La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
Monsieur le président, je viens de prendre connaissance d'une dépêche de l'AFP qui m'a beaucoup surpris. Et je profite de votre présence, madame la garde des sceaux, pour vous soumettre le cas, même si je sais qu'il convient d'être prudent en matière de décisions des tribunaux civils.
Le tribunal de grande instance de Lille a annulé, au mois d'avril, un mariage « pour erreur sur les qualités essentielles du conjoint », car l'épouse avait menti sur sa virginité, a-t-on appris de l'avocat. Je suis tout de même étonné qu'un tribunal de grande instance français puisse annuler un mariage au motif que l'épouse n'était pas vierge le jour de ses noces, même s'il semble que les deux parties étaient d'accord et que, selon l'avocat,, il aurait pu y avoir rupture du contrat de mariage par consentement mutuel.
Je souhaiterais que, tôt ou tard, vous puissiez nous donner des explications sur cet étonnant jugement.
Ce matin, l'Assemblée a poursuivi l'examen des articles du projet de loi constitutionnelle, s'arrêtant à l'amendement n° 89 rectifié à l'article 26.
La parole est à M. Jean-Luc Warsmann, président et rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, pour soutenir l'amendement n° 89 rectifié .
de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République. Cet amendement tire les conclusions du travail d'audition effectué par la commission des lois. La quasi-totalité des personnes qu'elle a entendues n'estiment pas légitime de limiter le champ de la question préjudicielle de constitutionnalité aux dispositions législatives promulguées postérieurement à 1958. Nous vous proposons donc, par l'amendement n° 89 rectifié , d'appliquer la nouvelle procédure à l'ensemble des lois.
Par ailleurs, plusieurs des personnes entendues ont appelé notre attention sur le risque que cette procédure ne soit utilisée comme une manoeuvre dilatoire pour retarder les jugements, compte tenu en particulier du temps nécessaire au Conseil d'État ou à la Cour de cassation pour jouer le rôle de filtre qui leur est imparti. L'amendement prévoit donc qu'une loi organique fixera le délai dans lequel ces deux juridictions devront se prononcer.
Ce droit nouveau sera apprécié par les justiciables. Mais nous devons prévoir des garde-fous pour qu'il n'en résulte pas un ralentissement des procédures.
La parole est à Mme Rachida Dati, garde des sceaux, ministre de la justice.
Le Gouvernement avait pensé préférable d'éviter toute remise en cause des lois antérieures à la Constitution de 1958, dans un souci de stabilité juridique et parce qu'on pouvait les considérer comme acceptées par le corps social. Mais, dès lors que le Parlement souhaite lui-même que ces lois puissent, elles aussi, être soumises au contrôle du Conseil constitutionnel, le Gouvernement n'a aucune raison de s'y opposer.
Vous souhaitez également que le Conseil d'État et la Cour de cassation se prononcent dans un délai raisonnable. C'est effectivement nécessaire pour ne pas prolonger les procédures et pour que la saisine soit claire. La loi organique fixera un délai de trois mois.
Notre amendement n° 503 est, à nos yeux, beaucoup plus explicite. Nous demandons en effet que soient supprimés les mots « promulguée postérieurement à l'entrée en vigueur de la présente Constitution ». Cela nous semble, monsieur le rapporteur, mieux correspondre à votre volonté d'étendre l'exception d'inconstitutionnalité à l'ensemble de la législation.
Par ailleurs, votre amendement n° 89 rectifié pose en préalable le fait que des dispositions législatives devraient « porter atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit », ce qui créerait une sorte de passage obligé pour que le dispositif soit appliqué. Pourquoi avez-vous préféré cette rédaction ?
Monsieur Le Bouillonnec, mon amendement réécrit l'article 61-1, mais il ne change rien à la rédaction du premier alinéa, hormis la suppression du membre de phrase que vous avez cité. Nous sommes donc entièrement d'accord.
Je mets aux voix l'amendement n° 89 rectifié .
(L'amendement est adopté.)
Je crois comprendre que l'amendement n° 89 rectifié a été adopté en l'état, sans la modification que j'avais suggérée. Cela signifie que mon amendement n° 487 devient inutile, puisqu'il n'y aura plus, par définition, de débat contradictoire possible devant le Conseil constitutionnel.
Je retire donc cet amendement.
L'amendement n° 487 est retiré.
Je mets aux voix l'article 26, dans la rédaction de l'amendement n° 89 rectifié .
(L'article 26, ainsi modifié, est adopté.)
Sur l'article 27, je suis saisi d'un amendement n° 140 .
La parole est à M. Daniel Garrigue, pour le soutenir.
Cet amendement tend à remettre un peu d'ordre dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel et à rappeler quelle est sa véritable mission. Il ne s'agit pas de revenir sur l'ensemble de cette jurisprudence, même s'il est vrai que le Conseil a progressivement élargi le champ des mesures sur lesquelles il se prononce : à savoir l'ensemble du bloc de constitutionnalité. Il n'y a certes pas de raison qu'il se situe, à cet égard, en retrait par rapport à la Cour européenne des droits de l'homme ou à la Cour de justice européenne, qui a elle-même dégagé un certain nombre de principes généraux du droit. Cela étant, la jurisprudence constitutionnelle doit se déterminer en fonction des règles ou des principes généraux. Or, trop souvent, le Conseil a eu tendance à développer des jurisprudences complexes et quelque peu confuses. Je pense en particulier à un certain nombre de décisions récentes en matière de législation pénale ou fiscale qui ne présentent vraiment pas un caractère d'évidence reconnu par tous.
J'ai, ce matin, donné un exemple lors du débat sur l'exception d'inconstitutionnalité : le Conseil constitutionnel s'est donné lui-même le pouvoir de déclarer non constitutionnelles des lois déjà promulguées, ce qui n'avait jamais été prévu par la Constitution jusqu'à la présente révision. Il est important de soulever ce problème grave alors que vient d'être créée l'exception d'inconstitutionnalité. En effet, le Conseil constitutionnel sera amené à reprendre tout un ensemble de dispositions adoptées bien avant que ses jurisprudences n'aient vu le jour. Et même si ses membres voulaient revenir sur cette tendance à extrapoler et à aller plus loin que ce que devrait normalement permettre la Constitution, ils seraient prisonniers des jurisprudences de leurs prédécesseurs.
Il est donc essentiel de donner un signal au Conseil constitutionnel en précisant que « seule une disposition manifestement et directement contraire à la Constitution doit être déclarée inconstitutionnelle ». « Directement » tombe sous le sens. Et de nombreux anciens membres du Conseil d'État étant entrés au Conseil constitutionnel, ils savent parfaitement ce qu'est l'erreur manifeste d'appréciation. Je pense indispensable de replacer la jurisprudence du Conseil constitutionnel sur des bases plus conformes à l'esprit de la Constitution de 1958 et à l'idée que nous nous faisons des rôles respectifs du Parlement et de cette juridiction.
Avis défavorable. Le rôle du Conseil constitutionnel nous semble assez clairement défini par l'article 61 de la Constitution.
Le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche y est également défavorable.
Je suis saisi d'un amendement n° 141 , portant article additionnel après l'article 27.
La parole est à M. Daniel Garrigue, pour le soutenir.
Cet amendement tend à combattre une autre dérive du Conseil constitutionnel : la multiplication des réserves interprétatives. Il ne s'agit plus de dire si les dispositions mises en cause sont ou non contraires à la Constitution mais de faire des commentaires visant à déterminer de quelle façon la loi doit être interprétée et appliquée, D'abord, ce n'est pas conforme à la volonté du législateur. S'il n'est pas allé suffisamment loin dans la définition de certaines dispositions, c'est sa responsabilité. Ce n'est pas au Conseil constitutionnel de combler éventuellement les lacunes de la législation. Ensuite, cela limite considérablement le pouvoir d'interprétation du juge.
J'ai rappelé ce matin à propos de l'exception d'inconstitutionnalité que, dans la mesure où les réserves concernent souvent les conditions d'application des lois, la remise en question de lois plus anciennes ne portera plus seulement sur les dispositions elles-mêmes mais aussi sur les conditions dans lesquelles ces lois ont été mises en application. Je suis persuadé que si nous ne posons pas de limites, nous serons confrontés à des situations impossibles, parce que les requérants appuieront leurs recours sur les réserves interprétatives.
Comme pour le précédent amendement de M. Garrigue, avis défavorable. La rédaction de l'article 61 nous semble suffisamment claire.
Je suis saisi d'un amendement n° 521 .
La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec, pour le soutenir.
Nous allons, à l'article suivant, aborder le débat sur l'article 65 de la Constitution, qui concerne le Conseil supérieur de la magistrature. Nous vous proposons au préalable de rectifier l'article 64. Sinon, notre travail sera imparfait.
Inséré dans le titre VIII « De l'autorité judiciaire », l'article 65 détermine l'ensemble des modalités d'organisation et de fonctionnement du Conseil supérieur de la magistrature. L'article 64, lui, prévoit que le Président de la République est garant de l'indépendance de l'autorité judiciaire, qu'il est assisté par le Conseil supérieur de la magistrature, qu'une loi organique porte statut des magistrats et que les magistrats du siège sont inamovibles.
Tous les amendements, qu'ils soient proposés par le Gouvernement, par le rapporteur ou par un certain nombre d'entre nous de part et d'autre de l'hémicycle, écartent le Président de la République du Conseil supérieur de la magistrature. Ils tendent ainsi à renforcer l'autonomie de l'autorité judiciaire vis-à-vis du pouvoir exécutif, auquel appartient le Président de la République.
Il faut aller au bout des conséquences juridiques et institutionnelles d'un tel retrait en consacrant l'idée que c'est bien le Conseil supérieur de la magistrature qui est garant de l'indépendance de l'autorité judiciaire. On voit mal, en effet, comment un élément substantiel du pouvoir exécutif pourrait garantir l'indépendance de l'autorité judiciaire, dont il est distinct. C'est une contradiction qui préexistait dans la Constitution de 1958 mais qui serait aggravée par la nouvelle composition du Conseil supérieur de la magistrature que nous suggérons tous.
C'est donc bien au Conseil supérieur de la magistrature d'être garant de l'indépendance de l'autorité judiciaire et, quelle que soit la formule que l'on retienne, sa composition – magistrats et personnalités qualifiées –, son organisation interne, avec la séparation du siège et du parquet, et les diverses compétences qui lui seront confiées, notamment en matière disciplinaire, lui permettront d'exercer désormais cette responsabilité.
Si nous voulons réformer l'article 65, il faut d'abord réformer l'article 64 et faire constitutionnellement du Conseil supérieur de la magistrature le garant de l'autorité judiciaire. Et si l'on modifie ainsi le premier alinéa de l'article 64, il faut du même coup supprimer le deuxième, selon lequel le Président de la République est assisté dans l'exercice de cette responsabilité par le Conseil supérieur de la magistrature.
Effectivement, monsieur Le Bouillonnec, tant le Gouvernement que la commission ou le groupe socialiste proposent que le Conseil supérieur de la magistrature ne soit plus présidé par le Président de la République, mais je n'en tire pas les mêmes conclusions que vous au sujet de l'article 64.
Même s'il ne préside plus le CSM, le Président de la République sera toujours l'autorité de nomination de l'ensemble des magistrats de l'ordre judiciaire et il lui sera toujours possible de demander au Conseil des avis sur toute question relative à la justice. Il me paraît donc nécessaire que la Constitution laisse au Président de la République son rôle de garant de l'indépendance de l'autorité judiciaire, et je suis défavorable à cet amendement.
Défavorable. Aux termes de l'article 5 de la Constitution, le Président de la République veille au respect de la Constitution. Il est donc le garant des principes contenus dans la Constitution. L'indépendance de l'autorité judiciaire y étant inscrite, il est cohérent que le Président en reste le garant.
Nous avons un désaccord politique sur la place de la justice dans l'ordonnancement constitutionnel. D'une certaine manière, nous revenons aux déclarations du général de Gaulle en 1964 : il n'est pas d'autorité, qu'elle soit militaire, civile ou judiciaire, qui ne découle de la seule qui soit revêtue de la légitimité, celle du Président de la République. Il n'avait pas encore osé ajouter « parlementaire ».
On voit bien que notre désaccord porte sur la réalité de la séparation des pouvoirs. Soit les pouvoirs sont séparés, peuvent s'équilibrer et, parfois, se contredire, soit il y a confusion. Le fait que le Conseil supérieur de la magistrature que vous allez nous proposer, madame la ministre, allie les inconvénients de la politisation et d'une forme de corporatisme pose d'ailleurs le problème de l'émergence d'un organe de régulation de la justice qui permette aux citoyens d'accorder à celle-ci leur confiance, qui propose aux justiciables, comme à la société tout entière, des mécanismes de régulation, en termes de responsabilité notamment, ainsi que des mécanismes d'indépendance permettant de détacher, assez nettement pour que ce puisse être crédible, les intérêts partisans de l'exécutif des intérêts de la justice.
Dire que le Président de la République doit rester le garant de l'indépendance de l'autorité judiciaire, alors que le Président gouverne, il y a là une confusion inacceptable. Plus le Président, dans sa pratique, entendra capter de nouveaux pouvoirs gouvernementaux, et c'est le cas dans ce texte pour partie, plus il sera inacceptable qu'il prétende être l'arbitre au-dessus de ses propres intérêts.
Il y a conflit d'intérêts et nous n'acceptons pas que, dans cette réforme constitutionnelle qui permet un certain nombre d'avancées sur le terrain de la séparation des pouvoirs entre Gouvernement et Parlement, se produise presque un recul par rapport à ce que nous espérions dans les rapports entre l'exécutif et le troisième pouvoir, que nous nommons justice.
Il y a des débats, y compris d'ailleurs parmi les magistrats et leurs représentants, sur la composition du Conseil supérieur de la magistrature. Doit-il être ou non majoritairement composé de magistrats ? C'est une question difficile, mais la réponse apportée par l'article 28 n'est pas satisfaisante, parce que l'indépendance du Conseil supérieur de la magistrature, et donc indirectement du pouvoir judiciaire, est tout de même écornée par le fait que soient nommées deux personnalités par le Président de la République, deux par le président de l'Assemblée et deux par le président du Sénat.
Je sais que l'article 13 exigera l'avis d'une commission pour ces nominations, mais il n'y a aucune garantie de pluralisme. On voit bien qu'il serait possible, dans le contexte actuel, d'avoir des nominations très marquées politiquement, très monocolores, avec ce mode de désignation par trois responsables politiques qui appartiennent au même parti.
C'est un problème qui n'est absolument pas réglé, sur lequel nous n'avons absolument aucune garantie dans la rédaction actuelle. Le risque de politisation de la nomination des membres du Conseil supérieur de la magistrature est tout de même réel et une telle politisation est inquiétante, surtout dans le contexte actuel, et en tout cas depuis que Nicolas Sarkozy a été élu Président de la République, lui qui manifeste une certaine volonté de reprendre en main l'institution judiciaire et de la mettre au pas.
Au manque de garanties dans le texte s'ajoutent donc les inquiétudes que suscite la pratique actuelle, et on peut se demander si, finalement, cette proposition ne s'inscrit pas dans un mouvement plus large de défiance à l'égard du pouvoir judiciaire, défiance exprimée de façon ouverte par le Président de la République depuis qu'il exerce ses fonctions, et pas simplement quand il était candidat. Il avait alors tenu des propos assez graves sur l'indépendance des juges dans l'accomplissement de leur mission.
Bref, dans la mesure où le Conseil supérieur de la magistrature joue un grand rôle dans la gestion des nominations et des carrières, une telle architecture nous inquiète énormément. Dans les autres pays d'Europe, d'ailleurs, les organismes correspondants sont majoritairement composés de magistrats, et on peut regretter la solution qui a été choisie.
L'article 28, qui revisite la composition du Conseil supérieur de la magistrature, a été au coeur d'une réflexion fondamentale non seulement des autorités judiciaires, mais aussi de la commission. Notre travail a connu deux étapes : nous avons d'abord examiné le texte du projet de loi, puis l'amendement du rapporteur, M. Warsmann, qui répond à certaines des critiques que nous formulons à l'égard du texte. Enfin, le Gouvernement a déposé un ultime amendement, qui appelle de notre part certaines observations.
La réforme du Conseil supérieur de la magistrature doit concilier deux principes : les modalités de désignation et de fonctionnement du Conseil doivent être propres à garantir l'indépendance de la justice, tout en évitant toute tentation de corporatisme, dont on a dit qu'il était de nature à porter atteinte au rôle du Conseil supérieur.
J'ai rappelé lors de mon intervention dans la discussion générale qu'à ces deux objectifs s'ajoutait l'exigence de rétablir le lien de confiance entre la magistrature, le monde judiciaire et les citoyens, mais aussi entre l'exécutif, plus globalement le politique, et l'autorité judiciaire. C'est toute la difficulté, mais c'est le chemin constitutionnel nécessaire vers un État démocratique, qui impose à l'autorité exécutive tout autant qu'au pouvoir législatif de reconnaître la place de l'autorité judiciaire. C'est dire que la première démarche est sans nul doute de construire des organes, en l'espèce le Conseil supérieur de la magistrature, qui contribuent à cette approche commune des institutions républicaines.
La composition du conseil, les compétences qu'il doit assumer, les modalités de désignation de ses membres, sont au coeur de cet enjeu de rétablissement de la confiance. Il est évident que si on laisse la désignation des magistrats à la discrétion du pouvoir politique, on reste dans une relation déséquilibrée, et c'est à quoi nos propositions vont tenter de remédier. Mais un Conseil composé exclusivement de magistrats serait également un élément de déséquilibre. De la même façon, il n'est pas acceptable que le pouvoir disciplinaire ne relève que du politique.
Tels sont les paramètres qui doivent être pris en compte dans l'élaboration d'un Conseil supérieur de la magistrature apte à jouer son rôle au coeur d'institutions qui lui reconnaissent ses responsabilités dans un cadre républicain.
Nous avons proposé des pistes que nous soumettrons à la discussion par le biais de nos amendements. Elles concernent notamment la parité entre magistrats et non-magistrats ; le problème de la distinction de deux formations, l'une compétente à l'égard des magistrats du siège, l'autre à l'égard des magistrats du parquet ; les nominations, afin que leurs modalités n'en fassent pas l'expression de la seule volonté du pouvoir politique ; la présidence des deux formations, par le premier président de la Cour de cassation pour le siège et par le procureur général près la Cour de cassation pour le parquet.
Nous proposerons également que le Conseil puisse se réunir en séance plénière pour aborder certaines questions – à cet égard, le dernier amendement du Gouvernement est très en retrait par rapport à ce qui a été proposé en commission. Le président de la formation plénière devra bien entendu être élu par l'ensemble des membres du Conseil.
Tels sont les sujets que nous devons impérieusement aborder. Ce ne sont pas de simples détails. Il ne s'agit pas pour nous de défendre un corporatisme ou d'affaiblir le rôle de l'exécutif, notamment dans la conduite de la politique pénale. Ce rôle est d'autant moins contestable qu'il est depuis quatre ans inscrit dans la loi, qui affirme que le garde des sceaux assure, à travers l'autorité qu'il exerce sur le parquet, la conduite de la politique pénale. Cette responsabilité ne peut lui être déniée et nous ne la mettons pas en cause.
En revanche, il est indubitable que le statut des magistrats, leur carrière, les conditions de leur nomination et leur régime disciplinaire ont donné lieu à des polémiques, particulièrement ces derniers mois, qui pourraient largement être évitées si le Conseil supérieur de la magistrature était doté des moyens d'apaiser ces tensions.
Monsieur Le Bouillonnec, vous avez largement dépassé votre temps de parole.
J'en conviens, et nous reviendrons sur ces différents points en examinant les amendements.
Notre objectif majeur est le rétablissement de la place de l'autorité judiciaire et la reconnaissance de cette place par les acteurs institutionnels que sont le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif.
Je terminerai en attirant votre attention sur le fait que nous sommes regardés par les magistrats et tous les professionnels de la justice, qui attendent que nous concrétisions notre volonté de replacer l'autorité judiciaire au coeur des libertés individuelles et de notre démocratie.
Nous abordons la question sensible, et beaucoup plus centrale qu'on ne le croit, du troisième pouvoir, de sa place dans les institutions et de ses rapports avec les deux autres, notamment avec le plus puissant et le plus éminent dans la Ve République, le pouvoir exécutif, Président de la République et Gouvernement.
Nous avons, tout au long des débats, multiplié les objections à l'égard de l'article 28 : nous ne pouvons pas, sous prétexte de lutter contre le corporatisme, assumer la politisation de cet organe. Substituer l'un à l'autre serait à nos yeux tomber de Charybde en Scylla. Nous acceptons en revanche de chercher une solution commune pour éviter ces deux écueils. Lutter contre le corporatisme est une nécessité universelle, dont nous ne devons d'ailleurs pas nous exempter nous-mêmes. Lutter contre une politisation excessive est une garantie que nous devons offrir à la société tout entière.
Nous considérons que le compte n'y est pas dans le projet de loi constitutionnelle. Les magistrats seront en minorité au CSM, en violation des recommandations de l'Union et des textes européens, qui condamnent la mise en minorité des magistrats au sein des instances supérieures de la magistrature. Nous considérons, avec les organisations syndicales de magistrats, que c'est un moyen de mettre les magistrats sous tutelle.
Comme si le fait que les magistrats disposent au moins de la parité au sein du Conseil pouvait aggraver le corporatisme ! Tous ceux qui sont venus expliquer à la commission des lois ce qu'était la pratique du CSM, tant en matière déontologique qu'en ce qui concerne l'exercice du pouvoir de nomination ont montré que cela ne fonctionnait pas comme on l'imaginait. Les majorités se font selon les sensibilités ou les questions en débat, indépendamment de l'appartenance ou non au corps des magistrats.
Aucun autre État européen n'a organisé la mise en minorité des magistrats dans l'instance de régulation de la justice : au pire, la composition en est paritaire. On nous demande donc d'accepter une double exception : une infraction à l'égard des textes et recommandations européens, et une exception au regard de la pratique de la quasi-totalité des pays de l'Union.
En France même, mes chers collègues, y a-t-il un seul corps dont l'instance disciplinaire compterait une minorité de membres du corps ? Ce n'est le cas ni pour les médecins, ni pour les avocats. La Cour de justice de la République, qui doit juger des responsables publics dotés de la légitimité élective, est majoritairement composée de parlementaires. Les membres du Conseil d'État gèrent leur carrière et assurent leur discipline eux-mêmes. Le Conseil supérieur de la Cour des comptes, chargé de la discipline des magistrats financiers, est en majorité composé de magistrats de la Cour, etc.
Il n'y a pas un seul corps auquel nous aurions, nous, législateurs, osé imposer une instance disciplinaire où ses membres seraient en minorité. Et voilà que les constituants décideraient de le faire pour les magistrats ! Ce serait une grave erreur, et je voudrais vous convaincre, monsieur le rapporteur et madame la ministre, de renoncer à ce qui est compris, à juste titre, comme une humiliation.
Nous jugeons également inacceptable la procédure de nomination des personnalités qualifiées, c'est-à-dire celles qui ne sont pas des magistrats.
L'article 28 renvoie au dernier alinéa de l'article 13 de la Constitution, introduit par ce projet de loi, qui prévoit qu'une commission issue du Sénat et de l'Assemblée peut s'opposer, à la majorité des trois cinquièmes, à une nomination du Président de la République. La discussion nous a permis de prouver que cela ne constituait pas une garantie contre la politisation excessive desdites nominations. Ce dispositif sera peut-être un progrès en ce que nous pourrons discuter ces nominations, mais il ne suffira pas à briser la force du fait majoritaire, et aucune dénégation ou déclaration du contraire ne pourrait apaiser nos craintes.
