Il y a des débats, y compris d'ailleurs parmi les magistrats et leurs représentants, sur la composition du Conseil supérieur de la magistrature. Doit-il être ou non majoritairement composé de magistrats ? C'est une question difficile, mais la réponse apportée par l'article 28 n'est pas satisfaisante, parce que l'indépendance du Conseil supérieur de la magistrature, et donc indirectement du pouvoir judiciaire, est tout de même écornée par le fait que soient nommées deux personnalités par le Président de la République, deux par le président de l'Assemblée et deux par le président du Sénat.
Je sais que l'article 13 exigera l'avis d'une commission pour ces nominations, mais il n'y a aucune garantie de pluralisme. On voit bien qu'il serait possible, dans le contexte actuel, d'avoir des nominations très marquées politiquement, très monocolores, avec ce mode de désignation par trois responsables politiques qui appartiennent au même parti.
C'est un problème qui n'est absolument pas réglé, sur lequel nous n'avons absolument aucune garantie dans la rédaction actuelle. Le risque de politisation de la nomination des membres du Conseil supérieur de la magistrature est tout de même réel et une telle politisation est inquiétante, surtout dans le contexte actuel, et en tout cas depuis que Nicolas Sarkozy a été élu Président de la République, lui qui manifeste une certaine volonté de reprendre en main l'institution judiciaire et de la mettre au pas.
Au manque de garanties dans le texte s'ajoutent donc les inquiétudes que suscite la pratique actuelle, et on peut se demander si, finalement, cette proposition ne s'inscrit pas dans un mouvement plus large de défiance à l'égard du pouvoir judiciaire, défiance exprimée de façon ouverte par le Président de la République depuis qu'il exerce ses fonctions, et pas simplement quand il était candidat. Il avait alors tenu des propos assez graves sur l'indépendance des juges dans l'accomplissement de leur mission.
Bref, dans la mesure où le Conseil supérieur de la magistrature joue un grand rôle dans la gestion des nominations et des carrières, une telle architecture nous inquiète énormément. Dans les autres pays d'Europe, d'ailleurs, les organismes correspondants sont majoritairement composés de magistrats, et on peut regretter la solution qui a été choisie.