La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
M. le président de l'Assemblée nationale a reçu de M. le Premier ministre une lettre l'informant de sa décision de charger M. Roland Blum, député des Bouches-du-Rhône, d'une mission temporaire auprès de M. le secrétaire d'État chargé des transports.
Sur l'article 44, je suis saisi de deux amendements, nos 170 rectifié et 66 , pouvant être soumis à une discussion commune.
L'amendement n° 170 rectifié fait l'objet d'un sous-amendement no 355 .
La parole est à M. Gilles Carrez, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire, pour soutenir l'amendement n° 170 rectifié .
Monsieur le président, je vous propose de laisser M. Scellier défendre l'amendement n° 170 rectifié .
Monsieur le président, monsieur le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État, mes chers collègues, nous proposons par cet amendement que, selon le souhait du Gouvernement, le dispositif d'aide à l'investissement locatif instauré par la loi de finances rectificative pour 2008 soit « verdi » pour les années à venir.
Mais un « verdissement » trop rapide du dispositif, qui commencerait par exemple dès 2010, nous semblerait dangereux. C'est ce que nous voulons éviter.
Le dispositif fiscal peut être excessif dans certains cas, notamment celui où la réduction d'impôt ne peut être imputée sur les neuf années pendant lesquelles la location du bien est obligatoire et peut être poursuivie au-delà de cette période, pendant six années. Il nous semble légitime que cette possibilité reste offerte aux investisseurs louant le logement au-delà de neuf ans, mais elle nous apparaît excessive dans le cas où l'investisseur reprend le bien pour son propre usage après les neuf ans.
De tels dispositifs existent depuis plus de vingt ans. Le premier a été instauré par M. Quilès, imité ensuite par MM. Méhaignerie, Besson, …
…Périssol, de Robien et Borloo.
Dans la mesure où nous souhaitons que les investisseurs privés ne soient pas écartés de la production de logements, et où le dispositif instauré par la loi de finances rectificative a tout de même permis de construire 50 000 logements alors que l'on craignait que le marché ne s'effondre, il nous paraît utile de proroger, dès maintenant, le dispositif au-delà du 31 décembre 2012, date à laquelle il était supposé prendre fin.
Ce faisant, nous donnerons plus d'amplitude à la volonté du Gouvernement. Le dispositif que nous proposons permettra aux acquéreurs de logements de bénéficier en 2011 et 2012, au lieu de la réduction d'impôt de 20 % prévue dans le dispositif initial, d'une réduction de 25 % s'il s'agit d'un bâtiment à basse consommation et de 15 % seulement dans le cas contraire.
Au 1er janvier 2013, la norme BBC deviendra le droit commun et tous les logements construits et mis en vente à compter de cette date bénéficieront, si notre amendement est adopté, d'une réduction de 15 %.
Lorsque l'on examine le coût d'une mesure fiscale, il ne faut pas considérer seulement son coût brut, mais tenir compte de tous ses effets, y compris, en particulier, les recettes de TVA supplémentaires pour le budget de l'État. En l'occurrence, je crois que le dispositif est bénéficiaire.
La parole est à Mme Martine Billard, pour soutenir l'amendement n° 66 .
Le réchauffement climatique dû aux émissions de gaz à effet de serre est le fait, pour une part importante, du secteur de l'habitat. Or, il est relativement facile, techniquement parlant, d'agir sur celui-ci afin de réduire ces nuisances.
Depuis plusieurs années, lorsque nous débattons du logement, je propose que les aides à l'investissement locatif soient conditionnées au respect de normes d'isolation et de performance énergétique.
L'amendement n° 66 tend à rendre le dispositif proposé au présent article applicable aux permis de construire accordés après le 1er janvier 2010. Il ne faut pas allonger encore les délais, mais au contraire lutter sans attendre contre le réchauffement climatique.
Il est possible de vérifier, dès le dépôt du permis de construire, un certain nombre de paramètres, notamment le respect des normes BBC, et donc de conditionner les déductions fiscales au respect de ces nouvelles normes énergétiques sans attendre 2013.
Toute année perdue aggrave encore la situation au regard du réchauffement climatique. Le fait que la France ait les moyens d'aller plus vite que d'autres pays qui n'ont pas les mêmes capacités financières lui crée des obligations particulières.
Le sous-amendement consiste à supprimer l'alinéa 4 de l'amendement n° 170 rectifié .
Notre collègue Pierre Méhaignerie propose de mettre fin à la possibilité de cumuler le prêt locatif social, auquel sont attachés deux avantages fiscaux – la TVA à 5,5 % et l'exonération du foncier bâti – avec un dispositif de déduction fiscale de type Scellier.
J'ai été très sensible aux critiques énoncées par M. Méhaignerie à propos du cumul, et nous avons donc intégré sa suppression dans l'amendement. Nous espérions toutefois disposer d'évaluations, ce qui n'est toujours pas le cas. M. Scellier m'avait d'ailleurs mis en garde, lorsque j'ai proposé cette mesure, car il doutait que nous disposerions de ces éléments pour le 13 novembre.
Ce que nous ne voulons pas, c'est que la suppression du cumul soit rétroactive, car la construction obéit à un cycle long et il serait désastreux de remettre en cause après coup l'équilibre d'opérations déjà engagées. Je vous propose donc de renoncer provisoirement à cette suppression et de réexaminer la question lors de l'examen du collectif budgétaire : nous devrions, d'ici là, avoir reçu les évaluations demandées.
Quant à l'amendement n° 66 , la commission y est défavorable.
La parole est à M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État, pour donner l'avis du Gouvernement sur les amendements et le sous-amendement.
Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 66 .
Quant à l'amendement n° 170 rectifié , je comprends que la commission souhaite conserver, dans un premier temps, le cumul entre le dispositif Scellier et le prêt locatif social, et procéder à une évaluation dès qu'elle disposera des éléments nécessaires.
Je pense, moi aussi, qu'il faut régler cette situation, comme l'a indiqué à plusieurs reprises M. Méhaignerie. Nous réexaminerons donc la question lors de la discussion du projet de loi de finances rectificative.
Le Gouvernement est donc favorable à l'amendement de la commission tel que modifié par le sous-amendement n° 355 . Il souhaite cependant déposer un autre sous-amendement, visant à rendre plus progressive l'évolution des taux de réduction, qui resteraient ainsi inchangés jusqu'en 2011 par rapport à la proposition de la commission et diminueraient de cinq points en 2012.
La politique du Gouvernement a permis, par la diversité de ses actions et au prix, parfois, d'une extrême complexité, de soutenir efficacement le secteur du logement et d'éviter des destructions d'emplois. Quelques problèmes se posent toutefois dans la recherche de l'équilibre entre efficacité et équité, et il convient de trouver une nouvelle synthèse.
Le grand mérite du dispositif Scellier-Carrez est sa simplicité, et il a fait la preuve de sa grande efficacité tout au long de l'année. En revanche, il pose un double problème au regard de l'équité.
Premier problème : il est pour le moins indécent de voir vanter dans les journaux, sur des pages entières, les avantages procurés par l'amendement Scellier – 25 % de réduction d'impôt –, avantages qui, cumulés avec un PLS bénéficiant de la TVA à 5,5 % et d'un dégrèvement de foncier bâti, permettent d'arriver à 42%, voire 45 % du coût total du logement. Compte tenu des difficultés budgétaires que nous connaissons, pouvons-nous nous le permettre ? Il me semble que 25 % de réduction d'impôt, c'est déjà beaucoup ; à 42 %, on crée des injustices.
On peut d'ailleurs constater, si l'on fait des comparaisons, que l'investissement locatif privé est plus aidé que le locatif social. C'est la raison pour laquelle j'ai souhaité, avec Gilles Carrez, que l'on ne puisse plus, à partir du 1er janvier 2010, cumuler ces avantages excessifs.
Second problème posé par beaucoup de mes collègues : la discrimination entre les zones.
L'opposition entre les zones éligibles au dispositif Scellier et celles qui en sont exclues pose problème, notamment dans des secteurs qui ont mené une politique efficace combinant logement locatif et accession à la propriété, mais qui ont besoin des investisseurs privés. Aujourd'hui, ces secteurs sont totalement délaissés.
À une certaine époque, un membre d'une profession libérale ou indépendante, un agriculteur ou un artisan souhaitant se procurer un complément de retraite investissait dans l'achat d'un appartement et le mettait en location. Aujourd'hui, son notaire lui conseille d'investir dans une zone où il pourra déduire jusqu'à 8 000 euros par an de son impôt sur le revenu. Le zonage, de par son caractère extrêmement schématique, pose un vrai problème d'équité.
Étant partisan de la maîtrise de la dépense publique, je crois préférable de ne pas étendre à l'excès ce dispositif, mais il pourrait y avoir dans certains cas, sur rapport du préfet après avis, par exemple, des communautés d'agglomération, une marge d'appréciation. C'est la position que défendra Marc Le Fur tout à l'heure, à moins que son amendement ne tombe, ce que je regretterais.
En résumé, je suis à la fois pour l'équité sans attendre 2011, et pour l'efficacité grâce à l'extension du dispositif à certaines zones. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Il est difficile d'aborder à l'occasion de l'examen de ces amendements – même si M. Méhaignerie vient de le faire avec beaucoup de persuasion – l'ensemble de la politique du logement.
M. Méhaignerie a abordé la question du zonage. Je vous rappelle, mes chers collègues, que la commission des finances, l'année dernière, avait proposé un dispositif que le Gouvernement a refusé, suivi en cela – nous l'avions déploré – par la majorité UMP, contre la promesse qu'un texte réglementaire serait pris par le ministre du logement pour régler l'affaire. Certes, un texte fut pris, mais qui ne règle rien, et surtout pas les problèmes soulevés avec beaucoup de lucidité par M. Méhaignerie.
Comme l'année dernière, j'interroge le Gouvernement pour savoir s'il compte en rester à ce texte réglementaire, avec les effets contreproductifs qui viennent d'être indiqués, ou si des modifications peuvent être espérées de sa part à l'occasion, par exemple, d'une loi de finances rectificative, au cas où les espoirs fondés par les uns et les autres sur une appréciation plus juste du zonage seraient déçus.
En ce qui nous concerne, nous proposerons un amendement tendant à accélérer, au lieu de le retarder, le « verdissement » du dispositif Scellier. Ce serait cohérent avec les proclamations du Gouvernement et avec l'adoption récente de la taxe carbone par notre assemblée. J'estime avoir ainsi défendu notre amendement n° 294 .
D'autant qu'il risque de tomber !
La parole est à M. le rapporteur général.
Je voudrais dire un mot sur la politique du logement et la multitude des instruments. On ne peut pas faire une politique nationale du logement en usant des mêmes instruments partout sur le territoire national.
Pierre Méhaignerie vient de nous dire qu'il n'est pas normal que le dispositif Scellier ne puisse pas s'appliquer en zone C et qu'il faudrait introduire des dérogations ici ou là.
Permettez-moi de rappeler que 2 % des prêts à taux zéro pour l'acquisition de logements neufs sont accordés en Île-de-France, région qui compte 20 % de la population concernée. En d'autres termes, le PTZ sur le neuf ne s'applique pas en zone tendue. J'ai cité l'Île-de-France, mais cela vaut aussi en grande partie pour la région Provence-Côte-d'Azur ou pour l'agglomération lyonnaise. Certains instruments marchent dans certaines zones et pas dans d'autres. Tout cela montre la diversité des situations en matière de logement. Il faut donc s'adapter.
Quant au cumul entre le PLS et le dispositif Scellier, je partage le point de vue de Pierre Méhaignerie : il faut régler le problème d'ici à la fin de l'année pour empêcher un cumul d'une telle ampleur dès le 1er janvier 2010.
Je vais suspendre la séance quelques instants, le temps de faire imprimer et distribuer le sous-amendement du Gouvernement.
Article 44
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à quinze heures vingt, est reprise à quinze heures trente-cinq.)
Oui, car il semble entrer en concurrence avec le sous-amendement du Gouvernement.
Si vous faites cela, monsieur Carrez, vous allez avoir des ennuis !
(Le sous-amendement n° 355 est retiré.)
La parole est à M. le ministre, pour soutenir le sous-amendement n° 357 .
Il s'agit de modifier progressivement les taux. En 2011, nous conservons ceux que proposait l'amendement n° 170 , soit 25 % pour les bâtiments à basse consommation et 15 % pour les autres. En 2012, les taux baisseraient de 5 % pour atteindre respectivement 20 % et 10 %. Enfin, en 2013, on retrouverait les taux proposés par la commission, soit 15 % et 0 %. La modification serait donc linéaire.
C'est utile, dirais-je. (Même mouvement.)
En 2010, la réduction d'impôt reste de 25 %, BBC ou non. En 2011, elle demeure de 25 % pour le BBC et tombe à 15 % pour le non-BBC. En 2012, elle est ramenée à 20 % pour le BBC et à 10 % pour le non-BBC.
Il s'agit de maintenir une différence de dix points entre BBC et non-BBC, afin de favoriser la construction de bâtiments à basse consommation, objectif unanimement partagé.
En outre, pour les logements BBC, le Gouvernement accepte de pérenniser après 2012 le dispositif Scellier, qui est apprécié, sur la base d'un taux uniforme de 15 %. C'est parfaitement logique : à partir du 1er janvier 2013, tous les logements doivent obéir à la norme BBC.
Si tel est bien le sens du sous-amendement, j'y suis favorable.
Je précise que l'exposé sommaire contredit le dispositif : il parle de 20 % en 2010, ce qui est inexact. En 2010, le taux reste de 25 %, pour le BBC comme pour le non-BBC.
Si je comprends bien, le tableau joint à l'exposé sommaire est faux pour l'année 2010 : à la troisième ligne de la deuxième colonne, il faut lire « 25 % » et non « 20 % ». (« Oui ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
C'est sans doute parce que la fin de la semaine approche que nous entamons l'examen des articles non rattachés dans d'aussi curieuses conditions…
Deux questions seulement. Tout d'abord, le Gouvernement souhaite manifestement réduire la dépense fiscale ; du moins est-ce ainsi que je comprends les baisses de réductions d'impôt. Monsieur le ministre, à quel montant évaluez-vous l'économie de dépense fiscale ainsi réalisée, sous un prétexte auquel nous pouvons souscrire, celui du « verdissement », c'est-à-dire d'une politique fiscale encourageant des dispositifs compatibles avec le développement durable ?
Deuxièmement, il semble que nous fassions l'impasse sur les problèmes de zonage, judicieusement soulignés par Pierre Méhaignerie. Si tel est effectivement le cas, quand le Gouvernement sera-t-il en mesure de proposer au Parlement les solutions que nous appelons de nos voeux sur tous les bancs ?
L'économie est évaluée à 60 millions d'euros la première année. Les années suivantes, elle dépendra de l'effet des mesures adoptées.
Cela étant, il ne s'agit pas seulement de réaliser une économie, mais de maintenir une différence entre BBC et non-BBC et de pérenniser le taux de 15 % pour le BBC, en ajoutant une étape à la réduction proposée par la commission des finances.
Nous allons y venir, en effet : plusieurs amendements abordent cette question.
C'est le cas du sous-amendement de M. Le Fur que nous allons examiner.
(Le sous-amendement n° 357 est adopté.)
Je suis saisi d'un sous-amendement n° 356 .
La parole est à M. Marc Le Fur.
Ce sous-amendement vise à remettre au coeur du débat la question du zonage. Je m'inscris tout à fait dans la ligne défendue par Pierre Méhaignerie tout à l'heure.
Un vrai problème se pose en zone C, autrement dit sur l'immense majorité du territoire, car les secteurs qui en font partie vont être privés d'outils pour le locatif privé. D'une part, le dispositif Borloo s'est éteint cette année – les derniers permis de construire devaient être déposés avant le 4 mai et les constructions commencer avant le début de l'année. D'autre part, ces secteurs ne sont pas éligibles au dispositif Scellier, alors même qu'ils subissent comme d'autres la crise du logement et la crise des entreprises.
Certes, monsieur le rapporteur général, l'accession à la propriété est plus facile dans ces secteurs. Mais il n'en demeure pas moins que, dans les parcours résidentiels des ménages, le passage par le locatif, notamment le locatif privé, est une étape souvent nécessaire.
Si nous voulons que subsiste une offre locative privée dans ces territoires, il faut, d'une manière ou d'une autre, étendre l'éligibilité au dispositif Scellier.
Par ce sous-amendement, je propose la suppression du zonage, dont j'ai bien compris qu'elle n'a pas de chance d'être adoptée. Mais je voudrais obtenir du rapporteur général et du ministre des engagements plus précis sur les solutions à apporter.
Nous avons des propositions de compromis.
Pourquoi ne pas imaginer, par exemple, qu'il puisse être dérogé, sur décision du préfet ou du ministre, à la règle de non-éligibilité dans la zone C ? Je pense en particulier à certains secteurs qui subissent une forte pression immobilière.
Pourquoi ne pas concevoir un dispositif où l'éligibilité au dispositif Scellier pourrait être assurée dès lors que le promoteur s'engage à loger des personnes répondant aux critères de revenu du logement social ?
Nous ne pouvons pas avoir une partie de la France où se concentrerait l'essentiel de l'offre locative privée – encore heureux, la conjonction du PLS et du dispositif Scellier va disparaître – et une autre où cette offre serait absente. Nous devons trouver une solution et je compte sur vous, monsieur le ministre, pour que nous la trouvions le plus vite possible.
Comme Marc Le Fur l'a lui-même reconnu, nous ne pouvons qu'être défavorables à la suppression pure et simple du zonage, qui correspond à une réalité du territoire sur laquelle prend appui la politique du logement.
Défavorable également. Nous ne pouvons mettre fin au zonage, qui constitue le fondement la politique du logement. Il y a des zones plus ou moins tendues, des zones où le besoin de logements est fort, d'autres où il est faible. On ne peut considérer que l'accès aux dispositifs d'aides est possible partout, sinon il n'y aurait pas de politique d'aménagement du territoire possible.
Certes, on peut contester la manière dont le zonage est établi – certains élus contestent ainsi le classement de telle ou telle portion de leur territoire – mais pas remettre en cause le zonage lui-même.
J'aimerais revenir sur l'argumentation développée par Pierre Méhaignerie et Marc Le Fur.
Il s'agit bel et bien d'une question d'aménagement du territoire. C'est au contraire quand 90 % du territoire n'est pas concerné par une mesure d'aide qu'il paraît délicat de parler de politique d'aménagement du territoire, même s'il s'agit d'une mesure ciblée.
Aujourd'hui, dans certaines zones rurales ou périurbaines, on observe un phénomène d'inversion : certaines communes voient leurs programmes entièrement gelés à cause de l'effet d'aspiration du dispositif Scellier. Et je ne voudrais pas que l'on nous renvoie l'argument de l'aménagement du territoire en prétendant que le désert français, c'est Paris. Nous sommes dans une situation totalement différente.
Par ailleurs, pour utiliser un argument plus écologique, il me paraît important d'encourager la construction de logements collectifs, y compris dans les zones rurales, ne serait-ce que pour éviter le phagocytage des terres agricoles.
Je soutiens donc les positions défendues par mes collègues et souhaiterais que le Gouvernement prenne une position plus claire sur ce sujet.
L'an dernier, comme l'a dit M. Cahuzac, le bon sens de Gilles Carrez et de François Scellier les avait conduits à demander qu'on donne aux préfets la possibilité d'ouvrir, dans certains cas, le bénéfice du dispositif Scellier. Nous ne demandons pas une large extension de l'éligibilité, monsieur le ministre, mais un assouplissement en fonction de critères restrictifs,…
…d'autant plus restrictifs, dirai-je, que le PLS, dans beaucoup de zones rurales, peut constituer un complément non négligeable.
Je souhaiterais que le ministre ou le rapporteur nous indiquent des pistes de travail pour déterminer, dans les deux semaines nous séparant du collectif budgétaire, les conditions restrictives qui permettraient d'ouvrir le bénéfice du dispositif Scellier dans un nombre limité de secteurs. Cela éviterait certaines injustices qui sont mal acceptées sur le terrain car elles aboutissent à une concentration de l'offre locative sociale privée.
Tout le monde comprend la nécessité d'un zonage restrictif. L'expérience des précédents dispositifs de défiscalisation a montré que des logements locatifs avaient été construits dans des secteurs où les propriétaires ne trouvaient pas de locataires.
À cet égard, j'aimerais vous exposer le cas de mon secteur, analogue à celui de Marc Le Fur car nous sommes pour ainsi dire voisins de palier. Il n'a pas été classé en zone éligible. Dans sa partie littorale, l'offre locative est élevée. Pourtant, il n'est pas facile de trouver des locations à l'année car le locatif est un locatif de vacances. Les jeunes travailleurs ne peuvent donc trouver à se loger. Il y a quelques semaines, un chef d'entreprise de l'une des communes en question m'expliquait que les deux techniciens qu'il venait d'embaucher avaient préféré aller travailler ailleurs, faute d'avoir pu trouver un logement.
Je comprends, monsieur le ministre, que vous ne puissiez pas nous apporter une réponse ni une solution dans l'immédiat. En revanche, vous devez vous engager à ce que le zonage soit, non pas élargi, mais assoupli en faisant en sorte que d'autres critères puissent être pris en compte. Je pense en particulier à la disponibilité des logements locatifs, qui plombe actuellement l'activité économique dans certaines zones touristiques, qu'elles soient littorales ou de montagne.