Troisièmement, s'agissant des nominations des magistrats du parquet, le texte n'impose pas l'avis conforme du CSM, que nous avions défendu en notre temps, avec Élisabeth Guigou et Marylise Lebranchu. C'est en effet une des garanties, non pas de l'indépendance, mais de l'autonomie des parquets, et de la protection de leur statut juridique. Je tiens à souligner que c'est un point de désaccord entre vous et nous.
Je finirai par cette extravagance : l'article maintient la présence du garde des sceaux dans les murs du Conseil supérieur de la magistrature. Mais pour y faire quoi ? Pour noter les interventions des membres, pour s'assurer de leur politisation excessive ? La pratique actuelle du pouvoir a sur beaucoup de points fait l'objet de critiques extrêmement sévères de la part des organisations de magistrats, et même de nombreuses associations qui veillent au bon fonctionnement de la justice.
Vous ne le regretterez pas (Sourires), car cela m'aura permis de dire beaucoup de choses qu'il ne sera pas nécessaire de répéter.
La présence du garde des sceaux dans les couloirs du Conseil supérieur de la magistrature est une avanie. C'est en tant qu'autorité extérieure que le garde des sceaux est doté de pouvoirs de saisine, de proposition, d'exécution. Mais s'il dispose de tous ces pouvoirs, il ne peut pas en plus avoir le droit de venir y farfouiller pour savoir ce qui s'y dit et s'y passe, et continuer ainsi à régner sur les nominations. Nous nous y opposons formellement, et nous nous disposons à détailler cette question à travers une série de sous-amendements stratégiques, de manière à ce que chacun ici prenne ses responsabilités.
Enfin, et c'est le plus grave défaut de l'article, le CSM ne pourra pas se réunir en séance plénière. Le projet de loi divise en effet l'instance supérieure de la magistrature en deux CSM, l'un compétent pour le parquet, l'autre pour le siège. Ce n'est pas sans rappeler la stratégie de Bonaparte démantelant le pouvoir législatif en quatre organes pour éviter qu'il ne soit trop puissant : l'un rédigeait les projets, le deuxième discutait les amendements, le troisième votait, et le quatrième priait peut-être le Premier consul d'imaginer la suite. Il y avait quatre chambres pour qu'il n'y ait pas de Parlement !
De même, on prévoit ici deux conseils supérieurs de la magistrature pour qu'il n'y en ait aucun. À cet égard, madame la ministre, nous avons besoin que vous nous apportiez tous les apaisements sur l'évolution de votre doctrine en quelques semaines de discussion avec la commission.
Pour le reste, vous le voyez, tous ces désaccords sont d'ordre politique. Cet article a été signalé d'emblée comme l'un des points sur lesquels portaient nos exigences et je vous remercie d'y avoir prêté une certaine attention. Le rapporteur a présenté des amendements très constructifs qui, s'ils ne nous donnent pas entièrement satisfaction, ont le mérite de faire progresser la cause de l'indépendance de la justice – qui, vous l'avez compris, est loin d'avoir abouti. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Je tiens à souligner à mon tour l'importance de la question que nous abordons. L'indépendance de la justice est d'abord, en effet, l'une des garanties de la démocratie, car nous savons depuis Montesquieu qu'il n'y a pas de démocratie sans qu'en face de tout pouvoir existe un contre-pouvoir.
Mais, l'indépendance de la justice n'est pas seulement l'assise de l'un des piliers de la République, elle vise aussi à garantir à l'ensemble de nos concitoyens que la justice sera égale pour tous et que, quoi qu'en dise La Fontaine, on ne sera pas jugé différemment selon que l'on sera puissant ou misérable. Aussi est-il essentiel que, d'une part, la composition du Conseil supérieur de la magistrature et, d'autre part, les pouvoirs qui lui sont dévolus garantissent cette indépendance.
Sur le premier point, madame la garde des sceaux, le projet que vous nous présentez témoigne d'un progrès, car le Président de la République ne préside plus le Conseil supérieur de la magistrature. La disparition de cette survivance est un pas vers la garantie de l'indépendance de l'autorité judiciaire. J'avais cependant souligné dans la discussion générale que votre projet entraînait par là même la disparition de la formation plénière du CSM. Or cette formation, qui rassemblait celle des magistrats du siège et celle des magistrats du parquet, jouait un rôle essentiel car, en favorisant une vue transversale de tout ce qui intéresse l'organisation de la justice – qu'il s'agisse de la déontologie, essentielle pour éviter le corporatisme, de l'organisation des tribunaux ou de l'examen des moyens qui leur sont attribués, elle garantissait l'unité de la justice, au-delà de la distinction entre siège et parquet.
Le Premier ministre a bien voulu, dans sa réponse à la discussion générale, se déclarer favorable à la restauration de la formation plénière. Mais le problème est de savoir qui la présidera.
Il nous semblerait de meilleure gouvernance d'en confier la présidence à l'une des personnalités du CSM qui ne seront pas issues de la magistrature. En effet, bien que nous ayons toute confiance dans le premier président de la Cour de Cassation, qui a autorité sur les magistrats du siège, et dans le procureur général près la Cour de Cassation, qui a autorité sur le parquet, ces hauts magistrats sont très accaparés par leurs fonctions.
De surcroît, il importe de préserver la faculté du Conseil supérieur de la magistrature de se saisir lui-même, faute de quoi il resterait encadré par le pouvoir exécutif, et de décider également de la publication de ses avis.
Comme l'ont souligné Jean-Yves Le Bouillonnec et Arnaud Montebourg, la parité entre magistrats et personnalités qualifiées doit être assurée, en particulier – mais pas seulement – pour la formation disciplinaire, car on ne comprendrait pas qu'à la différence de tous les autres, la magistrature soit le seul corps qui ne juge pas ses pairs.
Enfin, au-delà de la composition du Conseil supérieur de la magistrature, à propos de laquelle nous proposerons plusieurs sous-amendements quoique le rapporteur ait bien voulu se rapprocher de notre position, il est un sujet que, malgré son importance, vous n'abordez pas dans votre projet de réforme, celui des pouvoirs du CSM. Compétent pour la nomination de tous les magistrats de France, le CSM propose celle des plus hauts magistrats et doit rendre un avis conforme sur celle des autres magistrats du siège, ce qui signifie que le garde des sceaux doit obtenir son accord. Mais, pour ce qui concerne la nomination des magistrats du parquet, le texte qui nous est soumis en reste à la situation actuelle, qui consiste à nommer en conseil des ministres, comme les préfets, les procureurs généraux près les cours d'appel et à nommer les procureurs sur avis simple du Conseil supérieur de la magistrature. Vous vous laissez ainsi, madame la garde des sceaux, la possibilité de passer outre à un avis négatif du Conseil, comme vous l'avez fait à de multiples reprises depuis que vous êtes en fonction. Cela ne nous semble ni de bonne politique, ni de nature à garantir l'indépendance de la justice.
Je rappelle que l'Assemblée et le Sénat avaient voté en 1998 une réforme qui allait dans le sens de la généralisation de l'avis conforme pour la nomination de tous les magistrats, y compris les procureurs. Nous insistons pour qu'il soit procédé à cette réforme importante, car il nous paraît inconcevable que le Gouvernement imagine de déroger au respect de l'indépendance de la justice en se réservant le droit de faire pression sur les magistrats du parquet par le biais de leur déroulement de carrière et en continuant à leur donner des instructions.
J'ai terminé, monsieur le président, mais cette exigence démocratique méritait bien quelques développements. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
C'est précisément pourquoi je vous ai laissé vous exprimer plus longtemps qu'il n'était prévu.
La parole est à M. Claude Goasguen.
J'ai écouté avec beaucoup d'attention les propos de M. Montebourg comme je l'avais fait pour les débats de la commission des lois. Celle-ci a réalisé un travail remarquable qui montre que, nonobstant l'intervention de Mme Guigou, à laquelle je reviendrai, il est possible de parvenir à une analyse commune des relations entre les pouvoirs dans la Ve République.
On dit souvent que la tradition institutionnelle française se fonde sur la notion d'indépendance. Vous savez cependant, chers collègues, qu'en France – dans la lignée de Montesquieu – notre conception de la séparation des pouvoirs ne s'est jamais totalement identifiée à la version américaine, laquelle repose en effet sur la notion de pouvoirs et de contre-pouvoirs : les checks and balances. La France n'a pas suivi ce modèle et notre tradition juridique n'est pas aussi systématique que l'image qu'on vient de nous en donner.
Nous n'en tenons pas moins à assurer au mieux l'indépendance de la magistrature. Et force est de reconnaître que, de ce point de vue, les amendements de notre rapporteur, qui a fait un excellent travail…
…dont je tiens à le remercier, permettent d'envisager avec sérénité, en attendant de nouvelles réformes qui la modifieront encore, la relation entre le pouvoir judiciaire et le pouvoir exécutif. Vous conviendrez que ce n'a pas toujours été le cas dans les années 70, 80 ou 90 – quelles que fussent d'ailleurs la nature du régime et la personne du Président de République. Les atteintes portées par l'exécutif à la magistrature allaient bon train et il ne faut donc pas caricaturer en prétendant qu'il y aurait eu un bon et un mauvais côté.
Systémique, en effet, et les propositions formulées à cet égard sont intéressantes, bien que j'eusse personnellement préféré une réforme plus profonde de la magistrature : le vieux débat qui nous oppose sur la procédure inquisitoire et la procédure accusatoire n'est pas clos.
En revanche, madame Guigou, le débat sur l'indépendance du parquet est bien clos, car nous avons sauvé notre système juridique en refusant la proposition conjointe du Président de la République de l'époque, qui en a avait pris l'initiative, et du Gouvernement, qui l'avait suivi. Cette mesure se serait traduite par l'instauration d'un véritable corporatisme de la magistrature, que nous tenons à éviter et qui est tout aussi nocif, reconnaissez-le, que l'atteinte que l'exécutif peut porter au judiciaire. Nous avons donc exclu que le corporatisme des magistrats puisse s'exercer, chez les magistrats du siège comme du parquet. N'y revenons plus, car c'est la tradition française et c'est une bonne tradition.
La question a été réglée. Au demeurant, ce sujet n'est pas véritablement au centre du débat.
Il ne l'est plus et je constate que, même dans vos rangs, il l'est de moins en moins. (Rires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Certes, madame Guigou, cette idée nocive était majoritaire chez vous dans les années 90, mais j'ai le sentiment que les années 2000 l'ont frappée de caducité.
Parlez-en à vos collègues assis derrière vous, qui manifestent par de curieux mouvements une certaine désapprobation envers vos propos. (Mme Élisabeth Guigou se lève et remonte de quelques travées pour se placer derrière ses collègues. – Rires.) Je vous les dénonce lâchement, pardonnez-moi cette petite vacherie ! (Sourires.)
J'y viens, monsieur le président.
Dans ce climat, monsieur le rapporteur, il faut être attentif à ce que les magistrats pensent du texte. Pour être avocat et pour fréquenter le milieu judiciaire, je puis vous dire que les magistrats, qui constituent un milieu sensible, habitué à voir respecter son autonomie, ont été choqués par cette composition des formations du CSM, qui tend à les mettre en minorité. Le sujet, au demeurant, n'est pas si épineux car, compte tenu de la compétence de ces sections et de la manière dont sont rédigés les amendements, l'équilibre que vous avez su trouver avec la commission des lois pourrait peut-être s'accompagner d'un effort en ce domaine, afin de nous épargner une situation politiquement caricaturale : on voit déjà, en effet, comment la presse présentera la protestation des magistrats qui déplorent d'être minoritaires dans des sections du CSM dotées de peu de pouvoir.
Puisque nous avons fait, me semble-t-il, l'essentiel du chemin, il pourrait valoir la peine de discuter du peu qu'il nous reste à faire, afin d'éviter une polémique superflue.
On voit bien que la composition du Conseil supérieur de la magistrature a une grande importance symbolique, même s'il n'est pas certain que, mécaniquement, la question soit essentielle. Les auditions auxquelles a procédé la commission des lois ont en effet montré qu'il était simpliste de croire que c'était par corps que se prenaient les décisions au sein du Conseil supérieur de la magistrature : cela ne fonctionne pas du tout ainsi. Il faut néanmoins mesurer le choc symbolique que représente, pour l'ensemble de ceux qui participent à l'oeuvre de justice, la mise en minorité volontaire des magistrats au sein du Conseil supérieur de la magistrature. Ils y voient une suspicion développée à leur endroit. Deux éléments au moins devraient nous amener à réfléchir sur ce point.
D'abord, lorsque l'Union européenne donne des directives aux pays qui souhaitent la rejoindre, dont certaines portent sur la composition de leurs organes de régulation et de discipline concernant la justice, elle leur demande que les magistrats y soient majoritaires.
Ensuite, comme l'a rappelé en particulier Arnaud Montebourg, dans notre République, tous les autres corps de régulation et de discipline comportent une majorité de membres ayant la même expérience professionnelle que ceux à l'égard desquels ils vont exercer leurs pouvoirs de gestion et de justice.
C'est la raison pour laquelle je défends l'idée que la parité entre les magistrats et ceux qui sont censés représenter la société au sens large constitue le bon équilibre. Je tiens à rappeler qu'une telle parité existe dans plusieurs pays de l'Union européenne. De ce point de vue, nous ferions un pas en avant qui, dans l'ordre symbolique, signifierait que nous écartons toute suspicion à l'égard des magistrats. Cela me paraît essentiel.
Par ailleurs, je souhaite moi aussi qu'on revienne à la formation plénière, même si, à la différence de Mme Guigou, je considère que la présidence par le premier président de la Cour de cassation peut après tout être utile. Il n'est pas nécessaire d'aller chercher à l'extérieur de la magistrature la personnalité qui exercera cette présidence.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, il est vrai que l'article 28 est fondamental parce qu'il changera les modalités de fonctionnement d'un pilier de notre État de droit : la justice.
Le Conseil supérieur de la magistrature joue un rôle déterminant dans la carrière des magistrats. Il est aujourd'hui critiqué sur deux terrains, tout le monde le reconnaît : on lui reproche d'être présidé par le Président de la République ou par le garde des sceaux, ce qui fait peser sur lui un soupçon de dépendance à l'égard du pouvoir exécutif ; on lui reproche également d'être composé majoritairement de magistrats, et il prête ainsi le flanc aux critiques de corporatisme et d'immobilisme. Cela alimente la méfiance des Français à l'encontre de leur justice. Toutes les études d'opinion le montrent.
Nous proposons que le CSM ne soit plus présidé par le Président de la République ni par le garde des sceaux, mais par les deux plus hauts magistrats de France. Nous proposons aussi que son avis soit sollicité pour la nomination de tous les magistrats du parquet, y compris les procureurs généraux – ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.
À ce propos, vous dites, madame Guigou, que je suis passée outre à de nombreux avis du CSM. C'est faux : à peine quelques-uns. Et en cinq ans, au cours de la dernière législature, c'est à peine 1 % des avis qui n'ont pas été suivis.
Notre chiffre est de vingt-sept avis non suivis sur cinq ans ; c'est énorme, madame la garde des sceaux ! Et dans des parquets sensibles. C'est inacceptable !
Pour ce qui me concerne, c'est 1,7 %...
Vous n'êtes pas personnellement en cause, mais le pouvoir politique a outrepassé ses droits !
Monsieur Montebourg, je vous ai écouté et je vous prie de faire de même : pour les nominations de parquetiers il n'y a que six avis que je n'ai pas suivis, soit 1,7 %.
Il faut tenir compte du grand nombre de nominations. Il faut aussi se demander pourquoi la chancellerie passe outre à un avis du CSM : le plus souvent, ce n'est pas pour des raisons de compétence mais à cause de l'inadaptation à la fonction proposée. Il faut savoir le reconnaître.
Enfin, pour que le CSM soit plus ouvert, nous proposons d'y intégrer huit personnalités extérieures, qui siégeront au côté de sept magistrats de l'ordre judiciaire. Si vous le permettez, monsieur Montebourg, je tiens à corriger ce que vous avez dit : dans la plupart des pays d'Europe qui nous sont comparables, les textes ne prévoient pas que les magistrats soient majoritaires au sein des instances qui proposent leur évolution de carrière. Vous avez dit tout à l'heure que nous étions les seuls à le prévoir. C'est faux.
Je vous répète que c'est faux. Ainsi, ils ne sont pas majoritaires au Royaume-Uni, en Belgique, en Suède, au Danemark, au Portugal, et dans certains Länder allemands. Certes, ils sont majoritaires dans trois pays : l'Espagne, l'Italie et les Pays-Bas ; mais, pour ce qui concerne le Luxembourg ou la Pologne, les instances où les magistrats sont majoritaires ne disposent que d'un pouvoir consultatif, elles n'ont absolument pas les mêmes prérogatives que le CSM.
Il n'est pas sain que les magistrats donnent l'impression de s'autogérer. C'est pourquoi nous devons absolument garantir l'indépendance de la justice, mais sans autogestion ni repli sur soi. L'indépendance de la justice doit aller de pair avec l'ouverture et la nécessité de rendre compte de son action. Je vous rappelle d'ailleurs, madame Guigou, que votre projet, en 1998, rendait les magistrats minoritaires au sein du CSM puisque vous proposiez qu'ils ne soient que dix sur les vingt et un membres.
Le rapport de la commission parlementaire d'enquête sur l'affaire d'Outreau et les programmes des deux candidats au second tour de l'élection présidentielle partageaient l'idée, retenue par le comité Balladur, que les magistrats ne peuvent être majoritaires au sein de la formation qui décide ou débat de leur nomination.
Mesdames, messieurs les députés, je sais que le projet du Gouvernement a suscité un débat au sein de la commission des lois. Votre commission a fait des propositions et, dans l'esprit de dialogue qui nous anime tous, le Gouvernement souhaite en tenir compte. Je présenterai donc tout à l'heure un amendement qui répond à trois de vos préoccupations.
D'abord, nous n'avons pas supprimé la formation plénière, puisqu'elle n'existait que dans les faits et n'était pas inscrite dans la Constitution. Nous sommes d'accord pour l'y inscrire,...
…relayant ainsi le souhait des organisations de magistrats. Elle symbolisera l'unité du corps judiciaire, unité à laquelle je suis extrêmement attachée. L'amendement du Gouvernement définit les compétences de cette formation plénière : répondre aux demandes d'avis formulées par le Président de la République, se prononcer sur les questions intéressant la déontologie des magistrats, ainsi que sur toute question relative au fonctionnement de la justice dont l'aura saisi le garde des sceaux.
Votre deuxième préoccupation porte sur le choix des personnalités qualifiées. Le projet de loi prévoyait six personnalités qualifiées, soit deux nommées par le Président de la République, deux par le Président de l'Assemblée nationale et deux par le Président du Sénat ; à ces six personnalités s'ajoutaient un conseiller d'État, nommé par le Conseil d'État, et un avocat désigné par le Conseil national des barreaux. Mais certains ont vu dans les nominations attribuées au Président de la République et aux présidents des assemblées un risque de politisation, en dépit de l'avis qui sera donné par les commissions parlementaires et du droit de veto dont elles disposeront désormais.
La commission des lois a donc souhaité que le Président de la République et les présidents des assemblées ne nomment chacun qu'une seule personnalité qualifiée, et que siègent en outre au Conseil un professeur des universités et une personnalité choisie par le Défenseur des droits des citoyens. Le voeu du Gouvernement est d'ouvrir le CSM, absolument pas d'engendrer le soupçon. Nous nous rallions donc à la proposition de la commission. Nous vous proposons, en outre, que soit nommée une personnalité qualifiée désignée par le président du Conseil économique et social.
En réponse à votre troisième préoccupation, nous offrons au justiciable la possibilité de saisir le Conseil supérieur de la magistrature en cas de dysfonctionnement de la justice. C'est un pas extrêmement important parce que cela fait des années que l'on débat de cette question. Cette réforme permettra aux justiciables de faire valoir leurs droits sans mettre en cause les magistrats de manière inconsidérée, car l'acte de juger n'est pas anodin pour nos concitoyens.
En revanche, le Gouvernement s'écarte sur un point des propositions de la commission : nous souhaitons que la présidence des formations du siège et du parquet soit assurée respectivement par le premier président de la Cour de cassation et le procureur général près la Cour de cassation. Nous proposons également que la formation plénière soit présidée par le premier président ou, en cas d'absence, par le procureur général près la Cour de cassation. Les deux plus hauts magistrats de France ont une autorité incontestable pour présider une instance composée à la fois de magistrats et de personnalités extérieures.
Voilà, mesdames, messieurs les députés, l'objet de l'amendement que le Gouvernement vous proposera d'adopter.
Nous en venons aux amendements à l'article 28.
La parole est à M. Patrick Braouezec, pour soutenir l'amendement n° 459 .
Notre amendement vise à supprimer cet article.
Madame la garde des sceaux, la Constitution de la Ve République confie à la magistrature la mission de garantir les libertés individuelles. C'est notamment à ce titre que le principe de l'indépendance de la magistrature est affirmé. Faut-il rappeler ici qu'il s'agit d'un principe fondamental, sans lequel l'acte de juger devient suspect, car susceptible d'être soumis à toutes sortes de pressions. Ce principe implique que des garanties soient instituées afin que la gestion de la carrière des magistrats ne soit pas utilisée pour soumettre le juge à des contraintes autres que celles de la loi.
Or, depuis de nombreuses années, nous assistons à un accroissement du poids de la chancellerie dans la carrière des juges. Aujourd'hui, 90 % des magistrats du siège voient leur carrière dépendre directement des choix opérés par l'exécutif. Quant à ceux du parquet, le principe hiérarchique aboutit à faire dépendre du garde des sceaux la totalité des décisions administratives les concernant.
À ce constat, on peut ajouter la problématique de la composition actuelle du Conseil supérieur de la magistrature : en son sein, la hiérarchie judiciaire est manifestement surreprésentée, ce qui a généré au fil des années des réflexes corporatistes et clientélistes, très éloignés de l'intérêt du service public de la justice.
Votre réforme, comme celle des universités, se propose de réduire ou de supprimer toutes les instances censées être représentatives, c'est-à-dire composées de membres élus par leurs pairs. En supprimant l'indépendance de la justice, qui tient à peu de chose, c'est le fondement de la démocratie que vous mettrez en cause. Doit-on vous rappeler que tous les pays de l'Union européenne ont l'équivalent du CSM, et qu'il y est toujours composé d'une majorité de magistrats, conformément aux textes européens qui ont été imposés aux derniers candidats à l'adhésion ? Et nous, vieux pays de l'Union, en serions exempt ? L'exception française serait-elle de mise pour parfaire cet archaïsme ?
Nous revendiquons l'institution d'un Conseil supérieur de la magistrature rénové, disposant de moyens propres, notamment de l'inspection des services judiciaires, pour gérer l'intégralité des carrières des magistrats, du siège comme du parquet.
Nous en sommes évidemment bien loin avec cet article. Votre projet ne fait au contraire qu'affirmer une nette volonté d'affaiblir l'institution judiciaire. Madame la garde des sceaux, la révision du Conseil supérieur de la magistrature mérite un débat en soi, un débat qui remettrait tout à plat, au même titre que la réforme du préambule de la Constitution confiée à Mme Weil – que vous n'avez eu de cesse de sortir, tel un joker, au cours des débats.
C'est pourquoi nous refusons de cautionner votre réforme du CSM, sans être pour autant fermé à toute discussion ultérieure, car nous sommes profondément convaincus qu'il faudra le réformer.
