Cet amendement tend à remettre un peu d'ordre dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel et à rappeler quelle est sa véritable mission. Il ne s'agit pas de revenir sur l'ensemble de cette jurisprudence, même s'il est vrai que le Conseil a progressivement élargi le champ des mesures sur lesquelles il se prononce : à savoir l'ensemble du bloc de constitutionnalité. Il n'y a certes pas de raison qu'il se situe, à cet égard, en retrait par rapport à la Cour européenne des droits de l'homme ou à la Cour de justice européenne, qui a elle-même dégagé un certain nombre de principes généraux du droit. Cela étant, la jurisprudence constitutionnelle doit se déterminer en fonction des règles ou des principes généraux. Or, trop souvent, le Conseil a eu tendance à développer des jurisprudences complexes et quelque peu confuses. Je pense en particulier à un certain nombre de décisions récentes en matière de législation pénale ou fiscale qui ne présentent vraiment pas un caractère d'évidence reconnu par tous.
J'ai, ce matin, donné un exemple lors du débat sur l'exception d'inconstitutionnalité : le Conseil constitutionnel s'est donné lui-même le pouvoir de déclarer non constitutionnelles des lois déjà promulguées, ce qui n'avait jamais été prévu par la Constitution jusqu'à la présente révision. Il est important de soulever ce problème grave alors que vient d'être créée l'exception d'inconstitutionnalité. En effet, le Conseil constitutionnel sera amené à reprendre tout un ensemble de dispositions adoptées bien avant que ses jurisprudences n'aient vu le jour. Et même si ses membres voulaient revenir sur cette tendance à extrapoler et à aller plus loin que ce que devrait normalement permettre la Constitution, ils seraient prisonniers des jurisprudences de leurs prédécesseurs.
Il est donc essentiel de donner un signal au Conseil constitutionnel en précisant que « seule une disposition manifestement et directement contraire à la Constitution doit être déclarée inconstitutionnelle ». « Directement » tombe sous le sens. Et de nombreux anciens membres du Conseil d'État étant entrés au Conseil constitutionnel, ils savent parfaitement ce qu'est l'erreur manifeste d'appréciation. Je pense indispensable de replacer la jurisprudence du Conseil constitutionnel sur des bases plus conformes à l'esprit de la Constitution de 1958 et à l'idée que nous nous faisons des rôles respectifs du Parlement et de cette juridiction.