Vous l'aurez compris, chers collègues : comme il s'agit d'un débat important, je laisse les orateurs s'exprimer. Toutefois, après l'article 44, nous adopterons un rythme différent.
La parole est à M. Jérôme Cahuzac.
Les objectifs que vise notre collègue Le Fur dans son amendement sont les nôtres. Les remarques que Pierre Méhaignerie a formulées sur les erreurs du zonage actuel, nous les partageons. La proposition qu'il a faite au Gouvernement de travailler d'ici au collectif afin qu'une solution puisse être élaborée pour faire ensuite l'objet d'un débat et d'un vote de notre assemblée, nous y souscrivons.
L'année dernière, notre assemblée a voté une disposition dont le Gouvernement, qui y était défavorable, a obtenu au Sénat sa révision, ensuite validée par la commission mixte paritaire. Nous nous rendons compte aujourd'hui que cette disposition était la bonne. Il s'agit, non pas d'ouvrir tout le territoire à tous les avantages, monsieur le ministre, mais de tenir compte des spécificités de chaque secteur, ce qu'un zonage parisien ne parvient pas à faire.
Autrement dit, il s'agit de faire confiance au représentant de l'État dans le département, le préfet, afin que celui-ci, de manière fine, adaptée, souple et pertinente, permette à certains territoires de bénéficier d'avantages fiscaux pour obtenir les mêmes effets que dans les zones éligibles. Nous connaissons tous des exemples très concrets de situations qui requièrent cette souplesse et cette finesse de traitement. Il s'agit bien sûr de l'offre de logements locatifs, mais il s'agit aussi de l'avenir d'entreprises, notamment du secteur du BTP, car ce sont dans ces territoires-là qu'elles jouent le plus grand rôle dans la création de richesses et l'offre d'emplois.
Monsieur le ministre, que les choses soient claires : ce qu'il faut faire, ce n'est pas déroger au zonage, mais le réviser.
L'année dernière, notre assemblée a adopté un amendement, sur lequel le Sénat est revenu, qui aurait permis aux préfets de définir après une concertation locale les zones éligibles en fonction des tensions observées, mais cela ne constituait qu'un pis-aller. Le problème, c'est que cela fait vingt ans que nous réclamons que le classement en zone A, B ou C soit revu en fonction de critères objectifs. Or cette révision n'a jamais été engagée.
Tout le sillon alpin entre Saint-Julien-en-Genevois, Annemasse et Grenoble a été classé comme espace métropolitain au titre de la politique d'aménagement du territoire par la délégation interministérielle à l'aménagement et à la compétitivité des territoires. Mais, alors qu'une même tension s'exerce sur tous les secteurs qui le composent, certains sont classés en zone B, d'autres en zone C. Dans les secteurs touristiques, la situation est dramatique : dans certaines stations de sports d'hiver, les prix du logement dépassent ceux du 16e arrondissement de Paris alors qu'elles sont en zone C.
Jusqu'à présent, il était possible, à défaut d'encourager le locatif privé, de mener une politique de logement social, grâce aux dispositifs fiscaux. Or j'ai entendu le secrétaire d'État au logement affirmer, il y a quelques semaines, qu'il fallait concentrer le financement du logement social dans les départements où les listes d'attente sont les plus longues, singulièrement en Île-de-France. Autrement dit, demain, non seulement les secteurs que j'ai évoqués ne seront plus éligibles aux dispositifs de défiscalisation du logement locatif, mais ils ne pourront plus financer le logement social.
Le discours de M. Apparu était très clair. Une seule priorité : l'Île-de-France. Puis viennent quelques zones en province, comme Lyon, Marseille, peut-être Nice.
La vraie urgence, je le répète, est de revoir la délimitation des zones, qui a perdu tout sens en vingt-cinq ans. Le classement en zone B de l'agglomération dont je suis l'élu a pris huit ans. Il a fallu, non pas des relevés des prix, mais des photos aériennes pour justifier l'existence d'une continuité de constructions entre la ville chef-lieu et les communes avoisinantes permettant d'atteindre le seuil des 100 000 habitants ! Autrement dit, le classement n'a aucun rapport avec les prix du foncier et du marché locatif, ce qui est une ineptie. C'est pour cela qu'il faut revoir le zonage. Dès lors qu'il sera revu, monsieur le ministre, il ne sera pas nécessaire d'y déroger.
Nous entendons beaucoup d'arguments qui conduisent à s'interroger ; pour autant, il faut se garder de certains excès.
La première des choses à rappeler est que le zonage est une nécessité absolue. Nous avons suffisamment souligné, les uns et les autres, l'extraordinaire diversité des situations pour nous féliciter du maintien du principe même du zonage.
Si une carte est indispensable, il faut cependant se poser la question de son évolutivité, de son suivi, en un mot de la capacité d'observation que nous pouvons avoir de la situation de l'ensemble des territoires. À cet égard, je ne souscris pas aux propos de M. Bouvard : la région parisienne n'est pas la seule à être considérée comme une zone tendue. Je rappelle l'existence d'un grand triptyque connu de tous, composé de la région parisienne, du Genevois français et de la Côte d'Azur, triptyque auquel nous pourrions ajouter les centres de grandes métropoles dont on sait qu'elles sont elles aussi très tendues.
Nous avons plus que jamais besoin d'un observatoire des diversités territoriales. Il se peut qu'une personne ne sache pas où trouver un logement à Marseille alors qu'il existe de l'offre dans un secteur tout proche. C'est souvent le cas dans les très grandes métropoles.
Il est donc nécessaire de faire évoluer la carte. Pour ce faire, des engagements avaient été pris, mais je ne suis pas sûr que les outils aient été mis en place, y compris ceux qui nous permettraient d'y voir plus clair dans ce brouillard qu'est le rythme des constructions.
Par ailleurs, je suis favorable aux dérogations, à la condition qu'il y ait une procédure. En d'autres termes, je crois en un État décentralisé, c'est-à-dire un État qui fixe un socle et qui permette, dans le cadre d'une procédure définie, des dérogations territoriales.
Sous ces réserves, je suis, moi aussi, favorable à l'adaptation du dispositif.
Je suis très surpris du silence assourdissant du Gouvernement. Alors même qu'il a été interpellé à plusieurs reprises sur ce point, notamment par M. Méhaignerie lors d'une séance de questions au Gouvernement, le dossier n'avance pas.
Pour ma part, je prendrai l'exemple de ma circonscription, frontalière du grand-duché de Luxembourg. Je ne ferai pas de commentaire sur l'origine de la croissance que connaît le grand-duché du Luxembourg, pour ne pas énerver M. Emmanuelli… (Sourires.)
Il se trouve que nous sommes soumis, en bordure de la frontière luxembourgeoise, à une pression foncière importante. Or une grande partie de ce territoire se trouve située en zone C. Aussi serait-il nécessaire qu'un observatoire fixe des critères assez simples permettant d'obtenir des dérogations.
De ce débat très intéressant, il ressort que le problème du logement ne peut pas être traité de la même manière sur l'ensemble du territoire. C'est du reste ce qu'a indiqué Benoît Apparu à propos du logement social. En examinant les statistiques, il avait constaté que, lorsqu'on parlait de pourcentage de logements sociaux réalisés, on mésestimait le fait que la plupart le sont dans des zones qui ne comptent pas parmi les plus tendues.
Pour tenter de corriger la situation, le ministère du logement a fixé un zonage, après avoir procédé, je crois, à de nombreuses consultations. Mais un zonage est un zonage, et l'on voit bien la difficulté de le fixer en adéquation avec les besoins locaux. L'amendement n° 171 , que nous examinerons après l'article 44, permettrait de résoudre le problème soulevé par M. Le Fur. Je rappelle qu'un amendement similaire, sous-amendé par M. Le Bouillonnec, avait été adopté l'année dernière par notre assemblée.
Je vois trois bonnes raisons d'adopter, tout à l'heure, l'amendement n° 170 rectifié .
Premièrement, à partir du 1er janvier, aucun dispositif ne permettra de réaliser des placements.
Deuxièmement, la disposition proposée peut permettre aux communes rurales de la France profonde de réaliser des logements sociaux.
Troisièmement, l'amendement permet aux entreprises d'ouvrir des chantiers, alors que l'on sait les difficultés qu'elles rencontrent.
La parole est à M. Didier Migaud, président de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire.
Mes chers collègues, nous avons exactement le même débat que l'année dernière...
..et les arguments sont les mêmes.
L'année dernière, la commission des finances avait adopté un amendement à la quasi-unanimité. Or cet amendement n'a pas survécu à la commission mixte paritaire.
C'est dommage, car s'il avait été adopté, nous n'aurions pas ce débat cette année.
Comme vient de le dire M. Scellier, ce même amendement, qui peut être sujet à modifications, a été déposé après l'article 44. Il s'agit de l'amendement n° 171 .
Je pense que le sous-amendement de M. Le Fur n'est pas bon. Chacun conviendra, et d'abord son auteur, que remettre en cause le zonage n'est pas raisonnable.
La commission des finances propose d'introduire une certaine souplesse sous la forme de dérogations.
J'invite donc M. Le Fur à retirer le sous-amendement n° 356 et l'Assemblée à adopter l'amendement n° 171 .
J'appelle, moi aussi, à ne pas voter le sous-amendement n° 356 car le zonage est nécessaire.
C'est vrai, nous avons exactement le même débat que l'année dernière, car chacun réagit en fonction de sa propre situation, ce qui est bien légitime.
Toutes les zones ne peuvent pas avoir accès au même dispositif, d'abord parce qu'il y a des lieux où il n'y a pas de problème d'offre et de demande. D'ailleurs, ce n'est pas uniquement un problème de demande sociale. Les offices HLM construisent des logements sociaux et de nombreuses régions, non éligibles au dispositif Scellier, ne rencontrent aucune difficulté.
Par ailleurs, il ne faut pas tromper les investisseurs. On ne doit pas les entraîner dans un dispositif s'il n'y a pas de demande locative, car on risquerait de stimuler l'offre alors qu'il n'y a pas de hausse de la demande. Voilà pourquoi le zonage est nécessaire.
Le zonage a été modifié en 2009 ; 774 communes sont passées de la zone C à la zone B. Par ailleurs, 170 communes auraient dû passer de la zone B à la zone C. Nous ne l'avons pas fait, ce qui n'est peut-être pas très courageux (Sourires), mais il y a bien eu modification du zonage. Tout n'est pas figé. Des critères techniques ont été fixés en fonction de la tension de la demande de logements.
Malgré toute mon amitié pour Marc Le Fur, il ne m'est pas possible d'accepter un amendement qui supprimerait toute référence à un zonage.
Cela dit, l'amendement n° 171 de la commission des finances me semble donner la possibilité de procéder à des dérogations, d'examiner la situation sur le terrain et de vérifier que la rigidité due au zonage peut faire l'objet d'interprétations lorsqu'elles sont motivées. Le Gouvernement pourrait donc s'en remettre à la sagesse de l'Assemblée, voire émettre un avis favorable.
Monsieur Le Fur, retirez-vous, fort de l'avis du Gouvernement, votre sous-amendement ?
Fort de l'avis du Gouvernement et de l'unanimité qui semble se dégager ici, et dans la perspective de l'adoption de l'amendement n° 171 qui me semble être un élément de compromis et de sagesse, je retire mon sous-amendement.
(L'amendement n° 356 est retiré.)
(L'amendement n° 170 rectifié , sous-amendé, est adopté.)
En conséquence, l'article 44 est ainsi rédigé. L'amendement no 66 tombe, ainsi que tous les autres amendements à cet article.
Je suis saisi d'un amendement, n° 171 , de la commission, portant article additionnel après l'article 44.
Cet amendement a été défendu. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Je souhaite lui apporter une modification.
Il serait préférable que l'agrément soit délivré par le ministre plutôt que par le préfet, qui est soumis à beaucoup de pressions locales. La procédure s'appuierait ainsi sur une vision globale du territoire et permettrait d'éviter des injustices.
Pour l'heure, monsieur le ministre, je ne suis saisi d'aucun sous-amendement du Gouvernement. Aussi ne puis-je consulter l'Assemblée que sur l'amendement n° 171 .
Monsieur le président, je demande une suspension de séance, afin de rédiger le sous-amendement.
Après l'article 44
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures dix, est reprise à seize heures vingt-cinq.)
La séance est reprise.
Monsieur le ministre, voulez-vous dire quelques mots du sous-amendement, n° 359 , du Gouvernement ?
Je l'ai défendu avant la suspension, mais je puis confirmer qu'il va dans le sens de ce que l'Assemblée semble souhaiter. Il est préférable que la décision appartienne au ministre, d'abord parce qu'il a une vision d'ensemble de la situation nationale, ensuite parce qu'il serait délicat pour un préfet d'accorder un avantage fiscal d'une telle ampleur – les législateurs que vous êtes serez sans doute sensibles à cet argument.
Cela étant, les conditions de délivrance de l'agrément seront définies par décret, et le préfet aura naturellement un rôle à jouer. Connaissant le terrain, il devra instruire le dossier et donner son opinion. J'entends prendre le décret dans un délai très bref, de l'ordre de trois mois suivant la promulgation de la loi, afin de ne pas donner l'impression que nous jouons la montre.
Monsieur le ministre, me permettez-vous de rectifier le sous-amendement de sorte que, dans la deuxième phrase également, la référence au ministre remplace celle au préfet ?
Cela va de soi.
général. Didier Migaud le disait à l'instant : nous avions eu le même débat l'an dernier, et nous avions adopté un amendement rendant possibles des dérogations sur décision du préfet. En commission mixte paritaire, notre position, qui a donné lieu à une longue discussion, n'a malheureusement pas été suivie, précisément au motif que les modalités d'appréciation risquaient de varier d'un département à l'autre, et il n'était plus possible, à ce stade, d'amender le dispositif.
Dès lors qu'il s'agit d'avantages fiscaux, il est légitime que la dérogation relève du ministre. Le fait qu'un décret en définisse les modalités permettra de prévoir la saisine des préfets, qui instruiront les dossiers. Le point le plus important, que j'avais l'intention de soulever mais auquel le ministre a répondu, est que le décret soit pris rapidement pour que le dispositif soit opérationnel dès que possible.
Compte tenu des précisions que vient de nous donner le ministre, je suis très favorable à cette rédaction.
Nous sommes bien évidemment sensibles à l'argument selon lequel il serait délicat de permettre à un préfet d'accorder des avantages fiscaux. Cela ne nous empêche pas de craindre, dès lors que la décision appartient au ministre du logement, de nous retrouver dans la même situation l'année prochaine, tout simplement parce que le ministre n'aura pas accordé de dérogation et se sera contenté de reprendre le zonage déjà adopté par voie règlementaire sans faire le moindre effort pour tenir compte de tous les débats que nous avons eus en commission et en séance plénière.
Nous devons naturellement présumer la bonne foi du représentant du Gouvernement.
Nous nous abstiendrons donc pour cette fois, mais nous aurons très vite un double rendez-vous : d'abord dans les trois mois, pour découvrir la nature du décret, puis l'année prochaine pour voir ce qu'il en est sur le fond. Je vous le dis très clairement : si, l'année prochaine, les choses ne sont pas débloquées comme nous estimons qu'elles doivent l'être, aucun des arguments que pourra nous opposer le Gouvernement, aussi nobles, judicieux, ou soucieux de l'intérêt général soient-ils, ne pourra empêcher l'Assemblée de renvoyer au préfet le soin de définir ces dérogations.
(Le sous-amendement n° 359 , tel qu'il vient d'être rectifié, est adopté.)
(L'amendement n° 171 , sous-amendé, est adopté.)
Cet amendement vise à transformer le crédit d'impôt sur les intérêts d'emprunt institué par la loi TEPA en une annulation d'intérêts d'emprunt pour financer l'acquisition d'une résidence principale. Cette disposition présente quatre avantages.
En premier lieu, grâce à la restructuration du système en vigueur, les emprunteurs bénéficieraient d'un avantage moyen équivalent permettant, dans un premier temps, de renforcer la solvabilité des ménages et l'effet revenu de la mesure à la date de l'acquisition. Il s'agit d'obtenir l'annulation des intérêts à la date où l'on décide d'emprunter – les banques prenant en compte le dispositif immédiatement – et, par là, d'améliorer la capacité de financement des emprunteurs les plus modestes, donc de favoriser leur accession à la propriété.
Ensuite, il s'agit de maintenir pour le neuf non-BBC un avantage qui ne soit pas inférieur à celui proposé pour l'ancien – élément de fragilité de l'article 45 dans la rédaction proposée par le Gouvernement. L'avantage ne sera pas non plus supérieur, comme c'est le cas avec le prêt à taux zéro, afin de ne pas favoriser le neuf non-BBC.
Troisièmement, il s'agit de faire bénéficier le neuf BBC d'un avantage majoré par le biais d'une majoration du montant d'intérêts annulés. Le principe du « verdissement » du crédit d'impôt est donc maintenu pour stimuler la construction de logements BBC.
Enfin, dernier avantage, il s'agit d'adapter le gain de pouvoir d'achat des acquéreurs en fonction de la zone dans laquelle se trouve le logement et, sous d'autres modalités, de la composition du foyer.
Pour des raisons assez faciles à comprendre, ces nouvelles dispositions entreraient en vigueur à compter du 1er juillet 2010 afin de laisser assez de temps pour la parution des mesures réglementaires et aux établissements prêteurs de s'adapter.
Les dispositions proposées n'engendrent pas de dépense supplémentaire. Il s'agit, partant d'un dispositif connu – et qui marche –, celui du PTZ, de se doter d'un meilleur outil d'accession à la propriété, permettant, j'y insiste, une meilleure solvabilité des accédants. Compte tenu du « verdissement » du prêt, un tel outil serait meilleur que celui en vigueur, d'un point de vue aussi bien quantitatif que qualitatif.
La commission a émis un avis défavorable à l'amendement n° 296 et favorable au n° 344.
M. Piron a remarquablement présenté l'amendement n° 344 . J'insisterai sur un point très important en reprenant une observation que Marc Le Fur a faite en commission. L'acquéreur ne prend conscience des avantages du dispositif de crédit d'impôt qu'après coup : c'est seulement un an, deux ans ou trois ans après avoir emprunté qu'il constate une diminution de son impôt sur le revenu, grâce à un crédit d'impôt de 40 % sur les intérêts payés la première année et de 20 % les années suivantes, pendant cinq ans.
Le dispositif proposé par M. Piron, en revanche, prend effet immédiatement et permet de solvabiliser le dossier de l'acquéreur. Comme le soulignait Marc Le Fur, la banque prendra en compte cet élément nouveau de solvabilité de l'emprunteur pour l'acquisition de sa résidence principale, comme elle le fait pour le prêt à taux zéro.
Qu'il s'agisse de l'accession sociale au logement par le prêt à taux zéro ou bien du dispositif TEPA, notre objectif commun est bien de favoriser l'accession à la propriété. Il ne s'agit donc pas d'une mesure en faveur du pouvoir d'achat, mais d'un dispositif destiné à favoriser le déclenchement de l'acte d'acquisition.
Nous avons travaillé sur ce sujet avec Michel Piron ces derniers jours. Il nous semble que nous pourrions associer la démarche proposée, consistant à annuler les intérêts, et le dispositif de prêt à taux zéro, afin d'obtenir un outil fiscal convergent favorisant l'accession de tous les Français à la propriété, quelles que soient leurs ressources. L'accès à la propriété serait facilité dès lors que l'acquéreur bénéficie d'un PTZ sous plafond de ressources, tandis que les autres ménages contracteraient les autres types de prêts.
Un tel dispositif, par son efficacité, répondrait à notre souci commun de favoriser l'accession de nos concitoyens à la propriété.
Défavorable à l'amendement de M. Cahuzac, puisqu'il revient sur le dispositif lui-même.
Quant à l'amendement de MM. Piron et Carrez, il est intelligent…
…car il crée une articulation entre le crédit d'impôt immobilier et le PTZ. Je suis sensible aux arguments développés par Michel Piron et par Gilles Carrez,…
…selon lesquels, d'un côté, on bénéficie d'un avantage différé quand, de l'autre, on en jouit immédiatement. De fait, les banques ne tiennent pas compte du crédit d'impôt pour mesurer la capacité de remboursement de l'emprunteur. Il nous faut donc résoudre cette question technique.
Cependant, le Gouvernement n'a pris connaissance de l'amendement que ce matin.
Or, comme nous sommes moins intelligents que ses auteurs (Sourires), nous avons besoin d'un peu de temps pour étudier les éventuels effets collatéraux d'un tel dispositif, étant entendu qu'il faudra bien procéder à l'articulation proposée, surtout en cette période de bas taux d'intérêt.
Je propose donc aux auteurs de l'amendement de le retirer, après quoi nous examinerons ensemble, sans tarder, la meilleure manière de solvabiliser la demande des particuliers – puisque tel est leur objectif.
Je comprends le plaisir qu'éprouve Michel Piron à entendre le ministre saluer l'intelligence de sa proposition. (Sourires.)
Reste que je suis très heureux que le ministre reconnaisse, d'une certaine manière, que, lorsque nous avions mis en doute le bien-fondé du dispositif en question, les arguments que nous avions avancés n'étaient pas eux non plus dénués d'intelligence ni, donc, de fondement.