Défavorable également.
Je suis saisi de trois amendements, nos 506 deuxième rectification, 637 et 610 rectifié, pouvant être soumis à une discussion commune.
L'amendement n° 610 rectifié fait l'objet de vingt-trois sous-amendements.
La parole est àM. Jean-Yves Le Bouillonnec, pour défendre l'amendement n° 506 deuxième rectification.
L'amendement expose la manière dont mon groupe envisage de construire le nouveau CSM :
« Le Conseil supérieur de la magistrature est présidé par un de ses membres non magistrat élu par les deux formations réunies en séance plénière.
« La formation compétente à l'égard des magistrats du siège est présidée par un magistrat du siège élu en son sein. Elle comprend six magistrats du siège et un magistrat du parquet élus, un conseiller d'État désigné par l'assemblée générale du Conseil d'État, un avocat désigné par le Conseil national des barreaux ainsi que cinq personnalités n'appartenant ni au Parlement, ni à l'ordre judiciaire, ni à l'ordre administratif. Une d'entre elles est désignée par le Président de la République après application de la procédure prévue au dernier alinéa de l'article 13. Deux d'entre elles sont désignées respectivement par les présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat après application de la même procédure. En cas de partage, le président de la formation a voix prépondérante.
« La formation compétente à l'égard des magistrats du parquet est présidée par un magistrat du parquet élu en son sein. Elle comprend six magistrats du parquet et un magistrat du siège élus ainsi que le conseiller d'État, l'avocat et les cinq personnalités mentionnés à l'alinéa précédent. En cas de partage, le président de la formation a voix prépondérante.
« La formation du Conseil supérieur de la magistrature compétente à l'égard des magistrats du siège fait des propositions pour les nominations des magistrats du siège à la Cour de cassation, pour celles de premier président de Cour d'appel et pour celles de président de tribunal de grande instance. Les autres magistrats du siège sont nommés sur son avis conforme.
« Les magistrats du parquet sont nommés sur l'avis conforme de la formation du Conseil supérieur de la magistrature compétente à l'égard des magistrats du parquet.
« La formation compétente à l'égard des magistrats du siège et la formation compétente à l'égard des magistrats du parquet statuent respectivement comme conseil de discipline des magistrats du siège et des magistrats du parquet.
« Le ministre de la justice peut être entendu à sa demande par le Conseil supérieur de la magistrature.
« Le Conseil supérieur de la magistrature peut être saisi par le garde des sceaux, par tout membre du Parlement et par tout magistrat dans les conditions fixées par une loi organique.
« Le Conseil supérieur de la magistrature peut rendre des avis publics.
« Une loi organique détermine les conditions d'application du présent article. »
Voilà dans quel cadre nous envisageons la réforme. En ce qui concerne la parité, notamment, nous nous sommes fondés sur des éléments connus et j'ai le regret, madame la garde des sceaux, de contester votre appréciation des structures existant dans les autres pays. Vous en conviendrez, il faut distinguer les pays de tradition judiciaire et institutionnelle latine de ceux qui relèvent du droit anglo-saxon. Sans cette distinction, il est impossible d'établir des comparaisons. Or, dans la majorité des conseils de ces pays, les magistrats sont majoritaires.
Je me permets de citer notre excellent rapporteur : « Les différents conseils de justice qui existent dans les autres pays européens sont composés soit à parité de magistrats et de non-magistrats (…), soit en majorité de magistrats. » Nous confirmons cette appréciation. En réalité, il n'y a pas d'exemple où les magistrats soient en minorité. Il existe de nombreux exemples où ils sont majoritaires ; il n'y en a aucun, j'y insiste, où ils sont minoritaires.
Passons en revue les conseils des quinze démocraties européennes que l'on peut rattacher à la tradition de droit latin : en Lituanie et à Chypre, ils sont formés exclusivement de magistrats ; en Hongrie, Bulgarie, Italie, Roumanie, Estonie, Espagne, Slovénie, Portugal et Pologne, les juges sont majoritaires ; en Belgique, à Malte et en République Slovaque, il existe une parité entre les magistrats et les personnalités extérieures.
Comme l'a évoqué le rapporteur, il existe des prescriptions fondamentales. Rappelons la recommandation du Comité des ministres des États membres du Conseil de l'Europe, en date du 13 octobre 1994 : « L'autorité compétente en matière de sélection et de carrière des juges devrait être indépendante du Gouvernement et de l'administration. Pour garantir son indépendance, des dispositions devraient être prévues pour veiller, par exemple, à ce que ses membres soient désignés par le pouvoir judiciaire et que l'autorité décide elle-même de ses propres règles de procédure. »
Je termine avec le texte le plus récent, la Charte européenne sur le statut des juges, édictée par le Conseil de l'Europe, à Strasbourg, en juillet 1998. La Charte indique : « Pour toute décision affectant la sélection, le recrutement, la nomination, le déroulement de la carrière ou la cessation de fonction d'un juge, le statut prévoit l'intervention d'une instance indépendante du pouvoir exécutif et du pouvoir législatif, au sein de laquelle siègent au moins pour moitié des juges élus par leurs pairs, suivant des modalités garantissant la représentation la plus large de ceux-ci. »
Cela signifie, madame la garde des sceaux, que dans la plupart des cas, les magistrats sont majoritaires dans leur conseil. Je crois que nous sommes unanimes à ne pas vouloir de cela. Je rejoins M. Debré, mais en formulant différemment l'une de ses remarques : il ne faudrait pas introduire une incongruité que l'on traînerait comme une casserole dans cette réforme du CSM.
L'incongruité, voire la provocation à l'égard des magistrats serait d'opter pour une majorité de non-magistrats dans cette institution, au lieu d'adopter la parité. En plus, cela ne servirait à rien : tout le monde a compris que la réforme est importante mais qu'elle n'est pas le substrat de notre autorité judiciaire. Avec une petite modification pour instituer la parité et un retour à l'amendement de M. le rapporteur, nous ne serions pas loin de rétablir l'équilibre trouvé en commission des lois.
La parole est à M. François Bayrou, pour soutenir l'amendement n° 637 .
J'ai déjà exprimé l'idée qui sous-tend cet amendement dans mon intervention sur l'article. Comme M. Le Bouillonnec, je considère qu'un pas en direction de la parité serait un geste symbolique susceptible d'écarter toute suspicion à l'égard des magistrats.
Madame la garde des sceaux, je vous ai entendue dire qu'un soupçon de corporatisme éloigne l'opinion publique des magistrats, parce que le CSM joue un rôle très important dans l'évolution des carrières, d'où la nécessité de ne pas les rendre majoritaires au sein du Conseil. Permettez-moi une question. Connaissez-vous un seul corps de la nation dans lequel les carrières et les procédures disciplinaires ne soient pas gérées au moins à parité par ses membres ? Est-ce qu'on exprime le même soupçon envers les officiers du ministère de la défense, les enseignants, les policiers, par exemple ? Que je sache, tous ces corps, pour ce qui concerne les carrières et la discipline, sont gérés paritairement par des professionnels.
Pourquoi donc le seul corps des magistrats serait-il donc soupçonné de corporatisme ? Je me joins à ceux qui ont souligné que dans tous les autres pays de l'Union européenne – et dans beaucoup de démocraties aux principes comparables aux nôtres – la représentation des magistrats dans leurs conseils respectifs est majoritaire ou paritaire. Puisque cette règle est également valable pour tous les corps de l'État, il me semble qu'il serait abusif de vouloir que seuls les magistrats subissent cet ostracisme.
Enfin, je veux répéter que ce sujet est évidemment symbolique et n'entraîne pas de conséquences directes et réelles sur les décisions prises.
Peut-on considérer, madame la garde des sceaux que l'amendement n° 610 rectifié du Gouvernement a déjà été présenté ?
Bien sûr, monsieur le président.
Mes chers collègues, je vais maintenant vous donner la parole sur les trois amendements en discussion commune, nos 506 deuxième rectification, 637 et 610 rectifié. Nous aborderons ensuite la discussion de la vingtaine de sous-amendements déposés sur l'amendement n° 610 rectifié du Gouvernement.
La parole est à Mme Élisabeth Guigou.
Je ferai quelques brèves remarques sur l'intervention de Mme la garde des sceaux à propos du précédent projet de réforme.
Vous dites, madame, qu'il n'est pas question que les magistrats s'autogèrent. Mais ils ne s'autogèrent pas ! C'est le garde des sceaux qui propose les nominations, y compris pour les magistrats du siège qui ne sont pas président de tribunal de grande instance ou premier président de cour d'appel.
Ou membres de la Cour de cassation !
Ensuite, vous avez un pouvoir de proposition pour les nominations des magistrats du parquet. Et enfin, vous avez la possibilité, via l'inspection générale, de contrôler le fonctionnement de l'ensemble des tribunaux. Donc, je ne pense pas que l'on puisse utiliser le terme d'autogestion pour les magistrats. Il n'est pas question de cela. La seule question que nous posons est celle de la garantie de leur indépendance dans le déroulement de leur carrière, pour que l'on ne puisse pas faire pression sur eux dans des dossiers individuels.
Ma deuxième remarque concerne la parité. Vous avez relevé que, dans la précédente réforme que j'avais présentée et qui avait été votée par cette assemblée ainsi que par le Sénat, les magistrats de l'ordre judiciaire étaient moins nombreux que les autres membres du CSM, en raison de la présence d'un magistrat du Conseil d'État. Cependant, lorsqu'on demande aux magistrats de l'ordre judiciaire pourquoi ils n'avaient pas protesté à l'époque, alors qu'ils protestent maintenant sur cette rupture de la parité, ils répondent de manière claire : cette voix supplémentaire d'un conseiller d'État garantissait l'indépendance dans leur carrière aux magistrats du parquet.
D'ailleurs, durant cinq ans, jamais le garde des sceaux n'est intervenu dans des dossiers individuels. (Murmures sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Les magistrats du parquet jouissaient non seulement d'une parole libre à l'audience, mais avaient aussi toute liberté pour requérir dans les affaires individuelles.
De plus, par cette réforme, nous nous interdisions définitivement de peser sur la carrière des magistrats du parquet. Mais oui ! Vous pouvez faire la moue, monsieur le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement,…
Moi, je fais la moue ?... (Sourires.)
…mais la question de l'indépendance des procureurs est très liée à celle de la parité.
Dès lors, madame la garde des sceaux, que vous continuez à donner des instructions dans des affaires individuelles, qui ne sont en aucun cas nécessaires pour mener une vraie politique pénale, laquelle ne requiert que des instructions générales, dès lors que vous gardez la possibilité de transgresser les avis négatifs du CSM pour la nomination des magistrats du parquet, alors il est particulièrement important que le CSM soit composé à parité. Les deux choses sont liées.
J'en profite pour répondre à M. Goasguen que la réforme de 1998-2000 a été proposée par le Gouvernement auquel j'ai eu l'honneur d'appartenir. Malheureusement, le Président de la République de l'époque en a bloqué l'application.
Quant aux tentations corporatistes, elles existent bien sûr. Cependant, deux dispositions peuvent nous prémunir contre ce risque : la saisine du CSM par le justiciable a précisément pour objet de remettre en cause le fonctionnement défectueux de la justice ou les dérives ; le CSM est habilité à prononcer des sanctions disciplinaires rendues publiques et, en général, particulièrement lourdes.
Quel est l'avis de la commission sur les trois amendements en discussion commune ?
En commission, nous avons beaucoup travaillé sur la rédaction initiale du Gouvernement, estimant qu'elle méritait d'être complétée sur plusieurs points.
Premièrement, il n'était pas prévu de formation plénière. Ce n'est pas un reproche, car il n'en existait pas dans les textes auparavant. Cependant, s'appuyant notamment sur l'article 64 de la Constitution, la formation plénière du CSM se réunissait et le faisait sous l'autorité de son président, ce qui renforçait son existence. Ne pas l'inscrire dans la Constitution et ne pas en organiser le fonctionnement aurait été maladroit, ne serait-ce que parce qu'il est nécessaire de manifester l'unité du corps de la magistrature. Je suis donc très content que le Gouvernement ait repris cette suggestion fondamentale à nos yeux.
Deuxièmement, s'agissant des nominations des personnalités qualifiées par le Président de la République, le président de l'Assemblée et celui du Sénat, nous proposons, à l'article 13, une procédure jamais instituée sous la Ve République, qui vise à soumettre ces nominations à l'avis des commissions parlementaires compétentes. Cependant, le texte initial du Gouvernement prévoyait que le Président de la République, le président de l'Assemblée et celui du Sénat nomment chacun deux personnalités qualifiées, ce que certains observateurs jugeaient excessif pour des élus politiques. C'est pourquoi nous préférons que chacun des trois ne puisse en nommer qu'une seule, et que, dans un esprit d'ouverture à la société civile, on diversifie les autorités jouissant du pouvoir de nomination des personnalités qualifiées. C'est d'ailleurs l'un de mes désaccords avec l'amendement n° 506 , deuxième rectification qui, lui, en reste à deux nominations pour chacun des présidents des deux assemblées.
Même si cela me semble en grande partie injuste, j'ai été frappé par le fait que certains observateurs, lorsqu'ils constataient que six des treize à quinze personnes composant l'une des formations du CSM étaient nommées par les autorités politiques, avaient l'impression que celles-ci voulaient peser sur l'institution. Ce n'est pas le but : Mme la garde des sceaux l'a dit. Je pense donc qu'il était fondamental de ramener le dispositif à une seule nomination pour chaque autorité politique concernée.
Troisième point, que je crois indispensable : l'inscription dans la Constitution du droit des citoyens à saisir le CSM.
Je suis d'accord pour qu'une loi organique détermine les modalités d'une telle saisine. Mais l'un des dysfonctionnements de la justice aujourd'hui tient à ce que le CSM est insuffisamment saisi. Il faut donc ouvrir la saisine, même en prévoyant des filtres et un cadre précis.
Quelle est donc la différence entre l'amendement n° 610 rectifié du Gouvernement et celui qui avait été adopté en commission avec, si je me souviens bien, l'abstention bienveillante de l'opposition ? Le Gouvernement reprend les trois points auxquels nous tenions fermement : la réunion du CSM en formation plénière ; la réduction à une seule nomination, s'agissant des personnalités qualifiées, pour chacune des autorités politiques concernées, Président de la République et présidents des deux assemblées ; la capacité de saisir le CSM pour les citoyens.
Le CSM se réunit en sections de formation, lesquelles donnent, selon les cas, un avis ou une décision pour les carrières ou les nominations de magistrats. Il existe deux formations : l'une pour les magistrats du siège et l'autre pour ceux du parquet. La commission proposait que chaque formation soit composée de sept non-magistrats – si l'on considère qu'un conseiller d'État n'est pas un magistrat – et de six magistrats de l'ordre judiciaire. Nous avions prévu que chaque section de formation serait présidée en alternance, chaque année, par l'une des personnalités qualifiées respectivement désignées par le Président de la République, le président de l'Assemblée, le président du Sénat et le Défenseur des droits des citoyens.
Tel était l'équilibre des sections de formation proposé par la commission des lois.
Avec l'amendement n° 610 rectifié , le Gouvernement propose d'ajouter à ce dispositif une personnalité qualifiée, désignée par le président du Conseil économique et social, ainsi qu'un magistrat – le premier président de la Cour de cassation pour la formation du siège et le procureur général près la Cour de cassation pour la formation du parquet. L'équilibre de chaque formation n'est en pas affecté, puisque le Gouvernement propose d'ajouter un magistrat et une personnalité qualifiée. La différence, substantielle, est qu'il souhaite que la présidence de chaque section revienne de droit à un magistrat – le premier président de la Cour de cassation pour la formation du siège et le procureur général près la Cour de cassation pour la formation du parquet – et non plus à une personnalité qualifiée.
La deuxième différence concerne la formation plénière. L'évolution est comparable : la commission et le Gouvernement proposent tous deux qu'il y ait un non-magistrat de plus par rapport au nombre de magistrats ; la différence est que la commission avait prévu de confier la présidence à une personnalité qualifiée, quand le Gouvernement propose qu'elle revienne de droit au premier président de la Cour de cassation.
S'agissant des formations disciplinaires, notre position est similaire à celle du Gouvernement. La seule différence est que ce dernier propose d'y ajouter une personnalité qualifiée.
Pour être synthétique, je dirai donc que, par rapport aux propositions initiales de la commission, le Gouvernement ajoute une personnalité qualifiée et un magistrat pour chacune des deux formations, et que chaque présidence – pour la formation spécifique au siège ou au parquet, la formation plénière et la section disciplinaire – revienne à un magistrat. Dans l'amendement de la commission des lois, seules les sections disciplinaires étaient présidées par un magistrat.
Sans faire d'interprétation abusive, je crois que le Gouvernement a voulu entendre les arguments, relayés dans cette enceinte, de nombreux magistrats qui souhaitent conserver une forte présence dans les formations du CSM. L'équilibre qu'il nous propose s'apparente à celui de la commission des lois – avec la majorité d'un membre pour les non-magistrats –, à ceci près que chacune des formations serait présidée par un magistrat. On peut toujours modifier légèrement les choses dans un sens ou dans l'autre, mais je crois que l'essentiel de ce que souhaitait la commission se retrouve dans l'amendement du Gouvernement, dont je comprends très bien qu'il veuille envoyer un signal aux magistrats en leur confiant la présidence de chacune des formations. Bref, il s'agit d'un bon équilibre, même s'il pourra être revu à la marge lors de l'examen au Sénat.
Je remercie en tout cas le Gouvernement, qui a fait de grands pas en avant par rapport à la première version du texte.
Avis favorable à l'amendement n° 610 rectifié , par conséquent, défavorable aux des autres amendements.
Merci, monsieur le rapporteur, pour ces explications : nous ne savions plus très bien où nous en étions, et vous avez fort bien résumé la situation.
Après de nombreuses auditions et de longues discussions en commission, vous aviez élaboré un dispositif équilibré, qui allait selon nous dans le bon sens. Or nous découvrons aujourd'hui un amendement du Gouvernement qui remet en cause, au moins partiellement, cet équilibre.
S'agissant en premier lieu de la formation plénière, vous l'avez acceptée ainsi que le Gouvernement : fort bien, mais celle proposée par le Gouvernement serait présidée par le premier président de la Cour de cassation, quand nous tenions à ce qu'elle le soit par un non-magistrat.
J'ai bien entendu ce qu'a dit Mme la garde des sceaux. Symboliquement, faire présider le CSM par un non-magistrat était à nos yeux important pour en finir avec un certain corporatisme.
Par ailleurs, nous savons que cette présidence sera essentielle dans le fonctionnement du CSM : beaucoup de choses y seront décidées. Qu'on le veuille ou non, la confier au premier président de la Cour de cassation donne à celui-ci un pouvoir très important.
M. Lamanda, ancien secrétaire général du CSM, nous a expliqué, comme tous ceux qui nous ont parlé du fonctionnement de cette institution, que le président en était la mémoire et qu'il en incarnait la continuité. Bref, le premier président de la Cour de cassation aura une fonction déterminante.
Lors des auditions en commission, ni les associations de magistrats, ni le procureur général près la Cour de cassation n'ont d'ailleurs demandé que le CSM soit présidé par le premier président de la Cour de cassation : seul ce dernier le souhaitait ! Le procureur général près la Cour de cassation nous a clairement dit qu'il ne pensait pas que l'idée de confier la présidence du CSM au premier président de la Cour de cassation fût bonne. Il y a donc une divergence avec les propositions de M. Warsmann, lesquelles, je le répète, allaient dans le bon sens.
Nous recherchions un ajustement pour éviter à la fois la politisation et le corporatisme, tout en donnant aux magistrats, comme c'est normal, une prééminence en matière disciplinaire. Tel était l'équilibre trouvé par M. Warsmann, qui distinguait les formations selon leur objet :…
…en matière disciplinaire, nous acceptions l'idée que les magistrats siègent à parité avec les non-magistrats. C'était une bonne idée, qui donnait satisfaction aux revendications légitimes des magistrats.
J'en termine, monsieur le président.
En matière de nominations en revanche, les magistrats étaient minoritaires. Cette distinction établissait selon nous un équilibre intéressant.
Je ne comprends donc pas que le Gouvernement soit en partie revenu sur ces propositions, qui avaient donné lieu à de nombreuses discussions. Cela marque un recul que je regrette.
Merci de me donner la parole, monsieur le président : je sollicite un peu d'indulgence de votre part, n'étant pas encore intervenu dans ce débat.
Je n'ai jamais remis en question votre droit à vous exprimer, monsieur Lagarde ! J'attendais seulement que ce soit votre tour.
Je vous en suis reconnaissant.
Le groupe Nouveau Centre estime que la réforme du CSM telle qu'elle est proposée dans sa version initiale présente deux avantages. Le premier est de ne plus confier la présidence de cette institution au Président de la République : beaucoup l'ont rappelé, je n'y insiste donc pas. Le second est de réviser un dispositif dans lequel les magistrats se trouvaient systématiquement majoritaires, ce qui n'est pas souhaitable.
La réécriture proposée par le Gouvernement avec l'amendement n° 610 rectifié comporte d'autres progrès. Le premier, dont nous avons pu mesurer l'importance lors des auditions en commission, est de constitutionnaliser la formation plénière du CSM. Cela marque notre attachement à l'unicité de la magistrature et institue une formation dont tous les intervenants nous ont dit qu'elle fonctionnait déjà de manière informelle, ce qui n'est pas sain pour une institution aussi haute que le CSM.
Le deuxième progrès est que les trois formations seront présidées par un magistrat. Nous estimons, à l'inverse de M. Caresche, que c'est souhaitable : l'équilibre d'une institution tient à sa composition, et non à son président, lequel doit par nature se situer au-dessus des autres membres.
Troisième progrès, que l'on n'a pas assez évoqué : la possibilité de saisine du CSM par les citoyens, disposition qui ne figurait pas dans la première version. Après le référendum d'initiative populaire et l'exception d'inconstitutionnalité, que les citoyens pourront soulever, il s'agit pour eux, mes chers collègue, d'un troisième droit constitutionnel important.
Au sujet de la parité au sein du CSM, je crois, moi aussi, que les symboles comptent. Le fait de refuser la parité et d'accorder une voix de plus aux non-magistrats est bien un symbole d'ouverture de la magistrature, ce que souhaite notre société. Beaucoup l'ont dit, de M. Bayrou à nos collègues socialistes, on sait bien que les clivages ne se feront pas entre magistrats et non-magistrats et que les décisions du Conseil n'en seront que plus fondées. Mais c'est un symbole important car la société veut avoir un droit de regard sur l'organisation judiciaire. En supprimant la parité, monsieur Bayrou, nous démontrons que la justice n'est pas une institution comme les autres. Vous avez raison, il n'y a pas d'autre corps qui ne respecte pas la parité, mais à la différence de l'éducation nationale ou de la police, il y a une seule fonction dans la République qui rende des décisions au nom du peuple français. Il est d'autant plus légitime que son organisation soit encadrée par nos concitoyens.
Restent deux avancées dans que nous souhaitons introduire dans ce texte, et c'est pourquoi nous avons présenté des sous-amendements à l'amendement du Gouvernement.
D'abord, si la parité ne nous paraît pas légitime dans les formations, lorsqu'il s'agit de la gestion des magistrats, elle le devient lorsqu'elles siègent en matière disciplinaire.
Je termine, monsieur le président, mais j'ai préféré intervenir longuement dès à présent plutôt que sur chaque sous-amendement.
