La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, relatif à la protection pénale de la propriété littéraire et artistique sur internet (n° 1841).
Cet après midi, l'Assemblée a commencé l'examen des articles, s'arrêtant aux amendements identiques nos 27 à 35 portant articles additionnels avant l'article 1er.
Madame la ministre d'État, monsieur le ministre de la culture, depuis le début de l'examen de ce texte – et nous avions fait la même observation voilà presque quatre ans à l'occasion du débat sur DADVSI –, nous n'avons cessé de répéter qu'il était donné de mauvaises réponses à une vraie question, qui nous préoccupe au premier chef : comment financer la culture et rémunérer la création en prenant en compte les réalités de l'internet sans faire de paris perdus d'avance ? Nous ne pensons pas en effet qu'on bouleversera par la loi les comportements et les usages que nos concitoyens internautes – et ils sont quelque 30 millions – ont développé depuis déjà quelques années.
Nous avons donc l'ambition, partant de la société telle qu'elle est et de la réalité à laquelle nous sommes confrontés, de proposer une solution alternative, de mettre en place de nouveaux modes de rémunération. Nous ne pouvons que regretter une fois encore que quatre ans aient été ainsi perdus.
Pour cela, nous souhaiterions que le Gouvernement remette un rapport au Parlement à la fin de l'année pour que, enfin, on aborde sérieusement, si j'ose dire, cette question, avec toutes ses conséquences. C'est la raison pour laquelle il nous semble urgent, non pas de mettre en oeuvre une loi qui, de toute façon, comme DADVSI, ne s'appliquera sans doute jamais, mais de répondre efficacement aux questions qui nous sont posées. Bien sûr, nous serons très ouverts quant à la date de remise de ce rapport.
La parole est à M. Pierre-Alain Muet, pour soutenir l'amendement n° 28 .
Cet amendement vise à recentrer le débat sur le financement de la création. Du fait de la révolution technologique, la reproduction d'une oeuvre culturelle, qu'elle soit littéraire, audiovisuelle ou musicale, s'effectue à un coût quasiment nul. Cela devrait donc conduire à un prix de reproduction nul. C'est une formidable chance pour l'humanité. C'est la possibilité d'accéder aux connaissances, à la culture, presque gratuitement. C'est d'ailleurs l'aboutissement d'une longue histoire puisque le même phénomène d'abaissement du prix de reproduction est apparu lorsque nous sommes passés du manuscrit au livre, du disque au CD. Cela soulève un problème pour les entreprises qui utilisaient les techniques de production précédentes. Surtout, cela pose le problème spécifique du financement de la création culturelle puisque celui-ci se faisait, dans le passé, par l'intermédiaire de l'achat du support de l'oeuvre.
Face à cette situation, deux attitudes sont possibles. La première consiste à rétablir la rareté pour rétablir le marché et à mettre en place la répression. C'est, au fond, ce que vous nous proposez. Or, madame Alliot-Marie, c'est typiquement une démarche réactionnaire, au plein sens du terme. La seconde consiste à inventer une nouvelle régulation, c'est-à-dire une nouvelle forme de rémunération des droits d'auteur puisque le support traditionnel a disparu. C'est ce que nous proposons à travers la contribution créative. C'est ce que d'autres pays ont fait à travers notamment la licence globale. Ce débat montre bien où est la réaction et où la régulation.
La parole est à M. Philippe Tourtelier, pour soutenir l'amendement n° 34 .
J'abonde dans le sens de mes collègues. En outre, je voudrais avoir une réponse à la question qui a été soulevée dans le journal de France 2, à vingt heures. Certes, on y a dit que le ministre avait marqué des points. Mais on a souligné aussi que le débat n'avait pas progressé car on a montré un site recensant les 400 façons de contourner la loi avant qu'elle ne soit votée. L'une d'entre elle consiste à aller, non pas sur un serveur identifié, mais sur un serveur off shore. On perd alors l'adresse de celui qui interroge et de celui qui fournit. C'est surréaliste : nous allons voter une loi dont tout le monde sait qu'elle est totalement inapplicable. J'attends une réponse, monsieur le ministre.
Monsieur le ministre, vous souhaitez un travail aussi collectif que possible sur l'économie de la culture, sur la façon de mieux rémunérer à la fois les créateurs et la création. Vous nous avez dit être attentif à ce point et vous envisagez d'engager une réflexion à cet égard. Vous convenez, comme nous – et c'est une différence avec le précédent ministre de la culture –, que le présent texte ne règle pas le problème de la rémunération des artistes, le financement de la création. Internet pose ces questions avec violence. Or il ne faut pas répondre à la violence par la violence de la répression : il faut le faire par la violence de l'intelligence. C'est vers cela que vous vous orienterez après que cette loi sera adoptée. Le Petit Poucet sème des petits cailloux pour pouvoir retrouver son chemin. Vous pourriez, quant à vous, approuver cet amendement visant à prévoir la remise au Parlement d'un rapport relatif à la propriété intellectuelle et à son financement. Il vous sera certainement très utile.
La parole est à M. Franck Riester, rapporteur de la commission des affaires culturelles et de l'éducation, pour donner l'avis de la commission sur ces amendements identiques.
La commission a émis un avis défavorable sur ces amendements. Comme vous l'avez fait depuis le début de la journée, vous allez répéter qu'il y a un problème de financement dans ce projet de loi : nous, nous ne cessons de dire l'inverse depuis des mois, depuis le début de l'examen du premier texte HADOPI.
Nous misons sur ce projet de loi pour que celles et ceux qui téléchargent illégalement puissent, dans leur grand nombre, le faire légalement grâce aux offres légales actuellement disponibles sur internet et qui permettent de financer la création.
S'agissant du rapport que vous voulez établir, M. le ministre a dit tout à l'heure que, dès la rentrée, serait évoquée la question de la rémunération. Mme la présidente de la commission des affaires culturelles a fait également savoir qu'elle ferait en sorte que la commission travaille sur ces questions-là. Ces amendements sont donc inutiles.
La parole est à M. le ministre de la culture et de la communication, pour donner l'avis du Gouvernement sur ces amendements.
Avis défavorable. Monsieur Tourtelier, je n'ai pas regardé la télévision à vingt heures car j'étais avec vous. Je note simplement qu'on dit toujours que toutes les lois sont inapplicables, mais, finalement, on les applique. Dans le cas présent, la technicité est effectivement extrêmement importante, mais il y aura certainement au sein – ou autour – d'HADOPI des gens aussi experts et capables que ceux qui voudront essayer de trahir l'esprit de la loi. Le dernier mot devrait rester à la loi, comme cela s'est produit dans de nombreuses circonstances semblables.
Dès la promulgation de cette loi, je m'attaquerai à la définition des nouvelles conditions de la rémunération des créateurs, bis repetita placent. Je suis trop content de pouvoir vous le redire, c'est la pédagogie de la répétition.
Tout le monde n'a pas forcément fait du latin ! Et je le dis sans aucune arrogance.
J'ai proposé au Président de la République et au Premier ministre de lancer très rapidement une vaste concertation avec touts les acteurs de la culture et de l'internet sur ce sujet. Enfin, un rapport supplémentaire ne nous apporterait rien d'autant qu'il est déjà prévu que l'HADOPI devra remettre un rapport annuel au Gouvernement et au Parlement sur ses activités, le piratage et l'offre légale.
Dans ce débat dit HADOPI 2, vous nous expliquez, monsieur le ministre, que vous envisagez une troisième étape, laissant finalement quelque part sous-entendre que la discussion qui nous occupe aujourd'hui n'a que peu d'intérêt. Peut-être partagez-vous en votre for inférieur l'idée, qui est la nôtre, que cette loi ne sera jamais appliquée. Vous en êtes donc à l'étape suivante avant même que ce projet de loi ne soit débattu, voté et, si possible pour vous, validé cette fois-ci par le Conseil constitutionnel.
Le problème, c'est que vous ne pouvez pas dire que vous allez réunir tout le monde de manière consensuelle alors que chacun sait, précisément, que tout ce qui concerne les droits d'auteur est tout sauf consensuel. C'est même plutôt polémique et, en l'occurrence, passionnel. Surtout, vous induisez l'idée qu'il va y avoir le vote d'HADOPI 2, donc le vote d'un dispositif répressif, et qu'il y aura ensuite la mise en oeuvre d'une contribution au financement de la culture et de la création. Les internautes seront alors indirectement concernés à travers les fournisseurs d'accès à internet et les opérateurs télécom.
Nous vous arrêtons tout de suite, monsieur le ministre : nos concitoyens n'accepteront pas – et à juste titre – d'avoir l'un et l'autre, c'est-à-dire et la sanction et la contribution au financement de la création. Cela ne peut être qu'un choix alternatif. En tout état de cause, une fois HADOPI 2 voté, le Président de la République considérera sans doute que sa mission – si mission il y a – est accomplie.
(Les amendements identiques nos 27 , 28 , 34 et 35 ne sont pas adoptés.)
« Encore un rapport ! » allez-vous dire en prenant connaissance de cet amendement. Mais ce rapport a pour nous un intérêt majeur. Nous estimons en effet que, dans ce débat, il y a eu trop souvent confusion entre deux économies très différentes : celle de la musique, d'un côté, celle du cinéma, de l'autre.
On ne finance pas en France la musique comme on finance le cinéma. Le cinéma est un secteur très aidé, ce dont nous ne pouvons que nous réjouir, puisque cela nous permet, à la différence d'autres pays européens, d'avoir un cinéma national, dont on a coutume de dire, même s'il y a les subventions du CNC, qu'il est largement financé par la télévision.
Or il n'en est pas de même pour la musique, largement financée sur des fonds privés, et il faut ici rendre hommages aux producteurs, qui, pour les plus petits d'entre eux, prennent de vrais risques financiers pour produire de nouveaux talents.
C'est la raison pour laquelle nous souhaitons que la Haute Autorité – autant l'occuper utilement ! – remette au Gouvernement et au Parlement avant la fin de l'année un rapport sur la mise en oeuvre d'un fonds de soutien à la création musicale, dont le financement serait assuré par la contribution des opérateurs de télécommunications déjà prévue par le code général des impôts.
Il s'agit de ne pas déséquilibrer un système qui a fait ses preuves, en particulier concernant le financement de la production cinématographique et audiovisuelle.
Or la production musicale est, elle, moins bien dotée et dépend beaucoup plus du marché, ne disposant pas des recettes « en amont » dont dispose le cinéma grâce notamment à la Commission d'avances sur recettes.
Nous pourrions donc aider en amont la création musicale grâce à un fonds d'aide à la création. Cela peut paraître plus aléatoire, car les circuits de production de la musique sont plus artisanaux que ceux du cinéma. Les sommes en jeu sont également moindres que dans le cinéma, qui est une industrie très coûteuse – je m'excuse de le dire à un orfèvre en la matière – et n'a pu survivre et se développer que grâce à un système d'aides inexistant chez la plupart de nos voisins européens. Quoi qu'il en soit, le cinéma français se situe aujourd'hui dans le sillage du cinéma américain ou du cinéma indien – plus exotique et assis sur un public potentiel plus large.
Nous plaidons donc pour que l'on réfléchisse à la mise en place d'un fonds d'aide à la création musicale.
La parole est à M. Jean-Paul Chanteguet, pour défendre l'amendement n° 242 .
Comme cela a été indiqué par Patrick Bloche et Serge Blisko, nous souhaitons la mise en place d'un fonds en faveur de la création musicale, qui serait financé notamment par le produit de la taxe sur les services fournis par les opérateurs de communications électroniques.
Aujourd'hui, de nombreuses aides publiques existent en faveur du cinéma, auxquelles s'ajoute l'obligation pour les chaînes de télévision d'intervenir directement dans le financement de la production cinématographique et audiovisuelle. C'est pourquoi nous proposons la mise en oeuvre de ce fonds en faveur de la création musicale.
La parole est à M. Jean-Louis Gagnaire, pour défendre l'amendement n° 243 .
Que l'on parle de musique ou de cinéma, il s'agit toujours de la création artistique et de son financement.
J'aimerais ici m'adresser à nos collègues de la majorité, dont certains sont assez novices dans ce débat, puisqu'ils n'ont pas participé à HADOPI 1.
Chez nous, tous ceux qui sont présents ce soir ont déjà participé aux deux premiers débats.
Je vous sens un peu épuisés par l'examen de ce texte… (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
J'ai donc envie de vous demander de l'examiner sérieusement, plutôt que de subir les débats sans y participer et en vous contentant des réponses du rapporteur et du ministre, qui rejettent systématiquement nos amendements.
Je vous invite à faire cet effort pour ne pas avoir de mauvaise surprise. Mieux vaut s'y préparer plutôt que de rester passifs dans un débat extrêmement sérieux qui concerne la création, les artistes et un média d'avenir. Trop rares parmi vous sont ceux qui ont compris qu'il valait mieux être actifs plutôt que de subir le débat et de patienter jusqu'au 15 septembre.
Le plus simple, mes chers collègues, est encore de vous exprimer ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
L'adaptation du droit d'auteur au numérique nécessite une politique innovante et ambitieuse, qui rémunère équitablement les créateurs. Nous faisons en ce sens un certain nombre de propositions, parmi lesquelles la création d'un fonds de soutien.
Le Parlement est là pour contrôler l'action du Gouvernement, mais il est également là pour faire des propositions. Commander un rapport participe de ses attributions.
La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec, pour défendre l'amendement n° 245 .
En réponse à nos amendements demandant au Gouvernement un rapport sur les droits d'auteur et les droits voisins, le ministre nous a parlé, de manière assez singulière, de l'esprit de la loi et de consensus.
Mais, lorsque nous demandons à l'HADOPI un rapport sur la création musicale, monsieur le ministre, c'est parce que c'est le législateur qui décide de l'esprit de la loi, et non le juge ! Plus la loi est travaillée, mieux elle est préparée, plus son application sera simple.
S'agissant de l'HADOPI, il sera difficile à mon sens pour cette Haute Autorité de bâtir un consensus, alors qu'elle sera d'abord l'instrument d'un processus de répression et de sanction. Il ne faut pas s'imaginer un seul instant que vous pourrez construire un consensus sur de tels fondements.
En second lieu, il ne pourra jamais y avoir de consensus entre les acteurs, car il y a conflit d'intérêts. C'est pour cela que, depuis des années, ce sont toujours les plus forts qui ont gagné, ceux qui étaient en mesure d'imposer leur loi, en d'autres termes les majors.
Le rapport que nous demandons éclairera donc le Parlement sur les conditions dans lesquelles peut être mise en oeuvre l'aide à la création musicale.
La parole est à Mme Marylise Lebranchu, pour défendre l'amendement n° 247 .
L'aide à la création est d'autant plus importante que, pour travailler dans des collectivités territoriales, nous connaissons tous les règles imposées par le CNC, les 25 % d'autofinancement pour le cinéma, les 30 % de chiffre d'affaires, et j'en passe.
La musique n'est pas du tout régie par les mêmes règles et aider à la création dans le domaine musical est beaucoup plus complexe que dans le domaine du cinéma.
Vous n'allez sans doute pas accepter ce rapport, mais il serait intéressant malgré tout d'être mieux informés sur une question parfois très délicate pour les collectivités territoriales, avec des clauses parfois à la limite de la concurrence.
Nous avons donc absolument besoin de cet outil, car il est plus difficile de faire pour la musique de qualité ce qui a été fait pour le développement du cinéma français, permettant notamment qu'il y ait encore dans certaines zones très rurales des salles d'art et d'essai.
Cet amendement vise à ce que la Haute Autorité remette au Parlement et au Gouvernement avant le 31 décembre 2009 – ou 2010 – un rapport sur la mise en oeuvre d'un fonds en faveur de la création musicale et sur ses modalités de financement, notamment par le produit de la taxe sur les services fournis par les opérateurs de communications électroniques prévus à l'article 302 bis KH du code général des impôts.
Chacun sait que l'article 302 bis KH du code général des impôts est celui-là même qui a servi dans la loi sur l'audiovisuel public pour financer le manque à gagner des recettes publicitaires de France Télévisions.
Lors de la discussion de cette loi, nous avions attiré l'attention du Gouvernement sur le fait qu'en utilisant une telle taxe pour financer France Télévisions vous ne financiez pas directement la création, mais l'un de ses financeurs. D'où une perte substantielle pour la création française.
C'est pourquoi nous souhaitons étudier l'application de ce dispositif, qui fonctionne pour France Télévisions, à la création musicale, via la mise en place d'un fonds. Vous le savez probablement mieux que moi, monsieur le ministre, il suffit parfois d'amender légèrement telle disposition pour obtenir des effets importants. Or nous avons ici la possibilité d'accomplir quelque chose d'important pour la création musicale.
Avis défavorable, comme tout à l'heure, puisqu'il s'agit encore d'un rapport.
