La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)
Cet après-midi, l'Assemblée a continué l'examen des articles, s'arrêtant à l'amendement n° 36 , portant article additionnel après l'article 5.
Je suis saisi de plusieurs amendements identiques, nos 36 , 75 et 160 , portant article additionnel après l'article 5. Leur discussion se déroulera en application de l'article 95, alinéa 2, du règlement. Plusieurs orateurs sont inscrits.
La parole est à M. le rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.
Monsieur le président, monsieur le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement, l'amendement n° 36 , dont beaucoup de gens ont parlé, sans même parfois se donner la peine de le lire, répond à un vrai problème : la fraude documentaire. Sur ce point, j'attire votre attention sur le rapport que M. Gouteyron, vice-président du Sénat, a publié il y a quelques semaines. Il souligne que la fraude documentaire, due le plus souvent à la déliquescence des administrations nationales, est un phénomène endémique : « 30 % à 80 % des actes vérifiés sont frauduleux dans des pays tels que le Sénégal, la Côte d'Ivoire, les deux Congo, le Togo, Madagascar ou les Comores ». En conséquence, la vérification des documents est particulièrement « chronophage », autrement dit les personnels de l'administration consulaire passent leur temps à vérifier et revérifier. Et il en conclut que les délais nécessaires pour obtenir le regroupement familial pourraient être raccourcis par des expertises sur la base de tests ADN, ou de recherches menées par des experts privés, à la demande et à la charge des demandeurs.
À ceux qui veulent nier l'existence de ce problème, je rappellerai que la solution des tests a été mise en oeuvre dans douze grands pays européens et qu'elle donne visiblement satisfaction.
Cet amendement ne mérite ni excès d'honneur, ni excès d'indignité. Mais, que voulez-vous, chacun sait que d'un côté de cet hémicycle siègent les arbitres de l'élégance et de la morale et que tout ce qui les choque est forcément scandaleux.
Vous commencez bien, monsieur Mariani ! Ne vous inquiétez pas, on va prendre notre temps.
Depuis deux jours, je supporte toutes les épithètes possibles, jusqu'au « crapuleux » de M. Mamère. Vous pouvez maintenant dire ce que vous voulez, je suis blindé ! Vos leçons de morale, je n'en ai rien à faire ! La morale est présente des deux côtés de l'hémicycle, et jusqu'à présent, c'est à nous que les électeurs ont fait confiance. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
C'est un débat que ces messieurs ne veulent pas qu'on aborde : le sujet est tabou.
Chacun sait que la gauche refuse que certaines questions soient abordées. S'attaquer à la pensée unique qu'elle défend est un sacrilège pour elle.
Dois-je rappeler encore une fois que ce que je propose a déjà été mis en place dans douze pays européens, qui plus est, à l'initiative de gouvernements sociaux-démocrates, comme celui de M. Schröder ?
Il s'agit de créer un outil de plus. Il ajoute, il n'enlève rien. En réalité, il ne modifie pas la procédure actuelle du regroupement familial. Le demandeur qui ne voudrait pas se livrer à un test ADN peut suivre la voie classique. Mais pour aboutir à quoi ? À des situations comme celle de cette dame, dont le cas a été cité hier par Le Monde en page 3 : en l'absence d'état civil dans son pays d'origine, elle attend ses enfants depuis huit ans.
Ce que je propose, c'est un droit supplémentaire, une possibilité supplémentaire, une liberté supplémentaire.
Oui, une liberté supplémentaire qui consiste, pour chaque personne qui le souhaitera, à pouvoir choisir, pour dire les choses concrètement, de faire un prélèvement de salive en vue d'une comparaison avec celle de son enfant. Point final.
Cette liberté vous gêne. Vous voulez l'interdire car vous avez décidé qu'elle était amorale, sacrilège. Pourtant, elle permettrait à ceux qui le souhaitent d'aller plus vite.
Quand on ne fraude pas, quand ses enfants sont bien ses enfants, quand on vient d'un pays où l'état civil est défaillant, corrompu ou détruit,
…on peut toujours continuer à attendre mais on peut aussi préférer cette liberté déjà offerte dans douze pays européens.
En outre, cette liberté supplémentaire permettra de limiter considérablement les possibilités de fraude au regroupement familial.
Ceux qui fraudent continueront à utiliser la voie classique et nos fonctionnaires pourront mieux se concentrer sur leur cas, grâce au temps qu'ils auront gagné en n'ayant plus à faire de vérifications pour ceux qui se prêteront aux tests ADN. Quant à ceux qui ne fraudent pas et qui ne veulent pas faire ces tests, ils recevront une réponse favorable au bout d'un certain temps.
Par ailleurs, cela limitera l'afflux vers nos postes consulaires de demandes frauduleuses, qui se détournent de nos partenaires européens. Car quand la personne en possession de faux papiers sait qu'au consulat belge, au consulat anglais, au consulat suédois ou au consulat norvégien, on est susceptible de lui demander un test ADN, devinez où elle se dirige ? Vers le consulat français, bien sûr ! Et les personnes honnêtes voient l'examen de leur dossier retardé en conséquence.
Enfin, dernier avantage, cela nous permettra d'établir plus aisément la filiation invoquée par les demandeurs de bonne foi, originaires de pays à l'état civil défaillant.
Vous pouvez toujours continuer à faire de grands discours philosophiques. Dans les autres pays, la gauche s'est ralliée aux principales mesures que nous proposons, tel l'apprentissage obligatoire de la langue nationale. Vos amis hollandais ou allemands ont compris le bien-fondé de la mesure que nous proposons. Vous êtes visiblement la seule gauche européenne qui continue d'avoir des positions frileuses, sectaires, …
…tournée qu'elle est vers les groupuscules de gauche dont elle recherche le soutien en période électorale.
Vous avez trouvé un sujet de caricature. Exploitez-le tant que vous voulez !
Vous êtes un provocateur, un apprenti sorcier, monsieur Mariani ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Et dire que M. Valls est censé représenter la gauche moderne ! Mais c'est la plus archaïque que je connaisse ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Monsieur Valls, chers collègues, s'il vous plaît, nous avons une soirée chargée en perspective. Seul M. le rapporteur a la parole.
En conclusion, je vous propose de ne pas céder une fois de plus à la pensée unique qui veut nous imposer nos positions. Cette mesure pratique permettra de donner à toutes les personnes qui demandent un regroupement familial un droit supplémentaire qui raccourcira les délais de réponse et fera perdre moins de temps aux fonctionnaires. Voilà ce qui choque la gauche. Voilà ce que je vous demande d'adopter. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, permettez-moi de vous dire que je suis quelque peu désolée du ton pris par nos débats. Ce n'est pas un problème de droite ou de gauche, c'est un problème de conscience. Je souhaiterais que nous puissions aller au fond des choses et je suis certaine qu'alors, des deux côtés de cet hémicycle, nous parviendrons à un résultat.
Je peux comprendre que cette proposition soulève des questions éthiques et que certains l'estiment contraire à nos valeurs républicaines et humanistes. Moi-même, je me suis posé beaucoup de questions. Mais il est vrai aussi que les demandeurs d'un regroupement familial rencontrent beaucoup de problèmes.
Permettez-moi ici d'apporter un témoignage qui éclairera sans doute un peu les débats. Le 9 mars 2006, la Commission nationale consultative des droits de l'homme a adopté un rapport sur la polygamie en France dont je suis l'auteur. Il s'agissait d'élaborer des propositions pour lutter contre cette pratique dans notre pays et pour protéger les femmes qui en sont les victimes sur notre territoire et les aider à vivre dans le respect de notre droit.
Pour faire ce rapport, j'ai auditionné notamment le directeur de la circulation des étrangers et le chef de la section des familles de réfugiés, qui m'ont fait part des difficultés que rencontraient certains de nos consulats à valider des documents d'état civil et à délivrer des visas.
Ils m'ont indiqué que des décisions arbitraires sont prises parfois à cause de ces difficultés, que certains consulats opposent des refus systématiques tandis que d'autres acceptent sans véritable justification objective. Bref, tout le monde était mal à l'aise avec cette question. Mais que faire ?
Faut-il faire reposer la décision sur l'ultime conviction du consul ou de l'employé du consulat en charge de ces dossiers ou permettre, comme c'est le cas dans douze autres pays européens, d'avoir accès à un moyen moderne qui donnera la preuve de l'identité des personnes par leur filiation ?
Je me suis également penchée sur le cas de ces jeunes filles qui entrent en France comme fille de l'homme dont elles deviennent finalement la deuxième, voire la troisième épouse.
Dans les pays où les états civils sont fortement défaillants ou quand, de bonne foi, les personnes ne peuvent pas faire preuve de leur filiation par des actes, pourquoi effectivement leur refuser ce moyen biologique ?
Ces mêmes directeurs m'ont raconté que dans trois consulats français au moins des personnes, croyant que la mesure existait en France, avaient produit ces tests, à l'instar de ce qui se passe dans certains consulats de pays européens, afin de prouver immédiatement leur filiation. Bien entendu, les employés du consulat leur ont répondu qu'en l'état actuel du droit en France on ne pouvait pas tenir compte de ces preuves de filiation.
Ce passage de mon rapport en date du 9 mars 2006, que vous pouvez trouver sur le site Internet de la CNCDH, n'a fait l'objet d'aucune observation de la part des membres de la commission.
C'est pourquoi je suis favorable à la possibilité de recourir à ces tests d'ADN, mais à plusieurs conditions. D'abord, il est important que ce soient bien les personnes elles-mêmes qui les proposent.
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. C'est ce que prévoit l'amendement !
Ensuite, toute garantie doit être prise pour qu'après la délivrance du visa il ne puisse être fait aucun autre usage ni du test, ni des prélèvements. C'est ce que semble prévoir le sous-amendement n° 266 qui fait état de la demande de la personne et du consentement des personnes dont l'identification est recherchée.
J'ai cru entendre, monsieur le ministre, que vous envisagiez d'expérimenter le dispositif, notamment pour les ressortissants des pays où nos partenaires européens eux-mêmes le pratiquent déjà. J'appelle votre attention sur le coût de ces tests qui peut s'élever entre 200 à 500 euros, le sous-amendement n° 267 visant à prendre en charge les frais exposés pour cet examen en cas d'acceptation du visa.
Pour conclure, je souhaite que le dispositif mis en place à titre expérimental soit évalué, afin de voir quels aménagements il faudrait lui apporter, avant éventuellement de le poursuivre, voire de le généraliser ou de le supprimer. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Monsieur le président, sur ce sujet important, je m'efforcerai d'adopter la même tonalité que Mme Hostalier plutôt que celle du rapporteur.
Cette discussion a déjà eu lieu ici, non dans le cadre d'un texte sur l'immigration, mais sur les lois de bioéthique. Elle avait été amorcée en 1992 – je n'étais pas député à l'époque –…
…pour se conclure une première fois en 1994.
Je fais partie de la commission des lois depuis 1997 et j'ai toujours suivi les discussions sur la bioéthique tant il me semble important de réfléchir à notre système de valeurs, à l'avenir de nos sociétés, à la façon dont nous entendons évoluer ensemble et mettre à notre service, au service de nos concitoyens, les progrès qui peuvent être accomplis.
Quand on parle d'ADN, il ne s'agit ni de bon sens, ni de pragmatisme, mais d'une question de valeurs, d'une discussion morale, éthique. Ce débat, qui avait donné lieu à de nombreuses suspensions de séance, avait permis de s'accorder sur ce qu'il convenait de ne pas faire.
Subir un test ADN est, mes chers collègues, un geste peu courant qui mérite d'être contrôlé. Pour ma part, je n'en ai jamais fait,…
… comme du reste la très grande majorité d'entre nous. Et cela vaut peut-être mieux...
En 1992, le Parlement avait franchi une étape importante en différenciant les tests génétiques à usage médical qui permettent, par exemple, de détecter une prédisposition à une maladie, de ceux dont la finalité était d'identifier un individu ou de déterminer une filiation. À l'époque, il avait été décidé que ces examens ne pouvaient être effectués qu'après saisine judiciaire.
Le texte que vous nous proposez, monsieur le rapporteur, met en avant une conception de la famille qui en est totale contradiction avec celle en vigueur dans notre pays. Du reste, cette conception est validée par le sous-amendement n° 268 du Gouvernement qui vise à discriminer très clairement les migrants africains puisqu'il fixe la liste des pays pour lesquels s'appliqueront ces tests génétiques. Et l'on se doute bien qu'il ne s'agira pas des États-Unis ou de la Suède. La mesure proposée concernera uniquement les pays africains dont l'état civil présente des carences.
Je partage le cri du généticien Axel Kahn : « On demande aux familles étrangères à peau noire ou basanée d'être une vraie famille par le sang. Or la vraie famille ne l'est pas toujours par le sang, il y a de nombreuses exceptions. »
Oui, monsieur le ministre, la définition de la famille en France n'a jamais été réduite à sa composante biologique. Notre droit est basé sur la reconnaissance. On peut reconnaître des enfants qui ne sont pas les siens comme en adopter. Cela ne correspond d'ailleurs ni à notre conception, ni à celle des familles visées dans cet amendement qui ont souvent elles-mêmes une vision élargie de la famille. Nous savons d'ores et déjà que l'amendement est discriminatoire pour les migrants africains et qu'il s'adresse à des personnes qui ont souvent une conception de la famille quelque peu différente de la nôtre.
Pour qui légifère-t-on ? Pour les 23 000 étrangers qui ont bénéficié d'un titre de séjour au titre du regroupement familial en 2005 ? Pas du tout, puisque nous légiférons pour les enfants. Mais combien d'enfants y avait-il ? 9 000. Et combien de fraudes ? Je suis prêt à en discuter, le rapporteur voulant faire croire à une invasion.
En résumé, la disposition proposée s'adresse uniquement aux migrants africains, à ceux qui peuvent avoir une conception de la famille différente de la nôtre, et elle ne concerne que très peu de cas. Nous devons nous interroger sur la façon dont nous utilisons ces tests génétiques.
Enfin, ce débat met en jeu l'honneur des parlementaires que nous sommes. Il peut exister différents cas : une femme peut avoir été inséminée par un sperme de donneur, les enfants peuvent avoir été adoptés, le père légal peut être différent du père biologique. Jamais nous n'avons pensé que le lien de filiation pouvait se réduire à sa dimension biologique, tant la question du coeur, du désir, des valeurs est importante dans notre conception de la famille. (Murmures sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Quand on veut légiférer pour quelques dizaines de cas, l'on doit se poser des questions relatives à l'honneur et non pas simplement au pragmatisme, au bon sens ou à la pratique. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. - Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Que ferez-vous du cas de cette femme qui aura trois enfants du père biologique installé en France tandis que le quatrième, que vous qualifierez de bâtard, ne pourra pas rejoindre sa famille en France ? (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Monsieur le ministre, nos principes sont républicains et universels. Nous n'acceptons pas pour les autres ce que nous n'acceptons pas pour nous-mêmes. Nous considérons que la filiation n'est pas simplement biologique. Voilà pourquoi l'amendement de M. Mariani est indigne de notre pays, de notre droit, de notre peuple. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Introduire un tel amendement dans un texte de loi, c'est faire franchir à notre débat une étape bien particulière.
On peut toujours discuter de la possibilité de demander tel ou tel document supplémentaire. Mais comment peut-on imaginer qu'on va instaurer à l'intention des familles étrangères une vérification qui nous paraîtrait totalement indigne si l'on osait la proposer à une famille française ?
Votre obsession du tri, de la fraude et du fichage vous fait oublier que vous avez affaire avant tout à des êtres humains et qu'on ne peut pas leur infliger un tel traitement.
Vous nous répondez que de telles dispositions existent dans certains pays étrangers et que ces tests sont faciles à mettre en oeuvre, que tout cela est moderne. Mais ce n'est pas parce qu'une technique est moderne qu'elle est acceptable. Encore faut-il en connaître la finalité. Tant que vous ne nous aurez pas expliqué en quoi les valeurs de la République que vous défendez vous permettent de procéder de la sorte à l'égard d'être humains, nous ne pourrons pas vous suivre dans ces délires de la modernité.
Vous nous dites que de telles pratiques ont cours dans d'autres pays européens. Durant le mois qui a précédé nos débats, il aurait pu être utile que M. Mariani, qui par ailleurs est un excellent spécialiste de la question et a rendu un rapport extrêmement précis et détaillé, auditionne des représentants de ces pays afin qu'ils nous expliquent en détail comment cela se passe. N'oublions pas au demeurant que dans un certain nombre de cas, nous avons refusé de suivre l'Europe quand ses propositions ne nous semblaient pas adaptées.
Curieusement, les indications que nous donne M. Mariani sont beaucoup moins précises que ce qu'il prétend. En Allemagne, il n'existe pas de fondement juridique à une telle mesure, mais le texte de loi est en cours d'élaboration ; en Autriche, le test est autorisé dans certains cas exceptionnels, comme en Belgique qui procède à l'évaluation de l'expérimentation ; au Danemark, il s'agit d'une simple pratique ; au Royaume-Uni il n'existe aucun texte sur le sujet ; et ainsi de suite.
Il n'est donc pas possible d'affirmer que les peuples d'Europe consultés ont admis cette pratique.
Surtout, il aurait fallu lever les inquiétudes que nous avons exprimées concernant les femmes à qui l'on reprochera d'avoir attenté à l'honneur de leur mari. Vous savez bien le sort qui leur est réservé dans certains pays. Vous ne nous avez rien dit, monsieur le rapporteur, sur ce qui se passera si le test est négatif, ce qui constitue le point essentiel à mes yeux. Laissera-t-on la femme se débrouiller seule, même si elle encourt la lapidation ? Acceptera-t-on l'épouse mais refusera-t-on l'enfant à qui l'on reprochera d'être adultérin et qui devra rester seul dans le pays d'origine ? Si oui, à qui sera-t-il confié ? Autant de questions graves sur lesquelles vous devez nous éclairer avant que nous puissions nous prononcer sur cet amendement qui a été introduit de manière subreptice dans le texte.
J'ai écouté Mme Hostalier, dont je partage les préoccupations humanitaires, sur les mariages forcés. (« C'est un fait ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Je ne dis pas le contraire, mais ce n'est pas avec des tests ADN que vous empêcherez des barbons d'épouser des adolescentes qu'ils font passer pour leur fille.
Et ne venez pas me dire qu'ils se comporteront en père vis-à-vis d'elles ! Moi qui ai été avocate, je sais qu'il existe des cas d'inceste. Vous ne protégerez personne, ni contre les mariages forcés, ni contre l'inceste ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Notre débat a des airs de déjà-vu. En 1996, lors de la révision des lois Pasqua, le ministre de l'intérieur de l'époque, M. Debré, avait la lourde tâche de corriger certains textes qui avaient posé problème. Plusieurs parlementaires, emmenés par une députée du sud de la France, Mme Sauvaigo, se sont livrés dans l'hémicycle à une surenchère à propos des hordes d'immigrés qui se seraient apprêtées à envahir la France.
Chacun a le droit d'exprimer ses convictions. J'écouterai vos arguments, mais je voudrais rappeler ce qui s'est passé.
Il y a déjà eu alors des propositions qui visaient à mettre en place des contrôles génétiques pour les arrêter. Le débat n'est donc pas nouveau.
À l'époque, le Gouvernement a été débordé par sa majorité. Elle a voté des mesures qui ont donné lieu par la suite à une formidable résistance de l'ensemble de la communauté française, au point qu'il a fallu revenir dessus quelques mois après. Mal en a pris les auteurs de cette surenchère, dont M. Philibert. Le sort leur a été funeste aux élections suivantes.
Mais il y a eu des personnalités qui ont eu le courage de dire que la France n'était pas n'importe quel pays, et qu'elle ne pouvait donc pas faire n'importe quoi dans ses rapports avec le reste du monde, notamment envers les peuples avec lesquels elle entretient des relations particulières. Ces gens-là n'étaient pas de gauche, ils n'appartenaient pas à ma formation politique. Ils ont par la suite occupé d'éminentes fonctions constitutionnelles. En tout cas, ils ont eu le courage de résister à leur propre majorité, du moins à ses éléments les plus radicaux, et c'était tout à leur honneur.
L'immigration, nous en discutons depuis des années. Il n'y a pas de solution miracle, nous le savons tous. Cela étant, ce sont des principes qui sont en jeu. En réalité, nous n'assistons pas à un débat sur la maîtrise des flux migratoires, ni même sur les meilleurs moyens pour les maîtriser. Il s'agit en fait d'un débat interne à la majorité pour régler d'autres conflits desquels la presse nous tient informés. Il y a manifestement une volonté de provocation et cela n'est pas acceptable : vous ne pouvez pas une nouvelle fois régler vos conflits sur le dos des populations d'origine étrangère. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Là est la véritable racine du problème.
Premièrement, le Président de la République, avant d'être élu, a été ministre de l'intérieur. Pourquoi la question, qui n'est pas nouvelle, n'a-t-elle pas été abordée dans les différents projets de loi au cours des cinq dernières années ? Il savait parfaitement que le message adressé aux populations étrangères serait désastreux et le procédé totalement inefficace.
Deuxièmement, pourquoi, au cours des échanges interministériels qui ont présidé à la rédaction du texte, la proposition de tests ADN n'a-t-elle pas été retenue ? Elle a été écartée, vous le savez très bien, monsieur le ministre, pour les mêmes raisons. Le reproche que je vous fais, c'est de ne pas livrer votre conviction et de ne pas expliquer votre position. Vous devriez avoir le courage de fixer les limites à la discussion et de dire qu'une évaluation doit être menée. La France ne peut prendre une décision aussi grave, compte tenu de sa signification à l'égard de l'Europe. Vous le savez, dans ce domaine, la symbolique est encore plus forte que l'efficacité.
Nous nous opposons à cet amendement et nous allons livrer bataille ici même, et dans le pays. (Vives exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Vous pourrez faire toutes les rodomontades que vous voudrez, vous serez confrontés aux cas de conscience qui ne manqueront pas de se poser dans les mois à venir. Les dérapages et les erreurs vous obligeront à corriger le tir. Alors, arrêtez la spirale infernale en retirant cet amendement ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Après de nombreux collègues, je vais à mon tour fournir un exemple. J'ai eu l'occasion l'an dernier, dans le cadre d'une mission officielle de l'Assemblée, d'aller dans un pays d'Afrique, que Thierry Mariani a cité tout à l'heure,...
..en compagnie d'un autre de mes collègues et d'un fonctionnaire.
Nous avons transmis nos passeports à l'ambassade quinze jours ou trois semaines avant le départ, pour obtenir un visa. Le vendredi précédant notre départ, qui devait avoir lieu un jeudi, le fonctionnaire en question a téléphoné pour s'assurer que les visas étaient prêts et aller les chercher. On lui a répondu de venir le lundi, ce qu'il a fait. Mais le lundi, les passeports avaient disparu. Comme il restait trois jours, le problème a été réglé et nous sommes partis avec un document que je n'avais jamais vu, un sauf-conduit calligraphié par l'ambassadeur en personne à la plume Sergent-Major.
Si, j'ai vérifié.
Une fois arrivés sur place, chacun muni de sa carte d'identité et de son sauf-conduit, nous avons attendu, en compagnie de l'ambassadeur de France, une demi-heure pour accomplir les formalités de police.
C'était en juillet 2006. Cinq mois après, j'ai reçu un coup de téléphone du commissariat de police du 1er arrondissement de Paris m'informant que mon passeport avait été retrouvé dans les mains d'une personne qui s'était rendue coupable de plusieurs actes délictueux – notamment en ouvrant des comptes en banque. Où est-ce que je veux en venir ?
Même l'ambassade du pays en question n'a pas un service de visas fonctionnant comme les nôtres. Il y a des fuites y compris au sein de l'ambassade.
Nous sommes au xxie siècle, et nous avons de nouveaux outils à notre disposition, parmi lesquels les tests ADN. Quand vous caricaturez nos positions, monsieur Dray, et parlez de conflits au sein de la majorité, ne voudriez-vous pas par hasard cacher ceux qui déchirent le Parti socialiste ?
Fermons la parenthèse.
Nous n'avons pas de problèmes de bioéthique. Le rapporteur l'a dit, le test est proposé sur la base du volontariat.
Il s'agit seulement de recourir à la science pour lever les doutes qui pèsent sur l'état civil d'un pays. C'est la moindre des choses. Nous n'avons pas honte,...
..nos collègues européens ont prévu peu ou prou la même chose.
Cela étant, pendant que nous débattons, on ne parle pas des conflits au PS. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour reprendre les propos de Mme Hostalier, de Bruno Le Roux et Julien Dray, la proposition qui nous est soumise ce soir nous pose à la fois un problème de conscience...
Monsieur Myard, vous pourriez vous dispenser de ce genre de saillie qui ne vous honore pas, ni le camp auquel vous appartenez. Oui, je prétends avoir, tout autant que vous, une conscience laïque, celle d'un représentant du peuple, porteur d'une part de la souveraineté nationale au même titre que vous, même si je suis dans l'opposition aujourd'hui.
Nous avons un problème de conscience et de droit. J'ai sur mon pupitre le code civil que nous élaborons ensemble, lequel indique bien que la filiation n'est pas biologique, mais qu'elle s'établit par le biais de la reconnaissance. Le juge qui dit le droit, en l'espèce la Cour de cassation, a plusieurs fois confirmé cette conception de la famille, au terme d'une évolution qui s'est faite au fil des années.
Pourquoi avons-nous un problème de droit ? Parce que notre rapporteur, dans un grand élan que je qualifierai de démagogique et populiste…
…– comme l'a dit Julien Dray : c'est de la surenchère – est en train de porter un coup de poignard au code civil et de remettre en cause des décennies de lois et de droit sur la famille. La presse l'a souligné à plusieurs reprises, cet amendement réduit la notion de famille à une entité biologique. Rappelons qu'en 1994 et 2004, députés de la majorité et de l'opposition s'étaient accordés dans cet hémicycle pour que les tests génétiques ne puissent être appliqués qu'à des fins juridiques ou médicales, en s'opposant à leur utilisation pour établir la filiation.
À travers cet amendement, il y a donc la volonté manifeste d'imposer une discrimination, une ségrégation entre des familles françaises qui seraient soumises à la loi, et notamment au Code civil, et des familles étrangères…
…ou françaises, puisqu'il s'agit des conjoints de Français, qui seraient soumises à un droit d'une autre nature, ou à un autre degré du droit. Peut-on l'accepter dans une société démocratique ?
Vous avez, monsieur le rapporteur, justifié cette disposition par la lutte contre la fraude ; je crois qu'il faut la rapprocher de certains amendements que vos amis de la majorité avaient déposés avant que le ministre d'État, ministre de l'intérieur, ne soit élu président de la République : je pense en particulier à l'idée que la colonisation aurait été un bienfait pour les colonisés. Votre argument, c'est de dire que dans beaucoup de pays africains l'on triche, qu'on ne peut pas y vérifier l'état civil. Il suffit d'ailleurs de regarder les enquêtes, et le temps aujourd'hui nécessaire pour obtenir d'un consulat une autorisation de séjour quand on vient d'Haïti, des Comores, de Guinée, de République démocratique du Congo et de toutes ces anciennes colonies d'Afrique aujourd'hui indépendantes au sujet desquelles vous essayez de nous faire croire – ce que nous a raconté M. Maillé en est une illustration presque obscène – que ce sont des pays de tricheurs, y compris à l'ambassade et dans l'entourage de l'ambassadeur ! Et les familles qui demandent le regroupement familial seraient composées elles aussi de tricheurs et de tricheuses ! Je rappelle que ce n'est pas à elles, mais à l'administration, de prouver la véracité de l'état civil. Par un tour de passe-passe, vous nous expliquez que l'on va recourir aux tests volontaires d'ADN afin d'éviter la fraude aux documents !
Ce n'est rien d'autre que du chantage ! Dans ces pays-là, vous allez quasiment obliger les demandeurs de regroupement familial à pratiquer des tests génétiques, parce que vous soupçonnez leurs documents d'avoir été falsifiés.
Je termine, monsieur le président.
Ce double soupçon, nous ne pouvons l'accepter, au nom de notre conscience, du droit, de l'idée que nous nous faisons de la République ; une République dans laquelle ce n'est pas le droit du sang qui prime, mais le droit du sol, où la citoyenneté de résidence doit l'emporter sur toute autre conception, où nous avons des valeurs communes et où ceux qui viennent dans notre pays partagent, à quelques très rares exceptions près, ces valeurs ; s'ils viennent chez nous, c'est précisément parce qu'ils y croient, qu'ils veulent les partager avec nous et échapper à la tyrannie, à l'autoritarisme et au sous-développement. Nous devons leur permettre de le faire !
Imposer des tests d'ADN, c'est une nouvelle forme d'humiliation ; c'est vouloir imposer, sans le dire, une nouvelle forme de colonisation (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche – Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Mes chers collègues, je voudrais intervenir avec la plus grande sincérité et en toute sérénité.
Je crois que ce débat n'est pas médiocre et qu'il renvoie à bien d'autres enjeux qu'une simple disposition. Il nécessite une réflexion approfondie.
Tout d'abord, pourquoi cette mesure ? Est-ce une insulte que de dire que dans certains pays l'état civil est inexistant, que l'administration y est moins développée que la nôtre ? Pour y remédier, ne faut-il pas, afin de permettre le regroupement d'une famille, chercher à prouver la filiation d'une autre façon ?
Si l'idée est donc juste, pragmatique et même généreuse,…
…nous devons nous interroger sur les moyens à mettre en oeuvre. Les tests génétiques : comme vous, chers collègues de tous les bancs, je conserve le souvenir de ce débat approfondi de 2004, au cours duquel nous nous étions posé la question de savoir à quoi ils pouvaient servir. À la science ? Oui. À la justice ? Oui – et encore, dans un cadre strict. À la médecine ? Certainement, mais à condition que l'on passe par le volontariat.
C'est la première question : est-ce un acte volontaire, libre et éclairé ? Choisit-on cette solution faute d'en avoir une autre ? Lorsque nous aurons à réviser les lois de bioéthique, puisqu'elles sont révisables et qu'à chaque instant, nous devons nous demander si la science est en conformité non avec la morale, mais avec l'idéal qui nous anime, cette question se posera à nouveau ; aussi sommes-nous un certain nombre à souhaiter qu'on ne prenne pas de décision définitive, afin de pouvoir, le moment venu, examiner cette disposition d'un oeil ouvert, averti et précis.