En second lieu, les personnalités qualifiées qui seront nommées ne devront pas, selon nous, avoir rempli de fonctions électives au cours de leur carrière. Cela me paraît évident. S'il ne s'agissait pas de techniciens ou de juristes reconnus mais de personnes ayant eu un parcours politique, le dispositif s'en trouverait déséquilibré et cela ferait naître le doute quant à leur neutralité.
Je voudrais faire un bref rappel au règlement sur l'organisation des travaux avant que Mme la garde des sceaux ne nous fasse part de la position du Gouvernement. Nous avons accompli un travail important en commission, M. Goasguen et M. Bayrou l'ont rappelé, et notre groupe a participé à certaines avancées, allant jusqu'à s'abstenir de voter contre les amendements du rapporteur. Le Gouvernement a pris en compte plusieurs de ses propositions dans l'amendement global qu'il présente. Cet amendement est cohérent, mais il aura pour conséquence, s'il est adopté, de faire disparaître tous les autres.
C'est d'autant plus embarrassant que le projet de loi lui-même nous invite à l'avenir à travailler en séance sur le texte issu de la commission ! Nous y voyons une première contradiction et surtout une mauvaise façon de procéder. Nous aurions pu travailler sur les propositions de la commission, que le Gouvernement aurait sous-amendées. Mais c'est nous qui nous sommes trouvés dans l'obligation de présenter une vingtaine de sous-amendements, que nous allons défendre brièvement, sur chacune des dispositions que nous souhaitons modifier. Nous sommes désolés de vous les imposer, mes chers collègues, mais chacun d'entre vous pourra ainsi améliorer le texte, et peut-être reconstruire le travail de la commission, que l'amendement du Gouvernement a quelque peu compromis.
Monsieur Montebourg, certains de vos sous-amendements tomberont, car le Gouvernement en a tenu compte dans l'amendement n° 610 rectifié .
Monsieur Le Bouillonnec, vous souhaitez que le président du Conseil supérieur de la magistrature soit élu parmi les non-magistrats, et les présidents de chacune des formations parmi les magistrats : un pour le siège, un autre pour le parquet. Il y aurait alors trois présidents. L'objectif de la réforme du CSM, partagé sur tous les bancs de cette assemblée, est de le rendre plus uni, plus stable et plus solide qu'il ne l'était jusqu'à maintenant. Je rappelle qu'il a fait l'objet de nombreuses critiques et subi certains dysfonctionnements. Élire les trois présidents ne répondrait pas à notre objectif d'unité et de stabilité. Nous sommes opposés pour les mêmes raisons à ce que la présidence de la formation plénière soit accordée à une personnalité qualifiée, alors que les deux présidents des formations du siège et du parquet seraient désignés ou élus parmi les magistrats. Vous qui parliez tout à l'heure de mémoire, je vous rappelle que nous devons satisfaire aux exigences suivantes : mémoire, unicité et stabilité. C'est pourquoi nous sommes opposés à votre amendement.
Nous souhaitons, nous, confier la présidence des formations aux plus hautes autorités judiciaires, qui offrent une garantie d'indépendance et ont une autorité morale incontestable, pour les magistrats mais également aux yeux des Français. Certes les magistrats seront en minorité mais, en attribuant les présidences à leurs pairs les plus haut placés, nous renforcerons la confiance qui se manifeste à l'égard de la magistrature. Cette mesure rassurera à la fois les Français et les magistrats, et je puis vous assurer que ceux des tribunaux de grande instance, où je me rends souvent, n'y sont pas du tout opposés, bien au contraire !
Vous souhaitez également instituer la parité. Nous préférons que les magistrats soient minoritaires pour éviter l'écueil du corporatisme que tout le monde dénonce, aussi bien les magistrats que les Français, en particulier les justiciables. Nos concitoyens critiquent d'autant plus le corporatisme qu'ils savent qu'ils pourraient en souffrir si un dysfonctionnement survenait, comme l'ont montré de récents drames judiciaires qui ont eu de lourdes conséquences.
Et contrairement à ce que vous avez soutenu, nous ne serions pas les seuls à appliquer la minorité. En Angleterre, l'instance qui correspond à notre Conseil supérieur de la magistrature est composée de sept juges et de huit non-juges. En Allemagne, l'organisation judiciaire est très différente de la nôtre puisque la composition des commissions est variable. Dans certains Länder, comme la Sarre, la commission, exclusivement constituée de parlementaires, ne compte aucun magistrat.
Au Portugal, le Conseil supérieur de la magistrature, qui est construit sur le même modèle que le nôtre, tout au moins pour son rôle et ses missions, compte huit magistrats et neuf non-magistrats.
En Irlande, le conseil compte quatre juges et quatre non-juges : il y a donc parité, ainsi qu'en Belgique.
Nous souhaitons que les magistrats soient minoritaires, mais nous renforçons la confiance que nous leur accordons en confiant les présidences aux plus hautes autorités judiciaires. Opter pour la minorité permettra une ouverture et beaucoup plus de transparence, aussi bien, monsieur Bayrou, pour les nominations et les promotions que pour la discipline – de récentes affaires ont montré que c'était nécessaire.
Lorsque vous étiez garde des sceaux, vous aviez tenté, madame Guigou, de généraliser l'avis conforme pour les nominations, mais sans y parvenir. C'est une réelle avancée que nous vous proposons en étendant le champ de la consultation du CSM, qui désormais donnera également son avis – un avis simple – pour les procureurs généraux, nommés en conseil des ministres. Je rappelle que l'article 5 du statut de la magistrature les place sous l'autorité du garde des sceaux, qui leur adresse des instructions générales d'action publique, ce qui est conforme au statut de la magistrature.
Vous avez parlé du passer-outre. De quoi s'agit-il ? Le Conseil supérieur de la magistrature recommande la nomination d'un procureur, mais le garde des sceaux ne tient pas compte de son avis. Dans la mesure où le principe de la minorité de magistrats sera posé, il y aura plus de transparence dans les nominations. Parfois, nous aimerions nommer un procureur pour ses mérites, son énergie et sa compétence, au lieu de faire toujours primer le critère de l'ancienneté. Le passer-outre ne dépend pas de l'humeur du garde des sceaux, mais repose sur des appréciations fondées. D'ailleurs, les procureurs nommés de cette façon n'ont pas démérité.
Vous avez aussi parlé de l'indépendance de la justice. Lorsqu'on discute avec les Français, on se rend compte à quel point ils y tiennent : c'est pour eux la garantie qu'ils seront tous jugés de la même manière et qu'il n'y aura ni justice d'influence ni justice de classe. Nous sommes tous d'accord sur ce principe, et nous y sommes très attachés.
S'agissant du parquet, demandez donc aux Français s'ils souhaitent que le procureur de la République de leur territoire soit totalement indépendant de la politique pénale menée par le Gouvernement ! Ils vous répondront que s'ils ont élu les représentants de la nation, c'est pour qu'ils conduisent une politique claire, par exemple la lutte contre la récidive ! Or un parquet indépendant peut très bien choisir de ne pas lutter contre la récidive, mais contre les infractions routières !
Est-ce ce que veulent les Français ? Non, ils veulent que la justice et la politique pénale soient les mêmes sur tout le territoire.
Vous pouvez obtenir la même chose en adressant aux parquets une instruction générale !
En effet, mais si le parquet est indépendant, il ne sera pas obligé de l'appliquer ! (« Absolument ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Il faut donc une autorité qui puisse donner une instruction d'action publique, et il n'y a pas d'autre moyen que de le prévoir dans le statut de la magistrature.
Non ! Trop longtemps, madame Guigou, la justice a été une affaire de professionnels, et cela arrangeait tout le monde, y compris vous,…
…car vous savez bien que vous avez donné des instructions dans certaines affaires.
Nous ne sommes pas favorables à l'indépendance du parquet, mais nous souhaitons mener des politiques d'action publique cohérentes, afin que les Français soient protégés de la même manière sur tout le territoire. Cela ne nous empêche pas d'être extrêmement attachés à l'indépendance de la justice.
Les décisions des juges sont rendues en totale indépendance.
Oui, nous sommes d'accord sur ce point. Mais nous assumons parfaitement le fait de donner des instructions d'action publique pour que la politique pénale soit appliquée de la même manière sur tout le territoire.
Monsieur Bayrou, vous avez dit qu'il n'y avait pas d'autre instance où un corps soit en minorité. Je vous rappelle qu'au sein du Conseil supérieur des tribunaux administratifs, les conseillers ne sont pas majoritaires, pas plus que les conseillers des chambres régionales des comptes dans l'instance qui leur est propre. Par ailleurs, les commissions paritaires de la fonction publique n'émettent qu'un avis. Le Conseil supérieur de la magistrature, lui, décide. Il est donc important que ses décisions soient transparentes, aussi bien pour les nominations et les promotions que pour les avis qu'il rend et les mesures disciplinaires.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement est défavorable aux amendements de M. Le Bouillonnec et de M. Bayrou, mais je vous rappelle que nous avons tenu compte des travaux de la commission puisque nous avons notablement amendé le projet de loi initial.
Je mets aux voix l'amendement n° 506 deuxième rectification.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Nous en venons aux sous-amendements à l'amendement n° 610 rectifié .
La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec, pour soutenir le sous-amendement n° 614 rectifié .
Nous proposons que la formation du siège soit présidée par un magistrat élu en son sein.
Je mets aux voix le sous-amendement n° 614 rectifié .
(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un sous-amendement n° 615 .
La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec, pour le soutenir.
Ce sous-amendement vise à établir la parité dans la formation du CSM compétente à l'égard des magistrats du siège.
Comme il y a déjà au CSM cinq magistrats du siège et du parquet élus, nous en sommes restés à ce chiffre. C'est un mode d'élection qui fonctionne bien et que personne ne conteste. La commission est donc défavorable à ce sous-amendement.
Même avis que celui de la commission.
Ce n'est pas le nombre qui importe, mais le fait d'établir la parité. C'est pour cette raison que nous proposons de porter le nombre de magistrats de cinq à six.
Je mets aux voix le sous-amendement n° 615 .
(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un sous-amendement n° 616 .
La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec, pour le soutenir.
Nous ne sommes pas contre le fait qu'un professeur des universités, dont nous choisirions le mode de désignation, siège au CSM au titre des personnalités qualifiées. Mais il n'y a pas lieu de rendre cette disposition contraignante en l'inscrivant dans la Constitution.
Défavorable. La désignation d'un professeur des universités n'est pas une innovation : il s'agit d'une proposition de la commission des lois, qui a repris elle-même une proposition du comité Balladur. Son objectif est de diversifier la composition du CSM, en ramenant à une au lieu de deux le nombre de personnalités qualifiées nommées par le Président de la République, le président de l'Assemblée et le président du Sénat.
Défavorable. Je rappelle que, parmi les professeurs d'université, il y a des juristes. (Sourires.)
Il serait bon en effet de le préciser. J'ai beaucoup d'estime pour les biologistes ou les pharmaciens, mais il serait préférable qu'un juriste siège au sein du CSM.
Vous oubliez les médecins, monsieur Goasguen ! (Sourires.)
La parole est à M. le rapporteur.
Je remercie Claude Goasguen de sa question, qui me permet d'apporter un éclaircissement. Dans notre esprit, il s'agit, bien sûr, d'un professeur de droit. Nous inscrirons cette précision dans la loi organique. Il faudra également prévoir son mode de désignation, sans doute par une section du CNU – le Conseil national des universités.
Je mets aux voix le sous-amendement n° 616 .
(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
Retiré : il s'agit d'un sous-amendement de coordination avec une disposition qui n'a pas été adoptée.
Je mets aux voix le sous-amendement n° 611 .
(Le sous-amendement est adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 619 .
La parole est à M. Arnaud Montebourg, pour le soutenir.
Nous proposons que la formation compétente à l'égard des magistrats du parquet soit présidée par un magistrat du parquet élu en son sein et non par le procureur général près la Cour de cassation – nous avons d'ailleurs déposé plusieurs sous-amendements allant en ce sens. En effet, la durée des mandats est très variable : un premier président de la Cour de cassation peut exercer sa fonction pendant dix ou quinze ans, à juste titre, compte tenu de sa nécessaire stabilité. Tel fut le cas du président Canivet. Nous soutenons donc l'idée que le président d'une formation doit être élu par ses membres, et nous demandons à nos collègues de la majorité de bien vouloir nous rejoindre.
Je mets aux voix le sous-amendement n° 619 .
(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un sous-amendement n° 620 .
La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec, pour le soutenir.
Il s'agit d'un amendement de coordination : nous passons de cinq à six magistrats.
Je suis saisi d'un amendement n° 622 .
La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec, pour le soutenir.
C'est un amendement de cohérence concernant le professeur des universités.
Je suis saisi d'un amendement n° 623 .
La parole est à M. Arnaud Montebourg, pour le soutenir.
Ce sous-amendement, proposant que les magistrats du parquet soient nommés sur l'avis conforme de la formation du Conseil supérieur de la magistrature, met en évidence le désaccord de fond qui existe sur ce point entre majorité et opposition.
Défavorable. Lors de nos débats en commission, nous n'étions pas d'accord avec l'opposition. Nous ne le sommes toujours pas !
Je mets aux voix le sous-amendement n° 623 .
(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
C'est un amendement important. La formation plénière du CSM, telle qu'elle a été prévue dans l'amendement gouvernemental, ne peut être saisie que par le Président de la République et le garde des sceaux. Compte tenu de son rôle d'instance régulatrice, responsable de l'indépendance de la justice, nous pensons que le CSM a vocation à être saisi par les trois pouvoirs, donc par le garde des sceaux – qu'il ne s'agit en aucun cas de priver de cette prérogative – mais aussi par les magistrats eux-mêmes et par les parlementaires. Cette triple saisine permettrait de placer le CSM au coeur de sa mission de protection de l'indépendance de la justice, dans le respect de la déontologie.
En l'espèce, la formation plénière du CSM doit, en cas de dysfonctionnement manifeste de la justice, pouvoir se saisir elle-même, si le garde des sceaux ne le fait pas. La saisine d'office est connue comme un mécanisme fonctionnant correctement, compte tenu de la modération des institutions qui disposent de cette prérogative. À n'en pas douter, le CSM gagnerait à pouvoir se saisir d'office dans sa formation plénière, et nous prions nos honorables collègues de la majorité de voter ce sous-amendement avec nous.
La commission des lois, suivie par le Gouvernement, a proposé d'ouvrir la saisine aux justiciables, ce qui constitue une avancée considérable. J'émets donc un avis défavorable au sous-amendement n° 624 .
Je mets aux voix le sous-amendement n° 624 .
(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 625 .
La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec, pour le soutenir.
L'amendement du Gouvernement prévoit que la formation plénière du Conseil supérieur de la magistrature ne comprendra que trois des cinq magistrats de la formation du siège et trois des cinq magistrats de la formation du parquet. Nous pensons, au contraire, que la formation plénière du CSM doit être composée de l'intégralité des membres des deux formations. Si tel n'était pas le cas, le processus de décision pourrait être faussé.
Nous proposons donc que la formation plénière soit composée de la formation compétente à l'égard des magistrats du siège et de la formation compétente à l'égard des magistrats du parquet, et qu'elle élise son président parmi ses membres non magistrats. Une telle disposition simplifierait les choses.
Défavorable. Dans un souci d'équilibre, le schéma retenu par le Gouvernement prévoit la présence en formation plénière de huit personnalités qualifiées et de sept magistrats. Votre proposition porterait le nombre de ces derniers à quatorze contre huit puisque les personnalités qualifiées sont les mêmes dans les deux formations, ce qui romprait l'équilibre souhaité.
Je mets aux voix le sous-amendement n° 625 .
(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un sous-amendement n° 635 deuxième rectification.
La parole est à M. Arnaud Montebourg, pour le soutenir.
Je l'ai déjà défendu. Il propose que la formation plénière du Conseil supérieur de la magistrature puisse être saisie à sa demande par un membre du Parlement, par un magistrat ou par un justiciable.
Défavorable. Nous restons fidèles à notre idée d'ouvrir la saisine aux justiciables.
Je mets aux voix le sous-amendement n° 635 deuxième rectification.
(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un sous-amendement n° 626 .
La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec, pour le soutenir.
Il s'agit des modalités d'intervention du garde des sceaux lors des séances tenues par les formations du CSM. Notre sous-amendement précise qu'il peut être entendu à sa demande.
Défavorable. La présence du ministre de la justice se justifie de plein droit puisqu'il peut faire des propositions de nomination.
Je mets aux voix le sous-amendement n° 626 .
(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un sous-amendement n° 638 .
La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour le soutenir.
S'il nous semble acceptable que la composition du CSM ne soit pas paritaire, nous estimons en revanche qu'il serait plus équitable de rétablir la parité dès lors que les formations statuent en matière disciplinaire.
Notre sous-amendement propose donc que les présidents de chacune des formations du Conseil supérieur de la magistrature, lorsqu'elles statuent en matière disciplinaire, aient une voix qui compte double – d'autant qu'il s'agit des plus hauts magistrats appartenant à leur corps.
Avis défavorable. D'une part, ce système de double vote n'a jamais été évoqué en commission. D'autre part, le nombre de membres de chaque section étant impair, attribuer une double voix au président risquerait de conduire à des situations de blocage.
Je mets aux voix le sous-amendement n° 638 .
(L'amendement n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un sous-amendement n° 628 .
La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec, pour le soutenir.
Il s'agit de donner au Conseil supérieur de la magistrature la possibilité de rendre des avis publics.
On pourrait prévoir dans la loi organique un rapport annuel public. Mais cela ne relève pas de la Constitution. Avis défavorable.
Je mets aux voix le sous-amendement n° 628 .
(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 629 .
La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec, pour le soutenir.
La loi organique doit préciser les conditions dans lesquelles se réunit la formation plénière.
Cela va de soi, il me semble. Avis défavorable, afin de ne pas surcharger la Constitution.
Même avis. De telles précisions figureront bien entendu dans la loi organique.
Je mets aux voix le sous-amendement n° 629 .
(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
Le sous-amendement n° 627 est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 610 rectifié , modifié par le sous-amendement n° 611 .
(L'amendement, ainsi modifié, est adopté.)
L'article 28 est ainsi rédigé.
En conséquence, les autres amendements à cet article tombent.
Cet amendement adopté à l'initiative de Bertrand Pancher et des membres du groupe socialiste de la commission des lois tend à modifier le nom du Conseil économique et social, qui deviendrait le « Conseil économique, social et environnemental », suite au Grenelle de l'environnement et aux engagements du Président de la République. Il est de cohérence avec l'élargissement des compétences du Conseil introduit dans les amendements qui suivent.
Favorable.
Je suis saisi d'un amendement n° 195 , tendant à supprimer l'article 29.
Favorable.
Je mets aux voix l'article 29, modifié par l'amendement n° 100 .
(L'article 29, ainsi modifié, est adopté.)
Sur l'article 30, je suis saisi d'un amendement n° 101 .
La parole est à M. le rapporteur.
Favorable.
Favorable.
Favorable.
Je mets aux voix l'article 30, modifié par les amendements adoptés.
(L'article 30, ainsi modifié, est adopté.)
Nous en venons à plusieurs amendements portant articles additionnels après l'article 30.
Je suis saisi d'un amendement n° 104 .
Favorable.
Il s'agit d'éviter que l'extension des compétences du Conseil économique et social n'entraîne une inflation des moyens et des dépenses.
Favorable.
Je suis saisi d'un amendement n° 523 .
La parole est à Mme George Pau-Langevin, pour le soutenir.
Cet amendement d'ordre technique vise à inclure Saint-Barthélemy et Saint-Martin dans la liste des collectivités d'outre-mer figurant à l'article 72-3 de la Constitution, ces deux îles ayant été récemment érigées en collectivités territoriales distinctes de la Guadeloupe suite à la consultation du 7 décembre 2003.
Je n'ignore pas que la politique du Gouvernement envers ces collectivités est fluctuante. Ainsi, il était d'abord prévu qu'elles aient des députés, mais il semble maintenant qu'elles en seront privées. Il n'en demeure pas moins que leurs noms doivent figurer dans la Constitution, même si leurs députés sont menacés.
Aucun député n'est menacé. Un redécoupage est prévu sur l'ensemble du territoire de la République. Il concernera ces collectivités. En tout état de cause, la constitution en collectivité d'outre-mer n'entraîne pas nécessairement le droit d'être représenté par des députés spécifiques.
Cela avait été prévu pour 2012, mais ce qu'une loi a fait, une autre – en l'occurrence celle qui procédera à un redécoupage général – peut le défaire.
En revanche, l'attribution d'un siège de sénateur pour chacune de ces collectivités n'est pas remise en question.
Si vous maintenez cet amendement, madame la députée, je vous suggère de le rectifier et d'enlever l'accent sur le deuxième « e » de Saint-Barthélemy, comme pour le saint éponyme ou cette nuit tristement célèbre de notre histoire. (Sourires.)
Dès lors, j'émets à titre personnel un avis favorable. Mais je le fais avec tristesse, car je ne crois pas que ce soit grandir notre constitution que d'y avoir introduit, sous la précédente législature, une liste de collectivités. Cependant, puisqu'on a commencé à le faire, il est logique de compléter cette liste.
L'article 72-3 de la Constitution dresse en effet la liste complète des collectivités d'outre-mer. Par conséquent, le Gouvernement est favorable à l'amendement.
La parole est à M. Jean-Pierre Brard. (« Ah ! Il est de retour ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Merci de cet accueil chaleureux !
L'argumentation de Mme Pau-Langevin est parfaitement cohérente. Mais cela n'ôte rien au caractère immoral de la décision prise à l'égard de Saint-Barthélemy et Saint-Martin. Rappelons-nous le débat à l'esbroufe qui a eu lieu ici même, avec les non-dits et les petits arrangements entre amis. On a ainsi donné l'onction des institutions à la création de collectivités dans des conditions de transparence et de moralité incompatibles avec les valeurs républicaines. Et tout en comprenant parfaitement l'objet de l'amendement, je maintiens la position qui était alors la mienne et reste tout à fait opposé à la constitution de ces deux îles en collectivités d'outre-mer. J'espère que le redécoupage électoral sera l'occasion de revenir sur cette décision, et que l'on supprimera non seulement les sièges de député, mais aussi ceux de sénateur. Je rappelle qu'à Saint-Martin, un gendarme a été assassiné et son corps martyrisé, et qu'à Saint-Barthélemy, des fonctionnaires de l'administration des finances ont été jetés à la mer.
Je fais observer au Gouvernement que, si on doit supprimer les sièges de sénateur prévus à Saint-Martin et Saint-Barthélemy, il conviendrait de le faire à l'occasion de cette réforme constitutionnelle, car leur élection doit intervenir en septembre. Par ailleurs, je rappelle qu'il faudra dix voix pour être élu à Saint-Barthélemy, et douze à Saint-Martin. (Rires.)
Je mets aux voix l'amendement n° 523 , tel qu'il vient d'être rectifié.
(L'amendement, ainsi rectifié, est adopté.)
Plusieurs orateurs sont inscrits sur l'article 31.
La parole est à Mme Élisabeth Guigou.
L'article 31 crée un Défenseur des droits des citoyens, institution qui remplacerait le Médiateur de la République et dont la saisine serait ouverte à toute personne s'estimant lésée par le fonctionnement d'un service public. Sur le principe, pourquoi pas ? Mais nous aurions besoin, madame la garde des sceaux, d'obtenir de vous certaines assurances. Je lis en effet dans l'exposé des motifs du projet de loi constitutionnelle que ce Défenseur, dont une loi organique précisera les modalités d'intervention, pourrait le cas échéant se substituer non seulement à l'actuel Médiateur, mais qu'il pourrait reprendre, « dans un premier temps, les attributions du contrôleur général des lieux de privation de liberté ainsi que celles de la Commission nationale de déontologie de la sécurité ». Cela ne nous convient pas du tout.
