ministre, je ne souhaite pas du tout que Mme Antier retire son amendement qui témoigne de son engagement en faveur des enfants, qu'elle défend aussi en dehors de cet hémicycle. Au moins, elle est fidèle à son engagement ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le ministre, nous avons été un certain nombre, tout à l'heure, à défendre un amendement et nous avons été mis en minorité : à l'article 4, le Défenseur des enfants a été supprimé. Nous en prenons acte.
Mais, monsieur le ministre – et je vous redis combien j'apprécie le temps que vous passez à répondre ce soir à ces interrogations, qui sont importantes –, vous nous avez dit que le Défenseur des enfants restait le seul adjoint nommément identifié,…
Tout à fait !
…et vous avez, en réponse à un certain nombre de légitimes interrogations, rappelé les modalités de saisine du Défenseur des droits, en disant que l'enfant pourrait le saisir directement.
Ce que demande Mme Antier, c'est que le Défenseur des enfants puisse, lui aussi, être directement saisi. Et vous lui répondez que non : il faudra que les enfants saisissent le Défenseur des droits. Je crois qu'il y a pourtant une certaine logique dans le raisonnement de Mme Antier.
Monsieur le rapporteur, j'ai beaucoup de respect pour votre travail. Nous avons été mis en minorité et un certain nombre d'autorités indépendantes ont été supprimées, mais je crois que nous aurions intérêt, à ce stade de la discussion, à bien préciser les modalités de saisine, comme cela a été fait grâce à des amendements qui ont été adoptés, notamment à l'initiative de Mme Martinez.
Par cet amendement de précision, Mme Antier ne fait, comme Mme Martinez précédemment, que conforter cette autorité qu'est le nouveau Défenseur des droits, doté d'un adjoint identifié, en précisant que les enfants pourront saisir cet adjoint. Je pense que nous sommes là dans une logique qui correspond à ce qui a été voté tout à l'heure.
Non !
L'amendement de Mme Antier présente l'avantage d'aller jusqu'au bout de la contradiction dans laquelle se trouve la majorité. En effet, madame Antier, compte tenu de la conviction que vous avez mise à défendre votre amendement, il aurait fallu que vous nous suiviez sur l'article 5, c'est-à-dire que vous votiez contre, que vous conserviez ainsi au Défenseur des enfants son autonomie, et donc la position qui est la sienne, car tous les arguments que vous avez développés sont ceux que nous avons avancés hier soir dans la discussion générale, et tout à l'heure encore dans la discussion de l'article 5.
Il s'agit ici de la visibilité du Défenseur des enfants. Or il est essentiel qu'elle subsiste. Mme Versini nous a dit de la manière la plus explicite qui soit qu'elle recevait tous les jours des mails ou des courriers d'enfants, donc de mineurs, qui s'adressent à elle parce qu'elle est le Défenseur des enfants.
Comme nous l'a d'ailleurs très bien dit Mme Antier, le Défenseur des droits n'a pas le même sens pour des enfants. Quel rapport peuvent-ils établir entre lui – même si l'on dit qu'il sera aussi le défenseur des droits des enfants – et le Défenseur des enfants ?
Ce dernier a acquis depuis 2000, en plus de dix ans d'existence, une visibilité. C'est pour cela que des enfants s'adressent directement à lui. C'est ce qui fait sa spécificité, cette originalité que nous voulons à tout prix préserver ; elle est essentielle pour toutes celles et tous ceux qui sont attachés à l'intérêt supérieur de l'enfant, garanti par une convention internationale que la France s'honore d'avoir signée.
D'une certaine façon, votre amendement est donc un amendement de rattrapage. Nous le voterons, bien entendu ; nous regrettons néanmoins que le Défenseur des enfants soit considéré – vous le dites d'ailleurs – comme un adjoint du Défenseur des droits. Cet amendement vise donc, tant bien que mal, à garder au Défenseur des enfants la visibilité qu'il a actuellement et qui risque de disparaître totalement si ce mauvais projet de loi est voté.
Je veux dire à Mme Antier que si nous n'avons pas accepté – à notre grand regret – cet amendement, c'est tout simplement parce qu'il est en contradiction avec l'article 5.
Nous avons en effet voté l'article 5, qui dispose que le Défenseur des droits est saisi « par un enfant lorsqu'il invoque la protection de ses droits ou une situation mettant en cause son intérêt » et qu'« il peut également être saisi par les représentants légaux de l'enfant, les membres de sa famille, les services médicaux ou sociaux ou toute association régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans à la date des faits et se proposant par ses statuts de défendre les droits de l'enfant ». L'objectif visé est donc déjà atteint, et l'amendement est contradictoire avec l'article 5.