Après tout, on y recourt dans douze pays démocratiques. La question se pose donc de savoir si elle constitue vraiment une infraction à la démocratie et une atteinte aux droits de l'homme, ou si, simplement – et je partage sur ce point, mais uniquement sur ce point, l'avis de Julien Dray –, la France n'est pas un pays comme les autres. Les Pays-Bas sont un pays démocratique ; ils pratiquent l'euthanasie, et la France n'a pas décidé de le faire. La Suisse est un pays démocratique ; elle reconnaît le suicide assisté, et la France n'a pas décidé de le faire. On voit bien que sur ces problèmes, non pas moraux, mais éthiques –…
…parce que la morale impose une loi alors que l'éthique, elle, interroge sur ce que nous sommes et ce que nous voulons devenir –, nous avons à nous interroger.
La deuxième question est de savoir si ce moyen donné au migrant de faire reconnaître son droit n'est pas à la marge de la législation française. Qui est le père ? Est-ce le père biologique, ou celui qui a fait d'un enfant un homme ? Pour nous, républicains, pour nous, membres de la nation française, le père est celui qui a fait d'un enfant un citoyen français.
Dans cette optique, si le test génétique a pour objet de faciliter la reconnaissance d'un droit, il peut être expérimenté ; mais s'il s'agit de limiter les droits de la personne, il devrait être écarté.
La troisième question est de savoir pourquoi un migrant vient ici. Quand quelqu'un souhaite être rejoint par sa famille restée dans son pays d'origine, la question n'est pas de savoir ce qu'est cette famille, qui est la cellule de solidarité de base dans toute démocratie, mais pourquoi il le désire. Probablement parce qu'il s'agit d'une migration économique plutôt qu'intellectuelle ou scientifique. Si l'on oblige les migrants à passer par la case d'un test payant, c'est une barrière supplémentaire qui vient s'ajouter aux autres.
L'enjeu est donc de savoir comment faire en sorte qu'une mesure qui a été adoptée par douze démocraties puisse être utile au migrant, et non constituer un obstacle pour lui. Après ce débat, après avoir écouté attentivement ce que vous avez dit hier, monsieur le ministre, et après avoir encore écouté ce qu'a dit aujourd'hui le Premier ministre, j'estime qu'un doute subsiste. Et que cette disposition doit être expérimentée et non validée définitivement. Son évaluation ne devra pas être faite de façon interne au ministère, mais confiée à un organisme indépendant : un comité national d'éthique vérifiera que la mesure est bien dans l'intérêt du migrant. Et lorsque nous examinerons les lois de bioéthique, il nous faudra utiliser cette évaluation pour voir si nous devons envisager – mais ce n'est pas mon avis – que les tests génétiques puissent servir à autre chose qu'à la médecine, à la science, à la justice, autrement dit qu'à la défense de la personne humaine, qui est l'élément essentiel de notre philosophie.
Je le dis en toute amitié à Thierry Mariani, qui connaît parfaitement tous ces sujets et a une vision européenne et même mondiale de l'immigration : c'est la raison pour laquelle cet amendement était initialement inacceptable à mes yeux. Il ne peut être envisagé que dans la mesure où une évaluation sera conduite de manière indépendante, où il sera revu à la lumière des lois de bioéthique que nous serons appelés à voter, où sa charge financière n'incombera pas au migrant mais au pays d'accueil, et où nous considérons tous que les migrations sont affaire de solidarité internationale, et qu'il y va de la mission de la France et des valeurs de la République. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau centre ainsi que sur quelques bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
À ce stade du débat, je me range volontiers à ce qu'ont dit, avec des approches et dans des styles différents, aussi bien Bruno Le Roux et Julien Dray que mon confrère Jean Leonetti. On voit bien en effet que ce problème sort du champ de nos discussions précédentes.
Quand vous faites passer les conditions de ressources d'une fois à 1,20 ou 1,33 fois le SMIC, nous sommes contre. Nous disons que c'est un obstacle supplémentaire, que ce n'est pas juste, pas bien, que c'est trop, que c'est difficile. Nous restons cependant dans le rôle imposé à l'opposition et nous acceptons que, si dure soit-elle, la règle de la majorité s'impose.
De même, lorsque vous demandez des justificatifs supplémentaires, nous y sommes opposés car nous trouvons que c'est injuste, mais nous continuons le débat et nous essayons d'adoucir la mesure au moyen d'un amendement. En revanche, avec cette disposition, le débat change totalement de nature puisque vous mettez gravement en cause à la fois la tradition française et le travail formidable que la droite et la gauche ont accompli, le plus souvent dans le consensus, en matière de bioéthique – je ne saurais citer tous les noms car je n'étais pas encore député lorsque, entre 1993 et 1997, les premières lois sur le sujet ont été votées. En effet, quels que soient le Gouvernement, la majorité et les convictions d'ordre spirituel de chacun, nous sommes parvenus à définir ensemble une éthique française, comme le disait avec beaucoup de justesse le docteur Leonetti.
Il est vrai – M. Mariani a raison – qu'il existe des pays démocratiques où la gauche et la droite se sont mises d'accord pour légaliser l'euthanasie active, comme aux Pays-Bas, ce qu'en France nous avons toujours refusé. Il est vrai aussi que la Grande-Bretagne a fait des choix totalement différents des nôtres, en matière de cellules souches notamment, puisque ce pays vient d'autoriser la création d'embryons hybrides humain-animal, ce qui nous paraît monstrueux. Il s'agit pourtant, je le répète, d'un pays démocratique, dont le Parlement est plus fort que le nôtre, mais où, à droite comme à gauche, le débat sur ces questions s'est peu développé, en raison, peut-être, d'un utilitarisme que d'aucuns qualifient d'« anglo-saxon » et qui met la science au service de causes qui lui sont étrangères. C'est ce dont nous ne voulons précisément pas pour la France, qui refuse de voir la science poursuivre d'autres objectifs que des objectifs strictement scientifiques ou médicaux très nobles, sauf de manière très encadrée dans le domaine judiciaire en cas de recherches policières.
J'ai relevé plusieurs questions qui n'ont toujours pas reçu de réponse.
Lorsque le test révélera que l'enfant, dont le père, qui réside en France, demandera l'entrée sur le territoire dans le cadre du rapprochement familial, n'est pas le sien, à qui l'annoncera-t-on ? Au père ou à la mère ? Cachera-t-on la nouvelle ou sera-t-on conduit à dire que tel enfant peut entrer parce que son ADN satisfait aux conditions tandis que tel autre doit rester à la porte parce que son ADN ne répond pas aux attentes ? Cela n'a pas de sens !
Je tiens par ailleurs à vous rappeler que les enfants illégitimes ne sont pas nécessairement le fruit de la seule gaudriole – ce mot n'a d'autre objectif que de détendre l'atmosphère – mais qu'ils peuvent l'être également d'un viol : or, dans certains pays, le viol est considéré comme une très grande faute pour la femme elle-même qui, dans certains cas, peut être tuée ! Ces tests constitueront donc pour elles un véritable danger car ils risqueront de révéler un viol antérieur. Je suis étonné que des députés qui, sur tous les bancs, mais en particulier sur ceux de la majorité, à juste titre d'ailleurs, aiment à rappeler que les femmes sont les êtres les plus vulnérables, ne songent pas à prendre en considération de tels cas ! Or je ne voudrais pas qu'une seule femme, à cause de ce test, soit demain lapidée dans un des pays que M. Mariani a précédemment cités. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Je suis, avec Mmes Michèle Tabarot et Patricia Adam, membre du comité de suivi de l'Agence française de l'adoption, présidé par Yves Nicolin. Or je puis vous assurer que cette disposition suscite des questions très complexes ! Je m'étonne du reste que celle notamment des enfants adoptés n'ait pas été mieux étudiée. Je ne pense pas seulement à l'adoption plénière, au sujet de laquelle M. Mariani a répondu qu'il suffirait de produire l'acte juridique d'adoption.
Toutefois, même dans ce cas, faut-il rappeler qu'en France la révélation à l'enfant de son adoption est une attitude récente ? Il y a seulement trente ans, on la lui cachait plutôt. Êtes-vous certain qu'il en est de même dans tous les pays ? Qu'en sera-t-il par ailleurs des enfants qui entrent dans le cadre de la kafala, laquelle correspond à une adoption simple et non plénière ?
Au regard de toutes les difficultés que je viens de soulever, je peux affirmer que le test ADN non seulement change la nature du débat mais, de plus, risque de provoquer des dégâts énormes.
Enfin, ne croyez pas, mes chers collègues, que cette mesure nous mettrait à l'abri de la fraude, d'autant que les tests ADN n'offrent pas tous la même fiabilité. Il suffit de regarder sur Internet le site français « dnasolutions » qui, proposant des « tests ADN professionnels », fait, par exemple, la promotion d'un « test ADN de paternité », de la « plus haute précision » qui, « pour seulement 199 euros », c'est-à-dire « aux prix les plus bas garantis », propose de tester la filiation sur 19 régions chromosomiques, voire 23 régions pour 269 euros – il s'agit alors du « super Test » ! Le coût est donc plus élevé que celui que vous avez annoncé, monsieur Mariani ! Ainsi, de telles pratiques, qui sont interdites dans notre pays, sont possibles en ligne au travers d'un site qui a son adresse informatique en France, mais dont, il est vrai, l'adresse postale se situe en Espagne ! Tels sont les premiers résultats d'une génétique dévoyée ! Demain les services consulaires ne seront pas en mesure de vérifier la validité des tests ADN qui leur seront présentés et dont un grand nombre sera falsifié – on pourra alors parler de tests de substitution ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Mes chers collègues, nous avons, sur la question de l'immigration, des approches différentes – l'examen du présent texte permet de le vérifier une nouvelle fois. Nous savons néanmoins – Julien Dray l'a rappelé – qu'il n'y a pas de solution miracle en la matière. Aussi arrêtons les faux débats, d'autant que, sans aucun doute, nous partageons la même vision du monde actuel et que nous sommes d'accord à la fois sur la chance que peut représenter l'immigration pour notre pays et sur les risques qu'elle fait courir à notre société.
Je parle de la vision du monde tel qu'il est, c'est-à-dire d'un monde ouvert et global, dans lequel l'immigration sera une question majeure, les flux migratoires étant appelés à devenir pour toutes les sociétés, du Sud comme du Nord, un des défis les plus importants à relever. C'est pourquoi nous adhérons tous, en dépit de différences notables, au principe de la maîtrise des flux.
Nous pouvons avoir, notamment sur les statistiques d'origine, sur les quotas ou sur l'immigration économique, des débats complexes qui dépassent, du reste, et c'est tout à l'honneur de notre assemblée, les clivages politiques. Sur tous ces sujets en effet, et bien que la question de l'immigration ait empoisonné, depuis tant d'années, à droite comme à gauche, la vie politique, les convergences peuvent être aussi fortes que les divergences.
Mais je ne suis pas certain qu'on puisse débattre de tous ces sujets dans le cadre du présent texte, où il s'agit, mes chers collègues, d'examiner une question de nature totalement différente, puisqu'il y va de la vision de ce que nous sommes ! Jean Leonetti a eu raison de rappeler les grandes lignes du débat sur la bioéthique : les principes alors dégagés sont aujourd'hui inscrits dans notre code civil. Or on ne saurait régler une question aussi vaste au travers d'un amendement visant à résoudre le problème de la fraude, un problème, du reste, que personne ne nie : je suis prêt à adopter les conclusions du rapporteur du Sénat, qui a fait en la matière un travail remarquable. Mais croire qu'on éliminera la fraude en recourant à des tests génétiques n'a aucun sens ! Comme des élus de droite et de gauche l'avaient suggéré au sein de la commission des lois, l'État et les collectivités locales feraient mieux, au contraire, de consacrer leurs efforts à aider les pays à forte émigration à reconstituer leur état civil. La France mènerait de ce point de vue une action bien plus positive qui rejaillirait sur l'image qu'ils se font d'elle – ce qui est également très important !
Mais, je tiens à le répéter, il s'agit avant tout d'une question de valeurs ! Le code civil prévoit que « l'examen des caractéristiques génétiques d'une personne ne peut être entrepris qu'à des fins médicales ou de recherche scientifique. » Il ajoute que « le consentement exprès de la personne doit être recueilli par écrit préalablement à la réalisation de l'examen, après qu'elle a été dûment informée de sa nature et de sa finalité. Le consentement mentionne la finalité de l'examen. Il est révocable sans forme et à tout moment. » De plus, « l'identification d'une personne par ses empreintes génétiques ne peut être recherchée que dans le cadre de mesures d'enquête ou d'instruction diligentée lors d'une procédure judiciaire ou à des fins médicales ou de recherche scientifique ou d'identification d'un militaire décédé à l'occasion d'une opération conduite par les forces armées ou les formations rattachées ». L'adoption de l'amendement de M. Mariani signifierait donc que nous assimilons l'immigré à un malade ou à un délinquant,…
…ce qui serait inacceptable et poserait, je le répète, pour notre pays, un problème de valeurs et d'image.
Je n'entre même pas dans le débat sur la filiation – ce qui devait être dit sur le sujet a été rappelé par les uns et par les autres – : c'est en effet parce qu'il touche aux principes que cet amendement est inacceptable et que nous ne saurions accepter la mesure qu'il préconise, fût-ce à titre expérimental, comme nous le proposera le Gouvernement au travers d'un sous-amendement. Pourquoi ne pas saisir le Comité national d'éthique, comme nous l'avons proposé ? Demandons-lui son avis sur la question ! Nous ne pouvons pas légiférer dans la hâte, en adoptant un amendement qui contredit les principes mêmes du code civil, qui sont eux-mêmes les fruits des réflexions qui ont accompagné le vote des lois de bioéthique, principes qui sont conformes aux valeurs même de la France. Oui, Julien Dray a eu raison de souligner que notre pays a un autre message à porter. Nous avons beaucoup parlé de la France ces dernières heures, de la langue française et de sa force, et du fait que son apprentissage était indispensable. Si tous, ici, nous sommes fiers d'être français et de représenter le peuple à l'Assemblée nationale, c'est que nous sommes, monsieur Mariani, tous aussi français les uns que les autres et que, comme l'a dit Noël Mamère, nous sommes chacun, ici, une part de la nation. Soyons dès lors persuadés que l'adoption d'un tel amendement serait contraire aux valeurs de la France et à son image dans le monde.
Telle est la raison pour laquelle il faut le retirer et ne pas accepter de se livrer à des expérimentations alors même que l'essentiel est en jeu. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Après avoir écouté avec une grande attention tous les orateurs qui m'ont précédé, je souhaite vous faire part de mon expérience : voilà quarante-huit heures que Thierry Mariani a déposé son amendement et j'ai depuis été sollicité par des médias étrangers. Or quelle n'a pas été ma surprise de constater que partout en Europe on est très étonné de voir prendre une telle mayonnaise à propos de cet amendement !
N'en rajoutez pas ! Ou c'est que vous manquez d'arguments !
L'ampleur du débat les étonne en effet et dans les rencontres contradictoires qu'ils organisent, ils répondent à ceux qui sont opposés à l'amendement de Thierry Mariani qu'ils ne comprennent pas pourquoi un simple moyen de preuve devient une véritable calamité.
J'ignorais que M. Myard se référait désormais à la presse étrangère. Moi qui le prenais pour un souverainiste !
Monsieur Valls et monsieur Leonetti, j'ai été très attentif à tout ce que vous avez dit sur l'éthique. Moi-même, en 2004 j'ai été, comme vous, de ceux qui sont restés très prudents parce que ces lois touchaient à des questions essentielles. Mais ne faites pas non plus du chantage à l'éthique ! Il y a tout de même des limites à ne pas dépasser !
Il ne s'agit pas là d'une mesure obligatoire, mais d'ouvrir une possibilité. Or on soutient qu'elle est contraire à la tradition française, à l'idée que nous devons donner de nous-mêmes dans le monde. Mais, messieurs, …
…un peu de modestie ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Quand on étudie le droit pénal, on apprend qu'il y a eu pratiquement les mêmes débats à propos des empreintes digitales.
On a pu entendre dans cet hémicycle les mêmes accusations, les mêmes arguments fallacieux soutenant qu'on ne se rendait pas compte qu'on ne pourrait plus faire quoi que ce soit, qu'on allait être reconnus.
Et souvenez-vous des accusations que l'on a également pu entendre lorsqu'il s'est agi de coller une photographie sur les papiers d'identité ! Je crois donc qu'il faut ramener le débat à de plus justes proportions.
Je comprends parfaitement, mon cher collègue Leonetti, les précautions que vous souhaitez que l'on prenne, mais je souhaite non moins sérieusement rappeler qu'il ne s'agit ici que d'un moyen de preuve, rien de plus. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Non, depuis le 18 juin 1940 ! (Exclamations et rires sur divers bancs.)
Je vais commencer de la même façon que M. Leonetti mais je finirai de manière inverse.
Je commence donc de la même manière, en étant sincère, ce qui n'est pas une nouveauté chez moi et, ce qui l'est davantage, je vais tâcher de me montrer apaisé jusqu'au bout.
D'abord, en ce qui concerne la méthode – notre collègue Myard vient de le rappeler –, il n'y a que quarante-huit heures que cet amendement a été introduit dans un débat portant sur une loi importante que le Gouvernement avait tout de même eu le temps de préparer.
C'est M. Myard qui a parlé de quarante-huit heures ; je ne fais que reprendre ses propos ; mais quarante-huit, soixante-douze, quatre-vingt-seize heures ou une semaine, peu importe ! Il y a, à propos de cette loi, certains principes que nous ne partageons pas parce qu'il existe, en effet, à nos yeux, des valeurs de droite et des valeurs de gauche.
Sauf que, et je rejoins sur ce point Mme Hostalier, nous ne nous situons plus, à propos de cet amendement, dans le cadre d'un débat droite-gauche, mais d'un débat qui engage notre conscience, qui met en jeu notre responsabilité de ne pas donner le moindre coup de canif dans ce qui jusqu'à présent a fait consensus au sein de cet hémicycle. En effet, malgré les évolutions scientifiques et techniques, nous avons toujours, sur les questions éthiques, pris des décisions à l'unanimité.
Or je souhaite que nous mesurions bien les conséquences du coup de canif que nous sommes sur le point de porter. Je partage les propos de notre collègue Leonetti : jusqu'à présent nous avons mené des débats profonds, préparés bien en amont, préparés avec des gens qui nous ont éclairés sur les conséquences de nos décisions.
Alors pourquoi ne pas prendre ce temps-là ? Pourquoi, en effet, ne pas réunir le Comité national d'éthique ? Et si jamais, en effet, il s'avère…
…qu'on n'est pas opposé à la définition d'une éthique générale que nous pourrions partager, on peut revenir sur ce texte. Sauf qu'en l'occurrence nous travaillons dans les pires conditions.
Je ne veux pas tenir de propos provocateurs, mais écoutons les réactions de certaines personnalités. Quand Axel Kahn nous dit que ce projet de loi est une bombe, il crée un précédent redoutable. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Il possède une certaine légitimité, Axel Kahn : vous l'avez vous-même cité sur ces bancs et ailleurs. Je ne veux pas être polémique,…
…je vous rappelle simplement ce que certains affirment aujourd'hui. Est-ce qu'on peut les écouter ne serait-ce qu'un peu ? Est-ce qu'on peut écouter le collectif de chercheurs animé par Alain Trautmann qui lui aussi soutient que ce texte est une bombe ? J'insiste : mesurons-en bien l'effet.
Ensuite, on parle de rupture. Eh bien ! c'est réussi ! Cette disposition provoque en effet une rupture au sein de l'hémicycle comme elle en provoquera une au sein de la société.
Troisième point de mon intervention, je m'adresse directement à vous, monsieur Myard. Bruno Le Roux a déclaré que 9 000 enfants arrivaient chaque année sur le territoire français par le biais du regroupement familial. On peut considérer que, parmi eux, à peine le tiers, voire un quart proviennent des pays sujets à suspicion et que parmi ce tiers ou ce quart, on ne compte qu'une minorité de cas litigieux aux termes des documents qui nous sont présentés. Aussi, grosso modo, 200 à 300 enfants à la filiation incertaine sont susceptibles d'arriver sur notre territoire. (« Et alors ? » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Jacques Myard a suggéré à Bruno Le Roux qu'il devrait passer le test ADN, qu'on ne savait jamais, qu'il pourrait avoir des surprises. Cela ne me fait pas rire, monsieur Myard ! (Exclamations sur les mêmes bancs.)
Ça existe aussi, la morale, monsieur Myard, surtout quand on est député !
Monsieur Dray, je vous en prie ! M. Braouezec est le seul à avoir la parole !
Il s'agit d'éthique et je vais vous expliquer pourquoi. C'est pour moi quelque chose de très personnel. Quand quelqu'un qui vous est très cher apprend, à l'âge de quatorze ans, que celle qu'on croyait être sa mère était sa tante et que sa tante était en réalité sa mère, eh bien, je puis vous assurer que cela produit un sacré traumatisme !
En effet, il y a quatre-vingt-deux ans, il ne faisait pas bon être fille-mère.
Vous rendez-vous compte des drames humains – et il y en aura sans doute davantage que chez les deux cents enfants qui arrivent sur notre territoire dans des conditions litigieuses – que l'on va provoquer dans de nombreuses familles ?
Mesurez-vous en toutes les conséquences et pour les parents – la mère notamment – et pour les enfants ? Mesurez-vous qu'avec cet amendement, introduit dans le débat comme vous l'avez fait, on crée les conditions de vrais drames qu'on perçoit mal aujourd'hui. Aussi je vous demande, à chacun d'entre vous, d'y réfléchir au moment du vote.
Enfin, je vous en conjure, nous avons une responsabilité particulière. Vous ne vous déjugerez pas en votant le reste de la loi sans voter cet amendement ; au contraire, vous vous grandirez ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et sur plusieurs bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Je crois qu'à ce stade du débat, beaucoup de choses essentielles ont été dites et je n'ai pas la prétention ni d'innover ni d'apporter un témoignage personnel.
Je crois néanmoins nécessaire de rappeler comment cet amendement a été introduit dans le débat. On a bien dit qu'il s'agissait d'un ajout récent ; j'ajouterai : hâtif et impréparé.
Le débat montre à quel point la réflexion doit être approfondie de part et d'autre de l'hémicycle.
Il ne faut faire de procès à personne, mais il convient d'essayer de comprendre et de mesurer l'importance de ce genre de décision. Je ne partage pas l'avis du rapporteur lorsqu'il parle de liberté. Je n'ai pas l'impression que la liberté qu'on prétend garantir laisse véritablement la possibilité de choisir. Je n'ai pas l'impression non plus qu'en stigmatisant ces personnes en les présentant comme des fraudeurs potentiels, on aborde ces questions sous le meilleur angle.
Pour reprendre les cas limites déjà évoqués, imaginez que la première personne à être surprise par le test ADN soit l'enfant lui-même, celui qui l'a demandé. On sait très bien qu'en la matière, on l'a répété à plusieurs reprises, on ne peut être assuré à 100 % de la filiation réelle.
S'il existe un vrai problème, celui des pays où les états civils ne permettent pas d'avoir une certitude, la réponse du test ADN n'est certainement pas la plus appropriée. Elle paraît même la moins adaptée. D'ailleurs, le Gouvernement ne s'y était pas trompé qui avait écarté cette possibilité dans son projet initial. Or la voilà qui revient subrepticement par cet amendement. Si l'on en croit la presse, M. le ministre lui-même, il y a quelques jours, ne le soutenait pas de façon fervente. On pouvait même supposer que le Gouvernement allait s'en remettre à la sagesse de l'Assemblée, mais les choses ont évolué différemment.
Le Gouvernement souhaite assortir cette proposition de certaines conditions, comme si une telle question pouvait faire l'objet de conditions, qu'il s'agisse du remboursement des tests ou de la période d'essai de deux ans. Cela signifie que pendant deux ans on aurait vraiment mauvaise conscience.
En effet, ce ne sont pas les modalités d'application de ce test qui sont en cause, mais le principe lui-même. Or, l'état des connaissances scientifiques, des réflexions sur la bioéthique – souvent évoqué dans cet hémicycle –, ne nous permet pas, à mon sens, de prendre une telle décision dans la précipitation. Mme Hostalier a évoqué avec raison, dans son propos liminaire, l'importance de la conscience. Chacun a rappelé qu'au-delà de la filiation génétique, le code civil comportait – Noël Mamère l'a rappelé et d'autres l'ont confirmé – une notion spécifique à la France : le droit de la reconnaissance.
Prenons un autre cas limite, dans un pays où la guerre a sévi. Que penser des enfants orphelins dont on sait qu'en Europe et a fortiori en Afrique ou dans d'autres cultures, les oncles et les tantes se sentent totalement responsables ? Ils n'auront pas la filiation génétique !
Nous ne sommes pas en mesure d'appréhender tous les cas. Nous agissons, j'insiste, dans la précipitation. Jusqu'à présent, nous avons avancé pas à pas sur les questions de bioéthique appliquées à la médecine ou à la justice, questions que nous avons bien « cadrées ». Sur ce point, je rejoins totalement M. Braouezec selon lequel ce genre de débat mérite non pas un affrontement politicien mais une réflexion commune.
Il serait dommageable pour l'image de la France, pour les parlementaires, que cette rupture dont on parle à propos de tant de domaines, s'applique aussi à celui de la bioéthique.
Nous aurons d'autres rendez-vous sur la bioéthique, en 2009 par exemple. Mettons le temps à profit pour réfléchir en profondeur sur ces questions. Il faut accepter d'écouter les conclusions d'Axel Kahn, même si elles ne correspondent pas à ce que certains pensent. Cette sommité mérite qu'on l'entende ; et si Axel Kahn ne convient pas,…
…on pourrait aussi citer une autre conscience qui s'appelle Albert Jacquard. (Murmures sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
J'emprunterai ma conclusion (« Ah ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) à Rabelais : « Science sans conscience n'est que ruine de l'âme. »
Après nous avoir accusés, pendant la campagne des législatives, de ne pas « oser aimer la France », le Premier ministre convoquait quelques semaines plus tard, dans son discours de politique générale, le « génie français ». Eh bien, convoquons-le à notre tour ce soir afin de prendre l'amendement de M. Mariani pour ce qu'il est, à savoir une mesure totalement étrangère tant au génie français qu'à une certaine tradition française bien antérieure à la République – mon collègue vient de le rappeler en citant Rabelais –, qui font que la France est un pays différent des autres, où l'on légifère en matière de bioéthique.
Alors que dans nombre de pays, le rapport à la science laisse les scientifiques faire des recherches et innover dans des domaines totalement expérimentaux, nous considérons, dans le nôtre, que la science ne se suffit pas à elle-même et que l'éthique doit délimiter les domaines que la connaissance humaine peut défricher, ou ne pas aborder. Dans leur grande sagesse, les lois bioéthiques, qui ont fait l'unanimité des associations, des écoles de pensée ou encore, sur le plan politique, de cet hémicycle, ont ainsi déterminé très strictement les domaines dans lesquels on peut faire appel aux tests ADN.
Le génie français, c'est aussi une certaine vision de la famille – qui étonne très largement au-delà de nos frontières –, pas forcément composée d'enfants légitimes et du papa et de la maman officiels. Des enfants illégitimes naissent en effet hors mariage. Ils représentent même, chers collègues, la moitié des enfants qui naissent dans notre pays.
Il y a même eu un précédent au plus haut sommet de l'État, et l'enfant née hors mariage n'en était pas moins celle du Président de la République. De même, lors de l'investiture de l'actuel Président, quelques jours après le 6 mai dernier, une famille française recomposée, aux enfants issus de différents lits, est apparue marchant sur le tapis rouge. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Voilà ce qu'est le modèle dans la France d'aujourd'hui. C'est ce qui fait que nous n'ayons pas été choqués, contrairement à certains journalistes étrangers présents, notamment japonais, de voir une enfant illégitime assister aux obsèques de son père, ancien Président de la République
Ce qui fait le génie français, c'est cette manière très particulière de considérer la science aussi bien que la famille. Ce génie, monsieur le ministre de l'identité nationale, ne l'abîmez pas ! Penchez-vous donc sur notre histoire, sur nos traditions et sur notre présent ! N'insultez pas la France, mais rejetez l'amendement Mariani ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
La démonstration a été faite ce soir que, sur les bancs de la majorité, le débat existe et qu'il est sain. Chacun peut s'exprimer, à l'image de notre collègue, le docteur Leonetti, qui, dans sa sagesse, a démontré que si nos analyses étaient différentes, nous pouvions trouver des points de convergence, ce qui est essentiel.
En revanche, à constater le monolithisme qui règne sur les bancs de l'opposition, il me revient la citation de votre Madone, chers collègues,...
..que vous avez tendance à brûler : « Pardonnez-leur, car ils ne savent pas ce qu'ils font » ! (Sourires.)
Vous ne faites en effet que dans l'excès depuis que vous traitez de la problématique de l'immigration. N'en a-t-il pas été ainsi avec la régularisation massive que vous avez instaurée,...
..sans que soient prévues des conditions correctes d'accueil permettant à tous ceux qui arrivent sur notre territoire de pouvoir s'intégrer dans des conditions dignes en vivant dans des logements décents ?
Cela ne vous heurte donc pas, vous qui avez laissé tomber en désuétude les lois sur l'immigration...
..avec la politique de régularisation massive appliquée sous le gouvernement de Lionel Jospin, ce à quoi l'on assiste en France ? À des enfants qui vivent dans des squats, qui y meurent brûlés comme le 26 août 2005 ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Ce n'est pas le sujet, madame Morano ! Vous détournez le débat sciemment !
Encore une, oui !
..nous avons décidé de prendre à bras-le-corps et même à bras-le-coeur...
..le problème de l'immigration, afin justement de retrouver un accueil en France dans la dignité et un équilibre entre immigration économique et immigration familiale.
Quelle est la mesure proposée, maintenant que le sujet est recadré ? Vous vous égarez entre la bombe de M. Braouezec, la conscience de M. Mamère,...