Nous sommes convaincus que le mécanisme de réponse graduée que nous vous proposons permettra d'augmenter les financements issus des offres légales sur internet. Nous sommes par ailleurs décidés à réfléchir à des modes de financements complémentaires. Nous serons pour cela amenés à travailler avec le Gouvernement, sous l'autorité du ministre de la culture et de la communication et dans le cadre des travaux menés par la présidente de la commission des affaires culturelles.
Le Gouvernement est également défavorable à ces amendements. Il faut éviter un traitement sectoriel à ce vaste chantier que je veux lancer à l'automne et ne pas préjuger le résultat de cette consultation en pointant uniquement la taxe France Télévisions.
Monsieur le ministre, on ne peut qu'être désolé de la mauvaise allocation de vos moyens. Plutôt que de vous acharner sur un texte qui est déjà désuet, vous feriez mieux de prendre au sérieux nos propositions puisque nous avons pour objectif commun de soutenir la création et de trouver les ressources financières pour y parvenir.
Nous discutons d'un texte alors que l'on sait déjà que la riposte graduée est complètement en décalage avec les possibilités techniques dont disposent les internautes. La loi n'est pas encore votée que, ce soir, au journal de vingt heures, France 2 a donné 400 moyens de la contourner.
Vous avez dit que la loi aura le dernier mot. Mais comment l'appliquerez-vous sur les sites offshore, quand on sait qu'on a déjà beaucoup de mal à s'attaquer aux paradis fiscaux pour moraliser le capitalisme ? Ces sites perdront votre adresse et vous n'aurez alors aucun moyen d'intervention.
Plutôt que de vous acharner sur une solution que les techniques rendent irréalisables, commencez dès maintenant à travailler sur nos propositions afin que l'on puisse réellement financer la création.
(Les amendements identiques nos 240 , 241 , 242 , 243 , 244 , 245 , 247 et 248 ne sont pas adoptés.)
Monsieur le ministre, vous allez me répondre : « Encore un rapport ! » Nous considérons qu'il serait intéressant de pouvoir évaluer l'impact de votre dispositif sur la croissance des offres légales disponibles sur internet. Pour ce faire, un rapport pourrait nous permettre de voir si les différents acteurs – et nous pensons aux majors – jouent le jeu en ouvrant suffisamment leur catalogue. Or, récemment, bien que la chronologie des médias ait été rétrécie – les films sont désormais disponibles en DVD et VoD quatre mois après leur sortie en salle –, tout le monde n'a pas joué spontanément le jeu. C'est le cas notamment de la SACD, qui n'a pas signé l'accord.
Nous considérons que la loi HADOPI, tout comme la loi DADVSI qui n'a jamais été appliquée, est un pari perdu d'avance. Contrairement à ce que vous prétendez, cette loi ne boostera pas le développement des offres légales en France, qui restent très insuffisantes. Il faut dire que c'est le prix de la musique en ligne, et non le téléchargement illégal, qui est la première cause de blocage du développement des offres légales. C'est la raison pour laquelle il nous paraît essentiel qu'un rapport d'évaluation sur la diffusion des offres légales sur internet soit remis chaque année au Parlement.
Pourquoi le téléchargement illégal a-t-il pris une telle ampleur dans notre pays, en particulier parmi les jeunes générations ? Parce que les plates-formes dites légales, celles que les parlementaires sont censés utiliser – et ils ont raison de le faire – effraient, à la fois par la faiblesse de leur catalogue et le coût d'un téléchargement, qui est tout à fait rédhibitoire pour des jeunes ou des personnes sans grands moyens financiers – un morceau de musique coûte 0,99 euro, dont 19 centimes sont récupérés par l'État au titre de la TVA. Il y a donc là quelque chose d'illogique qui rend votre raisonnement bancal. Déjà, lors de l'examen de la loi DADVSI, M. Donnedieu de Vabres affirmait que nous aurions des plates-formes de téléchargement légal tout à fait intéressantes. Or, trois ans plus tard, nous n'avons rien vu. Les progrès technologiques ont été tels que l'offre légale est le parent pauvre qui rapporte très peu aux grands sites comme la Fnac ou iTunes.
La parole est à M. Jean-Paul Chanteguet, pour soutenir l'amendement n° 569 .
Selon le rapporteur, la mise en oeuvre de HADOPI 1 et HADOPI 2 devrait permettre la croissance des offres légales disponibles sur internet. Nous estimons qu'il serait souhaitable qu'un rapport d'évaluation sur la diffusion des offres légales sur internet et l'ouverture réelle des catalogues soit remis au Parlement chaque année.
La parole est à M. Jean-Louis Gagnaire, pour soutenir l'amendement n° 570 .
Monsieur le ministre, vous êtes convenus en commission que l'offre de téléchargement légal était relativement réduite par rapport à toutes les oeuvres que l'on peut trouver sur internet. Aussi, nombre de nos concitoyens en sont réduits à télécharger des morceaux de musique, voire des films, de manière illégale parce qu'il n'existe plus de support physique pour un certain nombre d'oeuvres. Du reste, vous avez reconnu que, sans les enregistrements pirates des concerts de la Callas, nous n'aurions plus aucune trace aujourd'hui de ces instants merveilleux.
L'offre légale ne représente qu'une infime partie de ce qu'il est possible de trouver sur internet. Vous faites le pari que, grâce à HADOPI 1 et HADOPI 2, l'offre légale va s'accroître. Nous ne demandons qu'à vous croire. Certains internautes estiment que les coûts du téléchargement légal sont beaucoup trop élevés. Du reste, il y a vraiment beaucoup d'exagération de la part des majors au détriment des artistes et des consommateurs.
Pour pouvoir vous croire, nous devons avoir une vision exacte de ce qui se passe. Voilà pourquoi nous demandons qu'un rapport soit remis chaque année au Parlement afin que l'on puisse voir si l'offre légale s'accroît ou non. Notre demande n'est pas difficile à satisfaire.
Nous sommes face à un phénomène de société, chacun ayant envie d'approcher, de connaître de nouvelles oeuvres. Or on se rend bien compte que l'offre légale existante n'est pas suffisante, ce qui explique notamment le téléchargement illégal. De surcroît, les offres légales n'ont pas un juste prix. Voilà pourquoi il nous semble important de disposer d'un rapport qui préciserait le type d'offres légales qui existent et les prix proposés.
La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec, pour soutenir l'amendement n° 572 .
Si nous demandons l'élaboration d'un rapport, c'est parce que nous voulons mettre au coeur de la stratégie du dispositif législatif et donc de l'activité gouvernementale l'objectif que contient ce rapport, à savoir l'offre légale. Je me souviens très bien de notre premier débat au cours duquel tout le monde avait partagé ce constat que le coeur du problème c'était l'insuffisance d'une offre légale. Or, pour provoquer l'offre légale, vous semblez irrémédiablement attaché à cette réponse qui consiste à engager un processus répressif.
Au-delà de cette stratégie, je voudrais insister sur une erreur fondamentale. Le premier intérêt de l'offre légale, c'est la diversité. La transmission par les technologies numériques dans le cadre de l'offre légale répond toujours aux critères imposés par les grands acteurs de la commercialisation. Il faut beaucoup de courage à ceux qui viennent rechercher, dans l'offre légale, la possibilité d'être connus, écoutés et reconnus. D'une certaine manière, l'offre légale est sans nul doute le meilleur instrument de la diffusion dans la diversité des contenus culturels que les artistes créent et veulent produire. Sur ce point, je regrette beaucoup que vous n'évoquiez pas l'enfermement dans lequel se trouve la création à cause des instruments de la distribution et de la diffusion qui privent une partie importante du public de recevoir ce à quoi il est attaché et qu'il aime.
La parole est à Mme Aurélie Filippetti, pour soutenir l'amendement n° 573 .
En marge des projets que nous avons discutés sur HADOPI 1 et HADOPI 2, nous souhaitons renforcer, comme l'a dit Jean-Yves Le Bouillonnec, la diffusion des offres légales sur internet. Pour avoir une évaluation précise de la diffusion légale des oeuvres et de leur impact économique sur l'ensemble de la population, nous demandons qu'un rapport sur la diffusion de ces offres légales soit remis chaque année au Parlement. Ce dispositif s'inscrit dans la logique d'un renforcement des pouvoirs du Parlement aussi bien par des études d'impact en amont qu'a posteriori sur l'efficacité des dispositions législatives qui sont prises.
La parole est à Mme Marylise Lebranchu, pour soutenir l'amendement n° 574 .
Ce genre de rapport éviterait que nous avancions des arguments qui n'ont pas de sens. C'est vrai que, dès l'examen de la loi HADOPI 1, faisant le bilan de la loi DADVSI, on savait que les majors avaient la mainmise sur l'ensemble des créateurs et que tel système fonctionnait bien. Je voudrais appeler votre attention sur le fait qu'un certain nombre de très jeunes créateurs dans le monde du cinéma étaient assez terrifiés par notre position, et nous en sommes largement convenus. Ceux qui réalisent des courts métrages nous ont dit attendre de nous que nous les aidions à entrer dans la diffusion sur internet parce qu'ils n'en ont pas les moyens.
Si vous pensez – je ne remets jamais en cause la bonne foi de ceux qui portent les textes de loi – que votre projet permettra à un certain nombre de créateurs d'exister, donnons-nous un premier rendez-vous en décembre 2009 et tâchons de trouver des crédits pour ceux qui ne peuvent pas entrer sur la diffusion. C'est notre seule manière de démontrer aujourd'hui que les majors ou autres grandes plateformes de téléchargement à 99 centimes le titre servent une certaine forme de musique, et pas celle des jeunes créateurs. Vous comprenez alors sans doute pourquoi nous sommes si attachés à cette étude.
La parole est à M. François Brottes, pour défendre l'amendement n° 575 .
Monsieur le ministre, je ne veux pas douter de votre volonté d'être utile au débat. Le rapport que nous proposons par cet amendement n° 575 permettra d'enrichir la réflexion que vous avez l'intention de mener, si tant est que vous écoutiez ce que je vous dis et que vous puissiez en tirer quelques conclusions ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) C'est une question de courtoisie !
Aujourd'hui, contrairement à ce que disait mon collègue Blisko, pour lequel je nourris la plus grande affection, lorsque l'on télécharge légalement – ce que je fais très souvent –, ce n'est plus 99 centimes que l'on paie, mais souvent 1,29 euro ! Tous les passionnés de musique feront vite le calcul : au moins 18 centimes pour l'État, et seulement quatre pour le créateur. N'est-ce pas là le premier scandale ? N'est-ce pas cette question qu'il faudrait approfondir lorsque l'on prétend défendre la création ?
Par ailleurs, votre prédécesseur a beaucoup cité le site deezer, qui diffuse de la musique sans que l'on puisse la copier ni la télécharger. Pour l'avoir expérimenté, dans l'intérêt du débat, je peux vous dire que l'on peut très bien la copier en analogique, puis en numérique, dans la plus grande légalité.
Face à toutes ces questions, le rapport que nous vous proposons s'avérera particulièrement utile pour faire aboutir la réflexion à son terme.
Quel est l'avis de la commission sur cette série d'amendements identiques ?
Avis défavorable. Nous venons de passer vingt minutes à débattre de la remise chaque année par HADOPI d'un rapport sur la diffusion des offres légales sur internet, alors que cette mesure a déjà été prévue par HADOPI 1 auquel nous avons consacré pas moins de soixante heures ! Je vous renvoie à son article L. 331-14, qui dispose que « la haute autorité remet chaque année au gouvernement et au parlement un rapport rendant compte de son activité, de l'exécution de ses missions et de ses moyens, et du respect de leurs obligations et engagements par les professionnels des différents secteurs concernés. Ce rapport est rendu public. »
Article L. 331-23 : « Elle rend compte du développement de l'offre légale dans le rapport mentionné à l'article L. 331-14. »
Tout ça pour ça !
Je vais tout de même répondre à quelques-unes de vos questions.
Monsieur Tourtelier, nous l'avons toujours dit, ce projet de loi ne vise pas à éradiquer totalement le téléchargement illégal, mais simplement à le rendre plus complexe pour que la majeure partie de ceux qui téléchargent illégalement aujourd'hui téléchargent légalement demain et participent ainsi au financement de la création.
S'agissant du prix des offres légales, je vous remercie, monsieur Brottes, d'avoir rappelé que le titre ne coûte plus systématiquement 99 centimes, mais varie entre 49 centimes pour les fonds de catalogue sur itunes et 1,29 euro pour les titres les plus récents.
Je signale enfin que le Virgin mégastore des Champs Élysées met à disposition de ses clients 200 000 titres contre trois millions sur son site. Vous voyez bien que l'offre légale est largement supérieure ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Avis défavorable car l'évaluation du dispositif de la loi résulte déjà du règlement intérieur de l'Assemblée nationale. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. François Brottes, pour répondre – ce qui est, je vous le rappelle, une tolérance.
Vous êtes trop bon, monsieur le président ! Je ne sais comment vous remercier…
Nous sommes au coeur de la question du téléchargement légal, du coût pour les passionnés de musique et du bénéfice pour ceux qui la diffusent. Je ne parle pas des artistes.
Vous venez de citer le catalogue de Virgin, mais quels sont ses retours financiers ? Ceux de l'État ? Ceux des créateurs ? Là est la question. Ne fuyez pas ce débat.
Vous ne pouvez pas prôner le téléchargement légal sans nous dire en toute transparence qui gagne de l'argent, qui n'en gagne pas, qui en perd.
Beaucoup de nos compatriotes téléchargent aujourd'hui illégalement parce que l'accès aux catalogues est prohibitif. Nous nous retrouvons en effet face à des personnes qui ne supportent aucun coût de fabrication de support mais vendent encore plus cher la musique qu'à l'époque des disques.
(Les amendements identiques nos 567 à 575 ne sont pas adoptés.)
Parce qu'il est urgent d'engager une réflexion avec l'ensemble des acteurs concernés sur la mise en place de nouveaux modèles de rémunération du droit d'auteurs et droits voisins adaptés aux évolutions technologiques, l'amendement n° 576 tend, au risque d'irriter M. le rapporteur, à ce qu'un rapport d'analyse et de prospective sur ce sujet soit remis au Parlement avant le 31 décembre 2009.
Il ne s'agit pas de nous répéter, mais de nous permettre de travailler « en toute transparence », pour reprendre les termes mêmes du ministre.
Le numérique est aujourd'hui devenu la règle, au détriment de l'analogique qu'il a écrasé et fait disparaître. Nous connaissons les difficultés financières auxquelles sont confrontées les salles de cinéma pour diffuser en tout numérique. La télévision est à son tour passée au tout numérique.
Nous voici face à un nouveau modèle de diffusion, un nouveau modèle économique, qui risque de déstabiliser jusqu'à la presse écrite.
La reproductibilité du numérique, son intangibilité, du moins à grande échelle, sa vocation à dépasser les frontières, nous amènent à un monde d'une autre dimension. La création, maintenue dans un cadre qui date de Beaumarchais, a perdu ses repères.
Vous citiez Virgin, monsieur le rapporteur, mais cette chaîne vend de moins en moins de musiques enregistrées. Il s'agit là d'une véritable révolution qui touche même le coeur des villes, où sont souvent implantées les grandes surfaces.
Je souhaite que nous puissions travailler ensemble sur cette nouvelle ère du numérique.
La parole est à Mme Catherine Génisson, pour défendre l'amendement n° 579 .
Madame la ministre, monsieur le ministre, vous ne pourrez que vous rallier à l'amendement n° 579 .
M. le ministre nous a en effet indiqué ce matin qu'au-delà du texte, vous vous engagiez à lancer une concertation sur l'analyse et la prospective pour le soutien à la création.
Lorsque vous avez été nommé, monsieur le ministre, nous avons immédiatement pensé que les artistes seraient enfin accompagnés et que vous ne manqueriez pas d'idées pour soutenir la création. Or, depuis le début de l'examen de ce texte, nous réalisons que vous avez endossé le carcan de l'habit gouvernemental. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Vous nous avez par ailleurs promis que nous travaillerions ensuite sur le rapport d'analyse et de prospective pour la création alors qu'il eût été plus logique de s'y atteler avant même de commencer l'examen de ce texte.
Si l'on veut faire émerger différents modèles de rémunération de droits d'auteur, il est important de prendre le temps de la réflexion, à laquelle seraient associées toutes les parties prenantes. Pour cette raison, nous vous proposons ce rapport d'analyse et de prospective.
Sur le vote de ces neuf amendements identiques, je suis saisi par le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec, pour soutenir l'amendement n° 581 .
Ces amendements posent la question de notre capacité à anticiper les évolutions technologiques pour préserver et assurer les droits des auteurs. La LOPPSI était condamnée avant même d'être adoptée. La partie non censurée par le Conseil constitutionnel d'HADOPI 1 n'est pas applicable. Les dispositions relatives à la répression ne pourront être mises en oeuvre.