Cela autant, j'ai très bien entendu ce qu'a dit Patrick Bloche ; il a raison, mais le problème ne tient pas à un simple alinéa d'un texte législatif : c'est une question d'organisation interne.
L'existence du Défenseur des droits devra évidemment être indiquée par des affiches dans toutes les écoles et dans tous les lieux accueillant des enfants ; il devra y avoir, tout aussi évidemment, un numéro de téléphone gratuit pour le joindre.
C'est une question de communication et d'accessibilité de l'institution. Mais les conditions juridiques de la saisine ont déjà été décidées à l'article 5, avec lequel cet amendement ne peut pas s'articuler, car il est en contradiction avec lui.
Je respecte votre avis, qui est différent ; respectez celui de la commission !
C'est la raison pour laquelle nous avons émis un avis défavorable.
Je vais répondre aux deux objections.
La première revient à dire : si l'on instaure la saisine directe du Défenseur des enfants, autant revenir au Défenseur des enfants tel qu'il est.
Eh bien non, car le Défenseur des enfants, tel qu'il est – et je l'ai souvent sollicité –, n'a pas assez de pouvoirs. En particulier, il n'a ni le pouvoir d'injonction ni celui d'aller en justice.
L'affaire d'Outreau a été un drame pour les enfants parce que le Défenseur des enfants – vous pourrez demander à Mme Claire Brisset comment cela s'est passé – ne pouvait pas participer à la procédure. Le Défenseur des droits, lui, aura une telle prérogative.
Il y a donc une différence.
En revanche, le Défenseur des droits est une institution qui n'évoque rien pour les enfants : ils veulent quelqu'un qui les défende et à qui ils pourront s'adresser en confiance.
C'est donc justement pour donner du sens à votre texte que je vous soumets cet amendement. Si vous ne le retenez pas, libre à vous – chacun prend ses responsabilités. Mais il faut que le Défenseur des enfants puisse être saisi directement, afin d'être identifié par les enfants comme celui qui les défend.
Le Défenseur des droits, je le répète, cela n'a pas de sens pour un enfant. L'enfant ne sait même pas qu'il a des droits !
J'ai défendu hier soir la suppression du Défenseur des enfants et son intégration dans le Défenseur des droits, pour un grand nombre de raisons. Je pense notamment que c'est une bonne chose pour l'institution, car elle aura plus de pouvoir pour agir en faveur des enfants.
Pour autant, j'ai défendu aussi le principe d'une visibilité de cet adjoint chargé de la défense des enfants. Je crois que Patrick Bloche a utilisé un mauvais argument,…
…parmi d'autres excellents, lorsqu'il a dit revenir à la position qu'il a défendue hier soir, c'est-à-dire le maintien du Défenseur des enfants.
Pour ma part, je suis favorable à l'amendement de Mme Antier, mais j'approuve également l'intégration du Défenseur des enfants dans le Défenseur des droits. Je pense que l'on peut concilier les deux. Donner une visibilité à cet adjoint qui sera Défenseur des enfants en permettant sa saisine directe par les enfants n'enlève rien au texte, à sa cohérence, pas plus qu'à l'organigramme de l'institution, mais cela donnera une visibilité et un poids accrus à son action.
(L'amendement n° 276 est adopté.)
La parole est à Mme Edwige Antier, pour présenter l'amendement n° 277 à l'article 6.
Par cohérence avec ce que nous avions dit, la commission a repoussé cet amendement qui autonomiserait les adjoints.
Même position.
(L'amendement n° 277 est adopté.)
La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas, pour soutenir l'amendement n° 6 .
Il est défendu.
(L'amendement n° 6 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Il s'agit encore d'un amendement de cohérence.
(L'amendement n° 278 , repoussé par la commission et le Gouvernement, est adopté.)
(L'article 6, amendé, est adopté.)
La parole est à M. Jean-Pierre Decool, pour présenter l'amendement, n° 265 , portant article additionnel après l'article 6.
Cet amendement de précision vise à définir la manière dont la demande est formulée. Quelques formalités indispensables sont à remplir afin de rendre valable toute saisine : nom, prénom, domicile. La demande ne pourra donc subir aucune censure.
Par ailleurs, il convient d'assortir d'un délai au droit de saisine du Défenseur des droits. Fixer celui-ci à un an à compter du moment où l'intéressé a pris connaissance des faits qui constituent la demande semble raisonnable.