..ou la morale de M. Dray. Ce que nous propose notre excellent rapporteur, Thierry Mariani, dont la connaissance du dossier de l'immigration est reconnue pour y avoir beaucoup travaillé,...
..c'est, tout simplement, un outil supplémentaire destiné aux candidats à l'immigration...
..qui leur donne la possibilité d'accélérer l'examen de leur dossier, sur la base du volontariat.
Laissez-moi terminer.
Voilà ce dont il s'agit : un outil supplémentaire que nous leur donnons pour constituer leur dossier et pour venir ainsi plus rapidement chez nous.
C'est vous qui le dévoyez en abordant des sujets dont nous ne devrions pas parler ce soir !
Il s'agit, bel et bien, de permettre à des familles séparées de se rejoindre,...
..mais cela, vous le perdez de vue. Vous êtes ailleurs. Un jour, sans doute, marcherez-vous sur l'eau ! Vous ne pensez pas à ces familles séparées, notamment à cette femme dont l'exemple était donné hier dans le journal Le Monde : voilà cinq ans qu'elle essaie de faire venir ses enfants et si elle n'y arrive pas, c'est parce que dans son pays d'origine, comme dans tant d'autres, malheureusement, l'état civil est défaillant, voire inexistant.
Notre objectif est bel et bien de rendre leur unité à ces familles dans le cadre d'un vrai regroupement familial. L'amendement de Thierry Mariani est à cet égard très humaniste, en tout cas beaucoup plus que vos mesures, parce qu'il permettra de regrouper des familles qui attendent cela depuis très longtemps. Voilà pourquoi, après nombre de réflexions et de débats menés ensemble, nous sommes nombreux à être favorables à cet amendement.
Certains ont envie de tenter l'expérimentation de ce qui existe dans douze pays européens ? Eh bien, tentons-la et dressons-en ensuite un bilan. Or même cela, vous ne voulez pas l'essayer, préférant encore une fois des excès insupportables pourtant pour le peuple français. Allez-vous donc finir par comprendre que c'est cette façon d'aborder le sujet de l'immigration qui vous fait battre depuis tant d'années aux élections ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Notre débat de ce soir, monsieur le rapporteur, doit vous faire prendre conscience du trouble qu'engendre votre amendement. Si nous sommes profondément choqués de ce côté gauche de l'hémicycle, je sais que, du côté droit, nombre de nos collègues sont embarrassés, à l'image du Gouvernement qui a déposé quatre sous-amendements afin d'atténuer la rédaction du texte même si – nous aurons l'occasion d'en reparler – ils n'en changent pas le fond.
Cet amendement est inacceptable, en particulier pour des raisons qui ont été déjà rappelées.
La première, est que cet amendement est contraire à notre conception de l'éthique. L'Assemblée, ainsi que cela a été souligné, a consacré des années à élaborer une conception consensuelle de l'éthique. En 1994 puis en 2004, elle a ainsi rappelé que les tests ADN devaient être réservés à la recherche scientifique et médicale et à certaines procédures judiciaires. Ce rappel, voilà qu'aujourd'hui on le néglige complètement.
Par ailleurs, vous remettez en cause le concept même de la filiation. Dans notre pays, ainsi que l'ont souligné de nombreux collègues, la filiation tient à la reconnaissance et non à la génétique. Quand un père vient déclarer son enfant, il ne se munit pas d'un test ADN. Ce qui fait le père, c'est l'enfant qu'il a reconnu, qu'il accueille, qu'il élève. Avec votre mesure, vous allez établir une différence considérable entre ceux nés en France et ceux qui y viennent, puisque ce qui continuera à s'appliquer aux premiers ne pourra s'appliquer aux seconds. Au nom de quels principes écarterait-on les enfants adoptifs ou ceux issus de familles recomposées, du droit au regroupement familial ?
Serge Blisko l'a longuement souligné ainsi que bien d'autres : avez-vous bien mesuré pour votre part, monsieur le rapporteur, les ravages que pourrait causer dans les familles la généralisation des tests de filiation ?
On peut d'ailleurs se demander pourquoi cet amendement intervient aujourd'hui. Il ne fait que s'inscrire en fait dans cette longue litanie de textes sur l'immigration qui, depuis 2002, ont visé à réduire les droits des immigrés, notamment au regroupement familial. Cela est d'autant plus choquant que pour un immigré, qui connaît souvent la solitude et l'angoisse de l'exil, la famille est souvent le seul réconfort.
Monsieur le ministre, plutôt que de chercher par des sous-amendements à atténuer cet amendement qui n'est pas digne de notre pays, le Gouvernement s'honorerait à le refuser. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Après l'intervention de Jean Leonetti et les propos forts de Manuel Valls et de Julien Dray, je tiens à faire part de la seule raison pour laquelle je voterai cet amendement. C'est que le test ADN peut représenter un moyen de venir en France pour les plus démunis.
Passer par des filières d'immigration et obtenir des papiers coûte extraordinairement cher. Seuls les plus riches s'en sortent. Le test ADN peut donc vraiment être un recours pour les plus pauvres, d'autant que, à côté de cas de polygamie que je connais, Françoise Hostalier a cité des cas d'achat au pays de telle ou telle jeune fille que l'on fait passer pour sa propre fille avant de l'envoyer dans les circuits de la prostitution.
Il faut, dans le cadre du codéveloppement, aider les pays à construire ou à reconstruire leurs états-civils, mais, en attendant, l'expérience limitée qui est proposée pourra être utile à quelques-uns de leurs ressortissants.
Mes chers collègues, je veux bien que l'on se drape dans les principes, mais il en est tout de même que nous partageons, en dépit des clivages qui peuvent exister dans l'hémicycle !
On peut bien invoquer toutes les lois sur la bioéthique, mais reconnaissons que l'évolution des connaissances et des perspectives ouvertes par les sciences du vivant justifierait peut-être que l'on revisite ces lois beaucoup plus fréquemment qu'on ne le fait : il faut le reconnaître, nous sommes souvent en France quelque peu déphasés en ce domaine.
Je crains surtout en cette affaire, rejoignant un peu en ce sens notre collègue Chantal Brunel, qu'en se drapant dans les principes, on aboutisse, comme c'est souvent le cas, à jouer contre ceux-là mêmes que l'on prétend défendre. Quelle est en effet la situation aujourd'hui ? Ainsi que le rapport Gouteyron et, avant lui, le rapport Delnatte l'ont montré, les états civils sont, dans un certain nombre de pays, pratiquement inexistants et, bien souvent, les seuls actes qui y sont issus sont des actes de complaisance sur lesquels on ne peut s'appuyer. C'est ce qui explique, s'agissant de demandes de regroupement familial concernant ces pays, que nos services consulaires, à juste titre, ne donnent pas suite et laissent parfois s'écouler des délais considérables. Bien souvent, ces demandes n'aboutissent pas parce que trop de doutes et d'incertitudes subsistent concernant les dossiers présentés.
Nous connaissons tous dans nos permanences ces cas douloureux où les personnes, que nous sentons pourtant de bonne foi, ne voient pas leur dossier aboutir, faute précisément d'éléments de preuve suffisamment déterminants.
Je pense que cet amendement, précisément parce qu'il donne un moyen de preuve, ouvre la possibilité de débloquer de telles situations. Bien sûr, il faut veiller à ce que ce test ne devienne pas le seul élément qui puisse être invoqué ; il en est d'autres qui peuvent intervenir en matière de filiation.
La plupart des pays européens ont adopté cet outil, notamment les Pays-Bas, que je sache pays démocratique, qui a montré pendant la dernière guerre autant, sinon plus, de sens des libertés et du respect des personnes que la France. Certains débats sont donc déplacés. Donner une nouvelle possibilité de fournir des preuves indispensables permettra de débloquer des situations extrêmement difficiles et douloureuses. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Actuellement, dans notre pays, le recours aux tests génétiques est très strictement encadré par la loi et placé sous le contrôle des juges lorsqu'il est question de filiation. Cette responsabilité n'a jamais été confiée à une administration, fût-elle diplomatique. (« C'est vrai ! » sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Les lois de 1994 et de 2004, qui ont fait l'objet d'innombrables rapports, réflexions, dialogues, séminaires nous ont permis de trouver une position unanime sur un sujet extrêmement complexe, parfois lourd à supporter. Nous avons dû partager des réflexions et des idées qui n'étaient pas nécessairement de nature à faciliter notre tâche de législateurs. Ce n'est donc pas parce que douze pays permettent des tests génétiques que nous devons les suivre, comme les moutons de Panurge. M. Leonetti l'a dit très justement, même des pays voisins peuvent avoir des cultures différentes, des éthiques différentes sur le sens de la vie et de la mort. Des exemples ont été cités. Je ne vois pas pourquoi nous n'arriverions pas, en tout cas pour le moment, à trouver notre propre voie.
Certains des pays qui ont été cités pratiquent ces recherches sans aucun dispositif législatif, et donc sans protection pour les citoyens. D'autres les appliquent à toutes les personnes, qu'elles soient ressortissantes du pays ou candidates à l'immigration. Tel n'est pas le cas de la proposition qui nous est faite. La pratique est donc très variable et malheureusement trop peu protectrice des personnes. C'est pourquoi nous ne pouvons pas accepter une telle disposition, qui remet en question l'esprit et la lettre même de notre droit.
Une telle remise en cause de nos principes ne saurait intervenir par le biais d'un amendement à un projet de loi relatif à l'immigration. Elle nécessite, au contraire, le cadre d'une véritable réflexion sur les règles régissant la filiation. Comme vous l'avez proposé, monsieur le ministre, il faut prendre le temps de la réflexion et approfondir la question, bien trop grave pour légiférer à la va-vite. Vous avez proposé la création d'un comité de réflexion. M. Leonetti, pour sa part, nous a annoncé l'ouverture prochaine d'une réflexion sur les lois de bioéthique que nous avons votées il y a quelques années. Pourquoi ne pas nous adresser directement au Comité national d'éthique qui, de toute façon, sera interrogé pour préparer d'éventuelles révisions ? Il pourrait réfléchir, nous faire des propositions de réforme suivies d'une période d'expérimentation et d'une évaluation. C'est à lui que nous devrions confier le soin de trancher nos débats. (Applaudissements sur divers bancs.)
Je voudrais revenir sur le caractère volontaire qu'aurait la mesure proposée par M. Mariani. Seuls ceux qui le voudraient se soumettraient au test, ce qui permettrait d'accélérer le traitement de leur dossier, ainsi que l'a indiqué Mme Morano. Autrement dit, les autres seront désavantagés. M. Mariani, tout emporté par sa démonstration, a d'abord dit que cela n'aurait aucune conséquence, puis – ce qui me semble plus conforme à la réalité de ses intentions – que ceux qui ne feraient pas le test n'auraient pas de visa, donc pas le visa de long séjour.
À quoi bon ce test s'il est destiné à ne rien démontrer ? S'il ne permet pas de distinguer ceux qui doivent obtenir un visa des autres ? Il ne s'agit donc pas d'une faculté, mais bien d'une règle nouvelle.
Je voudrais vous lire l'article 16-13 du code civil : « Nul ne peut faire l'objet de discriminations en raison de ses caractéristiques génétiques. » Trier des enfants candidats au regroupement familial en vertu de caractéristiques génétiques établissant ou non une filiation biologique avec le demandeur, c'est une discrimination fondée sur des caractéristiques génétiques ! J'ajoute, puisqu'il a été beaucoup question de la définition française de la filiation, que le code Napoléon faisait la distinction entre enfants légitimes et enfants naturels. Cette distinction, le législateur l'a progressivement abolie. Permettez-moi de rappeler dans cet hémicycle que le travail accompli de loi en loi a abouti à l'égalité totale en droit français des enfants au regard de leur filiation. Qu'elle soit biologique ou non, dans le cadre du mariage ou non, fondée sur la génétique ou non, elle a été inscrite dans le droit français par une ordonnance de 2005, signée d'un certain Pascal Clément ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Si je fais miennes les observations de mes collègues de l'opposition, je veux me situer sur un autre plan que celui des principes. L'outil que vous proposez est-il adapté à l'objectif que vous visez ? Telle est la question que vous devriez vous poser. Pour moi, la réponse est non parce qu'il subsiste des questions qui sont justement sans réponse.
D'abord, nous n'avons aucune idée de l'ampleur de la fraude qui est visée. S'il ne s'agit véritablement que de 9 000 enfants et que la filiation d'une grande partie d'entre eux peut être établie par les documents d'état civil, est-il bien utile d'élaborer une législation extrêmement complexe, qui touche à des principes fondamentaux, pour régler très peu de cas ?
Nous ne connaissons pas non plus les pratiques européennes. Que font réellement les douze pays qui pratiquent ces tests ? Nous n'avons pas eu le temps de nous renseigner.
Une autre inconnue est le coût de cette mesure. Qui va payer le test ADN ou avancer les frais ? Un ressortissant d'un pays très pauvre pourra-t-il avancer les 200, 300 ou 400 euros nécessaires ?
S'agissant des laboratoires, quels sont ceux qui feront les tests et où se trouvent-ils ? Comment ces tests seront-ils pratiqués ? Quelles sont les personnes qui feront les prélèvements ? Quelle autorité agréera les préleveurs et les laboratoires ? Monsieur le ministre, avec une grande honnêteté intellectuelle, vous avez reconnu que vous étiez dans l'impossibilité de délivrer des visas dans un délai de deux mois et que cela demandait plutôt quatre mois. Si, en plus, les consuls sont chargés d'aller agréer des laboratoires et des préleveurs…
Les prélèvements doivent être effectués scientifiquement et de manière à écarter tout risque de fraude. Car, n'en doutons pas, la fraude que l'on veut démasquer dans les documents d'état civil se déplacera immanquablement sur les prélèvements. Il n'est en effet pas impossible, avec des complicités diverses, de substituer à une autre une personne dont on pense qu'elle aura la bonne trace génétique.
Reste aussi la question de ce que j'appelle, sans doute maladroitement, les dégâts collatéraux. On estime que 3 % à 8 % des enfants français n'ont pas la paternité inscrite à leur état civil. Ce test risque de mettre au jour des situations extrêmement douloureuses. À quoi sert le volontariat pour des femmes qui savent que le père inscrit sur l'état civil de leur enfant n'est pas le père biologique parce que, à un moment de leur vie, elles ont aimé deux hommes à la fois ?
Dans quelle situation se retrouveront-elles vis-à-vis de leur conjoint si elles refusent le test ADN ? Ces dégâts ne sont pas envisagés.
Enfin, quelle image de la France donnerons-nous lorsque nous établirons une liste des pays dont nous pensons que ce sont des fraudeurs ? Comment pourrons-nous entretenir des relations diplomatiques et commerciales calmes et sereines avec eux ?
Du point de vue de la simple logique, donc, et sans même mettre en avant des questions de principe, il apparaît que cette mesure constitue un outil inadapté. La sagesse serait de retirer l'amendement, de réfléchir à d'autres façons de lutter contre la fraude, que nous voulons tous combattre, quitte à trancher ultérieurement. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
À ce moment du débat, monsieur le président, je voudrais vous remercier d'avoir laissé tout le monde s'exprimer. De fait, ce sujet central pose à chacun un problème de conscience et crée, j'en suis sûr, un malaise. (« Pas du tout ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Aux questions qui sont posées succèdent les doutes, tout à fait légitimes.
En 2005, un vent mauvais a soufflé sur l'Assemblée nationale qui a adopté un article reconnaissant les aspects positifs de la colonisation. Je n'étais pas député et, à Fort-de-France, j'ai appelé ce texte la loi de la honte. J'ai mobilisé toute la Martinique pour, avec les Algériens, faire reculer cette appréciation de la colonisation française, niant l'esclavage et ses destructions. Et le Président Chirac a retiré cet article.
J'ai le sentiment que nous ne prenons pas aujourd'hui la mesure – comme en 2004 – de ce qui sera peut-être voté.
J'espère que nous nous prononcerons en conscience, quels que soient les bancs sur lesquels nous siégeons. Il ne s'agit pas d'une question politique, de doctrine, de philosophie, mais d'éthique. Je reviendrai donc à l'éthique après la brillante intervention de Dominique Raimbourg.
Je voudrais citer un extrait d'une pièce d'Aimé Césaire, ce grand homme qui a siégé ici pendant de nombreuses années. Je vous demande de méditer ces phrases, monsieur Mariani. « Du fond de la fosse, un pas, un autre pas, Encore un autre pas et tenir gagné chaque pas ! » Il s'adressait aux Nègres, aux Noirs, aux victimes de discriminations. Il les invitait à remonter.
Évitez, mes chers collègues – je vous le dis amicalement – de faire en sorte que la France descende au fond de la fosse, au moment où nous sommes en train de remonter de cet abîme. L'Assemblée s'honorerait en évitant de s'affronter. Monsieur Mariani, je vous observe depuis longtemps, car je sens que vous êtes, vous aussi, mal à l'aise…
…et M. le ministre l'est également.
Vous ne pouvez pas, après la démonstration de notre collègue, écrire un texte et ensuite dire le contraire. Vous prétendez qu'il s'agit de volontariat.
Non ! C'est du faux volontariat. Je vous prends en défaut. Le fait déclencheur du test, ce n'est pas la volonté de l'enfant ou de la mère, mais le doute.
Vous connaissez la puissance des représentations diplomatiques dans les pays sous-développés et soumis par vous-mêmes.
L'amendement n° 36 dispose que « par dérogation aux dispositions de l'article 16-11 du code civil, les agents diplomatiques ou consulaires peuvent, en cas de doute sérieux… »
Qui possède la première des libertés, celle de penser et d'agir ? Ce n'est pas celui ou celle qui est victime qui décidera, mais le fonctionnaire, dans un consulat, qui, en conscience estimera qu'il y a doute. À partir de ce moment-là, vous introduisez le volontariat. Mais vous savez que l'argent en est la limite.
Vous prétendez qu'il n'y aura qu'un seul test ADN. M. Blisko a confirmé que deux tests étaient nécessaires. L'un doit être fait dans le pays d'origine dans des conditions fort bien décrites par Dominique Raimbourg, avec tous les trafics possibles. Mais il faut également un test ADN en France pour le père ou la mère qui voudra faire entrer son enfant. Il faut bien comparer les tests ADN.
Que vous le vouliez ou non, votre objectif est quantitatif. De même qu'on veut diminuer le nombre des enseignants, on vous a demandé de réduire le nombre de nouveaux arrivants. Or, on ne peut pas régler le problème de l'immigration avec ce genre de procédé qui est à la base de votre démarche.
Les émeutes d'il y a deux ans sont certainement à l'origine des dispositions prévues pour réduire l'afflux des Africains, qui représentent 70 % de ceux qui arrivent en Europe et plus particulièrement en France. On ne peut pas régler des situations humaines de cette façon et prendre le risque de stigmatiser un continent entier.
Je vous invite donc à retirer cet amendement. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Le moment est particulièrement grave. Nous avons débattu jusqu'à maintenant d'un ensemble de dispositifs plus complexes les uns que les autres, d'une véritable usine à gaz destinée à gêner, à empêcher le regroupement familial, en prévoyant des délais supplémentaires, des surcoûts pour financer une formation ou l'apprentissage de la langue française dans le pays d'origine.
Ces dispositifs complexes destinés à décourager le regroupement familial auront, compte tenu de leur lourdeur, pour conséquence de développer l'immigration clandestine.
Avec l'amendement Mariani, repris, habillé par le Gouvernement, on franchit une nouvelle étape. Désormais, la vraie nature de votre démarche apparaît. Cela vous démangeait : rappelons-nous les propos de M. Sarkozy pendant la campagne électorale sur le caractère génétique de certaines déviances, de certains comportements délinquants. Il s'agissait à l'époque – M. Hortefeux était d'ailleurs en première ligne – de flatter les électeurs du Front national.
L'amendement de M. Mariani tend à assimiler l'immigré à un délinquant potentiel. Tout cela est habillé de modernité. On a recours à des méthodes scientifiques, sophistiquées, pour mettre en oeuvre ces intentions. On utilise l'ADN comme substitut à l'état civil.
Dois-je rappeler que M. Huriet, sénateur honoraire issu des rangs de la majorité, déclarait hier dans Libération être catégoriquement opposé à cette mesure ?
M. Mariani a curieusement avancé à l'appui de son amendement un article du Monde rédigé et publié après le dépôt de son amendement. Trouver des justifications a posteriori est toujours intéressant.
Il nous a expliqué, en se raccrochant aux branches, que son amendement avait pour but de faciliter le regroupement familial pour les personnes qui éprouvaient des difficultés durant la procédure.
Un doute plane non seulement sur les intentions réelles de M. Mariani, mais aussi sur la faisabilité technique du dispositif, sur ses effets pervers. Nous souhaitons, compte tenu de tout ce qui a été dit ce soir que cet amendement soit réexaminé en commission.
Cela permettrait à la majorité de se mettre d'accord sur une position commune entre les apprentis sorciers qui seront dépassés par la machinerie qu'ils mettent en oeuvre, les pousse- au- crime qui les font avancer, ceux qui ont le courage et l'honnêteté de s'y opposer et enfin ceux – probablement les plus nombreux – qui s'apprêtent à avoir mauvaise conscience après leur vote.
Vous n'êtes apparemment pas dans cette dernière catégorie, madame.
Je ne peux m'empêcher de faire le lien avec un autre amendement, après l'article 18, qui montre la cohérence de la démarche de M. Mariani. Il propose d'autoriser les traitements de données nécessaires pour des études sur la diversité des origines des personnes. Il souhaite lever l'interdiction posée par la Commission nationale de l'informatique et des libertés de recueillir des données sur les origines raciales et ethniques des personnes.
Vous vous affranchissez par glissements progressifs des valeurs de la République, que vous prétendez faire apprendre aux immigrés. Vous franchissez les limites par glissements progressifs. Nous ne l'acceptons pas.
Dans l'hémicycle, il y a des moments de débat, où l'opposition et la majorité s'affrontent. On se bat à coup d'amendements. Ce soir, c'est très différent.
Nous éprouvons tous un certain malaise car cet amendement suscite de nombreuses interrogations.
Cette question, posée depuis longtemps, n'avait jamais franchi le seuil de l'hémicycle. Lorsque j'étais au ministère de la justice, on m'avait fait remarquer que l'on pourrait substituer les empreintes génétiques aux empreintes digitales. Dans des discussions du genre Café du commerce, on pouvait imaginer que ce serait plus simple qu'une carte d'identité. Il n'en est rien !
L'empreinte digitale n'appartient qu'à une seule personne. Vous ne pouvez la comparer à aucune autre. Vous ne disposez avec les empreintes digitales d'aucun repère dans l'histoire de la personne. Le test ADN est d'une autre nature. Avec ce dernier, vous pouvez reconnaître une personne, connaître ses origines, opérer des rapprochements.
Il faut prendre garde à ne pas confondre l'empreinte digitale, qui appartient à chacun d'entre nous, et le test ADN.
Cette carte de l'humain est réservée aujourd'hui à des situations particulières. Le test ADN permet face à l'horreur – en cas d'enlèvement d'enfant par exemple –, de rechercher le coupable. En cas de contestation de paternité, si l'autorité judiciaire le demande, il permet de prouver la paternité.
Nous risquons d'ouvrir une boîte de Pandore si l'autorité administrative utilise les empreintes ADN. Qui les rangera ? Où? Comment ?
Dans ce cas, il faut prévoir dans un sous-amendement leur destruction devant témoin. Un huissier sera nécessaire pour affirmer que l'empreinte a bien été détruite. Encore une dépense supplémentaire pour l'État !
Si, avec ce test, on démontre qu'il y a deux pères dans une famille, comment allez-vous gérer les conséquences ?
Mme Morano a évoqué la détresse d'une femme qui souffre de ne pas pouvoir faire venir en France ses enfants. Il y a un moyen simple d'y remédier : faisons lui confiance car elle est intégrée dans notre société !
Ce texte vise en effet à réprimer les abus, les fraudes. C'est un texte de défiance générale.
Eu égard aux situations de fraude qui peuvent exister dans certains pays, vous n'apportez pas de réponse appropriée. Je vous demande de bien réfléchir à ce que vous êtes en train de faire parce que vous ne répondez pas aux questions de fond : l'empreinte génétique, à la différence de l'empreinte digitale, n'appartient pas à la seule personne dans la mesure où elle témoigne aussi de toute son histoire personnelle. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Chacun a eu à coeur de s'exprimer sur une question complexe à laquelle nous devons apporter des réponses.
Je souhaite redire à mon collègue Leonetti que j'ai beaucoup apprécié la manière dont il a posé le débat, et je le remercie d'avoir su prendre la hauteur nécessaire. C'est si vrai qu'il nous a captivés en trouvant les mots justes s'agissant des questions que nous nous posons légitimement depuis maintenant près de quarante-huit heures. Je suis persuadé que ses propos ont touché tous ceux qui s'intéressent à cette question essentielle.
Nous sommes amenés à constater, très régulièrement dans nos mairies ou nos permanences, les défaillances de l'état-civil – voire leur absence – dans certaines régions du monde, notamment en Afrique.
Nous sommes tous d'accord – Manuel Valls l'a rappelé – sur la nécessité de combattre et d'éviter la fraude organisée, car celle-ci frappe particulièrement les plus faibles et les plus démunis dans ces parties du monde défavorisées.
Il faut plus de transparence sur le regroupement familial, nous en sommes tous d'accord aussi, afin d'y répondre au mieux, sur un plan législatif, mais aussi sur le terrain.
Les quatre sous-amendements déposés par le Gouvernement ont fait évoluer un certain nombre de mes collègues du Nouveau Centre. Jusqu'alors dubitatifs, ils apportent désormais leur soutien à cet amendement. Voilà pour le fond.
Sur la forme, il y a beaucoup à dire. La politique ne doit rien s'interdire à cet égard. Nous légiférons trop et trop vite, entend-on dire parfois. De même, il faudrait redonner au Parlement la place qui lui revient afin d'aboutir à un meilleur équilibre des pouvoirs.
Nous avons été nombreux à être surpris par le dépôt de cet amendement. Je n'ai pas le souvenir qu'il s'agissait d'un engagement présidentiel précis.
Je déplore, car c'était une maladresse, que cet amendement occulte le reste du débat, car ce projet comporte de nombreux éléments positifs, dont certains ont reçu le soutien de collègues de l'opposition. Or nous constatons que, depuis deux jours, nous ne parlons que de l'amendement sur les tests ADN au détriment de la discussion sur l'ensemble du texte auquel nous apporterons tout notre soutien.
On ne peut pas aller jusqu'à dire que cela met en difficulté le Gouvernement, mais il est indéniable que cet amendement a semé le trouble. Certains ministres, Bernard Kouchner ou Martin Hirsch, ont exprimé une différence, sur le fond et la forme, et ont pris leurs distances.
Une fois que nous aurons examiné l'ensemble de ce projet de loi, quel message délivrerons-nous à nos concitoyens dans nos circonscriptions sur l'amendement du rapporteur ? Je souhaite qu'il n'y ait aucune hypocrisie de notre part. Allons-nous expliquer à nos concitoyens que nous avons voté cet amendement pour donner un droit nouveau ? Ou allons-nous dire que nous avons adopté un texte qui vise à limiter le regroupement familial, ainsi que Jean-Pierre Soisson l'affirmait cet après-midi ?
La majorité est troublée par cette ambiguïté. Si l'ambition de l'amendement est de limiter le regroupement familial, il faut le dire, très simplement. Il y aura dans ces conditions un débat et nous voterons, les uns et les autres, en conscience. Mais la clarté est indispensable.
Le rapporteur a cité hier le cas d'une Mauritanienne dont parlait le journal Le Monde ; on ne légifère pas pour un cas unique. Cela, nous le savons. Mais son propos m'a troublé et je n'ai pas compris dans quelle direction nous allions. Si l'objectif de ce texte est de limiter le regroupement familial, et si cet amendement vient renforcer ces dispositions, les choses sont claires.
Mais si, comme je l'ai entendu de la part d'un certain nombre d'entre nous, nous souhaitions aller dans un autre sens, le débat mérite une réflexion approfondie et d'y consacrer le temps nécessaire. Mais n'introduisons pas la confusion, car nous créons beaucoup d'attente dans l'opinion. Nombreux sont ceux qui considèrent que la portée de ce texte consiste à permettre la mise en oeuvre des tests ADN et uniquement cela. Et l'attente sera forte, en particulier, dans notre électorat.
Nous avons l'obligation, en conscience, soit de consacrer plus de temps à la réflexion, soit d'accepter de dire que nous allons limiter le regroupement familial avec cet amendement. Nous devons être honnêtes sur cette question.
Le groupe du Nouveau Centre est relativement restreint, et nous sommes conscients qu'il ne suffirait pas à faire une majorité, mais il n'empêche que nos opinons divergent.
Un tiers est favorable à l'abstention, un tiers se prononcera pour l'amendement et un tiers y est opposé. Pour ma part, je ne le voterai pas.
La parole est à M. le ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement.
Mesdames et messieurs les députés, chaque intervenant a souligné que le sujet était loin d'être mineur. C'est la raison pour laquelle j'ai souhaité écouter les vingt-cinq orateurs qui se sont succédé. Il ne faut pas seulement y voir une marque de respect ou de courtoisie pour l'Assemblée nationale, mais aussi la volonté d'entendre les arguments qui ont été avancés.
Le rapporteur a eu raison de dire qu'il ne devait pas y avoir de sujet tabou ou de débat interdit. Et je regrette que certains aient employé à son égard des qualificatifs déplacés. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
De nombreux députés ont déposé des amendements identiques – Mme Brunel et MM. Diard, Mallié, Goasguen et Joyandet.
De quoi s'agit-il ? En aucune façon de pratiquer on ne sait quel fichage génétique, mais de recourir à une technologie moderne permettant à une personne volontaire d'apporter un élément de preuve de sa filiation lorsque les documents d'État ne le permettent pas.
