Notre débat de ce soir, monsieur le rapporteur, doit vous faire prendre conscience du trouble qu'engendre votre amendement. Si nous sommes profondément choqués de ce côté gauche de l'hémicycle, je sais que, du côté droit, nombre de nos collègues sont embarrassés, à l'image du Gouvernement qui a déposé quatre sous-amendements afin d'atténuer la rédaction du texte même si – nous aurons l'occasion d'en reparler – ils n'en changent pas le fond.
Cet amendement est inacceptable, en particulier pour des raisons qui ont été déjà rappelées.
La première, est que cet amendement est contraire à notre conception de l'éthique. L'Assemblée, ainsi que cela a été souligné, a consacré des années à élaborer une conception consensuelle de l'éthique. En 1994 puis en 2004, elle a ainsi rappelé que les tests ADN devaient être réservés à la recherche scientifique et médicale et à certaines procédures judiciaires. Ce rappel, voilà qu'aujourd'hui on le néglige complètement.
Par ailleurs, vous remettez en cause le concept même de la filiation. Dans notre pays, ainsi que l'ont souligné de nombreux collègues, la filiation tient à la reconnaissance et non à la génétique. Quand un père vient déclarer son enfant, il ne se munit pas d'un test ADN. Ce qui fait le père, c'est l'enfant qu'il a reconnu, qu'il accueille, qu'il élève. Avec votre mesure, vous allez établir une différence considérable entre ceux nés en France et ceux qui y viennent, puisque ce qui continuera à s'appliquer aux premiers ne pourra s'appliquer aux seconds. Au nom de quels principes écarterait-on les enfants adoptifs ou ceux issus de familles recomposées, du droit au regroupement familial ?
Serge Blisko l'a longuement souligné ainsi que bien d'autres : avez-vous bien mesuré pour votre part, monsieur le rapporteur, les ravages que pourrait causer dans les familles la généralisation des tests de filiation ?
On peut d'ailleurs se demander pourquoi cet amendement intervient aujourd'hui. Il ne fait que s'inscrire en fait dans cette longue litanie de textes sur l'immigration qui, depuis 2002, ont visé à réduire les droits des immigrés, notamment au regroupement familial. Cela est d'autant plus choquant que pour un immigré, qui connaît souvent la solitude et l'angoisse de l'exil, la famille est souvent le seul réconfort.
Monsieur le ministre, plutôt que de chercher par des sous-amendements à atténuer cet amendement qui n'est pas digne de notre pays, le Gouvernement s'honorerait à le refuser. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.)