La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
Ce matin, l'Assemblée a commencé l'examen des crédits de la mission « Travail et emploi » (n° 1967, annexes 45 et 46, n° 1971).
Nous en arrivons aux questions qui seront appelées par périodes successives de quinze minutes par groupe.
Nous commençons par le groupe UMP.
La parole est à M. Georges Colombier.
Monsieur le ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville, monsieur le secrétaire d'État chargé de l'emploi, nous sommes appelés aujourd'hui à examiner les crédits de la mission « Travail et emploi ». Je veux tout particulièrement attirer votre attention sur les moyens apportés par l'État en faveur de l'accès à l'emploi des publics les plus fragiles.
Nous le savons tous, les passerelles vers l'emploi durable par l'activité économique sont importantes. Les entreprises d'insertion sont des acteurs économiques qui contribuent depuis de nombreuses années à la réinsertion durable dans l'emploi de personnes exclues, grâce à un accompagnement professionnel durant le contrat de travail à temps plein qu'elles leur offrent.
Ce savoir-faire leur vaut une aide de l'État, qui correspond au prix de la prestation d'accompagnement à l'insertion et au surcoût d'exploitation engendré. Or « l'aide au poste » n'a pas été réévaluée depuis dix ans. Au moment où les pouvoirs publics accroissent massivement le nombre de contrats aidés du secteur non marchand, les entreprises d'insertion souhaitent qu'elle soit revalorisée pour pouvoir maintenir leurs actions en 2010.
Compte tenu du savoir-faire que les entreprises d'insertion mettent au service des chômeurs en grande difficulté et des publics exclus, quelles sont les intentions du Gouvernement en la matière ?
La parole est à M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État chargé de l'emploi.
Monsieur Colombier, nous connaissons votre investissement dans ce domaine depuis de nombreuses années. L'insertion par l'activité économique est un élément très important ; je partage votre conviction qui a le mérite de montrer que la seule et véritable insertion passe par le travail. Il s'agit d'un secteur que l'État soutient fortement, avec des crédits à hauteur de 207 millions d'euros pour 2010, ce qui représente une augmentation de plus de 60 % depuis 2005.
Les modes de financement de ces structures, vous le savez bien, ne sont pas toujours satisfaisants. D'abord, le forfait des entreprises d'insertion, qui n'avait pas été revalorisé depuis longtemps, n'incite pas véritablement les entreprises à faire un travail de fond. De plus, les aides à l'accompagnement sont trop marginales alors que, dans ce secteur, l'accompagnement prend beaucoup de temps. Cette action constitue un élément en faveur duquel il faut beaucoup investir. C'est seulement ainsi que l'on arrive à remettre sur le bon chemin des gens un peu cassés par la vie.
Nous avons donc décidé d'engager une réforme du mode de financement, dont le but n'est en aucun cas d'appliquer bêtement une simple grille de lecture et de demander à toutes les entreprises de réinsérer le même pourcentage de gens, ce qui n'aurait pas de sens, mais de fixer avec les acteurs de ce secteur des objectifs prenant en compte la diversité des bassins de vie et des territoires, ainsi que celle des publics accompagnés. Ce doit être un dispositif incitatif, c'est-à-dire qu'une entreprise d'insertion qui accomplit un travail d'insertion, qui prend en charge des publics vraiment en difficulté et arrive à avoir de très bons taux d'insertion doit être aidée davantage.
Aujourd'hui, le système, est un peu désincitatif ; il tire tout le monde vers le bas. Nous souhaitons au contraire valoriser ceux qui consentent un gros effort d'insertion. Il est bien évident que c'est une petite révolution culturelle pour le secteur. Nous allons travailler avec eux et, si vous êtes d'accord, je vous associerai à ces réflexions.
En juin dernier, monsieur le ministre du travail, notre assemblée adoptait en première lecture la proposition de loi visant à faciliter le maintien et la création d'emplois, dont le rapporteur était Jean-Frédéric Poisson et qui reprenait notamment le texte déposé par Jean-Pierre Decool, Pierre Morel-A-L'Huissier et moi-même sur la promotion du télétravail.
Le débat de ce matin sur le travail et l'emploi m'invite à nouveau à mettre en avant la nécessité pour notre pays de promouvoir cette forme moderne d'organisation du travail. Je ne vais pas une nouvelle fois en présenter les nombreux avantages. Néanmoins, le télétravail est d'actualité à l'heure où l'on parle de continuité de l'activité en cas de pandémie grippale et où l'on réfléchit sur le bien-être au travail. Ce peut être une réponse à ces problématiques, qui demandent une mobilisation forte de notre part, puisque la France ne peut que s'améliorer dans ce domaine par rapport à nos voisins européens.