J'ai entendu du côté de l'opposition, mais pas uniquement – M. Pinte notamment – dire que ce n'est pas parce que douze pays voisins, aux régimes politiques identiques – des démocraties – recouraient à ces tests qu'il fallait automatiquement faire pareil. L'argument n'est-il pas réversible ? Devons-nous nous interdire d'observer ce qui se passe ailleurs ? Sommes-nous toujours, nous Français, les meilleurs, les plus forts, les plus humains, les plus respectueux des droits ? Et les autres seraient-ils toujours à notre remorque, à la traîne, attendant qu'on leur donne des leçons ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Nouveau Centre.)
Monsieur Dray, vous avez dit tout à l'heure qu'il fallait respecter le temps de parole de chacun ! Ce qui est valable pour vous vaut pour les autres ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Vous avez été plusieurs à évoquer la nécessité, sur d'autres sujets, d'aller vers l'harmonisation européenne. Si nous adoptions cette mesure, cela reviendrait à aller dans le sens de l'harmonisation européenne. C'est une observation de bon sens, difficilement contestable. (Exclamations sur quelques bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Faudrait-il d'emblée rejeter un système pratiqué par les travaillistes britanniques, les socialistes espagnols, la gauche italienne ou la grande coalition allemande ? Pourquoi, a priori, l'écarter d'un revers de main ?
Avant de faire des propositions concrètes, je souhaite revenir sur un certain nombre de questions.
Chaque année, des milliers de personnes ne peuvent entrer en France parce qu'elles ne parviennent pas, malheureusement, à prouver leur lien de filiation, faute de disposer d'un document d'état civil fiable.
Je rappelle que la France aide un certain nombre de ces pays,…
…l'État mais aussi les collectivités locales…
… à améliorer leurs services de l'état civil.
Adrien Gouteyron auquel vous avez tous rendu hommage – j'espère qu'il suit avec attention nos débats – indique dans son rapport intitulé « Trouver une issue au casse-tête des visas » que selon les pays, il y a 30 % à 80 % d'actes administratifs frauduleux. Là aussi, ouvrons les yeux et ne nions pas la réalité. Ces défaillances d'État pénalisent les demandeurs de bonne foi.
Dans certains cas, la situation de ces personnes est réellement dramatique. Je pense aux réfugiés politiques, dont la famille est bien souvent dans l'incapacité de prouver le lien de parenté avec le réfugié – vous avez cité de nombreux cas.
Vous avez aussi, à plusieurs reprises, cité le Haut- commissariat des Nations unies pour les réfugiés. Permettez-moi de vous livrer un court extrait d'une note récente datant de mai 2007. Le Haut-commissariat affirme que la possibilité d'être réuni à sa famille est de première importance pour l'intégration. À l'évidence, oui !
Mais, un peu plus loin dans la même note, le Haut-commissariat constate « que les tests ADN sont de plus en plus utilisés comme moyen d'établir les liens de parenté dans le cadre du regroupement familial ». C'est écrit par le Haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés. Alors je voudrais écarter quelques idées fausses – peut-être s'agit-il d'ailleurs de malentendus ? – très rapidement.
Premièrement, il n'est absolument pas envisagé d'obliger une personne à effectuer un test ADN pour obtenir son visa. En réalité, l'amendement n° 36 ne prévoit aucune obligation et ne fait que définir une faculté.
Deuxième point déjà soulevé pendant le débat : la création de ce test n'empêche pas les enfants régulièrement adoptés de rejoindre leur famille en France. Je rappelle que ce test est réalisé à l'initiative du demandeur de visa, c'est-à-dire du père ou de la mère de l'enfant. Donc, l'amendement n'a strictement aucune conséquence pour les enfants adoptés. Tout comme aujourd'hui, les enfants adoptés pourront entrer en France au titre du regroupement familial, si l'acte d'état civil est probant, naturellement.
Troisième élément : il n'est pas du tout question d'opérer un fichage génétique. Je mets au défi quiconque de trouver cette notion dans l'amendement n° 36 .
Certes, des questions intéressantes ont été posées tout à l'heure lorsque certains d'entre vous sont sortis de l'éthique pour évoquer des aspects pratiques. C'est vrai, on pourrait prolonger encore le débat, notamment en ce qui concerne les lieux ou les modalités de la réalisation de ces tests ADN et de leur examen.
Cependant, monsieur le rapporteur, cet amendement doit, à l'évidence, être accompagné de garanties. Je pense qu'il est acceptable et utile, à condition que l'on s'entoure de garanties sur le volontariat des intéressés et sur une mise en oeuvre qui soit progressive et transparente. C'est l'objet des sous-amendements n° 266 , 267 , 268 et 274 .
Encore des sous-amendements qui arrivent ! C'est du bricolage ! C'est irresponsable !
Le sous-amendement n° 266 est très important. Sa rédaction indique bien que c'est à l'initiative du demandeur de visa ou de son représentant légal que le test ADN va être proposé.
Le test ADN – ce doit être expressément précisé, monsieur le rapporteur – ne peut avoir qu'un objet : apporter un élément de preuve d'une filiation déclarée. Le consentement des personnes doit être expressément et préalablement recueilli.
Le sous-amendement n° 267 aborde la question du coût, soulevée sur tous les bancs de cette assemblée. Qui doit le prendre en charge ? Selon nos estimations, un test coûte entre 80 et 150 euros. Je le dis très clairement, il est logique de rembourser les frais lorsque le visa est accordé. Pourquoi ? Nous n'avons pas la moindre intention de créer un barrage financier au regroupement familial.
Sur ce point, les procédures diffèrent selon les pays. Au Danemark, en Finlande et en Norvège, ce test est totalement pris en charge par l'État. Dans d'autres pays comme la Belgique, l'Italie et les Pays-Bas, il est payé par l'étranger qui le demande. La Suède le rembourse s'il donne une preuve de filiation, ce qui me semble une mesure à la fois simple, compréhensible et équilibrée.
Avec le sous-amendement n° 268 , je souhaite limiter l'application de la procédure à quelques pays, dans un premier temps. Là encore, des voix se sont élevées sur tous les bancs pour demander : « est-ce qu'on ne peut pas expérimenter ? » C'est ce que je propose, car il me semble plus utile, efficace et intéressant de procéder par étapes, avant la généralisation. Comme vous le savez, c'est la méthode qui a été employée en matière de biométrie. Au départ, seulement quelques consulats étaient équipés du système biométrique ; à la fin de l'année dernière, ils étaient 29 ; à la fin de cette année, ils seront 69 ; et l'année prochaine ils le seront tous.
Je propose donc de procéder par étapes avant d'envisager une généralisation totale. Nous pourrons ainsi nous appuyer sur l'expérience de nos partenaires européens en nous référant aux pays où ils ont engagé cette procédure de test, et aller vers une harmonisation.
Enfin, comme l'ensemble de vos collègues, monsieur Jean Leonetti, je vous ai écouté avec beaucoup d'intérêt – et il ne s'agit pas d'une formule. Au-delà de l'intérêt, vous avez su trouver les mots justes pour faire partager une émotion. Le sous-amendement n° 274 vise à répondre à la nécessité d'évaluation que vous avez évoquée.
Il existait plusieurs possibilités. On aurait pu imaginer une clause de rendez-vous avec un rapport préparé par le Gouvernement. Je pense qu'il faut aller plus loin et, notamment, reconnaître à la représentation nationale tout son rôle et tout son poids.
Pour cette raison, je propose que le Parlement soit éclairé par un rapport remis par une commission composée ainsi : deux députés, deux sénateurs, le vice-président du Conseil d'État, le premier président de la Cour de cassation, le président du Comité consultatif national d'éthique, deux personnalités qualifiées, désignées par le Premier ministre.
Je propose que cette commission travaille, examine, compare et tire le bilan au bout d'un certain temps d'exercice – environ deux ans auxquels il convient d'ajouter des délais, ce qui nous amène à 2010. À ce moment-là, cette commission présentera son rapport devant le Parlement, et on verra si le dispositif est utile, efficace, et réellement juste comme le rapporteur le souhaite.
La volonté du gouvernement est de vous proposer une démarche qui présente des caractéristiques très simples, très lisibles et très compréhensibles. C'est une proposition de démarche progressive, transparente, protectrice, contrôlée, et évaluée. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Mes chers collègues, je vous indique d'ores et déjà que sur chacun des sous-amendements et sur les amendements identiques, je suis saisi par le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche d'une demande de scrutin public.
Les scrutins sont annoncés dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Manuel Valls.
Monsieur le président, face à cette avalanche de sous-amendements, nous souhaitons une suspension de séance de cinq minutes.
Après l'article 5
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue le jeudi 20 septembre à zéro heure dix, est reprise à zéro heure vingt.)
La séance est reprise.
Nous en venons au sous-amendement n° 266 . Le Gouvernement considère-t-il qu'il l'a déjà défendu ?
Oui, monsieur le président.
Chacun a pu noter le malaise qui règne sur l'ensemble de nos bancs malgré les efforts méritoires que vous avez consentis, monsieur le ministre, pour redonner à l'objet non identifié dont nous discutons un aspect juridique à peu près acceptable. Reconnaissez toutefois que les accommodations dont vous l'avez entouré n'ont pu escamoter le vice fondamental qui entache la prétention de gérer la filiation et le regroupement familial par la génétique.
Certes, il est concevable que face à des périls extraordinaires ou des menaces imminentes pour notre société, nous mettions nos hésitations et nos valeurs sous le boisseau. Mais en l'espèce, comme l'a montré notre débat, il s'agit d'écarter des enfants – qui ne seraient pas les enfants biologiques – du regroupement familial. Est-il acceptable, pour empêcher ces quelques enfants de venir dans notre pays, de faire fi de principes fondamentaux de notre société, sinon de notre civilisation ? Il y a une disproportion manifeste entre les problèmes que l'on entend régler – éviter certains regroupements familiaux jugés abusifs – et la mécanique que l'on met en marche, dont vous êtes bien incapable de prévoir l'évolution et les moyens de l'arrêter lorsqu'elle s'emballera.
Les sous-amendements ne sont pas à la mesure de la gravité du problème : nous ne pouvons pas accepter des modifications à la marge d'une disposition si fondamentalement contraire à nos principes. Il est, je le répète, un vice essentiel que vous n'écarterez pas : nul ne se soumettra jamais aux tests génétiques par libre volonté. Dès lors que l'on ne pourra prétendre au regroupement si l'on refuse le test, il est clair qu'il n'y a plus ni liberté ni consentement : nous sommes dans la contrainte. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Les sous-amendements proposés reposent sur une faille essentielle, c'est pourquoi nous ne pouvons les accepter. (Applaudissements sur divers bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)
Mon intervention portera sur l'ensemble des sous-amendements proposés. Le fait que le Gouvernement vienne d'en déposer un supplémentaire montre d'ailleurs combien l'amendement de M. Mariani ne tient pas la route. Il nous met tous dans une situation difficile, car il nous place au coeur de notre éthique, de notre conscience.
J'ajoute qu'il manque à mes yeux un sous-amendement, s'agissant d'une question soulevée tout à l'heure : que fera-t-on des tests ? Rien, dans l'état présent du texte, ne nous garantit qu'ils ne seront pas réutilisés à d'autres fins, et aucun dispositif n'en assure la protection.
Je voudrais, pour terminer, avancer deux derniers arguments pour essayer de convaincre certains collègues.
Tout d'abord, on nous dit que les tests ne sont pratiqués qu'à la demande des intéressés, et dans le cas où la fiabilité des documents d'état civil est sujette à caution. Entre parenthèses, on peut se demander si ce ne sera pas de plus en plus souvent le cas : l'administration pourra considérer que, les demandeurs ayant un recours avec le test ADN, il n'est plus nécessaire de leur accorder le bénéfice du doute. Cependant, mettez-vous un instant à la place de ces personnes dont l'un des enfants se sera vu refuser le regroupement familial. Imaginez le choix devant lequel ils se trouveront, imaginez-vous personnellement face à ce choix ! Pour ma part, je dois vous dire que j'hésiterais à faire le test. On peut briser des vies. Pas seulement une vie, mais des vies, à commencer par celle des enfants et celle des femmes.
Second argument, celui de la fiabilité de l'état civil dans certains pays. Ne pourrait-on pas aider ces derniers – ce qui coûterait beaucoup moins cher à l'État et aux intéressés – à organiser, non seulement pour les candidats à l'émigration mais pour l'ensemble de leurs concitoyens, un état civil fiable ? L'établissement de l'identité, pour reprendre ce que disait Mme Lebranchu, se ferait ainsi sans recours à la « traçabilité » et à la filiation.
Même si les sous-amendements améliorent l'amendement de M. Mariani, leur accorder mon suffrage signifierait que j'approuve celui-ci sur le fond : je ne les voterai donc pas.
Nous allons maintenant procéder au scrutin public, précédemment annoncé, sur le sous-amendement n° 266 .
(Il est procédé au scrutin.)
Non, monsieur le président.
Je ne veux pas prolonger nos débats, qui ont été très intéressants. Je souhaite simplement préciser, à la suite des deux interventions précédentes, que nous ne pouvons ni accepter l'amendement de M. Mariani, ni les sous-amendements proposés par le Gouvernement, car ils vont transformer une exception en principe.
Vous avez voulu montrer, monsieur le ministre, un certain esprit d'ouverture en nous faisant croire que l'on pouvait aménager l'amendement de M. Mariani, alors que celui-ci touche à l'essentiel. Mais il ne saurait y avoir de bricolage avec les valeurs, le droit et les affaires de conscience. Les tests génétiques s'adressent à des familles et des individus qui sont parmi les plus vulnérables de ce monde, qui sont déjà les « damnés de la terre », et vous voulez encore ajouter à leur humiliation. Nous ne pouvons pas entrer dans une telle spirale du rejet. C'est pourquoi nous voterons contre le sous-amendement n° 267 et contre tous les autres.
Je ne veux pas reprendre le débat que nous avons eu, mais simplement dire que je suis défavorable au sous-amendement qui fait supporter à l'État la charge des examens génétiques.
Des douze pays européens qui se sont engagés dans la voie de ces tests, trois au plus ont opté pour le remboursement par l'État. Je pense pour ma part que l'option que nous choisissons ce soir n'est pas satisfaisante.
Je me permets par ailleurs de vous faire observer que sur un plan strictement comptable, l'État ne pouvant rembourser sans pièces justificatives, les tests ADN ne seront donc pas anonymes. Ayant été magistrat de la Cour des comptes, je ne vois pas comment vous pourriez procéder autrement.
Enfin, vous vous lancez dans une opération un peu folle : vous ne disposez pas des crédits nécessaires pour la mise en oeuvre de ce remboursement et les conditions de son application ne sont pas définies.
Il serait plus simple de demander à la commission consultative que vous prévoyez dans le sous-amendement n° 274 de trancher sur cette question du remboursement.
Sur un plan plus politique, j'accepte le principe du test ADN. Je vais donc dans votre sens, monsieur le ministre, mais je pense que prévoir le remboursement des examens par l'État est une erreur politique.
Non.
Nous allons maintenant procéder au scrutin public, précédemment annoncé, sur le sous-amendement n° 267 .
(Il est procédé au scrutin.)
Je l'ai déjà défendu.
Ce sous-amendement indique qu'un décret déterminera les conditions pratiques des tests. Pour d'autres cas prévus aujourd'hui dans le droit français, par exemple pour les affaires de délinquance, les modalités de prélèvement et de conservation des données sont très précisément fixées. Vous nous expliquez que les tests pratiqués en vue du regroupement familial ne donneront pas lieu à un fichage, mais il n'est écrit nulle part que ces données ne seront pas conservées et fichées. Or cette précision aurait mérité de figurer dans ces sous-amendements.
Concernant le fichier national des empreintes automatisées, la loi prévoit qu'on ne peut retenir que les parties de l'ADN qui concernent la détermination de l'identité de la personne, et rien d'autre. Un ensemble de conditions existent donc, auxquelles on peut ajouter l'article 4 de la loi de bioéthique, qui prévoit que le formulaire de consentement des personnes doit explicitement mentionner la finalité du test ADN. On voit bien que cela dépasse le registre du décret.
Ce même sous-amendement prévoit l'établissement d'une liste des pays, ce qui me donne l'occasion de revenir sur les propos de M. Soisson sur l'aspect financier du dispositif. Selon le rapport d'audit du ministère de la justice relatif à l'application de la LOLF, la situation actuelle est la suivante : faute de moyens humains et de ressources suffisantes, les officiers de police judiciaire se trouvent, lors de certaines enquêtes, dans l'incapacité de faire procéder aux actes de police technique et scientifique, notamment aux prélèvements d'ADN, chez les délinquants sexuels.
Le même rapport dit aussi qu'en raison de ce manque de moyens, la justice n'a pas encore achevé l'enregistrement dans le fichier national automatisé des empreintes génétiques de tous les délinquants sexuels incarcérés.
Aussi, plutôt que de dépenser des sommes considérables pour pratiquer des tests ADN sur des enfants engagés dans une procédure de regroupement familial, mieux vaudrait consacrer une part utile de la dépense publique à achever le travail de lutte contre la délinquance.
Nous allons maintenant procéder au scrutin public, précédemment annoncé, sur le sous-amendement n° 268 .
(Il est procédé au scrutin.)
Absolument.
Ce sous-amendement, monsieur le ministre, au terme d'un débat qui a fait honneur à notre assemblée, symbolise le bricolage auquel vous avez dû vous livrer pour trouver une solution politique acceptable pour l'ensemble de la majorité. Mais vous n'avez pas répondu à la question de principe, rappelée avec force durant le débat, ni aux questions précises que plusieurs parlementaires, notamment Dominique Raimbourg, vous ont posées sur les modalités d'application de l'amendement du rapporteur et des sous-amendements que vous proposez dans le cadre de cette expérimentation.
Vous avez essayé de trouver un accord impossible entre la pression exercée par un certain nombre de parlementaires, majoritaires au sein de l'UMP, et les principes que nous avons défendus.
Pour ces raisons, nous voterons contre l'amendement du rapporteur, au terme d'un débat sur un thème essentiel qui aurait pu donner lieu à une discussion ouverte sur les problèmes d'immigration. Mais vous avez voulu, une fois encore, afficher une idéologie qui n'apporte aucune solution aux problèmes de l'immigration. Votre démarche est une fuite en avant, et vous le paierez cher…
…car elle est inspirée par ceux qui veulent sans doute vous faire payer les propos modérés que vous avez tenus sur cette question et qui sont en contradiction avec certains membres du Gouvernement qui, sur les problèmes liés à l'immigration, avaient jusqu'à présent une certaine autorité morale.
Nous allons maintenant procéder au scrutin public, précédemment annoncé, sur le sous-amendement n° 274 .
(Il est procédé au scrutin.)
Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 140
Nombre de suffrages exprimés 134
Majorité absolue 68
Pour l'adoption 88
Contre 46
Le sous-amendement n° 274 est adopté.
Nous allons maintenant procéder au scrutin public, précédemment annoncé, sur les amendements nos 36 , 75 et 160 , modifiés par les sous-amendements nos 266 , 267 , 268 et 274 .
(Il est procédé au scrutin.)
Après l'article 5
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à zéro heure trente-cinq, est reprise à zéro heure quarante, sous la présidence de M. Marc Le Fur.)
La séance est reprise.
Je suis saisi d'un amendement n° 194 .
La parole est à Mme George Pau-Langevin, pour le soutenir.
Avis défavorable.
Je suis saisi d'un amendement n° 127 .
La parole est à M. Étienne Pinte, pour le soutenir.
Lorsqu'un conjoint de Français est admis au séjour en France, la loi prévoit que les victimes de violences conjugales ne peuvent obtenir le renouvellement de leur titre de séjour que si elles ont elles-mêmes mis fin à la communauté de vie. Mon amendement propose de modifier cette situation pour que le renouvellement soit également possible lorsque c'est l'auteur des violences qui prend l'initiative de la séparation.
Favorable.
Je suis saisi d'un amendement n° 195 .
La parole est à Mme George Pau-Langevin, pour le défendre.
Défavorable.
Je suis saisi de deux amendements, nos 128 rectifié et 242 , pouvant être soumis à une discussion commune.
La parole est à M. Étienne Pinte, pour soutenir l'amendement n° 128 rectifié .
Il procède du même esprit que mon précédent amendement.
Actuellement, aucune disposition n'est prévue pour protéger les victimes de violences conjugales lorsque les violences et la séparation interviennent avant la délivrance du premier titre de séjour. Mon amendement propose de délivrer ce titre au conjoint de Français qui aura été victime de violences conjugales avant d'obtenir son premier titre de séjour.
Même avis que celui de la commission.
la parole est à M. Jean-Paul Lecoq, pour soutenir l'amendement n° 242 .
Cet amendement vise à compléter l'article L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile par un alinéa ainsi rédigé : « En cas de violences conjugales commises après le mariage ou l'entrée en France mais avant la première délivrance du titre, l'autorité administrative doit délivrer ce titre. »
Il convient de tenir compte de la situation des femmes étrangères, mariées à un Français ou venues dans le cadre du regroupement familial, qui sont victimes de violences conjugales avant la délivrance de leur premier titre de séjour. Du fait de ces violences, la communauté de vie avec leur conjoint est rompue ; elles doivent quitter le domicile conjugal pour fuir les violences – et nous disposons tous de nombreux témoignages – ou parce que leur conjoint les met à la porte. Elles se voient alors refuser l'obtention de leur premier titre de séjour.
Défavorable.
Cet amendement reprend le même problème que l'amendement précédent, mais son caractère est automatique, ce qui ne me semble pas souhaitable.
Également défavorable.
Je mets aux voix l'amendement n° 128 rectifié .
(L'amendement est adopté.)
Cet amendement vise à créer une carte de résident permanent, comme s'y était engagé Nicolas Sarkozy. Cela permettra aussi à ceux qui résident durablement sur notre territoire de ne pas être astreints à faire renouveler leur carte de résident tous les dix ans. Il s'agit d'une mesure de bon sens qui tend à éviter la lourdeur administrative liée au renouvellement de ces cartes et à simplifier la vie de ceux qui aspirent à rester longtemps en France, en leur permettant de ne pas vivre dans l'incertitude. Les statistiques montrent d'ailleurs que les cartes sont renouvelées de façon quasi systématique au bout de dix ans.
La parole est à M. Nicolas Perruchot, pour soutenir l'amendement n° 141 .
Cet amendement vise à créer une carte de résident à durée indéterminée, appelée carte de résident permanent et délivrée aux étrangers qui en font la demande, sous réserve que leur présence ne constitue pas une menace pour l'ordre public et qu'ils satisfassent à la condition d'intégration républicaine.
Notre objectif est de faciliter la vie des étrangers qui séjournent depuis longtemps en France et qui ont accompli un parcours d'intégration exemplaire.
Favorable à l'amendement n° 263 .
Les deux autres amendements reprennent la même idée, mais nous préférons la rédaction de l'amendement gouvernemental qui répond en outre aux préoccupations de notre collègue Jego.
La rédaction de l'amendement n° 263 étant meilleure que la mienne, je retire mon amendement.
Je suis saisi d'un amendement n° 196 .
La parole est à Mme George Pau-Langevin, pour le défendre.
Défavorable.
Je suis saisi d'un amendement n° 197 .
La parole est à Mme George Pau-Langevin, pour le soutenir.
Nous cherchons à remédier aux inconvénients majeurs liés à la rigueur manifestée à l'égard des étrangers.
Dès lors qu'une demande en divorce est engagée, et même si elle n'aboutit pas, les conséquences sont extrêmement graves pour le conjoint étranger. Tout couple peut être confronté à une crise conjugale, mais l'administration a tendance à tirer des conséquences hâtives et disproportionnées lorsque l'un des époux est étranger. Nous proposons donc d'attendre que le jugement de divorce soit rendu avant de pouvoir interrompre le séjour de l'étranger concerné. La procédure est engagée lors d'une crise conjugale, mais le couple peut aussi se reformer.
Même avis défavorable.
Je suis saisi d'un amendement n° 37 , portant article additionnel avant l'article 6.
La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir cet amendement.
Il vise à informer systématiquement les demandeurs d'asile auxquels l'administration a opposé une décision administrative de refus d'entrée sur le territoire français du droit de contester la légalité de celle-ci en introduisant un recours suspensif dans les conditions prévues à l'article L. 213-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Favorable.
Nous abordons, dans cet article additionnel avant l'article 6, les dispositions relatives à l'asile. Nous voterons cet amendement, tout en regrettant que la durée du délai imparti pour saisir le juge administratif d'un recours en annulation soit limitée à vingt-quatre heures. Informer systématiquement les demandeurs d'asile qui se sont vu opposer une décision administrative de refus d'entrée sur le territoire français, du droit de contester la légalité de celle-ci en introduisant un recours suspensif est, certes, une bonne chose. Mais un délai de vingt-quatre heures est trop bref, et nous y reviendrons au cours du débat.
Cet article permet d'adapter notre législation aux recommandations de la Cour européenne des droits de l'homme, après le fameux arrêt Gebremedhin contre France du 26 avril dernier et la condamnation de la France. Il s'agit de permettre à l'étranger s'étant vu opposer un refus à sa demande d'entrée sur le territoire national de faire immédiatement un recours au fond et pas seulement sur la procédure.
Cet article, amendé par le rapporteur, y répond sur le fond. Mais, sur la forme, la définition des délais « objectifs » continue de poser problème. Aussi, pour ne pas risquer d'être condamné une fois de plus par la Cour européenne des droits de l'homme, je propose – et je rejoins en cela plusieurs de mes collègues qui ont déposé des amendements analogues – que le délai de vingt-quatre heures prévu pour le dépôt du recours soit porté à deux jours.
Par ailleurs, je m'interroge sur l'audience par communication audiovisuelle. Dans un premier temps, l'idée paraît intéressante : gain de temps, moins de déplacements, moins de stress, mais, dans la pratique, et surtout dans le cadre spécifique des demandes d'asile qui concernent des personnes fragiles ayant vécu des événements douloureux et maîtrisant parfois mal notre langue, le contact direct, plus humain, est indispensable.
Comme beaucoup d'entre vous, sans doute, j'ai participé à des visioconférences, pratique qui semble complexe alors que chacun est accoutumé au processus et qu'il n'y a pas d'enjeu majeur. Qu'en sera-t-il pour l'étranger, qui joue à quitte ou double ? Cela étant, pourquoi pas ? Car, dans certains cas, le fait que la commission puisse ressembler à un tribunal peut constituer un lourd handicap pour certains demandeurs.
Monsieur le ministre, je souhaite qu'une évaluation de cette nouvelle pratique, la plus précise possible, puisse être réalisée, afin de vérifier l'aspect matériel, d'établir si cette technique présente plus d'avantages ou d'inconvénients pour le demandeur et, surtout, de garantir l'égalité des droits.
Je suis saisi d'un amendement n° 150 , tendant à supprimer l'article 6.
La parole est à M. Jean-Paul Lecoq, pour soutenir cet amendement.
Loin de viser l'application de la Convention relative au statut des réfugiés et ses dispositions, ce chapitre, comme le précédent, constitue un recul. Traitant des dispositions relatives à l'asile, il remet substantiellement en cause l'effectivité de ce droit. Ces éléments justifient à eux seuls la suppression de votre projet.
Le Gouvernement se limite en effet aux seules demandes d'asile à la frontière. Or il existe d'autres décisions concernant l'asile, qui ne font pas l'objet d'un recours suspensif : le dispositif Dublin 2, par exemple. Pourtant, la directive « Procédures », que la France doit transposer avant le 1er décembre 2007, prévoit en son article 39 que les États membres font en sorte que les demandeurs d'asile disposent d'un droit à un recours effectif devant une juridiction contre une décision concernant leur demande d'asile. Cet article, combiné à la décision de la Cour européenne des droits de l'homme du 26 avril 2007, fait que devraient être instaurés des recours suspensifs pour ces procédures.
Défavorable.
Je précise que l'article 6 apporte de nouvelles garanties aux étrangers concernés et doit donc être maintenu.
Défavorable, pour les mêmes raisons que celles exprimées par le rapporteur.
Je suis saisi d'un amendement n° 38 rectifié , qui fait l'objet d'une série de sous-amendements.
La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement n° 38 rectifié .
Cet amendement vise à sécuriser la transposition en droit interne de la jurisprudence issue de l'arrêt « Gebremedhin contre France » rendu le 26 avril dernier par la Cour européenne des droits de l'homme. Certes, l'article 6 du projet de loi poursuit déjà cet objectif. Toutefois, le principe du référé-liberté suspensif, approuvé par les juges administratifs, n'est, semble-t-il, pas jugé suffisant par les magistrats judiciaires. Afin d'éviter que la nouvelle procédure ne soit immédiatement privée de sa portée par la jurisprudence, il est proposé de permettre au demandeur d'obtenir, le cas échéant, l'annulation de la décision de refus d'entrée au moyen d'un recours au fond exclusif de tout autre recours. Cet amendement important réécrit presque entièrement l'article.
La proposition de M. Mariani vise à prendre acte de l'évolution de la jurisprudence ; le Gouvernement y est totalement favorable.
De même que notre collègue Hostalier, nous proposons d'augmenter le délai pendant lequel un étranger peut formuler un recours contre une décision de refus d'entrée au titre de l'asile. Nous souhaitons cependant aller plus loin et le porter à quatre-vingt-seize heures. La modification que vous proposez est censée répondre à la condamnation de la CEDH, mais il va sans dire qu'il est presque impossible pour un demandeur d'asile d'exercer son recours en vingt quatre heures, compte tenu de la barrière de la langue, du stress et de l'ensemble des conditions de sa venue en France. Au final, un délai aussi court constitue une atteinte au droit d'asile, et notre législation est en retrait sur ce point par rapport à la Convention de Genève sur les réfugiés.
Cet état d'esprit règne dans la majorité depuis un certain temps déjà. Il affectait la loi proposée par M. de Villepin sur le droit d'asile, qui a représenté un véritable recul. De son côté, M. Sarkozy, lorsqu'il était ministre de l'intérieur, avait également multiplié les obstacles à l'obtention du droit d'asile, ainsi qu'aux possibilités de recours.
Ajoutons que les conditions dans lesquelles peut agir le juge administratif sont draconiennes. Les exemples ne manquent pas, mais je ne citerai qu'un cas, celui qui a conduit la Cour européenne des droits de l'homme à rendre son avis du 26 avril. Bien que la personne concernée eût vu sa requête rejetée par le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise, elle avait finalement, une fois admise sur le territoire français après injonction des juges européens, obtenu de l'OFPRA la qualité de réfugié.