Nous prenons du retard sur les enjeux qu'il faudrait relever pour conserver aux auteurs et aux artistes la juste rémunération de leur travail. Le rapport d'analyse que nous proposons permettra au Parlement de cerner, au-delà des renseignements que le ministre veut bien nous fournir, la réalité de la situation.
La parole est à Mme Aurélie Filippetti, pour défendre l'amendement n°582 .
Parlons un peu des pratiques des internautes qui téléchargent parce qu'ils veulent accéder à la culture et aux oeuvres, et de l'encouragement à la création. En la matière, nous manquons cruellement d'analyses prospectives qui nous permettraient d'anticiper les mesures à prendre pour que les artistes puissent vivre dignement de leurs créations.
De plus, nous ne pouvons pas faire reposer uniquement le budget de la création sur les seuls internautes, qui sont, pour la plupart, chacun le sait, des jeunes. Or je tiens à rappeler la situation sociale très difficile de la jeunesse dans notre pays puisque, à la fin de l'année, 700 000 jeunes se trouveront sur le marché du travail. Quelle justification donner à la criminalisation de jeunes, dont le seul crime est de vouloir accéder à la culture et à la musique ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Avant de les criminaliser parce qu'ils téléchargent sur internet, trouvez-leur du travail ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. - Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
Enfin, en ce qui concerne le budget de la culture, le côté droit de l'hémicycle est mal placé pour donner des leçons, alors que, depuis sept ans, ce budget diminue continûment et qu'il baissera encore de 3 % dans les deux prochaines années. Je le répète : comment pourriez-vous nous donner des leçons en matière d'encouragement à la création ?
C'est la raison pour laquelle ces amendements prévoient que sera remis au Parlement avant le 31 décembre 2009 un rapport d'analyse et de prospective relatif à l'impact, sur la création, des nouvelles technologies et de la transition vers le numérique, afin que nous puissions trouver, tous ensemble, les moyens de favoriser réellement la création dans notre pays sans pénaliser la jeunesse.
La parole est à Mme Marylise Lebranchu, pour soutenir l'amendement n° 583 .
Je souhaite citer la conclusion de L'Argent sans maître de Charles-Henri Filippi, que vous avez tous lu : « Arrivé à la victoire totale, le capitalisme moderne avait laissé croire à la pérennité d'une martingale de progrès qui n'aura peut-être été finalement qu'un improbable et fugitif moment de l'histoire ; à un monde où l'argent crée la croissance sans discerner de limites, et où l'enrichissement du petit nombre est rendu acceptable par la perspective du progrès pour tous. »
Or, monsieur le rapporteur, avec Virgin et ses grands groupes, l'enrichissement du petit nombre n'est pas aujourd'hui le progrès pour tous. C'est si vrai que si vous n'acceptez pas, que si nous n'acceptons pas collectivement d'étudier les modes de rémunérations, comme il vous est proposé de le faire avant l'article 1er, nous continuerons d'assister à l'enrichissement du petit nombre sans constater le progrès pour tous. Or, plus le monde est violent et plus la crise est grave, plus la culture doit prendre la parole.
La parole est à M. François Brottes, pour défendre l'amendement n° 584 .
Je souhaite revenir aux questions auxquelles nous n'avons toujours pas reçu de réponse. Comment définir la juste rémunération de celui qui prend le risque de production par rapport à celui qui se contente des fonds de catalogue, où le risque est nul ? Comment définir un juste financement de la création, surtout si on prend en compte ce que l'État récupère lorsqu'une oeuvre est diffusée ? Or, qu'il s'agisse du cinéma ou de la musique, l'écart est trop important, il est même indécent, entre le peu que perçoivent les créateurs – auteurs, compositeurs et réalisateurs – et ce que perçoivent les distributeurs, qui, grâce à internet, ne font plus aucun effort de distribution sur le plan logistique, que ce soit en termes de surfaces de magasin ou de production de CD ou de DVD. Or, si la charge a considérablement diminué, à la sortie, le téléchargement coûte beaucoup plus cher qu'à l'époque des supports physiques !
Dans ces conditions, comment refuser que soit remis au Parlement un rapport d'analyse et de prospective au profit de la création, que vous prétendez soutenir, en vue d'étudier les modalités, à l'ère du numérique, d'une meilleure rémunération des créateurs, et non pas de ceux qui s'en mettent plein les poches en dormant – on ne saurait dire les choses autrement ? La technologie ne justifie plus aujourd'hui de tels écarts ! Les créateurs ont tout à gagner à l'établissement d'un autre rapport entre la création et la distribution.
Quant à l'État, il est, sous tous les régimes, je suis prêt à le reconnaître, un grand hypocrite, puisqu'il se rémunère beaucoup plus que ceux qui créent, ce qui est tout aussi indécent ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La commission est défavorable à la remise d'un tel rapport – nous en avons déjà largement parlé.
En revanche, madame Lebranchu, nous sommes toujours favorables – les ministres et moi-même n'avons cessé de le répéter – à mener une réflexion portant non seulement sur tous les modes de financement de la création,…
...mais également sur la répartition du financement entre les différents acteurs de la filière culturelle.
Madame Filippetti, nous n'avons pas la prétention de donner des leçons, sachez-le,…
…ce qui n'est pas toujours le cas du côté opposé de l'hémicycle. Nous sommes très modestes sur cette question si complexe.
Monsieur Brottes, si vous aviez été là lorsque nous avons évoqué la répartition des revenus des créateurs – auteurs, compositeurs, artistes, interprètes –, vous auriez pu entendre ma réponse : les chiffres que vous avancez – quatre centimes d'euros pour les créateurs sur un titre vendu quatre-vingt-dix-neuf centimes – sont faux puisque, sur les plateformes majeures de téléchargement légal, comme la FNAC ou Virgin, entre quinze et vingt centimes d'euros sont redistribués aux créateurs,…
…tandis que chez les nouveaux entrants sur le marché, comme Believe, les créateurs peuvent recevoir de cinquante à soixante centimes ! Nous sommes loin, monsieur Brottes, des quatre centimes d'euro et de tous les chiffres démagogiques que vous avancez. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Défavorable.
La répétition est monotone !
Je prends mon temps parce que nous abordons un sujet très important.
Ce qui me fascine dans ce débat, c'est que nous abordons des points sur lesquels nous aurons beaucoup de choses à nous dire après le vote du projet de loi. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Je me contenterai de vous dire pour l'instant que, dès la promulgation de cette loi, je m'attaquerai à la définition des nouvelles conditions de la rémunération des créateurs. Je vous le répète : je lancerai très rapidement après la conclusion de la loi une vaste concertation avec tous les acteurs de la culture et d'internet sur ce sujet.
Si j'affirme que je ferai la suite, vous me répondez que je n'y crois pas et si je ne l'affirme pas, vous m'incriminez comme si j'étais un cynique !
Vous avez faux.
C'est du bizutage ! Ne vous laissez pas impressionner, monsieur le ministre. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Il n'y a aucun problème !
Je veux faire voter cette loi à laquelle je crois profondément parce qu'elle nous servira de socle et de cadre pour réfléchir à tous les problèmes relatifs à la rémunération des créateurs. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Nous avons d'abord besoin de la loi. Nous sommes dans un contresens depuis le début. Mais il est vrai que nous n'arriverons pas à nous entendre puisque nous ne sommes pas d'accord.
Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur les neuf amendements identiques nos 576 à 584 .
(Il est procédé au scrutin.)
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 151
Nombre de suffrages exprimés 151
Majorité absolue 76
Pour l'adoption 48
Contre 103
(Les amendements nos 576 à 584 ne sont pas adoptés.)
Cet amendement est à nos yeux fondateur.
En effet, parmi les amendements avant l'article 1er, qui ont pour objet de créer des articles additionnels tendant à favoriser la rémunération de la création et à créer de nouveaux financements pour la culture à l'ère numérique, il s'agit de la proposition que nous portons dans ce débat depuis plusieurs mois et qui vise, comme nous y invite le ministre de la culture, à mettre autour de la table sans tarder, mes chers collègues, puisque vous nous dites avec insistance qu'il y a urgence, tous les acteurs, et cette fois-ci sans en oublier aucun, je pense notamment aux internautes et aux consommateurs, qui ont été les grands oubliés des accords de l'Élysée de novembre 2007.
En votant cet amendement, vous ne perdrez plus de temps puisque, grâce à lui, il n'y aura plus de ligne Maginot facilement contournée. Dès maintenant, il convient de mettre autour de la table tous les acteurs concernés, afin de créer ce que nous appelons une « contribution créative », à savoir une licence collective étendue. Ne nous répondez pas qu'elle ne sera pas suffisante à rémunérer la création puisque nous avons prouvé le contraire ! Deux euros par mois et par internaute, multipliés par 18 millions d'abonnés au haut débit et par douze mois, cela fait un total de 400 millions d'euros, somme supérieure aux pertes, que vous évoquez régulièrement, dues à la baisse des ventes de CD depuis cinq ans.
Quant à la possibilité d'une répartition des sommes collectées, la redevance pour copie privée, qui a commencé par taxer les supports vierges avant de taxer bien d'autres supports depuis, en est l'exemple même !
Enfin, en ce qui concerne le droit moral de l'auteur, il sera respecté, puisque l'artiste pourra se retirer du système s'il le souhaite.
Saisissez votre chance en votant cet amendement !
Je tiens simplement à compléter les propos de M. Bloche, qui, en raison d'un temps de parole trop court, n'a pu aller jusqu'au bout de son raisonnement. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Cet amendement fournit tous les éléments du projet alternatif, pensé en coopération avec toutes les personnes concernées, qu'il s'agisse des usagers – les internautes –, des fournisseurs d'accès à internet, des créateurs, des sociétés de répartition de droits, des consommateurs en général ou des pouvoirs publics. Par cet amendement, nous aurons la capacité, en travaillant tous ensemble, de monter le nouveau modèle de répartition et de redistribution et donc de sauver le droit d'auteur, invention française qui n'est pas toujours bien comprise par les systèmes juridiques de certains pays étrangers.
Je le répète, cette contribution créative permettra de résoudre les problèmes auxquels nous sommes confrontés et qui ont sanctionné la production des majors, en raison de leur manque d'imagination. Comme Patrick Bloche l'a démontré, grâce au versement mensuel d'une contribution de deux euros, perçue par les fournisseurs d'accès à internet, nous pourrons créer un autre modèle, permettant à tous les pays du monde, confrontés aux mêmes problèmes de téléchargement, de disparition du droit d'auteur et de rétribution des créateurs, des diffuseurs et des interprètes, de résoudre leurs difficultés en la matière.
La parole est à Mme Gisèle Biémouret, pour soutenir l'amendement n° 542 .
Il aurait été bien plus simple de se retrouver tous autour d'une table ! Pensons en particulier aux créateurs ou aux consommateurs de musique, de cinéma ou de théâtre, qui n'ont pas de moyens. Notre devoir d'élus, comme celui du Gouvernement, me semble-t-il – mais peut-être ne sommes-nous pas sur la même longueur d'onde – est de permettre à tous les consommateurs d'accéder à la culture, comme à tous les créateurs d'être entendus, car tous ne sont pas Johnny Hallyday ! Certains, qui sont tout aussi intéressants, sont moins connus : or, c'est internet qui peut leur apporter la notoriété.
Nous aurions donc dû nous poser la question de la contribution créative avant de légiférer !
La parole est à M. Jean-Pierre Dufau, pour soutenir l'amendement n° 543 .
Nous nous trouvons au coeur du sujet : comment, à l'heure du numérique, trouver un financement juste des créateurs et une contribution juste des internautes ? Cela me rappelle le débat lancé par Pascal sur la force et la justice. (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC.) Nous n'en avons pas la même conception que vous.
La voie répressive que vous avez choisie, c'est celle de la force, ce qui signifie, selon le mot de Pascal, que, « ne pouvant faire que ce qui est juste fût fort, vous avez dit que ce qui était fort était juste ».
La répression n'apportera pas de réponse aux véritables problèmes.
Nous vous proposons une autre méthode, celle de la concertation, qui consiste à réunir tous les partenaires autour de la table, y compris les internautes. Si notre approche diffère de la vôtre, j'espère que nos objectifs peuvent concorder. Il s'agit de trouver les modalités d'une juste rémunération des créateurs, et de trouver les modalités d'une juste participation des internautes à cette contribution créative fixée une fois l'accord conclu, sous votre autorité, à l'occasion de la discussion de chaque loi de finances, ce dispositif s'appliquant uniquement aux oeuvres que le créateur aura décidé de rendre publiques par une diffusion numérique.
Nous pouvons nous mettre d'accord sur au moins un point : nous souhaitons, du moins je l'espère, que les créateurs soient justement rémunérés. C'est pourquoi je regrette qu'au début de la discussion, vous n'ayez pas voté l'amendement n° 249 …
Si vous vous mettez à discuter des amendements précédents, nous n'avons pas fini !
…qui disposait simplement que « tout vendeur de phonogramme ou vidéogramme mais également de fichiers de films ou de musique, doit, par voie de marquage, étiquetage ou affichage, ou par tout autre procédé approprié, informer le consommateur de la part revenant à la création sur le prix de vente ».
Si cet amendement avait été adopté, nous n'aurions pas un débat désagréable avec M. Riester qui nous accuse de démagogie, de mensonges... et nous ne serions pas en mesure de vous faire remarquer que c'est vous qui mentez, monsieur le rapporteur, puisque nous serions fixés sur la rémunération de chacun et en particulier sur la part qui revient aux créateurs. Vous devriez donc faire votre mea culpa.
Ce qui nous embête, monsieur le ministre, c'est que la voie répressive que vous avez choisie est un pari perdu d'avance. Votre texte est parfaitement inefficace et il n'apportera aucune rémunération supplémentaire aux créateurs. Dans ces conditions, évitons de perdre du temps. (Sourires sur les bancs du groupe UMP.) Vous nous dites que nous nous reverrons peut-être en septembre pour voter le texte.
Puisque nous n'en sommes plus à quelques semaines près, si vous souhaitez que la concertation que vous nous proposez soit une véritable concertation, elle doit avoir lieu avant et non après l'examen du texte.
Je vous rappellerai ce que me disait ma grand-mère quand elle allait au marché : on n'achète pas un âne dans un sac ! Or vous voulez nous vendre un âne dans un sac et nous n'en voulons pas.
La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec, pour soutenir l'amendement n° 545 .
Notre collègue Néri a raison : le texte que vous nous proposez et qui sera peut-être adopté, sera totalement inefficace et, bien sûr, les pouvoirs publics en viendront tôt ou tard à une solution de participation individuelle forfaitaire à la charge de celui entre dans le dispositif, parce qu'il s'agira du seul moyen d'assurer une rémunération à l'auteur.
Voilà pourquoi la danse que vous effectuez comme autour d'un totem – simplement parce qu'une sentence présidentielle vous commande de défendre et de voter une loi avant telle date – ne changera rien. Je sais de surcroît que vous êtes nombreux à le penser.
Il s'agit du seul moyen dont nous disposons pour prendre le temps d'avance que j'appelle depuis tout à l'heure de mes voeux, qui consiste à placer tous les acteurs, les diffuseurs face à cette réalité : ceux qui bénéficient de l'accès à une oeuvre doivent, d'une manière irrévocable et immédiate, contribuer forfaitairement à hauteur de deux euros.
C'est le seul moyen pour qu'un jour nous nous félicitions d'avoir su préserver ce qui constitue une richesse de notre patrimoine, c'est-à-dire la protection des auteurs et la protection des droits des créateurs.
Il est incroyable de constater qu'à cause de votre soumission à la volonté présidentielle, vous êtes en train de perdre le temps que nous pourrions encore utiliser – puisque la loi permet déjà une protection – pour que, demain, les créateurs puissent reconnaître que nous avons fait notre travail.
Sur le vote de cette série d'amendements identiques, je suis saisi, par le groupe SRC, d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à Mme Aurélie Filippetti, pour soutenir l'amendement n° 546
Nous sommes au coeur du débat que nous avons eu précédemment sur la réforme des institutions. Je me souviens que le président du groupe UMP, Jean-François Copé, appelait de ses voeux la coproduction législative. Or elle ne doit pas s'exercer qu'entre le Gouvernement, l'Élysée et la majorité UMP, mais avec l'ensemble de la représentation nationale et donc avec l'opposition.
Aussi vous présentons-nous des propositions destinées à assurer la bonne, la juste rémunération des auteurs et des créateurs à l'ère du numérique. Nous vous demandons d'écouter ces propositions et d'en discuter. On renvoie en effet toujours à plus tard, à l'après-HADOPI – dont nous avons appris que le vote aurait finalement lieu en septembre –, quand ce n'est pas aux calendes grecques.
