Notre amendement vise à supprimer cet article.
Madame la garde des sceaux, la Constitution de la Ve République confie à la magistrature la mission de garantir les libertés individuelles. C'est notamment à ce titre que le principe de l'indépendance de la magistrature est affirmé. Faut-il rappeler ici qu'il s'agit d'un principe fondamental, sans lequel l'acte de juger devient suspect, car susceptible d'être soumis à toutes sortes de pressions. Ce principe implique que des garanties soient instituées afin que la gestion de la carrière des magistrats ne soit pas utilisée pour soumettre le juge à des contraintes autres que celles de la loi.
Or, depuis de nombreuses années, nous assistons à un accroissement du poids de la chancellerie dans la carrière des juges. Aujourd'hui, 90 % des magistrats du siège voient leur carrière dépendre directement des choix opérés par l'exécutif. Quant à ceux du parquet, le principe hiérarchique aboutit à faire dépendre du garde des sceaux la totalité des décisions administratives les concernant.
À ce constat, on peut ajouter la problématique de la composition actuelle du Conseil supérieur de la magistrature : en son sein, la hiérarchie judiciaire est manifestement surreprésentée, ce qui a généré au fil des années des réflexes corporatistes et clientélistes, très éloignés de l'intérêt du service public de la justice.
Votre réforme, comme celle des universités, se propose de réduire ou de supprimer toutes les instances censées être représentatives, c'est-à-dire composées de membres élus par leurs pairs. En supprimant l'indépendance de la justice, qui tient à peu de chose, c'est le fondement de la démocratie que vous mettrez en cause. Doit-on vous rappeler que tous les pays de l'Union européenne ont l'équivalent du CSM, et qu'il y est toujours composé d'une majorité de magistrats, conformément aux textes européens qui ont été imposés aux derniers candidats à l'adhésion ? Et nous, vieux pays de l'Union, en serions exempt ? L'exception française serait-elle de mise pour parfaire cet archaïsme ?
Nous revendiquons l'institution d'un Conseil supérieur de la magistrature rénové, disposant de moyens propres, notamment de l'inspection des services judiciaires, pour gérer l'intégralité des carrières des magistrats, du siège comme du parquet.
Nous en sommes évidemment bien loin avec cet article. Votre projet ne fait au contraire qu'affirmer une nette volonté d'affaiblir l'institution judiciaire. Madame la garde des sceaux, la révision du Conseil supérieur de la magistrature mérite un débat en soi, un débat qui remettrait tout à plat, au même titre que la réforme du préambule de la Constitution confiée à Mme Weil – que vous n'avez eu de cesse de sortir, tel un joker, au cours des débats.
C'est pourquoi nous refusons de cautionner votre réforme du CSM, sans être pour autant fermé à toute discussion ultérieure, car nous sommes profondément convaincus qu'il faudra le réformer.