Le cadre législatif existe ; la proposition de loi de juin vient inscrire dans la loi le télétravail pour en sécuriser les pratiques ; nous nous en félicitons. Il faut maintenant aller plus loin en encourageant les entreprises et la fonction publique à mettre en place cet outil.
Cet encouragement doit se traduire par une véritable volonté politique ainsi que par des mesures fiscales incitatives pour les entreprises. Aussi, pouvez-vous nous dire ce que le Gouvernement envisage de faire en la matière afin que la France ne se prive pas plus longtemps des avantages procurés par le télétravail tant pour les salariés que pour les entreprises ?
La parole est à M. Xavier Darcos, ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville.
Monsieur Gérard, vous avez raison de rappeler que les nouvelles technologies, en particulier Internet, ont fait évoluer les comportements et que le télétravail est une forme d'activité de plus en plus répandue. Les chiffres le montrent d'ailleurs puisque, selon une étude publiée par l'INSEE en mars 2008, le pourcentage d'entreprises munies d'ordinateurs qui y ont recours est passé de 16 à 22 %. Votre question est donc tout à fait légitime.
Des accords sur le télétravail ont été conclus ces dernières années ; ils ont donné un cadre à cette pratique et lui permettent de se développer.
Vous avez rappelé que Jean-Frédéric Poisson avait déposé une proposition de loi, qui a été adoptée par le Parlement et qui reprenait d'ailleurs le contenu des accords interprofessionnels sur le télétravail signés par les partenaires sociaux le 30 mai 2006.
Devons-nous instaurer une mesure fiscale supplémentaire ? Le Gouvernement n'y est pas favorable. Cela risque d'être coûteux pour les finances publiques et, surtout, d'entraîner des effets d'aubaine comme c'est très souvent le cas lorsque l'on crée des dispositifs incitatifs.
En revanche, je suis très favorable à ce que l'on encourage le dialogue social pour qu'il y ait des évolutions sur la base d'accords interprofessionnels. Nous allons essayer de proposer un cadre incitatif afin que les salariés et les entreprises négocient de telles mesures pour transformer le travail sous l'influence des nouvelles technologies.
Monsieur le secrétaire d'État, ma question aurait pu trouver également sa place dans le cadre de la discussion des crédits du ministère de l'agriculture mais, comme il s'agit des charges sociales qui sont appliquées aux activités agricoles et d'une distorsion de concurrence intracommunautaire dans le domaine de l'emploi, j'ai fait le choix de m'adresser à vous.
Cette distorsion de concurrence en matière de charges sociales appliquées aux activités agricoles est particulièrement visible dans une région frontalière comme la mienne, l'Alsace, qui a perdu plus de 23 500 emplois en un an, mais elle concerne également d'autres régions comme Provence-Alpes-Côte d'Azur, Midi-Pyrénées, Rhône-Alpes et tant d'autres. Le résultat est là : les surfaces cultivées en France en fruits et légumes ont diminué en dix ans de plus de 15 % alors qu'elles ont augmenté de plus de 21 % en Allemagne et de plus de 22 % aux Pays-Bas.
Cette distorsion de concurrence est encore plus criante en matière d'emplois saisonniers. Le coût de la main-d'oeuvre est alors deux fois plus élevé en France qu'il ne l'est en Allemagne, où il y a une exonération totale de charges sociales.
Quelles mesures le Gouvernement envisage-t-il éventuellement de prendre pour lutter contre cette injuste distorsion intracommunautaire qui porte tort à notre économie ?
Monsieur le député, il faut vous reconnaître le fait que vous défendez de façon constante la filière des fruits et des légumes. C'est un sujet que je connais bien puisque je suis confronté aux mêmes problèmes dans mon département, la Haute-Loire, notamment pour la culture des fruits rouges.
Le secteur des fruits et des légumes connaît de gros problèmes en ce moment, notamment cette distorsion de concurrence, problème ancien, surtout avec l'Allemagne, qui a adopté, depuis 1991, une réglementation particulièrement permissive pour le recours au travail saisonnier, avec des exonérations de charges qui étaient en particulier dues à des accords avec la Pologne, mais pas seulement.
En France, le recours au travail saisonnier est plus contraignant et le coût de la main-d'oeuvre plus élevé.
Que peut-on faire ?