Je suis très heureux également d'entendre le rapporteur général souligner que cette mesure n'était pas censée soutenir le pouvoir d'achat, quand bien même elle figurait dans un texte supposé le défendre.
On voit bien que le lien entre ce dispositif et le soutien au pouvoir d'achat est loin d'être évident.
Les documents du ministère du budget et des comptes publics – et c'est tout l'intérêt des études d'impact préalables ou des travaux d'évaluation – montrent que, selon le Gouvernement lui-même, ce dispositif se révèle assez peu efficace, même en ce qui concerne l'accession à la propriété !
Le rapport relève pour sa part que les établissements de crédit ne semblent même pas prendre en compte le crédit d'impôt dans le plan de financement des ménages, ce qui montre que l'effet de facilitation de l'accès à la propriété est quasi nul.
On voit bien l'effet d'aubaine lié à cette mesure qui, certes, représente un gain pour ses bénéficiaires, mais une fois l'opération réalisée et sans qu'elle ait été prise en considération par les établissements bancaires.
Je suis tout à fait d'accord pour apporter ma contribution au groupe de travail que vous voulez réunir, monsieur le ministre, mais j'avoue que dans cet exercice d'évaluation, voire de détricotage de la loi TEPA,…
…j'éprouve, avec d'autres, quelque satisfaction. Cela me permet en tout cas d'insister sur l'intérêt des études d'impact préalables, qui permettent de mieux mesurer les éventuelles conséquences de décisions comme celle-ci, qui coûte tout de même plus d'un milliard d'euros.
L'amendement n° 296 , que le rapporteur général et le ministre conseillent à l'Assemblée de ne pas adopter, tend à supprimer la réduction d'impôt liée aux intérêts d'emprunt. Comme vient de le préciser le président de la commission des finances, nous estimons qu'une dépense fiscale annuelle de 1,5 milliard d'euros qui produit si peu d'effets sur l'accession au logement et aucun effet sur le pouvoir d'achat, se révèle bien trop élevée pour un si maigre résultat.
Le projet de loi voté dans l'enthousiasme de l'été 2007 a été promulgué il y a un peu plus de deux ans. L'absence totale d'étude d'impact préalable n'avait pas permis à l'ensemble de nos collègues d'apprécier les conséquences d'un tel dispositif. Il a donc fallu en passer par l'expérimentation en vraie grandeur. Or, deux ans plus tard, nous constatons que 1,5 milliard d'euros sont dépensés par l'État en pure perte ou presque.
À cela s'ajoute un phénomène de saupoudrage qui rend impossible toute politique de logement un tant soit peu cohérente et dynamique au sein d'un territoire donné. Le rapporteur général, notre collègue Piron à travers son amendement et, d'une certaine manière, le ministre, viennent de reconnaître qu'il ne s'agissait pas d'une mesure en faveur du pouvoir d'achat, mais d'une incitation à l'accès à la propriété, assortie d'un effet d'aubaine que plus personne ne conteste.
Si l'on doit reconnaître un mérite au ministre du budget et des comptes publics, c'est celui d'avoir permis que le Conseil constitutionnel n'applique ce dispositif qu'au flux et non au stock, comme le Président de la République l'avait pourtant promis. L'effet d'aubaine est déjà suffisant et je n'ose imaginer, si le stock avait été pris en considération, ce qu'il en aurait coûté pour une efficience encore plus faible !
Le dispositif proposé par notre collègue Piron est très compliqué, si bien qu'il apparaît difficile de l'adopter en l'état. Reste que l'esprit de son amendement est intéressant, même si c'est la politique du logement dans son ensemble qu'il faut revoir : l'État dépense pour elle 11 milliards d'euros. Les plafonds de revenus prévus pour le prêt à taux zéro sont excessifs en certains endroits, même s'ils peuvent être considérés comme suffisants en Île-de-France. Je vous rappelle que le revenu médian en France est de 1 500 euros mensuels, c'est-à-dire que la moitié des foyers gagnent moins de cette somme. Fixer le plafond à 5 000 euros, c'est se livrer à un saupoudrage qui ne permet pas de mener une politique de logement social digne de ce nom.
Nous ne détricotons rien ; en fait, nous tricotons !
La proposition de MM. Carrez et Piron, que j'ai jugée intelligente, vise à articuler le prêt à taux zéro, que nous avons développé en même temps que d'autres instruments en faveur du logement, et le crédit d'impôt immobilier.
Je note en tout cas que, depuis deux ans, le logement se porte plutôt bien et plutôt mieux qu'auparavant, même en cette période de crise difficile.
Les instruments que nous avons créés ou développés ont donc montré leur efficacité.
Nous sommes en train de construire l'avenir. Peut-être conviendra-t-il d'examiner à nouveau l'articulation entre ces outils. Il s'agit, dans un premier temps, d'en discuter, afin d'obtenir la meilleure efficacité possible.
Le crédit d'impôt immobilier ne sera en tout cas pas supprimé, non plus que le PTZ. La question posée par Gilles Carrez et Michel Piron est de savoir si l'on doit articuler les deux dispositifs ou si l'on doit se contenter d'un effet miroir entre eux.
Non, monsieur le président. Je vais considérer les excellents propos du ministre comme un accord de principe, sous réserve que la réflexion soit menée plus avant.
Je souhaite, si vous le permettez, vous faire part d'une considération technique et d'un mot sur l'esprit du dispositif.
D'un point de vue technique, je rappelle que le taux moyen d'effort de ceux qui bénéficient aujourd'hui d'un PTZ est de 30 %. Quand on sait que les critères standard des banques éliminent tout candidat dont le taux d'effort dépasse 33 %, on voit à quel point nous sommes près du seuil au-delà duquel on ne peut plus accéder à la propriété. D'où l'intérêt de transformer l'avantage en vigueur – avantage a posteriori – en un avantage a priori qui sera pris en compte par les banques dans le calcul du taux d'effort.
Quant à l'esprit, cette modification est essentielle dans la mesure où elle constitue un facteur déclenchant de l'accès à la propriété alors que le dispositif en vigueur ne le permet pas toujours. N'exagérons toutefois rien : les bénéficiaires du dispositif actuel n'ignoraient pas leur avantage à venir, qui pouvait entrer dans leur raisonnement, l'intelligence étant une qualité tout de même très partagée, comme vous avez pu le constater. (Sourires.)
Pour le reste, j'ai bien entendu les propos de M. le ministre, que je me permets d'interpréter, j'y insiste, comme un accord de principe qu'un travail commun permettra de préciser. Et, mon Dieu, l'intelligence résultant souvent d'un certain rapport au temps, je conçois qu'un minimum de réflexion s'impose pour que nous aboutissions le plus rapidement possible à un nouveau dispositif, celui que nous proposons méritant quelques améliorations ici ou là.
Je consens bien volontiers à retirer cet amendement si M. le rapporteur général est du même avis.
Je souhaite que nous puissions mettre en place ce groupe de travail assez rapidement. Il est vrai que nous avons travaillé dans une certaine urgence et prévu une application du dispositif à partir du 1er juillet 2010. Si le Gouvernement juge l'idée intéressante, si le groupe de travail fait diligence et si, dès lors, le nouveau dispositif s'applique à partir du 1er janvier 2011, nous pourrons nous estimer satisfaits.
(L'amendement n° 344 est retiré.)
(L'amendement n° 296 n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement rédactionnel, n° 281, de M. le rapporteur général.
(L'amendement n° 281 , accepté par le Gouvernement, est adopté.)
Nous venons d'assister à la fin d'un dogme supposé intangible, selon lequel aucune disposition du paquet fiscal prévu par la loi TEPA ne serait modifiée au cours de la présente législature. Or – le principe vient d'être entériné – la déductibilité des intérêts d'emprunt pour le flux des primo-accédants sera probablement modifiée dans le sens suggéré par l'amendement du rapporteur général et de notre collègue Piron.
De fait, les propos de Gilles Carrez comme ceux de Michel Piron, mais aussi ceux du ministre, laissent penser que nous passons d'une mesure visant à favoriser le pouvoir d'achat à une mesure d'incitation à l'accession à la propriété. Le dogme n'existe donc plus, au moins pour cette disposition-ci.
Nous suggérons par conséquent d'aller un peu plus loin dans la définition de politiques publiques plus cohérentes, plus efficientes, et donc de « verdir » le dispositif en question – si vous permettez une expression désormais admise, je crois, dans cette enceinte – en subordonnant le bénéfice des avantages qu'il procure à la réalisation de mesures compatibles avec le développement durable.
Je ne peux pas laisser M. Cahuzac interpréter mes propos de la sorte. Il va de soi que les mesures prévues par la loi TEPA ont vocation à être pérennes puisqu'il s'agit de bonnes mesures, comme vous le constatez d'ailleurs souvent.
Je n'ai rien dit d'autre que ceci : s'il faut réfléchir, d'un point de vue technique, à l'articulation du PTZ et du crédit d'impôt immobilier, il ne faut pas se gêner pour le faire, car si l'on peut rendre le dispositif plus efficace, tant mieux !
Je n'ai pas dit que j'étais favorable au dispositif proposé par MM. Carrez et Piron, mais que j'étais favorable à la création d'un groupe de travail sur le sujet : ni plus, ni moins ; ne vous livrez donc pas à une interprétation politique excessive de mes propos. La loi TEPA est la loi TEPA et restera la loi TEPA !
(L'amendement n° 295 , repoussé par la commission, n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement rédactionnel, n° 282, de M. le rapporteur général.
(L'amendement n° 282 , accepté par le Gouvernement, est adopté.)
(L'article 45, amendé, est adopté.)
Cet amendement vise à corriger une anomalie fiscale : les indemnités journalières versées en cas d'accident du travail ne sont pas toutes soumises à l'impôt sur le revenu, alors que l'indemnisation des arrêts de maladie et celle des congés maternité le sont. Par ailleurs, quand un fonctionnaire de l'État, des collectivités locales ou des hôpitaux a un accident du travail, son revenu de remplacement est fiscalisé. Les indemnités de remplacement que perçoit un travailleur indépendant victime d'un accident du travail sont également fiscalisées.
En cas d'accident du travail, donc, seuls les revenus de substitution des salariés du privé échappent à l'impôt sur le revenu. Il nous paraît nécessaire de corriger cette anomalie. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Cette question revient systématiquement depuis cinq ans en commission mixte paritaire, à l'initiative de nos collègues sénateurs qui votent chaque année ce dispositif de prise en compte des indemnités journalières d'accidents du travail. La commission mixte paritaire a jusqu'à présent différé le vote d'une telle mesure.
Nous entendons préciser très clairement qu'il s'agit de fiscaliser la seule fraction correspondant au revenu de substitution. Bien évidemment, les rentes liées à des séquelles d'accident du travail ne seront pas fiscalisées, non plus que les revenus liés à de longues maladies professionnelles qui empêchent de travailler.
À l'initiative de notre collègue Marie-Anne Montchamp, nous avons adopté en commission un sous-amendement emblématique de la logique que nous défendons. En effet, le revenu de remplacement pour congé de maladie ou de maternité atteint 50 % du revenu antérieur. Or, pour les accidents du travail, ce taux atteint 60 %. Aussi avons-nous estimé que cette différence de dix points constitue l'indemnisation du préjudice et qu'il ne serait donc pas normal de la fiscaliser. Il s'agit, par conséquent, de fiscaliser la seule partie correspondant au revenu de remplacement et non celle correspondant à la correction du préjudice. Ce principe vaut exactement dans les mêmes conditions pour les fonctionnaires des trois fonctions publiques et pour l'ensemble des travailleurs indépendants.
Il s'agit d'une proposition équitable,…
…puisque parfaitement proportionnée. C'est pourquoi cet amendement, dans sa version sous-amendée à l'initiative de Mme Montchamp, a été adopté par la commission.
La parole est à M. Jérôme Cahuzac, pour soutenir le sous-amendement n° 360 .
Monsieur le rapporteur général, il est difficile de rester insensible aux arguments d'équité, même si nous avons appris à nous méfier d'amendements reposant prétendument sur ce principe, tel celui-ci dont l'une des conséquences sera de générer un surplus de recettes de 150 millions d'euros.
Ou bien l'amendement repose sur un principe d'équité et, dans ces conditions, il vaut d'être examiné plus avant ; ou bien il s'agit d'une disposition permettant seulement d'augmenter les ressources de la puissance publique et, dans ce cas, nous pouvons également avoir un débat intéressant.
En ce qui concerne l'équité, il ne nous semble pas que la priorité soit de fiscaliser les indemnités journalières des accidentés du travail, dès lors que, les débats récents l'ont montré, il existe, y compris en termes de rendement pour le Trésor public, des mesures plus urgentes à prendre.
M. Copé, qui vient de nous rejoindre, avait naguère accepté au Sénat, en qualité de ministre du budget, un amendement dont le coût, sur deux ans, est de plus de 20 milliards d'euros. Nous ne comprenons pas bien qu'un tel amendement ait pu être accepté sans le moindre garde-fou. Car s'il est vrai que des dispositions de cette nature existent dans d'autres pays, ces derniers ont pris la précaution d'instaurer des garde-fous – j'utilise ce terme à dessein –, de façon que les recettes de l'État n'en souffrent pas exagérément.
La disposition en question a d'ailleurs été adoptée dans d'étranges conditions, puisqu'il a suffi de deux ou trois minutes au Sénat pour l'adopter alors qu'elle nous coûte, j'y insiste, plus de 20 milliards d'euros sur deux ans. Il s'agit d'un rendement tout à fait exceptionnel et remarquable, auquel sont parvenus le Sénat et le ministre du budget de l'époque, Jean-François Copé, grâce à une coproduction législative avant la lettre.
S'il s'agit vraiment d'une question d'équité, la fiscalisation des indemnités journalières des accidentés du travail ne nous paraît pas le sujet prioritaire à traiter. Et, après tout, si le dogme TEPA vous interdit de toucher – en tout cas pour l'instant – au bouclier fiscal, je vous suggère de vous intéresser plutôt à cette super-niche fiscale de plus de 20 milliards d'euros qui explique non pas totalement – la crise y est certes pour beaucoup – mais en partie l'effondrement des recettes de l'impôt sur les sociétés constaté cette année.
Il nous semble par ailleurs que l'amendement adopté à l'initiative du rapporteur général ne concerne pas que les indemnités journalières de courte durée, mais également de longue durée. Je demande donc au rapporteur général et au ministre si, par exemple, les salariés intoxiqués par l'amiante, et qui sont incontestablement en maladie professionnelle de longue durée, verront aussi leurs indemnités journalières soumises à l'impôt.
Je pose à dessein cette question, car nous savons quelle fut la responsabilité de l'État dans le maintien de l'utilisation de ce produit dont on savait scientifiquement depuis des dizaines d'années qu'il était toxique. On sait aussi que les gouvernements successifs puis l'État ont décidé de corriger ces erreurs.
Il nous semble, pour toutes ces raisons, que cet amendement mérite réflexion plutôt que d'être adopté dans l'enthousiasme du groupe UMP. La coproduction législative eût en tout cas été plus profitable pour le débat sur la taxe professionnelle.
Laissez-moi par conséquent, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, monsieur Copé, vous poser une question relative aux intoxiqués par l'amiante, qui souffrent de plaques pleurales, de mésothéliomes, d'une pathologie abominable pour ceux qui ont pu la voir de près : leurs indemnités journalières – qui ne correspondent d'ailleurs qu'à 60 % de leur salaire antérieur –, seront-elles fiscalisées ? J'ignore si vous avez la réponse car j'ignore si vous y aviez pensé.
J'ai une deuxième question à propos d'un cas qui fait l'objet de notre sous-amendement, et dont j'ignore s'il pourrait se présenter. Mais, après tout, puisque nous faisons la loi, essayons d'avoir une réflexion aussi complète que possible. Supposons qu'un de nos concitoyens éligible au bouclier fiscal soit victime d'un accident du travail – en théorie, rien ne l'interdit. Il recevra des indemnités journalières que l'amendement du groupe UMP, à l'initiative de Jean-François Copé, prévoit de fiscaliser. Dès lors, je vous pose la question, monsieur le ministre : cette personne, éligible au bouclier fiscal, recevant des indemnités journalières au titre d'un accident du travail, sera-t-elle fiscalisée, ou bien le bouclier fiscal la protégera-t-il de cette fiscalisation que d'autres subiront, notamment les victimes de l'amiante ?
Avis défavorable. Le cas soulevé par M. Cahuzac est tout à fait théorique. Qu'un travailleur reçoive son bouclier fiscal sur la tête et s'en trouve accidenté me paraît peu probable. (Rires sur de nombreux bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
S'il s'agit d'un accident du travail qui donne lieu à une indemnisation dépassant vingt-huit jours, soit un revenu de remplacement supérieur à un mois,…
…on passe de 60 % à 80 % du salaire. Or, compte tenu du sous-amendement de Mme Montchamp, la fiscalisation ne portera que sur 50 %. De même que nous l'avons fait pour les 10 %, nous reconnaissons qu'au-delà de vingt-huit jours, la fraction correspondant à la réparation de préjudice, portée à 30 %, n'a pas lieu d'être fiscalisée.
Quant aux maladies de l'amiante, ce sont de longues maladies professionnelles ; l'exonération est donc maintenue et il n'y a pas de fiscalisation.
Nous visons exclusivement, je le répète, la fraction représentant le revenu de remplacement, à l'identique de ce qui se passe pour la maladie. C'est pourquoi j'ai employé le mot d'équité tout à l'heure.
Le Gouvernement est favorable à l'amendement présenté par le groupe RPR. (Rires sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
c'est M. Emmanuelli qui m'a perturbé.
Il est vrai que, depuis la réforme de la taxe professionnelle, l'UDF n'existe plus !
Je reprends : l'amendement présenté par le groupe UMP a l'accord du Gouvernement, je l'ai déjà dit à plusieurs reprises. Il est vrai que le sujet prête à caricature et, monsieur Cahuzac, vous n'y êtes pas allé de main morte. Mais il s'agit tout de même d'une niche fiscale. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Tous les sujets doivent être traités. Dans ce domaine, le rapporteur général l'a dit, on ne voit pas pourquoi toutes les indemnités journalières seraient fiscalisées et pas celles-ci. Il s'agit bien d'un revenu de remplacement du travail et, à ce titre, il est naturel qu'il soit fiscalisé. Le sous-amendement de M. Cahuzac est d'ailleurs surprenant, car il n'y a pas de surplus de revenu impliquant un surplus de fiscalité. C'est un revenu de remplacement d'un revenu du travail donnant déjà lieu à fiscalité. Un impôt sera donc perçu, sur un revenu d'ailleurs minoré par rapport au revenu du travail. Il est moins minoré dans le cadre des accidents du travail que dans les autres cas, d'où le sous-amendement de Mme Montchamp.
Je considère donc qu'il s'agit bien d'un revenu de substitution au travail et, comme tout revenu de ce type, il doit être soumis à fiscalisation. Le Gouvernement est donc tout à fait prêt à suivre l'amendement du groupe UMP.
Monsieur le rapporteur général, en la matière, utiliser le mot d'équité est une provocation, sachant qu'il existe dans notre pays, M. le ministre vient d'y faire allusion, des niches fiscales représentant quelque 73 milliards d'euros. Que l'UMP, ex-RPR comme l'a rappelé M. le ministre, se consacre en priorité à fiscaliser les accidents du travail en dit long sur l'état d'esprit qui vous anime !
Je ne sais pas pour quelle raison vous avez choisi cette forme de provocation, je vous l'ai dit en privé, monsieur le ministre, et je vous le redis en public. Ce ne sont pas les 150 millions d'euros à attendre de la mesure qui vont colmater la brèche des finances publiques. En revanche, c'est un signal extrêmement dur que vous envoyez à toutes celles et tous ceux qui, je vous le rappelle, sont qualifiés jusqu'à nouvel ordre par la terminologie légale de victimes d'accident du travail.
Vous prétendez être très attentifs aux victimes, mais vous ne les placez pas toutes sur le même plan puisque vous considérez que ce qui arrive aux victimes d'accidents du travail est normal. Monsieur le rapporteur général, vous avez oublié de rappeler que le revenu de substitution est de l'ordre du 60 % du salaire. Pensez-vous que la coupe ne soit pas assez pleine qu'il faille y rajouter la fiscalisation ?
Avec 73 milliards d'euros de niches fiscales, votre priorité, c'est la fiscalisation des accidents du travail ! Nos comptes sociaux sont en déficit de près de 30 milliards ; ce que constatant, l'un des vôtres, M. Warsmann, avait proposé d'exclure la CRDS du bouclier fiscal. Or ce dernier, M. le rapporteur général vient de nous le rappeler, ne concerne pas les travailleurs. D'ailleurs, l'idée qu'un bénéficiaire du bouclier fiscal puisse travailler vous fait rire. Moi, je pensais, au contraire, que la loi TEPA était censée favoriser le travail, monsieur le ministre. Résultat : quand on évoque le bouclier fiscal, c'est une franche hilarité sur vos bancs, car vous savez parfaitement qu'il concerne des gens qui vivent de leurs rentes et qui ne travaillent pas.
Je vous le dis comme je le pense : c'est une provocation stupide et intolérable. Que vous vous la permettiez dans les temps que nous vivons, avec les finances publiques que nous avons, m'étonne. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Mes chers collègues, le sujet étant important, je vais élargir le temps du débat au-delà de ce que prévoit le règlement pour permettre à un grand nombre d'entre vous d'intervenir.