Ce serait faire preuve d'humanité que de laisser à ceux qui veulent exercer un recours le temps nécessaire. Je rappelle d'ailleurs que les étrangers expulsés après avoir séjourné dans notre pays disposent, eux, d'un délai de quarante-huit heures. Ce serait déjà une bonne chose si l'on alignait le traitement des demandeurs d'asile sur celui des immigrés clandestins. Reste qu'un délai de quatre-vingt-seize heures nous semble le plus adéquat.
La parole est à M. Serge Blisko, pour défendre le sous-amendement n° 219 .
Comme M. Mamère et Mme Hostalier, nous pensons que le droit d'asile doit être mieux protégé. Je trouve navrant que ce que vous présentez comme une avancée vienne à la suite d'une nouvelle condamnation de la France par la CEDH. N'y a-t-il que des condamnations pour faire avancer le droit positif ?
Par ailleurs, le législateur est soumis à une certaine pression, puisque l'on nous dit qu'en étant trop restrictifs, on risquerait de voir notre pays condamné une nouvelle fois. Il n'est pas très agréable de légiférer dans de telles conditions.
J'en viens au délai posé par le projet de loi, et qui est beaucoup trop court. Sur ce point, je ne peux que partager l'avis de mes collègues. Nous connaissons en effet les conditions difficiles dans lesquelles ont lieu les audiences, d'autant qu'il faut souvent passer par un traducteur. En outre, le référé-liberté, aux dires des magistrats comme des avocats, est d'une grande complexité. Enfin, les magistrats administratifs ne souhaitent pas – et ils ont raison – examiner des séries de requêtes dont ne changeraient que le nom du demandeur et son pays d'origine. Il convient de garantir une certaine individualisation des recours.
Il ne suffit pas de proclamer un droit. Pour le rendre effectif, et éviter de nouvelles condamnations, il faut porter à deux jours ouvrables le délai pendant lequel un recours est possible. Cela permettrait de résoudre l'empoisonnant problème du dimanche, lorsque l'on ne trouve pas de traducteur, ou bien quand le juge de permanence est convoqué dans des conditions qui ne favorisent pas la sérénité – pourtant indispensable en cette matière.
La parole est à M. Étienne Pinte, pour soutenir le sous-amendement n° 78 .
Il va dans le même sens que les précédents. J'ai pu le constater personnellement : enfermer le référé dans un délai aussi bref ne donne pas à l'étranger la possibilité d'exposer son argumentation juridique. N'oublions pas que les zones d'attente ne disposent pas de permanences d'avocats : seuls les bénévoles de l'ANAFE assistent les étrangers, mais ils sont absents en soirée et en fin de semaine. Fixer le délai à deux jours rendrait plus aisé le recours aux services d'un avocat et d'un interprète, afin que la personne retenue puisse faire valoir le risque qu'elle encourt en cas de retour dans son pays d'origine.
Le recours doit être suspensif. Certes, le texte le prévoit, mais cela restera théorique si la loi fixe un délai intenable.
Peut-on considérer, madame Hostalier, que vous avez soutenu le sous-amendement n° 111 en intervenant sur l'article ?
Certainement, d'autant que le sujet a été excellemment présenté par les deux orateurs précédents.
Défavorable. Le quadruplement du délai de recours conduirait à maintenir jusqu'à vingt-cinq jours l'étranger en zone d'attente, ce qui serait à mon avis excessif. En outre, un délai de vingt-quatre heures est suffisant pour saisir le juge dans le cadre d'une procédure d'urgence, d'autant que le refus d'entrée est assorti d'une information en ce sens.
J'ouvre une parenthèse, car nos collègues de l'opposition se sont souvent interrogés sur l'opportunité d'une loi supplémentaire. Il faut saluer la rapidité du Gouvernement : quatre mois après la condamnation de la France par la CEDH, il présente une loi permettant à notre pays de se mettre en conformité avec le droit européen. C'est une raison de plus pour juger indispensable le texte proposé.
Merci, monsieur le rapporteur, de souligner que ce projet de loi permet de régulariser cette situation. Le passer sous silence constituait une injustice.
L'avis du Gouvernement est le même que celui de la commission. Je reconnais que des problèmes juridiques et pratiques se posent en matière d'asile. J'en profite pour donner un coup de chapeau à la Croix-Rouge : nous avons renouvelé la convention qui nous liait à cet organisme, qui fait oeuvre de présence, d'attention et d'écoute. Quant à l'ANAFE, citée par M. Blisko et dont certains d'entre vous sont proches, il est vrai que ses bénévoles ne sont pas là les dimanches. Je me suis rendu dans une zone d'attente au lendemain de la nomination du Gouvernement ; j'y ai trouvé la Croix-Rouge, mais pas l'ANAFE. Vous avez eu raison, monsieur Blisko, de soulever ce problème.
Je mets aux voix le sous-amendement n° 142 .
(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
Je mets aux voix le sous-amendement n° 119 .
(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un sous-amendement n° 114 .
La parole est à M. Philippe Cochet, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, pour le soutenir.
Ce sous-amendement vise à allonger le délai accordé au juge pour examiner le recours en annulation déposé par un étranger placé en zone d'attente contre le refus de son admission au titre de l'asile. Un délai de quarante-huit heures semble trop bref pour se prononcer sereinement au fond. Un délai de soixante-douze heures paraît mieux adapté. C'est d'ailleurs celui qui a été retenu pour le recours en annulation de l'obligation de quitter le territoire français déposé par les étrangers placés en centre de rétention administrative. Adopter ce sous-amendement améliorerait donc l'homogénéité du dispositif.
Même avis.
Je mets aux voix le sous-amendement n° 114 .
(Le sous-amendement est adopté.)
Je suis saisi d'un sous-amendement n° 223 .
La parole est à M. Serge Blisko, pour le défendre.
La parole est à M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement, pour donner l'avis du Gouvernement sur ce sous-amendement.
Défavorable.
Je mets aux voix le sous-amendement n° 223 .
(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un sous-amendement n° 112 .
La parole est à Mme Françoise Hostalier, pour le soutenir.
Ce sous-amendement est de clarification. L'amendement n° 38 rectifié précise qu'aucun autre recours ne peut être introduit contre la décision de refus d'entrée au titre de l'asile. Il me semble toutefois nécessaire de mentionner que les voies de recours contre la décision prise par le juge administratif sont celles du droit commun. Ce qui va sans dire va mieux en le disant.
Défavorable.
Je mets aux voix le sous-amendement n° 112 .
(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un sous-amendement n° 215 .
La parole est à M. Serge Blisko, pour le soutenir.
Nous avons constaté avec surprise et inquiétude que l'audience au tribunal administratif se déroulait sans conclusions du commissaire du Gouvernement. Or il nous apparaît que le commissaire du Gouvernement, qui, comme la formule consacrée, ne représente pas le Gouvernement, mais est un fonctionnaire indépendant chargé de lire le droit, ne doit pas être exclu de ce type d'audience.
Il convient donc de se référer, pour le déroulement de l'audience, à l'article L. 522-1 du code de justice administrative qui prévoit la présence du commissaire du gouvernement.
Défavorable. L'intervention du commissaire du Gouvernement à l'audience n'est pas exigée par la CEDH et l'allongerait inutilement, alors que le contentieux des étrangers représente déjà une charge lourde pour les tribunaux administratifs.
En outre, cette non-présence est même demandée par le SJA.
Même avis que la commission.
Je mets aux voix le sous-amendement n° 215 .
(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un sous-amendement n° 143 rectifié .
La parole est à M. Jean-Paul Lecoq, pour le soutenir.
Ce sous-amendement tend à supprimer les alinéas 7 et 8 de l'amendement. Le demandeur d'asile doit pouvoir jouir de toutes les garanties d'une procédure équitable, en tout temps et en toutes circonstances. Or ces alinéas ne garantissent pas des audiences où les conditions des procédures équitables seront respectées.
Il n'est pas suffisant que le demandeur d'asile soit informé, même si c'est indispensable, dans une langue qu'il comprend pour exercer son droit à l'opposition à la visioconférence. Il est clair qu'il existe un vrai renversement, car le point de départ est la présomption de l'accord du demandeur. Le principe selon lequel l'audience se tient dans les locaux du tribunal administratif compétent et devant et en présence du juge est bafoué par la présomption de l'accord du demandeur d'asile.
Plus qu'à protéger le demandeur d'asile, cet article vise plutôt à restreindre sa possibilité d'exercer un recours effectif et d'autres droits.
Ce sous-amendement a été repoussé par la commission.
Le recours à la visioconférence ou à la délocalisation des audiences dans la zone d'attente permet d'éviter les déplacements pénibles et coûteux. Cela ne porte pas atteinte aux droits de l'étranger, car il peut s'y opposer en tout état de cause. L'audience demeure ouverte au public. De même, l'étranger conserve ses droits d'accès à un interprète et à un avocat.
Même avis que la commission.
Ces audiences par visioconférence sont pour nous une innovation technique tout à fait inacceptable et, en tout cas, lourde de menaces.
Récemment, un procès assez médiatisé s'est tenu à Évry. Un témoin a été invité à comparaître par visioconférence. Vous avez pu mesurer les conditions techniques tout à fait déplorables dans lesquelles l'audience s'est déroulée. Les juges n'arrivaient pas à comprendre ce que disait le témoin et le faisaient répéter. Cette expérience a mis en évidence les risques que pouvait comporter une médiation, certes moderne, mais qui n'est absolument pas de nature à respecter correctement les droits de la défense.
De surcroît, comme nous l'avons précisé, les étrangers maîtrisent mal le français et sont souvent traumatisés par une situation extrêmement difficile. Par conséquent, le système de la visioconférence et des audiences à distance est un très mauvais service à rendre à la justice, qui doit rester de qualité dans notre pays.
L'argument présenté par notre rapporteur contribue à ce que la justice ne soit pas rendue dans des conditions équitables pour un demandeur d'asile. Les spécialistes qui ont rencontré ces personnes connaissent les problèmes auxquels elles doivent faire face : difficulté de la langue, stress, crainte de réactions du pays d'origine. Les conditions diffèrent notablement selon que le juge interroge l'étranger à distance à l'aide de la visioconférence ou qu'il se trouve face à lui pour dialoguer tranquillement d'homme à homme.
Cet argument technique devient finalement très politique et contribue à entraver le caractère équitable de la justice pour ces personnes en très grande difficulté et très vulnérables.
Je mets aux voix le sous-amendement n° 143 rectifié .
(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un sous-amendement n° 216 .
Ce sous-amendement de repli a été défendu.
Même avis !
Je mets aux voix le sous-amendement n° 216 .
(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
Je suis saisi d'un sous-amendement n° 217 .
Ce sous-amendement de repli a été défendu.
La commission et le Gouvernement y sont défavorables.
Je mets aux voix le sous-amendement n° 217 .
(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
Je suis saisi du sous-amendement n° 218 .
La parole est à M. Serge Blisko, pour le soutenir.
Je reviendrai très rapidement sur la visioconférence que l'on pourrait appeler pour plus de clarté « vidéoaudience ».
Nous avons expliqué les raisons pour lesquelles nous n'étions pas convaincus, voire hostiles à cette forme dégradée de rendre la justice et en particulier la justice administrative. L'audience doit se tenir en présence de l'intéressé, à « portes ouvertes », être publique, sauf bien évidemment quand le huis-clos est demandé. Ces règles sont intangibles. Des aspects subjectifs ont été décrits par certains collègues : le stress, la complexité du processus pour quelqu'un qui parle très mal, voire pas du tout, notre langue : ainsi, où se trouvera l'interprète ? Des dizaines de questions se posent, dont certaines sont d'ordre technique. Je ne suis pas un spécialiste, puisque je ne suis ni magistrat, ni avocat, ni organisateur de visioconférences. M. Mamère connaît cela mieux que moi, mais je sais tout de même qu'il existe des plans de coupe. Lorsque le juge dialogue avec la personne, même par le biais d'un interprète, on essaie de comprendre ce qui est dit. Ce climat psychologique essentiel surtout dans ce type d'audience risque, du fait des plans de coupe, de devenir totalement inexistant : l'avocat peut ne pas comprendre la façon dont le juge appréhende l'argumentation ; il en va de même du demandeur d'asile qui est parfois aidé d'un interprète. L'asile est un enjeu trop important, lorsque l'on sait les menaces qui peuvent exister, pour être traité ainsi.
Se posent aussi des problèmes d'intimité. Les demandeurs d'asiles doivent parfois expliquer leurs tortures, ce qui n'est pas toujours évident. Or la méthode de la visioconférence est très froide. Ces audiences rendues quelque peu mécaniques du fait du recours aux écrans et aux caméras, et auxquelles assistent quatre, cinq, voire six personnes, avec le greffe et les employés du tribunal, donnent un caractère solennel à la procédure et ne permettent pas de rendre cette justice de proximité, souhaitable pour les demandes d'asile.
Défavorable.
Je mets aux voix le sous-amendement n° 218 .
(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
Je rappelle que, dans la série de sous-amendements à l'amendement n° 38 rectifié que nous venons d'examiner, seul le sous-amendement n° 114 de M. Philippe Cochet a été adopté.
Je mets donc aux voix l'amendement n° 38 rectifié , modifié par le sous-amendement n° 114 .
(L'amendement, ainsi modifié, est adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 39 , portant article additionnel après l'article 6.
La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir cet amendement.
Cet amendement vise à simplifier la procédure applicable pendant la phase administrative du maintien en zone d'attente.
Actuellement, l'administration peut prononcer le maintien de l'étranger en zone d'attente, par décision écrite et motivée, pour une durée maximale de quarante-huit heures, et ce maintien peut être renouvelé dans les mêmes conditions.
Il est donc proposé, sans allonger aucunement la durée globale du maintien en zone d'attente, d'autoriser d'emblée l'administration à décider du maintien de l'étranger en zone d'attente pour une durée maximale de quatre jours. Cela simplifie tout de même la procédure.
Avis très favorable.
Je suis saisi d'un amendement n° 151 , tendant à supprimer l'article 7.
La parole est à M. Jean-Paul Lecoq, pour soutenir cet amendement.
L'amendement vise à supprimer l'article 7.
Pour les demandeurs d'asile ou les migrants, de très nombreuses procédures de référé-liberté sont rejetées par simple ordonnance sans que les intéressés n'aient été audiencés. Nous considérons que cette disposition est incompatible avec les exigences de la Commission européenne des droits de l'homme, qui a fermement souligné le droit d'exercer un recours effectif. L'effectivité de ce recours devrait, en effet, prévaloir pendant toute la durée de la procédure, et non pas seulement en première instance.
Avis défavorable. L'article 7 du projet de loi doit être maintenu. Il ne concerne pas le recours contre le refus d'entrée au titre de l'asile, mais seulement la prorogation d'office du maintien en zone d'attente de l'étranger qui a déposé son recours tardivement.
Même avis que la commission.
Je suis saisi d'un amendement n° 40 .
La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.
Cet amendement vise à permettre au juge de la liberté et de la détention de prolonger, pour une nouvelle période de huit jours, le maintien en zone d'attente de l'étranger lorsque celui-ci s'est délibérément opposé à son rapatriement. Cela concerne principalement les refus de monter dans l'avion.
Favorable.
À mesure qu'avance la discussion, on aggrave le texte initial. La fébrilité avec laquelle vous agissez est manifeste. En effet, le rapporteur est en permanence contraint de remanier substantiellement les procédures telles qu'elles sont présentées. C'est ce qui s'est passé pour le référé-liberté. De plus, au hasard d'amendements, les délais sont modifiés, on charge la barque. Nous ne comprenons ni n'acceptons cette précipitation dans l'action.
Il est extrêmement difficile d'avoir une idée claire de ce qui est proposé, sur le plan technique, parce qu'en fait, on comprend très bien. Après l'échec qu'a représenté l'arrêt Gebremedhin, le texte ne vise qu'à rendre le droit d'asile ineffectif.
Je suis donc plus que navré, et, comme l'ensemble de mes collègues de l'opposition, opposé à cette façon de travailler. Vous ne cessez d'improviser pour essayer à tout prix de coincer les demandeurs d'asile en les maintenant en zone d'attente des jours et des jours alors que l'on pourrait aller beaucoup plus vite. Ce n'est pas sérieux.
Je suis saisi d'un amendement n° 41 .
La parole est à M. le rapporteur, pour le défendre.
Favorable.
La parole est à M. Philippe Cochet, pour défendre le sous-amendement n° 113 .
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement et le sous-amendement ?
Favorable.
On a le sentiment qu'à cette heure avancée de la nuit, vous voulez très vite en finir et, une fois de plus, vous choisissez des boucs émissaires. Pendant toute la discussion, cela a été les demandeurs de regroupement familial et, maintenant, ce sont les malheureux demandeurs d'asile.
L'un de nos collègues vient de proposer de faire passer de trois à quatre jours la période pendant laquelle le maintien en zone d'attente de l'étranger est prorogé d'office. Jusqu'à présent, on pouvait garder un étranger privé de liberté pendant vingt-trois jours au total, et vous voulez encore en ajouter un petit peu.
À coups d'amendements et de sous-amendements, les garanties dont pouvaient bénéficier les demandeurs d'asile disparaissent les unes après les autres. C'est la visioconférence, que l'on présente comme une disposition technique mais qui a des conséquences politiques, c'est la remise en cause du référé-liberté, c'est l'impossibilité d'être présenté au juge administratif, c'est l'invention d'un certain nombre de procédures juridiques pour éviter le recours simple, qui aurait pu s'exercer dans les mêmes conditions que pour les arrêtés de reconduite à la frontière : recours au fond, sans forme, avec un délai de quarante-huit heures pour saisir le juge, possibilité d'être assisté à l'audience par un avocat désigné et par un interprète.
Vous préférez faire des demandeurs d'asile une catégorie particulière. Pour vous, effectivement, ce sont des indésirables !
C'est la raison pour laquelle nous combattons vos amendements et sous-amendements. Ils sont présentés comme des amendements techniques, mais c'est de l'habillage, et vous ne nous y prendrez pas.
Je mets aux voix le sous-amendement n° 113 .
(Le sous-amendement est adopté.)
Je mets aux voix l'article 7, modifié par les amendements adoptés.
(L'article 7, ainsi modifié, est adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 152 , tendant à supprimer l'article 8.
La parole est à M. Jean-Paul Lecoq, pour défendre cet amendement.
Plutôt que de viser l'application de la convention relative au statut des réfugiés et ses dispositions, cet article, comme le précédent, constitue en lui-même un recul. En effet, au chapitre II traitant de l'asile, il remet substantiellement en cause l'effectivité de ce droit. Ces éléments justifient en eux-mêmes la suppression du projet, qui, en fait, ne vise qu'à rendre encore plus difficile le droit fondamental qu'est le droit d'asile.
Rappelons que le droit d'asile, dont notre pays s'enorgueillit depuis des siècles, découle directement du droit à la vie, du droit à la liberté et à la sécurité personnelle, du droit à la liberté de pensée, de conscience, de religion, et du droit à ne pas être torturé.
Dans ce chapitre, de nombreux éléments confirment que ce projet de loi est incompatible avec la convention relative au statut des réfugiés et ses dispositions. Cette incompatibilité entraîne la violation des obligations internationales dont est redevable l'État français.
Défavorable.
Je suis saisi d'un amendement n° 42 .
La parole est à M. le rapporteur, pour le défendre.
Favorable.
Je mets aux voix l'article 8, modifié par l'amendement n° 42 .
(L'article 8, ainsi modifié, est adopté.)
Plusieurs orateurs sont inscrits sur l'article 9.
La parole est à Mme Françoise Hostalier.
D'abord, je me réjouis de la clarification administrative et juridique du rôle de l'ex-commission de recours des réfugiés. Je ne sais pas ce que vont devenir les différents amendements que j'ai vus, mais l'appellation « cour nationale du droit d'asile » me paraît préférable à toute autre formule.
Nous prenons acte, monsieur le ministre, de votre volonté de rendre cette instance indépendante, mais, si j'ai bien compris, cela devra se concrétiser dans la loi de finances, où cette institution doit apparaître de manière claire sur les crédits du Conseil d'État.
En ce qui concerne l'OFPRA, la nomination d'un député européen me paraît être une excellente chose. Il est urgent d'aller beaucoup plus loin et d'accélérer l'harmonisation de la délivrance des visas dans l'ensemble des pays de la Communauté européenne.
Je voulais en fait intervenir sur l'article 15, mais je prends l'avion dans six heures pour rentrer dans ma circonscription.
S'il y a un sujet sur l'immigration, l'intégration et le codéveloppement qui intéresse la Guyane, c'est bien celui-ci. Je ne rappelle pas les chiffres. Plusieurs textes ont été examinés au cours de ces dernières années, et on les a donnés.
La Guyane est historiquement une terre d'accueil. Elle n'a pas seulement accueilli des immigrés, elle a accueilli la France tout d'abord, elle a accueilli le bagne, la base spatiale, et elle vient d'accueillir le plus grand parc national, le parc amazonien.
L'immigration en tant que telle n'est donc pas dramatique pour les Guyanais. Ce qui est dramatique, c'est l'amalgame qui a été fait entre immigration et insécurité. Nous souffrons en effet d'une grosse insécurité. Des moyens ont été donnés, pas suffisamment. Quand M. Hortefeux est venu, il a réitéré la promesse du ministre de l'intérieur M. Sarkozy. Nous espérons en avoir d'autres pour Noël 2007, après avoir attendu à Noël 2003 et Noël 2006. Je vous dirai en janvier ce qu'il en est.
Ce territoire n'est pas facile, je le concède, mais c'est le mien, c'est le nôtre. Cela a un coût de le sécuriser. La base spatiale est-elle la seule à avoir droit aux moyens nécessaires pour assurer la sécurité ou les Guyanais aussi y ont-ils droit ?
J'avais proposé un amendement, qui est tombé, pour défendre les services de l'État. Jusqu'à aujourd'hui, aucun contrat d'accueil et d'intégration n'a été signé en Guyane, monsieur le ministre. J'en suis plus que désolée. En 2003, nous avons demandé à faire partie de l'expérimentation, ce qui nous a été refusé. Étonnant, vu la situation. La loi de 2006 n'est toujours pas applicable en Guyane puisque l'ANAEM n'a pas les moyens de conclure des contrats d'accueil et d'intégration. Vous voyez que l'on accumule les particularités.
Quant au regroupement familial, on ne peut pas penser faire de l'intégration s'il n'est pas facilité, car c'est le premier élément de l'intégration, qu'il s'agisse d'un Français qui fait entrer son conjoint ou d'un migrant qui a décidé de venir s'installer sur le sol français. Pour moi, le regroupement familial doit être non seulement facilité mais pris comme un geste d'accueil du pays accueillant.
La situation géopolitique de la Guyane vous donne tout loisir, monsieur le ministre, pour expérimenter le codéveloppement. Je n'ai pas besoin de rappeler que la Guyane est entourée du Surinam, du Brésil, et, un peu plus loin, de la Guyana. Le codéveloppement est donc pour moi la seule façon de permettre aux hommes de rester sur leur territoire. Comme on dit chez moi, mieux vaut un petit chez soi qu'un grand chez les autres. Je vous demande donc d'être très attentif à cette partie de l'intitulé de votre ministère.
L'article 9 n'est pas un article banal puisqu'il place l'OFPRA sous la tutelle du ministère de l'immigration, qui est chargé de mettre en oeuvre la politique de l'immigration choisie au détriment de l'immigration subie. Il s'approprie donc l'asile, que l'on pourrait qualifier de quintessence de l'immigration subie, celle qui n'a besoin d'aucune autorisation préalable pour entrer et s'installer sur le territoire. C'est en quelque sorte la bête noire absolue des ennemis de l'immigré jetable.
À la suite d'un certain nombre de coups de boutoir déjà donnés par les différents projets de loi soumis à cette assemblée, l'asile est aujourd'hui largement moribond en France, tout autant d'ailleurs que dans l'Union européenne, et, avec la décision que vous prenez ce soir, il ne risque pas de retrouver ses couleurs.
Que le gouvernement Fillon, ou, plutôt, le gouvernement Sarkozy (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire)… Eh bien oui puisque M. Fillon a été qualifié par le Président de la République lui-même de collaborateur ! Comme l'a répété à plusieurs reprises l'un de nos collègues, le Président de la République viole bien souvent la Constitution puisque c'est, paraît-il, lui qui gouverne. Il ne me semblait pas que c'était l'esprit de la Constitution, en tout cas des articles 20 et 21.
Que le Gouvernement, dirigé par un fantôme, éprouve le besoin de modifier la tutelle de l'OFPRA a au moins le mérite de tordre le cou une bonne fois pour toutes à ce qui est désormais une légende, l'indépendance de cet office. S'il suffit de changer son « patron » pour qu'il agisse en cohérence avec la politique de l'immigration choisie, nous avons la preuve de ce que vous recherchiez.
À vrai dire, l'affaire était entendue depuis longtemps puisque, en 1993, M. Pasqua, prenant prétexte de la transposition de la convention européenne de Dublin, un seul État étant responsable de l'examen d'une demande d'asile, avait astreint les requérants de l'asile à l'obligation d'obtenir une autorisation de séjour avant de pouvoir s'adresser à l'OFPRA. M. Pasqua avait évidemment confié la délivrance de ces autorisations de séjour aux préfectures, le ver était donc déjà dans le fruit.
L'OPA ne changera à vrai dire sans doute pas grand-chose tant le ministère de l'intérieur avait déjà autorité sur l'asile. La réforme que vous nous proposez ne fait qu'officialiser un état de fait. L'OFPRA n'est absolument plus indépendant, nous le savions déjà depuis longtemps, vu les aller et retour qui avaient lieu entre le ministère des affaires étrangères et le ministère de l'intérieur.
Loin de n'être qu'une simplification administrative, cet article introduit un changement profond. Demain en effet, si ce funeste projet de loi devait être voté, l'OFPRA relèverait de la tutelle du ministère de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement. Ne voyez dans cette remarque aucune attaque personnelle, monsieur le ministre, mais nous sommes extrêmement inquiets de cette innovation, et cela pour deux raisons.
La première est une raison de principe. Le droit d'asile nécessite une administration très particulière. C'est la bête noire de tous les gouvernements, comme nous le disions tout à l'heure, parce qu'ils y voient une espèce d'hydre, dont les « têtes » peuvent passer du simple au double à tout moment, au gré des crises internationales. Cela oblige les gouvernements – le gouvernement de M. Rocard en a fait l'expérience dans les années quatre-vingt-dix – à renforcer dans l'urgence les effectifs de l'Office en recrutant des contractuels pour faire face à des afflux de demandes soudains. Il y a une raison forte à cela : on ne peut pas laisser des demandeurs d'asile attendre deux ou trois ans que leur demande soit examinée.
Une administration qui peut ainsi à tout moment voir ses effectifs doubler, même si c'est pour de bons motifs, ne peut que déplaire souverainement aux gestionnaires, surtout aujourd'hui où on nous annonce le non-remplacement de la moitié des fonctionnaires. Que se passera-t-il demain si nous connaissons un nouvel afflux de demandeurs d'asile à cause d'une crise internationale d'une gravité supérieure à celles que nous connaissons aujourd'hui ? De toute façon, bien d'autres crises se préparent, notamment des crises climatiques. Même si elles ne relèvent certes pas de l'asile classique au sens de la convention de Genève, un certain nombre d'États ont déjà prévu de faire face à un afflux de réfugiés dans un tel cas.
La deuxième raison est aussi une raison de fond, même si elle est une défense de l'OFPRA. Cela va peut-être vous étonner, mais nous sommes un certain nombre à ne pas reprocher à l'OFPRA de ne pas bien travailler, malgré sa sévérité. Nous ne remettons pas radicalement en cause l'action de l'OFPRA, pour le moment du moins, monsieur Cochet. Elle a en effet bénéficié jusqu'ici de moyens suffisants.
À ce propos, je voudrais profiter de l'occasion trop rare qui nous est donnée de parler de l'OFPRA – c'est la première fois depuis 2003 – pour donner un coup de chapeau à ceux qu'on appelle les « officiers de protection », fonctionnaires ou contractuels, dont la tâche n'est pas facile : ils sont en effet exposés quotidiennement à des situations dramatiques, à des récits éprouvants. Cela peut s'avérer, moralement et humainement, difficile à supporter.
Ces agents parviennent pourtant à assurer leur mission dans un cadre qui a été fixé en 1952, c'est-à-dire dans un contexte géopolitique très différent. Le nombre de demandes d'asile était faible, les pays d'origine des demandeurs d'asile en nombre très réduit : il s'agissait presque uniquement des pays de l'Est du fait de la crise de l'immédiat après-guerre. À ceux-là venaient s'ajouter ponctuellement des demandeurs fuyant leur pays à la suite d'un coup d'État et de l'instauration d'une dictature, comme au Chili. On peut penser aussi aux boat people, que j'ai évoqués hier.
Pour traiter ces cas, qu'ils soient 30 000 ou qu'ils soient 60 000, et quels que soient les moyens matériels et humains mis à la disposition de l'Office, il faut pouvoir s'appuyer sur une connaissance fine et constamment remise à jour des pays d'origine des demandeurs et des situations qu'ils vivent.
Pour compliquer encore un problème déjà très compliqué, en tout cas plus que naguère – vous le connaissez bien, monsieur Cochet –, on peut aujourd'hui faire l'objet de persécutions dans un pays démocratique. L'introduction dans notre droit de notions juridiques telles que celles de protection subsidiaire, d'autorité non étatique ou de pays sûr, qui ont été discutées en 2003, montre bien la complexité de l'affaire.
C'est pourquoi je pense, monsieur Hortefeux, encore une fois sans vouloir vous vexer, qu'il n'est pas bon de confier une mission aussi complexe à un ministère qui vient d'être créé, qui ne dispose pas – pas encore du moins – de cette connaissance fine, et qui doit aujourd'hui prendre sous sa tutelle plusieurs centaines d'agents, fonctionnaires ou contractuels. Les liens que ceux-ci entretiennent avec le réseau des ambassades et des consulats vont être coupés, ainsi qu'avec les centres d'analyse et de prévision, les instituts de recherche, nombreux et efficaces au sein du ministère des affaires étrangères…
Mon cher collègue, je pense que vous avez dépassé le temps de parole qui vous était imparti.