Le contrôleur général des lieux de privation de liberté – c'est-à-dire des prisons – a été créé par une loi récente, et sa nomination est toujours attendue. Allez-vous le nommer, ou bien a-t-il vocation à disparaître au profit du Défenseur des droits des citoyens ? Nous attendons sur ce premier point une réponse précise.
Deuxièmement, le futur Défenseur des droits des citoyens a-t-il vocation à remplacer la Commission nationale de déontologie de la sécurité, qui joue, en toute impartialité et dans une relative discrétion, sans polémique, un rôle fondamental dans la dénonciation des abus pouvant être commis par certains fonctionnaires ? Après cinq ans d'existence, elle a pourtant fait la preuve de son utilité. Elle n'est pas saisie à tort et à travers, car les parlementaires effectuent un tri dans les demandes qui lui sont adressées. Et grâce aux rapports qu'elle publie chaque année et aux interventions qu'elle effectue auprès des ministères, elle a contribué à améliorer considérablement le fonctionnement des services concernés.
La création du Défenseur des droits des citoyens est donc une bonne chose. Mais à nos yeux, cette institution ne doit pas reprendre les attributions du contrôleur général des lieux de privation de liberté ni celles de la Commission nationale de déontologie de la sécurité.
Le comité présidé par Édouard Balladur avait proposé la création d'un défenseur des droits fondamentaux, qui reprenait une institution présente aujourd'hui dans plusieurs démocraties, et notamment en Espagne, sous le nom de defensor del pueblo.
Cette idée excellente est reprise dans l'article 31 du projet de loi de modernisation des institutions de la Ve République, sous le titre de « Défenseur des droits des citoyens ». Je ferai quatre remarques à ce sujet :
Premièrement, cette mesure peut considérablement accroître le rôle de l'actuel médiateur de la République, d'une part, en élargissant le domaine de ses interventions et, d'autre part, en l'inscrivant dans la Constitution. Actuellement, sur les vingt-sept pays de l'Union européenne, seize ont inclus dans leur Constitution le droit pour les citoyens d'adresser leur plainte à un ombudsman, et huit de ces seize pays ont également inscrit directement l'ombudsman dans leur texte fondateur, à commencer par la Suède qui est un modèle en la matière. Cette consécration doit s'accompagner d'un élargissement de ses interventions, puisque le Défenseur devrait pouvoir être saisi de réclamations sans intermédiaire – à l'inverse du Médiateur de la République, saisi par l'intermédiaire d'un parlementaire.
En second lieu, la dénomination de « Défenseur des droits des citoyens » semble au contraire restreindre la mission par rapport à l'intitulé du comité Balladur, qui parlait lui de « droits fondamentaux ». En effet, il serait sans doute plus opportun de rappeler que ces droits concernent non seulement les citoyens mais également toutes les personnes qui sont présentes sur notre territoire, que ce n'est pas seulement le droit de participer à la vie de la cité qui est protégé, mais aussi les libertés dont jouissent tous les hommes. La référence aux principes fondamentaux de notre Constitution, inscrits dans le préambule de celle-ci, ainsi que la référence à la Charte de l'environnement – je défendrai trois amendements sur ce sujet – me paraissent donc définir le bon périmètre.
En troisième lieu, cette nouvelle institution devrait pouvoir regrouper toutes celles qui concourent actuellement à la protection des droits fondamentaux – et je ne suis pas tout à fait d'accord avec Mme Guigou sur ce point –, non seulement le Médiateur de la République, mais également le Défenseur des enfants, ainsi que la HALDE, dont on connaît le coût exorbitant.
Enfin, il faut regretter que, dans le cadre d'un texte voué à renforcer le pouvoir du Parlement, on supprime une des plus vieilles fonctions de la puissance tribunitienne et l'une des plus riches de l'humanité, l'intercessio, puisque désormais l'on ne passe plus par le parlementaire pour saisir le Défenseur, et que ce dernier est nommé par le Président de la République, alors qu'il aurait pu être plus justement désigné par le Parlement.
Monsieur le président, mon intervention sur l'article 31 vaudra également défense de notre amendement de suppression, n° 463.
Je vais me faire l'écho de ce qu'ont déjà dit Élisabeth Guigou et Christian Vanneste. Nous aurions volontiers accepté la création d'un Défenseur des droits des citoyens – même si j'aurais préféré pour ma part qu'il soit défenseur des droits fondamentaux ou des droits de l'homme et des citoyens, ce qui aurait été plus proche de la déclaration de 1789 et n'aurait pas exclu les étrangers.
Je partage les craintes exprimées sur le fait que ce Défenseur des citoyens se substitue à certaines d'autorités administratives indépendantes – celles déjà citées mais aussi le CNDS ou la CNIL, et que sa création ne soit qu'une manière détournée de régler leur compte à ces autorités indépendantes.
Il nous faudrait sur ce point, madame la ministre, une réponse claire, propre à nous rassurer et, au-delà, des engagements précis et écrits pour que nous revenions sur notre demande de suppression de l'article 31.
Madame la ministre, je m'associe aux remarques de mes collègues. Comme d'habitude, il n'y a pas d'évaluation : on propose de nouvelles dispositions sans savoir si les institutions antérieures ont rempli ou non leur contrat. La CNDS, par exemple, fait, avec discrétion et détermination, un excellent travail. Quant au Médiateur de la République, son rôle a progressé, et l'actuel titulaire de la fonction, Jean-Paul Delevoye, fait usage de son droit d'injonction, qui est une de ses facultés peu connue.
Or le texte de l'article 31 est fort vague et n'indique pas clairement quelles sont les instances qui risquent d'être remplacées par le Défenseur des droits des citoyens. Par ailleurs, je suis d'accord avec Patrick Braouezec : c'est une faute de ne parler que des citoyens, car il y a des gens qui ne sont pas citoyens mais qui ont également le droit d'être défendus.
Rien n'est dit sur l'étendue des pouvoirs du Défenseur. Or attention aux confusions : la HALDE vient de rendre récemment un avis sur la laïcité que nos directeurs d'école ont interprété comme une décision. Il est donc essentiel que le champ d'intervention du Défenseur des droits des citoyens soit clairement établi, ce que ne fait pas le texte dans sa rédaction actuelle.
Mes collègues ont souhaité être rassuré, madame la ministre. Mais être rassuré ne me suffit pas, car il vaut mieux tenir que courir. L'enfer est pavé de bonne intention et, sans vouloir vous comparer à Lucifer, je souhaiterais dans le texte des éléments clairs et précis. Vos exégèses, celles de M. Karoutchi ou de M. Warsmann peuvent faire l'objet d'un séminaire mais elles ne suffisent en aucun cas à établir le texte constitutionnel.
Monsieur le président, je profiterai également de mon intervention pour défendre mon amendement de suppression.
Nous voilà face à une sorte de gadget auquel on veut donner valeur constitutionnelle. Ce serait regrettable, si l'affaire n'était infiniment plus grave. Nous vivons, du moins ai-je la faiblesse de le croire, dans un État de droit, c'est-à-dire un État organisé de telle sorte qu'il y a des juridictions pour défendre les droits des citoyens. Or baptiser un organe nouveau ou une personnalité qu'on ne connaît pas, malgré quelques rumeurs, et qui serait, aux termes de la loi fondamentale, chargé de la défense des droits des citoyens, équivaut tout simplement à renier ce qui fonde l'État de droit.
Mes chers collègues, quand le Conseil constitutionnel annule une disposition législative au motif qu'elle viole la Déclaration des droits de l'homme, il défend les droits des citoyens ! Quand la Cour de cassation réforme une décision de justice parce que les droits de la défense n'ont pas été respectés, la Haute juridiction défend les droits des citoyens ! Quand le Conseil d'État enfin annule une décision administrative pour excès de pouvoir, il défend les droits des citoyens ! Instaurer une personnalité chargée de ce rôle fondamental est donc un non-sens, qui procède d'une confusion intellectuelle
Il est impensable que notre assemblée, dans son rôle de constituant, se laisse aller à pareille fantaisie pour donner corps, dit-on, au voeu personnel d'un membre de la commission Balladur…
On ne réforme pas la Constitution de cette façon. Ce sont des questions de principe, des questions sérieuses, et accepter de pareilles fantaisies rabaisse notre travail ! (« Bravo ! » sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Je défendrai à mon tour, monsieur le président, l'amendement de suppression n° 452, que j'ai cosigné avec Bernard Debré.
Ne sommes-nous pas en train de « balkaniser » encore un peu plus l'État ?
Les Hauts-de-Seine n'y sont pour rien !
Il y a d'abord eu la création du Médiateur, à qui l'on peut effectivement reconnaître une utilité, puisque, saisi par l'intermédiaire des parlementaires, il facilite les relations entre l'administration et les justiciables quels qu'ils soient, y compris celles et ceux qui n'ont pas la citoyenneté française. Puis est arrivée la HALDE, dont j'ai personnellement dénoncé la création. Certes l'objectif était légitime, mais à quoi servent les procureurs et à quoi sert la justice si, à chaque nouvelle occasion, on crée une autorité prétendument indépendante ? C'est le rôle de la justice et du parquet de poursuivre dans les cas de discrimination avérée.
Il est impossible de faire entrer de plain pied dans la Constitution une institution de la sorte, qui voudrait faire concurrence à la libre administration de la justice, même si, comme je n'ose le croire, c'est pour employer un retraité. (Sourires.)
Comme vient de le dire François Goulard, chaque fois qu'un tribunal sanctionne une autorité ou l'administration, il rend justice aux citoyens de ce pays et à celles et ceux qui n'ont pas forcément la citoyenneté, puisque nous n'écartons pas les étrangers des tribunaux français. Inutile donc de surcharger une fois encore le texte constitutionnel, avec une disposition peu lisible puisqu'elle ne dit rien de la répartition des domaines entre la justice et cette nouvelle institution. Laissons les choses en l'état.
Je répondrai d'abord à Mme Guigou qui a évoqué la procédure de nomination du contrôleur général des lieux de privation de liberté. J'ai été saisi, par un courrier du président de l'Assemblée nationale en date du 29 mai, du projet de nomination dudit contrôleur. Le Gouvernement envisage de proposer à M. le Président de la République la candidature de M. Jean-Marie Delarue, conseiller d'État. Comme le prévoit la loi du 30 octobre 2007, la commission des lois se réunira donc mercredi prochain, après les questions au Gouvernement, pour l'auditionner. À l'issue de la réunion, elle émettra un avis sur le projet de désignation par un vote à bulletin secret. Nous inaugurerons cette procédure dont j'espère qu'elle perdurera après la révision constitutionnelle.
En écoutant les propos parfois excessifs des orateurs, je me souvenais tout à l'heure des rumeurs circulant à l'époque où nous discutions de la loi sur le contrôleur général des prisons sur tel avocat dont la photo s'affichait dans un magazine à grand tirage. Eh bien, la personne dont le Gouvernement nous propose la nomination n'a rien à voir avec lui !
Je crois donc que ce genre de propos est indigne d'un débat constitutionnel. La commission des lois considère que cet article sur le Défenseur des droits des citoyens est une belle avancée pour notre pays, et elle a donc émis un avis défavorable sur les amendements de suppression.
La parole est à Mme la garde des sceaux, pour donner l'avis du Gouvernement sur ces trois amendements.
Monsieur Goulard, la création d'un Défenseur des droits des citoyens n'a rien d'un gadget. Cette institution existe dans beaucoup de pays autour de nous, où son efficacité est très appréciée. (M. Goulard proteste.)
Écoutez-moi, sinon vous direz que je n'explique pas bien !
En France, le Médiateur de la République fait un travail remarquable. Il ne peut pas être saisi directement par les citoyens et ne dispose que d'une autorité morale. Inscrire l'existence d'un véritable Défenseur des droits des citoyens dans la Constitution permettra de renforcer la protection des droits. Le Défenseur pourra être saisi par toutes les personnes dont les droits auront été méconnus par l'administration, et nous pourrons lui confier de véritables pouvoirs de contrôle de l'administration. À terme, ce sera aussi un moyen de rationaliser – et c'est aussi un objectif – les différentes autorités administratives indépendantes qui existent dans ce domaine.
Vous avez évoqué tout à l'heure le contrôleur général des lieux de privation de liberté, mais le rapporteur y a répondu. Il est en cours de nomination. Je veux vous dire que nous avons souhaité le nommer avant la discussion de la loi pénitentiaire, en raison notamment des problèmes de surpopulation carcérale. Se posera ensuite la question de savoir si sa fonction sera fusionnée avec celle du Défenseur des droits des citoyens. Nous ne pourrons avoir cette discussion qu'à l'issue du son premier mandat.
Pour ce qui est de la CNDS, il est vrai que nous avons souhaité que le Défenseur des droits des citoyens ait les attributions confiées à cette commission. Cela ne remet en cause ni cette commission, ni la qualité de son travail et des membres qui la composent. Le Défenseur sera assisté d'un collège pour en reprendre les travaux.
Voilà pourquoi nous sommes défavorables aux amendements de suppression.
J'ai trouvé les propos de M. Goulard excessifs et inquiétants. Nous ne pourrons pas voter son amendement.
Le défenseur des droits des citoyens – qui n'est ni plus ni moins que le Médiateur actuel avec, peut-être, des fonctions élargies – jouera un rôle important. Dans de nombreuses démocraties comparables à la nôtre, il y a effectivement un médiateur, un ombudsman, dont les missions, très importantes, méritent d'être développées.
On peut discuter du périmètre de ses missions. Lorsque nous avons créé le contrôleur des prisons, j'avais déposé un amendement pour confier cette mission au Médiateur, mais il avait été repoussé. En tout état de cause, constitutionnaliser cette fonction et pouvoir regrouper un certain nombre de missions, et donc leur donner plus de force, plus de pouvoirs – des lois, des propositions nous permettront d'en discuter –, me semblent aller dans le bon sens.
Monsieur le président, j'ai déposé une demande de scrutin public sur ces amendements. (M. Caresche s'exclame.)
Je voudrais juste répondre au Gouvernement, monsieur Caresche ! Vous avez peur que j'arrive à vous convaincre ?
Je n'ai pas du tout été convaincu par les arguments de M. le rapporteur ni par ceux de Mme la garde des sceaux sur cette question.
Premièrement, Mme Dati nous parle d'un droit supplémentaire car, aujourd'hui, les citoyens ne peuvent pas saisir directement le Médiateur de la République. Pour ma part, je considère que le fait qu'ils puissent passer par leur député pour le saisir est plutôt une bonne chose.
Si chaque citoyen interpelle directement ce nouveau responsable, ce sera ingérable ! On se moque du monde avec un droit illusoire !
Que fait le député lorsqu'il reçoit un courrier d'un citoyen qui veut saisir le Médiateur de la République ? Il le reçoit, travaille avec lui pour que sa lettre soit argumentée.
Effectivement, et il est également libre de ne pas le faire. En tout cas, le député aide le citoyen dans sa démarche.
Or que va-t-il se passer avec ce nouveau système ?
Ne soyons pas dupes ! Je mets au défi le Défenseur de pouvoir répondre correctement au recours de chaque citoyen ! Ce sera ingérable !
Deuxièmement, madame la ministre, vous ne m'avez pas du tout rassuré sur les autres instances dont Mme Guigou, M. Vanneste et moi-même avons parlé. Quid de ces instances ? Vous savez très bien qu'au sein d'un certain nombre de commissions, comme la CNIL ou la CNDS, il y a beaucoup de craintes à l'égard de cet article. Je ne voudrais surtout pas qu'on fasse fi du travail qui est mené dans ces commissions. Et si c'est pour faire plaisir à une personne du « comité Balladur » – comme l'a dit M. Goulard –, ce serait être en deçà de notre travail de législateur et j'aurais honte de moi !
Le groupe socialiste va voter la création d'un défenseur dans la lignée de ce que nous avons défendu sur le contrôleur général des lieux de privation de liberté. Nous étions inquiets quant à la fusion des différentes instances à l'intérieur de la fonction de contrôleur mais Mme la garde des sceaux vient d'indiquer que le contrôleur général qui sera nommé fera au moins un mandat – j'espère que ce sera plus.
Lors des auditions, le Médiateur avait lui-même reconnu que la dénomination n'était pas idéale puisqu'il fallait sans doute l'élargir aux droits fondamentaux, ce qui est pertinent.
Ensuite, nous avons encore des inquiétudes sur le périmètre complet de ce Défenseur, mais aussi sur les moyens qui seront mis à sa disposition. Nous espérons que la future loi organique nous rassurera.
Enfin, la proposition de nomination du contrôleur général des lieux de privation de liberté, dont le rapporteur vient de nous dire qu'il sera auditionné la semaine prochaine, est une bonne nouvelle pour les députés socialistes de la commission des lois. Nous la regarderons avec bienveillance.
Monsieur le secrétaire d'État, je suis obligé d'attendre cinq minutes avant de procéder au scrutin. C'est la raison pour laquelle je donne la parole à M. Brard.
Il ne faut pas confondre hâte et précipitation ! Sur un article aussi important, nous sommes en droit d'obtenir les réponses aux questions que nous avons posées. Ce nouveau Défenseur aura-t-il un pouvoir d'injonction, oui ou non ?
Le Médiateur de la République actuel, Jean-Paul Delevoye, qui accomplit son travail avec enthousiasme, minutie, persévérance et esprit d'innovation a, pour la première fois, fait jouer son pouvoir d'injonction. Le Défenseur pourra-t-il faire valoir un pouvoir d'injonction ? S'il n'a pas ce pouvoir, à quoi servira-il ? À pas grand-chose. Et je m'associe tout à fait aux craintes de Patrick Braouezec. Dans vos circonscriptions, à qui écrivent les personnes lorsqu'elles ne sont pas satisfaites ?
À M. Brard ! (Rires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Pas au député, pas au maire, mais au Président de la République ! En plus, c'est gratuit ! Et la réponse est toujours la même : « Je transmets au préfet ».
Le Défenseur aura-t-il des pouvoirs ? Madame la ministre, tout à l'heure, vous avez répondu partiellement à certaines questions mais, à cette question précise, vous n'avez pas du tout répondu. Or nous avons besoin de savoir. Si le Défenseur a un pouvoir d'injonction, il aura un rôle réel ; s'il n'a pas un pouvoir d'injonction, il sera un accessoire supplémentaire dans votre magasin de farces et attrapes ! (Sourires sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Nous allons maintenant procéder au scrutin public, précédemment annoncé, sur les amendements de suppression n°s 196, 452 et 463.
(Il est procédé au scrutin.)
Cet amendement consiste tout simplement à faire référence aux deux textes fondamentaux qui sont devenus les piliers de notre Constitution, à savoir la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et la Charte de l'environnement.
Il s'agit d'ajouter à l'alinéa 1 de l'article 31, après le mot « citoyens », les mots « et du développement durable », dans la logique de l'amendement, qui a été approuvé, de l'un de nos collègues qui a souligné la nécessité de défendre les droits de l'homme et du citoyen, mais aussi les droits liés à la protection de l'environnement.
Mes amendements suivants sont de conséquence.
Je suis saisi de plusieurs amendements portant articles additionnels, après l'article 31.
La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour soutenir l'amendement n° 465 .
Je déplore de ne pas avoir obtenu de réponse à ma question précédente. Ici, c'est extraordinaire, monsieur le président : puisqu'on n'a pas de réponse, il faut fonctionner comme un disque rayé !
Ça, vous savez bien le faire, monsieur Brard ! (Rires sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Eh oui, il faut faire de nécessité vertu ! Comme le dit notre collègue Jacques Myard, mieux vaut se répéter que se contredire. Les contradictions, nous les entendons, depuis cinquante heures que nous sommes ensemble, dans la bouche de nos collègues de l'UMP, pour la majorité d'entre eux en tout cas ! Je ne parle pas de ceux qui sont fidèles à l'idéal de leur jeunesse, comme monsieur Myard et quelques autres.
De rien !
Donc, monsieur le président, il n'y a pas de réponse aux questions que nous posons, et ce n'est pas bien. On nous renvoie aux lois organiques. Mais ce sont des poupées russes, car ensuite on nous dira que c'était déjà dans la loi constitutionnelle. Et après, il y aura les petites lois. Tout cela n'est pas du tout convaincant.
Notre amendement n° 465 vise à inscrire dans le texte de la Constitution, dès le début du titre XII et donc de l'article 72, les principes qui doivent guider la politique de décentralisation. Nul ne conteste que la décentralisation a construit une avancée considérable en rompant avec la tradition monarchiste, et surtout napoléonienne, de concentration des pouvoirs.
Dans le même temps, il nous faut bien admettre que la décentralisation a fait l'objet d'une instrumentalisation. Les plus libéraux des responsables politiques n'ont eu de cesse, depuis vingt ans, sous couvert d'exigence décentralisatrice, de prôner le démantèlement des responsabilités politiques et la mise en concurrence des territoires. Il nous semble donc plus qu'utile de rappeler que la décentralisation ne peut être synonyme d'abandon des principes d'égalité et de solidarité entre les territoires.
Par ailleurs, il est sans doute indispensable de réaffirmer que la décentralisation a vocation à rapprocher les citoyens de leurs élus et à leur permettre de s'investir davantage dans la vie publique. Les communes, notamment, sont les territoires premiers de la proximité et de la citoyenneté. Familières à chacune et à chacun, elles sont un maillon décisif de l'implication citoyenne, et donc de l'exercice démocratique tout entier. C'est d'ailleurs pourquoi nous pensons que la représentation de leurs assemblées doit être la plus fidèle possible à la diversité du corps électoral et qu'il faut réfléchir à l'institution de la proportionnelle aux élections locales – mais nous en avons déjà parlé.
De la même façon, il importe de garantir l'autonomie des collectivités locales et de leur garantir les moyens d'assumer leurs fonctions. Le principe de la compensation intégrale de leurs charges doit donc être inscrit au rang de principe constitutionnel. M. Woerth, M. Carrez et d'autres ont occupé une partie de nos débats avec la règle d'or qu'ils ont inventée. Voici une vraie règle d'or à introduire dans la Constitution : la compensation totale des charges qui résulte de la décentralisation.
Sous le bénéfice de ces différentes observations, nous vous invitons à adopter le présent amendement.
Je suis saisi d'un amendement n° 132 .
La parole est à Mme Annick Girardin, pour le soutenir.
Cet amendement introduit les établissements publics à fiscalité propre parmi la liste des collectivités territoriales de la République. Il permet de les reconnaître à la hauteur des missions et des compétences que ces groupements assurent, mais aussi des budgets importants qu'ils sont amenés à gérer, et plus largement à la place qu'ils occupent désormais dans l'organisation de notre République décentralisée. D'ailleurs, il faut d'ores et déjà envisager de modifier la réglementation en vigueur sur le cumul des mandats afin d'y inclure les mandats effectués au sein de ces groupements de collectivités.
Avant de donner l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 132 , je voudrais apporter quelques éléments de réponse à M. Brard. Nous étions défavorables à son amendement parce qu'il souhaite voir inscrit dans la Constitution quelque chose qui y figure déjà. Je vous renvoie à l'article 72-2, qui prévoit « des dispositifs de péréquation destinés à favoriser l'égalité entre les collectivités territoriales ». Il nous a donc semblé inutile de réinscrire les mentions que vous indiquez dans votre amendement, monsieur Brard. Le même article de la Constitution prévoit la compensation financière et les péréquations.