La parole est à Mme Martine Billard.
Monsieur le ministre, vous ne voyez pas pourquoi toutes les indemnités journalières seraient fiscalisées et pas celles-ci. Quant au rapporteur général, il a parlé d'anomalie fiscale, d'équité. Eh bien, la raison pour laquelle ces indemnités n'ont pas à être fiscalisées, c'est tout simplement qu'elles sont perçues par des victimes d'accident du travail.
Un petit rappel s'impose puisque certains semblent l'avoir oublié : dans l'entreprise, le salarié est subordonné à son employeur. Du fait de ce lien de subordination, il n'est pas responsable de l'accident du travail ; c'est l'entreprise qui l'est. Non seulement il est normal qu'il ait un revenu de remplacement, mais il serait plus juste socialement – même si la justice sociale est désormais considérée comme un gros mot sur les bancs de la droite – qu'il conserve son salaire, intégralement payé par l'entreprise. Malheureusement, ce n'est pas le cas et il doit se contenter d'un revenu de remplacement.
Dans ces conditions, puisque l'accident est lié au travail, à l'entreprise, il serait équitable, dès lors que le salarié perçoit un revenu de remplacement de son salaire, que ce revenu ne soit pas fiscalisé. Cela n'a rien à voir avec les indemnités journalières pour maladie ou maternité.
Enfin, il ne faut pas oublier que la réparation du préjudice subi par un accidenté du travail est moindre que celle perçue pour un accident hors champ du travail, notamment un accident de la route. Non seulement le salarié est victime d'un accident du travail dont il n'est pas responsable, mais il perd une partie de son salaire et est moins indemnisé pour le préjudice subi que pour n'importe quel autre accident hors de l'entreprise ! Je dirais plutôt qu'il y a un manque d'équité au détriment des salariés des entreprises privées.
Les fonctionnaires, eux, restent payés. Si leur salaire est fiscalisé, au moins le touchent-ils intégralement pendant un certain temps. Quant à la prétendue couverture de tous les salariés par des accords de branche, ce n'est pas vrai. Il reste encore des salariés non couverts, comme ceux qui travaillent dans la sphère des services à la personne. En cas d'accident du travail, ils ne sont pas indemnisés pour l'intégralité de leurs absences.
Voilà pourquoi ce que vous proposez n'est pas du tout une mesure d'équité sociale mais, au contraire, d'injustice sociale. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)
Je voudrais compléter ce qui a été excellemment rappelé par le rapporteur général. À mon tour, je voudrais dire, même si cela choque M. Emmanuelli – qui, de toute façon, est systématiquement choqué à chaque fois que nous ouvrons la bouche…
Je suis d'ailleurs étonné : contrairement à son habitude, nous n'avons pas eu droit aux injures. Quelle chance ! C'est un bon après-midi !
Comme Gilles Carrez, je pense que c'est un rendez-vous d'équité. (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Cette proposition n'est pas tombée du ciel, elle résulte d'un certain nombre de suggestions et de recommandations qui nous ont été faites par plusieurs de nos concitoyens, lors des états généraux de la dépense publique que nous avons organisés dans les circonscriptions.
En particulier, une dame nous a dit que son mari, à l'occasion d'une activité de jardinage le dimanche matin,…
Arrêtez avec le 16e ! Quand vous aurez compris qu'il n'y a pas les méchants riches et les bons pauvres, que la France est un tout et qu'elle a besoin de chacun de ses enfants, on aura progressé, et vous aussi ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)
Donc, la dame nous disait que son mari, qui s'était fait une entorse en jardinant le dimanche, avait eu deux semaines de congé de maladie sur lesquels il payait des impôts, tandis que son collègue de bureau, qui s'était fait la même entorse au cours de son trajet vers son lieu de travail, avait été arrêté deux semaines et ne payait pas d'impôts sur ses indemnités. Voilà un rendez-vous d'équité. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Nous avons pensé, comme le rappelait le rapporteur général, que, puisque c'était le seul revenu de remplacement qui ne donnait pas lieu à impôt sur le revenu, il fallait rétablir l'équilibre. Il ne s'agit en aucun cas de fiscaliser le préjudice – je m'y étais d'ailleurs opposé en tant que ministre du budget lorsque le sénateur Jégou avait proposé un amendement en ce sens. Nous ne fiscalisons que le revenu de remplacement.
J'ajoute, pour être tout à fait complet, que nous avons veillé, dans le cadre de cette loi de finances, à nous occuper d'autres niches fiscales, comme nous l'avions d'ailleurs fait l'année dernière.
Il y a quelques jours, nous avons supprimé l'avantage fiscal lié au droit à l'image des sportifs de haut niveau, dont les revenus sont extrêmement importants.
Nous n'avons pas fait une fixation sur un sujet plutôt que sur un autre. Il s'agit bien, à chaque fois, de rendez-vous d'équité.
Pour finir, je veux dire ici à mon tour que, grâce aux accords de branche et dans de très nombreuses entreprises, des dispositifs existent qui permettent une indemnisation de remplacement égale à 100 % du revenu pour les accidentés du travail. Cela doit nous inciter à faire en sorte que les secteurs non encore couverts le soient demain.
Comprenez qu'il y aurait une incohérence à laisser…
…celui qui travaille, celui qui est en de congé maladie, celui qui est au chômage payer des impôts, alors que celui qui a eu un accident du travail – encore une fois, sur une courte durée – n'en paie pas. Il y a là un rendez-vous d'équité que le courage politique impose d'honorer. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Puisque c'est une question de courage politique, je comprends que M. Emmanuelli ne puisse pas être à ce rendez-vous. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Une grande lâcheté, oui !
Monsieur le président, je demande la parole pour un fait personnel.
Vous l'aurez en fin de séance ainsi que le prévoit le règlement, monsieur Emmanuelli.
La parole est à M. Christian Eckert.
Il est des moments où l'on pourrait presque se réjouir de voir ses adversaires commettre une faute politique, s'il n'y avait, derrière cette faute, des femmes et des hommes victimes dont vous allez aggraver la situation. En 2007, 622 salariés ont péri dans un accident du travail, on a dénombré 720 150 accidents du travail avec arrêt, plus de 35 millions de journées d'indemnisation, et un peu plus de 46 000 accidents ont entraîné une incapacité permanente. Ce sont donc bien, mes chers collègues, des victimes.
Le Conseil économique, social et environnemental, consulté par le président de l'Assemblée, s'est montré défavorable à cette mesure. La FNATH s'y est montrée hostile. Vous nous répondez, mes chers collègues, qu'il s'agit d'équité, considérant que tout revenu du travail, même si c'est un revenu de substitution suite à un accident, doit être taxé. Que pensez-vous des heures supplémentaires, mes chers collègues ? Elles représentent 2 milliards d'euros de manque à gagner au titre des recettes fiscales !
Et vous mettez le feu au pays pour 150 millions, mesure qui touchera une minorité de personnes, qui sont des victimes ! Vous devriez avoir honte de ce type de décision !
Nous assumons, quant à nous, notre opposition farouche à une telle mesure ! Vous nous parlez d'équité, alors que deux milliards d'heures supplémentaires sont défiscalisés et que vous allez taxer à hauteur de 150 millions les victimes d'accidents du travail ! Vous aurez à l'assumer, et nous pourrions nous en réjouir s'il n'y avait, derrière cela, des gens qui perdent des revenus ! Vous l'avez dit vous-mêmes, les accidents du travail sont indemnisés à 60 % les vingt-huit premiers jours. Je le répète, vous devriez avoir honte de prendre ce type de mesure ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
J'ai écouté le rapporteur général avec beaucoup d'attention. Il ne m'a cependant pas convaincu. Le groupe Nouveau Centre ne sera donc pas favorable à cette mesure.
J'ai lu le sous-amendement présenté par Mme Marie-Anne Montchamp, qui présente une vraie avancée, toutefois insuffisante, à mes yeux. En effet, pour la première fois, une distinction est faite entre la réparation et le revenu de remplacement. Vous savez, monsieur le ministre, que le groupe Nouveau Centre a toujours été présent, dès la première heure, lors du débat sur les niches fiscales. Vous avez vous-même répondu dans cet hémicycle, voici quelques semaines, qu'il ne fallait pas traiter les niches fiscales une par une, mais qu'une approche globale était nécessaire, et qu'une évaluation serait faite au début de l'année prochaine.
S'agissant de la taxation des indemnités du travail, cette niche fiscale de 150 millions d'euros est, certes, peu volumineuse. Mais est-ce, mes chers collègues, une niche fiscale volontaire ? Non !
Je voudrais faire ce distinguo : une personne qui a eu un accident du travail, n'a pas, que je sache, essayé de chercher comment minorer son revenu imposable pour payer moins d'impôts. Elle a eu un accident sur son lieu de travail, donnant lieu à une compensation.
Monsieur le ministre, le groupe Nouveau Centre, suivant en cela vos propos de sagesse, considère qu'il ne convient pas de s'attaquer à une seule niche fiscale, mais, au contraire, d'avoir une approche globale. Vous souvenez d'ailleurs très bien que nous vous avons fait des propositions à hauteur d'un peu plus de 3,5 milliards d'euros sur les 73 milliards évoqués par M. Emmanuelli. Je crois qu'il s'agissait d'une avancée importante.
Puisqu'on parle d'équité, n'oublions pas, tout d'abord, que ces indemnités sont, en général, versées aux salariés les plus modestes. Mais, plus encore, il conviendrait de s'interroger sur le système actuel d'indemnisation, qui n'est pas le même selon qu'il est prononcé par les tribunaux civils ou qu'il relève de l'assurance maladie. Il ne faut pas aggraver par voie fiscale cette différence d'indemnisation.
C'est, à mon sens, un mauvais signal, surtout au moment où notre pays traverse une crise difficile et alors que nous allons, dans les prochaines semaines, débattre avec les partenaires sociaux, notamment sur la pénibilité du travail.
Pour toutes ces raisons, il ne faut pas aller dans cette voie. Le ministre et le rapporteur général veulent procéder à une mise à plat totale des niches fiscales. Nous devons avoir un véritable débat général, au lieu de nous limiter à une seule niche qui, je le rappelle, est involontaire et concerne des personnes qui ont droit à réparation.
Je veux, à mon tour, souligner ce qu'il y a d'abusif à présenter le système actuel comme une niche fiscale. Une niche fiscale, nous le savons bien à la commission des finances, est un processus volontaire, qui est le fait soit d'un contribuable, soit d'une entreprise, et dans lequel la puissance publique peut parfois trouver, d'ailleurs, son intérêt.
Parler de niche fiscale à propos de la situation qui, tant que le Parlement n'en aura pas décidé autrement, prévaut, est totalement abusif. L'objectif poursuivi est de faire passer une mesure injuste pour une mesure d'équité. Nous ne sommes absolument pas convaincus par cette assimilation que, tout comme nos collègues du groupe Nouveau Centre, nous trouvons absolument excessive.
J'ai été sensible, sinon à la forme, en tout cas au fond de certains propos de M. Copé, notamment lorsqu'il a évoqué les états généraux de l'UMP sur la dépense publique. J'ignorais que, lors de ces états généraux, la fiscalisation des indemnités journalières des accidents du travail avait été évoquée. Mais, après tout, les partis politiques sont là pour jouer un rôle plein et entier dans notre démocratie. Il est bon qu'avant les échéances électorales qui s'annoncent pour ces prochaines années, nos concitoyens sachent que ce dont nous débattons émane directement de l'UMP ! Je pense que M. Copé manifeste une vraie loyauté en rendant, d'une certaine façon, hommage à ce parti et, donc, à son secrétaire général.
Je ne pense pas que nous aurions imaginé fiscaliser ainsi les indemnités journalières des accidents du travail. Je vous rappelle, mon cher collègue, que, lors des états généraux de l'UMP auxquels vous avez sûrement participé, les deux mesures les plus plébiscitées étaient la suppression du Sénat et l'indexation de la rémunération des élus sur leur capacité à réduire le déficit. (Rires sur les bancs du groupe SRC.) Quand on sait comment sont conduites les affaires publiques et dans quel état vous êtes en train de mettre nos finances, on comprend pourquoi, si vous hésitez à supprimer le Sénat, vous n'avez pas retenu la suggestion d'indexer la rémunération des élus sur leur capacité à réduire le déficit ! Donc, s'il est finalement sain que vous rappeliez, dans cette enceinte, ce que sont les propositions d'un grand parti politique tel que le vôtre, je trouve regrettable que vous passiez sous silence les deux mesures plébiscitées par vos militants et que, peut-être, vous devriez suivre ! Cela inciterait le gouvernement que vous soutenez à être un peu plus précautionneux en matière de dépense publique, et notamment de dépense fiscale !
Notre collègue Eckert a rappelé, tout à l'heure, la position du Conseil économique et social sollicité par le président de notre Assemblée. Sa conclusion est dénuée de toute ambiguïté. Le Conseil économique et social nous alerte collectivement, mes chers collègues, sur le risque que cette mesure fait peser sur le climat social dans notre pays. Nous savons ce qu'il en est de la crise économique et sociale. Nous savons que, lorsque la reprise sera là, et nous l'espérons tous rapide, des demandes fortes interviendront, notamment de la part des salariés. Adopter une telle mesure et faire ainsi peser sur cette reprise, donc sur la demande sociale, un climat aussi lourd, aussi inéquitable, car il sera perçu comme tel, ne nous paraît pas être de bonne politique !
Enfin, il est vrai que nous avons pu, à l'occasion, mêler nos voix à certaines des vôtres, par exemple sur le droit collectif à l'image. Comme vous, en effet, nous avons pensé qu'il fallait mettre un terme à certains excès. Mais depuis 2002, mes chers collègues, vous avez voté 23 milliards d'euros de dépenses fiscales ! N'espérez tout de même pas vous exonérer de toute responsabilité dans la dérive des comptes publics parce que vous récupérez 30 millions sur le droit collectif à l'image et 150 millions auprès de victimes – car ce sont bien des victimes, comme l'a très bien dit Christian Eckert – qui n'ont évidemment pas choisi de toucher ces indemnités journalières. Il est infiniment regrettable, à un moment où notre pays aurait, au contraire, besoin de solidarité et d'élan, que notre assemblée s'apprête à adopter cette mesure parfaitement « clivante » à l'initiative du groupe UMP et de son président !
Sur le vote de l'amendement n° 172 , je suis saisi par le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et par le groupe Nouveau Centre d'une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à Mme Marie-Anne Montchamp.
Mes chers collègues, si vous me le permettez, je vous dirai qu'il ne faut pas se tromper de combat. En proposant, par cet amendement de la commission des finances, d'appliquer le principe de fiscalisation à l'ensemble des revenus de remplacement, nous ne faisons rien d'autre – précisément parce que nous isolons la part correspondant à la réparation du préjudice – que voter une mesure lisible et claire qui pourra nous être très utile, demain, en matière de fiscalité lorsque nous devrons nous interroger sur les revenus dans notre pays.
Cela dit, les combats à mener me semblent être désormais celui de la réparation et celui de la responsabilité de l'employeur. Si nous voulons véritablement entrer dans la logique de la FNATH, telle qu'elle apparaît dans le courrier qu'elle nous a adressé, préparons-nous à nous interroger sur ce que sont les accidents du travail dans notre pays. Poser la question de la réparation implique de distinguer les accidents de trajet, les accidents liés à une faute professionnelle, ceux liés à une mauvaise organisation du travail, ceux liés à des comportements managériaux inadmissibles au travail. Nous ferons alors oeuvre utile pour nos compatriotes concernés par les accidents du travail ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)
D'une certaine façon, l'intervention de Marie-Anne Montchamp montre qu'il ne faut pas se précipiter pour prendre une décision.
Ce n'est pas la première fois que ce débat a lieu devant notre assemblée. « Personne ne comprendrait que l'on engage la fiscalisation des victimes d'accidents du travail. » « Comprenez mon hésitation, il s'agit d'accidents du travail. » « Cet amendement n'a pas fait l'objet d'une concertation avec les partenaires sociaux. » Qui s'exprimait ainsi ? Jean-François Copé, ministre du budget !
Non, pas à cela !
Vous étiez, à l'époque, extrêmement dubitatif et plutôt défavorable, et vous aviez souhaité qu'il y ait une évaluation et une concertation. Y a-t-il eu évaluation ?
Une rencontre, dans le cadre d'états généraux d'un parti politique, peut-elle être qualifiée d'évaluation ?
Je ne le crois pas. Y a-t-il eu concertation avec les partenaires sociaux, avec les associations concernées ? Non ! Et l'avis du Conseil économique et social en est une illustration, puisque, toutes sensibilités confondues, il a été unanime à considérer qu'il ne fallait pas prendre, au moins en l'état, ce type de décision.
Il a dit que c'était pertinent ! Vous le savez très bien ! Arrêtez de déformer les propos !
Il répondait, en cela, à une demande d'avis du président de l'Assemblée nationale qui est, certes, député, mais qui est aussi médecin. Il a vraisemblablement pu constater, sur le terrain, un certain nombre de situations, comprendre combien elles étaient sensibles et méritaient autre chose qu'une décision précipitée.
Que dit Gérard Dériot, sénateur apparenté au groupe UMP, et qui, en tant que rapporteur du projet de loi de financement de la sécurité sociale, suit ce dossier ? « Faut-il fiscaliser les indemnités journalières ? », s'interroge-t-il. Et de répondre : « L'idée de soumettre à l'impôt sur le revenu les indemnités journalières perçues au titre d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle repose sur une analogie que l'on peut qualifier de trompeuse… Il paraît donc contraire à la nature des indemnités versées au titre de la branche AT-MP qu'elles soient soumises à l'impôt sur le revenu, à l'inverse des autres prestations de sécurité sociale. »
Ce que conseille surtout M. Dériot, c'est qu'il y ait une réflexion, une étude préalable et une concertation. C'est d'ailleurs ce que vous avez demandé à travers la révision de la Constitution : que toute proposition du Gouvernement soit précédée d'une étude d'impact et d'une concertation avec les organisations syndicales, les partenaires sociaux. Passer par un amendement vous permet de faire l'impasse sur cette concertation.
Vos propres arguments pourraient nous amener à conclure que cette proposition est précipitée et mériterait pour le moins la création d'un groupe de travail comme celui que proposait tout à l'heure le rapporteur général pour un sujet aussi délicat, le logement. Comme l'a dit le président Copé, il s'agit tout de même d'accidents du travail…
Cette mesure est hautement symbolique. Le rapporteur général sait très souvent trouver les mots justes mais, cette fois-ci, considérer la situation d'aujourd'hui comme une anomalie fiscale…
Vous ne faites que cela depuis tout à l'heure. On vous préfère en d'autres circonstances !
Vous êtes le président de la commission des finances, pas le représentant du groupe socialiste !
Je donne mon point de vue. Il se trouve que l'élu socialiste que je suis, parce que le Président de la République l'a voulu, est président de la commission des finances. Ce qui me donne une certaine capacité à entrer dans les dossiers, à prendre peut-être un peu de recul et de hauteur,…
…à voir les arguments avancés par les uns et par les autres pour essayer de proposer de temps en temps une synthèse.
Non, je ne crois pas que l'on puisse qualifier la situation actuelle d'anomalie. Ou alors, il va falloir nous attaquer à un grand nombre d'autres anomalies !
Les heures supplémentaires notamment, qui coûtent plus de 2 milliards d'euros, sont, elles, défiscalisées. Elles ne sont soumises ni à cotisations sociales ni à imposition sur le revenu alors même que ce sont des revenus du travail. Si l'on suit le raisonnement du rapporteur général, selon lequel il est inconcevable qu'un revenu de remplacement du revenu du travail soit exonéré de toute imposition ou de toute cotisation, allons jusqu'au bout. Il y a d'autres exonérations dont la suppression rapporterait davantage, sans pénaliser des gens victimes d'un accident du travail.
Je ne veux pas être plus long, mais je ne suis pas sûr que nous fassions oeuvre utile en adoptant de façon aussi précipitée et aussi injuste une telle proposition. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Je voudrais ajouter trois observations.
Je vous rappelle, monsieur Migaud, que cette idée remonte à une dizaine années : c'est M. Jégou qui, le premier, l'avait proposée. Cela fait dix ans que nous étudions et reportons ce dossier. Ne parlons donc pas de précipitation…
Monsieur Vigier, ma première réaction avait certes été négative,…
…mais les salariés les plus modestes ne sont pas partie prenante. N'oublions tout de même pas que 55 % des familles ne paient aucun impôt sur le revenu.
Enfin, monsieur le président de la commission des finances, la mesure la plus importante de ces dernières années est celle qui permet aux 600 000 salariés ayant commencé à travailler très tôt de partir à la retraite avant soixante ans, parce que ce sont eux qui avaient la durée d'activité la plus longue, les retraites les plus petites et l'espérance de vie la plus faible.
Comme vous vous placez sur le plan de l'équité sociale, j'estime qu'il y a des mesures beaucoup plus importantes ; et traiter les revenus de remplacement de la même façon, qu'il s'agisse de la maladie, de la famille, ou des accidents du travail, ne me paraît pas inéquitable. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Il s'agit bien d'équité (Protestations sur les bancs des groupes SRC et GDR)…
…et j'ai été choqué par les termes que vous avez employés à gauche. Il est facile de transformer un débat en contrevérités et de tromper les gens ; il est souvent plus difficile de prendre des mesures courageuses, c'est le moins que l'on puisse dire, et l'on s'en aperçoit tous les jours dans le domaine politique.