Discutons donc de cette proposition d'une contribution créative : deux euros par mois payés par les internautes et qui permettraient la constitution d'un fonds de 400 millions d'euros entièrement dédiés à la création artistique et au soutien des jeunes artistes, et non pas seulement des plus favorisés.
Pourquoi ne pas en débattre ? Pourquoi rejeter notre proposition de créer un fonds de soutien à la création ? Pourquoi avez-vous refusé la réaffectation de la taxe sur les fournisseurs d'accès internet consacrée à France Télévisions…
…à un fonds de soutien à la création ? Pourquoi refuser notre proposition visant à indiquer la part revenant au créateur dans le prix d'un DVD ou d'un CD ou encore d'un fichier de musique en ligne, afin d'encourager une meilleure répartition en faveur des créateurs ?
La parole est à Mme Marylise Lebranchu, pour soutenir l'amendement n° 547 .
Monsieur le rapporteur, au cours de l'examen du texte HADOPI 1, on nous a expliqué très longuement…
…que le téléchargement était la cause principale de la baisse de la vente des CD et des DVD.
Or vous venez d'expliquer, en donnant les chiffres de Virgin, que ce n'est pas le téléchargement qui pose problème, mais le fait que Virgin vende 3 millions de titres en ligne et quelques milliers seulement dans ses magasins. Ce ne sont donc pas les quelques internautes qui téléchargent qui mettent à genoux le produit CD ou le produit DVD, mais bien le fait que les majors utilisent un nouveau vecteur et à bon droit.
Nous demandons que les créateurs bénéficient d'une juste rémunération et que tout le monde ait accès à ces nouveaux vecteurs, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.
Si l'on compare la valeur économique ajoutée par actif des magasins de vente de CD ou de DVD, et la valeur ajoutée des 3 millions de titres du Virgin, on constate que, d'un côté, cette valeur et la rémunération des créateurs sont importantes et que, de l'autre, la valeur ajoutée par actif est quasi nulle et la rémunération des créateurs insuffisante.
La France fait montre d'un immobilisme total depuis quelques années sur la question de la culture et de l'internet. Nous sommes en retard, l'outil dont nous parlons finira par nous dépasser. Or la France a toujours été en avance en matière culturelle et en ce qui concerne la protection de ses créateurs. Nous vous proposons donc de retrouver cette avance. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Marcel Rogemont, pour soutenir l'amendement n° 548 .
Monsieur le ministre, nous sollicitons, par le biais des amendements que nous présentons, la rédaction de plusieurs rapports, l'un sur la rémunération de la création à l'ère du numérique, un autre sur les droits des auteurs voisins, un autre encore sur l'effectivité de la taxe qui finance actuellement France Télévisions et qui aurait pu aussi financer la création. La liste n'est pas exhaustive. Chacun de ces rapports constituerait autant de pistes de travail pour vous puisque vous convenez de la pertinence de nos interrogations.
En même temps, je salue le chemin parcouru par le Gouvernement tant il est vrai que nous ne bénéficiions pas de la même attention précédemment. Il vous reste simplement un pas à franchir et à réunir effectivement les acteurs concernés par la recomposition de l'économie numérique pour la culture. Nous vous proposons de surcroît, dans cette perspective, une solution avec la création d'une contribution créative. Patrick Bloche en a donné le produit, qui s'élèverait à 450 millions d'euros.
Je vous demande donc simplement une chose, monsieur le ministre : au lieu de donner systématiquement un avis défavorable à ce que vous espérez, donnez ici un avis favorable.
Cette contribution créative était déjà un des sujets principaux de nos discussions au cours de l'examen du projet HADOPI 1. La création de cette contribution, vous le savez, monsieur Bloche, est contraire aux traités internationaux qui protègent les droits d'auteur. D'autre part, elle constituerait une sorte de vente forcée puisque seulement 30 % des titulaires d'abonnements internet téléchargent, légalement ou illégalement.
En outre, les sommes récoltées seraient bien insuffisantes pour financer la création car il ne suffirait pas de créer de nouveaux financements, il faudrait aussi compenser tous ceux qui seraient mécaniquement détruits par l'instauration de la contribution créative. En effet, si l'on instaure une contribution créative – qui revient à légaliser le téléchargement gratuit sur internet –, pourquoi voulez-vous que des gens continuent d'aller acheter des CD ou de payer des offres légales ? Ils n'iront plus et le financement de la création que vous proposez se révélera insuffisant.
Un tel financement se révèle de plus très difficile à répartir, voire impossible, et décourage, madame Filippetti, les producteurs et toutes les sociétés internet d'investir dans les nouveaux talents. Or nous voulons, nous, défendre les nouveaux talents et sommes vraiment convaincus que c'est grâce au dispositif de réponse graduée, qui incitera les internautes à télécharger légalement, que nous allons pouvoir financer la création et financer les nouveaux talents.
Quant à l'accès à la culture, il existe aujourd'hui, en plus de l'achat au titre, qui est disponible sur les plateformes légales, des dispositifs d'abonnement. Pour quelques euros, vous pouvez avoir accès à des catalogues très importants de musique, ce qui permet un accès facile pour les plus jeunes d'entre nous.
En outre, nous sommes mobilisés sur la baisse de la TVA. Nous en discutons avec nos partenaires européens.
Quel est l'avis du Gouvernement sur cette série d'amendements identiques ?
Avis défavorable.
Un autre tube de l'été est celui qui consiste à dire que la loi ne va pas marcher, qu'elle n'est pas applicable, etc.
Elle est applicable en Nouvelle-Zélande, elle est applicable en Corée, elle est applicable à Taïwan. Elle est applicable. Il suffit simplement de maîtriser un certain nombre de problèmes techniques. (Exclamations et rires sur les bancs du groupe SRC.) Vous riez, monsieur Bloche. Comme si vous les connaissiez vous-même, les problèmes techniques. Vous vous laissez impressionner, de surcroît, par ce que vous avez vu au journal de vingt heures. Quand vous écoutez, le matin, sur une radio périphérique, des petits malins qui expliquent comment ils peuvent contourner la loi, et quand vous les voyez au journal de vingt heures, vous vous laissez impressionner. On pourrait très bien vous donner le message inverse, et vous montrer qu'à technicien, technicien et demi. La loi s'applique dans un certain nombre de pays. Il ne faut pas que nous doutions, nous, du fait que la loi peut s'appliquer. Car elle peut s'appliquer. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Les petits malins dans les tribunes sont pliés de rire, tant mieux.
En ce qui concerne la question que vous venez de soulever, on constate que c'est le retour de la licence globale, qui a décidément la vie dure. Je ne vais pas reprendre les arguments, très justes, qu'a avancés le rapporteur. Je me bornerai à constater que, pour l'instant en tout cas, la licence globale, les artistes n'en ont pas voulu.
Ils vous l'ont écrit, ils vous l'ont dit. Ils ont même pétitionné pour la rejeter. Voilà. C'est tout. Donc, avis défavorable. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Nous allons maintenant entendre, en application de l'article 100, alinéa 7, un orateur contre, puis un orateur pour répondre à la fois au Gouvernement et à la commission, qui ont émis le même avis. C'est d'ailleurs une tolérance.
Ce sera M. Dionis du Séjour, puisqu'il a été le premier à demander la parole. L'orateur contre, c'est M. Piron.
L'amendement de nos collègues socialistes sur la contribution créative repose le problème de fond des nouveaux modèles de rémunération. Vous avez pris, monsieur le ministre, une position très claire contre la licence globale. En 2005, lors de l'examen de la loi DADVSI, j'avais tenu à peu près le même discours, autour de trois arguments.
Premièrement, la licence globale prive les auteurs d'un droit fondamental, qui est un droit personnel.
Deuxièmement, elle pénalise les internautes, qui, pour les deux tiers d'entre eux, n'utilisent pas internet pour télécharger.
Troisièmement, elle donne lieu à une collecte qu'il est difficile de répartir selon l'audience.
C'était notre bilan en 2005. En quatre ans, la situation a évolué sur certains points. Il faut les noter. D'abord, la proportion des internautes qui téléchargent des biens culturels augmente de manière continue.
Deuxièmement, les outils de répartition selon l'audience s'affinent considérablement.
Vous avez, dans l'hémicycle, pris une position forte en faveur d'une négociation sur les nouveaux moyens de rémunération.
Mais au-delà de votre volonté politique et de la condamnation de la licence globale, quelles sont les réalités émergentes que vous voulez prendre en compte ? Quelles sont vos convictions ? Quelles sont les pistes que vous voulez ouvrir ? Pour nous, l'avenir est clairement à chercher du côté des offres forfaitaires par abonnement volontaire. Qu'en pensez-vous ?
De même, entendez-vous, lors de cette négociation, refonder la taxe et le droit à la copie privée ? Elle a été fondée en 1985, dix ans avant internet, vingt ans avant facebook. Et facebook remet radicalement en cause les notions de cercle amical et de cercle familial. Que comptez-vous faire dans ce domaine, monsieur le ministre ? Il faut que vous nous parliez de vos convictions.
Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur les amendements identiques nos 540 à 548 .
(Il est procédé au scrutin.)
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 158
Nombre de suffrages exprimés 158
Majorité absolue 80
Pour l'adoption 53
Contre 105
(Les amendements identiques nos 540 à 548 ne sont pas adoptés.)
La parole est à M. Christian Paul, pour un rappel au règlement. Il va nous préciser quel est l'article du règlement qui a troublé, selon lui, le déroulement de nos travaux.
Monsieur le président, mon rappel au règlement est fondé sur l'article 58, alinéa 1. Mais ce n'est pas le règlement qui a troublé l'ordonnancement de nos travaux, c'est votre refus de me donner la parole au nom du groupe socialiste pour répondre au Gouvernement. Je ne crois pas que la position qui a été exprimée par M. Dionis du Séjour – bien que très intéressante, et bien qu'en mutation par rapport aux positions de son groupe et aux siennes personnelles il y a encore quelques mois – reflète celle que nous souhaitions prendre en faveur de cet amendement après la réponse du Gouvernement et après celle du rapporteur.
Je suis au regret de vous le dire, monsieur le président, sans malice ni polémique, c'est un déni des droits de l'opposition dans ce débat. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Nous ne sommes pas représentés par le Nouveau Centre. Sur cet amendement, nos positions et celles du Nouveau Centre sont historiquement différentes. Je suis au regret de souligner que nous avions, comme il est très naturel, demandé à pouvoir nous exprimer après le Gouvernement et le rapporteur, et que cela n'a pas été possible. Faut-il penser que l'opposition ne s'exprimera plus jamais après le Gouvernement et après le rapporteur ?
Monsieur Paul, si vous aviez été là au moment où j'ai donné lecture de l'article 56, alinéa 2, vous auriez pu éviter le rappel au règlement que je vous ai accordé. Cet alinéa 2 précise : « Le Président peut autoriser un orateur à répondre au Gouvernement ou à la commission. Lorsque l'avis du Gouvernement et celui de la commission sont identiques, un seul orateur peut être autorisé à répondre. »
« Peut » ! C'est une faculté, pas une obligation. M. Paul ne connaît pas le règlement ! Il ne l'a pas lu.
En conséquence, monsieur Paul, vous n'aviez absolument pas un droit automatique à disposer de la parole. Seul l'article 100, alinéa 7, fait qu'il y a obligatoirement, si l'un des députés le demande, un député qui peut s'exprimer contre l'amendement.
Nous abordons l'examen de l'article 1er. Plusieurs orateurs sont inscrits.
La parole est à M. Philippe Gosselin, premier orateur inscrit.
Je m'étonne une fois de plus des propos qui viennent d'être tenus. Comment peut-on parler de déni des droits de l'opposition, quand on va égrener quatre-vingt salves de neuf amendements identiques, comme une longue litanie, pour ne pas parler d'un chemin de croix ? Mais ça, c'est pour faire plaisir à M. Brard, qui aime les symboles religieux.
Avec cet article 1er, de quoi s'agit-il ? Il s'agit évidemment de tenir compte des remarques du Conseil constitutionnel. Cet article modifie le code de la propriété intellectuelle et complète les missions des membres et des agents habilités et assermentés de la commission de protection des droits de la HADOPI. C'est l'occasion de leur confier des prérogatives de police judiciaire. Ils peuvent constater les infractions, recueillir les observations des abonnés dont l'accès à internet aurait servi à porter atteinte au droit d'auteur.
Ce dispositif est complet. Il répond, sous toutes ses formes, à ce qui était attendu. Il suffit, pour s'en convaincre, d'examiner les différents alinéas.
Le deuxième alinéa précise que les membres de la commission de protection des droits ainsi que les agents habilités et assermentés pourront constater les infractions lorsqu'elles seront punies de la peine complémentaire de suspension de l'accès à internet. On en donne le détail et le mode d'emploi. Cette suspension est bien sûr une peine complémentaire, on l'a dit, et non pas une peine principale, les deux principales pouvant être l'emprisonnement et l'amende. Mais il n'est évidemment pas question d'emprisonnement ici, vous vous en doutez bien.
Bref, on a dans cet article l'ensemble des éléments qui correspondent à la protection des droits et des libertés tels qu'ils ont été souhaités. Il est tout à fait conforme à la décision du Conseil constitutionnel.
Je précise, enfin, que les droits de la défense sont eux aussi respectés : les procès-verbaux, les échanges entre les agents assermentés, les conseils qui pourront accompagner les personnes incriminés.
Voilà un article qui convient parfaitement au groupe UMP, et qui me semble clarifier la situation.
Au lieu de répondre à la seule question qui vaille, c'est-à-dire celle de savoir comment financer, à l'ère du numérique, la création artistique et culturelle, vous construisez une succession de lois répressives afin d'essayer de rétablir une situation que l'évolution technologique a fait disparaître. Le vrai problème, c'est que ce qui servait au financement de la création culturelle était le coût du support de cette création. Or ce coût est devenu nul, avec internet. Il faut donc réinventer une façon de financer la création culturelle dans un univers qui est celui de la gratuité de la copie. C'est cela, la vraie question.
Le rapporteur nous a dit tout à l'heure que l'abonnement était absurde. Mais non ! L'abonnement, c'est précisément ce qui est adapté à une situation économique comme celle que crée la révolution numérique, c'est-à-dire qu'un bien peut être produit, transféré, diffusé de façon gratuite, mais en même temps, on sait bien que sa production a représenté un coût pour le créateur, lequel doit être rémunéré. Il faut donc, pour cela, faire preuve d'imagination. Et au lieu de cela, vous essayez de réintroduire une rareté, de réintroduire un marché là où le marché a disparu.
On comprend bien pourquoi : en faisant cela, vous défendez l'intérêt des majors, des entreprises qui s'appuient sur la diffusion de ces oeuvres par le coût du support. Mais vous ne répondez pas du tout à la question de la création. Il vous faut un peu d'imagination. La seule que vous ayez en ce moment consiste à continuer une répression aveugle et absurde.
Je souhaite tout de suite le dire, c'est avec le code de procédure pénale que, désormais, j'aborde ce texte. Monsieur le ministre de la culture, un texte qui prescrit des peines et ordonne des procédures entre dans le champ du code de procédure pénale. Quand on donne une compétence qui est quasiment celle d'un officier de police judiciaire, et qu'on le fait par le biais du code de la propriété industrielle, il y a défaut. Car c'est le code de procédure pénale qui a toujours installé ce type de compétence. Je tiens à le dire. Et l'article 95 du code de procédure pénale, qui dit de quelle manière on initie l'ordonnance pénale, nous allons le visiter à longueur de temps.
Mon observation liminaire, monsieur le président, visait simplement à répondre à ce que le ministre de la culture a dit cet après-midi lorsqu'il a stigmatisé ceux qui « défendent le laisser-faire ». Vous savez, monsieur le ministre, quand les révolutionnaires ont dit que la loi ne devait établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, quand ils ont dit que tout homme était présumé innocent, ils n'étaient pas des défenseurs du laisser-faire. Ils combattaient l'arbitraire.
C'est sur ces principes, monsieur le ministre, qu'ont été construites toutes nos sociétés : la lutte contre l'arbitraire, le code pénal et le code de procédure pénale, qui ne sont pas des dispositifs de codification du laisser-faire, mais de la protection de la société, et donc des individus.
Ce qui veut dire, monsieur le ministre de la culture, qu'il faut que vous compreniez que quand nous avons défendu le recours constitutionnel avec des arguments que le Conseil constitutionnel a reçus comme pertinents, nous défendions aussi la société. C'est sur ce thème de débat que nous allons maintenant aborder le dispositif que vous nous présentez.
Monsieur le président, madame la ministre d'État, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce débat est passionnant, mais j'ai un peu l'impression qu'il est répétitif. (« Non ! » sur les bancs du groupe SRC.)
Un député du groupe UMP. Ce n'est pas une impression, c'est une certitude !
Un argumentaire a de la force si l'on parvient à une synthèse, en ayant présenté l'un et l'autre aspect des choses afin d'assurer une certaine lisibilité.
