Je reviendrai très rapidement sur la visioconférence que l'on pourrait appeler pour plus de clarté « vidéoaudience ».
Nous avons expliqué les raisons pour lesquelles nous n'étions pas convaincus, voire hostiles à cette forme dégradée de rendre la justice et en particulier la justice administrative. L'audience doit se tenir en présence de l'intéressé, à « portes ouvertes », être publique, sauf bien évidemment quand le huis-clos est demandé. Ces règles sont intangibles. Des aspects subjectifs ont été décrits par certains collègues : le stress, la complexité du processus pour quelqu'un qui parle très mal, voire pas du tout, notre langue : ainsi, où se trouvera l'interprète ? Des dizaines de questions se posent, dont certaines sont d'ordre technique. Je ne suis pas un spécialiste, puisque je ne suis ni magistrat, ni avocat, ni organisateur de visioconférences. M. Mamère connaît cela mieux que moi, mais je sais tout de même qu'il existe des plans de coupe. Lorsque le juge dialogue avec la personne, même par le biais d'un interprète, on essaie de comprendre ce qui est dit. Ce climat psychologique essentiel surtout dans ce type d'audience risque, du fait des plans de coupe, de devenir totalement inexistant : l'avocat peut ne pas comprendre la façon dont le juge appréhende l'argumentation ; il en va de même du demandeur d'asile qui est parfois aidé d'un interprète. L'asile est un enjeu trop important, lorsque l'on sait les menaces qui peuvent exister, pour être traité ainsi.
Se posent aussi des problèmes d'intimité. Les demandeurs d'asiles doivent parfois expliquer leurs tortures, ce qui n'est pas toujours évident. Or la méthode de la visioconférence est très froide. Ces audiences rendues quelque peu mécaniques du fait du recours aux écrans et aux caméras, et auxquelles assistent quatre, cinq, voire six personnes, avec le greffe et les employés du tribunal, donnent un caractère solennel à la procédure et ne permettent pas de rendre cette justice de proximité, souhaitable pour les demandes d'asile.