Enfin, l'amendement prévoit la possibilité du rejet, par le Défenseur des droits, de toute demande formulée de mauvaise foi ou sans fondement légitime.
Je voudrais dire à M. Decool que son amendement est extrêmement restrictif et qu'il serait bon qu'il le retire, car ce que nous voulons, c'est au contraire élargir le champ d'action du Défenseur des droits.
Si nous adoptions cet amendement, nous serions incohérents par rapport à ce que nous disions tout à l'heure sur la liberté et l'absence de formalisme. Je ne suis pas certain, en plus, que cela soit du ressort de la loi.
La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas, pour présenter l'amendement n° 7 à l'article 7.
C'est un amendement que j'avais déjà défendu en commission, et j'avoue ne pas y avoir été convaincu par les arguments du rapporteur. Je reviens donc à la charge.
Il s'agit toujours de la saisine directe du Défenseur des droits, que l'on nous présente comme étant un progrès par rapport à l'existant, ce dont je veux bien convenir – mais il se trouve que, parallèlement, on prévoit que les parlementaires pourront également continuer de le saisir.
Je propose donc que nous supprimions cette voie ouverte aux parlementaires. Pourquoi ? Parce que le Défenseur n'est pas obligé de répondre à toutes les personnes qui le sollicitent. C'est d'ailleurs regrettable, car nous ne saurons pas pourquoi telle sollicitation n'a pas été acceptée tandis que telle autre l'a été.
Si, en revanche, un parlementaire lui écrit, nous avons la faiblesse de penser que le Défenseur lui répondra. Cela créera donc une sorte d'inégalité entre les citoyens qui seront passés par un parlementaire pour saisir le Défenseur des droits et ceux qui se seront adressés directement à lui. On continuera donc de penser que les parlementaires sont une voie d'accès privilégiée, ce qui est contraire à l'esprit que le garde des sceaux essaye d'infuser. Je ne vois donc pas pourquoi les parlementaires seraient privilégiés.
La commission a rejeté cet amendement. Je trouverais dommage que l'on ne conserve pas le dispositif de saisine par un parlementaire, car cela supprimerait un lien utile entre le Parlement et le Défenseur des droits.
Mais nous sommes des citoyens !
(L'amendement n° 7 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.)
La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas, pour soutenir l'amendement n° 8 .
C'est un amendement que le ministre va soutenir, je n'en doute pas, puisqu'il avait s'était engagé, devant la commission, à ce que le Défenseur des droits soit dépositaire de l'ensemble des compétences aujourd'hui dévolues aux autorités administratives indépendantes.
Or il me semble précisément qu'il y a une lacune. Le présent amendement reprend donc le dispositif prévu à l'article 1er de la loi du 6 mars 2000 relative au Défenseur des enfants et à l'article 6 de la loi du 3 janvier 1973 instituant un Médiateur de la république, concernant le pouvoir de transmission au Défenseur des droits d'une pétition dont l'une des assemblées du Parlement aurait été saisie.
Je ne dis pas que c'est une prérogative qui servira tous les matins, mais, dès lors que l'engagement a été pris de rester à droit constant, il n'y a pas de raison que, même sur un point qui peut paraître mineur, le texte soit en retrait.
Favorable, sous réserve qu'il soit écrit : « de son assemblée » et non pas : « de leur assemblée ».
L'amendement est donc ainsi rectifié : « sur la demande de l'une des commissions permanentes de son assemblée, le Président de l'Assemblée nationale… » – le reste sans changement.
(L'amendement n° 8 , tel qu'il vient d'être rectifié, accepté par le Gouvernement, est adopté.)
(L'article 7, amendé, est adopté.)
La parole est à Mme Edwige Antier, pour soutenir l'amendement n° 279 rectifié à l'article 8.
Il s'agit de permettre l'autosaisine du Défenseur des droits et du Défenseur des enfants, pour ce qui concerne les enfants : beaucoup d'entre eux subissent des mauvais traitements, tant physiques que psychologiques, mais ils ont peu accès à la parole. Il faut donc que le Défenseur des droits et le Défenseur des enfants puissent s'auto-saisir.
Défavorable. Il ne peut y avoir autosaisine : ce serait contraire à la Constitution.
(L'amendement n° 279 rectifié n'est pas adopté.)
Il se situe dans la continuité de celui qui a été adopté tout à l'heure.
La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas, pour soutenir l'amendement n° 9 .
