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Intervention de Serge Blisko

Réunion du 19 septembre 2007 à 21h30
Maîtrise de l'immigration intégration et asile — Article 9

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSerge Blisko :

Loin de n'être qu'une simplification administrative, cet article introduit un changement profond. Demain en effet, si ce funeste projet de loi devait être voté, l'OFPRA relèverait de la tutelle du ministère de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement. Ne voyez dans cette remarque aucune attaque personnelle, monsieur le ministre, mais nous sommes extrêmement inquiets de cette innovation, et cela pour deux raisons.

La première est une raison de principe. Le droit d'asile nécessite une administration très particulière. C'est la bête noire de tous les gouvernements, comme nous le disions tout à l'heure, parce qu'ils y voient une espèce d'hydre, dont les « têtes » peuvent passer du simple au double à tout moment, au gré des crises internationales. Cela oblige les gouvernements – le gouvernement de M. Rocard en a fait l'expérience dans les années quatre-vingt-dix – à renforcer dans l'urgence les effectifs de l'Office en recrutant des contractuels pour faire face à des afflux de demandes soudains. Il y a une raison forte à cela : on ne peut pas laisser des demandeurs d'asile attendre deux ou trois ans que leur demande soit examinée.

Une administration qui peut ainsi à tout moment voir ses effectifs doubler, même si c'est pour de bons motifs, ne peut que déplaire souverainement aux gestionnaires, surtout aujourd'hui où on nous annonce le non-remplacement de la moitié des fonctionnaires. Que se passera-t-il demain si nous connaissons un nouvel afflux de demandeurs d'asile à cause d'une crise internationale d'une gravité supérieure à celles que nous connaissons aujourd'hui ? De toute façon, bien d'autres crises se préparent, notamment des crises climatiques. Même si elles ne relèvent certes pas de l'asile classique au sens de la convention de Genève, un certain nombre d'États ont déjà prévu de faire face à un afflux de réfugiés dans un tel cas.

La deuxième raison est aussi une raison de fond, même si elle est une défense de l'OFPRA. Cela va peut-être vous étonner, mais nous sommes un certain nombre à ne pas reprocher à l'OFPRA de ne pas bien travailler, malgré sa sévérité. Nous ne remettons pas radicalement en cause l'action de l'OFPRA, pour le moment du moins, monsieur Cochet. Elle a en effet bénéficié jusqu'ici de moyens suffisants.

À ce propos, je voudrais profiter de l'occasion trop rare qui nous est donnée de parler de l'OFPRA – c'est la première fois depuis 2003 – pour donner un coup de chapeau à ceux qu'on appelle les « officiers de protection », fonctionnaires ou contractuels, dont la tâche n'est pas facile : ils sont en effet exposés quotidiennement à des situations dramatiques, à des récits éprouvants. Cela peut s'avérer, moralement et humainement, difficile à supporter.

Ces agents parviennent pourtant à assurer leur mission dans un cadre qui a été fixé en 1952, c'est-à-dire dans un contexte géopolitique très différent. Le nombre de demandes d'asile était faible, les pays d'origine des demandeurs d'asile en nombre très réduit : il s'agissait presque uniquement des pays de l'Est du fait de la crise de l'immédiat après-guerre. À ceux-là venaient s'ajouter ponctuellement des demandeurs fuyant leur pays à la suite d'un coup d'État et de l'instauration d'une dictature, comme au Chili. On peut penser aussi aux boat people, que j'ai évoqués hier.

Pour traiter ces cas, qu'ils soient 30 000 ou qu'ils soient 60 000, et quels que soient les moyens matériels et humains mis à la disposition de l'Office, il faut pouvoir s'appuyer sur une connaissance fine et constamment remise à jour des pays d'origine des demandeurs et des situations qu'ils vivent.

Pour compliquer encore un problème déjà très compliqué, en tout cas plus que naguère – vous le connaissez bien, monsieur Cochet –, on peut aujourd'hui faire l'objet de persécutions dans un pays démocratique. L'introduction dans notre droit de notions juridiques telles que celles de protection subsidiaire, d'autorité non étatique ou de pays sûr, qui ont été discutées en 2003, montre bien la complexité de l'affaire.

C'est pourquoi je pense, monsieur Hortefeux, encore une fois sans vouloir vous vexer, qu'il n'est pas bon de confier une mission aussi complexe à un ministère qui vient d'être créé, qui ne dispose pas – pas encore du moins – de cette connaissance fine, et qui doit aujourd'hui prendre sous sa tutelle plusieurs centaines d'agents, fonctionnaires ou contractuels. Les liens que ceux-ci entretiennent avec le réseau des ambassades et des consulats vont être coupés, ainsi qu'avec les centres d'analyse et de prévision, les instituts de recherche, nombreux et efficaces au sein du ministère des affaires étrangères…

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