La pratique qui consiste à égrener, en permanence, des argumentaires strictement identiques sur des amendements strictement identiques me paraît stérile et même un peu humiliante pour cette assemblée.
Le temps programmé ne s'applique pas à cette discussion, mais nous avons un règlement qui, lui, s'applique en tout état de cause.
Monsieur le président, il me semble que l'on pourrait, à un moment donné, faire en sorte que, une fois que deux orateurs d'avis contraire sont intervenus sur l'article, la discussion soit close, en vertu de l'article 57, alinéa 3, afin que l'on puisse débattre sereinement, sans ânonner obligatoirement et systématiquement les mêmes arguments. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Neuf orateurs veulent défendre des amendements visant à supprimer l'article 1er. Ne serait-il pas plus sage de renoncer à faire précéder la présentation de ceux-ci de propos répétitifs, et d'utiliser ce temps de parole pour nous expliquer pourquoi cet article 1er vous semble si terrible ?
C'est la raison pour laquelle, monsieur le président, je vous demande de faire en sorte que l'on applique l'article 57, alinéa 3. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Si vous êtes fatigué, monsieur le président, je veux bien vous remplacer.
…la clôture des débats, conformément à l'article 57, alinéa 3, qui conduit à mettre aux voix cette suspension des débats.
Je vous propose de prendre encore un orateur, au titre du groupe GDR qui ne s'est pas exprimé, et ensuite de mettre cette proposition aux voix.
La parole est à Mme Martine Billard.
Monsieur Leonetti, pour pouvoir demander le temps programmé, il vous aurait fallu courir un peu moins vite ! Compte tenu du règlement, ce n'était pas possible.
Il est important d'avoir un débat au fond, d'autant que l'article 1er vise à réintroduire la suspension d'internet en contournant la décision du Conseil constitutionnel.
La lecture du rapport, page 43, nous éclaire : « Précisons également que la suspension de l'accès à internet est ici considérée comme une " peine complémentaire " puisque le code pénal ne connaît que deux types de peines principales : l'emprisonnement et l'amende. »
Ce qui nous est dit là, c'est que, normalement, l'on ne pouvait envisager que l'emprisonnement et l'amende, comme dans la loi contre la contrefaçon. Vous essayez depuis un certain temps de trouver d'autres solutions, d'imaginer d'autres peines, moins lourdes que les 300 000 euros d'amende ou la prison figurant dans la loi contre la contrefaçon. Vous avez essayé avec la loi DADVSI, ça a été censuré par le Conseil constitutionnel. Vous avez essayé avec HADOPI 1, ça a été censuré par le Conseil constitutionnel. Maintenant, vous inventez une peine complémentaire, puisque ce ne peut pas être une peine principale : la suspension de l'accès à internet.
Mais il faut rappeler qu'aux termes de cet article, ce sont les représentants des ayants droit qui pourront transmettre leur procès-verbal de constatation, ainsi que les éléments constitutifs d'une atteinte au droit d'auteur. Or, nous en avons déjà discuté à propos de HADOPI 1 et nous allons continuer à vous le démontrer, il n'est pas possible de prouver – non de supposer, mais de prouver – qu'il y a eu téléchargement illégal. Premièrement, il y a beaucoup de « faux positifs ». Deuxièmement, même en cas de téléchargement illégal – sauf comme le disait Mme Albanel à envoyer son disque dur pour prouver que l'on n'est pas coupable –, il n'y a pas de preuve tangible de ce téléchargement illégal. Mais vous ne voulez pas entendre cela. Nous continuerons donc à dénoncer la façon dont vous prévoyez de recréer ce que le Conseil constitutionnel a censuré.
Je vais mettre aux voix, conformément à l'article 57, alinéa 3, la clôture de la discussion sur l'article.
(La clôture est prononcée.)
(Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Je trouve un peu triste qu'un parlementaire de la qualité de M. Leonetti intervienne uniquement, dans ce débat essentiel, pour demander l'application de l'article 57, alinéa 3. Enfin, chacun choisit ses modes d'intervention…
Monsieur le président, compte tenu de ce qui vient de se passer, il est nécessaire que le groupe SRC se réunisse. C'est la raison pour laquelle je demande une suspension de séance de quinze minutes.
Application de l'article 57 du règlement
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt-trois heures vingt, est reprise à vingt-trois heures trente.)
Je suis saisi d'une série d'amendements identiques, tendant à supprimer l'article 1er.
La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour soutenir l'amendement n° 259 .
Avant de défendre mon amendement, je tiens à souligner la gravité de ce qui s'est passé tout à l'heure. Quand un Parlement consent à l'anéantissement de ses propres droits, notamment de son droit d'expression, c'est honteux et cela s'appelle un déni de démocratie. La dernière fois que cela s'est produit, c'était il y a soixante-neuf ans. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
L'histoire est toujours utile et « celui qui ignore le passé est condamné à le revivre », ne vous en déplaise !
Comme l'a dit notre collègue Jean-Yves Le Bouillonnec, il nous faut examiner le texte à la lumière du code de procédure pénale.
Si j'en crois une dépêche de l'agence de presse Chine nouvelle, Mme Wu Aiying, ministre de la justice, et M. Cai Wu, ministre de la culture chinois, vont demander à rencontrer Mme Alliot-Marie et M. Mitterrand pour se documenter sur la manière de transposer en Chine ce qu'ils proposent pour la France ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Vos propositions sont des plus floues ; la seule chose qui soit claire, c'est la répression, avec l'impossibilité pour les contrevenants de se défendre…
Ce sont là des procédures exorbitantes du droit commun, et qui ne protègent pas les libertés. Oui, votre projet de loi est liberticide ! C'est pourquoi nous proposons la suppression de l'article 1er. Que les internautes qui suivent nos débats disent autour d'eux ce qu'ils voient ce soir dans cet hémicycle !
Nous venons d'aborder la discussion des amendements à l'article 1er. Grâce à M. Leonetti, je n'ai pu intervenir sur cet article.
Par cet amendement, nous en demandons la suppression : rien de plus logique car, pour notre part, nous sommes respectueux de la décision du Conseil constitutionnel du 10 juin dernier. Nous ne voulons pas que cette décision qui a été rendue suite à notre recours soit contournée de façon aussi éhontée. Tout le projet de loi HADOPI 2 est en effet construit pour contourner la décision du Conseil constitutionnel.
Le principe de séparation des pouvoirs, qui est au coeur de la décision du Conseil constitutionnel, est bien malmené par le fait que le juge unique, celui que vous avez choisi dans le cadre de l'ordonnance pénale, verra son travail de justice expéditive encadré par la HADOPI en amont et en aval.
En amont, avec l'article 1er, puisque ce sont les fameux agents assermentés de la HADOPI, avec leurs prérogatives de police judiciaire, qui seront amenés à constituer les dossiers d'incrimination. Au demeurant, leur tâche ne consistera pas à repérer les internautes qui téléchargent illégalement : ce sont les représentants des ayants droit qui devront s'en charger et qui demanderont aux FAI les adresses IP des internautes concernés. Nous ne cesserons de répéter que l'adresse IP ne constitue en rien une authentification de l'internaute ni une preuve suffisante. Le résultat, c'est que le juge sera complètement lié, du fait que les fameux agents assermentés prépareront son travail.
M. Leonetti n'est pas revenu parmi nous, mais il faudra qu'il s'habitue à ce que nous nous succédions en présentant des arguments qui se complètent et qui s'enrichissent. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Deux minutes pour présenter un amendement, c'est peu – un speed dating en quelque sorte –, mais cela permet à chaque parlementaire de l'opposition d'apporter des éléments supplémentaires et de répondre lorsqu'ils ont été censurés par le président de l'Assemblée.
Je m'étonne, monsieur le ministre, que vous pensiez, un seul instant, qu'une loi de répression puisse servir de socle à un grand projet pour les droits d'auteur à l'âge numérique. C'est incompatible.
Ce n'est pas un texte de répression.
Tous ceux qui participent sérieusement à cette discussion vous demanderont l'abolition de cette loi. Pour notre part, nous l'inscrirons dans les programmes de l'avenir, soyez en sûr. Je prends date ce soir.
Nous demandons la suppression de l'article 1er. Tous les articles de ce projet de loi contredisent des règles élémentaires de procédure pénale.
Nombreux sont ceux, madame la garde des sceaux, y compris dans vos rangs, qui sont extrêmement surpris qu'une juriste aussi qualifiée que vous attache son nom à un texte aussi fragile. Nous nous emploierons, pour notre part, à en démontrer les défauts à chaque étape de ce débat ; le Conseil constitutionnel nous départagera ensuite ! Vous prenez un immense risque, madame la garde des sceaux. Depuis ce matin, les sociétés de droits s'émeuvent et se plaignent que le texte ne sera pas voté avant des mois. Non seulement il ne sera pas voté avant des mois, mais il sera très probablement censuré par le Conseil constitutionnel.
Par cet amendement, nous demandons en effet la suppression de l'article 1er.
Selon M. le ministre, cette loi est parfaitement applicable et si tant est que quelques difficultés d'ordre technique demeurent, elles seront très facilement surmontées. C'est un point de désaccord fondamental entre nous.
Récemment, l'INRIA – l'Institut national de recherche en informatique et automatique – a déclaré, lors d'une audition, que, « du point de vue scientifique et technologique, et au regard de l'utilisation actuelle de l'internet dans le monde, la restriction technologique de l'accès à internet, telle que l'envisage le législateur, serait impossible à réaliser dans les faits. »
Les opérateurs de télécommunications ne disent pas autre chose. Votre texte conduira en effet à des inégalités territoriales, selon que les zones sont ou ne sont pas dégroupées. Des difficultés techniques apparaîtront également sur les offres composites notamment ; cela non plus, vous ne pouvez le nier. Vous ne pouvez balayer les problèmes d'un revers de main et déclarer que le texte sera facilement applicable – « circulez, il n'y a rien à voir ! » C'est faux.
Nous sommes un certain nombre dans cet hémicycle, toutes tendances politiques confondues, à partager ce point de vue. En fait, vous savez que ce texte sera difficilement applicable.
En outre, il donnera lieu à de nombreux contentieux. Il est donc faux de prétendre que les difficultés techniques pourront facilement être dépassées.
La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec, pour soutenir l'amendement n° 649 .
J'ai indiqué tout à l'heure que j'aborderais ce texte sous le seul angle du code de procédure pénale et votre présence, madame la garde des sceaux, me semble, à cet égard, extrêmement importante. D'une part, vous avez la responsabilité des dispositifs de mise en oeuvre de la procédure pénale et, d'autre part, en tant que garde des sceaux, vous êtes attachée à ne pas laisser voter n'importe quoi.
À l'article 1er, vous conférez une quasi-qualité d'officier de police judiciaire en dehors des instruments du code de procédure pénale. Or vous savez, madame la garde des sceaux, que c'est le code de procédure pénale qui décide qui est officier de police judiciaire, depuis les maires jusqu'aux gendarmes. Vous allez cependant conférer une autorité judiciaire aux membres de la commission de protection des droits et à des agents habilités et assermentés, dans un texte qui traite de la propriété industrielle. Et cela ne fâche personne !
Par ailleurs, vous savez fort bien que vous aurez un problème considérable avec l'ordonnance pénale, je le dis avec passion car nous sommes tous offensés lorsque le Conseil constitutionnel censure une loi. La censure est une offense faite au Parlement en raison de notre incapacité à respecter l'exigence de constitutionnalité. Or le code de procédure pénale interdit l'ordonnance pénale pour les moins de dix-huit ans, ou s'il y a une constitution de partie civile et demande de dommages-intérêts. C'est pourtant ce que vous allez introduire par ce dispositif. C'est évidemment inacceptable.
Nous dénonçons le fait qu'une disposition censurée par le Conseil constitutionnel revienne par la fenêtre. Vous travestissez le code de procédure pénale !
La parole est à M. Olivier Dussopt, pour présenter l'amendement n° 650 .
Après la décision rendue par le Conseil constitutionnel le 10 juin dernier, je me souviens que Mme Christine Albanel, alors ministre de la culture, avait déclaré vouloir en tirer toutes les conséquences.
Mais l'article 1er du présent texte n'est autre chose qu'un moyen de contourner cette décision et de revenir aux thèses de HADOPI 1. D'aucuns ont tiré les conséquences à la place de Mme Albanel ! Avec HADOPI 2, vous introduisez la confusion entre les pouvoirs administratif et judiciaire, en prenant le risque d'établir une justice expéditive et inapplicable, comme viennent de l'expliquer mes collègues.
Finalement, vous installez une ambiance de répression, répression dont vous faites l'alpha et l'oméga de votre politique alors même que l'on sait déjà que votre texte sera inefficace et extrêmement difficile à appliquer, de l'avis même de certains membres de la majorité.
Vous cherchez jusqu'à l'obsession à contourner la décision du Conseil constitutionnel, employant tous les moyens, ce qui entraîne de nouveau la confusion entre deux types de pouvoirs et la même inefficacité qu'avec la loi HADOPI 1. Ce faisant, vous vous heurtez encore au risque de l'inconstitutionnalité, déjà établie par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 10 juin dernier.
La parole est à Mme Marylise Lebranchu, pour soutenir l'amendement n° 651 .
M. Le Bouillonnec vient de le dire avec passion : nous sommes en train d'élaborer un monstre juridique, car on ne peut pas faire la loi en dehors de la loi.
J'ai indiqué en commission que l'on instaurait une défiance totale entre les internautes et les créateurs. Ce n'est pas ce que l'on aura fait de mieux, monsieur le ministre !
Je vous invite à vous interroger particulièrement sur l'alinéa 3 de l'article 1er, mes chers collègues. Les membres de la commission de protection des droits ainsi que ses agents habilités et assermentés « peuvent en outre recueillir les observations des personnes concernées ». Dans quelles circonstances ? Le code de procédure aurait-il évolué sans que nous le sachions ? Éclairez-nous, madame la garde des sceaux, car même après un examen attentif du texte, nous n'avons pas trouvé la réponse à nos questions, s'agissant aussi bien de cet alinéa 3 que de l'ordonnance pénale.
Monsieur le président, je me fonderai sur l'article 58, alinéa 1, et l'article 57 de notre règlement.
Je suis cosignataire de l'amendement n° 651 avec Mme Marylise Lebranchu et plusieurs de mes collègues. Et c'est bien parce que je savais qu'elle le défendrait que je me suis inscrit sur l'article afin de pouvoir m'exprimer sur ces dispositions. M. Leonetti nous a fait l'honneur de sa présence quelques minutes pour demander l'application de l'article 57, alinéa 3, de notre règlement, ce qui a eu pour conséquence la clôture de la discussion sur l'article. Ainsi, je n'ai pu m'exprimer.
Cela m'amène à deux conclusions, monsieur le président.
La première, c'est qu'à l'avenir, nous allons être amenés à déposer les amendements de manière individuelle et non collective : un même amendement au lieu d'être défendu neuf fois le sera quarante fois, cinquante fois, soixante fois, selon nos effectifs.
La deuxième, c'est que la revalorisation du rôle de l'opposition dont nous avons débattu tout au long de la prétendue révision constitutionnelle, il y a un an, puis au moment de l'examen du projet de loi organique et de la résolution modifiant notre règlement, est une formule creuse.
En réalité, les droits de l'opposition que vous avez prétendu revaloriser sont dans la main de la majorité. Ils ne sont qu'illusion.
Depuis fort longtemps, quand un amendement est cosigné par plusieurs parlementaires, il revient à l'un d'entre eux de le présenter. Ces amendements identiques que vous avez défendus neuf fois, vous auriez pu les défendre deux cent dix-sept fois, soit le nombre des députés de votre groupe.
Vous l'avez fait un jour et cela n'a pas été l'honneur de notre assemblée : l'incident de séance qui s'est ensuivi a été d'une exceptionnelle gravité.
La revalorisation du Parlement consiste à parler du fond.
Comme vous, je préférerais que nous n'ayons pas tous les yeux rivés sur les chronomètres. Mais il suffirait pour cela que nous en décidions ensemble. Nous pourrions ainsi débattre sereinement dans le cadre du temps législatif programmé.
Monsieur Le Bouillonnec, une remarque tout d'abord : il s'agit du code de la propriété intellectuelle, et non pas de la propriété industrielle.
Ensuite, monsieur Paul, il ne s'agit pas de contourner la décision du Conseil constitutionnel, mais d'en tenir compte. Pour cela, il est nécessaire d'adapter notre droit pour faire en sorte que le pouvoir de prononcer la sanction de suspension de l'accès internet revienne au juge et non pas à une autorité administrative indépendante.