Mais revenons-en à l'amendement n° 132 . Vous avez raison de rappeler que les groupements de collectivités jouent un rôle très important. Toutefois, ils ont un statut d'établissement public et leur exécutif n'est pas élu directement par la population. On ne peut donc pas les ajouter à la liste des collectivités territoriales. C'est pourquoi nous sommes défavorables à cet amendement.
Vous êtes très aimable, monsieur le président, de permettre qu'il y ait un vrai débat.
Je vous remercie, madame la ministre, d'avoir bien voulu me répondre. Toutefois, vous ne m'avez pas convaincu : en effet, vous parlez de « péréquation » quand je parle de « compensation ». Vous le voyez, nous ne sommes pas dans le même registre. On peut très bien compléter une notion par l'autre, ajouter la compensation exacte à la péréquation nécessaire pour corriger les inégalités.
Nous avons eu hier un débat très intéressant sur nombre de sujets, mais j'ai l'impression que, désormais, nos collègues, et peut-être même les membres du Gouvernement, sont comme des chevaux fourbus qui sentent l'avoine fraîche de l'écurie et qui sont pressés d'arriver. (Sourires.)
Il serait dommage de ne pas avoir un débat de la même qualité que ceux de ces derniers jours, et il serait judicieux de ne pas expédier les amendements trop rapidement. Convenez-en, monsieur le président, hier, et depuis plusieurs jours, personne n'a abusé de la procédure pour ralentir les débats. Ne nous poussez pas à revenir à des méthodes auxquels on recourt quand on est empêché de s'exprimer. Je m'empresse de préciser que vous ne le faites pas pour l'instant, puisque, après un moment d'hésitation, vous m'avez quand même donné la parole.
Monsieur Brard, le quatrième alinéa de l'article 72-2 précise que « toute création ou extension de compétences ayant pour conséquence d'augmenter les dépenses des collectivités territoriales est accompagnée de ressources déterminées par la loi ». C'est la compensation que vous réclamez.
Je suis saisi d'un amendement n° 581 .
La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour le soutenir.
Cet amendement est très clair et n'a pas besoin d'explications supplémentaires.
Cet amendement vise à mettre fin à une inégalité en accordant aux étrangers le droit de vote et d'éligibilité aux élections locales : élections municipales, cantonales et régionales.
Aujourd'hui, le droit de vote et d'éligibilité aux seules élections municipales existe pour les étrangers qui sont ressortissants de l'Union européenne. Cette disposition est prévue par l'article 88-3 de la Constitution. Toutefois, ils ne peuvent pas être maires, maires-adjoints, ni désigner les électeurs sénatoriaux ou participer à l'élection des sénateurs.
D'une part, cet amendement a donc pour objet d'étendre ce droit de vote et d'éligibilité aux élections municipales à tous les étrangers. D'autre part, il permet aussi son application pour les élections cantonales et régionales, et ce pour tous les étrangers.
Il prévoit également que les restrictions concernant l'élection des sénateurs, déjà prévues pour les ressortissants de l'Union européenne élus dans un conseil municipal, s'appliquent également aux étrangers – de et hors de l'Union européenne – résidant en France et élus au sein d'un conseil général ou régional.
La parole est à Mme George Pau-Langevin, pour soutenir l'amendement n° 507 .
Nous avons déjà très souvent échangé des arguments à ce sujet, et je me contenterai de répéter que, pour le groupe socialiste, il est très important que nous avancions sur cette question. Nous sommes tous convaincus que des personnes qui vivent sur le territoire français, qui y paient des impôts, qui sont parfaitement intégrées, ont légitimement le droit de s'exprimer dans des élections locales.
Nous l'avons demandé à plusieurs reprises et tout le monde, aujourd'hui, sur divers bancs de cette assemblée, a donné un accord de principe. Il faut donc passer aux actes. Il faut que nous avancions résolument dans cette direction. C'est la raison pour laquelle le groupe socialiste vous demande une nouvelle fois d'accorder le droit de vote et d'éligibilité aux étrangers non ressortissants de l'Union européenne. Encore une fois, si les étrangers originaires de l'Union européenne peuvent exercer ce droit, on ne voit pas pourquoi les étrangers qui viennent de pays hors de l'Union européenne ne pourraient pas aussi donner leur avis sur leur vie quotidienne, sur les affaires qui les concernent.
La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour soutenir l'amendement n° 464 .
Les résidents étrangers non communautaires – nos voisins, nos amis, des parents d'élèves, des camarades de classe de nos enfants – sont mis à l'écart de la participation aux élections, alors qu'ils participent souvent activement à la citoyenneté de notre pays, alors qu'ils travaillent, qu'ils paient des impôts et, surtout, qu'ils ont la possibilité de voter aux élections professionnelles, scolaires, associatives, syndicales.
Vous le savez, l'opinion publique est acquise au vote des étrangers non communautaires. Rappelez-vous un sondage effectué en novembre 2004, qui révélait que 56 % d'entre nous s'y déclaraient favorables. De nombreux pays d'Europe ont accordé le droit de vote à ces résidents. Comme le disait notre collègue Mme Pau-Langevin, depuis 1992, les Allemands, les Britanniques, les Italiens ou les Portugais résidant en France peuvent participer à ces élections, mais ni les Algériens, ni les Canadiens, ni les Chiliens, ni les Maliens, ni les Marocains, ni les Turcs. Dans ma ville,…
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Ce n'est plus votre ville !
…je connais un résident algérien qui, depuis 1949, vit dans le même foyer. Toute sa vie a été consacrée à travailler chez nous. Il a payé ses impôts. Et nous ne lui reconnaissons aucun droit ! La semaine prochaine, un résident malien va quitter la ville de Montreuil pour retourner dans son pays, peut-être définitivement. Il est ici depuis 1962. Il avait dix-neuf ans lorsqu'il est arrivé. Il a contribué à la richesse de notre pays. Et nous ne lui reconnaissons aucun droit !
Le réseau Éducation sans frontières a réalisé un travail fantastique. À cette occasion, des familles sont sorties de la clandestinité. Pour certaines, qui étaient connues de tout le monde, dont les directeurs d'écoles et les enseignants pensaient qu'elles avaient des papiers en règle, il s'est avéré qu'elles n'avaient pas de papiers. C'étaient pourtant des gens parfaitement intégrés, tellement intégrés qu'on ne les avait pas remarqués. On conteste aujourd'hui leurs droits. Mais certains d'entre eux sont pourtant là depuis longtemps. Pourquoi ne pas leur reconnaître le droit de vote ?
Le 3 mai 2000, notre assemblée a adopté en première lecture une loi qui accorde le droit de vote à tous les résidents étrangers pour les élections municipales. Elle n'a jamais été examinée par le Sénat, alors que des personnalités, de gauche comme de droite, se sont clairement prononcées en sa faveur.
Pourquoi donc maintient-on en France les résidents étrangers non communautaires à l'écart du droit de vote ? Ne sont-ils pas concernés comme nous par la vie de la cité et par le « vivre ensemble » ? Leur reconnaître ce droit, c'est prendre acte d'une citoyenneté qu'ils ne cessent d'affirmer par leurs activités quotidiennes, c'est donner plus de force à l'ensemble des acteurs et électeurs de notre rue, de notre quartier, de notre commune. Qu'attendons-nous ? Nous pouvons le faire. Je suis persuadé, mes chers collègues, que certains d'entre vous – notamment à droite – sont encore réticents. Mais raisonnons par analogie. Rappelez-vous le débat sur le PACS. Nombre d'entre vous – la quasi-totalité – y étaient opposés. Si vous aviez à vous prononcer aujourd'hui, vous voteriez ce texte. Ne soyez donc pas en retard sur ce que la société appelle et ne soyez pas en retard sur la reconnaissance que nous devons à toutes ces personnes qui contribuent aux richesses du pays.
C'est bien un argument, monsieur le député, puisque nous avons déjà longuement débattu de ce sujet du droit de vote des étrangers à propos de l'article 1er. C'est pourquoi nous sommes défavorables à ces amendements.
Je suis saisi d'un amendement n° 570 rectifié .
La parole est à M. Didier Julia, pour le soutenir.
J'aimerais que le sens et la portée de cet amendement soient bien perçus : il s'agit de permettre au Parlement de définir chaque année un objectif de dépenses des collectivités locales, par référence à l'évolution du budget de l'État.
Cette procédure, qui existe déjà dans de nombreux pays européens, notamment en Allemagne, permet d'éviter une perturbation de l'équilibre économique général du pays. Surtout, le débat au Parlement serait l'occasion de faire le point sur les transferts de charges liés à la décentralisation.
Ainsi, lorsque le RMI a été transféré aux départements, la charge qui en résultait pour ceux-ci avait été calculée mais, au bout de quatre ans, on s'est aperçu que cette charge avait été très largement sous-évaluée. Il en a été de même pour les établissements scolaires, les transports, la voirie.
Cet amendement permettrait d'évaluer les transferts de charges entre les différentes collectivités de façon objective et contradictoire, et surtout cette évaluation serait du ressort du Parlement et non de fonctionnaires.
En outre, il permettrait en outre d'harmoniser la dépense publique afin d'éviter que celle-ci ne soit surévaluée par rapport aux dépenses de l'État.
Enfin, cette mesure de modernisation de nos institutions mettrait un terme à certains débats qui ont cours aujourd'hui sur la répartition entre les uns et les autres.
L'avis de la commission est défavorable, mais je voudrais étayer cet avis car le sujet le mérite.
Le problème est double :
Le premier aspect, c'est la conséquence des transferts liés à la décentralisation. La question est bien réelle, elle est même déjà étudiée par le comité des finances locales, dans lequel siège notre ami Gilles Carrez. Je serais d'ailleurs tout à fait d'accord pour que ce thème soit traité dans le programme d'évaluation et de contrôle qui va être mis en place à la suite de la révision constitutionnelle, et pourquoi pas dans l'hémicycle. En ce qui concerne l'objectif de dépenses des collectivités territoriales, nous nous heurtons à l'article 72 de la Constitution, qui prévoit la libre administration des collectivités territoriales.
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Eh oui !
Second aspect, toutes les collectivités ne sont pas dans la même situation : certaines connaissent une croissance démographique, d'autres une croissance économique, tandis que d'autres sont en décroissance ou ont besoin de conduire de lourdes politiques d'investissements. Il est donc difficile, sinon impossible, que le législateur décide des règles générales et absolues, qui buteraient sur le principe de libre administration.
Je ne peux donc que donner un avis négatif à la proposition, même si je considère qu'il appartient bien au débat politique de mettre sur la scène publique les politiques, notamment fiscales, des collectivités – mais là nous ne sommes plus dans le débat constitutionnel.
La loi de programmation pluriannuelle, la fameuse règle d'or, qui a été adoptée à l'article 11, est évidemment valable aussi pour les collectivités territoriales, elle vaut pour l'ensemble via les concours de l'État. Toutefois, comme vient de l'indiquer M. le rapporteur, il paraît difficile de fixer un même objectif d'évolution des dépenses à des collectivités qui sont très différentes par nature, je pense par exemple aux 36 000 communes de France. Ce qui est proposé est difficilement réalisable. C'est pourquoi le Gouvernement est défavorable à l'amendement.
Je mets aux voix l'amendement n° 570 rectifié .
(L'amendement n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 176 .
La parole est à M. Jacques Myard, pour le soutenir.
Puisque nous révisons la Constitution, allons à l'essentiel plutôt que de nous attarder sur des petites choses qui ne doivent pas figurer dans notre loi fondamentale.
Le titre XIV de la Constitution traite des accords, des associations, mais, aujourd'hui, compte tenu de l'évolution de l'histoire, et notamment de la fameuse Communauté, cette partie est un peu réduite à la portion congrue. La francophonie existe cependant et je crois que nous devrions adresser un signe fort à l'ensemble des peuples qui partagent avec nous non seulement notre belle langue mais également une certaine conception de la civilisation, des droits de l'homme, de la dignité humaine.
La francophonie, même si ces chiffres peuvent être contestés, représente 10 % de la population mondiale, 11 % du PIB et 15 % des échanges commerciaux. C'est pour nous l'outre-mer mais également une ouverture sur le monde à l'heure de la globalisation.
Réaffirmer la volonté de la France de développer la francophonie, c'est aussi rappeler que le ridicule tue parfois, par exemple lorsque la France est représentée au concours de l'Eurovision par un globish sabir sans nom.
Saisissons cette occasion, chers collègues, de donner un signal fort de l'ouverture de notre pays sur le monde et de tendre la main à des peuples qui ont besoin de sentir que nous sommes à leurs côtés.
Par cet amendement n° 176 , qu'il aurait peut-être mieux valu discuter après l'amendement n° 175 , je vous propose d'écrire dans la Constitution que « La République participe à la construction d'un espace francophone de solidarité et de coopération. »
C'est une très belle phrase, et je partage l'objectif de défendre la francophonie, mais je crains que celle-ci ne se porte pas mieux après l'éventuel vote de l'amendement. Donc avis défavorable.
On vous a connu des jours meilleurs, monsieur le rapporteur. Notre collègue Jacques Myard est un bon exemple : parfaitement anglophone, il maîtrise notre langue à la perfection et il défend la francophonie.
M. Lequiller parle latin également – mais c'est un autre débat.
On a coutume de dire que nous en sommes à la troisième francophonie, la première étant celle que nous a léguée l'histoire et la deuxième celle des indépendances, dans un contexte très particulier. Aujourd'hui, la francophonie peut être un espace non seulement linguistique mais également de coopération politique et économique.
Le sommet de Hanoï a été un peu à la croisée des chemins : nos partenaires vietnamiens, avec d'autres, avaient souhaité précisément que l'espace francophone devienne aussi un espace de coopération, comme cela existe pour d'autres langues. Les Espagnols par exemple défendent leur langue avec beaucoup plus d'ardeur, de conviction et d'enthousiasme que nous, nous défendons le français avec tous ceux qui sont des locuteurs francophones.
C'est avoir une vue courte que de ne pas mesurer ce que porte la langue française aujourd'hui, non pas comme instrument de l'impérialisme colonial, mais comme outil de la coopération entre des peuples égaux qui refusent le monolinguisme, qui est le sabir dont parlait Jacques Myard. Quand les gens que j'ai en face de moi ne jurent que par l'anglais, je leur dis de regarder les autres langues qui sont parlées dans le monde, je leur dis que l'anglais est une langue très simple : la preuve, même M. Bush parle l'anglais.
Si nous voulons un espace mondialisé qui s'enrichisse des diversités, des différences, il faut protéger les capitaux linguistiques, si j'ose dire, parce que ce sont aussi la traduction d'histoires communes. Et notre collègue Myard a eu tout à fait raison de souligner combien sa proposition importante trouverait un écho très fort chez nos partenaires. Il me corrigera si je me trompe, mais je crois qu'aujourd'hui une soixantaine de pays adhèrent à l'espace francophone. Il faut leur envoyer un signal positif et ne pas leur donner le sentiment que nous avons honte de notre propre langue. Le fait d'avoir signé le protocole de Londres n'était pas une idée géniale. Aujourd'hui, vous avez l'occasion, mes chers collègues, de vous rattraper.
Je voudrais simplement répondre à M. le rapporteur qu'il est dommage de ne pas envoyer un signal en direction de la francophonie. Évoquer la francophonie aurait été bienvenu à l'occasion de cette révision constitutionnelle qui comporte un grand nombre d'articles, d'autant que cette année le sommet de la francophonie, de même d'ailleurs que l'assemblée parlementaire de la francophonie à laquelle je suis heureux d'appartenir, va se tenir à Québec, à l'occasion du 400e anniversaire de la fondation de la ville de Québec, ce pays qui joue un rôle important dans la francophonie. Il aurait été bon, ce sera peut-être possible lors de la première lecture au Sénat, d'adresser ce signal à tous nos partenaires de la francophonie.
Je suis désolé pour vous !
Je suis saisi d'un amendement n° 175 .
Cet amendement a été défendu. La commission et le Gouvernement y sont défavorables.
Je le mets aux voix.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 543 .
La parole est à M. Patrick Braouezec, pour le soutenir.
Nous proposons de supprimer, dans l'article 88-1 de la Constitution, les mots « tels qu'ils résultent du traité signé à Lisbonne le 13 décembre 2007 », et ce pour au moins deux raisons.
La première, même si, pour vous, elle n'est pas valable, c'est parce que nous estimons qu'un référendum avait rejeté le traité constitutionnel européen et que votre passage en force pour faire adopter le traité de Lisbonne, lors de la réunion en Congrès que l'on connaît, est un déni de démocratie.
La seconde, qui me paraît plus fondamentale, c'est parce qu'on nous demande d'intégrer dans la Constitution le traité signé à Lisbonne alors que ce même traité n'est toujours pas ratifié par les vingt-cinq pays puisque la ratification n'est toujours pas arrivée à son terme. Vous allez me dire que c'est une question de forme et que cela devrait se faire mais supposons qu'un seul pays ne ratifie pas le traité de Lisbonne ? On aura bonne mine avec, dans notre Constitution, un traité qui n'existe pas.
Je suis saisi d'un amendement n° 177 .
La parole est à M. Jacques Myard, pour le soutenir.
Il faut aller aux fondamentaux. Il serait quand même utile, conformément d'ailleurs aux décisions du Conseil constitutionnel dans son avis sur le traité dit simplifié qui, en réalité, ne l'est pas, je veux parler du traité de Lisbonne, de rétablir la hiérarchie des normes et de dire que la Constitution est finalement au sommet de l'ordre juridique. Je vous propose donc d'écrire qu'aucun traité quel qu'il soit, des Communautés européennes ou de l'Union européenne, ne peut prévaloir sur la Constitution et les lois postérieures. C'est simple et cela revalorise vraiment le rôle du Parlement.
Je suis saisi d'un amendement n° 467 .
La parole est àM. Patrick Braouezec, pour le soutenir.
Je serai bref, car nous sommes déjà intervenus sur ce sujet à plusieurs reprises. Si, à mes yeux, il n'y avait qu'une seule raison de ne pas voter le projet de réforme constitutionnelle, ce serait son silence en ce qui concerne le droit de vote des étrangers non communautaires, qui fait l'objet d'une véritable attente de la part des citoyens. Je n'insiste pas sur ce point, mais je regrette qu'une question aussi importante ait été éludée, sans doute en raison des désaccords qu'elle suscite à l'intérieur même la majorité,.
La commission et le Gouvernement sont défavorables à l'amendement n° 467 .
Je le mets aux voix.
(L'amendement n'est pas adopté.)
À la veille de la présidence française de l'Union et avec le redémarrage de l'Europe – déjà quatorze pays ont ratifié le traité de Lisbonne –, il me semble que l'excellent projet qui nous est présenté n'insiste pas assez sur la revalorisation du Parlement en matière européenne. L'article 32 est très important à ce sujet. Il parachève une conquête lente, mais efficace et, s'il est adopté, notre Parlement pourra désormais jouer le rôle plein et entier que l'Europe et les citoyens attendent de lui.
Je rappellerai quelques données historiques. Ces dernières années, l'Union a pris conscience que la reconquête démocratique doit passer par l'association des parlementaires nationaux à la construction européenne. Mais il s'agit d'une évolution encore très récente.
Le traité de Lisbonne nous donne de nouveaux droits. Nous disposerons en particulier, grâce au contrôle de subsidiarité, des moyens d'écarter les projets qui n'apportent pas de réelle valeur ajoutée au niveau européen.
Contrairement à ce que prétend M. Myard, à la délégation pour l'Union européenne, nous examinions les textes sous l'angle de la subsidiarité avant même que le traité ait été mis en application, puisque la Commission européenne avait pris l'initiative de nous envoyer directement les textes. C'est ainsi que la délégation a pu émettre un avis réservé sur la directive postale.
Sur le fond, nous allons également disposer de plus de responsabilités et de pouvoirs. En effet, le champ du contrôle opéré par le Parlement et par la délégation pour l'Union européenne a considérablement augmenté au fil des années. Nous pouvons adopter des résolutions, depuis 1992, sur les textes qui interviennent dans le domaine législatif français et, depuis 1999, sur les autres documents que le Gouvernement veut bien nous soumettre, ce qu'il a fait très régulièrement. Mais jamais nous n'avons pu examiner les textes européens relatifs à la PESC, la politique étrangère et de sécurité commune. Nous n'avons pas le pouvoir de discuter, par exemple, de l'ouverture des négociations sur l'entrée d'un pays dans l'Union. Ainsi, pour citer un sujet qui fait litige, nous n'avons pas pu débattre de l'ouverture des négociations sur l'entrée de la Turquie dans l'Union.
Désormais, nous pourrons nous exprimer sur tous les documents émanant des institutions de l'Union, et ce au moment de notre choix, sans qu'il soit nécessaire d'attendre que le Gouvernement nous les transmette, puisqu'ils nous sont adressés directement, je l'ai dit, par les institutions européennes. Par ailleurs, le Gouvernement continuera bien sûr à nous soumettre les grands projets d'actes. La plupart nous sont rendus directement disponibles par le nouveau traité, à ceci près que les projets de la PESC ne peuvent nous être adressés que par le Gouvernement. Cette rédaction encourage le Parlement à engager un dialogue direct avec les institutions européennes, sans lequel il serait illusoire de vouloir peser sur la marche de l'Union.
Le texte nous placera sans doute dans le peloton de tête des parlements d'Europe pour ce qui est du contrôle des affaires européennes, alors que nous avons été longtemps à la traîne des pays nordiques ou de l'Allemagne. L'article 32 est par conséquent capital, et, en tant que président de la délégation pour l'Union européenne, je le soutiens. Celle-ci s'est d'ailleurs prononcée sur ce sujet et elle a approuvé l'article à une très large majorité.
L'article 88, alinéa 4, de la Constitution est évidemment très important, puisqu'il concerne le contrôle du Parlement sur la construction européenne. À ce propos, je voudrais poser une question et énoncer deux propositions.
Ma question porte sur les textes que le Gouvernement soumet au Parlement, en vertu du premier paragraphe de l'article 88-4. Pourquoi, dans le projet de loi, la référence à tout document émanant des institutions de l'Union a-t-elle disparu ? Il s'agit manifestement d'un recul par rapport à la rédaction actuelle et même par rapport à l'avant-projet de loi, conforme aux recommandations du comité Balladur, qui prévoyait l'obligation de les soumettre, au même titre que les projets et les propositions d'acte. Or ces documents sont très importants : il s'agit des livres blancs et des livres verts de l'Union, ainsi que des nombreuses et importantes recommandations de la Commission et des projets de révision des traités. Je voudrais que vous nous expliquiez cette énigme, monsieur le rapporteur, d'autant que la référence à ces documents réapparaît dans le second paragraphe de l'article 88-4, qui traite du droit de résolution du Parlement. En clair, sur ces textes capitaux, c'est le Parlement qui doit être en alerte, le Gouvernement étant désormais dispensé de l'obligation de les lui transmettre.
J'en viens à mes deux propositions, qui donneraient leur pleine efficacité à notre contrôle et valoriseraient le rôle du Parlement.
Tout d'abord, lorsque l'Assemblée nationale, devant laquelle le Gouvernement est responsable, adopterait à la majorité absolue une résolution, celle-ci devrait valoir mandat de négociation pour le Gouvernement auprès des autorités de Bruxelles.
Ensuite, puisque, dans la pratique, la plupart des directives européennes sont hélas transposées par voie d'ordonnance, je propose que, lorsque le Parlement adopte une résolution sur un projet d'acte qui comprend des dispositions de valeur législative, la transposition ne puisse pas être effectuée par voie d'ordonnance, mais intervienne obligatoirement par la procédure législative normale. Cela garantirait la pleine efficacité du contrôle parlementaire.