Le Défenseur des droits peut se saisir d'office, et sans l'assentiment de la personne ou de ses ayants droit, lorsque sont mis en cause les intérêts d'un enfant. Il convient de prévoir également ce dispositif pour d'autres situations de fragilité, c'est-à-dire pour les majeurs protégés et les personnes vulnérables, ce que ne prévoit pas la rédaction actuelle de l'article 8.
Je comprends l'intention de M. Urvoas, mais l'expression de « majeur vulnérable » pose problème : il ne s'agit pas d'une notion juridique.
Même avis.
Puisque la notion de « majeur vulnérable » ne convient pas, pourquoi ne pas retenir au moins, si M. Urvoas consentait à rectifier l'amendement en ce sens, celle de « majeur protégé » ?
L'amendement est donc rectifié par la suppression des termes « ou vulnérable ».
Je m'en remets à la sagesse de l'Assemblée.
(L'amendement n° 9 , tel qu'il vient d'être rectifié, est adopté.)
(L'article 8, amendé, est adopté.)
Il s'agit de revenir sur une disposition que la commission a cru devoir adopter, et donc de revenir à la rédaction du Sénat.
Il est important pour nous que le Défenseur des droits soit tenu de transmettre aux autorités indépendantes les réclamations qui relèvent de leurs compétences. Ainsi, les citoyens dont les droits et libertés sont en jeu seront réorientés efficacement.
Par ailleurs, il est essentiel que la communication entre les autorités indépendantes soit la meilleure possible, ce que permet la conclusion de conventions. Tel est le cas actuellement : les conditions de transmission des réclamations entre le Défenseur des enfants et le Médiateur de la République sont fixées par une convention.
J'ajoute seulement que Mme Alliot-Marie, lorsqu'elle était garde des sceaux, avait accepté cet amendement au Sénat – amendement d'ailleurs déposé par votre groupe, monsieur le ministre.
Eh oui !
Une telle disposition instaurerait une saisine concurrente du Défenseur des droits et d'autres autorités administratives indépendantes : ce ne serait pas de bonne méthode.
Plutôt que de lui imposer des obligations, faisons confiance au Défenseur.
Cet amendement est, je crois, largement satisfait par le I de l'article 9, qui organise les relations entre le Défenseur des droits et les autres autorités administratives indépendantes. Il ne paraît pas nécessaire de complexifier ce système.
Malgré l'intérêt, le grand intérêt de votre amendement, monsieur Urvoas, je vous demanderai donc de bien vouloir retirer votre amendement. (Sourires.)
Nous allons donc faire l'union de la gauche autour de l'amendement de M. Vaxès. (Sourires.)
J'émets donc un avis défavorable à l'amendement de M. Vaxès. (Sourires.)
(L'amendement n° 135 n'est pas adopté.)
La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas, pour soutenir l'amendement n° 11 rectifié .
Il est défendu.
(L'amendement n° 11 rectifié , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
(L'article 9 est adopté.)
La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas, pour soutenir l'amendement n° 12 à l'article 10.
Nous proposons, là encore, de demeurer à droit constant. Le Médiateur de la République a évoqué ce point, et nous en avions aussi parlé en commission.
Il est possible que des différends opposent des personnes publiques et une administration de l'État, une collectivité territoriale, un établissement public ou un organisme investi d'une mission de service public. Il faut que le Défenseur des droits puisse les examiner.
Le Médiateur joue ce rôle aujourd'hui : il l'a fait, par exemple, dans un conflit entre Voies navigables de France et plusieurs collectivités.
Nous suggérons donc d'ouvrir cette faculté au Défenseur des droits, ce qui n'est pas aujourd'hui le cas.
Défavorable. L'amendement ouvrirait la voie à une saisine du Défenseur des droits pour des litiges entre l'État et les collectivités territoriales, ce qui n'est pas souhaitable.
En revanche, d'autres types de litiges entre collectivités publiques mériteraient d'être transmis au Défenseur des droits. Je vous invite donc à vous rallier plutôt à l'amendement n° 247 que je défendrai tout à l'heure.
Le Gouvernement partage l'avis de la commission, et souligne que les collectivités publiques ne sont pas titulaires de droits et libertés au sens de l'article 71-1 de la Constitution.
Je demande donc à M. Urvoas de bien vouloir retirer son amendement.
(L'amendement n° 12 n'est pas adopté.)
La parole est à Mme Muriel Marland-Militello, pour soutenir l'amendement n° 243 .