Dans l'article 1er, il est prévu de donner aux agents de la HADOPI, assermentés, la possibilité de signaler à l'autorité judiciaire les faits susceptibles de constituer une atteinte aux droits d'auteur ou aux droits voisins. Il appartient évidemment à l'autorité judiciaire de qualifier ces faits, sur la base des éléments présentés par les agents assermentés, mais sans pour autant être liée par ceux-ci. Si le juge décide de mener des investigations complémentaires, il pourra le faire… (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Je précise qu'il ne s'agit pas d'officiers de police judiciaire, madame Lebranchu, mais de prérogatives de police judiciaire dont sont déjà dotés un grand nombre d'agents assermentés d'autres autorités administratives, tels les agents de l'autorité de la concurrence ou de l'autorité des marchés financiers. Ce que nous proposons n'a rien que de très classique pour ce qui est des autorités administratives indépendantes.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, lorsqu'une loi a été votée, elle doit pouvoir être appliquée. Ce qui implique des sanctions en cas de non-respect de ses dispositions.
Vous avez voté la loi HADOPI. Elle a été validée sur le fond par le Conseil constitutionnel, à l'exception des mesures d'application par la sanction. Or sans sanction, cette loi n'a pas d'effets, ce qui, vous en conviendrez, est une façon de mépriser le travail parlementaire.
Le rôle de la loi HADOPI 2 que je vous présente aujourd'hui consiste donc à donner force obligatoire, à travers les sanctions, au texte voté par la majorité des deux assemblées et validé par le Conseil constittionnel.
Cette sanction doit être mise en oeuvre. Il ne s'agit pas de contourner la décision du Conseil constitutionnel mais d'en tirer toutes les conséquences en apportant les éléments d'une sanction, au sens juridique du terme, au texte voulu par le Parlement.
Dans ces conditions, vous comprendrez qu'il n'est pas possible d'accepter aucun des amendements que vous avez présentés puisqu'ils ont pour but d'empêcher toute sanction, c'est-à-dire de neutraliser le texte voulu par le Parlement et le Conseil constitutionnel. Le Gouvernement est donc opposé aux amendements qui tendent à supprimer l'article 1er du projet de loi.
S'agissant des agents de la HADOPI, j'ai déjà eu l'occasion de vous dire qu'ils étaient habilités et recevaient à ce titre des pouvoirs limités de police judiciaire. Ils ne deviennent pas des agents de police judiciaire au sens classique du terme.
Ils ont simplement le pouvoir de faire des constatations par procès-verbaux. Il ne s'agit là que de rassembler des éléments de preuve, pouvant être contredits ou complétés par d'autres éléments – car des enquêtes complémentaires sont toujours possibles si le procureur le décide.
Par ailleurs, j'ai noté vos remarques sur l'ordonnance pénale à propos de laquelle beaucoup de choses fausses ont été dites. Il faut savoir qu'elle est utilisée de façon très classique. Et ce n'est pas parce que certains éléments ne sont pas prévus, notamment la constitution de partie civile, qu'ils sont pour autant interdits. Je vous rappelle qu'en droit, lorsqu'une chose n'est pas interdite, elle peut être considérée comme permise. Nous aurons l'occasion de revenir sur ces points à l'occasion de l'examen des autres articles.
Monsieur le président, compte tenu de l'importance de nos débats, je sollicite votre bienveillance quant au respect du temps de parole.
Madame la ministre, permettez-moi de vous rappeler les dispositions de l'article 495 du code de procédure pénale à propos des ordonnances pénales. « Cette procédure n'est pas applicable : 1° Si le prévenu était âgé de moins de dix-huit ans au jour de l'infraction ; 2° Si la victime a formulé, au cours de l'enquête, une demande de dommages et intérêts ou de restitution. » – cas prévu par votre loi. « Le ministère public ne peut recourir à la procédure simplifiée que lorsqu'il résulte de l'enquête de police judiciaire que les faits reprochés au prévenu sont établis et que les renseignements concernant la personnalité de celui-ci, et notamment ses charges et ses ressources, sont suffisants pour permettre la détermination de la peine. »
Cela signifie que les éléments fournis par la HADOPI ne pourront servir de base au procureur pour rendre une ordonnance pénale.
Mes chers collègues, je ne cherche pas à faire obstacle à l'application de la loi, je dis simplement que le code de procédure pénale empêche l'application de ce dispositif.
Par ailleurs, s'agissant de l'aspect contraventionnel, je vous rappelle les dispositions de l'article 537 du code de procédure pénale, qui introduit la notion de force probante. Pour établir une contravention, il faut que l'agent de police judiciaire ou l'officier de police judiciaire ait lui-même constaté de visu l'infraction. Il dresse alors un procès-verbal, qui seul fait foi pour l'application de la sanction.
Cela signifie que le dispositif que vous voulez adopter, mes chers collègues, ne permet pas plus l'établissement d'une contravention que l'utilisation de l'ordonnance pénale.
Nous sommes dans le cadre d'une approche répressive, au sens noble du terme. Mme la ministre a raison de rappeler qu'il faut pouvoir appliquer la loi. Or, mes chers collègues, vous ne pourrez l'appliquer avec les instruments contenus dans le texte soumis à notre vote. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
(Les amendements identiques nos 259 , 644 , 645 , 646 , 647 , 648 , 649 , 650 , 651 et 652 ne sont pas adoptés.)
Monsieur le président, je me fonde sur l'alinéa 1 de l'article 58 de notre nouveau règlement – dont j'ai un exemplaire désormais, monsieur le président, ce qui me permettra de vous en faire une lecture commentée, si vous le voulez.
Ce qui se passe ce soir est très grave. Le groupe GDR, pour intervenir dans une discussion de fond, ne dispose que de deux fois deux minutes. Nous sommes entrés dans l'ère du parlementarisme rationalisé, c'est-à-dire rationné. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Après la confiscation des chaînes de l'audiovisuel public par le Président de la République, il faut bien réfléchir, mes chers collègues. Le rôle des parlementaires n'est-il pas de représenter nos concitoyens ? Or tout à l'heure, nous avons vu cette chose extraordinaire : des parlementaires votant pour bâillonner le Parlement. Vous, vous n'êtes pas là pour représenter nos concitoyens. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) C'est ce que vous avez démontré par votre vote de tout à l'heure : vous êtes là pour représenter des intérêts coupables, ce que vous n'assumez même pas. C'est pour cela que vous avez décidé de nous empêcher de parler. Que nos concitoyens se le rappellent et que le jour venu, ils votent pour de vrais parlementaires, des représentants du peuple et non des fondés de pouvoir, défendant des intérêts inavouables.
Avouez, monsieur Brard, que votre rappel au règlement était assez éloigné de l'esprit de l'article 58-1.
Je vous rappelle que, si vous êtes deux aujourd'hui à siéger parmi les députés du groupe GDR, celui-ci compte vingt-cinq membres.
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Ils sont en vacances !
Je suis saisi de dix amendements, nos 745 rectifié et 124 à 132 , pouvant être soumis à une discussion commune. Les amendements nos 124 à 132 sont identiques.
La parole est à Mme Martine Billard, pour soutenir l'amendement n° 745 rectifié .
Monsieur le président, j'aimerais que vous étendiez le temps du débat car l'affaire de l'ordonnance pénale, ce n'est pas rien. Notre collègue Jean-Yves Le Bouillonnec vient de démontrer à quel point cela posait problème. Il faut donc que nous ayons le temps d'approfondir le sujet.
Dans votre texte, il n'y a pas de réelle constatation des faits. Un représentant des ayants droit fait simplement part de sa présomption, après avoir relevé une adresse IP censée avoir été utilisée lors d'un échange en peer to peer, mais il ne peut prouver qu'il y a eu réellement téléchargement sur un ordinateur.
Il ne serait possible de le faire qu'en contrôlant l'ordinateur : ce n'est pas en relevant l'adresse IP lors de l'échange que l'on prouve quoi que ce soit.
La démonstration de notre collègue Jean-Yves Le Bouillonnec est claire : l'ordonnance pénale ne peut pas s'appliquer dans ce cas.
Vous voyez bien, monsieur le président, qu'il y a vraiment besoin de débattre au fond sur le sujet – et le groupe GDR et le groupe SRC porteront bien évidemment cette question devant le Conseil constitutionnel.
Vous n'avez choisi l'ordonnance pénale que parce que vous cherchez désespérément la solution pour faire une justice de masse, une justice qui vise le petit internaute – comme le fils de M. le ministre, qui a pris l'habitude de télécharger – mais pas celui qui en fait commerce : celui-ci est réprimé par la loi sur la contrefaçon, avec laquelle nous avons toujours dit que nous étions en accord.
L'objectif de votre loi étant, comme je l'ai dit, de faire de la répression de masse, vous avez ouvert le code de procédure pénale. Mais vous vous êtes trompés d'outil : telle qu'elle est, vous ne pouvez tout simplement pas utiliser l'ordonnance pénale. Et vous ne pouvez pas non plus permettre aux victimes de demander des dommages et intérêts dans le cadre de cette procédure !
Vous voulez le beurre et l'argent du beurre.
Il faut choisir : soit vous choisissez une procédure rapide, soit vous choisissez une procédure au fond, mais vous ne pouvez pas avoir les deux en même temps !
La parole est à Mme Martine Martinel, pour soutenir l'amendement n° 124 .
Cet amendement vise à insister sur la nécessaire indépendance des membres de la HADOPI – vu le rôle que vous leur donnez – et donc à imposer un délai de cinq ans entre l'exercice de certaines fonctions dans l'industrie de la musique, ou de la culture en général, et la présence au sein de la HADOPI. Seule une telle précaution semble à même d'assurer cette indépendance, et de leur permettre d'être juge, et non pas partie, dans ce domaine de la culture.
L'amendement n° 125 vise à porter de trois à cinq ans le délai de viduité entre l'exercice de certaines fonctions et le moment où l'on pourra être nommé membre de la HADOPI.
La femme de César doit en effet être insoupçonnable. Et nous sommes ici dans un petit monde, où l'on risque de voir quelque chose de très désagréable : les mêmes travailleraient successivement chez une major, puis seraient contractuellement membres de la HADOPI pour veiller aux intérêts de la musique enregistrée, puis repartiraient.
Nous avons eu, avec M. Pérol, un exemple fameux du caractère extrêmement délicat de ces va-et-vient entre la sphère publique et la sphère privée : il faut les surveiller de près.
Un délai de cinq ans nous paraît donc être plus protecteur, au sein de cette construction que je n'hésite pas à qualifier, en faisant référence aux amendements précédents, de monstrueuse. C'est une espèce de police du téléchargement qui se met en place : nous ne sommes pas très loin d'une police de l'internet. Alors si, en plus, des intérêts croisés, des intérêts anciens commençaient à entraîner la HADOPI dans un combat d'arrière-garde pour sauver ces majors ! Ce risque nous semble devoir être totalement écarté : c'est pourquoi nous proposons cette disposition.
La parole est à Mme Gisèle Biémouret, pour soutenir l'amendement n° 126 .
Étant donné les pouvoirs renforcés des agents de la HADOPI, nous demandons que cinq ans s'écoulent entre leur activité professionnelle dans le privé et leur nomination comme agents de cette police.
Il serait d'ailleurs souhaitable que les personnes choisies pour participer à cette police tout à fait particulière n'aient pas, en définitive, déjà travaillé dans des sociétés privées commerciales.
La parole est à M. Jean-Louis Gagnaire, pour soutenir l'amendement n° 127 .
Il faut revenir à la genèse du texte HADOPI et des accords de l'Élysée : trop d'intérêts étaient en jeu, trop de représentants des majors étaient parties prenantes dans l'élaboration initiale de ce texte pour que nous soyons totalement rassurés pour l'avenir.
Nous avons, je crois, tout intérêt à prévenir les conflits d'intérêts. S'il n'est pas anormal que des spécialistes d'un domaine donné puissent s'impliquer dans la police nécessaire au bon fonctionnement d'internet, il faut que les personnes qui siégeront dans la HADOPI soient complètement déconnectées des intérêts commerciaux et des intérêts des majors, qui pourraient largement interférer avec ceux des usagers.
Passer de trois à cinq ans me paraît donc un minimum. Ce n'est pas définitif, c'est réversible, mais nous apprécierons votre bonne foi sur le sujet à l'aune de l'accueil que vous réserverez à cet amendement. Je vois bien la posture de principe de M. le rapporteur et de M. le ministre de la culture, qui consiste à refuser d'emblée tout ce qui vient de nos rangs – avant, hélas, de devoir l'accepter un jour parce que le Conseil constitutionnel modifiera sans doute quelques dispositions contenues dans la loi. Je vous invite néanmoins à y réfléchir : certaines de nos propositions ne sont pas complètement ubuesques.
Nous pourrions, je crois, trouver sur ce sujet un terrain d'entente. Ce serait l'occasion de rompre la litanie répétitive des « défavorable », « défavorable », « défavorable ».
En effet, notre amendement vise – tout simplement – à mettre en place un système plus clair et qui permette de donner davantage d'indépendance. Or nous sommes tous sensibles à l'indépendance des pouvoirs : pensons à l'indépendance du législatif par rapport à l'exécutif ou au judiciaire.
Nous sommes ici dans un cas similaire. Ce que nous vous demandons, c'est de prévoir un délai de cinq ans – pendant la phase de mise en place de la loi, comme l'a fort bien rappelé notre collègue Gagnaire : nul ne dit que nous ne reviendrons pas à trois ans dans quelque temps. Vous feriez ainsi preuve d'un souci de clarté et d'affirmation de l'indépendance de la HADOPI.
Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, en adoptant cet amendement, vous avez l'occasion de montrer votre volonté, plusieurs fois proclamée, de travailler en concertation avec l'Assemblée.
La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec, pour soutenir l'amendement n° 129 .
Nous avions déjà évoqué ces problèmes lors de l'examen du texte HADOPI 1 : nous avions alors des inquiétudes sur la capacité des membres de cette Haute Autorité à faire preuve de suffisamment d'indépendance pour prendre leurs distances vis-à-vis des dispositifs de signalement d'infractions qui sont – je vous le rappelle – la première étape du processus.
Nous avions considéré que le délai inclus dans la loi, qui a d'ailleurs été augmenté, était insuffisant. Il faut que le statut et le parcours personnel des membres de la Haute Autorité éloignent tout risque, toute crainte.
Je me permets de considérer que cette précaution, déjà suggérée, est plus pertinente encore au regard des compétences qui leur seront attribuées – je pense notamment au quasi-parallélisme entre leurs fonctions et celles des autorités de l'ordre judiciaire.
Pour ma part, même si j'ai bien compris qu'elles n'appartiennent pas à une autorité judiciaire, j'estime que ces personnes doivent présenter autant de garanties dans la mise en oeuvre des procédures qui conduiront à saisir les juridictions qu'une personne ayant le pouvoir de dénoncer et de présenter à l'autorité judiciaire les éléments d'une infraction.
La précaution d'allonger le délai à cinq ans n'est donc pas superfétatoire.
La parole est à Mme Aurélie Filippetti, pour soutenir l'amendement n° 130 .
Les risques de conflits d'intérêts – cela a été rappelé – sont forts. C'est pourquoi nous demandons que ce délai soit porté à cinq ans, garantissant ainsi l'indépendance des membres de la HADOPI, investis de prérogatives de police judiciaire.
Celles-ci ne laissent pas, d'ailleurs, de nous poser problème. Comment, en effet, les confier aux membres d'une autorité administrative ? Cela nous semble extrêmement périlleux pour les libertés – et ce d'autant plus qu'il y a dans l'identification des adresses IP un véritable problème technique : on ne peut pas, aujourd'hui, garantir techniquement que l'adresse IP qui sera relevée sera bien celle de la personne incriminée.
Aujourd'hui, vous pouvez télécharger sur internet des logiciels qui vous permettent de changer régulièrement d'adresse IP tout en masquant la vôtre propre. Je ne vous donnerai pas les noms, mais c'est très simple à installer sur votre machine ; vous pouvez ensuite surfer et télécharger de manière tout à fait invisible et anonyme absolument tout ce que vous voulez, en prenant successivement des adresses IP différentes.
Comment garantir la sécurité juridique des personnes qui seront incriminées, dès lors qu'il n'existe aucune garantie technique de la correspondance entre une adresse IP et une identité ?
La parole est à Mme Marylise Lebranchu, pour soutenir l'amendement n° 131 .
La lecture de la page 42 du rapport montre bien les difficultés rencontrées par le rapporteur pour expliquer les informations qu'on lui a communiquées concernant les agents de la HADOPI ayant, notamment, la possibilité de faire des procès-verbaux.
Madame la garde des sceaux l'a souligné, d'autres agents d'autorités administratives disposent de pouvoirs similaires d'enquête de police judiciaire, comme par exemple les agents de l'Autorité de la concurrence.