Article 32
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures quarante, est reprise à dix-huit heures quarante-trois.)
La séance est reprise.
Nous en venons à la discussion des amendements déposés sur l'article 32.
Je suis saisi d'un amendement n° 508 .
La parole est à M. Christophe Caresche, pour le soutenir.
M. Dolez a posé de nouveau une question dont je crois connaître la réponse, mais que je souhaiterais néanmoins entendre de la bouche du rapporteur.
La nouvelle rédaction proposée pour l'article 88-4 de la Constitution ne précise plus que « tout document » émanant d'une institution de l'Union européenne est transmis aux assemblées par le Gouvernement. Je comprends que cette disposition a été supprimée parce que les institutions européennes sont tenues, aux termes du traité qui vient d'être adopté, de les leur faire parvenir. Mais le rapporteur peut-il nous le confirmer ?
La question est légitime, mais la disposition contenue dans l'amendement n'est pas utile. En application du protocole du traité de Lisbonne sur le rôle des parlements nationaux dans l'Union européenne et en vertu d'une expérimentation lancée depuis 2006 par le président Barroso, les parlements nationaux reçoivent déjà directement, ainsi que l'a rappelé le président Lequiller, tous les documents émanant de l'Union européenne. Dans ces conditions, il est inutile que le texte impose au Gouvernement de les transmettre.
Avis défavorable à l'amendement n° 508 .
Compte tenu de ces précisions, souhaitez-vous retirer l'amendement n° 508 , monsieur Caresche ?
En donnant l'avis du Gouvernement sur l'amendement, je répondrai aussi à l'intervention de M. Dolez, puisque les deux sont liés.
Tous les projets d'actes européens sans exception seront désormais transmis aux assemblées. C'en sera fini de la restriction qui voulait que seuls les projets d'actes européens ayant une nature législative au sens français du terme soient soumis aux assemblées. Celles-ci pourront voter des résolutions sur tous les projets de textes européens, mais aussi sur tous les documents européens, ce qui représente, là encore, un progrès considérable.
L'amendement propose que le Gouvernement soumette au Parlement tout document émanant d'une institution de l'Union. Mais, si le texte ne prévoit pas de disposition de cette nature, c'est qu'elle ne serait pas réaliste.
Les institutions de l'Union produisent des milliers de documents chaque semaine. Ainsi, aux termes de votre amendement, le Gouvernement devrait transmettre au Parlement – par exemple – les lettres du greffe de la Cour de justice de l'Union européenne informant les États membres qu'une affaire est retirée du rôle. Est-ce bien utile ? On risque de noyer les assemblées sous un flot de documents, ce qui aurait pour effet de détourner leur attention des projets de texte et des documents qui présentent un réel intérêt.
Votre amendement propose aussi que les missions et les pouvoirs des comités chargés des affaires européennes soient précisés. Nous aurons l'occasion d'y revenir, mais ces dispositions relèvent essentiellement du règlement des assemblées.
Monsieur Dolez, vous avez très justement fait remarquer qu'il fallait que le Parlement soit beaucoup plus attentif à la transposition des actes communautaires. Depuis plusieurs mois, le Gouvernement tente de rattraper le retard pris en ce qui concerne les directives.
Évidemment ! Nous sommes submergés par le papier et par la bureaucratie européenne !
Monsieur le président, nous sommes tous deux très attachés à ce que l'on puisse parler de l'Europe dans cet hémicycle :…
…alors que nous abordons les articles du projet de loi constitutionnelle consacrés à ce sujet, j'espère qu'il sera possible de s'exprimer.
Comme le disait M. le secrétaire d'État, et comme je l'indiquais tout à l'heure, le Parlement pourra désormais se saisir de tout texte. Évidemment, les textes qui lui étaient soumis jusque-là comme les directives ou les règlements européens le seront toujours, mais désormais, le Parlement pourra également se saisir de toutes les résolutions du Parlement européen et de tous les textes qui relèvent de la politique étrangère et de sécurité commune, jusqu'alors exclue de son champ de contrôle qui est donc étendu au maximum.
Par anticipation sur le traité, la Commission européenne nous fait déjà parvenir directement les textes. Demander à tout recevoir, jusqu'à la moindre lettre, c'est confondre le principal et l'accessoire.
Pour l'efficacité du contrôle il est préférable de se cantonner aux principales décisions et de nous réjouir du fait que le contrôle s'appliquera désormais à l'ensemble des textes.
Je remarque tout d'abord que la modification de l'article 88-4 de la Constitution qu'il nous est proposé d'adopter aujourd'hui est en recul par rapport à la rédaction actuelle de la Constitution.
Je voudrais aussi vous interroger, monsieur le secrétaire d'État, sur un point beaucoup plus important relatif au pouvoir, donné à chaque assemblée, de voter des résolutions. Afin que les résolutions adoptées par l'Assemblée nationale soient utiles, pourraient-elles, lorsqu'elles ont été votées à la majorité absolue, valoir mandat de négociation pour le Gouvernement ?
Je suis saisi d'un amendement n° 106 .
La parole est à M. Jean-Luc Warsmann, pour le soutenir.
Avis favorable.
Je suis saisi d'un amendement n° 466 .
La parole est à M. Patrick Braouezec, pour le soutenir.
Même avis.
Cet amendement n'est plus un amendement de coordination puisque notre assemblée a écarté l'idée de transformer les délégations pour l'Union européenne de l'Assemblée nationale et du Sénat en commissions permanentes au sens de l'article 43 de la Constitution. Toutefois, je pense que le futur comité chargé des affaires européennes au sein de chaque assemblée pourrait, comme dans beaucoup des parlements des pays membres de l'Union, prendre le nom de « commission ». Il s'agirait alors d'une commission au sens de l'article 88-4 de la Constitution. À la veille de la présidence française de l'Union européenne, nous donnerions là un signe fort.
Monsieur Garrigue, je suis désolé : l'amendement n° 20 deuxième rectification est tombé.
Parce qu'il s'agit d'un amendement de coordination avec un amendement qui n'a pas été adopté.
Je ne partage pas ce point de vue. Même si son exposé sommaire qui évoque une coordination n'est plus pertinent, le dispositif de mon amendement s'applique toujours parfaitement à l'article 32 du projet de loi constitutionnelle.
Si l'organe de notre assemblée qui traite spécifiquement de questions européennes reste spécialisé et transversal, comme c'est le cas de la délégation aujourd'hui, les choses sont claires.
Le projet de loi constitutionnelle crée un « comité », il s'agit, M. Myard en conviendra, d'une sorte d'anglicisme…
Pas du tout, monsieur le rapporteur ! Je vous expliquerai pourquoi dans un instant.
Je ne vois pas d'objection à ce que le « comité chargé des affaires européennes » soit finalement dénommé « commission chargée des affaires européennes » comme le propose l'amendement de M. Garrigue.
Le signe serait plutôt positif, y compris pour les autres parlements étrangers, mais il reste qu'il ne s'agira pas d'une commission permanente, elle n'en aura pas le statut et ne travaillera pas sur les textes législatifs comme le feront les commissions permanentes.
Ce ne sera donc pas une des huit commissions prévues à l'article 43 de la Constitution.
En accord avec M. Lequiller, président de la délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne,…
…le Gouvernement est favorable aux amendements.
La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde pour soutenir l'amendement n° 563 .
Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 20 , deuxième rectification et 563.
(Ces amendements sont adoptés.)
Je suis saisi d'un amendement n° 170 .
La parole est à M. Jacques Myard, pour le soutenir.
Je suis membre de la délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne et je peux vous dire qu'elle fait un excellent travail. Elle tente de suivre le rythme de la moulinette européenne qui pond du papier en permanence et en submerge la France comme les autres états de l'Union. Il faudra bien un jour, puisque l'Europe s'est élargie, qu'elle s'amaigrisse et qu'elle s'en tienne à l'essentiel.
Monsieur le rapporteur, plutôt que de se transformer en commission, la délégation devrait devenir un véritable comité de salut public veillant à faire respecter les intérêts français. Je ne dis pas que la délégation aujourd'hui ne le fasse pas ; mais elle reste encline à une fuite en avant européenne. Je suis convaincu qu'elle devrait être plus vigilante.
« Commission » n'est donc pas le mot le plus approprié, monsieur Garrigue : comité de salut public chargé du respect de la souveraineté nationale et de la subsidiarité dans les affaires européennes aurait mieux convenu. Voilà, en tout cas, la mission qu'assigne mon amendement à l'organe qui succédera à la délégation (Sourires).
Défavorable.
Je suis saisi d'un amendement n° 22 .
La parole est à M. Daniel Garrigue, pour le soutenir.
Cet amendement tend à permettre à la commission chargée des affaires européennes dans chaque assemblée de venir, dans certains cas, présenter un avis en séance publique. Il ne s'agit pas pour elle d'empiéter sur les compétences des commissions permanentes, il faut cependant lui permettre, quand l'enjeu est important, de donner son point de vue sous l'angle de la construction européenne.
Je n'ai pas voulu faire tomber l'amendement n° 22 , qui fait mention d'un « comité » dont nous avons modifié le nom. Je considère que cet amendement est rectifié et que le mot « commission » remplace le mot « comité ».
Je ne crois pas qu'il soit nécessaire d'inscrire les dispositions de l'amendement n° 22 dans la Constitution.
Je voudrais toutefois donner acte à M. Garrigue que le règlement de chaque assemblée pourra prévoir la possibilité pour la future commission chargée des affaires européennes de présenter son avis en séance publique sur les projets et les propositions de loi sur lesquels elle estimera utile de le faire. Cela pourrait opportunément être inscrit dans l'ordonnance du 17 novembre 1958, relative au fonctionnement des assemblées, mais, en l'état actuel, je préférerais que M. Garrigue retire son amendement.
Le Gouvernement partage l'avis du rapporteur.
J'ai fini par comprendre que, sur les affaires européennes, il fallait vraiment avancer pas à pas et je note donc le rendez-vous pour la réforme du règlement.
Je suis heureux de l'ouverture qu'a montrée Jean-Luc Warsmann, rapporteur et président de la commission des lois sur l'amendement n° 22 , que je retire.
Je suis tout à fait d'accord avec les propos de M. Warsmann au sujet de l'amendement de M. Garrigue et j'en prends bonne note.
Je crois aussi qu'il serait utile que la commission chargée des affaires européennes puisse s'exprimer en séance publique car les textes dont nous débattons peuvent souvent être abordés sous l'angle européen. Monsieur le rapporteur, nous sommes d'accord : il est inutile d'aborder cette question dans la Constitution. En revanche, n'oubliez pas de penser à la commission chargée des affaires européennes lors de la prochaine modification du règlement de l'Assemblée nationale.
L'amendement n° 22 est retiré.
Je mets aux voix l'article 32, modifié par les amendements adoptés.
(L'article 32, ainsi modifié, est adopté.)
Plusieurs orateurs sont inscrits sur l'article 33.
La parole est à M. Bruno Le Maire.
Pour la discussion de cet article – et peut-être est-ce la seule disposition du projet de loi constitutionnelle pour laquelle il en est ainsi –, ce ne sont pas uniquement les yeux des Français qui seront braqués sur nos débats, mais également ceux des Européens et d'une partie du reste du monde qui se demandent si les constituants français vont introduire dans la Constitution une disposition qui vise implicitement un pays spécifique.
La question qui nous est posée au moment où nous débattons de l'article 32 du projet de loi constitutionnelle n'est pas de savoir si nous sommes favorables ou pas à l'adhésion de la Turquie à l'Union européenne. Pour ma part, je tiens à le dire très clairement ce soir : je considère qu'aujourd'hui les conditions de l'entrée de la Turquie dans l'Union ne sont pas réunies.
La question, en revanche, est bien de savoir si la Constitution française doit prévoir un référendum automatique pour l'entrée spécifique d'un pays et d'un seul dans l'Union européenne. À cette question ma réponse est clairement « non », pour trois raisons très simples.
La première est européenne : nous ne pouvons pas avoir engagé des négociations d'adhésion avec la Turquie, avoir poursuivi celles-ci de Conseil européen en Conseil européen, pour finalement laisser entendre à tous que nous claquerons la porte à la fin du processus.
Je rappelle qu'au dernier Conseil européen, celui de Copenhague en 2002, nous avions prévu de poursuivre les négociations avec la Turquie et d'envisager deux possibilités : soit l'adhésion, si toutes les conditions étaient réunies, soit un partenariat renforcé, qui aujourd'hui aurait bien sûr ma préférence. Depuis 2002 nous avons continué à ouvrir mécaniquement, les uns après les autres, les chapitres relatifs à l'adhésion de la Turquie à l'Union européenne. Nous ne pouvons pas tenir un discours à Bruxelles au Conseil européen par la voix du Président de la République et dire l'inverse à l'intérieur du pays, comme si nous avions deux voies, deux positions sur des sujets aussi stratégiques. Nos partenaires européens ne comprendraient pas que la France bloque in fine l'adhésion à l'Union européenne d'un pays auquel elle a apporté son soutien depuis le début.
La deuxième raison qui motive ma position est d'ordre diplomatique. Le pays dont il s'agit, celui dont la population « représente plus de 5 % de la population de l'Union », est stratégique, à la fois pour l'Union européenne et pour la France.
Je tiens ainsi à rappeler que la Turquie est membre de l'OTAN et qu'elle constitue un élément essentiel de l'Union pour la Méditerranée. Voulu par le Président de la République, ce projet, véritable main tendue vers les autres pays méditerranéens, me paraît utile et ne pourra se mettre en place que si, et seulement si, Ankara y participe pleinement.
Je tiens également à rappeler que la Turquie est actuellement engagée dans un processus de rapprochement entre Israël et la Syrie, qui permettra peut-être d'apporter une solution à la fois à la crise nucléaire iranienne et au conflit israélo-palestinien, dont on sait qu'il est au coeur des difficultés actuelles du Moyen-Orient. Nous ne pouvons pas traiter la Turquie comme si elle n'était pas essentielle à la stabilité du Moyen-Orient, à nos intérêts en matière de défense dans le cadre de l'OTAN et à l'Union européenne elle-même.
La troisième raison pour laquelle cette disposition ne me paraît pas opportune est d'ordre constitutionnel. Sous la Ve République, le référendum est une liberté du Président de la République, et non une obligation pour lui. Personne ne peut lui imposer, même pour l'adhésion d'un pays à l'Union européenne, d'avoir recours à cette procédure lourde et politiquement complexe. Lorsque, en 1972, un référendum s'est tenu, en France, sur l'adhésion du Royaume-Uni, le Président de la République Georges Pompidou l'avait décidé souverainement : il n'était pas prévu dans le texte de la Constitution.
Une autre raison constitutionnelle doit être prise en compte. Le fondement de la Constitution de 1958, comme de tout texte constitutionnel français depuis 1789, ce sont les principes d'universalité. Cela veut dire que toutes les dispositions de la Constitution française, parce qu'elles reposent sur des principes de droit et de justice, doivent pouvoir s'appliquer à tout autre pays.
Or ce principe d'universalité est remis en cause par une disposition qui vise implicitement un seul pays.
En conclusion, imaginons que les constituants américains – pour prendre l'exemple d'un pays ami – inscrivent dans la Constitution des États-Unis d'Amérique un article visant la Colombie, le Mexique ou un autre pays voisin ; la France, pays des droits de l'homme et de l'universalité, en serait choquée. J'ai peur que nos voisins européens et le reste du monde le soient face à cette nouvelle disposition.
Je salue l'intervention de M. Le Maire, mais je me demande s'il a exprimé cette position avec la même force en 2005, lorsque a été adoptée la disposition de l'article 88-5 de la Constitution.
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Il n'était pas député !
En tout cas, il n'a pas été écouté.
L'amendement n° 107 de la commission prévoit que « tout projet de loi de autorisant la ratification d'un traité relatif à l'adhésion d'un État à l'Union européenne et aux Communautés européennes, dont la population représenterait plus de 5 % de la population de l'Union, est soumis au référendum par le Président de la République ». C'est un amendement très spécieux : aucun pays n'est cité, mais c'est bien évidemment la Turquie qui est visée. On prétend que le choix doit revenir au peuple pour mieux se défausser d'une décision difficile à prendre.
Le procédé est pour le moins étrange. La question de l'entrée de la Turquie dans l'Union européenne se posera au plus tôt en 2014, soit quinze ans après le début des négociations. Et on ne s'apercevrait qu'au terme du processus qu'elle n'est pas euro-compatible ? Cela n'a guère de sens. Que la majorité dise plutôt qu'elle ne veut pas de la Turquie dans l'Union européenne, au lieu de recourir à des faux-semblants. Un tel verrou référendaire est une mauvaise manière faite à ce pays.
Admettons que cet amendement soit adopté et que les Français décident de dire « non » à l'entrée de la Turquie dans l'Union européenne, tandis que les vingt-six autres États choisissent, par voie parlementaire ou référendaire, le « oui », que resterait-il de l'Europe ? (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Notre volonté de construire une Europe d'ouverture…
… serait prise en défaut. Une telle disposition n'a donc pas de sens, y compris vis-à-vis de nos partenaires.
Il est vrai que la Turquie pose un certain nombre de difficultés, mais ni plus ni moins…
… que certains pays qui ont été intégrés le 1er mai 2004 et dont l'histoire et la culture sont éloignées de celles du club des fondateurs du traité de Rome.
On a tendance à insister sur certains aspects négatifs, notamment sur la question de Chypre et sur le rapport problématique que la Turquie entretient avec sa mémoire et son histoire, en particulier sur la question arménienne. Bien sûr, ces questions devront être résolues à la fin des négociations : ce sont des préalables indispensables ; mais il faut continuer à discuter avec la Turquie dans la perspective de son adhésion à l'Union européenne.
La Turquie est aussi un grand pays géostratégique. À quelques semaines du lancement, le 13 juillet, par le Président de la République du projet d'Union méditerranéenne, on donnerait le signal que nous ne voudrons jamais d'elle ? Ce serait manquer l'objectif même de cette construction, qui vise à arrimer la partie occidentale et orientale de la Méditerranée à l'Europe !
Faut-il rappeler que, dans son histoire récente, la Turquie a voulu adhérer aux valeurs de l'Europe, alors que ce n'était pas un choix facile pour sa population, compte tenu de son histoire ? Mustapha Kemal a souhaité le rapprochement entre la Turquie et l'Europe ; il a imposé la démocratie, la laïcité,…
… l'alphabet latinisé, le modèle français d'organisation administrative, le vote des femmes, dix ans avant la France.
Ce tropisme vers l'ouest s'est confirmé au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, avec l'adhésion de la Turquie au Conseil de l'Europe en 1949, à l'OTAN dès 1951, puis à l'OCDE. Le général de Gaulle lui-même a dit, en 1959, que la Turquie avait vocation, un jour, à rejoindre la Communauté économique européenne.
Encore une fois les deux préalables que sont la question chypriote et celle de la mémoire doivent être réglés. Mais le Conseil européen, qui a confirmé, dès 1999, l'éligibilité de la Turquie à l'Union européenne en lançant les négociations d'adhésion, doit pouvoir mener un dialogue loyal et franc avec cet État, sans que ce dialogue soit entravé par une manoeuvre qui consiste à s'en remettre lâchement à un référendum à l'issue des négociations.
Imaginez des noces, préparées pendant quinze ans et qui échoueraient la veille du mariage parce qu'une personne s'y oppose dans la salle. Soyons sérieux !
Je demande à chaque orateur de bien vouloir respecter le temps de parole de cinq minutes qui lui est imparti.
La parole est à M. Richard Mallié.
L'article 33 du projet de loi supprime le référendum automatique prévu à l'article 88-5 de la Constitution.
Puisque les deux orateurs qui m'ont précédé ont évoqué la Turquie, je tiens à dire, pour que les choses soient claires, que, pour ma part, j'ai toujours été contre l'entrée de ce pays dans l'Union européenne. Mais, aujourd'hui, le débat n'est pas celui-là ; le Président de la République a dit maintes fois qu'il n'était pas question que la Turquie adhère à l'Union européenne, mais qu'il fallait lui tendre la main en lui proposant un partenariat privilégié.
Aujourd'hui, l'heure est grave pour l'Europe. En 1957, elle comptait six pays. En 1973, trois nouveaux pays y adhérèrent, dont l'Angleterre et l'Irlande, ce qui provoqua un grand débat dans la population. En 1981, avec l'entrée de la Grèce, qui suscita, là aussi, un grand débat – souvenez-vous des paysans –, l'Europe compte dix pays. Cinq ans après, c'est le tour de l'Espagne et du Portugal, puis, en 1995, de trois nouveaux pays. L'Europe compte alors quinze membres. Et puis, en 2004, elle passe de quinze à vingt-cinq : dix pays d'un seul coup ! Là, les Français se sont demandé si l'extension de l'Europe devait être illimitée et incontrôlée. Ils nous ont répondu au référendum de 2005 : le message était clair.
L'entrée dans l'Union européenne d'un pays dont la population est importante, comme la Pologne – qui détient vingt-sept voix au Conseil, soit deux de moins que la France ou l'Allemagne, et cinquante-quatre sièges au Parlement européen –….
… modifie les équilibres. Le centre de gravité de l'Europe s'est ainsi déplacé vers l'est.
Les questions que se posent nos concitoyens sont justifiées.
Je rappelle, mes chers collègues, qu'en Irlande, l'adhésion de tout nouveau pays, quelle que soit sa taille, doit être approuvée par référendum.
Si l'argument de l'appartenance de la Turquie à l'OTAN était pertinent, pourquoi le Canada ou les États-Unis ne pourraient-ils pas, eux aussi, adhérer à l'Union européenne ?
Si, demain, la Commission décide d'ouvrir des négociations avec de grands pays voisins, comme l'Ukraine, la Russie, voire l'Afrique du Nord, la moindre des choses est que le peuple français soit automatiquement consulté par référendum.
Je ne suis pas favorable à l'entrée de la Turquie dans l'Union européenne,…
… mais je ne vous cache pas que je préférerais que l'on s'en tienne aux dispositions initiales du projet de loi.
La question de l'Union européenne recouvre trois grands enjeux : celui des institutions – le traité de Lisbonne représente une avancée significative dans ce domaine, même si l'on attend le résultat du référendum irlandais –, …
… celui du projet et de la stratégie de l'Europe – dans le cadre de la préparation de la présidence française, le Gouvernement travaille sur des thèmes d'action et sur des propositions qui viennent renforcer le projet européen – et celui des frontières. On ne peut pas imaginer que les Européens, et singulièrement les Français, adhèrent à l'Europe si la question de ses frontières n'est pas résolue.
Les Européens ne peuvent pas se reconnaître dans une Europe qui ne serait qu'un ectoplasme dont on ne connaîtrait pas précisément les contours. Mais cette question, nous ne pouvons pas la régler seuls : il faut que nous amenions nos partenaires à en discuter avec nous, même si c'est difficile. Or je crains qu'en votant la disposition qui va nous être soumise ce soir, nous nous placions dans une position de faiblesse.
Enfin, selon tous les spécialistes des relations avec la Turquie, il ne suffit pas de parler de partenariat privilégié : il faut en préciser le contenu et faire de véritables propositions. Nous ne pouvons pas nous en tenir à cette formule.