Tout d'abord, des moyens importants sont déjà mis en oeuvre : allégements de charge – je ne doute pas que vous me soutiendrez pour les défendre car notre dispositif global d'allégements sert aussi à cela – ; exonérations de charges spécifiques au secteur agricole comptant pour 50 millions d'euros dans le projet de loi de finances ; mesures de court terme annoncées par le Président de la République lors de son discours à Poligny, représentant un total de 170 millions d'euros supplémentaires, avec l'exonération de la totalité des charges patronales dues à la MSA.
Enfin, une réflexion de fond, structurelle doit être menée. Le Président de la République a demandé à Bruno Le Maire de l'initier afin de proposer, avant la fin de l'année, des mesures pour accroître la compétitivité de nos exploitations. Tel est aussi le sens du message qu'il a adressé à la Commission européenne en faveur d'une véritable régulation des prix. Dans ce domaine comme dans d'autres, en matière agricole, nous voyons bien qu'une régulation des prix au niveau de la Commission européenne est nécessaire.
Nous passons aux questions du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
La parole est à M. Michel Liebgott.
Monsieur le ministre, je souhaite vous interroger sur l'aide au développement des compétences et sur la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, dont les moyens semblent en diminution.
Quel est actuellement l'état des conventions signées avec les entreprises ou groupements d'entreprises ? Dans quelle mesure ce dispositif, qui a pour objectif d'anticiper les besoins en matière de gestion des ressources humaines, constitue-t-il un véritable outil d'orientation des salariés en période de crise ?
Il en est de même de la dotation destinée au développement de l'emploi et des compétences, qui intervient dans des secteurs clés dans différentes régions, puisque ces crédits sont gérés dans le cadre des pôles de compétitivité, dont on sait l'importance que vous leur accordez. Il semblerait que ces outils ne soient pas très utilisés alors que le moment semble le plus approprié pour qu'ils le soient, afin que le redémarrage, lorsqu'il aura lieu, se fasse dans les meilleures conditions, sans problèmes d'adaptation des salariés aux postes de travail.
Sous réserve de ce que prévoit le plan de relance – pour l'ADEC, en particulier, on passe de 30,8 millions à 11,8 millions d'euros – je voudrais que vous m'indiquiez si les moyens sont véritablement en baisse, ou s'il n'y a pas de demande. Ne faudrait-il pas « booster » ce dispositif en informant mieux les entreprises et en les poussant à conduire ce type de réflexion et d'ingénierie ?
Merci beaucoup, monsieur Liebgott, pour cette question sur un sujet trop souvent ignoré alors que ces outils de la politique de l'emploi que sont les engagements de développement de l'emploi et des compétences, les EDEC, et les accords de GPEC fonctionnent bien.
Plutôt que d'attendre de connaître des difficultés dans un secteur, on essaie d'anticiper. On réunit tous les partenaires sociaux autour de la table, on engage des moyens conjoints de l'État et des partenaires sociaux, on développe des plans de formation et on essaie de détecter les problèmes avant qu'ils surviennent.
Nous avons lancé, au deuxième semestre de cette année, une politique de signatures de nouveaux EDEC. Il est vrai que l'outil était un peu tombé à l'abandon, et nous l'avons réactivé dans la crise. Par exemple, nous avons signé un accord dans l'industrie agroalimentaire, un autre dans la chimie, un autre dans l'industrie automobile, qui couvre également l'aéronautique – parce que le secteur en aura besoin l'année prochaine – et les équipementiers de télécommunications, un autre avec la vente à distance, un autre avec les centres d'appel.
Ces accords sont signés et les montants financiers sont sur la table. La baisse sur laquelle vous vous interrogez est liée au fait que nous mobilisons également des crédits FEDER, qui étaient trop peu consommés jusqu'à présent et que nous allons utiliser pour ne plus laisser d'argent de côté.
Par contre, nous avons vraiment besoin du relais des parlementaires et des partenaires sociaux pour que les entreprises utilisent ces dispositifs sur le terrain. Trop souvent en effet nous signons un accord au niveau national mais les entreprises ne le connaissent pas et ne l'utilisent pas. C'est un travail fin à mener. Si, de votre côté, vous avez des sollicitations, nous sommes à votre disposition.
Monsieur le ministre, cela ne vous surprendra pas, je vous interrogerai sur l'allocation de fin de formation.
L'AFF était jusqu'en 2008 financée par le budget de l'État, à hauteur de 169 millions d'euros, et permettait aux demandeurs d'emploi engagés dans un parcours de formation de voir maintenus leurs montants d'indemnisation même en fin de droits.