Mais imagine-t-on que, dans un très grand contentieux – comme celui qui nous a tous ici intéressés pendant plusieurs années à propos d'un certain nombre de boissons dont je ne citerai pas le nom –, un membre de l'Autorité de la concurrence ait pu, trois ou quatre ans auparavant, travailler pour l'une de ces sociétés et donc bien connaître un certain nombre d'éléments ? Non.
Nous vous demandons donc, tout simplement, la même sécurité en ce qui concerne ces agents – étant entendu que nous ne sommes pas d'accord sur la procédure qui va être instaurée par l'article 1er, et que, comme l'ont dit Jean-Yves Le Bouillonnec et d'autres, nous resterons dans l'insécurité à bien d'autres égards – : ils ne doivent pas avoir travaillé pour des personnes, notamment des personnes morales, intéressées au sujet.
Cela nous paraît tellement évident que nous pourrons, je pense, au moins obtenir cela. Tout à l'heure, madame la ministre d'État, vous avez vous-même donné – ce qui nous agrée – une interprétation différente de celle du rapporteur, avec qui nous étions en désaccord : le procès-verbal en fera foi. Même en ayant travaillé énormément un sujet de ce type, on peut s'y tromper : on voit bien la complexité du sujet.
La parole est à Mme Marie-Lou Marcel, pour soutenir l'amendement n° 132 .
L'article 1er confie à certains membres de la HADOPI des pouvoirs de police judiciaire pour accélérer les procédures. Les membres d'une autorité administrative indépendante ne devraient pas avoir de telles compétences judiciaires mais, si l'on accroît ainsi leurs pouvoirs, leur indépendance est d'autant plus importante. L'amendement n° 132 a donc pour objet de fixer un délai de cinq ans, au lieu de trois, entre le moment où ces personnes exercent des activités dans l'industrie musicale ou cinématographique et le moment où elles peuvent signer au sein de la HADOPI. Cet allongement de délai donnera davantage d'indépendance aux membres de la Haute Autorité.
C'est un sujet qui a été maintes fois évoqué lors de l'examen de la loi HADOPI 1. Certes, le rôle des agents de la Haute Autorité évolue un peu, mais la durée prévue de trois ans est similaire à celle qui est exigée des agents assermentés d'autres autorités administratives indépendantes, qui ne présentent pas moins d'intérêt – je pense à la CNIL, à l'AMF... Nous ne faisons que reprendre des critères qui sont couramment utilisés pour d'autres autorités administratives indépendantes. Donc avis défavorable.
On voit bien que vous voulez revenir sur la loi telle qu'elle a été votée et validée par le Conseil constitutionnel.
Je ne vois aucune raison de revenir sur le délai de trois ans qui a été adopté dans HADOPI 1 le 12 juin et validé par le Conseil constitutionnel, d'autant que la Haute Autorité ne disposera pas, dans le nouveau texte, d'un pouvoir de sanction, contrairement à ce qui était prévu par la première version, dans les dispositions annulées par le Conseil constitutionnel.
Ces amendements, qui tendent à revenir sur ce texte, ne me paraissent donc pas justifiés.
Permettez-moi d'être un peu surprise. Alors qu'avec cet amendement, vous semblez parfaitement intégrer l'idée que ce qu'une loi a fait, une loi peut le défaire, lorsqu'il s'agit de parler de l'ordonnance pénale, vous estimez que parce qu'une loi fixe un certain nombre de règles, on serait empêché d'appliquer les mesures que nous votons aujourd'hui – comme si une loi ne pouvait pas ajouter à une autre loi, ou la préciser. Il faut fixer votre doctrine en la matière.
La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec, pour répondre au Gouvernement et à la commission.
Madame la garde des sceaux, le Conseil constitutionnel n'a pas dit que la loi HADOPI était une bonne loi, il a simplement constaté que des dispositions étaient conformes à la Constitution, que d'autres l'étaient moins – et il a alors fait des observations d'application – et que d'autres enfin n'étaient pas du tout conformes. Mais le Conseil constitutionnel n'a pas dit que la loi était bonne, il ne le dit jamais. Nous, nous disons qu'elle est mauvaise et nous avons le droit de le dire.
Elle est mauvaise notamment parce qu'elle n'est pas applicable. La preuve, c'est que tout le dispositif de répression que vous aviez prévu a été censuré par le Conseil constitutionnel. C'est l'objet de notre discussion.
Nous ne vous demandons pas un nouveau processus de sanction et de répression – il serait, pensons-nous, inconstitutionnel. Le Conseil constitutionnel dirait peut-être autre chose, mais je remarque tout de même qu'il a repris nos arguments, en se contentant d'ailleurs d'examiner les premiers éléments du recours.
Ensuite, nous disons que l'ordonnance pénale est dans le code de procédure pénale. Proposez-vous par cette loi de modifier l'article 495 de ce dernier ? Si oui, déposez un amendement en ce sens, et vous pourrez alors utiliser l'ordonnance pénale. Sinon, vous ne le pourrez pas parce qu'il y aura contradiction entre le code de procédure pénale, qui pose des conditions pour qu'on puisse prendre l'ordonnance pénale, et le dispositif que vous nous proposez.
Nous aimerions, madame la garde des sceaux, que vous reconnaissiez qu'il existe une contradiction entre la procédure pénale et le texte proposé et qu'il faut y remédier. Si vous ne dites rien, ce sera au Conseil constitutionnel de trancher, bien évidemment.
(L'amendement n° 745 rectifié n'est pas adopté.)
(Les amendements identiques nos 124 à 132 ne sont pas adoptés.)
Mon rappel au règlement, qui concerne le déroulement de nos travaux, se fonde sur l'article 58-1 du règlement.
Deux observations, très brèves.
À la lumière de la discussion que nous avons engagée sur l'article 1er et de cette controverse concernant l'ordonnance pénale, nous voyons bien qu'avec HADOPI 2, nous sommes dans un autre débat.
Monsieur Bloche, votre rappel au règlement ne concerne pas le déroulement de nos travaux. Aucune disposition du règlement n'a été méconnue et par conséquent, vous aurez la parole lorsqu'un amendement ou une réponse au Gouvernement le justifiera.
Cette façon de travailler n'est pas satisfaisante. Je vous laisse conclure en deux mots, à titre exceptionnel.
Je n'abordais pas le fond : je dis simplement que la discussion que nous venons d'avoir sur l'ordonnance pénale démontre que HADOPI 2, ce n'est pas HADOPI 1. Ce n'est pas le même projet de loi. C'est la raison pour laquelle nous aimerions que l'article 57, alinéa 3, du règlement ne soit plus employé.
Par ailleurs, je voudrais rappeler aux membres du Gouvernement que l'article 56 leur permet d'intervenir à tout moment. Il eût été préférable, pour la clarté des débats, que Mme la garde des sceaux réponde beaucoup plut tôt à M. Le Bouillonnec.
Je suis saisi d'un amendement n° 261 .
La parole est à M. Jean-Pierre Brard.
Nous filons un mauvais coton ! Vous venez de dire que vous laissiez le parole à M. Bloche à titre exceptionnel : si c'est votre bon plaisir, monsieur le président, qui devient la règle dans cette assemblée, où va-t-on ?
La procédure prévue par l'article 1er est contraire à deux principes constitutionnels majeurs, la séparation des pouvoirs et la présomption d'innocence. En vertu de ces principes, une autorité administrative indépendante ne saurait exercer les compétences dévolues au pouvoir judiciaire en matière de poursuite et de recherche de la vérité, et l'établissement d'un procès-verbal par la commission de protection des droits ne saurait priver le juge judiciaire de sa compétence de contrôle de la constatation matérielle des infractions.
En conséquence, de telles opérations doivent être autorisées par l'autorité judiciaire et contrôlées par elle, au besoin par la désignation d'un officier de police judiciaire.
L'amendement n° 261 propose de réintroduire dans la procédure les éléments permettant non seulement de rétablir le juge dans sa fonction de contrôle, mais également de mettre en oeuvre un respect effectif de la présomption d'innocence et des droits de la défense.
Les opérations de constatation se dérouleront sous le contrôle de l'autorité judiciaire. Le procureur de la République pourra s'opposer aux opérations de constatation.
Par ailleurs, la nouvelle rédaction de cet article réintroduit le droit pour la défense de se faire assister d'un conseil de son choix plutôt que d'un avocat. Cette formulation plus large nous semble bien mieux adaptée à la procédure mise en place par le présent projet, eu égard à la complexité technique qui s'attache à l'établissement de la non-culpabilité d'un internaute lambda.
C'est donc une avancée constructive que nous vous proposons, mais nous avons bien compris que vous n'entendiez pas bouger.
L'article 1er ne comporte aucune disposition exceptionnelle puisqu'il donne simplement des prérogatives de police judiciaire aux agents de la HADOPI qui constatent les faits. Il revient ensuite à l'autorité judiciaire de qualifier ces derniers.
Monsieur Le Bouillonnec, si le procureur estime que les conditions nécessaires à l'utilisation de l'ordonnance ne sont pas réunies, la procédure d'ordonnance ne sera pas utilisée, un point c'est tout.
De plus, si la personne incriminée souhaite bénéficier d'une procédure classique, elle peut en faire la demande dans un délai de quarante-cinq jours. À ce moment-là, ce sera une procédure classique qui sera utilisée par le juge.
Cet amendement réécrit entièrement l'article 1er pour rappeler notamment que les opérations des agents de la HADOPI se déroulent sous le contrôle de l'autorité judiciaire. C'est totalement inutile puisque cela découle des dispositions précédentes.
Par ailleurs, je veux signaler qu'un procès-verbal de constatation n'est pas un acte de poursuite.
La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour répondre au Gouvernement et à la commission.
Le rapporteur nous dit que l'article 1er ne comporte rien d'exceptionnel. C'est vrai que ce genre de procédé devient banal sous votre régime, quand on voit la façon dont vous poursuivez les pauvres gens et pas les voleurs qui ont leurs comptes au Liechtenstein…
Vous dites, madame la garde des sceaux, que nous voulons réécrire l'article. En effet. En revanche, quand j'entends que vous, garde des sceaux, ministre de la justice, vous ne voulez pas préserver l'autorité spécifique des juges, c'est à tomber à la renverse !
Je vous ai bien écoutée. Vous confiez des pouvoirs à une autorité à laquelle vous donnez, le rapporteur l'a confirmé, la qualité d'officier de police judiciaire.
Ce n'est pas du tout la même chose. Soyez précis dans ce que vous dites, monsieur Brard.
La réponse a déjà été apportée au titre de l'article 56-2. J'ai accordé cette facilité à M. Brard pour répondre à la commission et au Gouvernement.
(L'amendement n° 261 n'est pas adopté.)
Nous sommes dans une circonstance particulière. Le texte qui nous est présenté n'est plus un texte du domaine culturel, c'est un texte pénal – d'ailleurs, il a changé de nom, il n'est plus question de création sur internet. HADOPI 1 n'est pas HADOPI 2, qui est relatif à la protection pénale.
Nous sommes donc dans un texte où il faut être très précis.
L'amendement n° 640 a pour but de rappeler les dispositions de l'article 537 du code de procédure pénale, qui précise que les procès-verbaux établis par des agents n'ayant pas eux-mêmes constaté les contraventions qui y sont rapportées sont dépourvus de la force probante particulière prévue par les articles 429 et 537 du code de procédure pénale ; ils ne peuvent intervenir qu'à titre de simples renseignements, selon les termes de la circulaire criminelle 13F1 du 4 décembre 2000 qui a été établie en vertu de la loi du 15 juin 2000.
Ce texte, à mon avis, est aujourd'hui essentiel. Cela veut tout simplement dire que, lorsqu'on demande que les agents assermentés puissent constater des faits, ceux-ci ne peuvent pas le faire. Ils peuvent simplement transmettre au juge des éléments matériels, sans jugement de valeur bien évidemment puisque l'élément moral n'existe pas au titre de l'infraction.
C'est, je pense, la pierre d'achoppement, hélas ! – je dis « hélas » parce que c'est bien sûr du domaine de compétence de Mme la garde des sceaux – de tout le processus de sanction de la loi HADOPI 2 telle qu'elle est présentée.
La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour soutenir l'amendement n° 266 .
Cet amendement vise à rétablir le principe d'égalité devant la loi, idée qui suffit sans doute à vous donner de grands frissons. Pourquoi les agents de la HADOPI pourraient-ils constater certains faits susceptibles de constituer des infractions, et pas d'autres ? Comment feront-ils leur choix ? Nous sommes à nouveau face à l'arbitraire.
Ne constateront-ils pas des téléchargements de phonogrammes d'artistes ou d'ayants droit relayés par de puissantes maisons de production ? À cet égard, les observations du Gouvernement consécutives à la saisine sont éclairantes. À la question des moyens techniques mis en oeuvre pour constater les infractions, sa réponse est sans équivoque : si les agents de la HADOPI sont en capacité de repérer ces infractions, c'est parce qu'ils auront au préalable constitué un fichier d'empreintes de mille titres qui auront été choisis et qui leur auront été communiqués. Mais choisis et communiqués par qui ? Par des ayant droit puissants, les plus en capacité de faire valoir leur politique de la culture commerciale ! Cette rupture caractérisée de l'égalité devant la loi contrevient à la déclaration de 1789.
C'est pourquoi nous proposons, par cet amendement, que les infractions soient constatées de manière exhaustive – ou ne le soient pas du tout. Si les ministres pensent sincèrement que le téléchargement nuit aux créateurs, aux plus puissants comme aux humbles, ils doivent les protéger tous de la même façon et se déclarer favorables à l'amendement. À défaut, je comprendrais mieux pourquoi leurs homologues chinois viennent les consulter.
Avis défavorable.
Monsieur Suguenot, les agents de la HADOPI auront les prérogatives de police judiciaire, qui leur permettront de constater les faits – les qualifier…
Non ! Je suis absolument en phase avec Mme la garde des sceaux. Je parle de prérogatives de police judiciaire, sans prétendre que les agents de la HADOPI sont des officiers de police judiciaire. Ils pourront ainsi constater les faits, qui seront ultérieurement qualifiés par le juge.
En ce qui concerne votre amendement, monsieur Brard, les termes « peuvent constater » me semblent préférables à « constatent », parce que les agents de la HADOPI ne seront pas seuls à pouvoir saisir le ministère public pour des délits de contrefaçon. Les ayants droit pourront le faire, eux aussi.
L'amendement n° 640 vise à apporter une précision qui me semble inutile. Le texte issu de la commission indique clairement que les procès-verbaux des agents de la HADOPI constateront non les infractions, mais les faits susceptibles d'en constituer. Il n'y a donc pas lieu de mentionner la transmission d'éléments matériels. Je suggère par conséquent à M. Suguenot de retirer son amendement.
L'amendement n° 266 vise, quant à lui, à rendre obligatoire l'audition de la personne incriminée, ce qui ne me semble pas pertinent. Dans le cas d'un simple rappel à la loi, les observations écrites de l'intéressé suffiront. En revanche, si les poursuites pour contrefaçon sont engagées, l'audition sera quasi automatique. Il faut distinguer selon les cas.
En vertu de l'article 56-2 de notre règlement, je donne la parole est à M. Alain Suguenot, premier orateur à l'avoir demandée.
Madame la ministre d'État, l'amendement concerne surtout les procès-verbaux établis par des agents n'ayant pas eux-mêmes constaté les contraventions. De même, quand un radar est placé au bord d'une route, les gendarmes ne peuvent poursuivre les automobilistes que s'ils ont eux-mêmes constaté l'infraction.
Dans le cadre de la procédure pénale, l'article 537 est clair : si les agents n'ont pas constaté l'infraction, ils ne peuvent transmettre que des éléments matériels.
Un radar automatique n'est pas une personne assermentée. Je rappelle que l'article 537 est d'application stricte. Il est d'ailleurs confirmé par une jurisprudence constante depuis 2000 : si l'infraction n'est pas dûment constatée par une personne, la force probante fait défaut.
La constatation d'éléments pouvant constituer une infraction est déjà subjective. Elle comporte un élément moral, qui ne peut exister, en tant que tel, dans une contravention de cinquième classe.
Vous en avez le droit, mais je surveillerai votre vote, monsieur Brard. (Sourires.)
Je vous donne la parole.
Mon vote dépendra de la suite du débat. (Sourires.)
Je veux en effet réagir à cet amendement et aux propos de Mme la ministre. Selon elle, dans les cas graves, l'audition serait « quasi automatique ». N'est-ce pas une manière de dire qu'elle n'est pas systématique ? De nouveau, on nous propose l'arbitraire pour règle, ce qui n'est pas recevable. Pour certains, ce sera la condamnation sans audition. On revient à la pire période de Fouquier-Tinville. Mais, pour les gros délinquants, il y aura sûrement une manière de s'arranger. Nous refusons un tel système.
Monsieur le président, je voudrais m'exprimer contre l'amendement de M. Brard.
Ces amendements totalement contradictoires n'auraient pas dû être examinés en discussion commune.