Oui, il s'agit bien de revenus de remplacement et pas d'autre chose. Les rentes qui compensent un préjudice durable, médicalement prouvé, ne sont évidemment pas fiscalisées.
Ils le savent très bien, M. Migaud aussi. C'est du misérabilisme pour pas cher !
Ce qui est fiscalisé, c'est le revenu de remplacement. Pourquoi ne le serait-il pas ? C'est la seule question que l'on devrait se poser. Pourquoi le revenu d'une personne en arrêt maladie, qui ne l'a pas davantage souhaité, est-il fiscalisé alors que d'autres ne le seraient pas ?
Pourquoi le revenu des fonctionnaires victimes d'un accident du travail serait-il fiscalisé alors que celui des salariés de droit privé ne l'est pas ? Je rappelle que, contrairement à ce que vous affirmez, les fonctionnaires ne touchent pas l'intégralité de leur salaire, mais seulement leur traitement hors primes.
Ce torrent de démagogie qui s'abat sur l'Assemblée nationale est insupportable.
Nous devons combattre les niches fiscales là où elles sont, avec équité, et c'est ce que nous faisons. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
L'équité, on vous l'a expliqué, monsieur le ministre, n'est pas présente dans ce débat.
Il y a un élément dont personne n'a encore parlé : la multiplication des heures supplémentaires a entraîné, à croire le Conseil économique et social, un accroissement du nombre d'accidents du travail. Voilà une donnée que je vous laisse mettre en perspective...
Mais, surtout, alors qu'il y a 73 milliards d'euros de niches fiscales, ne venez pas nous parler d'équité lorsque vous vous en prenez à des gens qui sont des victimes ! J'ignorais du reste, et je dis cela pour le président du groupe UMP, que le courage consistait à s'attaquer aux victimes d'un accident, tout en protégeant les mieux nantis par le biais du bouclier fiscal.
C'est le général en chef de la démagogie ! Mais il était déjà comme ça quand il était petit !
Je pensais que le courage, c'était de s'attaquer aux forts et de respecter les faibles, et ce n'est pas la peine de crier, monsieur Copé. Je pense que, depuis très longtemps dans ce pays, c'est cela, la définition du courage, et non l'inverse !
Enfin, pour ce qui est de mon éducation, puisqu'elle semble vous poser problème,…
…il y a ceux qui ont été bien élevés, ceux qui ont été mal élevés, ceux qui n'ont pas été élevés du tout – ce doit être mon cas –, et ceux qui ne s'élèveront jamais : je crains que ce ne soit le vôtre. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur de nombreux bancs du groupe GDR.)
J'ai eu l'occasion d'exprimer un certain nombre de réserves sur cette disposition. Le sous-amendement proposé en commission des finances par Marie-Anne Montchamp, en permettant d'identifier la part représentant les revenus de substitution et celle représentant les indemnités du préjudice, qui, elle, n'est pas fiscalisée, rend le dispositif acceptable. Reste toutefois posé un problème, qui vraisemblablement devra faire l'objet de négociations de branche par la suite.
Le secteur du bâtiment et des travaux publics est, on le sait, plus touché que les autres par les accidents du travail. Les revenus des salariés y sont souvent consolidés par un grand nombre d'heures supplémentaires, qui tient à la saisonnalité de l'activité : à certaines périodes de l'année, on ne peut pas travailler à cause des intempéries ; à d'autres, on travaille davantage. Le revenu de substitution ne prend pas en compte les heures supplémentaires et le fait que l'indemnité ne soit pas fiscalisée représentait en quelque sorte une contrepartie.
Il y a donc lieu de voir, dans un certain nombre de branches professionnelles, par des accords de branche, comment moduler la répartition entre la part représentant la couverture du préjudice et celle représentant les revenus de substitution, de manière à prendre en compte cette particularité.
Cela étant, je le répète, le sous-amendement adopté à l'initiative de Marie-Anne Montchamp rend le dispositif acceptable.
(Le sous-amendement n° 360 n'est pas adopté.)
Mes chers collègues, je n'apprécie pas que l'on mette en cause la présidence. Sur une question aussi importante, j'assume pleinement le fait de laisser le débat se dérouler, et ce n'est pas la première fois.
J'ai la liste de tous ceux qui se sont exprimés, et je puis vous assurer que le temps de parole a été équitablement réparti.
Nous allons maintenant procéder au scrutin public sur l'amendement n° 172 .
(Il est procédé au scrutin.)
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 82
Nombre de suffrages exprimés 82
Majorité absolue 42
Pour l'adoption 57
Contre 25
(L'amendement n° 172 est adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 229 .
La parole est à M. Jérôme Cahuzac.
Après l'examen de cet amendement, monsieur le président, je vous demanderai une suspension de séance de dix minutes.
L'amendement n° 229 vise à exempter de l'impôt sur le revenu les indemnités de départ volontaire versées aux fonctionnaires du ministère de la défense qui quittent la fonction publique dans le cadre de la RGPP.
Cette mesure est une simple extension de la mesure de défiscalisation prise par la loi de finances pour 2009, qui prévoit l'exemption de l'impôt sur le revenu pour les indemnités de départ volontaire versées aux ouvriers de l'État qui quittent le ministère de la défense. Pour reprendre la terminologie de M. Woerth et de nos collègues de l'UMP, il s'agit d'une simple mesure d'équité.
(L'amendement n° 229 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Après l'article 45
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures quarante-cinq, est reprise à dix-huit heures cinq.)
Cet amendement arrive à point nommé : la majorité affirme vouloir s'attaquer aux niches fiscales et aux niches sociales ; nous lui proposons de supprimer précisément une niche très importante, à la fois sociale et fiscale, puisqu'il s'agit de faire revenir dans le droit commun le régime applicable aux heures supplémentaires, qui coûte près de 4 milliards d'euros au budget de l'État et à celui de la sécurité sociale.
M. Copé a inventé le nouveau courage politique en s'attaquant aux victimes d'accidents du travail. Nous proposons, par cet amendement, de réparer une erreur particulièrement néfaste en période de crise, puisque la multiplication des heures supplémentaires contribue non seulement à l'aggravation du chômage, mais aussi – Henri Emmanuelli l'a évoqué à l'instant – à l'augmentation du nombre des accidents du travail, l'allongement de la durée de travail étant facteur d'insécurité. Nous offrons donc à la majorité l'occasion de se rattraper, en récupérant, non pas 150 millions d'euros aux dépens des victimes, mais près de 4 milliards !
(L'amendement n° 325 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 349 .
La parole est à M. Dominique Baert.
Tout à l'heure, on a beaucoup parlé d'équité fiscale, à bien mauvais escient. Nous proposons quant à nous une véritable mesure de justice fiscale, puisqu'il s'agit de reprendre la proposition n° 8 du rapport d'information de la commission des finances relatif aux dépenses fiscales, qui a mis en évidence le problème posé par les niches fiscales non plafonnées.
L'amendement n° 349 tend ainsi à subordonner le bénéfice de l'avantage fiscal du régime relatif aux immeubles classés monuments historiques à l'engagement de maintenir l'ouverture au public de l'immeuble pendant dix ans, en excluant du dispositif les immeubles qui ne sont pas ouverts au public et les immeubles nouvellement mis en copropriété. il n'est pas acceptable que certains contribuables puissent annuler leur impôt sur le revenu en faisant jouer différents avantages fiscaux.
(L'amendement n° 349 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 299 .
La parole est à M. Christian Eckert.
Cet amendement tend à revenir à l'ancienne rédaction de l'article 195 du code général des impôts, qui ne posait pas de conditions à l'attribution de la demi-part fiscale aux personnes vivant seules ou ayant élevé seules un enfant. La disposition adoptée par voie d'amendement au Sénat dans le cadre de la loi de finances pour 2009, avait été partiellement rectifiée en commission mixte paritaire, sans que l'ensemble de ses effets ait été véritablement pris en compte.
La perte d'une demi-part pour le calcul des revenus a des effets dramatiques pour nos concitoyens les moins fortunés, y compris lorsqu'ils ont élevé des enfants en couple. Il convient donc, dans un souci de justice fiscale – puisque vous n'avez que ces mots à la bouche –, de revenir sur cette disposition.
(L'amendement n° 299 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 261 .
La parole est à M. Michel Bouvard.
Cet amendement vise à résoudre un des problèmes intervenus lors de la mise en oeuvre du dispositif de défiscalisation applicable aux résidences de tourisme en zone de revitalisation rurale.
En effet, dans le cadre de ce dispositif, le loyer est pris en compte en foncier nu. Toutefois, en cas de reprise suite à une défaillance de l'exploitant, les opérateurs renégocient avec les propriétaires et proposent de plus en plus souvent des baux prévoyant des loyers dont une partie est fixe et l'autre indexée sur le chiffre d'affaires ou le résultat de la résidence. Or la jurisprudence requalifie les revenus issus de ces baux commerciaux indexés en bénéfices industriels et commerciaux. Dès lors, les investisseurs perdent leur avantage fiscal. L'amendement n° 261 vise à remédier à cette situation.
Pour ma part, je n'étais pas défavorable à l'amendement n° 260 …
Comme le rapporteur général l'était, je l'ai retiré, de manière à le retravailler !
Cet amendement a également trait aux résidences de tourisme. En cas de défaillance, la reprise par un gestionnaire se fait souvent à des conditions léonines pour les investisseurs. En outre, il arrive que l'on assiste à plusieurs défaillances successives. Or la situation peut être critique dans une zone où la fréquentation touristique n'est pas suffisamment soutenue. Aussi proposons-nous que, dès lors que plus de 50 % des copropriétaires de la résidence concernée en sont d'accord, ceux-ci puissent s'organiser en association syndicale avec l'appui, le cas échéant, d'une société locale – dans les zones de montagne, il s'agirait le plus souvent de la société de remontée mécanique, qui a tout intérêt à ce que la résidence soit occupée, et donc à faciliter sa commercialisation.
L'amendement n°173 de la commission, tout comme mon amendement n° 274 , poursuit deux buts : permettre aux propriétaires de s'organiser de manière à exploiter eux-mêmes la résidence, dans le cadre d'une exploitation en meublé, et assurer ainsi la neutralité fiscale en évitant le risque de redressement.
La parole est à Mme Annick Girardin, pour soutenir le sous-amendement no 350 .
L'amendement de M. Bouvard ne précise pas la nature juridique de la structure adaptée dans laquelle se regrouperaient les propriétaires. C'est pourquoi notre sous-amendement vise à préciser qu'il s'agirait d'une société par actions simplifiée, terme que nous avons repris dans notre amendement n° 239 .
Défavorable.
(Le sous-amendement n° 350 n'est pas adopté.)
Je souhaite son retrait en faveur de l'amendement n° 274 . À défaut, l'avis serait défavorable.
La parole est à Mme Annick Girardin, pour défendre l'amendement n° 239 .
Les jeux ayant l'air d'être déjà faits, je ne veux pas parler pour rien. Je rappelle simplement que l'amendement no 173 , que j'ai co-signé, avait été adopté par la commission, mais celle-ci a par la suite retenu la rédaction de l'amendement n° 274 déposé par M. Bouvard. Qu'il le défende tout de suite, ce sera plus simple.
Je comprends la réaction de Mme Girardin. Cela étant, je précise que lorsque nous avons examiné ces amendements en commission, nous sommes tous tombés d'accord sur le fait que l'on ne pouvait se satisfaire d'un objet juridique non identifié tel que la notion de structure juridique appropriée. L'amendement n° 274 traite du même objet, mais en prévoyant que les copropriétaires devront représenter plus de la moitié des logements et faire appel à une ou à un ensemble d'entreprises pour se substituer au gestionnaire défaillant de la résidence de tourisme. Le problème étant ainsi régler, l'amendement n° 274 devrait vous donner satisfaction, madame Girardin.
Je me rallie à cet amendement et j'aurais souhaité que l'on ajoute à ma signature celle deJoël Giraud, qui est aussi à l'origine de ce travail.
Je ne vois aucun problème à ce que Mme Girardin co-signe mon amendement, fruit d'un travail collectif que nous avons pu parfaire en commission. C'est pourquoi ma présentation de l'amendement n° 173 vaut tout aussi bien pour l'amendement n° 274 , qui en est la version finalisée. Il va de soi que j'associe à l'aboutissement de cette affaire tous les élus de la montagne, qu'ils soient de droite ou de gauche, qui y ont travaillé dans l'esprit de l'ANEM – le président de la commission des finances est bien placé pour le savoir.
L'amendement n° 274 , co-signé par M. Bouvard et par Mme Girardin, est ainsi rectifié.
Quel est l'avis de la commission ?
Dès lors qu'il comporte la signature de Mme Girardin, je ne peux qu'émettre un avis très favorable. (Sourires.)
Sans vouloir entrer dans les discussions internes à l'Assemblée (Sourires), j'indique que le Gouvernement est favorable à cet amendement qui devrait permettre de régler un problème récurrent en donnant un peu plus de souplesse aux conditions de gestion de ces résidences. En conséquence, je lève le gage.
(L'amendement n° 274 rectifié , modifié par la suppression du gage, est adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 65 .
La parole est à Mme Martine Billard.
L'amendement n° 65 vise à supprimer la réduction d'impôt sur le revenu pour les investissements réalisés dans les départements, territoires et collectivités d'outre-mer, applicable à la location directe de navires de plaisance. Outre le fait que cette disposition représente un manque à gagner assez élevé pour l'État, nous la jugeons, en tant qu'écologistes, contreproductive à une époque où l'on s'efforce de réduire les émissions de gaz à effet de serre. Qui plus est, on ne peut raisonnablement soutenir que la location de navires de plaisance ait un impact significatif sur le développement de l'outre-mer. Il serait intéressant d'envisager de reporter les sommes ainsi économisées sur d'autres dispositifs de développement dans ces territoires.
Défavorable. Cet amendement me donne l'occasion de rappeler que, l'an dernier, la commission des finances a mené un travail approfondi sur la définition, le plafonnement individuel et global des niches fiscales. AvecGaël Yanno, nous avons parfaitement calibré les choses en ce qui concerne l'outre-mer : je vous rappelle, madame Billard, que la réduction d'impôt au titre de l'investissement dans les navires de plaisance est passée de 70 % à 50 %, et que la LODEOM est allée dans le même sens. Je pense donc que le moment est venu de stabiliser les choses.
Même avis que la commission.
Je ne suis pas par principe contre le fait de stabiliser un dispositif, mais l'équité fiscale existe – on en a largement parlé tout à l'heure… À un moment donné, il faut aussi savoir orienter un dispositif vers ce qui contribue le plus à l'équité fiscale. Les sommes ainsi économisées pourraient utilement servir au développement de l'agriculture ou du logement outre-mer. Je remarque que M. Warsmann avait déposé un amendement similaire, ce qui prouve que, jusqu'au sein de la majorité, on s'interroge sur l'efficacité d'un tel dispositif.
Madame Billard, il faut bien défiscaliser une assiette d'investissements qui conforte l'attractivité de ces territoires, et la navigation de plaisance contribue incontestablement à leur attractivité touristique. Le dispositif existant ne bénéficie pas uniquement à ceux qui profitent de cette défiscalisation, car il les incite à investir dans ces territoires dont nous voulons valoriser les atouts. Le tourisme en fait partie, et donc la navigation de plaisance aussi.
(L'amendement n° 65 n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 174 .
La parole est à M. le rapporteur général.
Il s'agit de prolonger la validité du dispositif d'investissement en fonds propres dans les PME ouvrant droit à réduction d'impôt sur le revenu, dit dispositif Madelin. Il existe depuis une vingtaine d'années, et il serait prolongé jusqu'à la fin de l'année 2012.
Favorable. Je lève le gage.
Puisque vous levez le gage, monsieur le ministre, j'aimerais savoir à combien se monte la dépense fiscale…
À 185 millions d'euros. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
C'est sans doute pour compenser ces exonérations qu'il fallait fiscaliser les indemnités journalières d'accidents du travail !
Là n'est pas la question. Il s'agit de savoir si le dispositif Madelin contribue au non au renforcement des PME. Il n'y a pas d'un côté des niches qui ne coûtent pas cher, et qui seraient alors les meilleurs, et, de l'autre, des niches onéreuses et qui seraient mauvaises. La question à se poser, c'est : une niche est-elle juste ou non ? Est-elle efficace ou non ?
Comme nous avons lancé une évaluation des niches, nous répondrons aux différentes questions sur ce sujet lorsqu'elle sera terminée.
(L'amendement n° 174 est adopté.)
Je propose de ne plus accorder de crédit d'impôt pour l'aide scolaire à domicile lorsqu'elle est fournie par une entreprise à but lucratif.
Après plusieurs années, nous avons maintenant une bonne vision de l'impact du dispositif existant et du sérieux des entreprises spécialisées sur ce marché. On ne peut pas dire que ce soit brillant : plusieurs enquêtes ont clairement montré que le recrutement des formateurs ne correspond pas à ce qui est vendu aux parents. Cela donne une idée du sérieux de ces entreprises.
Dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances, ce qui me dérange, et je pense que nous sommes plusieurs dans ce cas, c'est que le crédit d'impôt, c'est-à-dire l'argent public, sert essentiellement à gonfler les profits de ces sociétés privées. Cette aide fiscale n'a pas entraîné de baisse de prix pour les familles ni permis de générer une offre de haute qualité. De plus, les dépenses de soutien scolaire sont le fait de familles pour lesquelles l'existence d'un crédit d'impôt est plus une aubaine qu'une réelle incitation à recourir au soutien scolaire à domicile. On le sait tous : ces dépenses sont destinées à répondre à l'angoisse des parents, mais ne sont guère utiles quand le jeune n'est pas plus motivé pour autant.
Cette aide fiscale est donc largement inefficace. Mon amendement n° 127 en tire les conséquences.
Défavorable.
J'entends compléter l'argumentation de M. Tardy. J'ai lu les publicités émanant de certaines de ces officines : elles proposent aux parents de rembourser les sommes qu'ils ont versées en cas d'échec au baccalauréat, mais déduction faite des avantages fiscaux qu'ils avaient obtenus ! Un grand journal du soir s'est fait l'écho des interrogations que cela suscite. L'entreprise ne remboursant pas les impôts économisés par la famille, cela signifie que c'est le budget de l'État qui l'aura dans une certaine mesure financée… C'est tout de même scandaleux. Nous voterons l'amendement de M. Tardy.
(L'amendement n° 127 est adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 304 .
La parole est à M. Christian Eckert.
L'amendement n° 304 vise à transformer une niche fiscale en fait destinée à quelques familles très aisées, en un réel outil d'aide fiscale aux ménages, et ce au bénéfice de l'emploi : il s'agit de l'aide fiscale accordée au titre des sommes versées pour l'emploi d'un salarié à domicile à une association ou un organisme agréé. À cet effet, nous proposons de ramener, dans l'article 199 sexdecies du code général des impôts, les montants de 12 000 euros et 20 000 euros à respectivement 7 000 euros et 10 000 euros. Ce qui permettra à plus d'un million de foyers non imposables qui emploient des salariés à domicile de bénéficier d'un crédit d'impôt à ce titre.
Défavorable : c'est un amendement bien connu que nous retrouvons régulièrement…
(L'amendement n° 304 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 321 .
La parole est à M. Jérôme Cahuzac.
Voilà également un amendement dont le rapporteur général connaît la nature : il propose tout simplement à l'Assemblée un dispositif plus efficace en matière de plafonnement de niches fiscales.
Nous aurons l'année prochaine un déficit public de 8,5 % du PIB. Si la croissance semble frémir, les comptes publics ne s'améliorent pas vraiment pour autant.
Nous estimons donc que sur les 73 milliards d'euros de niches fiscales adoptées par l'actuelle majorité depuis 2002, il convient d'en récupérer quelques-uns au profit des comptes de l'État notamment. C'est la raison pour laquelle nous proposons de ramener le plafonnement global à 15 000 euros.
Défavorable. Comme je l'ai dit en commission, cet outil de plafonnement global s'appliquera pour la première fois cette année. Il nous faut bien entendu l'évaluer : nous aurons les résultats au printemps prochain. À la lumière de cette évaluation, il n'est pas n'exclu de resserrer le dispositif. À ce stade, cela me semble prématuré.
C'est un dispositif tout chaud, en cours d'application. Il n'y a pas de raison de le changer maintenant. Je suis donc défavorable à cet amendement. Simplement, je peux me réjouir une fois encore que nous ayons plafonné ces niches fiscales. On l'oublie trop souvent : nous avons mis en place ce plafonnement. Quant à le modifier, c'est une autre affaire ! Évaluons déjà le dispositif pour en connaître les performances.
(L'amendement n° 321 n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 302 .
La parole est à M. Jérôme Cahuzac.
Cet amendement, que nous avons déjà eu l'occasion de présenter, vise à rééquilibrer le plan de relance de notre pays en favorisant davantage le pouvoir d'achat qu'il ne l'a été jusqu'à présent par les pouvoirs publics.
Même avis. On ne peut pas juger de la PPE sans parler du RSA. Je l'avais déjà dit lors des débats sur la première partie et je le répète maintenant à Jérôme Cahuzac.