Le débat sur l'identité, les frontières et l'élargissement de l'Europe est passionnant, mais nous ne pouvons le mener seuls : il faut y associer nos partenaires européens. En tout état de cause, ce débat ne peut avoir lieu dans le cadre de la discussion sur le projet de loi constitutionnelle. Chacun peut avoir une opinion sur la problématique de la Turquie – personnellement, je suis très sceptique quant à l'hypothèse d'élargir l'Union européenne à ce pays –, mais ce n'est pas le problème. On ne peut pas jouer avec la Constitution pour régler des problèmes politiques – quelle que soit leur importance – se posant au sein de l'UMP.
Ce débat, qui divisait déjà la majorité en 2005, incita à l'époque le Président de la République, le Premier ministre et le ministre des affaires étrangères à imaginer un dispositif de référendum automatique, que l'opposition socialiste – notamment M. Loncle – combattit aussi bien en commission qu'en séance publique. Ce référendum automatique, qui visait la Turquie de façon très hypocrite, avait également pour conséquence de priver le Président de la République de faire usage des droits qui lui sont conférés en vertu de la Constitution, à savoir d'organiser un référendum ou de réunir le Parlement en Congrès pour tout projet d'adhésion d'un nouvel État à l'Union européenne.
Dans sa grande sagesse, le comité Balladur était revenu au dispositif antérieur, c'est-à-dire à la possibilité pour le Président de la République de recourir au référendum. Je m'étonne de lire dans le rapport de M. Warsmann – qui nous avait habitués à davantage de subtilité – que « le mécanisme imaginé par le comité Balladur et repris dans le présent projet de loi constitutionnelle, en s'inspirant de l'article 89 de la Constitution, s'avère particulièrement complexe ; il ne permet pas de traiter de manière distincte des adhésions qui ne sauraient avoir les mêmes effets sur l'Union européenne et octroie, en outre, à chacune des assemblées un droit de veto équivalent. » C'est plutôt le dispositif proposé par notre rapporteur qui me paraît complexe ! Dans la mesure où, en plus de la possibilité dont dispose le Président de la République de recourir au référendum, nous avons également adopté le principe du référendum d'initiative populaire encadré par le Parlement, il n'y a aucune raison de présenter cet amendement qui, outre qu'il a pour effet de restreindre les possibilités offertes par la loi fondamentale, représente un danger sur le plan diplomatique en montrant du doigt un État bien particulier.
Je le répète, le texte constitutionnel n'a pas vocation à régler les problèmes qui se posent au sein de l'UMP. Plutôt que de triturer la Constitution, laissons le soin au Président de la République de faire son choix de manière courageuse, devant le pays, au sujet de l'adhésion de nouveaux membres. Nous voterons évidemment contre l'amendement présenté par M. le rapporteur et demanderons un scrutin public car ce débat, qui voit s'affronter deux conceptions de ce qui doit figurer dans la Constitution, engage également l'image de la France sur le plan diplomatique. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
La disposition proposée par M. le rapporteur me paraît, à moi aussi, hypocrite, illusoire et inutile.
Elle est hypocrite car chacun sait très bien que lorsqu'on évoque un seuil de population, on vise en réalité la Turquie. Autant inscrire clairement dans la Constitution que lorsque la Turquie demandera son adhésion, on organisera un référendum.
Cette disposition est également illusoire, monsieur le rapporteur, car il ne vous aura pas échappé que, comme l'avait fait remarquer le professeur Carcassonne, la mention des seuls « projets de loi » permet au Gouvernement de la contourner aisément en faisant déposer une proposition de loi.
Enfin, elle est d'autant plus inutile que nous avons adopté le principe du référendum d'initiative populaire – à moins que vous ne vouliez nous faire croire que l'UMP ne pourrait réunir un nombre suffisant de députés et de signatures pour l'organiser – et alors, on se demande dans quelles circonstances ce type de référendum pourrait être mis en oeuvre.
Ce dispositif aurait en outre des conséquences désastreuses pour l'image de la France dans l'espace méditerranéen et dans le monde.
En plus d'être hypocrite, illusoire et inutile, il serait donc également indigne et honteux. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Mon intervention sur l'article 33 vaudra également défense de l'amendement n° 468 de suppression de l'article. Il ne s'agit pas ici de s'exprimer sur le bien-fondé de l'adhésion de la Turquie à l'Union européenne, qui suscite du reste des divisions dans tous les groupes politiques. En tout état de cause, le Gouvernement ne doit pas se servir de cet article pour trancher un débat interne à la majorité. Il serait préférable d'en revenir à la rédaction initiale de la Constitution. Je suis convaincu – une fois n'est pas coutume – par les arguments de M. Le Maire : ce serait une faute politique et diplomatique d'inscrire cette référence inavouée, mais évidente, à la Turquie dans notre Constitution. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Mes chers collègues, ne nous racontons pas d'histoires : l'amendement visé fait bien référence à la Turquie, puisqu'il tend à corriger une disposition introduite dans la Constitution en 2005 par la volonté du président Chirac, afin de garantir au peuple français qu'il serait consulté, le moment venu, sur l'adhésion de la Turquie à l'Union européenne – et pour contestable que soit le procédé utilisé sur le plan constitutionnel, j'avoue être en accord, sur le fond, avec le principe posé.
Dans cette affaire turque s'affrontent deux visions de l'Europe. Les uns, partisans du vaste espace économique quasiment dépourvu de règles et de volonté politiques que tend malheureusement à devenir l'Europe, ne s'attachent qu'à la satisfaction des conditions requises pour l'adhésion. Les autres estiment que la construction européenne n'est pas seulement un instrument économique, mais doit également nous permettre de défendre nos valeurs et nos modes de vie par rapport à ceux qui prévalent dans les autres grands ensembles mondiaux. Adhérant à cette deuxième conception, le Nouveau centre estime que la Turquie n'a pas vocation à entrer dans l'Union européenne.
Vous affirmez, monsieur Le Maire, que la France ne saurait dire tantôt oui, tantôt non. Eu égard aux responsabilités que vous exerciez à l'époque, vous êtes pourtant bien placé pour savoir que seul le Président de la République s'est engagé auprès de la Turquie, sans l'avoir annoncé avant d'être élu, sans s'en être aucunement expliqué ni avoir consulté le Parlement, et contre l'avis largement majoritaire. Que l'on ne vienne donc pas nous dire que nous nous sommes engagés auprès de la Turquie, car nous n'avons rien dit ! Certes, le Président de la République a engagé la voix de la France, mais n'oubliez pas qu'en démocratie, une élection peut défaire ce qu'une autre avait fait !
Par ailleurs, vous nous dites que, d'un point de vue stratégique, la Turquie n'est pas un État comme un autre ; je vous répondrai que l'Europe n'est pas un enjeu comme un autre ! La construction de l'Europe politique prime sur les intérêts d'un État étranger, d'autant plus que la Turquie ne souhaite pas elle-même concourir à une Europe politique – en revanche, elle pourrait parfaitement constituer une grande puissance régionale au sein d'un vaste espace économique et dans l'OTAN.
De deux choses l'une : soit l'on amène progressivement les citoyens à une Europe dont ils ne veulent pas, ce qui a conduit aux résultats du référendum de 2005 ; soit on s'efforce de les convaincre en les associant à la construction européenne, comme lors du traité de Maastricht. Mais nous ne ferons pas l'Europe contre la volonté des citoyens !
Tout ce que je viens de dire peut laisser penser que nous allons voter l'amendement posant le principe des 5 %. À vrai dire, au début de nos discussions, nous l'aurions fait, notamment M. Rochebloine et moi-même, afin de permettre au peuple de se prononcer sur ces questions décisives. Mais, comme l'a dit M. Dosière, ce dispositif est rendu inutile par l'adoption du référendum d'initiative populaire.
Pour toutes les raisons que je viens d'exposer, le Nouveau Centre demeure opposé à l'entrée de la Turquie dans l'Union européenne. Cela étant, ne perdons pas de vue que nous avons adopté la possibilité pour les citoyens de recourir à un référendum d'initiative populaire. Lorsque la question se posera, soit Nicolas Sarkozy sera encore Président de la République, et il devra respecter son engagement d'organiser un référendum ; soit nous aurons un autre Président de la République qui, quelle que soit sa position, aura sans doute été amené à l'exposer lors de la campagne électorale. Mais nous sommes convaincus qu'en tout état de cause un référendum aura lieu, car les citoyens ne manqueront pas de le demander sur cette question qui n'a pas fini de faire débat dans notre pays !
En résumé, on nous propose un outil visant à nous protéger contre une adhésion forcée en introduisant dans la Constitution un outil dont nous n'avons plus besoin. Nous voterons contre cet amendement, car nous estimons que la Constitution ne sera pas un meilleur rempart pour les citoyens que les citoyens eux-mêmes ! (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Il est vrai qu'il s'agit de la Turquie, mais il ne s'agit pas que de la Turquie. Aujourd'hui, l'avenir et les frontières de l'Europe sont d'autant plus incertains que de nouveaux candidats, encouragés par les derniers élargissements, souhaitent très ardemment entrer dans l'Union européenne – je pense à l'Ukraine, à la Biélorussie, à d'autres peut-être.
Le problème ne se limite donc pas seulement à accepter ou à refuser l'adhésion de la Turquie : il réside avant tout dans la conception que l'on a de l'Europe. Les Français veulent construire une Europe politique avec un nombre déterminé de pays, dont la liste devra donc être arrêtée à un certain moment. Or chacun s'accorde à reconnaître que les Balkans ont vocation à entrer dans cette Europe, et on ne fera pas de référendum sur l'entrée de la Macédoine ou du Monténégro.
Pour dire la vérité, nous avons le sentiment avec nos partenaires européens qu'il faudrait desserrer cette obligation pour les Balkans, où le terrain est toujours dangereux – on l'a encore vu avec l'indépendance du Kosovo –, où il faut assurer la paix. Il faut donner à ces pays une perspective plus rapide d'entrer dans l'Union.
Reconnaissons aussi que l'entrée de la Turquie, de l'Ukraine, de la Biélorussie pose un problème quant à la nature de l'Europe à laquelle nous sommes attachés.
Je suis donc favorable à l'amendement Warsmann. Il faut admettre que l'ensemble des pays des Balkans – la Croatie était déjà à l'écart de la disposition prévue par la précédente révision constitutionnelle – ont vocation à entrer dans l'Union. Mais il faut dire aussi aux Français que, lorsque se posera un véritable problème d'avenir de l'Europe, ils seront consultés. J'invite chacun à avoir à l'esprit que nos compatriotes ont besoin de savoir qu'ils seront consultés sur de telles questions.
Mes chers collègues, je voudrais, à mon tour, vous rendre très attentifs à l'impact de la décision que nous allons prendre. Quel signal voulons-nous envoyer à l'Europe, non seulement à nos partenaires européens, mais également aux candidats à l'adhésion et aux puissances riveraines de l'Union européenne ? Est-ce le signal de la stigmatisation, celui du repli, de la fermeture ? Ou plutôt celui de l'ouverture, de la confiance et de l'ambition partagée ?
Pour moi, la réponse est dans le retour au droit antérieur. Je crois en effet qu'il n'y a pas d'avancée démocratique lorsqu'on prive le Président de la République de cette faculté essentielle de choix ou lorsque le Parlement se dessaisit, d'une certaine façon, d'une compétence fondamentale dans un domaine essentiel.
La France exerce depuis toujours un rôle éminent au coeur de la construction européenne. C'est un rôle historique. Il est plus que jamais essentiel à quelques semaines de notre prise de responsabilité à la tête de l'Union, d'autant que nous retrouvons toute notre place en Europe. Le choix du référendum, quel que soit le respect que nous portons à cette procédure, dont nous avons adopté le renforcement au cours de ce débat, serait le signal du refus de l'élargissement. À ce titre, on ne peut pas accepter que la France envoie au monde ce signal négatif.
De même, je pense que la stigmatisation d'un pays comme la Turquie n'est pas acceptable. On introduit en quelque sorte dans notre droit de nouvelles échelles de valeur. Certes, je rends hommage à Axel Poniatowski et au président Warsmann d'avoir cherché une solution acceptable en limitant le recours et la portée de la disposition. Je considère néanmoins que nous ne sommes pas parvenus à une solution optimale.
Je souhaite que ce débat ouvre de réelles perspectives. La France ne peut pas, non seulement fermer la porte aux candidats à l'adhésion, mais se fermer à elle-même des portes au moment où, au contraire, elle doit conserver toute sa capacité d'appréciation, sa marge de flexibilité et de souplesse dans l'évaluation des futures candidatures.
La France ne se grandit pas lorsqu'elle envoie un signal négatif en matière de construction européenne. La question des convictions des uns ou des autres sur l'adhésion de la Turquie n'est pas d'actualité. Ces convictions sont toutes légitimes et respectables. La question posée ce soir est celle de savoir quelle procédure est adaptée pour les futures adhésions. Aujourd'hui, nous devons tout faire pour que la France conserve une très grande marge d'appréciation et de flexibilité, faute de quoi elle s'affaiblira dans ses valeurs, dans ses intérêts et aux yeux du monde.
Je rejoins les propos de Bruno Le Maire, Manuel Valls, René Dosière, Patrick Braouezec, Jean-Christophe Lagarde et Nicole Ameline. Le caractère d'automaticité prévu dans la disposition actuellement en vigueur était déjà choquant. Eu égard aux institutions de la Ve République, cela dénaturait la fonction même du référendum. Cela confinait au ridicule lorsqu'on préconisait un référendum pour l'adhésion de certains pays.
Laisser entendre aujourd'hui, par un amendement assez bâtard, que le Président de la République ne serait pas majeur dans sa capacité à décider du moment et de la raison pour laquelle il faudrait un référendum pour telle ou telle adhésion, que le Parlement, qui a voté, à l'exception de l'élargissement à la Grande-Bretagne, l'ensemble des élargissements auxquels il a été fait allusion, n'en serait plus capable, est pour le moins choquant alors que nous sommes réunis ici depuis plusieurs jours pour revaloriser les droits du Parlement.
En outre, les fameux 5 % sont doublement discriminatoires : ils le sont par rapport aux « grands pays », que je ne citerai pas à nouveau, et par rapport à ceux qui n'en sont pas et que l'on qualifie ainsi, ipso facto, de « petits pays ». Nous avons sur ce point commis déjà des erreurs il y a quelques années.
Le respect de l'esprit gaulliste – je l'évoque rarement – qui a donné lieu à la création du système référendaire, le respect de l'esprit européen – et je ne remets pas en cause le vôtre, monsieur Lequiller, même si j'ai noté quelque confusion dans votre propos – et le respect de l'esprit républicain qui nous anime ces jours-ci dans notre capacité à revaloriser les droits du Parlement, doivent nous conduire à voter contre cet amendement bâtard.
Nous allons commencer l'examen des amendements.
J'indique d'ores et déjà à l'Assemblée que, sur les amendements identiques nos 107 et 138 , je suis saisi, par le groupe socialiste, radical et citoyen, d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 171 et 468
La parole est à M. Jacques Myard, pour soutenir l'amendement n° 171 .
Deux questions se posent. La première porte sur l'Europe. Mes chers collègues, l'Europe de papa est morte ! En effet, comme le disait Marx, le quantitatif pose un problème qualitatif. Et on a changé de monde. Vous continuez cependant sur le registre des incantations des années 60 et de la conférence de Messine. Il est indéniable que nous allons vers un système européen dans lequel Russie, Biélorussie et Turquie seront parties prenantes, que vous le vouliez ou non. Ce n'est pas le sens de l'histoire car, nous le savons depuis Shakespeare, celle-ci n'a pas beaucoup de sens. C'est le résultat d'une situation : globalisation, prise en compte de nos intérêts multiples, poids de la Méditerranée. Nous devons gérer le système européen le mieux possible. Tout cela est devant nous. Mais ne parlez pas d'Europe-puissance : celle-ci n'existera que dans l'esprit de Dieu et pas au-delà.
La seconde question est constitutionnelle. Et là, je suis favorable au référendum pour tout le monde. Ces histoires de pourcentages de la population sont contraires à tous les principes du droit international et notamment de l'article 2 de la Charte sur l'égalité des États et des peuples. Nous allons nous retrouver pris dans un piège diplomatique. Et nous jouons contre nos intérêts.
Il faut donc laisser le texte en l'état et prévoir un référendum pour toutes les adhésions. Du fait de l'évolution du système européen, la nature de la question qui sera à l'ordre du jour dans quinze ans n'aura rien à voir avec celle qui est posée aujourd'hui. Je ne manque d'ailleurs jamais de dire aux Turcs que je ne comprends pas pourquoi ils sont si pressés de rentrer dans une Europe qui, de toute façon, n'existera plus dans quinze ans. Il est manifeste qu'on pose aujourd'hui un problème qui ne se posera pas demain. Laissons le texte en l'état et cessons de baragouiner sur ce machin !
Puis-je considérer, monsieur Braouezec, que l'amendement n° 468 a été défendu ?
Avec cet article, le Gouvernement veut éviter qu'on ait à soumettre à référendum la question de l'entrée dans l'Union européenne de pays pour lesquels l'enjeu européen et national serait modeste.
Imagine-t-on par exemple un référendum pour l'entrée du Monténégro dans l'Union européenne ?
La question se pose autrement pour des pays dont la taille est importante et dont l'entrée dans l'Union européenne intéresserait directement les Français ou porterait atteinte à l'équilibre politique de l'Union.
L'amendement adopté par la commission des lois est équilibré. Il préserve l'objectif du Gouvernement : éviter des référendums inutiles tout en répondant à une aspiration évidente des Français constatée en 2005, celle de pouvoir se prononcer directement sur les grands enjeux européens. C'est la raison pour laquelle le projet de loi proposait d'abandonner le référendum systématique. Le Gouvernement a suggéré d'ouvrir le choix entre adoption par voie parlementaire au Congrès, à la majorité des trois cinquièmes, ou par référendum selon la procédure applicable aux révisions constitutionnelles.
J'émets donc un avis défavorable sur les deux amendements de suppression et un avis favorable sur les amendements n° 107 et 138 .
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 70
Nombre de suffrages exprimés 69
Majorité absolue 35
Pour l'adoption 48
Contre 21
Plusieurs députés du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. C'est lamentable !
En conséquence, les amendements ultérieurs à l'article tombent et l'article 33 est ainsi rédigé.
Cet amendement reprend textuellement une proposition de la commission présidée par Édouard Balladur. Il a trait au droit de veto détenu actuellement par le Sénat sur les révisions constitutionnelles, puisque les textes doivent être votés dans les mêmes termes par les deux chambres. Aujourd'hui, l'assemblée élue au suffrage universel indirect a les mêmes droits que celle élue au suffrage universel direct. Vous savez à quel point cette équivalence me choque !
La commission Balladur a proposé une très légère atténuation de ce principe, en ouvrant la possibilité au Président de la République, en cas de désaccord entre les deux assemblées, de contourner le veto du Sénat en organisant un référendum. C'est l'exemple d'une révision constitutionnelle qui aurait obtenu les trois cinquièmes des voix à l'Assemblée nationale et aurait été repoussée au Sénat. Je trouve cette disposition modeste et j'aurais préféré, pour ma part, que l'on supprime totalement le droit de veto du Sénat. Cela aurait été beaucoup plus net. Mais il y a là une sorte de « respiration » dans la réforme constitutionnelle que je trouve favorable.
C'est la raison pour laquelle j'ai présenté cet amendement. Ceci dit et quoi que l'on pense : delenda est cumulatio. (Sourires.)
La parole est à M. Patrick Braouezec, pour soutenir l'amendement n° 471 .
Sur l'article 34, je suis saisi d'un amendement n° 108 .
La parole est à M. Jean-Luc Warsmann, pour le soutenir.
L'amendement n° 109 est également de cohérence.
Le Gouvernement y est favorable.
Je le mets aux voix.
(L'amendement est adopté.)
L'amendement n° 110 est aussi de cohérence.
Le Gouvernement y est favorable.
Je le mets aux voix.
(L'amendement est adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 111 .
Cet amendement est rédactionnel.
Le Gouvernement y est favorable.
Je le mets aux voix.
(L'amendement est adopté.)
Je mets aux voix l'article 34, modifié par les amendements adoptés.
(L'article 34, ainsi modifié, est adopté.)
Sur l'article 35, je suis saisi d'un amendement n° 470 .
La parole est à M. Patrick Braouezec, pour le soutenir.
Je suis saisi d'un amendement n° 112 .
Cet amendement est rédactionnel.
Le Gouvernement y est favorable.
Je le mets aux voix.
(L'amendement est adopté.)
Nous avons abondamment discuté de ce point en commission.
Cet amendement a pour objet de permettre à soixante députés ou soixante sénateurs de demander à l'Assemblée ou au Sénat de former un recours auprès de la Cour de justice de l'Union européenne contre un acte législatif européen pour violation du principe de subsidiarité.
Monsieur Warsmann, vous m'avez convaincu en commission des lois d'adopter un sous-amendement dont je crains que, non seulement il restreigne considérablement la portée de mon amendement, mais qu'il soit en retrait par rapport à la rédaction actuelle. Pourrions-nous revenir à la rédaction initiale de mon amendement en substituant aux mots « peuvent former » le mot « forment » ?
Si M. Caresche veut déposer un sous-amendement, libre à lui, mais je ne lui donnerai pas un avis favorable.
Nous en restons donc à l'amendement tel qu'il est rédigé.
Vous avez la parole, monsieur Caresche.
Le sous-amendement que vous m'avez demandé d'accepter en commission, monsieur le rapporteur, représente un recul par rapport au texte actuel.
Certes, nous ne sommes qu'en première lecture. Je m'en tiens cependant à ma position. M. Caresche veut établir – et je comprends sa logique – un parallèle avec la saisine du Conseil constitutionnel par soixante députés ou soixante sénateurs. Le domaine n'est pas ici le même. Il ne s'agit pas d'exercer un recours contre des lois en devenir, mais contre des textes juridiques qui s'appliquent et qui contiennent, de plus, des principes internationaux, de souveraineté. La rédaction adoptée en commission me semble convenir.
Je suis donc favorable à l'amendement tel qu'il est rédigé et non modifié par un éventuel sous-amendement prévoyant une automaticité. Cette mesure représente un acquis.
Je propose en conséquence à l'Assemblée d'adopter l'amendement en l'état. Nous approfondirons la question au cours des navettes.
Cet amendement proposé par la commission des lois, à l'initiative du groupe socialiste, permet à soixante députés et à soixante sénateurs de demander à l'Assemblée nationale ou au Sénat d'exercer ce recours. Le Gouvernement considère que c'est une excellente initiative. Ainsi, soixante députés ou soixante sénateurs pourront provoquer un débat et obliger l'Assemblée dont ils sont membres à prendre parti expressément sur la question du recours. C'est la nuance que vous souhaitiez. C'est ensuite en fonction de la position majoritaire ainsi dégagée que le recours sera ou non formé.
Le Gouvernement est favorable à cet amendement ainsi rédigé.
Je constate que le vote est acquis à l'unanimité.
Je suis saisi d'un amendement n° 114 .
La parole est à M. Jean-Luc Warsmann, pour le soutenir.
Je mets aux voix l'article 35, modifié par les amendements adoptés.
(L'article 35, ainsi modifié, est adopté.)
Nous avons achevé l'examen des articles du projet de loi constitutionnelle de modernisation des institutions de la Ve République.
La Conférence des présidents a décidé que les explications de vote et le vote, par scrutin public, sur l'ensemble du projet de loi constitutionnelle auront lieu le mardi 3 juin 2008, après les questions au Gouvernement.
Prochaine séance, lundi 2 juin 2008 à seize heures quinze :
Discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi de modernisation de l'économie.
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-neuf heures cinquante-cinq.)
Le Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,
Claude Azéma