M. Suguenot, qui vient de nous rappeler ce qu'est la force probante, a souligné que le dispositif ne permettra pas la constatation d'une contravention. De fait, un juge saisi des éléments transmis par les agents de la HADOPI ne pourra pas constater l'infraction sans enquête.
M. Brard, dont je ne partage pas l'analyse, va dans la direction inverse, puisqu'il veut donner aux agents de la HADOPI une compétence comparable à celle des agents ou des officiers de police judiciaire. Dans ce cas, il suffirait qu'ils constatent l'infraction pour qu'elle soit incontestable, sauf en cas d'inscription de faux. L'article 537 prévoit en effet les cas de contestation.
Nous sommes au coeur du débat. L'ordonnance pénale ne pourra pas être appliquée, le procureur ne pouvant fonder son incrimination sur une enquête de police judiciaire. Et la contravention ne pourra pas être prononcée par un tribunal, sur les éléments transmis, sans qu'il reconsidère lui-même la matérialité de l'infraction.
Je constate que vous n'avez pas voté contre cet amendement, monsieur Brard. Auriez-vous une légère faiblesse du bras ? (Sourires.)
(L'amendement n° 266 n'est pas adopté.)
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. L'attitude de l'opposition n'est pas très cohérente !
Je relève une contradiction dans les propos qui ont été tenus à l'instant. Selon le rapporteur, les agents de la HADOPI ont des prérogatives de police judiciaire qui leur permettront de constater les faits. Mais M. Suguenot a montré que c'était faux. Le rapport indique d'ailleurs que ce sont les sociétés d'auteurs qui transmettront à la commission de protection des droits des éléments d'information concernant un délit dont elles n'apporteront pas la preuve. Le rapporteur a indiqué qu'on rechercherait principalement, non la preuve, mais l'aveu.
Mme la ministre a ensuite expliqué que nous sommes dans le cadre de la contrefaçon et c'est pourquoi elle s'est déclarée défavorable à l'amendement n° 266 . Mais l'alinéa 2 de l'article 1er ne porte pas uniquement sur la contrefaçon. Il se réfère aussi à l'article L. 335-7-1 relatif à l'obligation faite à chacun de sécuriser sa ligne. Dans ce cadre, il ne nous paraît pas normal que l'autorité judiciaire ne soit pas saisie.
Comment prouver en effet qu'un abonné a sécurisé sa ligne ? Si l'on procède à l'examen de son ordinateur, la démarche relève d'une autorité non administrative, mais judiciaire. Si l'on renonce à un tel examen, cela signifie qu'il y a en permanence un mouchard activé sur chaque ordinateur. C'est d'ailleurs ce que Mme Albanel avait suggéré au cours de l'examen de la loi HADOPI 1.
Nous aimerions connaître la philosophie actuelle du Gouvernement en la matière : veut-il obliger les internautes à installer un mouchard sur leur ordinateur ?
On ne peut pas dire que le nouveau règlement contribue à la clarté et à la vitalité de la discussion !
La contrefaçon est un délit pénal, dont la constatation exige des preuves matérielles, solides et sérieuses. Or les constatations des agents assermentés à la solde des industries du divertissement, véritable milice de l'internet, ne peuvent pas sérieusement être considérées comme des preuves.
Dans une décision du 23 février, le tribunal de Guingamp a établi que l'adresse IP ne suffit pas pour établir la culpabilité d'un internaute. Mais peut-être Mme la ministre répondra-t-elle que ce n'est qu'un tribunal breton sans autorité, ce qui expliquerait qu'il ait été supprimé.
Tout le système que vous voulez mettre en place – à partir de dossiers mal ficelés transmis au parquet – repose sur les relevés de l'adresse IP. Or ces preuves sont sans valeur car irréfragables. Comment pourrait-on, en effet, les contester ? Si j'affirme, monsieur le ministre, que votre adresse IP a été utilisée hier à vingt-trois heures trente pour télécharger Bambi, comment prouverez-vous votre innocence ? Un tel dispositif n'est pas sérieux. Le Conseil constitutionnel l'a d'ailleurs indiqué dans un de ses attendus : « considérant en outre qu'en vertu de l'article 9 de la Déclaration de 1789, tout homme est présumé innocent jusqu'à ce qu'il ait été déclaré coupable ; qu'il en résulte qu'en principe le législateur ne saurait instituer de présomption de culpabilité en matière répressive ; que, toutefois, à titre exceptionnel, de telles présomptions peuvent être établies, notamment en matière contraventionnelle, dès lors qu'elles ne revêtent pas de caractère irréfragable, qu'est assuré le respect des droits de la défense et que les faits induisent raisonnablement la vraisemblance de l'imputabilité… »
Les interventions qui se succèdent montrent que nous sommes dans un nouveau débat. Notre discussion n'a plus rien à voir avec celle que nous avons eue sur la loi HADOPI 1.
Or qu'a dit Mme la garde des sceaux ? Que, puisque la loi HADOPI 1 a été votée et qu'une partie du texte n'a pas été censurée par le Conseil constitutionnel, et a d'ailleurs fait l'objet d'un décret promulgué aussitôt, l'Assemblée nationale doit voter une nouvelle loi pour que le texte qu'elle avait approuvé puisse s'appliquer. Quel raisonnement absurde !
En décidant de créer la HADOPI, vous aviez l'illusion de pouvoir, en conformité avec la Constitution, lui donner un pouvoir de sanction pour couper l'accès à internet. Comme il n'en est rien, son rôle se limite pour l'instant à envoyer la série de courriers électroniques la plus chère du monde. De façon assez absurde, on confie donc aux agents de la HADOPI le travail qu'effectuaient déjà et que continueront à faire les agents représentant les ayants droit. Il existe en effet déjà des procédures pour contrefaçon permettant de constater des infractions sur l'internet sans que les agents de la HADOPI interviennent.
Je suis très frappé par le contraste entre cette construction instable qu'est la HADOPI, avec des agents qui font un travail de police judiciaire sans appartenir à celle-ci, des constatations qui n'ont pas force probante, un juge unique, une ordonnance pénale qui risque, très vite, d'être noyée sous le contentieux et, d'autre part, les difficultés à appliquer cette procédure à certaines catégories de la population à cause de la recherche de la preuve.
Madame la garde des sceaux, il y a quelques semaines, vous avez présenté, à un autre titre, la LOPPSI. À propos du chapitre sur la cybercriminalité, vous aviez fait état d'un certain nombre de précautions, et pour notre part, nous avions présenté des observations sur la limite à ne pas franchir, mais vite franchie, entre, d'une part, la nécessité de se défendre contre la pédopornographie et le cyberterrorisme, et, d'autre part, le respect des libertés individuelles et de la liberté de communication, dont celle de naviguer sur internet.
Or ce projet HADOPI 2 est à l'inverse du travail qui a été engagé dans le cadre du chapitre sur la cybercriminalité de la LOPPSI : il est flou, aura bien du mal à s'appliquer et risque de mettre en difficulté notre justice.
La parole est à Mme Gisèle Biémouret pour défendre l'amendement n° 664 .
Cet amendement donne des garanties concernant la procédure de l'enquête judiciaire menée par les agents de la HADOPI. Il est en effet important que le pouvoir judiciaire soit informé au préalable des constatations que ceux-ci envisagent de faire. D'autre part, le procureur devrait pouvoir s'opposer à cette constatation des faits, l'autorité administrative indépendante devant toujours rester sous le contrôle de l'autorité judiciaire.
La parole est à M. Jean-Louis Gagnaire pour présenter l'amendement n° 665 .
On est en train de construire une sorte d'OVNI qui ne manquera pas de susciter bien des commentaires de la part des professeurs de droit et, j'imagine, des membres du Conseil constitutionnel. On ne peut pas faire comme si cette nouvelle couche qu'est HADOPI 2 allait se poser aisément sur HADOPI 1. Il faut des points d'accroche.
C'est pour limiter cette instabilité que nous voulons que, au moins, le pouvoir judiciaire soit informé, en particulier le procureur. Mais il faudrait, à ceux d'entre nous qui sont spécialistes de droit pénal, beaucoup plus que des interventions de deux minutes. Je souhaiterais, monsieur le président, que vous puissiez leur accorder un peu plus de temps, car nous sommes peut-être ici sur le point qui entraînera la censure du Conseil constitutionnel. Soyez prudents, car le temps que nous n'utilisons pas aujourd'hui, il faudra le rattraper par la suite.
Non seulement ce texte sera difficile à appliquer sur le plan technique, pour ce qui est de la suspension de l'accès à internet, mais il pose aussi des problèmes d'interprétation juridique. Etant donné l'importance des sanctions encourues pour le délit de contrefaçon, il me paraît essentiel que ce soit l'autorité judiciaire qui constate les faits. C'est l'objet de cet amendement.
La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec pour défendre l'amendement n° 667 .
Le dispositif législatif prévu est inapplicable sur le plan de la procédure pénale. Nous cherchons donc des solutions. L'une de celles que nous proposons est de placer les investigations des agents de la HADOPI dans le cadre d'une initiative du procureur. Celui-ci pourra ensuite décider s'il convient d'aller plus loin, et décider le renvoi devant le juge unique, en application de l'article 398 du code de procédure pénale, ou le recours à l'ordonnance pénale, dans laquelle il joue le rôle principal. En faisant intervenir le procureur, nous essayons simplement de replacer votre dispositif dans le cadre d'une procédure pénale.
Aucune juridiction ne sera saisie si le procureur ne le décide pas. Et s'il n'a pas de faits probants à sa disposition, alors que les procès-verbaux n'auront pas valeur constitutive de la contravention, il ne se passera rien. En suggérant le retour du procureur à ce stade de la procédure, nous facilitons la solution des conflits.
La parole est à Mme Aurélie Filippetti pour défendre l'amendement n° 668 .
Jean-Yves le Bouillonnec vient de démonter brillamment que le caractère inapplicable de ce dispositif exigeait de le replacer sous l'autorité du procureur de la République. Malheureusement, la justice de notre pays souffre déjà de la faiblesse des ses moyens et de son budget. L'étude d'impact a montré que, pour appliquer ces nouvelles dispositions, il faudrait 12 magistrats du parquet, 14 magistrats du siège et 83 fonctionnaires, sans doute des greffiers, afin de traiter 50 000 dossiers par an dans le cadre de l'ordonnance pénale. Tout cela va faire s'enfoncer encore plus des tribunaux qui n'en peuvent plus. Et les contestations qui ne manqueront pas de surgir nécessiteront des enquêtes complémentaires et des expertises judiciaires. Or actuellement, en milieu d'année, on n'a déjà plus les moyens nécessaires pour diligenter des expertises. Tout cela n'est pas raisonnable : ce dispositif inapplicable sur le plan technique, puisque rien ne garantit que telle adresse IP correspond à telle personne, et inapplicable sur le plan pénal, alourdira encore la charge de nos tribunaux, déjà à la peine.
La parole est à Mme Marylise Lebranchu pour défendre l'amendement n° 669 .
Livrons-nous à un exercice de relecture collective de ce qu'écrit le rapporteur : « Plus précisément, l'alinéa 2 du présent article du projet de loi prévoit que les membres de la CPD, ainsi que ses agents habilités et assermentés, pourront demain constater les infractions lorsqu'elles sont punies de la peine complémentaire de suspension de l'accès à internet. Il s'agit donc des infractions prévues aux articles L. 335-2 à 4 dans le cadre du délit de contrefaçon et d'infraction de « négligence caractérisée », créée par l'article 3 bis du présent projet de loi, mais uniquement dans le cas où elles sont commises au moyen d'internet.
En pratique, comme cela était prévu dans le cadre de la loi n° 2009-669 précitée, ce sont les représentants des ayants droit qui pourront transférer leur PV de constatation ainsi que les éléments constitutifs d'une atteinte aux droits d'auteurs ou aux droits voisins à la CPD. La commission prendra ensuite le relais, notamment pour obtenir l'identification de l'abonné dont l'accès à internet a servi au piratage d'oeuvres. Le fait pour les membres et agents de la CPD de « constater l'infraction » s'applique donc juridiquement à l'ensemble des opérations qu'ils réaliseront : réception du signalement des titulaires de droits, identification de l'abonné, transmission par mail d'un premier avertissement, d'un second par lettre recommandée avec accusé de réception, convocation de la personne, audition de celle-ci, etc… »
Monsieur le rapporteur, trouvez-vous vraiment que ce soit clair sur le plan juridique ? Non. En fait, l'explication donnée dans le rapport prend exactement à contre-pied les explications que donnent, dans l'hémicycle, le rapporteur et Mme la garde des sceaux pour essayer de nous convaincre du bien-fondé de cet article. Je vous ai assez démontré, je crois, que nous avons besoin d'explications.
La parole est à Mme Marie-Lou Marcel pour défendre l'amendement n° 670 .
Cet amendement vise à encadrer les pouvoirs des agents de la HADOPI en tant qu'agents de police judiciaire. Il est normal que le procureur soit informé de leurs intentions avant qu'ils ne procèdent à la constatation des faits. Il doit aussi avoir la possibilité de s'opposer à cette constatation des infractions de contrefaçon. En effet, le pouvoir judiciaire doit primer sur une autorité administrative indépendante. Nous sommes persuadés que le bon sens l'emportera et que cet amendement sera adopté.
L'amendement n° 264 de Mme Billard est satisfait par la législation existante. Nous nous reposons, monsieur Le Bouillonnec, sur le code de procédure pénale. Cela doit vous rassurer. Ce que nous mettons en place n'a rien d'exceptionnel. En confiant des prérogatives de police judiciaire aux agents de la HADOPI, la loi les place automatiquement dans le champ d'application des articles 12 et suivants du code de procédure pénale. Ils mèneront donc nécessairement leur action sous la direction, le contrôle et la surveillance du procureur de la République, du procureur général et de la chambre de l'instruction.
S'agissant des amendements nos 662 à 670 , dans aucune procédure de ce type le procureur n'est tenu informé en temps réel de ce que font les agents comme ceux de la HADOPI. Les pouvoirs de ces derniers se limitent à la constatation des faits susceptibles de constituer une infraction. C'est alors que le procureur joue son rôle.
En revanche, après la transmission du dossier par la HADOPI au parquet, le procureur sera le seul juge des suites à donner ou non au dossier. In fine, le juge décidera de la qualification des faits.
Le rapporteur a parfaitement précisé qu'en donnant des pouvoirs de police judiciaire aux agents de la HADOPI, la loi place automatiquement ces derniers dans le champ d'application de l'article 12 du code de procédure pénale.
Vous défendez des amendements qui exigent l'information préalable du procureur avant tout acte des agents de la HADOPI : cela n'est ni justifié ni possible matériellement. Lorsque l'un des agents de l'Autorité de la concurrence ou de la HALDE entend une personne soupçonnée de pratiques anticoncurrentielles ou de pratiques discriminatoires, il ne prévient pas préalablement le parquet ; alors pourquoi aurait-on une telle exigence à l'égard de la HADOPI ?
Vous n'avez aucune inquiétude ? Peut-être n'avons-nous pas les mêmes centres d'intérêt.
Où est-il écrit que les agents de la HADOPI pouvaient exercer des prérogatives de police judiciaire ? Je vous rappelle que la prestation de serment ne confère certainement pas la qualité d'agent de police judiciaire. Les agents des polices municipales ou les postiers prêtent serment, mais ils n'exercent pas de prérogatives de police judiciaire.
Madame la garde de sceaux, pouvez-vous me dire par quel texte les agents de la HADOPI se voient attribuer des prérogatives de police judiciaire ? Le code de procédure pénale devrait le mentionner, comme il le fait pour les agents des douanes, ou pour tous ceux que j'ai cités au début de mes interventions. Il précise ainsi qui est agent ou officier de police judiciaire, et dans quelles conditions chacun est appelé à exercer ses fonctions, et à en répondre devant le procureur de la République. En effet, mes chers collègues, nous le savons bien, quand le maire d'une commune, qui est aussi officier de police judiciaire, doit répondre de ses actes dans cette dernière fonction, il le fait devant le procureur de la République.
J'insiste, madame la garde des sceaux, pour savoir ce qui, dans ce projet de loi, confère aux membres de la HADOPI ou à ses agents, des prérogatives de police judiciaire. La question est importante : si elle devait rester sans réponse, tous les arguments présentés par le rapporteur et le Gouvernement seraient alors totalement dénués de fondement.
(L'amendement n° 265 n'est pas adopté.)
(Les amendements identiques nos 264 et 662 à 670 , ne sont pas adoptés.)
Prochaine séance, ce matin, mercredi 22 juillet, à neuf heures trente :
Suite du projet de loi relatif à la protection pénale de la propriété littéraire et artistique sur internet.
La séance est levée.
(La séance est levée, le mercredi 22 juillet 2009, à une heure cinq.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,
Claude Azéma