(L'amendement n° 302 n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 301 .
La parole est à M. Christian Eckert.
Cet amendement vise à rétablir l'égalité à laquelle vous vous dites si attachés – on l'a vu tout à l'heure…
Les barèmes de l'impôt de solidarité sur la fortune sont indexés sur l'inflation, ce qui n'est pas le cas pour ceux qui sont utilisés dans le calcul de la PPE.
Nous vous proposons donc de corriger une injustice flagrante et d'indexer les tranches du barème de l'impôt sur le revenu sur l'inflation, de façon automatique. Monsieur le ministre, il s'agit ni plus ni moins que d'aligner la méthode utilisée pour l'impôt sur le revenu sur celle utilisée pour l'impôt de solidarité sur la fortune.
Vous qui êtes attaché à l'égalité de traitement – vous l'avez montré tout à l'heure –, vous devriez donner un avis favorable à cet amendement.
(L'amendement n° 301 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
La pollution de l'air intérieur est un véritable problème de santé publique. Pour lutter contre cette pollution, il est indispensable que les bâtiments soient correctement ventilés.
Il est donc proposé par cet amendement d'étendre le crédit d'impôt en faveur de la performance énergétique des bâtiments aux dépenses d'amélioration de la qualité sanitaire de ces bâtiments. L'amélioration de la qualité de l'air est un chantier prioritaire.
C'est un amendement qui ne manque pas d'air ! (Sourires)
(L'amendement n° 126 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Sur l'article 46, je suis saisi d'un amendement n° 329 .
La parole est à M. Jérôme Cahuzac.
Nous avons déjà un peu débattu de ce sujet tout à l'heure. Comme nous l'avons tous souligné, la multiplicité des dispositifs existants ne garantir pas la plus parfaite des efficiences, notamment dans le domaine du logement social, dans tous les territoires.
Le rapporteur général faisait remarquer en commission qu'un foyer avec deux enfants et un revenu mensuel de 5 000 euros ne parvenait pas à se loger correctement en Ile-de-France, même si cette somme le permettrait sur certains territoires, notamment ruraux. Ce qui montre bien que nos dispositifs doivent avoir une certaine souplesse, une forme d'adaptabilité.
Pour autant, il nous semble que le plafond retenu pour le prêt à taux zéro est tout de même très éloigné du revenu médian – soit 1 500 euros par mois, ce qui signifie que la moitié de nos concitoyens gagnent moins.
En conséquence, si ce dispositif – qui fait aussi bénéficier du prêt à taux zéro ceux qui sont au-delà de ce revenu médian jusqu'à concurrence de 5 000 euros par mois – a pu produire de bons effets, il n'est pas adapté à la structure actuelle des revenus des foyers de notre pays.
Défavorable. Cela étant, je remercie Jérôme Cahuzac de prendre en considération le problème que nous rencontrons dans les zones très tendues.
Ce plafond maximum de 64 000 euros de ressources annuelles correspond à une famille d'au minimum cinq personnes. En tant qu'élu d'Île-de-France, je peux vous assurer qu'un ménage avec trois enfants et un peu plus de 5 000 euros de revenus mensuels est incapable d'accéder à la propriété, en tout cas dans Paris et les trois départements de la petite couronne.
Les situations variant considérablement d'un endroit à l'autre du territoire, nous sommes obligés d'en tenir compte avec ces différentes zones auxquelles s'appliquent des montants d'opérations, des plafonds de ressources et, lorsqu'il s'agit de locations, des montants de loyers.
La commission est donc défavorable à une réduction générale du plafond de ressources.
Monsieur Cahuzac, vous souhaitez diminuer de plus de 40 % les plafonds d'éligibilité au prêt à taux zéro.
Évidemment, ce prêt a du succès. Il contribue à relancer le logement ; et comme l'a très bien dit Gilles Carrez, il permet aussi à des familles de devenir propriétaires alors qu'elles ne roulent pas sur l'or : il est heureux que bon nombre de foyers français gagnent les montants dont vous parlez dès lors que les deux parents travaillent et ont plusieurs enfants. Le prêt à taux zéro est donc bien dimensionné puisqu'il permet d'aller jusqu'aux revenus moyens.
Je peux entendre ces arguments, monsieur le ministre, mais vous ne répondez pas à ma question. Le revenu médian est de 1 500 euros ; vous prétendez qu'à 5 000 euros la situation est déjà difficile. Alors qu'en est-il pour la moitié de celles et ceux qui travaillent et qui gagnent moins de 1 500 euros – niveau de revenu médian ?
Vous estimez, probablement à raison, que les foyers avec trois enfants et 4 000 euros de ressources mensuelles pour deux parents qui travaillent vivent une situation difficile dans les zones tendues, notamment en Île-de-France ; je veux bien en prendre acte. Mais imaginez simplement que la situation est encore plus pénible pour au moins la moitié des foyers, le revenu médian étant ce qu'il est !
Vous ne répondez pas à cette objection ; autrement dit, vous ne tenez pas compte de la structure des revenus des foyers de notre pays. Nous sommes l'un et l'autre de bonne foi avec ces exemples que nous nous livrons réciproquement ; je comprends que vous souhaitez répondre au problème des foyers gagnant 5 000 euros. Mais vous ne répondez pas au problème des 50% de foyers qui perçoivent des revenus inférieurs à 1 500 euros. Ou vous y répondez mal précisément parce que l'aide est, à notre avis, excessivement ventilée et ne peut donc être concentrée sur la moitié des foyers les plus modestes.
Je ferai remarquer à notre collègue Cahuzac, que le revenu d'un foyer est souvent composé de deux salaires…
Certes, mais je rappelle que grâce au Pass-foncier ou au prêt social locatif accession, il est désormais possible de faire accéder à la propriété dans beaucoup de provinces et probablement en Lot-et-Garonne, des familles disposant de 2000 à 2 500 euros de revenus mensuels. Grâce à ces deux mesures, les mensualités atteignent de l'ordre de 550 à 600 euros.
Ne caricaturons pas trop, et regardons le revenu familial. En outre, et c'est une spécificité française, si le salaire direct est relativement faible, le salaire indirect est le plus important des vingt-sept pays d'Europe. Il faut aussi intégrer cette donnée pour éviter…
… et nous pouvons faire accéder à la propriété, grâce aux mesures gouvernementales, près de 75 % des familles en France.
(L'amendement n° 329 n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 330 .
La parole est à M. Jérôme Cahuzac.
En complément de l'amendement du groupe SRC proposant de limiter le plafond de ressources ouvrant droit au crédit d'impôt à taux zéro, l'amendement n° 330 relève le montant maximal de l'avance remboursable ouvert au bénéfice des ménages concernés.
Qu'on nous comprenne bien : avec cet amendement d'appel en quelque sorte, il ne s'agit pas de limiter les dispositifs dont bénéficient des foyers qui, à défaut, ne pourraient se loger.
J'en profite pour répondre à Pierre Méhaignerie qui évoque le Pass-foncier. Chers collègues, combien d'opérations de cette nature ont débouché positivement ?
Combien en France ? C'est un échec total pour une raison très simple : un nombre insuffisant des foyers concernés s'engagera sur une opération qui dure, en réalité, une quarantaine d'années puisqu'il s'agit d'abord de payer la maison puis le terrain d'assiette.
Vous avez cité le département du Lot-et-Garonne et je vous en remercie. De nombreuses collectivités ont été intéressées par cette opération dans ce département. Je parle sous le contrôle de mon collègue Michel Diefenbacher qui connaît le sujet aussi bien que moi : c'est un échec.
Pour une population d'un peu plus de 300 000 habitants avec un revenu qui est beaucoup plus proche du revenu médian – voire inférieur – que dans d'autres départements…
…cette opération est un échec ! Le nombre de foyers qui bénéficieront du Pass-foncier est anecdotique ! C'est anecdotique, je me permets de vous le préciser.
J'ai longtemps été très critique sur le Pass-foncier qui ne décollait pas. Ce que dit Jérôme Cahuzac était exact les premières années : l'encéphalogramme était plat.
Mais, depuis un an, force est de constater une montée en puissance progressive du Pass-foncier. Les éléments statistiques – que nous pourrons d'ailleurs fournir – montrent de fortes amplitudes régionales, mais témoignent également d'un réel décollage dans plusieurs régions. La distribution du produit demandait aussi un délai d'appropriation ; il semble que que les choses soient en train de se faire. Alors que je m'étais interrogé sur la nécessité de maintenir ce dispositif, je suis moins sévère aujourd'hui. Les éléments statistiques viennent confirmer le décollage.
On évoque ce qui ne marche pas, mais les prêts à taux zéro, eux, marchent bien (Approbations sur plusieurs bancs du groupe UMP) : nous en avons octroyé plus de 200 000, pour le logement ancien comme pour le neuf, en 2008 et en 2007. Les chiffres de 2009 devraient aussi, notamment grâce au doublement de ce prêt, être bons. Le groupe de travail que le ministre nous a proposé de constituer conduira une évaluation sur les effets cumulés du PTZ et du dispositif adopté avec la loi TEPA relatif à l'annulation d'intérêts, lequel favorise en principe la solvabilité. Les résultats devraient être très satisfaisants.
La question n'est pas réglée pour autant. Pour les familles très modestes, il est évidemment exclu d'accéder à la propriété en Île-de-France ; mais des dispositifs tels que le Pass-foncier, qui est en train de se développer, devraient porter leurs fruits.
Une évaluation de ces dispositifs devra être faite l'année prochaine ; cependant, le premier bilan du PTZ mis en place en 2005 est globalement favorable.
Le doublement du PTZ, initialement inscrit dans le plan de relance, a été maintenu, de sorte que ce prêt peut atteindre 65 000 euros. D'autres dispositifs d'accession à la propriété existent, tels que le crédit d'impôt. Le Gouvernement est donc défavorable à l'amendement.
(L'amendement n° 330 n'est pas adopté.)
(L'article 46 est adopté.)
Je suis saisi de plusieurs amendements portant articles additionnels après l'article 46.
La parole est à M. Jérôme Cahuzac, pour défendre l'amendement n° 307 .
Nous avons déposé une série d'amendements pour sensibiliser le Gouvernement et la majorité à une situation préoccupante pour tous : la sous-capitalisation des entreprises françaises, notamment au regard des entreprises allemandes qui, elles, sont en général bien capitalisées – même si l'on pourra toujours, bien sûr, trouver des contre-exemples. L'une des dispositions spécifiques à notre pays consiste à privilégier fiscalement l'emprunt par rapport à l'augmentation de fonds propres.
Nous souhaitons donc interroger le Gouvernement sur ce sujet et notamment, avec le présent amendement, sur ce qu'il compte faire au sujet des opérations dites de LBO, opérations à effet de levier qui nécessitent un endettement considérable. Elles ne visent certes pas à développer les entreprises puisque, comme l'illustrent de trop nombreux exemples, celles-ci sont déstructurées, désossées et vendues à l'encan, avec la perte de matière industrielle et le chômage qui en résultent. Or, si ces mécanismes sont particulièrement intéressants en France, c'est précisément parce que tout emprunt est déductible, avec ses intérêts, de l'assiette de l'impôt sur les sociétés. Notre fiscalité favorise donc ce genre d'opérations qui, je le répète, engendrent désindustrialisation et chômage.
Un projet de loi relatif à la régulation financière a été annoncé ; pourriez-vous nous indiquer, monsieur le ministre, si, dans ce cadre, vous entendez diminuer l'avantage fiscal lié à l'endettement des entreprises, c'est-à-dire aux emprunts et à leurs intérêts ? La finalité ultime serait de doter nos entreprises de fonds propres suffisants en quantité comme en qualité, afin notamment de réduire ce qui nous sépare de l'Allemagne sur ce plan.
Défavorable à cet amendement et à ceux qui suivront sur ce thème. Jérôme Cahuzac amorce néanmoins une réflexion importante, qui mérite à mon sens la création d'un groupe de travail au sein de la commission des finances. Notre droit fiscal, au regard de celui de l'Allemagne, a deux spécificités. La première est la possibilité, pour les entreprises, de déduire totalement les intérêts de leur résultat, ce qui est évidemment favorable à l'emprunt. La deuxième, dont n'a pas parlé M. Cahuzac – mais je sais que le sujet lui tient à coeur – est que, contrairement à l'Allemagne et à d'autres pays, les résultats réinjectés dans le fonds propre des entreprises françaises n'entraînent pour elles aucune réduction d'impôt sur les sociétés.
La conjugaison entre, d'une part, un dispositif favorable à l'emprunt et, de l'autre, l'absence de mesure encourageant l'affectation d'une partie du résultat au fonds propre entraîne une sous-capitalisation structurelle de nos entreprises. Nous tentons d'y remédier par des dispositifs tels que le FSI, le fonds stratégique d'investissement, destinés à améliorer le fonds propre de nos entreprises. Il serait donc plus judicieux de s'interroger sur la structure de notre règle fiscale que de la contourner en abondant les fonds propres de nos entreprises par des organismes externes.
Nous sommes prêts, monsieur le ministre, à mener cette réflexion, et serions heureux que les experts de Bercy s'y associent. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Cet amendement est en effet intéressant, comme tous ceux de M. Cahuzac – mais peut-être celui-ci l'est-il plus encore que les autres.
S'agissant de la capitalisation des entreprises, le Gouvernement n'est pas resté inactif : je ne reviendrai pas, par exemple, sur la possibilité de réduire une partie de son ISF pour investir dans les PME ; cette disposition, adoptée il y a deux ans, donne de bons résultats. Il existe par ailleurs des mesures pour prévenir les abus, même si elles restent sans doute insuffisantes ; il convient donc de favoriser la capitalisation de nos entreprises, le décalage avec l'Allemagne étant en effet important sur ce point.
Je souscris aux propos du rapporteur général : une réflexion doit s'engager, peut-être rapidement, avec le ministère de l'économie. Quoi qu'il en soit, tout ce qui privilégie la capitalisation des entreprises favorise leur compétitivité.
Il est urgent d'agir sur ce sujet, mes chers collègues, et ce pour plusieurs raisons. La première tient aux risques que comportent les opérations en question : l'exposé sommaire de l'amendement précise ainsi que, « sur les 1 600 entreprises en LBO en France, 900 sont en zone de surveillance ». Le remboursement des crédits liés à une procédure de LBO se fait à partir des bénéfices des entreprises, que la crise a de toute évidence diminués, de sorte qu'un certains nombre de ces crédits ne pourront être remboursés.
La deuxième raison est que, comme nous l'observons tous dans nos circonscriptions, on ignore parfois, lors de ces procédures, qui sont les actionnaires : il peuvent se trouver en Hollande, dans des paradis fiscaux ou à l'autre bout du monde, ce qui les éloigne de l'entreprise.
Troisième raison : les rendements exigés pour rembourser les crédits réduisent la capacité des entreprises à investir et à mener une vraie politique industrielle, comme l'a fort justement souligné Jérôme Cahuzac.
Le présent amendement, monsieur le ministre, est modéré. Il vous suggère en effet de n'autoriser la déduction fiscale des intérêts que pour les opérations pour lesquelles la dette financière est inférieure à 66 % des fonds propres : rien de terrifiant… Une telle mesure ne couperait pas la tête de tous les LBO ! Le ratio de 66 % est déjà considérable : il s'agit donc d'une mesure de sagesse.
Si nous ne légiférons pas dans un avenir très proche sur les LBO, je crains qu'un certain nombre d'entreprises engagées dans ces procédures ne fassent faillite. Cela aurait un impact important, y compris sur le secteur bancaire, dont l'équilibre est encore précaire.
M. le ministre ayant, semble-t-il, jugé mon amendement intéressant, je veux lui répondre. Je vous préviens solennellement, comme c'est notre rôle : le stock d'opérations en LBO déjà existant devient extrêmement menaçant pour notre tissu industriel et pour l'équilibre de certaines banques. Il est donc urgent, selon nous, de limiter le flux de ces opérations, ce que ni M. le rapporteur général ni M. le ministre ne semblent juger opportun.
Certes, il n'est jamais trop tard pour bien faire, monsieur Bouvard.
Néanmoins je vous mets très sérieusement en garde, mes chers collègues, monsieur le ministre, car, avec ce type de mécanismes, la collectivité paie deux fois : une première avec la déductibilité intégrale des intérêts d'emprunt de l'assiette de l'IS, et une seconde avec la destruction de tissu industriel et le chômage que provoquent trop souvent ces opérations.
Vous avez rappelé, monsieur le ministre, que la loi TEPA de 2007 comportait une disposition permettant de recycler 1 milliard d'euros dans les PME ; vous avez raison ; c'est d'ailleurs selon nous le seul aspect positif de cette loi. mais vous connaissez comme moi le niveau estimé de sous-capitalisation des entreprises françaises ! La somme de 1 milliard d'euros, dont vous expliquez qu'elle apporte une première réponse, est tout à fait dérisoire au regard des besoins des entreprises en termes de capitaux propres. Au demeurant, le but de cette mesure n'était pas de renforcer les capitaux propres des entreprises mais de siphonner l'ISF.
Il s'agit d'un vrai sujet, notre fiscalité étant à l'évidence plus incitative pour l'emprunt. Cependant, même si l'on peut avoir un regard critique sur l'impact de nombreuses procédures de LBO – restructurations lourdes, voire disparition d'entreprises au terme des deux tours –, et si l'on doit s'interroger sur le volume incertain de ces opérations qui peuvent fragiliser le système financier, gardons-nous, passez-moi l'expression, de jeter le bébé avec l'eau du bain : les LBO peuvent avoir leur utilité. Les fonds engagés dans ces procédures ne sont pas tous spéculatifs ou venus de paradis fiscaux : certaines institutions financières, y compris publiques, y recourent.
La commission des finances, à la fin de la dernière législature, avait travaillé sur cette question. Pierre Méhaignerie avait engagé une mission d'étude, la commission avait rédigé un rapport, mais ce travail n'avait pas eu de suite et je le regrette. Or, comme l'a dit le rapporteur général, il est aujourd'hui urgent de reprendre ce travail, d'identifier les problématiques, de cerner les enjeux financiers, quitte à faire évoluer le dispositif fiscal. Pour autant, il ne faudrait pas considérer que les LBO ne doivent pas avoir droit de cité en France et que ce procédé doit être banni à tout prix. Dans certains cas, en effet, le dispositif peut s'avérer utile au sauvetage d'une entreprise. Cela peut paraître paradoxal, dans la mesure où l'on ne parle que des échecs, mais il y a aussi des LBO qui ont été des réussites.
(L'amendement n° 307 n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 340 .
La parole est à M. Jérôme Cahuzac.
Je remercie nos collègues de bien vouloir reconnaître que notre fiscalité ne peut pas traiter ce problème, qu'elle l'aggrave au contraire.
Je donne acte bien volontiers à notre collègue Michel Bouvard que certains LBO peuvent être utiles, notamment ceux qu'a conduits une entreprise dénommée Capital Investissement – qui, si j'ai bien compris, devrait bientôt changer de nom.
Je ne vous le fais pas dire, mon cher collègue et président de la commission de surveillance de la Caisse des dépôts ! (Sourires.)
Sans doute faudrait-il imaginer un dispositif permettant de séparer le bon grain de l'ivraie. En attendant, y a-t-il un seul parlementaire qui n'ait pas l'expérience, sur le terrain, d'une entreprise essorée par une opération de LBO ? Dans le nord de ma circonscription, les parquets Marty étaient leader européen il y a sept à huit ans. Après deux opérations de LBO, les deux tiers des salariés ont été licenciés et l'entreprise ne survit aujourd'hui que grâce à une très délicate opération de rachat par les salariés qui restaient : on ne sait pas trop ce qu'elle va devenir, même si, naturellement, les voeux de tous les élus l'accompagnent. Des exemples de ce type, on en connaît des centaines : il n'est plus permis de laisser faire.
Quelqu'un – dont il semble que les avis aient du poids – a dit que la crise devait être l'occasion de revoir fondamentalement certains dispositifs. Prenons-le au mot, exhortons le Gouvernement à nous faire, très vite, des propositions, engageons l'Assemblée nationale à s'en saisir d'elle-même, montrons que nous avons compris le problème et que nous voulons le traiter.
Mon amendement propose que, pour bénéficier de la déduction des intérêts d'emprunt du bénéfice imposable sans plafonnement, l'acquisition d'une société par de la dette remboursable ne soit plus financée par les résultats futurs de la société acquise au travers des distributions de dividendes, mais qu'un mécanisme permettant de renforcer les capitaux propres soit préféré. Pour cela, nous prévoyons un double plafonnement, afin, d'une part, de limiter le gain d'impôt lié au montant de l'emprunt et, d'autre part, d'empêcher de vider la substance de l'assiette en limitant à 50 % la perte d'assiette liée à l'emprunt. Il s'agit donc de rendre moins intéressants l'emprunt et la déductibilité des intérêts.
(L'amendement n° 340 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
Mes chers collègues, il nous reste 106 amendements à examiner. Peut-être pourrons-nous, à vingt heures, faire le point pour savoir si nous prolongeons la présente séance ou si nous renvoyons la suite du débat à une séance de nuit. Tout est possible, mais dépend de vous. Nous aurons sans doute à nous attarder un peu plus lorsqu'il sera question du bouclier fiscal. Si chacun y met du sien, il pourrait être possible éviter la séance de nuit.