Je termine, vous le savez bien.
Vous allez bien évidemment me répondre que ces liens pourront être préservés, et que ces agents pourront continuer à consulter le ministère des affaires étrangères. Point n'est besoin cependant d'être un spécialiste de la science administrative pour savoir ce qui se passera quand les affaires étrangères n'auront plus la tutelle, à moins que nous connaissions d'ici là une révolution copernicienne que nous appelons tous de nos voeux : sans vouloir, encore une fois, faire injure aux fonctionnaires, la demande qui émane d'une autre administration est toujours traitée avec moins de zèle et moins de moyens, jusqu'à ce qu'on trouve particulièrement inopportunes ces demandes incessantes. On jugera bon alors, dans dix ou vingt ans, de faire repasser l'asile sous la tutelle des affaires étrangères, puisqu'il s'agit d'une compétence régalienne, et non d'une affaire de simple police.
La parole est à M. Étienne Pinte, dernier orateur inscrit sur l'article 9.
Puisque cela fait quelques années déjà que je vous représente à l'Office français des réfugiés et des apatrides, je tenais à prendre la parole pour, après M. Blisko, rendre aux officiers de protection l'hommage que nous leur devons. Les voyant travailler depuis de nombreuses années, j'ai pu constater que les efforts consentis par le Gouvernement pour augmenter leurs effectifs ont permis de « déstocker », pour utiliser un terme du jargon, les très nombreuses demandes d'asile des réfugiés. Alors qu'on partait d'un stock de près de 100 000, on est descendu aujourd'hui aux alentours de 14 000 ou 15 000, ce qui est un résultat excellent. Il l'est d'autant plus qu'on est passé de 20 000 en 2005 à 14 000 en 2006 : ces chiffres permettent de mesurer l'ampleur de l'effort.
Il me semble donc normal qu'on diminue les effectifs des officiers de protection à partir du moment où le stock a été en grande partie dégonflé. Un afflux soudain de réfugiés à la suite d'événements politiques justifierait évidemment qu'on dote l'Office des moyens nécessaires pour que ces demandes d'asile soient traitées dans les meilleurs délais, et je pense que le Gouvernement est conscient de cette nécessité.
M. Blisko vient de souligner l'extrême difficulté de ce travail. On peut même dans certains cas contester la pertinence de la notion de « pays sûr ». Récemment par exemple, tant l'OFPRA que la commission de recours se sont appuyés sur cette notion pour refuser le bénéfice du droit d'asile à un réfugié tamoul. Or celui-ci a été assassiné quelques mois après être rentré dans son pays. On voit à quel point il est difficile de jauger la pertinence de la décision prise.
Nous en avons eu malheureusement un autre exemple tout récemment avec le cas du petit Ivan – le ministre a d'ailleurs accordé à ses parents un droit de séjour de façon qu'ils puissent rester à ses côtés. Je me suis demandé pour quelles raisons ni l'OFPRA, ni la commission de recours n'avaient accordé le statut de réfugiés à cette famille, alors que la maman est tchétchène.
Ces exemples prouvent combien ce sujet est difficile et doit être traité avec délicatesse. C'est pourquoi il faut rendre hommage à tout le travail accompli, aussi bien par les officiers de protection que par les membres de la commission de recours, leur président, qui est un magistrat, et ses assesseurs, qui sont quasiment des bénévoles. Ils font un travail remarquable pour essayer de conserver à notre pays son image de pays des droits de l'homme et du citoyen.
Je suis saisi d'un amendement n° 43 rectifié .
La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.
Cet amendement vise à ajouter un député européen aux deux parlementaires participant au conseil d'administration de l'OFPRA. Nous souhaitons en effet un droit d'asile commun au niveau européen.
Je mets aux voix l'amendement n° 43 rectifié .
(L'amendement est adopté.)
En conséquence, l'amendement n° 251 tombe.
Je suis saisi d'un amendement n° 221 rectifié .
La parole est à M. Serge Blisko, pour le défendre.
Nous venons d'introduire un parlementaire européen dans le conseil d'administration de l'OFPRA : pourquoi pas ? Nous pensons, nous, que le conseil d'administration de l'OFPRA devrait compter, non pas deux, mais quatre parlementaires. Ce n'est pas excessif ! M. Pinte confirmera que cela ne devrait pas entraîner de frais supplémentaires.
Le droit d'asile n'est ni de droite ni de gauche, même s'il peut y avoir des différences : il est régi par la convention de Genève, que la France respecte et entend continuer à respecter, du moins je l'espère. Ce doublement permettrait, par le jeu de la proportionnelle, qui est très simple sur les petits nombres, d'assurer une représentation de l'opposition, s'agissant des députés comme des sénateurs.
Cela devrait autoriser un débat plus dépassionné, tout en donnant utilement à l'opposition la capacité d'apprécier le travail de l'OFPRA.
Défavorable.
Je pense personnellement qu'il serait utile d'adopter cet amendement. Ainsi, il nous arrive quelquefois, à mon collègue sénateur ou à moi-même, de ne pas pouvoir assister au conseil d'administration de l'OFPRA. Dans un tel cas, la présence d'un autre parlementaire ne serait pas inutile.
Je mets aux voix l'amendement n° 221 rectifié .
(L'amendement n'est pas adopté.)
Oui.
Je suis saisi d'un amendement n° 257 .
La parole est à M. Jean-Paul Lecoq, pour le défendre.
Oui.
Je mets aux voix l'article 9, modifié par les amendements adoptés.
(L'article 9, ainsi modifié, est adopté.)
Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 45 rectifié et 56 rectifié portant article additionnel après l'article 9.
La parole est à M. Philippe Cochet, pour soutenir l'amendement n° 56 rectifié .
Monsieur le président, il me semble suffisant que M. le rapporteur défende l'amendement n° 45 rectifié , qui lui est identique.
La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l'amendement n° 45 rectifié .
Je m'exprimerai en effet au nom de M. Philippe Cochet et en mon nom personnel. Il s'agit là d'un amendement symbolique et important, qui vise à modifier la dénomination de la Commission de recours des réfugiés, la CRR, qui prendrait désormais le nom de Cour nationale du droit d'asile, ou CNDA.
En effet, sa dénomination actuelle ne reflète absolument pas son caractère de juridiction indépendante, qui devrait en outre disposer prochainement, comme l'a confirmé le ministre, d'une véritable autonomie budgétaire, en remplacement de son actuel rattachement à l'OFPRA.
Par ailleurs, la dénomination actuelle fait référence aux « réfugiés », ce qui est également ambigu, puisque les demandeurs d'asile n'ont pas encore acquis un tel statut lorsqu'ils saisissent la CRR.
Je précise enfin que le président de la CRR est tout à fait favorable à ce changement de dénomination.
Avis favorable. Il s'agit là d'une très bonne initiative, que j'ai évoquée hier dans la discussion générale.
Le groupe socialiste ne peut que voter cet amendement. En effet, le terme de CRR était ambigu et le terme choisi, s'il a été approuvé par le président de l'actuelle CRR, nous convient. Il n'y a donc aucun souci à cet égard.
De la même façon, il nous semble justifié que le nom de la Cour nationale du droit d'asile ne comporte plus le terme de « réfugiés », mais celui de « demandeurs d'asile », compte tenu de la situation des personnes soumises à cette juridiction – qui, je le rappelle, est la première juridiction française.
La question n'est toutefois pas seulement celle du nom. En effet, pour que le droit de recourir à la future CNDA devienne effectif, il faut que celle-ci soit mieux traitée que l'actuel CRR en termes de moyens matériels et humains. En commission, M. Goasguen, qui est au-dessus de tout soupçon et qui, d'ordinaire, ne suit pas la ligne de l'opposition, nous a décrit les conditions ubuesques et misérables dans lesquelles l'actuelle Commission de recours des réfugiés rend ses décisions. La description de notre collègue, à qui il est arrivé, en tant qu'avocat, de plaider devant cette commission, était poignante.
Je vous rappelle que vous avez supprimé, il y a moins d'un an, 125 postes à la CRR. Il n'y a donc rien d'étonnant à ce que, tandis que les délais d'instruction des demandes devant l'OFPRA ont été réduits à une mesure convenable – ils se situent aujourd'hui entre trois et quatre mois pour les cas ordinaires, ce qui a permis, comme l'indiquait tout à l'heure M. Pinte, et si je puis l'exprimer ainsi, de résorber dans une proportion de 85 % le stock en attente –, la CRR connaisse aujourd'hui un goulet d'étranglement.
En outre, comme se le rappelle M. Mariani, le président de l'actuelle CRR a indiqué lors de son audition qu'il est aujourd'hui confronté au problème du manque de magistrats suffisamment en forme pour présider des audiences lourdes et longues.
Il nous faut donc prendre conscience du fait que nous sommes loin du compte et que la plus grande juridiction française est aujourd'hui avariée pour ce qui est de ses moyens matériels et humains. Je plaide donc ici pour qu'au-delà du changement de nom, qui est sympathique, nous puissions assurer plus convenablement l'effectivité de ce droit au recours.
J'ai déjà dit dans la discussion générale que ces deux amendements étaient excellents, car le terme de « commission » présentait une grande ambiguïté, ne permettant pas de deviner que cette commission était en fait une juridiction. La substitution du terme de « cour » permet de mieux cerner la responsabilité de cette juridiction.
D'autre part, ce qui importe n'est pas tant de savoir si l'actuel président de la CRR est d'accord ou non avec ce changement de nom, mais si l'ensemble de la juridiction administrative y souscrit – ce qui est précisément le cas.
Je mets aux voix par un seul vote les amendements nos 45 rectifié et 56 rectifié .
(Ces amendements sont adoptés.)
Monsieur le président, je demande une suspension de séance de quelques minutes.
Après l'article 9
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à deux heures cinq, est reprise à deux heures dix.)
La séance est reprise.
Je suis saisi d'un amendement n° 69 .
La parole est à M. Thierry Mariani, pour le soutenir.
Cet amendement vise à ramener d'un mois à quinze jours le délai laissé à l'étranger pour introduire un recours devant ce qui s'appelait précédemment la Commission de recours des réfugiés après le rejet de sa demande d'asile par l'OFPRA.
En effet, le délai actuel contribue à l'allongement de la durée globale des procédures d'instruction des demandes d'asile, qui s'élève en moyenne, je le rappelle, à quatorze mois. Or une durée excessive ne favorise pas l'accueil des demandeurs d'asile dans des conditions d'hébergement satisfaisantes.
Par ailleurs, dans la plupart des pays européens, le délai dans lequel peut être déposée la demande d'examen en appel des demandes d'asile est de quinze jours, comme en Allemagne, en Autriche, en Belgique, en Hongrie, en Irlande, en Italie et en Pologne, voire de dix jours, comme au Royaume-Uni.
Le Gouvernement s'en remet à la sagesse de l'Assemblée.
Nous sommes satisfaits de voir que le Gouvernement laisse la décision en cette matière à la sagesse de l'Assemblée.
En effet, l'amendement n° 69 , en dépit d'une apparence tout à fait technique, est très politique. Les députés de l'opposition s'y opposent vigoureusement car, s'il était voté – et j'espère qu'il ne le sera pas –, il réduirait encore davantage les droits déjà très insuffisants reconnus aux demandeurs d'asile dans notre pays, déjà réduits par ailleurs dans le texte que nous examinons. De telles garanties sont cruciales pour le respect du droit d'asile et ne doivent faire l'objet d'aucun marchandage politique.
Lors de la dernière modification législative sur ce sujet, en 2006, le Parlement avait voté en sens inverse et rejeté une telle proposition. Nos deux chambres s'étaient alors appuyées sur les travaux de la commission d'enquête sénatoriale sur l'immigration clandestine qui, en octobre 2005, jugeait souhaitable de « renoncer à faire peser sur les demandeurs d'asile la charge de la réduction des délais de procédure, sauf à prendre le risque de paraître leur marchander les moyens de faire valoir leurs droits dans un système juridique complexe ».
Nous considérons donc que ce délai d'un mois doit être maintenu pour ne pas remettre en cause le principe de la réalité et de l'effectivité du recours – qui, je vous le rappelle, monsieur le rapporteur et chers collègues, est garanti par la Convention européenne des droits de l'homme, à laquelle la France est partie.
M. Hortefeux nous affirmait hier entendre « être le ministre de l'asile et faire respecter pleinement la tradition d'accueil des réfugiés », et ajoutait que « le second objectif du projet de loi est de conforter la procédure d'examen des demandes d'asile ».
Monsieur le ministre, puisque votre collègue chargé des relations avec le Parlement a demandé la sagesse de l'Assemblée, j'espère que celle-ci maintiendra le délai d'un mois.
Je le répète : un droit n'est rien s'il n'est pas effectif. Or, comme vient de le déclarer M. Mamère en citant M. le ministre, nous sommes déjà en train de faire en sorte qu'un droit dont il a été proclamé hier qu'il était inaliénable et devait être protégé sera moins applicable demain. Dès à présent, le délai réel n'était pas d'un mois, car cette durée totale courait à partir de l'arrivée du recours au greffe, et non de son départ. Compte tenu des délais d'acheminement, le délai peut être de l'ordre de vingt-six ou vingt-cinq jours. En réduisant le délai à quinze jours, on réduit à dix jours le temps disponible, ce qui rend très difficile le montage des dossiers.
L'incidence du délai d'acheminement est d'autant plus importante qu'il est ici question de pièces importantes, qui doivent arriver à temps, à la minute près : un recours qui parvient au greffe à 17 heures 01 au lieu de 17 heures n'est pas examiné.
La prise en compte des délais est d'ailleurs une mesure de prudence que l'on retrouve dans toute la justice administrative.
Le délai réel est donc destiné à la rédaction des recours auprès de la Commission des recours des réfugiés. Or il ne s'agit pas, pour ce faire, de se contenter de déclarer qu'on a été persécuté dans son pays, qu'on l'a fui, qu'on est arrivé en France, que l'OFPRA a refusé sa demande et qu'on demande à la Commission de réformer la décision de l'OFPRA.
En effet, la Commission des recours reprend toute l'histoire depuis le début, et donc n'accepte jamais un dossier qui serait identique à celui présenté à l'OFPRA. Il faut donc faire un nouveau dossier en l'enrichissant à partir des motifs de rejet de l'OFPRA, en voyant ce qui n'a pas été bien exposé, ce qui a été oublié. Il arrive souvent que des pièces considérées comme manquantes par l'Office, qui avait rejeté la demande en invoquant le manque de preuve, soient découvertes parce que le requérant a eu plus de temps, qu'il a pu trouver dans son pays des correspondants qui ont envoyé une preuve, qu'il a pu recontacter un médecin ou un hôpital qui témoigne de la véracité des mauvais traitements subis. Et tout cela prend du temps. Ajoutons que toutes ces pièces doivent être traduites. C'est tout à fait normal, mais cela demande un certain délai, en particulier lorsqu'il s'agit de langues difficiles ou rares.
Je crois donc que ce raccourcissement des délais, qu'on présente comme une mesure de bon sens, est une véritable chausse-trappe, un véritable guet-apens pour les recours que forment les demandeurs d'asile dont la demande a été rejetée par l'OFPRA. C'est extrêmement grave. Nous vous demandons d'en rester au délai d'un mois. Nous proposons même que ce délai commence au moment où la lettre informant de la décision de l'OFPRA est reçue, le cachet de la poste faisant foi, ce qui serait beaucoup plus loyal.
…parce que notre pays se caractérise par sa tradition d'accueil de tous ceux qui souffrent et qui sont victimes, dans leur pays d'origine, d'atteintes à leur intégrité de par leur opinion politique ou leur statut. Cette vocation universelle de notre pays à faire de son sol un lieu d'accueil pour tous ceux qui sont martyrisés dans leur pays doit être réaffirmée, et ce texte y contribue. Les dispositions qui ont été introduites dans ce projet de loi vont dans ce sens et renforcent le caractère intangible de cette vocation, auquel, tout comme vous, nous sommes attachés.
Mais pour que ce droit d'asile, pour que cette vocation universelle de la France demeure, il faut que ces demandes d'asile ne soient pas dévoyées. Or vous savez que, malheureusement, la demande d'asile a, au cours des années écoulées, souvent été l'objet de détournements et a fréquemment servi de vecteur à une immigration ne correspondant pas au statut de réfugié.
Les dispositions adoptées depuis 2003 ont diminué le délai moyen de recours de vingt mois à quatorze mois en 2006. La France est le pays d'Europe qui possède la législation la plus généreuse en termes d'accueil. Et c'est bien. Nous nous en félicitons et nous nous en réjouissons, mais nous estimons aussi qu'il y a aujourd'hui une obligation d'harmonisation avec la législation européenne. Nous l'avons évoquée tout à l'heure à propos des tests ADN. Comment pouvoir prétendre, là encore, que la Grande-Bretagne, qui prévoit un délai de recours de dix jours et n'est pas pour autant caractérisée par un régime liberticide, devrait avoir une obligation plus forte que la France en ce domaine ? Nous sommes attachés à cette harmonisation.
En plus, vous le savez, nous serons confrontés à partir du 1er janvier 2008, du fait de l'aide juridictionnelle qui va entrer en vigueur pour les demandeurs d'asile, à une augmentation des recours.
Ah bon ? À vous entendre, on n'a pas l'impression que ce soit une bonne chose !
Cela va mécaniquement conduire à une augmentation des délais d'instruction des demandes d'asile. Le gain de temps – j'espère que vous vous en félicitez, monsieur Braouezec – que nous avions obtenu au cours de ces dernières années, notamment grâce à l'action du ministre de l'intérieur de l'époque, et qui allait dans le sens du renforcement du statut du demandeur d'asile, risque d'être perdu à partir du 1er janvier 2008. La réduction du délai de recours que proposent M. Mariani et M. Cochet est donc tout à fait pertinente, et nous la soutenons.
Je suis très défavorable à cet amendement. Il remet en cause l'un des fondements de l'asile tel que nous l'avons toujours conçu en France. Ce délai de quinze jours est insuffisant, en tout cas à l'heure actuelle. Cela ne veut pas dire que le jour où l'aide juridictionnelle aura commencé à produire ses effets, on ne pourra pas éventuellement, dans un second temps, en fonction de l'évolution des choses, envisager une réduction. Mais le fait que nous soyons passés à quatorze mois et que l'on puisse espérer faire encore mieux devrait nous inciter à beaucoup plus de prudence.
Je me permets de vous rappeler, mes chers collègues, que le demandeur d'asile, après que l'OFPRA a rejeté sa demande, doit prendre connaissance de la décision de rejet, et beaucoup d'entre eux habitent en province. De plus, il leur faudra, à partir du 1er janvier, trouver un avocat. Il est vrai que l'aide juridictionnelle leur donnera un coup de main, mais ils devront reformuler leur besoin de protection et rédiger un recours, et, pour les non francophones, trouver de surcroît des interprètes. La Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, c'est 1789, c'est la France ! Ce n'est pas la Hollande, ni la Belgique, ni les pays voisins.
Cette tradition d'asile a toujours fait notre honneur ! Cet amendement y porte à mes yeux gravement atteinte. Toutes les associations d'aide aux étrangers et le Haut-Commissariat aux réfugiés ont fait part de leur stupeur, voire de leur indignation. Monsieur le ministre, il y a quelques jours, vous étiez à Lyon, et vous avez visité Forum réfugiés dirigé par mon ami Olivier Brachet. Vous avez vu comment les choses se passent. Vous avez fait des déclarations très ouvertes en ce qui concerne l'accueil des réfugiés. Vous avez même dit qu'il n'était pas question de faire du chiffre et que vous respecteriez et protégeriez cette tradition française.
Ce serait véritablement un très mauvais signe de donner l'impression que vous revenez sur vos déclarations en passant d'un mois à quinze jours.
L'amendement tend à ce que le recours devant la CRR – qui vient de changer de nom – soit suspensif de toute mesure d'éloignement, en particulier s'agissant des ressortissants des pays sûrs parce que c'est là que le bât blesse. Pour ces personnes, il existe une procédure prioritaire, qui est une procédure d'examen accélérée de la demande d'asile : la décision est très rapide, et le plus souvent négative puisqu'il paraît étrange de demander l'asile si l'on vient de ces pays. Or nous nous rendons compte que bon nombre des pays prétendument sûrs le sont si peu que la commission de recours a réformé 700 des 1 000 refus qu'elle a examinés.
Nous insistons sur la nécessité d'un recours suspensif parce qu'on ne peut pas juger de la demande d'asile si la personne n'est pas sur le territoire français – même si elle se trouve en zone d'attente. En privant les personnes dont la demande d'asile est examinée en procédure prioritaire de recours suspensif, la législation actuelle permet leur renvoi vers des pays dans lesquels elles courent les plus grands risques, cependant que la Commission des recours, celle-là même qui a réformé plus des deux tiers des refus d'asile opposés dans ce cadre, est juridiquement dans l'impossibilité d'instruire leur recours. Il y a un vrai problème. Cet exemple montre que tout recours devrait être suspensif.
Avis défavorable.
Je suis saisi d'un amendement n° 154 , tendant à supprimer l'article 10.
La parole est àM. Patrick Braouezec, pour soutenir cet amendement.
Plutôt que de viser l'application de la convention relative au statut des réfugiés et ses dispositions, le chapitre II, comme le précédent – je me retrouve tout à fait dans les propos de M. Blisko –, constitue en lui-même un recul. En effet, au chapitre II traitant de l'asile, l'article 10 remet en cause d'une manière substantielle l'effectivité du droit d'asile, ce qui justifie en soi la suppression de cet article.
Avis défavorable parce que cet article est absolument nécessaire pour établir clairement que l'OQTF – l'obligation à quitter le territoire français – est applicable aux déboutés du droit d'asile. Ceux-ci ont bel et bien vocation à être éloignés du territoire.
Même avis que la commission.
Nous en venons aux amendements portant articles additionnels après l'article 10.
Je suis saisi d'un amendement n° 81 .
La parole est à M. Philippe Goujon, pour le défendre.
Le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile permet la reconduite à la frontière de l'étranger…
…qui, pendant la période de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, pendant une période de trois mois suivant son entrée sur le territoire, a constitué une menace pour l'ordre public ou méconnu les dispositions de l'article L. 341-4 du code du travail.
Cependant, il existe une réelle difficulté pour vérifier la date d'entrée en France des ressortissants d'un État membre de l'Union européenne, et par suite pour leur opposer un arrêté préfectoral de reconduite à la frontière. L'absence de compostage des documents de voyage, liée à la suppression des frontières intérieures, affecte l'application de cette mesure. L'obligation de l'enregistrement en mairie pourrait permettre de considérer que l'étranger est présent sur le territoire depuis moins de trois mois, mais cette formalité d'enregistrement n'a été instituée qu'à des fins statistiques. Je précise que la France n'a pas choisi de mettre en oeuvre la faculté ouverte par la directive européenne d'un enregistrement en préfecture, pour des motifs de simplification administrative évidents.
C'est pourquoi il est proposé que l'étranger qui n'a pas satisfait à l'obligation d'enregistrement en mairie dans le délai de trois mois suivant son entrée en France soit réputé être présent sur le territoire depuis une durée inférieure.
Avis très favorable.
Même avis que la commission.
Avis défavorable.
Je suis saisi d'un amendement n° 79 .
La parole est à M. Philippe Goujon, pour le défendre.
La parole est à M. Jean-Luc Warsmann, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République pour donner l'avis de la commission sur cet amendement.
Défavorable.
L'article 11 ne fait l'objet d'aucun amendement.
Je le mets aux voix.
(L'article 11 est adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 104 , portant article additionnel après l'article 11.
La parole est à M. Noël Mamère, pour soutenir cet amendement.
Défavorable également.
Il y a quelque chose d'assez singulier dans la modification que vous introduisez. Je ne sais si c'est volontaire ou si cela est dû à un manque d'harmonisation, mais on voit disparaître du projet de loi initial une disposition qui avait pour intérêt d'apporter des précisions sur les actions entreprises pour lutter contre les discriminations. Par ailleurs, après l'article 18, vous proposez d'introduire un article additionnel, qui, au motif de lutter contre les discriminations, introduit de manière subreptice la mention de l'origine ethnique dans les statistiques.
Ce gouvernement devrait se mettre d'accord sur la politique qu'il veut mener. Pourquoi, d'un côté, supprimer des informations relatives aux actions de lutte contre les discriminations et, de l'autre, prétendre avoir besoin de moyens supplémentaires pour identifier celles-ci ?
Sur l'article 12, je suis saisi d'un amendement n° 4 .
La parole est à M. Bernard Reynès, pour soutenir cet amendement.
Cet amendement vise à permettre aux agriculteurs d'embaucher des salariés saisonniers agricoles étrangers dans les métiers en tension et pour des productions qui s'étendent sur des délais supérieurs à six mois consécutifs. Il s'agit notamment de l'arboriculture fruitière et des cultures maraîchères intensives de fruits et de légumes.
La deuxième partie de cet amendement renvoie à l'arrêté du 5 juin 1984 qui énumère les activités de production agricole où peut être autorisée la conclusion de contrats d'introduction de travailleurs étrangers d'une durée maximale totale de huit mois et les modalités d'application. Nous souhaiterions revenir aux dispositions antérieures à la loi du 24 juillet 2006 qui rendaient possible l'embauche de salariés agricoles d'origine étrangère sur plus de six mois – jusqu'à huit mois. Le délai ayant été ramené à six mois maximum, un handicap pèse sur le recours à la main-d'oeuvre d'origine française.
Rappelons que le monde agricole se trouve dans une situation délicate. Depuis 2000, 30 % des exploitations agricoles ont dû mettre fin à leurs activités, laissant entre 40 % et 50 % de friches. Le monde agricole attend donc beaucoup de cette disposition, qui concerne en premier lieu les Bouches-du-Rhône, où se concentrent 1 157 des 1 400 contrats de ce type signés en France.
Il existe une certaine frilosité à l'égard de cette proposition. Mais elle n'a pas lieu d'être. Il n'y a en effet pas de différence dans la qualification de l'emploi dans les contrats de six mois et les contrats de huit mois. D'autre part, le passage de six à huit mois ne crée pas de droits supplémentaires. Quant à la crainte de voir requalifier un contrat de huit mois conclu tous les ans en contrat de travail permanent par le tribunal des prud'hommes, aucun élément chiffré ne permet de la justifier. Enfin, ce dispositif répond à une nécessité locale et ne bouleverse en rien l'équilibre social général. Il s'inscrit pleinement dans la logique de votre projet de loi.
Je connais l'attachement de M. Reynès à cette question, qu'il a exposée à plusieurs reprises tout comme M. Diard. Malheureusement, l'avis est défavorable. Le risque de requalification du contrat de travail en contrat de travail permanent est réel. En matière de droit des étrangers, la décision du tribunal administratif de Marseille du 18 septembre 2006, dite « Aït Baloua », a reconnu le droit pour un travailleur saisonnier marocain travaillant en France en cette qualité depuis vingt-trois ans d'être considéré comme un travailleur permanent et d'obtenir à ce titre une carte de résident. Cette décision est désormais bien connue des syndicats et des associations locales, qui ont fait savoir qu'ils s'appuieraient sur ce précédent pour obtenir la même décision pour d'autres saisonniers agricoles. Or le retour au contrat de huit mois risque d'amplifier le nombre de ces demandes de requalification.
M. Reynès se fait l'écho des organisations agricoles de son département aux côtés d'Éric Diard, mais il faut savoir que ces dernières sont en réalité un peu divisées sur ce sujet. Le travail saisonnier ne saurait excéder huit mois, sinon il changerait de nature. Tout en saluant l'énergie que M. Reynès met à défendre sa proposition, je dois lui donner un avis défavorable.
Je ne sais pas quelle position prendre à l'égard de cet amendement, mais une chose est sûre : s'il ne s'agissait pas de la vie d'hommes et de femmes incertains de leur sort, je serais saisi d'un immense éclat de rire. Vous inventez une usine à gaz pour empêcher des étrangers de rester ici et les employeurs, en l'occurrence les agriculteurs, les viticulteurs, les arboriculteurs du Midi, vous supplient de leur laisser leurs ouvriers agricoles venus chaque année d'outre-Méditerranée pour récolter leurs productions et éviter que leurs exploitations ne deviennent des friches. Voilà le monde réel, où l'on a besoin de bras. Et je m'étonne que M. Mariani, élu du Vaucluse, où les agriculteurs rencontrent sans doute les mêmes difficultés, reste si stoïque. Voulez-vous donc que les fruits pourrissent sur les arbres ? Pourquoi cette rigidité qui vous met en complet décalage avec la réalité économique ?
Vous préférez peut-être que les employeurs soient condamnés aux prud'hommes ?
Je suis saisi d'un amendement n° 46 rectifié .
La parole est à M. le rapporteur, pour le défendre.
Favorable.
Je mets aux voix l'amendement n° 46 rectifié .
(L'amendement est adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 47 .
La parole est à M. le rapporteur, pour le défendre.
Favorable également.
Je mets aux voix l'article 12, modifié par les amendements adoptés.
(L'article 12, ainsi modifié, est adopté.)
Nous en venons aux amendements portant articles additionnels après l'article 12.
Je suis saisi d'un amendement n° 48 rectifié .
La parole est à M. Thierry Mariani, pour le soutenir.
L'appel formulé contre la libération d'un étranger maintenu en rétention ou en zone d'attente par le juge des libertés et de la détention n'est pas suspensif, sauf si cet appel émane du ministère public et que celui-ci demande au président du tribunal de maintenir l'étranger à disposition de la justice jusqu'au jugement d'appel.
Cet amendement vise à permettre au préfet de demander également au président du tribunal, juge du siège, de déclarer son appel suspensif. Il ne s'agit donc pas de donner à l'appel du préfet un caractère suspensif de plein droit, mais seulement de lui permettre de saisir le juge du siège afin que celui-ci décide, s'il l'estime nécessaire et que les conditions sont réunies, du caractère suspensif du recours.
Sagesse.
