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Intervention de Arnaud Montebourg

Réunion du 29 mai 2008 à 15h00
Modernisation des institutions de la ve république — Article 28

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaArnaud Montebourg :

Nous abordons la question sensible, et beaucoup plus centrale qu'on ne le croit, du troisième pouvoir, de sa place dans les institutions et de ses rapports avec les deux autres, notamment avec le plus puissant et le plus éminent dans la Ve République, le pouvoir exécutif, Président de la République et Gouvernement.

Nous avons, tout au long des débats, multiplié les objections à l'égard de l'article 28 : nous ne pouvons pas, sous prétexte de lutter contre le corporatisme, assumer la politisation de cet organe. Substituer l'un à l'autre serait à nos yeux tomber de Charybde en Scylla. Nous acceptons en revanche de chercher une solution commune pour éviter ces deux écueils. Lutter contre le corporatisme est une nécessité universelle, dont nous ne devons d'ailleurs pas nous exempter nous-mêmes. Lutter contre une politisation excessive est une garantie que nous devons offrir à la société tout entière.

Nous considérons que le compte n'y est pas dans le projet de loi constitutionnelle. Les magistrats seront en minorité au CSM, en violation des recommandations de l'Union et des textes européens, qui condamnent la mise en minorité des magistrats au sein des instances supérieures de la magistrature. Nous considérons, avec les organisations syndicales de magistrats, que c'est un moyen de mettre les magistrats sous tutelle.

Comme si le fait que les magistrats disposent au moins de la parité au sein du Conseil pouvait aggraver le corporatisme ! Tous ceux qui sont venus expliquer à la commission des lois ce qu'était la pratique du CSM, tant en matière déontologique qu'en ce qui concerne l'exercice du pouvoir de nomination ont montré que cela ne fonctionnait pas comme on l'imaginait. Les majorités se font selon les sensibilités ou les questions en débat, indépendamment de l'appartenance ou non au corps des magistrats.

Aucun autre État européen n'a organisé la mise en minorité des magistrats dans l'instance de régulation de la justice : au pire, la composition en est paritaire. On nous demande donc d'accepter une double exception : une infraction à l'égard des textes et recommandations européens, et une exception au regard de la pratique de la quasi-totalité des pays de l'Union.

En France même, mes chers collègues, y a-t-il un seul corps dont l'instance disciplinaire compterait une minorité de membres du corps ? Ce n'est le cas ni pour les médecins, ni pour les avocats. La Cour de justice de la République, qui doit juger des responsables publics dotés de la légitimité élective, est majoritairement composée de parlementaires. Les membres du Conseil d'État gèrent leur carrière et assurent leur discipline eux-mêmes. Le Conseil supérieur de la Cour des comptes, chargé de la discipline des magistrats financiers, est en majorité composé de magistrats de la Cour, etc.

Il n'y a pas un seul corps auquel nous aurions, nous, législateurs, osé imposer une instance disciplinaire où ses membres seraient en minorité. Et voilà que les constituants décideraient de le faire pour les magistrats ! Ce serait une grave erreur, et je voudrais vous convaincre, monsieur le rapporteur et madame la ministre, de renoncer à ce qui est compris, à juste titre, comme une humiliation.

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