Une soirée sans M. Woerth ? Qu'allons-nous devenir ? Nous ne pouvons pas nous passer de lui ! (Sourires.)
Je suis saisi d'un amendement n° 339 .
La parole est à M. Jérôme Cahuzac.
Chacun a compris la philosophie de cette série d'amendements. Je souhaiterais que nous nous inspirions de l'Allemagne. On n'a pas constaté, je crois, que la politique des gouvernants de ce pays ait été systématiquement défavorable aux entreprises. Or le bénéfice y est taxé à un niveau nettement supérieur lorsqu'il est distribué que lorsqu'il est réinvesti dans l'entreprise. C'est la mesure que je vous propose d'adopter, car elle constitue un dispositif extrêmement puissant pour renforcer les capitaux propres. C'est vers cela que nous devons aller. Il me semble que ce n'est pas un hasard si les entreprises allemandes sont beaucoup plus compétitives que les françaises : les dispositifs adoptés par les gouvernements successifs y ont permis ce que ceux qui ont dirigé la France depuis 2002 n'acceptent pas. Nous proposons donc de différencier le taux d'IS selon que les bénéfices sont réinvestis ou distribués.
Il est effectivement urgent d'engager une réflexion sur ce sujet. Il est vrai qu'un dispositif d'allégement de l'IS en cas de remontée des résultats avait été mis en place en 1998, mais le gouvernement de l'époque l'avait abandonné deux ans plus tard, en raison de problèmes d'application. C'est la conjugaison, d'une part, de la déduction complète des intérêts et, d'autre part, d'une non-incitation à la remontée des bénéfices qui explique, pour partie, l'insuffisance de fonds propres constatée en France, par comparaison avec la situation allemande.
Nous avons déjà discuté de ce sujet l'an dernier. Sans doute la réflexion sur ce sujet n'a-t-elle pas suffisamment avancé depuis. Je vais le redire au ministère de l'économie, puisque ce sujet le concerne plus directement. Il faut en effet réfléchir au traitement fiscal des remontées et vérifier que cette mesure, qui a déjà été temporairement intégrée dans notre droit, n'est pas une fausse bonne idée.
En attendant, je ne suis pas favorable à cet amendement.
(L'amendement n° 339 n'est pas adopté.)
Avec cet amendement, nous abordons la crise agricole dont chacun mesure l'ampleur et face à laquelle on peut avoir deux attitudes : soit pleurer et se limiter à des mesures conjoncturelles, soit essayer d'imaginer des mécanismes permettant d'atténuer la crise d'aujourd'hui et de prévenir, si possible, celle de demain. Il se trouve que nous disposons déjà d'un mécanisme de prévention fiscale, la déduction pour aléas. Grâce au travail accompli avec M. le rapporteur général – j'en profite pour le remercier –, nous avons pu le développer. Le principe est le suivant : les bonnes années, l'agriculteur n'est pas imposé sur ce qu'il met de côté ; les mauvaises années, il réintroduit les sommes épargnées dans les comptes de son exploitation agricole.
Il s'agit maintenant de faire en sorte que la DPA marche. Pour qu'elle marche, il faut qu'elle soit simple. Pour qu'elle soit simple, il ne faut pas l'étouffer sous les scories. Ainsi, aujourd'hui, en même temps qu'il met de l'argent de côté, l'exploitant agricole doit souscrire une assurance auprès de GROUPAMA. Je n'ai rien contre cet assureur, que j'aime bien, mais les agriculteurs me disent qu'ils ne veulent pas cotiser davantage, qu'ils s'auto-assurent et que chacun fait comme il l'entend. Cela paraît raisonnable. Cela n'interdit bien sûr pas de souscrire des polices d'assurance, mais il ne faut pas que ce soit une obligation.
Le système doit nous permettre d'avoir une déduction pour aléas performante. Cela peut apparaître un peu technocratique, mais les mécanismes européens qui permettaient naguère de rationaliser les marchés ayant disparu ou s'étant atténués, il faut bien que nous les remplacions. Je vous propose donc de simplifier l'utilisation de la déduction pour aléas.
La commission n'a pas adopté cet amendement. Je vous fais grâce du très long débat que nous avons eu. Nous avons préféré adopter un amendement qui vient immédiatement après et qui permet, comme le souhaite notre collègue Le Fur, d'utiliser la déduction pour aléas en cas d'aléas économiques, dès lors qu'il y a une chute de marge supérieure à 10 %. L'an dernier, après des heures de discussion, nous avons mis en place un dispositif séparant la déduction pour investissement et la déduction pour aléas. Nous étions tous convenus qu'il était préférable que cette dernière soit associée à une assurance, car, en général, il s'agit d'aléas climatiques. En cas de problème, l'assurance joue dans un premier temps, puis la déduction pour aléas complète l'indemnisation de l'assurance. Dans la période difficile que traverse l'agriculture, notre collègue Le Fur a souhaité que l'on puisse mieux utiliser la déduction pour aléas en l'étendant aux aléas économiques. Nous l'avons suivi sur ce point, mais c'est l'amendement suivant qui traduit ces préoccupations.
Je suis défavorable à cet amendement, mais je m'exprimerai plus longuement sur l'amendement suivant.
(L'amendement n° 30 n'est pas adopté.)
Je suis saisi de trois amendements, nos 175 rectifié , 31 rectifié et 168 , pouvant être soumis à une discussion commune.
Les amendements nos 31 rectifié et 168 sont identiques.
La parole est à M. Marc Le Fur.
Si M. le rapporteur général m'y autorise, je présenterai l'amendement de la commission, n° 175 rectifié.
Je vous y autorise d'autant plus volontiers que je n'ai aucun agriculteur dans ma circonscription. (Sourires.)
C'est dommage, en effet. Vous seriez peut-être plus sensibles encore à nos préoccupations.
Je sais toutefois que, même si votre circonscription ne compte aucun agriculteur, monsieur le rapporteur général, vous maîtrisez parfaitement ces sujets – comme tous les autres, d'ailleurs, chacun peut le constater à l'occasion de ces débats.
Monsieur le ministre, nous avons évoqué la déduction pour aléas. Quand cela va bien, l'exploitant agricole épargne ; quand cela va mal, il utilise l'argent qu'il a mis de côté. Or, en l'état de notre droit, on ne retrouve cette déduction qu'en cas d'aléas climatiques ou sanitaires. Cela signifie que, dans la crise que nous connaissons et qui n'est ni climatique ni sanitaire, ceux qui ont épargné ne peuvent pas bénéficier de la déduction pour aléas et ne peuvent pas recouvrer ces sommes.
L'idée de cet amendement est fort simple, et je me réjouis d'avoir été suivi par la commission. Nous prévoyons une modalité de sortie de DPA en cas de crise économique. Cela paraît indispensable pour les éleveurs, qui sont rarement pénalisés par des crises climatiques, contrairement aux céréaliers, par exemple. J'ai donc imaginé une possibilité de sortie en cas de réduction importante de la marge brute. On peut discuter du dispositif, bien sûr, mais il me paraît indispensable que nous adoptions cet amendement à l'unanimité, car, pas plus en première partie du budget qu'aujourd'hui, nous n'avons donné de signes fiscaux au monde agricole. Or, chacun sait que celui-ci connaît des difficultés considérables. Pas un seul secteur n'est épargné – fait unique dans l'histoire des crises agricoles. Certes, à ce stade, ce signe est encore très modéré, étant donné le faible nombre d'exploitants qui ont souscrit à la déduction pour aléas, mais c'est précisément pour cette raison qu'il faut faire évoluer le dispositif et inciter les agriculteurs à y recourir.
Les amendements identiques 31 rectifié et 168 sont défendus.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
S'agissant notamment de l'amendement n°175 de la commission, probablement le plus central, je rappelle que nous avons déjà eu ce débat l'année dernière. Comme l'a d'ailleurs signalé Marc Le Fur, nous avons modifié le dispositif en 2008, à l'issue d'une longue discussion.
Depuis lors, le Président de la République s'est exprimé sur les questions agricoles, évoquant certaines possibilités, et une loi de modernisation agricole doit être présentée au Parlement dans quelque temps. Des fenêtres ont été ouvertes, alors qu'elles étaient plutôt fermées l'année dernière, s'agissant notamment des aléas économiques.
Il serait plus logique et plus cohérent, si M. Le Fur en était d'accord, d'aborder ce sujet dans le cadre de la loi de modernisation agricole, où nous pourrions le traiter complètement et globalement – étant entendu, par ailleurs, que nous faisons d'ores et déjà en 2009 des efforts en faveur de l'agriculture. Certaines mesures annoncées par le Président de la République lors de son intervention devant les milieux agricoles sont en effet déclinées dans des dispositions du projet de loi de finances pour l'année 2010. Nous allons donc bien donner satisfaction aux agriculteurs dès 2009, mais pour ce qui est du sujet que vous avez évoqué, et que le Président de la République a également abordé, je propose que nous en traitions dans le cadre de la loi de modernisation agricole.
Sur le fond, nous sommes d'accord, monsieur le ministre : une disposition de ce type va être adoptée. Mais vous m'invitez à attendre la loi de modernisation, et je crains toujours un peu les réponses du type « patientez, on vous écrira »… Cela revient toujours plus ou moins à cela, chacun le sait.
Chacun connaît, en outre, l'encombrement des travaux de ce Parlement, et nul ne sait à quel moment cette loi va être débattue.
De plus, nous risquons de perdre une année fiscale, ce qui n'est pas négligeable pour nos agriculteurs. Puisque nous nous acheminons vers un tel dispositif, pourquoi ne pas y aller franchement ?
Allons-y, ou bien retirez votre amendement, monsieur Le Fur ! Telle me paraît être l'alternative. Je pense effectivement que vous devriez retirer votre amendement, car j'ai suffisamment montré de réelles ouvertures.
Je pense également que votre définition de l'aléa économique n'est pas pertinente ou, du moins, que l'on peut en débattre. Il est tout de même nécessaire de discuter des notions de variation et de marge.
D'autres professions sont soumises à des aléas économiques. Il faut donc, évidemment, définir le sens de cette notion dans le cas particulier de la profession agricole, qui y est bien sûr soumise et pour qui le vent des marchés est particulièrement fort, nous le reconnaissons.
Ajoutons que je ne vous parle pas de débattre d'une loi un jour, au gré de l'organisation du calendrier parlementaire. Nous sommes en pleine préparation du projet de loi de modernisation agricole et vous savez à quel point le ministère de l'agriculture et plus particulièrement le ministre de l'agriculture sont mobilisés. Il ne s'agit donc pas de propos en l'air, et je ne renvoie pas à une hypothétique loi de modernisation qui serait, peut-être, un jour, débattue : je parle d'un texte précis qui sera précisément discuté et examiné avec le ministère de l'agriculture au cours des prochaines semaines.
Il me semble donc qu'il faut retravailler à la mesure que vous proposez. Je la trouve très intéressante, mais j'estime également qu'elle mérite d'être étudiée avec sérieux et en cohérence avec le reste des mesures qui seront arrêtées en faveur des milieux agricoles.
L'amendement n°176 est très proche de l'amendement n°29 .
Vous vous souvenez qu'une disposition extrêmement sociale avait été adoptée en 2004 en faveur du monde agricole, à l'initiative du Premier ministre de l'époque, M. Jean-Pierre Raffarin. Elle permettait aux exploitants de bénéficier d'un crédit d'impôt en cas de remplacement. Ainsi un agriculteur pouvait s'éloigner quelques jours de son exploitation, tout en se faisant remplacer grâce à ce crédit d'impôt, modeste mais réel. C'était là une mesure très positive.
Ce crédit d'impôt a fait ses preuves et recueilli une approbation unanime. Malheureusement, ce dispositif était assorti d'une date butoir ; il convient donc de prolonger son existence. Je vous rappelle que, avant l'instauration de cette mesure, certains agriculteurs, notamment des éleveurs laitiers, dont chacun sait quelles difficultés ils connaissent aujourd'hui, n'avaient pratiquement jamais quitté leur exploitation. Il ne s'agit pas de faire évoluer la loi, mais tout simplement de pérenniser une mesure qui fait l'unanimité depuis 2004.
Cet amendement a été adopté par la commission des finances. Nous étions alors convenus avec M. le rapporteur général de pérenniser le dispositif jusqu'en 2012.
(L'amendement n° 176 , accepté par le Gouvernement, est adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n°338 .
La parole est à M. Jérôme Cahuzac.
Il s'agit de l'amendement que j'ai défendu tout à l'heure, en lieu et place d'un autre, dont la philosophie était la même : renforcer les fonds propres des entreprises.
Tout à l'heure, il s'agissait de vraiment prendre au mot les entreprises installées dans les pôles de compétitivité, en les exonérant de l'impôt sur les sociétés dès lors que la totalité de leur bénéfice était réinvestie.
En l'occurrence, il s'agit de l'amendement dont Gilles Carrez avait parlé, tendant à instaurer un taux différencié d'impôt sur les sociétés, selon que les bénéfices sont distribués, auquel cas le taux serait de 49 %, ou réinvestis, auquel cas il serait de 31 %.
L'amendement suivant, n°327, est un amendement de repli.
Ces amendements posent la question de la dépense fiscale et de certaines décisions que nous pouvons être amenés à prendre, sans forcément toujours prendre, dans le même temps, toutes les précautions nécessaires. Ce qui soulève le problème du rapport entre le montant d'une dépense fiscale et les effets qui en sont attendus.
C'est en feuilletant le fascicule des voies et moyens…
…que je me suis rendu compte du coût et des conséquences d'une disposition adoptée par le Parlement adoptée il y a quelques années : l'exonération des plus-values sur les cessions de titres de participation. Le montant de la dépense constaté au titre des années 2008 et 2009 est considérable, très supérieur à l'évaluation qui avait pu en être faite à l'époque, puisqu'il s'élève à 12 milliards d'euros pour l'année 2008 et 8 milliards d'euros pour l'année 2009. Cela oblige à se pencher de très près sur la raison d'être et sur la légitimité de cette mesure.
Elle avait été prise au nom de l'attractivité de notre pays et aussi pour aligner, dans une certaine mesure, notre fiscalité sur celle pratiquée par plusieurs autres pays de l'Union européenne. Il s'agissait, nous avait-on affirmé, d'éviter la délocalisation de holdings de grands groupes hors de nos frontières et donc celle des emplois hautement qualifiés que l'on y occupe.
En contrepartie de cette fiscalité zéro, une taxe exceptionnelle avait alors été instaurée, pendant deux ans, sur les sommes inscrites au compte de réserve spéciale des plus-values à long terme ; elle a rapporté de l'ordre de 1,4 milliard d'euros. Par ailleurs, les sociétés réalisant des plus-values de cession doivent prendre en compte, pour la détermination du résultat imposable, une quote-part de frais et charges égale à 5 % du résultat net de ces plus-values, ce qui fait que l'imposition des plus-values est donc désormais de 1,67 % du montant des plus-values réalisées (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), ce qui correspond à l'application de l'impôt sur les sociétés au taux de 33 13 sur 5 % du montant des plus-values.
Le montant de la perte fiscale enregistrée présente un tel écart avec l'estimation qui en avait été faite au cours des débats, il est d'une telle importance qu'il convient de s'interroger, une fois de plus, sur la pertinence de la justification qui en est donnée. Il serait d'ailleurs intéressant d'avoir certaines précisions sur les bénéficiaires et les modalités d'exercice de cette mesure, et que l'on puisse, sur ce point aussi, disposer d'une évaluation du dispositif.
Partant de ce constat, j'avais eu l'occasion de défendre une première version de l'amendement n°285 devant la commission des finances. M. le rapporteur général m'avait d'ailleurs fait de pertinentes observations sur sa teneur.
Je me suis efforcé de tenir compte de celles-ci dans la rédaction de l'amendement présentement examiné, qui tend à contenir la dépense fiscale faite au titre de ce dispositif, en portant de 5 à 20 % la quote-part représentative de frais et charges à incorporer dans les résultats soumis à l'impôt sur les sociétés, ce qui correspondrait à un taux d'impôt sur les sociétés de l'ordre de 6,8 % – ce qui me paraît encore très raisonnable.
L'amendement tend, par ailleurs, à allonger la durée de détention des titres nécessaire pour bénéficier de cette mesure d'exonération, en la portant à cinq ans, afin de ne pas favoriser les opérations ne visant qu'à réaliser des plus-values rapides ; on sait à quel point ce type de situation a pu être fréquent. Il me paraît effectivement difficile de considérer dès deux ans qu'il s'agit d'un investissement de long terme.
Enfin, il prévoit de ne plus faire bénéficier de ce régime fiscal les plus-values afférentes à des titres de sociétés constituées ou établies dans un territoire non coopératif ou à fiscalité privilégiée. On constate effectivement, lorsque l'on compare ce dispositif à certains en vigueur dans d'autres pays européens, qu'un certain nombre de garde-fous retenus ailleurs n'existent pas en France.
L'amendement n°287 procède du même esprit en ce qui concerne l'exonération des plus-values sur titres de participation détenus indirectement via des FCPR, fonds communs de placement à risque, ou des SCR, sociétés de capital-risque, en vertu de la même loi du 26 juillet 2005 pour la confiance et la modernisation de l'économie.
Le dispositif est légèrement différent, en l'absence de cette quote-part dont j'ai parlé tout à l'heure. L'amendement propose de rétablir, à partir du 1er janvier 2011, une imposition au taux de 8 % sur les plus-values réalisées par des sociétés soumises à l'impôt sur les sociétés au titre de la cession de parts de FCPR ou d'actions de SCR, ainsi que sur les sommes distribuées à ces porteurs de parts ou d'actions par les mêmes FCPR ou SCR.
L'amendement n°287 reprend en outre la prolongation du délai de détention, porté de deux ans à cinq ans, et l'exclusion du bénéfice de ce régime fiscal lorsqu'il s'agit de sociétés établies dans des territoires à fiscalité privilégiée.
Je souhaiterais donc que, forts du constat de cette dépense fiscale extrêmement importante, d'un montant de vingt milliards d'euros sur deux ans, nous puissions mettre en place des mesures de contention et des garde-fous pour mieux la maîtriser.
Le dispositif d'exonération des plus-values sur titres de participation adopté fin 2004 était issu d'un amendement du Sénat,…
…que nous avons examiné directement en commission mixte paritaire sans qu'il ait fait l'objet d'aucune évaluation. Cela étant, nous n'avions fait que nous aligner sur le dispositif en vigueur dans la quasi-totalité des pays de l'OCDE…
S'agissant du calibrage du dispositif lui-même, en prévoyant, d'une part, une quote-part, certes à 5 %, mais qui a tout de même le mérite d'exister et, d'autre part, une définition de la plus-value à long terme au-delà de deux ans, nous avons mis en place un dispositif moins favorable que celui de l'Allemagne où la plus-value est considérée à long terme dès la fin de la première année et il n'y a pas de quote-part.
Cependant, je le reconnais, nous n'imaginions pas, à l'époque, que le manque à gagner en matière d'impôt sur les sociétés serait aussi important. Nous avions en tête un chiffre se situant entre 1 et 2 milliards d'euros ; c'est beaucoup plus que cela.
Que s'est-il passé ? Les entreprises, organisées en holdings, ont fait tourner les titres de participation entre leurs filiales, les ont cédées à différentes entreprises appartenant au groupe et, du point de vue fiscal, ont « purgé » la plus-value. Cela a créé un manque à gagner considérable, que nous avions sous-estimé.
Lors de la première partie du projet de loi de finances, nos collègues du groupe GDR avaient déposé un amendement proposant de supprimer l'exonération sur les plus-values de titres de participation. Je leur avais répondu que ce n'était pas le moment, car si nous supprimions cette exonération, nous serions obligés d'accepter l'imputation des moins-values. Or si les plus-values sont derrière nous, les moins-values, c'est pour maintenant : nous risquions donc d'instituer une double peine pour les finances publiques et le ministre qui en a la responsabilité n'y aurait sûrement pas été favorable.
Le président de la commission des finances propose un dispositif de nature différente, qui consiste à jouer sur la quote-part. Puisque cette quote-part de 5 % ne fait pas l'objet d'une exonération, il souhaite la porter à 20 %. Pour ma part, j'ai beaucoup de mal à évaluer l'impact d'un tel dispositif et j'émets un avis défavorable à cet aspect des choses.
En revanche, il me semble que, dans l'amendement du président Migaud, figure une disposition qui pourrait heureusement venir dans le collectif. Toutefois, je ne sais pas précisément si elle y est, car le Conseil des ministres doit l'examiner lundi matin. Mais cette disposition, que j'estime très judicieuse, a pour objectif de taxer au taux de 33,13 % les plus-values réalisées à partir d'un paradis fiscal.
Quoi qu'il en soit, je prends rendez-vous : si cette mesure ne figure pas dans le collectif, nous déposerons un amendement en ce sens. Nous aurons alors un système équilibré. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)
Beaucoup de choses ont déjà été dites sur ce dispositif. Précisons d'abord qu'il ne s'agit pas juridiquement d'une dépense fiscale. Par ailleurs, ce dispositif a été adopté par presque tous les pays du monde, en tout cas ceux qui ont une activité industrielle et économique, et parfois avec des dispositions encore plus favorables qu'en France, comme l'a rappelé Gilles Carrez.