Même si M. le rapporteur a pris de soin de préciser que ce n'est pas le préfet qui fait appel, on se trouve dans la confusion entre ordre judiciaire et ordre administratif. Alors même que la justice aura pu décider qu'une personne ne devait plus être maintenue en zone de rétention, vous voulez accorder le droit au préfet de demander qu'elle ne soit pas libérée. Cela constitue une atteinte aux libertés fondamentales.
Je mets aux voix l'amendement n° 48 rectifié .
(L'amendement est adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 184 .
La parole est à M. Frédéric Lefebvre, pour le défendre.
Cet amendement de bon sens est la conséquence logique de deux principes défendus dans ce projet de loi comme dans la loi de 2003 et celle de 2006 : il s'agit d'abord du refus de toute régularisation automatique et massive, conformément au souhait de 80 % des Français ; il s'agit ensuite de l'immigration choisie avec la définition de secteurs précis touchés par la pénurie de main-d'oeuvre.
Nous proposons donc que soit ouverte la possibilité de régulariser des travailleurs étrangers présents sur notre territoire et susceptibles d'être employés dans les secteurs concernés, avant d'en faire venir d'autres de pays étrangers.
La commission a accepté ce premier amendement de M. Frédéric Lefebvre, qui permettra de tenir compte de l'existence éventuelle d'une promesse d'embauche dans le cadre d'une procédure de régularisation. Rien n'est modifié quant aux conditions de l'admission exceptionnelle au séjour, qui restent subordonnées à des considérations humanitaires ou à des motifs exceptionnels : la promesse d'embauche sera considérée comme un motif exceptionnel, susceptible de justifier une régularisation.
Le Gouvernement est favorable à la proposition de M. Frédéric Lefebvre, dès lors que cette possibilité est utilisée à titre exceptionnel et au cas par cas.
Concrètement, lorsqu'un travailleur étranger le méritera, il pourra bénéficier d'une carte de séjour de salarié pour travailler dans un secteur marqué par une pénurie de main-d'oeuvre.
Cet amendement va dans un sens qui peut paraître favorable puisqu'il permet de régulariser des travailleurs étrangers. Nous serions à cet égard tentés de le voter. Mais concevez tout de même à quel point votre politique est illisible. Vous mettez des tas de barrières pour empêcher des personnes vivant en France et pouvant occuper des emplois utiles de rester dans notre pays, vous renvoyez des conjoints de Français à l'autre bout du monde chercher des visas hypothétiques et, dans le même temps, vous envisagez la possibilité de régulariser.
En fait, vous souhaitez surtout donner la possibilité au préfet de faire un peu ce qu'il veut.
Reconnaissez que tout cela ne fait pas une politique très claire, très compréhensible pour le législateur que nous sommes.
Je suis saisi d'un amendement n° 49 .
La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.
La loi du 24 juillet 2006 a profondément modifié le contentieux administratif du droit des étrangers, en fusionnant les décisions de refus de séjour et d'éloignement. L'administration peut désormais assortir toute décision de refus de séjour non plus d'une simple invitation à quitter le territoire, mais d'une obligation à quitter le territoire français, l'OQTF, exécutoire d'office par l'administration au bout d'un mois si l'étranger n'a pas obtempéré. Il pourra alors être placé en centre de rétention et reconduit à la frontière sans qu'il soit besoin de le lui notifier.
Cette réforme ne saurait s'interpréter comme se bornant à faire coexister sur un même support le refus de séjour et sa conséquence exécutoire. Elle va au-delà d'une simple mesure de simplification administrative, contrairement à l'interprétation de certains tribunaux administratifs. Dès lors, la motivation doit porter sur le seul refus de séjour : l'obligation de quitter le territoire n'en constitue qu'une modalité d'exécution qui en tant que telle n'appelle pas de justification particulière.
Le Gouvernement est très favorable à cet amendement.
Cet amendement est contraire au principe de motivation des décisions administratives posé par la loi de juillet 1979. L'argument du rapporteur selon lequel l'OQTF ne serait qu'une modalité d'exécution du refus de séjour et n'appellerait par conséquent aucune justification particulière est inexact car l'obligation de quitter le territoire est distincte du refus de séjour et le droit applicable n'est pas le même. En effet, les dispositions de l'article L. 511-4 du CESEDA protègent certaines catégories d'étrangers de l'éloignement. Toutefois, ceux-ci peuvent faire l'objet d'un refus de séjour parce qu'ils ne remplissent pas les conditions de délivrance d'un titre de séjour. Ainsi, un conjoint de Français marié depuis plus de trois ans est protégé contre l'éloignement, mais peut se voir refuser la délivrance d'un titre s'il n'est pas entré régulièrement. Dans ce cas, la décision de refus de séjour serait légale, mais certainement pas l'obligation de quitter le territoire français. Les deux décisions étant distinctes, il est logique que chacune soit motivée.
En outre, dans les cas de rétention administrative, l'article L. 512-1 du CESEDA prévoit de disjoindre le contentieux du refus de séjour et celui de l'obligation de quitter le territoire français, le juge délégué ne devant se prononcer dans les soixante-douze heures que sur l'OQTF et l'arrêté fixant le pays de destination. Si la décision de quitter le territoire n'est pas motivée, le juge ne peut pas se prononcer sur sa légalité et ne peut donc pas exercer son contrôle. Le défaut de motivation des décisions d'obligation de quitter le territoire paraît donc, sur le principe comme dans la pratique, incohérent et inapplicable.
Avec ce nouvel article, nous avons affaire à un gouvernement qui n'accepte pas que les magistrats fassent leur travail, en l'occurrence protéger les libertés individuelles et les droits de l'homme. Lorsque les magistrats lui opposent une résistance en refusant qu'une décision d'éloignement du territoire puisse ne pas être motivée, il essaie de les y contraindre, réduisant d'autant leur faculté d'apprécier le droit.
Je suis saisi d'un amendement n° 208 .
La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.
Cet amendement répond à une simple difficulté d'application pratique concernant les OQTF.
Favorable.
Je suis saisi d'un amendement n° 137 .
La parole est à M. Nicolas Perruchot, pour le soutenir.
L'amendement n° 137 vise à permettre aux primo-migrants de bénéficier de contrats de travail temporaires, secteur d'activité dont chacun connaît le dynamisme. Les CDD étant ouverts aux travailleurs étrangers, les entreprises de travail temporaire doivent, elles aussi, pouvoir faire appel à ces primo-migrants.
Cette disposition permettra en outre de résoudre de nombreux problèmes de précarité liés au statut de primo-arrivant.
Je tiens à remercier le groupe Nouveau Centre pour cette réflexion et cette proposition concernant l'immigration de travail.
Je suis saisi d'un amendement n° 50 rectifié .
La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.
Je crains que l'amendement n° 50 rectifié ne marque un désaccord avec le Gouvernement.
Partons d'un cas concret : un viticulteur de Saint-Romain-en-Viennois a écopé d'une amende de 7 500 euros parce qu'il avait embauché, et bien sûr déclaré, un Équatorien en le prenant en toute bonne foi pour un Espagnol. On n'est pas obligé de savoir que la « Republica del Ecuador », c'est en fait l'Équateur ! J'ai donc fait adopter en 2006 un amendement prévoyant qu'il appartiendra désormais à l'administration de procéder au contrôle, car les agriculteurs n'ont pas à être spécialistes en titres de séjour.
L'idée était d'envoyer la copie du titre de séjour à la direction départementale du travail et d'embaucher le travailleur immédiatement, sous réserve de sa réponse. Mais une circulaire d'interprétation demande dorénavant à l'agriculteur d'attendre ladite réponse. Concrètement, il n'est plus possible d'embaucher immédiatement une personne pour assurer un travail saisonner ; il faut attendre la réponse de la direction départementale du travail, qui tarde parfois à arriver.
Cet amendement vise donc à préciser la procédure de vérification de l'existence d'une autorisation de travail par l'employeur, introduite par la loi du 24 juillet 2006 et le décret du 11 mai 2007. En effet, l'employeur doit demander à la préfecture si le titre de séjour qui lui est présenté est valable. En l'absence de réponse dans un délai de deux jours, son obligation est alors considérée comme remplie. Cependant, dans le cadre du travail saisonner, pour les vendanges ou le maraîchage par exemple, ce délai de deux jours avant de procéder à l'embauche effective de l'étranger peut être particulièrement handicapant.
Il est donc proposé une exception au dispositif mis en place en 2006 pour le travail saisonnier. Dans cette hypothèse, l'embauche pourra être effective dès la transmission de la copie du titre valant autorisation de travail à la préfecture. Si celle-ci fait savoir que ledit titre est faux, l'employeur devra immédiatement mettre fin au contrat de travail, mais ne pourra pas être poursuivi pour embauche d'un salarié sans titre de travail pendant la période intermédiaire entre la transmission à la préfecture et la réponse de cette dernière.
Monsieur le ministre, c'est à l'administration de s'adapter au rythme de l'économie, et non l'inverse. Dans le secteur agricole, on a parfois besoin d'embaucher tout de suite ; le contrôle du titre de séjour peut attendre quarante-huit heures.
Monsieur le rapporteur, j'entends bien vos arguments, mais le Gouvernement s'est engagé dans une action vigoureuse contre le travail illégal et clandestin.
La procédure de déclaration préalable à l'embauche prévoit que la préfecture répond dans les quarante-huit heures. L'adoption de votre amendement créerait une dérogation qui serait inéluctablement suivie de demandes pour tous les autres corps de métiers. Dès lors que l'on affiche une politique claire de lutte contre le travail illégal, l'on ne peut pas mettre le doigt dans un engrenage qui nous conduirait à additionner des dérogations successives et de fait annihilerait l'efficacité de cette politique.
C'est avec beaucoup de regret, et en espérant que vous surmonterez votre déception que j'émets un avis défavorable à cet amendement.
Je mets aux voix l'amendement n° 50 rectifié .
(L'amendement n'est pas adopté.)
Sur l'article 13, je suis saisi d'un amendement n° 271 .
La parole est à M. Philippe Goujon, pour soutenir cet amendement.
L'article 13 tend à faciliter le recours à la visio-audition, ce qui permettrait de limiter les transferts des étrangers, qui s'effectuent dans des conditions qui peuvent porter atteinte à leur dignité. C'est là un progrès certain pour le confort des personnes retenues.
Dans cet esprit, il convient d'aller plus loin et de mettre ce dispositif en cohérence avec les dispositions du code de l'organisation judiciaire et celles du code de justice administrative en vertu desquelles une audience peut être présidée par un magistrat depuis un autre point du territoire de la République, ce dernier se trouvant relié en direct à la salle d'audience par un moyen de communication audiovisuelle.
Applicables à la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon pour les premières et outre-mer pour les secondes, ces dispositions n'impliquent pas le consentement de l'intéressé, tout en garantissant le respect des droits de la défense.
Si, en l'état actuel des textes et malgré l'inversion de la condition qui est proposée par cet article, le recours à la technique de la visio-audition est juridiquement et techniquement possible, son exercice dépend toutefois toujours de la bonne volonté des personnes retenues. Or il est à craindre que les intéressés ne souhaitent pas nécessairement faciliter la tâche des autorités administratives.
S'il était adopté, ce dispositif permettrait un gain pourtant conséquent en heure-fonctionnaire. On peut considérer que cela diviserait la charge des personnels de police ou de gendarmerie de moitié et réduirait d'autant les risques d'incidents ou d'évasion liés à ces déplacements extérieurs.
Mon amendement vise donc à supprimer, à l'article L. 552-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la condition du consentement, afin de permettre le développement de ce dispositif.
Cet amendement ne me paraît pas constitutionnel. On doit permettre à l'étranger de s'opposer. Avis défavorable donc.
Le Gouvernement est favorable à la proposition du tout nouveau député du xve arrondissement de Paris.
Il est bien décevant que M. Goujon estime devoir encore aggraver la situation des étrangers qui sont dans notre pays.
Vous rajoutez des mesures afin de rallonger indéfiniment la venue des familles sur notre territoire, mais, dès lors qu'il s'agit de mettre les gens le plus vite possible au travail, ou de les ramener plus vite à la frontière, vous accélérez les choses, en demandant toutes sortes de procédures dérogatoires, bafouant ainsi les droits de la défense. Certes, nous avions bien compris que telle était l'orientation du texte, mais il y a tout de même des limites à ne pas dépasser !
Je ne retire pas mes propos quant aux qualités du député du xve arrondissement de Paris, mais j'ai commis une erreur en émettant un avis favorable sur cet amendement. En fait, il s'agit d'un avis défavorable.
L'heure avancée peut expliquer beaucoup de choses ! (Sourires.)
Monsieur Goujon, retirez-vous l'amendement ?
J'espérais que le rapporteur s'était trompé ! (Sourires.)
Contrairement à ce que prétend Mme Pau-Langevin, il ne s'agit pas du tout d'une détérioration des droits des étrangers, mais au contraire d'une amélioration.
Je voudrais bien savoir en quoi la participation à une visioconférence, plutôt qu'un transfert dans des conditions souvent pénibles, serait attentatoire aux droits des étrangers. C'est tout l'inverse ! Je crois qu'il y a beaucoup de confusion,...
..et, pour permettre un examen plus approfondi, je retire mon amendement.
Favorable.
À cette heure tardive, je ne souhaite entretenir aucune polémique sur l'économie générale de votre projet de loi, monsieur le ministre. Mes collègues se sont exprimés en défendant leurs amendements. Cependant, le message global que véhicule ce texte me heurte viscéralement. Je regrette la volonté de fermer la France en détournant le regard de la misère qui nous environne – surtout dans la Caraïbe – et de tourner le dos aux valeurs et principes fondamentaux qui ont forgé la France des droits de l'homme.
S'agissant des tests ADN pour les candidats au regroupement familial, les frontières du tolérable sont atteintes. À vrai dire, pour lutter contre la fraude documentaire, la bonne méthode aurait consisté à mettre en place dans de nombreux pays, et tout particulièrement en Haïti, au Surinam, ou encore aux Comores, un état civil digne de ce nom. La réponse opportune au phénomène réside en une coopération renforcée dans ce secteur.
Monsieur le ministre, mes origines ne me permettent pas d'accepter votre démarche. La Guadeloupe s'est construite de mouvements migratoires forcés ou volontaires. Ce sont eux qui ont donné à notre société insulaire son actuel visage : celui de la diversité, de la pluralité et du métissage, le visage du « tout monde », cher à Édouard Glissant !
Pour autant, nos positions de principe ne nous éloignent ni du pragmatisme, ni du réalisme, car c'est notre réalité locale qui définit en permanence notre ligne de conduite. Le fait est que le département de la Guadeloupe est soumis à une pression migratoire renforcée par la perméabilité de nos frontières et l'apparente attractivité de notre niveau de vie. Pour reprendre votre grille de lecture, et pour qu'il n'y ait aucun quiproquo, les reconduites à la frontière pour les trois collectivités d'outre-mer correspondent à 50 % du total national. C'est dire si je ne suis en rien partisan d'une théologie du tout-migratoire, aussi déraisonnable que l'immigration zéro aux effluves frontistes.
Mais force est de constater que la boîte à outils répressive que vous avez fabriquée outre-mer ne se révèle pas d'une grande efficacité. Monsieur le ministre, en vous cantonnant à un objectif chiffré de reconduites à la frontière, vous ne vous attaquez en rien aux causes, et encore moins aux conséquences de l'immigration au sein de nos collectivités d'outre-mer. C'est le désespoir qui est très souvent le moteur du candidat à la migration dans nos régions.
En renforçant la politique d'aide au développement, monsieur le ministre, en la « ciblant » mieux, vous pouvez apporter de vraies réponses. Ces réponses, vous les trouverez en permettant à nos collectivités de mobiliser le produit des comptes épargne codéveloppement dans le cadre d'opérations bilatérales de coopération décentralisée, notamment en matière d'état civil. Cela passe par le renforcement des moyens des collectivités pour tenir compte de nos contraintes particulières et des charges financières que représentent les infrastructures scolaires ou encore sanitaires.
Monsieur le ministre, il faut donner du coeur et de l'humanité à la politique de maîtrise de l'immigration.
L'article 14 ne fait l'objet d'aucun amendement.
Je le mets aux voix.
(L'article 14 est adopté.)
Nous en venons aux amendements portant articles additionnels après l'article 14.
L'amendement concerne la convocation et la composition de l'observatoire de l'immigration en Martinique et Guadeloupe, et le sous-amendement me semble apporter des réponses.
La parole est à M. Thierry Mariani, pour soutenir le sous-amendement n° 273 .
L'amendement soulève un vrai problème et le sous-amendement devrait donner satisfaction à notre collègue. Je suis donc favorable à son amendement, sous réserve de l'adoption du sous-amendement.
Quel est l'avis du Gouvernement sur le sous-amendement et l'amendement ?
Même avis que le rapporteur.
Je mets aux voix le sous-amendement n° 273 .
(Le sous-amendement est adopté.)
Avis favorable à l'amendement, sous réserve de l'adoption du sous-amendement.
Oui.
Je mets aux voix le sous-amendement n° 275 .
(Le sous-amendement est adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 120 .
La parole est à Mme Jeanny Marc, pour le défendre.
Même avis que la commission.
Je suis saisi d'un amendement n° 121 .
La parole est à Mme Jeanny Marc, pour le défendre.
Même avis.
Je suis saisi d'un amendement n° 117 .
La parole est à Mme Jeanny Marc, pour le soutenir.
Le Gouvernement également.
Au cours de la discussion générale, nous avons évoqué cet amendement qui propose la création d'un livret d'épargne pour le codéveloppement. Chacun sait qu'un étranger éprouve un véritable déchirement à quitter sa terre natale et que, lorsqu'il réussit loin de sa famille, il veut manifester sa solidarité envers elle. Actuellement, 80 % des sommes qui sont transférées par les étrangers dans leur pays d'origine sont consacrées à la consommation courante. Cet amendement permettrait qu'une partie de ces fonds aille à des investissements productifs, faisant du livret d'épargne codéveloppement un levier essentiel du développement des pays d'émigration.
Cet amendement fait suite à l'important dispositif adopté dans le texte de 2006, à savoir le compte épargne pour le codéveloppement, qui ne concernait que les étrangers payant l'impôt sur le revenu. Il s'agit donc d'en étendre le bénéfice à ceux qui ne le paient pas.
En bloquant l'épargne pendant trois ans, on prendrait modèle sur le plan épargne logement. La prime d'État ne serait versée qui si le titulaire contracte un prêt auprès d'une banque locale. Les banques rémunéreront l'épargne à un taux librement consenti. On attend du Gouvernement qu'il incite les établissements bancaires à verser la rémunération la plus intéressante possible, pour rendre le produit le plus attractif possible.
En raison de l'article 40 de la Constitution, j'ai demandé au Gouvernement de déposer un sous-amendement prévoyant le dispositif financier d'accompagnement. Je me réjouis qu'il l'ait fait.
J'espère que cet amendement connaîtra le même sort que celui que j'ai défendu tout à l'heure, qui a été adopté à l'unanimité. Ce serait un signal très fort à l'intention des étrangers installés sur notre sol et qui entendent investir dans leur pays d'origine. L'objectif, en favorisant l'aide au retour éventuel du titulaire ou en contribuant à préparer l'avenir de sa famille ou de son village, est de provoquer des investissements importants dans les pays d'origine des étrangers qui vivent sur notre sol.
Le Gouvernement est tout à fait favorable à l'initiative de Frédéric Lefebvre, d'Yves Jego et de Mme Louis-Carabin.
Le sous-amendement du Gouvernement propose la création d'une prime d'État, à l'instar de ce qui existe pour le plan d'épargne logement, qui viendra compléter les intérêts versés par la banque qui distribuera le livret.
Le groupe Nouveau Centre appuiera l'amendement présenté par Frédéric Lefebvre, qui est, en effet, tout à fait essentiel. Ce livret d'épargne devrait permettre, j'en suis sûr, de débloquer beaucoup de situations difficiles. Il apporte une excellente réponse aux nombreux étrangers installés sur notre sol, qui voudraient participer financièrement au développement de leur pays et qui n'ont pas aujourd'hui de support pour le faire. Nous ne doutons pas de l'importance de la portée de cette initiative.
À mon tour, j'entends souligner la très grande portée de cet amendement, qui va dans le sens du codéveloppement que nous souhaitons, lequel constitue une des attributions importantes de M. le ministre. Le codéveloppement aurait mérité un débat aussi long que celui que nous avons eu en début de soirée.
En tant que sénateur, j'ai participé aux débats sur la loi du 24 juillet 2006 relative à l'immigration et j'ai, à cette occasion, soutenu l'amendement du regretté Jacques Pelletier, créant le compte d'épargne pour le codéveloppement. Il s'agissait d'autoriser la défiscalisation des revenus consacrés à des investissements productifs dans les pays d'origine des migrants. Cette mesure a naturellement fait l'objet d'un vote consensuel.
L'amendement de notre collègue Lefebvre va beaucoup plus loin en permettant aux migrants d'emprunter pour investir dans leur pays, même s'ils ne paient pas l'impôt sur le revenu. Ce dispositif aura sûrement des effets très bénéfiques.
Si je suis d'accord pour dire que le codéveloppement est un élément important – et, à mon avis, il aurait dû être au coeur des sujets qui ont été abordés –, je regrette deux choses. D'une part, qu'il ait fallu attendre quasiment la veille du jour où nous devions débattre du nouveau texte pour avancer de manière significative sur le sujet, et sur le compte épargne codéveloppement prévu par la loi de 2006. Et par ailleurs, que nous discutions d'une amélioration de cette disposition alors que nous sommes passés si vite sur les propositions de Mme Marc visant à prendre en compte la situation spécifique des départements d'outre mer. Cela est regrettable. On a parfois le sentiment que, contrairement à ce qui se dit, la situation de ces territoires n'intéresse pas grand monde ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Je confirme ce qu'a dit notre collègue George Pau-Langevin : on a le sentiment que l'attention portée aux amendements varie en fonction de leurs auteurs.
J'apprécie la proposition faite par notre collègue Lefebvre, mais je regrette qu'il faille attendre l'article 14 du projet de loi pour parler de codéveloppement. Sans revenir sur ce débat, nous avions, pour notre part, fait des propositions alternatives au cours de la discussion concernant les tests d'ADN. Nous avions ainsi proposé que, plutôt que d'apporter une réponse brutale et dangereuse qui porte atteinte aux principes du droit et à notre conscience, on aide, dans le cadre du codéveloppement, les administrations défaillantes à tenir les registres d'état civil auxquels on ne peut ou ne veut pas faire confiance. Vous avez préféré une formule qui pèse sur les migrants et les demandeurs de regroupement familial. Il y a deux poids, deux mesures.
Nous ne pouvons pas nous opposer à l'amendement proposé par notre collègue Lefebvre,…
…mais on aurait quand même pu introduire d'autres amendements, tout aussi opérationnels, tout aussi intéressants et qui auraient permis d'accroître la qualité du codéveloppement.
Monsieur Mamère, je vous sens un peu gêné sur cet amendement et je vous comprends.
Tout d'abord, s'agissant de l'aide à la mise à jour des documents dans les pays dont l'état civil n'est pas fiable, je tiens à préciser que la France a déjà commencé à mettre en place des dispositifs d'aide financière.
Je voudrais ensuite saluer la qualité de cet amendement. Je crois qu'il est aussi, voire plus important que celui qui a été voté sur les tests d'ADN, et je regrette qu'on en parle moins. C'est un témoignage concret de la capacité d'innovation et de proposition d'un texte qui, comme on l'a dit et répété, repose sur une volonté d'équilibre, d'humanité et de justice. Cet amendement est largement soutenu par le Gouvernement, dont je salue le sous-amendement, ainsi que, plus généralement, l'action du ministère de l'immigration, de l'identité nationale et du codéveloppement – et ce dernier terme prend ici toute sa valeur. Je félicite aussi Frédéric Lefebvre, qui, par cette initiative, ponctue les travaux importants qu'il a conduits avec le sénateur Pelletier et avec le précédent ministre de l'intérieur. Je crois que cet amendement fera date et que le livret sur le codéveloppement sera un outil très important pour aider les pays qui en ont besoin.
Je mets aux voix le sous-amendement n° 262 .
(Le sous-amendement est adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 182 .
La parole est à M. Frédéric Lefebvre, pour le soutenir.
C'est un amendement d'appel qui souhaite aller plus loin en matière de codéveloppement et viser, outre les étrangers, les binationaux. Je souhaiterais connaître la position du Gouvernement sur ce sujet et avoir des données chiffrées, sinon aujourd'hui, du moins d'ici à la discussion de la loi de finances : si l'on étend ce dispositif, qui est déjà une très grande avancée, aux binationaux, le cadre budgétaire ne sera pas le même, j'en suis bien conscient.
Monsieur le député, je peux vous communiquer ces chiffres dès maintenant. Selon le ministère des finances, si votre proposition d'étendre le bénéfice du dispositif aux binationaux était retenue, la population éligible augmenterait de 1,4 à 2,4 millions de personnes, et son coût en année pleine passerait de 15 à 26 millions d'euros. Ce chiffre particulièrement élevé rend votre proposition irrecevable.
Comme nous avons fait des avancées importantes en matière de codéveloppement, je retire l'amendement.
Je me fais l'écho de ce qui a été dit au cours de la discussion générale sur la situation des territoires d'outre-mer. Vous l'avez reconnu, ces régions sont aujourd'hui considérées comme très attractives, et l'on y voit arriver des personnes originaires non seulement d'Europe – certaines étant d'ailleurs en grande difficulté – mais aussi de la Caraïbe. Les infrastructures nécessaires à leur accueil devant être mises en place, notamment en matière scolaire et sanitaire, il convient que la solidarité à l'égard de ces communes ou de ces collectivités se manifeste par une majoration de la dotation globale de fonctionnement. Mme Jeanny Marc complétera peut-être mon propos.
Défavorable. Cet amendement exprime de vraies préoccupations, mais, comme il prévoit une majoration de la DGF des communes et des départements, il relève plutôt d'une loi de finances que d'un texte sur l'immigration.
Défavorable.
Je suis saisi d'un amendement n° 225 .
La parole est à Mme George Pau-Langevin, pour le soutenir.
Plutôt que de multiplier les arrêtés de conduite à la frontière, nous pensons qu'il faut accroître l'aide au développement des pays frontaliers des collectivités d'outre-mer. Cet amendement propose que le Gouvernement rende compte régulièrement et clairement de l'effort qu'il fait en la matière.
Défavorable.
Je suis saisi d'un amendement n° 226 .
La parole est à Mme George Pau-Langevin, pour le défendre.
Défavorable.
Je suis saisi d'un amendement n° 276 .
La parole est à M. le ministre, pour le défendre.
Il est défendu.
Sur l'article 15, je suis saisi d'un amendement n° 52 .
La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir cet amendement.
Favorable.
L'article 16 ne fait l'objet d'aucun amendement.
Je le mets aux voix.
(L'article 16 est adopté.)
Je suis saisi d'un amendement n° 214 , portant article additionnel après l'article 16.
La parole est à Mme Annick Girardin, pour soutenir cet amendement.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, après les débats difficiles, durs et lourds en émotions que nous venons d'avoir ces deux derniers jours, qui n'auront, que l'on soit d'un côté ou de l'autre de cet hémicycle, laissé personne insensible, et où il aura été question de valeurs républicaines, d'éthique, de droits de la personne, les problèmes évoqués dans cet amendement se situent certes à un autre niveau. Ils doivent cependant être exposés de manière urgente, car la survie d'un secteur économique en dépend, et, par ricochet, dans une économie sinistrée, celle de l'archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon.
Cet amendement a vocation à constituer le premier pas vers la correction d'un phénomène administratif qui a eu de lourdes conséquences, cette année, sur l'industrie touristique naissante de l'archipel.
En effet, l'essentiel de notre clientèle touristique est d'origine canadienne, qu'il s'agisse de francophones du Québec ou du Nouveau-Brunswick, ou d'anglophones de l'ensemble des provinces maritimes. Il s'agit d'un des seuls domaines où nous sommes relativement bien intégrés dans notre environnement régional. Avec raison, le Gouvernement a fixé ces dernières années cette intégration comme objectif premier et condition de tout développement économique pérenne à Saint-Pierre-et-Miquelon.
C'est donc avec surprise et mécontentement que les professionnels du tourisme et les élus locaux ont appris en mai dernier la décision du ministère des affaires étrangères de revenir sur la dérogation traditionnellement accordée aux touristes canadiens entrant à Saint-Pierre-et-Miquelon. En effet, afin de favoriser l'intégration régionale dans une zone où peu de gens disposent d'un passeport, seule une pièce d'identité avec photographie était jusqu'alors exigée pour l'entrée des ressortissants canadiens.
Or, suite à la décision du ministère des affaires étrangères, un passeport en règle est désormais obligatoire. Les conséquences ne se sont pas fait attendre : nous avons connu des résultats de fréquentation nettement en baisse, ce dont nos entreprises du secteur touristique ont souffert.
Cette mesure est d'autant plus surprenante qu'une dérogation équivalente était – et est encore – réciproquement accordée par le Canada pour les habitants de Saint-Pierre-et-Miquelon. En effet, comme l'indique clairement un document publié sur le site Internet du ministère canadien de la citoyenneté et de l'immigration, un citoyen français arrivant au Canada depuis Saint-Pierre-et-Miquelon n'a pas besoin de passeport, y compris pour s'établir en tant que résident temporaire.
Nous ne demandons pas à aller aussi loin dans la démarche, mais il demeure évident que la situation actuelle est en complète contradiction avec tous les impératifs économiques et politiques d'intégration régionale qui conditionnent le développement de notre archipel. Elle ne saurait donc perdurer sous peine de réduire à néant tout le travail, notamment d'investissements tant publics que privés, réalisé jusqu'à présent pour développer l'industrie naissante du tourisme à Saint-Pierre-et-Miquelon. C'est la raison pour laquelle je vous demande, monsieur le ministre, d'être favorable à cet amendement dont l'adoption, mes chers collègues, permettra d'étudier de façon concrète les moyens de résoudre cette situation.
Favorable, à condition que Mme Girardin rectifie la rédaction de son amendement en substituant au mot : « promulgation » le mot : « publication ».
Même avis.
Madame Girardin, acceptez-vous la rectification rédactionnelle proposée par M. le rapporteur ?