Il s'agit de permettre à une personne morale de droit privé mais investie d'une mission de service public – c'est le cas de certaines associations – de saisir le Défenseur des droits d'un différend qui l'opposerait à des administrations de l'État, à des collectivités territoriales, à des établissements publics ou à d'autres organismes investis d'une mission de service public.
J'appelle votre attention sur le fait que cet amendement est conforme à une mesure annoncée par M. le Premier ministre lors de la deuxième conférence de la vie associative, qui s'est tenue au mois de décembre 2009.
Favorable.
Je considère qu'il faut ouvrir le plus largement possible le champ d'intervention du Défenseur des droits. Je vous invite donc, mes chers collègues, à adopter cet amendement.
Sagesse.
(L'amendement n° 243 est adopté.)
Cet amendement, adopté par la commission, a pour objet de réserver le cas des différends qui peuvent opposer des collectivités territoriales et des établissements publics.
Le Médiateur de la République a su faire preuve à plusieurs reprises de sa capacité à résoudre des différends, que ce soit entre Voies navigables de France et des collectivités ou entre Réseau ferré de France et des collectivités. Le Défenseur des droits doit conserver cette possibilité.
Ainsi, le Médiateur a pu intervenir lors d'un conflit entre RFF et plusieurs collectivités locales à propos d'un passage à niveau bruyant, ou lorsque la ville de Lyon et VNF se sont opposées pour un problème de péniches sur la Saône. Il est également intervenu pour des problèmes de cotisations à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales, pour des conflits entre une agence de l'eau et l'Office national des forêts, ou entre des collectivités locales et Pôle Emploi à propos d'agents contractuels.
Pour toutes ces raisons, je souhaite l'extension au Défenseur des droits du dispositif prévu pour le Médiateur de la République.
Je comprends l'intérêt de la proposition de M. le rapporteur, mais je suis obligé de redire que les collectivités locales ne sont pas titulaires de droits et de libertés au sens de l'article 71-1 de la Constitution.
Le Médiateur a pu intervenir, mais sans base légale : la loi ne lui permettait pas plus de le faire que ce texte ne le permet au Défenseur des droits. Cela a pu se faire, mais ce n'était pas inscrit dans la loi.
Si la commission tient particulièrement à son amendement, je rappelle tout de même que le Sénat s'y est farouchement opposé. Je m'en tiendrai donc à un avis de sagesse.
C'est cela. (Sourires.)
(L'amendement n° 247 est adopté.)
La parole est à M. Jean-Jacques Urvoas, pour soutenir l'amendement n° 13 .
Cet amendement a pour objet de permettre au Défenseur des droits d'être saisi ou de se saisir sur la base d'informations transmises par des agents de personnes publiques ou d'organismes investis d'une mission de service public.
Si je lis bien l'amendement, il permettrait au Défenseur des droits d'intervenir dans des litiges entre les administrations et leurs agents mineurs. Ce doit être un cas assez marginal !
Je suggère donc à son auteur de le retirer.
À ce stade de la discussion, quelque chose me gêne : nous sommes en train de créer un Défenseur des droits, et nous précisons par amendements qu'on pourrait le saisir pour un conflit avec RFF ou avec la SNCF, mais pas pour une opposition hiérarchique.
Le constituant a voulu un Défenseur des droits, qui – c'est ce que vous avez majoritairement voulu ce soir – rassemble les pouvoirs d'un certain nombre d'autorités administratives indépendantes actuelles. Convient-il, amendement par amendement, de rentrer dans les détails à ce point et de préciser que ce qui était possible par le passé le restera ? Ne devrions-nous pas plutôt nous en tenir à l'esprit de la Constitution ?
Je ne suis pas certain que restreindre la saisine du Défenseur des droits soit une bonne façon de procéder.
C'est une institution nouvelle : laissons-la vivre, et prendre toute sa place.
Et quelles conséquences tirez-vous de cette proposition ?
(L'amendement n° 13 n'est pas adopté.)
(L'article 10, amendé, est adopté.)
Prochaine séance, jeudi 13 janvier à neuf heures trente :
Suite de la discussion du projet de loi organique et du projet de loi relatifs au Défenseur des droits ;
Discussion, en deuxième lecture, de la proposition de loi relative à la représentation équilibrée des hommes et des femmes dans les conseils d'administration ;
Discussion de la proposition de loi relative au suivi des enfants en danger par la transmission des informations ;
Discussion du projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation de la législation au droit de l'Union européenne en matière de sécurité, de travail et de communications électroniques.
La séance est levée.
(La séance est levée, le jeudi 13 janvier 2011, à zéro heure trente.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,
Claude Azéma