Quant au coût du dispositif, rappelé par le président Migaud, il a été calculé sur la base du taux de 33 %, soit le taux de l'impôt sur les sociétés, alors le taux d'imposition initialement applicable à ces plus-values n'a jamais été que de 8 %. Autrement dit, le calcul qui aboutit à 12 ou 20 milliards – on a cité plusieurs chiffres – n'est pas bon.
C'est l'application d'un taux théorique à une base. Par conséquent, je le répète, ce n'est pas un bon calcul.
Enfin, ce dispositif avait été recommandé dès 2001 par M. Charzat, sénateur socialiste.
Si je tiens à le préciser, ce n'est pas pour engager une polémique, car c'est un bon dispositif.
Non, monsieur Emmanuelli, c'est la réalité ! Si nous voulons conserver des holdingset cette activité sur le territoire national, comme le font tous les autres pays du monde, il faut agir ainsi. Du reste, si les autres pays le font, c'est parce que c'est la seule façon d'être compétitif sur le plan économique.
Je ne suis donc pas favorable aux amendements nos 285 et 287 .
Sur le bancs de gauche et, je l'espère, sur d'autres, votre réponse ne peut que décevoir grandement.
Pour commencer, vous n'avez pas dit un mot sur les conditions d'adoption de cet amendement. Certes, vous n'étiez pas le ministre en charge à l'époque, mais la continuité de l'État vous commande de l'assumer : le ministre du budget de l'époque a accepté un amendement sans avoir la moindre idée des conséquences budgétaires de cette adoption pour l'État. Ne pas dire un mot des conditions de cette adoption, c'est ne tirer aucune leçon de la façon dont le Gouvernement et le Parlement peuvent collaborer ensemble, c'est une occasion manquée. Je ne vous en fais pas personnellement le reproche, mais la notion que nous avons tous de la continuité de l'État supposait que vous en disiez quelques mots.
Ensuite, vous tentez de banaliser le sujet – procédé classique – en expliquant que tous les autres pays du monde le font. C'est vrai et faux à la fois. Le président de la commission vous l'a dit, les autres pays qui nous avaient précédés sur ce chemin avaient mis en place des garde-fous. Vous, vous n'en avez mis aucun et vous refusez même de le faire, alors que cela permettrait d'éviter, non cette dépense fiscale – en l'occurrence, vous avez raison – mais cette moindre recette fiscale.
S'agissant du coût du dispositif, vous dites que les chiffres ne sont pas bons et que les calculs sont mauvais : vous avez certes le droit de critiquer les documents que vous nous donnez ! Les chiffres qui sont cités émanent de votre ministère, dans le fascicule des voies et moyens publié et distribué au Parlement, autrement dit rendu public sous votre responsabilité. Si les chiffres ne sont pas bons, dites-nous lesquels le sont et expliquez-nous en quoi ceux que nous avons lus dans le fascicule des voies et moyens sont faux et en quoi ceux que vous nous donneriez seraient exacts. Mais affirmer d'autorité, ce qui n'est pas dans vos manières, que ces chiffres sont faux, alors qu'ils émanent de documents publiés sous votre responsabilité, c'est un argument que nous n'acceptons pas.
Je répondrai maintenant au rapporteur général sur les paradis fiscaux. Il faudrait s'entendre, mes chers collègues : le G20 de Pittsburgh a abouti à la conclusion qu'il n'y en avait plus. Alors, soit il y en a encore, et il n'y a pas de quoi vous réjouir des conclusions de Pittsburgh, soit il n'y en a plus, et il faut cesser de nous faire prendre des vessies pour des lanternes : s'il n'y a plus de paradis fiscaux, la taxation que vous voulez instaurer n'aura aucun rendement...
Je terminerai par quelques mots sur le courage. Tout à l'heure, de manière un peu provocatrice, vous avez estimé qu'il était courageux de taxer les accidentés du travail, c'est-à-dire d'inventer un impôt dont l'assiette est constituée par les accidentés du travail. Pour notre part, nous estimons que le courage véritable, utile en tout cas pour nos finances publiques, serait, monsieur le ministre, que vous reveniez sur une disposition qui coûte beaucoup trop cher à notre pays, notamment au regard de l'état de ses finances publiques. Puisque le président de la commission des finances vous propose un amendement permettant de garder l'esprit du dispositif que vous avez adopté, tout en en limitant le coût – je veux parler des moindres recettes pour l'État –, le vrai courage, monsieur le ministre, n'est pas, comme vous l'avez fait tout à l'heure, de défendre une recette de 150 millions d'euros au détriment des accidentés du travail, mais de récupérer quelques milliards d'euros au détriment de sociétés qui, comme l'a expliqué le rapporteur général, par un mécanisme tout à fait improductif pour l'économie et ne reposant que sur une virtualité, ont engendré pour l'État des moindres recettes qui s'élèvent, selon votre fascicule des voies et moyens, à plus de 20 milliards d'euros en deux ans.
Monsieur le ministre, il y a des limites. Vous venez de nous soutenir que les estimations dont nous disposons ne sont pas bonnes. J'ai entre les mains l'évaluation des voies et moyens qui nous a été fournie par votre ministère et je lis que 6 200 entreprises ont bénéficié de la taxation à taux réduit des plus-values à long terme provenant de cessions. Toujours selon cette même évaluation, dont la fiabilité est déclarée « très bonne », cela représente 12,5 milliards en 2008 et 8 milliards en 2009 !
Vous avouerez que nous avons atteint les limites ! Soit vous nous distribuez de faux documents, soit vous n'êtes pas au courant de ce que publie votre ministère. Mais nous refaire des évaluations au doigt mouillé – je ne veux pas faire de peine à M. Copé, aussi resterai-je extrêmement poli, bien que n'ayant pas été élevé –, c'est se moquer du monde ! Vous n'en avez pas le droit.
Cet après-midi, monsieur le rapporteur général, vous nous avez servi les termes clinquants d'« équité » et de « justice », alors qu'il s'agissait de taxer de 150 millions d'euros les victimes d'accidents du travail. Mais, face à une dépense fiscale de 20 milliards d'euros, il n'y a plus ni justice ni équité : il y a le bon vieil argument de la concurrence internationale !
En ce qui concerne le courage dont nous parlions tout à l'heure, nous avons eu droit à une belle débandade avec des explications un peu foireuses. Il y a des limites à tout. Après ce genre de numéro, on a du mal à comprendre certaines de vos prétentions.
Je vais sans doute faire de la peine au président de la commission des finances, mais je trouve son amendement bien modéré. Il s'agit de 20 milliards d'euros, et l'on nous explique que passer de 5 à 20 % laissera encore de beaux jours aux entreprises qui pourront s'amuser à faire circuler leurs plus-values, ou plus exactement à réaliser leurs plus-values en faisant circuler les avoirs d'un même champ juridique de holdings. On se moque du monde ! C'est ce qu'il faut garder à l'esprit, aujourd'hui : votre sens de l'équité et de la justice ! S'agissant de 20 milliards d'euros en deux ans au bénéfice d'entreprises qui ont par ailleurs bénéficié de toute une série de mesures, il n'y a pas de problème. En revanche, 150 millions pour les accidents du travail, cela vous pose problème !
Continuez comme cela ! Si nous étions cyniques, nous devrions vous féliciter. L'ennui, c'est qu'il y a des gens derrière tout cela. Je pense aux accidentés du travail, car je ne me fais pas de souci pour les présidents de holdings… Au moment où l'on nous parle d'identité nationale, vous devriez quelque part vous sentir interpellés. Sur ce sujet, d'ailleurs, permettez-moi de vous poser une question, monsieur le ministre : pensez-vous que les Françaises et les Français ayant choisi de s'expatrier pour ne pas payer d'impôts en France méritent toujours d'être français ? Pensez-vous que ce soit la meilleure façon d'aimer la France ? Tant qu'à nous amuser, allez jusqu'au bout ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. - Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
En fin de compte, un dispositif a été voté assez rapidement, sans faire l'objet d'une étude d'impact. Il était supposé avoir un coût considéré comme supportable par les finances de l'État. Or il s'avère être bien plus élevé. De surcroît, M. le ministre ne reprend pas les chiffres de son propre ministère. Mais, quels que soient les chiffres, ce dispositif présente un coût bien plus lourd pour les finances publiques que ce qui avait été estimé au départ.
Cela étant, si l'on observe plus globalement la fiscalité des entreprises, on constate que bon nombre de dispositifs sont construits de telle façon qu'il est très facile de les contourner. Et, finalement, ils ont un coût bien plus élevé que celui prévu au départ, en termes de moindres recettes. Le dispositif que vous nous proposez en fait partie.
On connaît le système des délocalisations fiscales qui ont permis à un certain nombre d'entreprises de ne plus payer d'impôt en France, en transférant, par exemple, leur siège en Suisse, et en reconstruisant un certain nombre de sociétés en maison mère et filiales. On sait aussi que pour les entreprises ayant des filiales en France, il est assez simple de ne jamais déclarer de bénéfices entraînant le paiement des impôts, en jouant sur les transferts entre les filiales et la maison mère hors de France. Bref, les inégalités face à l'intérêt général pullulent dans notre pays. Il faut pourtant que l'ensemble des participants à la vie de notre pays contribuent à l'impôt, citoyens comme entreprises. Sinon, nous nous trouverons dans une situation où les entreprises, au nom de la compétitivité, contribueront de moins en moins. Et comme il y a des dépenses incompressibles, tout comme il y a des besoins incompressibles, on en arrive, dès lors que l'on veut maintenir une certaine qualité de vie dans notre pays, à transférer sur les ménages les impôts que n'acquittent plus les entreprises.
Il faut, à un moment donné, en finir avec ces transferts et faire en sorte que les dispositifs conçus à l'origine pour telle ou telle raison au bénéfice de telle ou telle catégorie d'entreprises ne permettent pas de fuites devant l'impôt. J'ai entendu les propos tenus par M. le rapporteur général sur les fuites du dispositif constatées. Et s'il y a une différence entre le coût estimé initialement et le coût réel, c'est visiblement que le dispositif comporte des défauts.
La moindre des choses, monsieur le ministre, aurait été de prendre un engagement afin que le dispositif soit ou revu, ou supprimé. Mais il convient en tout état de cause de revenir à une moindre recette fiscale qui corresponde à un besoin réel, et non à un cadeau fait aux entreprises, sans justification ni contrepartie.
On peut avoir, c'est vrai, des définitions différentes des dépenses fiscales. Mais, monsieur le ministre, cela figure dans le fascicule « Voies et moyens », annexé au projet de loi de finances, concernant les dépenses fiscales.
Toujours est-il que, manifestement, cette mesure est coûteuse. À partir de ce moment-là, il faut s'interroger sur sa pertinence. D'autant qu'elle a coûté beaucoup plus cher que ce que l'on avait imaginé à l'époque. J'ai relu les débats : il avait été précisé que cette mesure pourrait ne rien coûter… Manifestement, il n'en est rien !
J'ai bien entendu vos arguments, monsieur le ministre : la base de comparaison n'est pas obligatoirement la bonne, la « dépense fiscale » est surévaluée par le fait que l'on a pris comme référence un impôt sur les sociétés à 33 13 %, etc. Mais même en prenant 19 %, cela reste quand même un dispositif extrêmement coûteux. Je n'ai pas trouvé beaucoup d'arguments dans votre réponse pour le justifier, sinon que cela existe ailleurs… C'est tout de même insuffisant !
Le Conseil des prélèvements obligatoires juge, dans son rapport, que nous sommes maintenant très attractifs. Ne le sommes-nous pas trop au regard de la situation de nos comptes publics ? Avons-nous les moyens de nous payer ce type de dispositif ? La question mérite d'être posée.
Une liste d'entreprises a été publiée dans un hebdomadaire. Il serait intéressant de voir quelles entreprises ont bénéficié de ce dispositif et dans quelles conditions, si cela a été efficace au regard de l'emploi et de l'activité, compte tenu du coût que cela représente.
La perte de produits d'IS en 2009 est liée à la crise, nous répète-t-on. Pas seulement ! C'est aussi la conséquence d'un certain nombre de mesures fiscales que nous avons pu prendre. D'une certaine façon, Jean-François Copé, que nous avons cité tout à l'heure, redoutait un peu le coût de cette mesure. Il avait proposé son report et son étalement. Il n'était donc peut-être pas totalement convaincu de son inocuité.
Compte tenu de l'importance de la somme et quel que soit le mode de calcul, je trouve, monsieur le ministre, que nous devrions en savoir un peu plus sur les bénéficiaires et sur l'évaluation de ce dispositif.
Il ne s'agit pas d'une dépense fiscale, mais d'une modalité de calcul de l'impôt. C'est classé ainsi. Ce n'est pas tout à fait pareil.
Ce n'est pas considéré comme une niche fiscale.
Monsieur Emmanuelli, arrêtez de tout mélanger.
Monsieur Emmanuelli, quand il s'agit de tout mélanger, vous êtes le roi. Vous prenez quelque chose, vous mixez et vous mélangez le tout.
Vous mélangez ce débat avec un de ceux que nous avons eus tout à l'heure. Ce n'est pas correct. On peut avoir des débats d'une totale démagogie, …
…100 % de démagogie. Mais avec vous, cela frise le 150 % !
Monsieur Emmanuelli, je remarque que vous êtes très énervé. Gardez votre calme, et nous pourrons avoir un débat à peu près correct. Un élu doit, si possible, doit savoir garder son sang-froid, d'autant que je ne vous agresse pas. Cessez donc de m'interrompre. monsieur Emmanuelli ! Vous êtes aussi le roi de l'interruption.
Le rapport du Conseil des impôts en 2004, le rapport de M. Charzat sur l'attractivité en 2001, le rapport du Conseil des prélèvements obligatoires cité par M. Migaud, tous ont reconnu la nécessité d'adapter et d'adopter ce dispositif.
Très récemment, le président du Conseil des prélèvements obligatoires, Philippe Séguin, indiquait : « Ce régime d'exonération de plus-values de cessions présente des avantages comparatifs, du fait de la mise en place dans certains pays de dispositifs limitant... »
Aujourd'hui, notre dispositif permet à la France de revenir dans le peloton de l'OCDE, de l'Union européenne. En revanche, il n'est pas aussi attractif que les dispositifs allemands et belges. L'Allemagne et la Belgique ne sont pas des pays exotiques ; ils sont à nos frontières.
Notre dispositif a sa place dans le monde actuel. Il n'est ni choquant, ni provocant de dire que l'on peut adapter notre fiscalité au monde tel qu'il est. Nous ne sommes pas, systématiquement obligés de ne pas le faire.
Vos vingt milliards, c'est de l'illusion !
Cela ne fonctionne pas comme cela.
Si vous fiscalisez, cela ne représente plus 20 milliards. C'est une modalité de calcul à partir de l'impôt à 33 13 %. Dès l'année prochaine, si vous voulez, nous modifierons cette modalité de calcul et nous vous indiquerons, sous un astérisque, comment les calculs ont été faits. Ainsi, vous vous comprendrez mieux.
Nous avons besoin de ce type de dispositif. Il est tout à fait naturel et compétitif. Ce n'est pas une niche fiscale, mais un impôt calculé d'une certaine façon. Une partie relève des frais de gestion et il y a, à ce moment-là, une base imposée.
Le Gouvernement est défavorable aux deux amendements.
Monsieur le ministre, ce que vous venez de dire est grave.
Tout à l'heure, j'ai entendu M. le rapporteur général faire, en quelque sorte, acte de contrition en disant que l'impact n'avait pas été bien mesuré : on pensait que l'impact serait de 1 ou 2 milliards, et nous en sommes finalement à 20 milliards – douze plus huit… C'est bien de reconnaître ses erreurs, même si une erreur de 20 milliards, c'est très cher !
Mais vous, monsieur le ministre, vous venez de nous dire que vous assumez et que vous ne bougerez pas. Autrement dit, non seulement vous vous montrez défavorable à ces amendements, mais vous laissez clairement entendre que vous ne bougerez pas sur cette disposition, ni pour les années suivantes, ni dans le collectif budgétaire.
Nous en prenons acte. Les Français en tireront les conséquences.
Mais puisque nous parlons d'expatriement, de délocalisation de certaines entreprises, permettez-moi de citer quelques exemples d'entreprises particulièrement concernées. Vous apprécierez si elles sont ou non facilement délocalisables ou expatriables…
Suez a cédé Tractebel ; l'économie a été de 840 millions.
La compagnie d'investissement LBO de la Caisse des dépôts a cédé TDF : 430 millions d'euros d'économies
La SAUR a été cédée – je ne suis pas sûr que cette entreprise soit facilement délocalisable, compte tenu de son activité. 180 millions d'euros !
Les banques françaises ont cédé EURONEXT – je ne sais pas si elle est expatriable – : 60 millions économisés.
Lagardère a, paraît-il, cédé des titres EADS dans des conditions que l'on connaît, ou plutôt que l'on refuse de connaître. Bolloré est également concerné par la cession de Vallourec à hauteur de 50 millions d'euros.
Chacun peut mesurer la notion d'équité fiscale. S'agit-il d'une niche,…
…d'une dépense fiscale ou d'une mesure fiscale ? Je constate, comme tout le monde, que, sur deux ans, environ 20 milliards d'euros ont été concernés par ces dispositifs.
Monsieur le ministre, vous avez dit ne pas vouloir y revenir, au nom de la concurrence et du risque d'expatriement des holdings. Assumez, mais permettez qu'on vous rappelle que dans cet hémicycle, cet après-midi, a été votée la fiscalisation des indemnités journalières pour accidents du travail, dont le bénéfice attendu est de 150 millions d'euros.
J'apprécie le sens des mots : M. le ministre nous explique qu'il s'agit de modalités d'imposition. Si l'on traduit en clair, c'est tout de même une baisse d'impôt !
Si l'on dit qu'il s'agit d'un régime d'exonération ou de taxation réduite, c'est plus clair. Du reste, vous le précisez vous-même. Auparavant, c'était taxé à un certain niveau, alors que, maintenant, cela ne l'est pratiquement plus.
On peut entendre votre discours sur l'intérêt d'être attractif. Mais encore faut-il le prouver, car cela représente tout de même une certaine somme. Il est vrai que le Conseil des prélèvements obligatoires a dit que le dispositif pouvait se comparer à des dispositifs existant ailleurs, mais il a également fait observer qu'il avait un coût…
…indiquant, à propos de la création de la taxe libératoire destinée à l'alléger, que cela a « constitué un surcoût provisoire pour les entreprises détentrices de stocks de plus-values de long terme, mais un allégement à moyen terme car ces plus-values ne seront à l'avenir plus taxées, alors qu'elles auraient supporté un complément d'impôt de l'ordre de 4 milliards d'euros » – sans préciser sur quelle période.
Cela montre bien qu'il s'agit d'une mesure coûteuse. Le titre du paragraphe incriminé dans le rapport du Conseil des prélèvements obligatoires est explicite : « Un régime relativement attractif », ce qui sous-entend qu'il est particulièrement favorable !
Je souhaiterais, monsieur le ministre, que vous nous disiez que ce dispositif sera évalué. Si l'on relit les débats qui se sont déroulés au Sénat, on comprend que cette mesure fera venir des entreprises nouvelles.
Qu'en est-il ? Y en a-t-il eu en 2008 et en 2009 ? Quelle évaluation peut-on en faire au regard du coût de la mesure ?
Nous nos disons tous soucieux des conséquences des décisions fiscales que nous prenons. Celle-ci mériterait à tout le moins une démonstration et une évaluation ; bref, des preuves que ce dispositif a permis de conserver et d'attirer des entreprises ou des holdings en France. N'oublions pas que tout cela est payé par le contribuable. Si l'on additionne tout, on arrive facilement au montant du grand emprunt que vous nous proposerez bientôt.
Cela étant, il est permis d'imaginer de faire un usage différent de telle ou telle ressource budgétaire ou de telle ou telle dépense fiscale.
Vous aurez compris que je ne suis pas prêt à corriger ce système, car il ne correspond pas à la caricature que vous en faites.
Je m'adressais en fait à ceux qui sont assis un peu plus haut dans les travées, monsieur Migaud ! (Sourires.)
Certes… M. Bouvard peut-être, dont la circonscription est à une altitude plus élevée ! (Sourires.) Avec lui, on en prend toujours un peu !
Bref, notre dispositif est utile et efficace : c'est un coût d'opportunité. Vous l'avez caricaturé comme vous avez caricaturé le débat de tout à l'heure. Point final.
Si vous souhaitez, monsieur le président de la commission des finances, qu'on l'évalue, je n'y vois aucun inconvénient. Il faut évaluer pour évoluer. J'ai du reste déjà lancé un travail sur l'évaluation des différentes niches fiscales ; nous en parlerons à partir du printemps prochain lorsque nous disposerons des premiers résultats. Encore une fois, je suis prêt à évaluer ce dispositif, correctement, à froid, et à en parler en commission des finances si vous le souhaitez. C'est tout à fait normal, mais je ne suis pas prêt à le corriger aujourd'hui compte tenu des éléments d'information et de comparaison avec les autres pays dont nous disposons.
(L'amendement n° 285 n'est pas adopté.)
(L'amendement n° 287 n'est pas adopté.)
Il reste quatre-vingt-douze amendements à examiner.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite de la discussion de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2010 :
Suite des articles non rattachés.
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt heures.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,
Claude Azéma