Je mets aux voix l'amendement n° 214 , tel qu'il vient d'être rectifié.
(L'amendement, ainsi rectifié, est adopté.)
L'article 17 ne fait l'objet d'aucun amendement.
Je le mets aux voix.
(L'article 17 est adopté.)
Sur l'article 18, je suis saisi d'un amendement n° 53 .
La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir cet amendement.
Oui.
Je mets aux voix l'article 18, modifié par l'amendement n° 53 .
(L'article 18, ainsi modifié, est adopté.)
Nous en venons aux amendements portant articles additionnels après l'article 18.
Je suis saisi d'un amendement n° 54 .
La parole est à M. le rapporteur, pour le soutenir.
Je laisse à M. Éric Ciotti, qui l'avait présenté en commission, le soin de défendre cet amendement.
Cet amendement a pour objet de lutter contre des fraudes à l'aide au retour.
L'Agence nationale d'accueil des étrangers et des migrations, vous le savez, verse, ce qui est tout à fait légitime, des aides au retour qui sont d'un montant élevé. Or il a été constaté des fraudes importantes puisque, très souvent, les bénéficiaires de ces aides reviennent sur le sol national. C'est la raison pour laquelle, en vue d'éviter de telles fraudes, l'amendement n° 54 prévoit de mettre en place un système d'informations biométriques permettant de photographier les bénéficiaires et de relever leurs empreintes digitales, ainsi que d'enregistrer et de mémoriser ces données.
Je tiens à préciser que le Haut commissariat aux réfugiés a lui-même utilisé la biométrie en 2003 dans le cadre de l'aide au retour des réfugiés afghans.
Favorable.
Il est des moments où on a envie de s'écrier : « C'est n'importe quoi ! » Il est quatre heures moins vingt-cinq du matin et nous en sommes après l'article 18 ! Mais c'est jusqu'au bout que vous allez poursuivre tous ces gens en les soupçonnant des pires turpitudes : ils ne sont que des profiteurs, des tricheurs et des parasites ! Il faut les foutre dehors et, s'ils veulent revenir, leur donner de grands coups de pied aux fesses et surtout les humilier encore un peu plus !
Quant à l'amendement n° 55 , présenté par M. Mariani, ce sera, au petit matin, le bouquet final, puisqu'il traite des statistiques ethniques. C'est la raison pour laquelle nous demanderons, juste après le vote sur le présent amendement, une suspension de séance, car il est des situations qui exigent de la réflexion !
Monsieur le président, je demande, au nom de mon groupe, une suspension de séance avant d'aborder l'examen d'un amendement très important qui arrive à plus de trois heures et demie du matin !
Après l'article 18
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à trois heures trente-cinq, est reprise à trois heures quarante-cinq.)
Mon intervention se fonde sur l'article 58, alinéa 1, du règlement, lequel règlement prévoit que la séance doit être organisée de façon sérieuse et circonstanciée. Or, nous allons aborder, à quatre heures moins le quart du matin, un amendement très important et même fondamental, et ce après l'article 18 du texte, c'est-à-dire après le dernier article !
Le débat sur le fichage génétique…
…n'a sans doute pas permis à l'opinion publique, aux journalistes, de prendre conscience de ce que nous sommes sur le point de voter. Je ne dis pas que le débat est inutile, je soutiens même qu'il doit avoir lieu. N'a-t-il pas d'ailleurs déjà commencé dans le pays, à l'université, dans les laboratoires de recherche, dans la presse et dans de nombreuses associations ?
Néanmoins, si ce débat est important, nous l'entamons à quatre heures moins le quart du matin, j'insiste, à l'issue d'une discussion sur un projet où il n'a pas sa place. Nous sommes en effet censés parler du droit d'asile, du regroupement familial. Que viennent donc faire ici les statistiques ethniques, les discriminations dont sont victimes à la fois Français et étrangers ? Il s'agit là d'un véritable cavalier législatif. Il concerne, certes, des problèmes de fond, que nous aborderons après avoir eu le plaisir d'écouter Mme Tabarot, mais il montre à quel point cette méthode de travail est détestable. Que se passerait-il, en effet, si chacun introduisait, par le biais d'un amendement ou d'un article additionnel, des dispositions n'ayant rien à voir avec le texte en discussion ?
En l'occurrence, l'amendement laisse supposer que les victimes de discriminations, et qui auraient donc vocation à être comptabilisées, sont toutes étrangères ! Nous nous situons donc en deçà du véritable problème posé par les discriminations, question que nous allons expédier dans quelques minutes – ne nous faisons pas d'illusions ; nous ne souhaitons d'ailleurs pas alourdir la discussion. Reste que l'on peut craindre que la décision qui va être prise à l'instant résultera d'un très mauvais travail parlementaire qui n'aura pas été éclairé par un vrai débat.
Je suis saisi d'un amendement n° 55 .
La parole est à Mme Michèle Tabarot, pour le soutenir.
L'amendement n° 55 est la traduction fidèle de l'une des dix recommandations que la CNIL a rendues publiques le 16 mai dernier...
…à l'issue de travaux menés pendant près de quatre mois par son groupe de travail sur la mesure de la diversité. Ce groupe a auditionné plus de soixante représentants de syndicats, d'entreprises, de communautés religieuses, d'associations, d'organismes de recherche et d'organismes de statistiques.
L'amendement vise à faciliter les recherches en matière de mesure de la diversité des origines, de la discrimination et de l'intégration. Dans sa rédaction actuelle, l'article 8 de la loi Informatique et liberté de 1978 interdit le traitement des données sensibles. Cette mesure de protection connaît d'ores et déjà un certain nombre de dérogations légales. Des données sensibles peuvent par exemple être recueillies en matière médicale. Ces fichiers de recherche sont soumis à l'autorisation de la CNIL après avis d'un comité scientifique.
En s'inspirant de ce modèle, qui fonctionne depuis 2004, nous proposons, avec notre collègue Sébastien Huygue, de créer une procédure similaire pour les enquêtes sur la diversité afin de garantir le sérieux des études entreprises et la sécurité des données dans un cadre strict, clairement défini par la CNIL.
Pour lutter contre les discriminations, il faut pouvoir les mesurer – c'est l'ambition du présent amendement.
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 55 de la commission ?
Mme Tabarot a très bien expliqué ce qu'il en était et le Gouvernement est favorable à cette proposition, qui, encore une fois, émane totalement de la CNIL, avec les garanties que cela suppose.
Je pourrais, si je m'en tenais strictement au règlement, ne donner la parole qu'à un orateur contre. Néanmoins, trois d'entre vous se sont manifestés, et je les laisserai successivement s'exprimer.
La parole est à M. Noël Mamère.
Je rejoins les propos de M. Blisko. Nous n'avons pas de position de principe sur la question de savoir si, en l'encadrant de diverses dispositions, l'on peut, non pas établir des statistiques ethniques, mais, en tout cas, se servir de ce moyen d'analyse pour mesurer l'état des discriminations. Ce débat anime les partis politiques comme la presse, et même l'ensemble de la société, ainsi que l'a rappelé Serge Blisko. Nous observons par ailleurs ce qui se passe dans les autres pays de l'Union européenne, qui n'ont pas tous la même attitude vis-à-vis des sociétés multiculturelles – puisque nous vivons dans une société multiculturelle.
Je constate que dans les argumentaires diffusés par nos collègues apparaissent des mots qui me semblent ne pas y avoir leur place. Je pense en particulier à cette phrase – effrayante – qui parle « des données faisant directement ou indirectement apparaître les origines raciales ou ethniques ». Il me semblait que les races n'existaient pas ! Cette notion est totalement idéologique. Nombre de philosophes, de scientifiques ont écrit sur la question. Que l'on parle d'ethnies, soit, mais de races, c'est, j'insiste, faire preuve d'idéologie et je ne vais pas rappeler ici de quelle manière on s'en est servi à certaines périodes de notre histoire. Je ne vous accuse toutefois pas du tout de vouloir y revenir.
Je trouve néanmoins particulièrement détestable votre procédé consistant à examiner cet amendement à la fin d'un long parcours, au terme d'un projet de loi consacré à l'immigration. Or, présenter un amendement permettant d'établir des statistiques ethniques, prétendument pour lutter contre les discriminations, alors que le projet en question porte principalement sur l'immigration et alors qu'il est présenté par un ministre de l'immigration et de l'identité nationale,…
…revient à instrumentaliser un débat légitime mais loin d'être épuisé.
Comme pour ce qui touche aux tests ADN, vous agissez dans la précipitation.
Vous voulez envoyer des signes à votre électorat, qui attend des gestes très conservateurs de votre part.
Vous procédez à un amalgame parce que, cette fois, vous donnez des contours à l'identité en défendant et en présentant un amendement qui, précisément, permet l'appréciation de la diversité ethnique. Je pense que c'est là qu'il y a maldonne, là qu'il y a hypocrisie, qu'il y a instrumentalisation, amalgame. Cela, nous ne pouvons l'accepter.
Que vous présentiez un amendement dans le cadre, par exemple, de la constitution de la HALDE, pourquoi pas ? Sauf qu'il s'agit ici d'un texte consacré à l'immigration et au droit d'asile. En défendant l'amendement en question, vous montrez très bien le caractère idéologique de votre démarche.
Après vous avoir demandé une suspension de séance et même s'il est quatre heures moins cinq du matin, nous entendons nous exprimer avec solennité. L'un de vos collègues, qui n'a pas été réélu, avait eu ces mots lors d'un des derniers débats de la précédente législature : « Il n'est pas question d'enfumer la CNIL. » Eh bien, je pense que vous vous livrez ici à une grande opération d'enfumage, avec la complicité de la CNIL, que vous mêlez à une histoire qui n'est pas la sienne.
Le débat sur la meilleure façon d'appréhender les discriminations est légitime, utile et doit se poursuivre jusqu'au bout. Seulement, je suis très frappé par l'aspect extrêmement partiel et parcellaire de l'amendement. Ainsi, même si je ne disconviens pas de la justesse du début de l'exposé des motifs puisqu'il affirme que « cette problématique est complexe et délicate », qu'elle suscite « une effervescence méthodologique », la chute reste tout de même incroyable ! En effet, il n'existe pas que la discrimination fondée sur la couleur de la peau ou l'origine ! On compte de tout autres discriminations !
Les premières conclusions des recherches d'un organisme qui monte en puissance tel que la HALDE, que vous n'aimez pas beaucoup, semble-t-il,…
…montrent à quel point cette notion de discrimination est délicate. Vous repassez aujourd'hui du côté de la CNIL pour lancer cette affaire de statistiques ethniques.
Vous l'avez dit, vous l'avez même écrit – et dans l'exposé des motifs, c'est ce qui est grave –, vous ne cherchez pas les meilleurs moyens de lutter contre les discriminations, vous dites simplement vouloir obtenir des données faisant directement ou indirectement apparaître les origines raciales ou ethniques des personnes pouvant être accueillies.
C'est très grave, j'insiste, parce que cela revient à réduire la discrimination – même si cet aspect reste très important –, à ce qu'il est convenu d'appeler les origines raciales ou ethniques. Je vous rappelle que le mot « race » est ancien et qu'un mouvement associatif, d'ailleurs relayé à l'Assemblée, souhaite le retirer de la Constitution et d'un certain nombre de textes fondamentaux, parce qu'il ne correspond plus aujourd'hui à autre chose qu'une réminiscence des théories racistes qui ont fait tant de mal il y a plus de cinquante ans, en Europe et dans le monde. Nous ne souhaitons donc plus voir ce mot, « race », qui, d'ailleurs, de l'avis de tous les anthropologues, ne correspond à rien. On connaît des races de chiens, mais les races humaines ne veulent rien dire.
On parle aujourd'hui d'origines ethniques, mais pourquoi pas demain d'origines ethnico-religieuses ? Tout cela est extrêmement « complexe et délicat », j'en conviens avec vous. Or derrière ce brûlot, je soupçonne aussi une opération bassement politicienne : vous êtes très influencés par le Conseil représentatif des associations noires, le CRAN, mouvance proche de l'UMP. En lançant ce brûlot sans précaution sur la place publique, en permettant le recueil d'origines raciales ou ethniques, vous êtes en train d'allumer un feu qui ne pourra plus s'éteindre. Demain, on demandera des statistiques pour tout et l'on aura tôt fait de considérer comme discriminés ceux qui proviennent de telle ou telle origine, de telle ou telle religion, et l'on entrera dans le détail parce que la CNIL n'a pas vu ce que la présente discussion nous a permis de montrer.
Nous arrivons au terme des cinq minutes qui vous sont imparties, cher collègue.
Certes, monsieur le président ! Reste que le sujet est extrêmement grave, à moins qu'on ne donne aux enquêteurs ou aux statisticiens un kaléidoscope, par exemple, en leur indiquant dans quelle catégorie classer l'individu. Je ne pense pas que vous y ayez pensé, ni la CNIL, ni vous-mêmes.
Il va donc falloir compter sur la volonté des individus de se déclarer. Eh bien, vous allez les plonger dans un embarras effrayant, dans des situations très complexes.
On ne se définit pas nécessairement, surtout dans notre pays et avec notre histoire, comme étant de telle ou telle origine ethnique ou raciale. Je n'en dirai pas plus à cette heure tardive, car vous aurez tous compris la portée de cette mesure : elle tend à réduire ce qui fait notre spécificité, y compris en Europe. Or la France ne se définit ni par l'appartenance ethnique, ni par l'origine raciale, ni par la couleur de la peau, ni par la religion. C'est une communauté de destin. Pour reprendre une expression quelque peu fleurie, ce n'est pas en procédant à des comptages ethniques, raciaux ou religieux que l'on peut « faire France » aujourd'hui.
À l'inverse de ce qu'il faudrait faire, et alors que vous avez la louable intention, ce dont je vous sais gré, de lutter contre les discriminations, qui sont réelles, vous allez lancer dans notre pays une politique discriminatoire.
Je me contenterai, monsieur le président, de formuler deux remarques.
Je suis d'abord extrêmement choqué de lire dans l'exposé des motifs de votre amendement, monsieur le rapporteur, que, si « la notion de race n'a pas de valeur scientifique » – ce que l'on sait bien –, vous prévoyez ensuite que des données pourront faire apparaître les origines « raciales ». Il conviendrait, pour le moins, que ce terme disparaisse de votre exposé des motifs.
Par ailleurs, la CNIL, au terme, comme vous l'avez souligné, d'un travail approfondi en procédant notamment à soixante auditions pendant six mois, a formulé dix recommandations. N'aurait-il pas été préférable d'en aborder l'ensemble, car j'imagine qu'elles forment un tout, plutôt que de n'en étudier qu'une seule, celle que, par pur opportunisme – pour parler de façon mesurée à cette heure tardive – vous avez choisi d'extraire ?
Mon désaccord, comme pour Serge Blisko, ne tient pas à l'heure matinale à laquelle vous nous présentez cette mesure, mais à la gravité de cette dernière. Vous mettez le doigt dans un engrenage qui conduira bientôt à demander des statistiques sur tout et n'importe quoi, aboutissant à ce que l'identité des personnes soit caractérisée par certaines de leurs spécificités propres et non pas simplement par ce qu'ils font dans la société.
Mieux vaudrait retirer cet amendement et examiner, comme il se doit, les dix recommandations de la CNIL dans leur ensemble, ce qui serait plus cohérent.
M. Blisko a évoqué le risque d'un cavalier législatif. L'amendement, au contraire, est directement et totalement lié au texte étudié, puisque celui-ci est relatif à l'intégration. Si nous ne mesurons pas, ainsi que je le soulignais hier dans mon intervention liminaire, les discriminations, comment pourra-t-on les combattre ? Par définition, il faut, pour les combattre, en avoir la connaissance.
Je souhaite que M. Mamère et M. Braouezec, dont les interventions, sur le fond, se rejoignaient, en soient bien certains : si l'amendement avait eu pour objet d'instituer un recensement ethnique ou racial,...
..jamais le Gouvernement n'aurait émis un avis favorable.
Ce n'est pas de cet objet qu'il s'agit, mais de conduire des études, qui seront, ainsi que vous l'avez vous-mêmes indiqué, certainement utiles, et qui ne seront lancées qu'après avoir été dûment autorisées par cette autorité qu'est la CNIL. Il ne s'agira, encore une fois, que de mesurer les inégalités de situation liées à l'origine afin de mieux les comprendre et de les corriger.
Tel est l'objet de l'amendement, sachant que son application sera, je le répète, totalement garantie par la CNIL.
Je suis saisi d'un amendement n° 209 .
La parole est à M. Thierry Mariani, pour le défendre.
, rapporteur. L'article 4 de la loi DALO a institué un droit au maintien en hébergement d'urgence. Il s'agit du dispositif dit de « stabilisation », pour trois mois au plus. Ce type d'hébergement de moyenne durée, qui constitue une transition avec une solution de logement plus pérenne, ne peut être accessible qu'à des personnes en séjour régulier, sous peine d'alimenter un flux d'immigration motivé par le souhait de bénéficier de la « stabilisation » comme prélude au droit au logement opposable.
La disposition proposée a donc pour objet de mettre en cohérence les dispositions de la loi. Le droit pour toute personne présente en France de bénéficier d'un hébergement de très courte durée, par exemple pendant l'application du plan d'urgence hivernale, n'est pas mis en cause.
Favorable.
Le tableau est maintenant complet ! Même pour le droit au logement, on est à nouveau dans un véritable délire : il faudra à chaque fois prouver, ne serait-ce que pour avoir un toit, que l'on est en situation régulière. C'est à se demander quel droit élémentaire reste, qui ne soit pas suspendu à la possession d'une carte de séjour en bonne et due forme ?
Sur le titre du projet de loi, je suis saisi d'un amendement n° 253 .
La parole est à M. Patrick Braouezec, pour défendre cet amendement.
Défavorable également.
Je suis saisi d'un amendement n° 254 .
La parole est à M. Patrick Braouezec.
Même avis.
En application de l'article 101 du règlement, le Gouvernement demande qu'il soit procédé à une seconde délibération de l'article 2 du projet de loi.
La seconde délibération est de droit.
Je rappelle que le rejet de l'amendement vaut confirmation de la décision prise en première délibération.
Sur l'article 2 adopté par l'Assemblée nationale en première délibération, je suis saisi d'un amendement n° 1 .
La parole est à M. le ministre, pour soutenir cet amendement.
Le Gouvernement propose, à la suite de l'adoption de l'amendement n° 107 de Mme Hostalier, de rédiger ainsi la dernière phrase du deuxième alinéa de l'article 2 : « Ces dispositions ne sont pas applicables lorsque la personne qui demande le regroupement familial est titulaire de l'allocation adulte handicapé ou de l'allocation supplémentaire mentionnée à l'article L.815-24 du code de la sécurité sociale. »
Il n'est pas question que la mesure concerne également les retraités, comme cela avait été adopté par erreur lors du vote de l'amendement.
Favorable. Cet amendement est d'ailleurs plus proche de la rédaction de l'amendement n° 5 rectifié de M. Pinte auquel nous étions plutôt favorables.
Je mets aux voix l'article 2, modifié par l'amendement n° 1 .
(L'article 2, ainsi modifié, est adopté.)
Dans les explications de vote sur l'ensemble du projet de loi, la parole est àM. Éric Ciotti, au nom du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
Le texte dont nous achevons l'examen, est équilibré, mesuré, pragmatique et juste. Il nous offre des outils propres à améliorer le parcours d'intégration sur notre territoire. Tel était d'ailleurs son objet principal, et, en tout cas, la motivation première du Gouvernement et de la majorité.
Faisant preuve d'avancées importantes, le projet contient des propositions courageuses, audacieuses et novatrices, notamment en matière de codéveloppement. Il favorise également le parcours d'intégration en permettant l'apprentissage des valeurs de la République et du français, tout en dotant les étrangers, en particulier ceux qui sollicitent le regroupement familial, d'outils qui leur permettront de mieux aborder ce parcours.
Nous avons donc fait oeuvre utile, et je regrette, sans vouloir polémiquer, le discours quelque peu caricatural de l'opposition.
Le sujet de l'immigration aurait dû permettre de dépasser les clivages, comme dans les autres démocraties européennes. Des centaines de milliers de personnes éprouvent aujourd'hui des difficultés en termes de revenu, de logement, d'insertion, et il est du devoir de la République de les aider à s'insérer. Tel est l'enjeu de la politique d'immigration équilibrée, voulue par le Président de la République et soutenue, comme pour les mesures que nous avons votées ce soir, par les Français.
Certains, tel M. Dray, ont appelé, de manière beaucoup plus excessive que notre discussion à cette heure tardive, à transférer le combat dans la rue. Pourtant, une confrontation devant les électeurs montrerait très nettement un soutien massif des Français à la politique suivie en la matière.
Ne l'ont-ils pas d'ailleurs validée très clairement par deux fois au printemps dernier ? Les dispositions que nous avons votées correspondent en tout cas très exactement aux engagements pris alors par le Président de la République et par la majorité.
Le texte nous dote également d'outils permettant de lutter contre l'immigration clandestine. Notre politique d'immigration qui, je le répète, est humaniste et équilibrée, repose sur deux piliers : d'un côté, le parcours d'intégration et, de l'autre, la fermeté dans la lutte contre l'immigration clandestine, qui est insupportable et inacceptable. Outre qu'elle porte atteinte aux principes de la République, elle met en danger les étrangers en situation régulière sur le sol national. Nous serons toujours intransigeants en ce domaine, car ce n'est pas servir les étrangers que de favoriser l'immigration clandestine.
La majorité, en respectant l'une des promesses fondamentales du Président de la République, démontre, une nouvelle fois, qu'elle sait être fidèle à ses engagements, et cela dans le respect et la défense des valeurs de la République. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Je tiens d'abord à remercier Brice Hortefeux et Roger Karoutchi pour la façon avec laquelle nous avons pu, les uns et les autres, travailler sur le projet de loi. Il est en effet utile, ainsi que cela a été le cas, d'avoir des débats en amont et des discussions ouvertes en séance. En particulier, nombre d'amendements ont été acceptés par le Gouvernement, ce qui est une preuve de l'enrichissement que nous pouvons tous apporter aux textes proposés.
Les débats ont été riches et denses. Le sujet est, il est vrai, toujours compliqué à traiter dans cet hémicycle, d'autant qu'au dehors, il a parfois des connotations particulières. C'est d'ailleurs pourquoi il a fallu prendre le temps d'expliquer les choix faits. Quelquefois contradictoires, ils sont, à n'en pas douter, essentiels afin que celles et ceux qui se trouvent déjà sur le territoire français ou qui aspirent à venir y trouvent les moyens les plus justes d'une parfaite intégration.
Monsieur le ministre, au terme de l'examen de ce projet de loi, j'ai un souhait à exprimer. Ces dernières années, nous avons beaucoup légiféré sur le thème de l'immigration, trop peu à mon goût sur celui de l'intégration. Peut-être avons-nous commencé à trouver un équilibre et c'est tant mieux. Or ces textes ont attendu très longtemps leurs décrets d'application. Ce soir, il faudrait que soit pris l'engagement – et nous serons attentifs à ce qu'il soit tenu – que ce ne sera pas le cas pour celui-là. Trop souvent, l'application des textes relatifs à l'immigration a pris beaucoup de retard. Les parlementaires qui ont participé au débat jusqu'à cette heure avancée apprécieraient comme une marque de respect d'être informés de la suite qui sera donnée à nos travaux.
Sur ce sujet de l'immigration, il reste encore beaucoup à faire et nous ne manquerons pas, je pense, d'y revenir. Vous l'avez rappelé, monsieur le ministre, la France reste une terre d'accueil, qui a su démontrer au cours de son histoire républicaine qu'elle mettait ses valeurs au service de celles et ceux qui, venant sur son sol, veulent les adopter. Avançons et modernisons nos procédures pour que la plus parfaite intégration soit la marque de fabrique de la République française !
La parole est à Mme George Pau-Langevin, au nom du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Avant d'adopter ce texte, vous devriez réfléchir aux mesures que vous allez introduire dans notre droit positif et aux changements significatifs qu'elles vont opérer dans notre système juridique. Vous avez lancé un mécanisme dont vous ne savez pas où il va vous emmener et comment vous pourrez l'arrêter. De grâce, ayez la décence de ne pas ajouter aux humiliations et aux restrictions que vous imposez aux étrangers un discours compatissant ! Si vous les empêchez de vivre en famille,…
…si vous révélez aux enfants que leurs parents ne sont pas leurs parents, si vous leur imposez de vivre dans un labyrinthe sans fin d'obligations, au moins n'allez pas leur expliquer que c'est pour leur bien, pour qu'ils s'intègrent mieux et soient plus heureux !
Avec ce texte, mener une vie affective et familiale normale va devenir beaucoup plus difficile pour nombre de Français. Des enfants seront séparés de leurs parents.
Outre les tests ADN, vous introduisez dans la loi, sous le faux – et ahurissant – prétexte de lutter contre la discrimination, le fichage ethnique de notre population. Surtout, vous le faites par raccroc, comme s'il s'agissait d'un élément mineur. Je sais bien que le Président de la République, à l'occasion de certaines émeutes, avait réclamé le fichage ethnique des délinquants. Mais ce n'est pas une raison pour faire passer une disposition aussi importante de manière subreptice, à quatre heures du matin.
Ce texte me semble gravement entaché d'inconstitutionnalité. Le groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche, qui n'est malheureusement pas suffisamment nombreux pour vous empêcher d'accomplir une mauvaise action, saisira le Conseil constitutionnel pour lui demander s'il est effectivement normal de défigurer ainsi le visage de la France, ce pays tant respecté et aimé dans le monde !
La parole est à M. Patrick Braouezec, au nom du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
Avant de vous expliquer pourquoi nous voterons contre ce texte, permettez-moi deux remarques. D'abord, je regrette que nous ne soyons que vingt-trois députés…
…pour voter, à quatre heures trente du matin, un texte qui aura des conséquences graves pour des dizaines de milliers de personnes.
Cela n'a rien de drôle !
…qui a fait d'un certain nombre de personnes alors en règle les sans-papiers dont on parle aujourd'hui.
Mais j'ai aussi un motif – un seul – de satisfaction qui tient à la qualité de notre débat. Contrairement à ce que vient de soutenir notre collègue de l'UMP, il n'y a eu, ni d'un côté ni de l'autre, de caricature. La question de l'ADN a donné lieu à un vrai débat, et je regrette que, à ce sujet, vous n'ayez pas entendu la voix de la raison qui s'est exprimée sur certains de vos bancs.
Avec ce texte, vous allez imposer à notre société un modèle fondé sur l'exclusion et le renfermement. Toujours plus d'interdictions, d'injonctions, de dureté à l'égard de ceux que vous ne voulez plus subir au prétexte – jamais prouvé – qu'il y a trop de migrants, a priori fraudeurs et coûteux pour l'État. Pour les choisir, vous rétrécissez le champ du regroupement familial, en imposant un apprentissage du français et des valeurs de la République, en exigeant des ressources modulables selon la taille de la famille, en faisant obligation aux parents d'avoir des enfants exemplaires – sinon, gare aux prestations familiales ! – et en recourant aux tests ADN. Vous construisez une restriction généralisée des droits des demandeurs d'asile avec les audiences par visioconférence, la remise en cause d'un procès équitable et du référé liberté, et une réduction du délai de recours auprès de la Commission de recours des réfugiés. Vous niez le droit à l'amour entre les hommes et les femmes en vous attaquant aux migrations de droit.
Nous avons essayé de vous faire entendre raison : rien n'y a fait, pas même les députés de votre majorité qui se sont élevés contre certaines propositions qu'ils jugeaient liberticides et discriminatoires. Rien n'a été cédé. Ce gouvernement ne manifeste aucune volonté d'assurer la mixité et la cohésion sociales, pas plus d'ailleurs que de lutter contre les discriminations.
Ne sachant pas comment gérer les problèmes sociaux, vous fustigez, vous dénoncez, vous pointez du doigt les mêmes personnes depuis des années : les migrants, leur famille, leurs enfants, leurs conjoints, les jeunes. Qu'irez-vous inventer lorsque le Gouvernement, faute d'avoir résolu les problèmes sociaux, voudra encore réduire les possibilités de migration ? Je crains le pire !
Aucune loi, aucune politique, aucun gouvernement ne pourra jamais maîtriser le droit légitime de tout être humain à chercher un horizon meilleur et à vivre en famille. Migrer est un droit fondamental, mais le Gouvernement l'a nié en usant d'arguments simplistes teintés d'une identité nationale primaire, qui ignorent l'apport dynamique des migrants à cette même identité.
Ce projet contient des dispositions contraires aux pactes garantissant le respect des droits humains, et c'est pourquoi je m'associerai au recours devant le Conseil constitutionnel. Il bafoue, démantèle et détruit les droits fondamentaux. Il rompt avec toute une tradition d'accueil et de consensus sur une certaine éthique au sein du Parlement et met la France en situation de violation constante du cadre international de protection de ces droits. À l'ère de la mobilité, que vous défendez, mieux vaudrait s'attacher à faire reculer la misère, les guerres et le sous-développement, oeuvrer à l'émergence d'une citoyenneté ouvrant des droits sociaux pour tous et construire des relations de vraie coopération et de solidarité entre les peuples.
Notre groupe ne peut voter ce projet, qui n'est fondé que sur une approche répressive, liberticide, discriminatoire, et sur une logique de criminalisation de la migration et des migrants, qui représentent une part importante de notre société. Nous ne voterons pas un texte qui déstructure le droit, les liens sociaux, les relations humaines et qui organise la discrimination en instituant deux catégories de Français.
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.
(L'ensemble du projet de loi est adopté.)
(Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Mardi 25 septembre 2007, à quinze heures, première séance publique :
Discussion du projet de loi, n° 114, adopté par le Sénat, instituant un Contrôleur général des lieux de privation de liberté :
Rapport, n° 162, de M. Philippe Goujon, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République.
À vingt et une heures trente, deuxième séance publique :
Suite de l'ordre du jour de la première séance.
La séance est levée.
(La séance est levée, le jeudi 20 septembre 2007, à quatre heures trente.)
Le Directeur du service du compte rendu intégral de l'Assemblée nationale,
jean-pierre carton