Ce dispositif a été supprimé lors de l'examen du PLF 2009 au motif que, l'UNEDIC étant revenue à meilleure fortune, elle devait, selon M. Woerth, le financer elle-même ; à cette époque, il y a seulement un an, on pensait que l'on pourrait diminuer les cotisations chômage. Or les partenaires sociaux, lors de la renégociation de la convention UNEDIC, n'ont pas du tout pris cette option, et je vous avais interpellé de nouveau.
L'affaire s'est dénouée à la suite du sommet social de février. Le Gouvernement est parvenu à un compromis avec les partenaires sociaux prévoyant un cofinancement dans le fonds d'urgence créé à l'époque. Suite à cela, un décret du 22 avril 2009 a créé l'allocation en faveur des demandeurs d'emploi en formation, l'AFDEF, qui est en fait la reprise de l'AFF, mais financée par l'État et le FUP. Cette année, 65 millions sont inscrits pour cette mesure dans le cadre du FISO, mais si nous lisons bien – et je crois avoir bien lu – le bénéfice n'en est ouvert que pour des entrées jusqu'au 31 décembre 2009.
Je souhaite donc savoir ce qu'il en sera en 2010. Entendez-vous proroger le dispositif ? Dans une situation où l'UNEDIC renoue malheureusement avec les déficits, on la voit mal le reprendre en charge elle-même. Pour notre part, nous considérons que cet engagement permettant des parcours de formation longs, notamment dans le secteur sanitaire et social, est une bonne chose pour préparer l'après-crise, et que la suppression d'un tel dispositif serait une aberration. Quelles sont vos intentions ?
Monsieur le député, vous m'aviez en effet interrogé l'année dernière sur ce sujet, et c'est notamment votre initiative ainsi que celle d'autres parlementaires, tels que Gérard Cherpion, qui nous a conduit à travailler avec les partenaires sociaux sur la prolongation en 2009 du crédit de l'AFF. Je tiens à cet égard à rendre hommage à la réactivité d'Éric Woerth, qui nous a accompagné sur le dispositif et nous a permis de répondre sans qu'il y ait de période de sas pour les personnes qui n'auraient pu bénéficier de l'AFF alors qu'elles y avaient droit.
L'AFF a été remplacée par l'AFDEF. Elle a une utilité, dans les formations longues, notamment dans le secteur des aides-soignantes, auquel vous avez fait référence, et, plus largement, dans le secteur médico-social. Néanmoins il convient de faire attention, car, comme vous le savez bien, connaissant le terrain, elle peut aussi avoir un effet pervers : c'est que les personnes attendent et ne commencent la formation qu'en fin d'indemnisation, l'AFF servant de courroie de rattrapage. C'est l'aspect négatif qu'il nous faut éviter, pour ne conserver que l'aspect positif.
Nous avons souhaité conduire une réflexion avec les partenaires sociaux, ceux-ci contribuant pour moitié au financement, dans le cadre du FISO. Nous avons ainsi confié une mission à Jean-Marie Marx – à ne pas confondre avec Karl Marx ! –, directeur général d'AGEFAFORIA, OPCA de l'industrie agroalimentaire, lequel a été chargé de nous rendre un rapport, notamment sur le sujet de la formation des demandeurs d'emploi, qui sera présenté lors de la prochaine réunion du FISO avec les partenaires sociaux. Nous vous tiendrons au courant de ces négociations.
Monsieur le secrétaire d'État, j'avais eu l'honneur de vous interroger, il y a une semaine ou quinze jours, sur Pôle emploi. Vous n'avez pas répondu à ma question. Au lieu de cela vous m'avez posé à votre tour un certain de nombre de questions, auxquelles je ne pouvais pas répondre, le règlement de l'Assemblée l'interdisant. J'y reviens donc.
Allez-vous, oui ou non, décider, non pas de supprimer, mais d'aménager l'installation des guichets uniques en cette période de crise, sachant que c'est avec de grandes difficultés que ces guichets sont mis en place, quand ils le sont, et qu'ils ne sont pas opérationnels ? Je vous repose la question, en espérant obtenir cette fois une réponse. Êtes-vous d'accord avec nous lorsque nous affirmons qu'il faut aménager, pendant un certain temps, ces agencements de guichets uniques ?
Madame Iborra, j'ai eu le plaisir de répondre à votre question sur Pôle emploi il y a quinze jours. Ma réponse est la même : c'est non.
Nous sommes parfaitement prêts à étudier, avec les agents, le rythme, les modalités d'aménagement et la mise en place de la formation pour l'entretien unique, car on n'apprend pas du jour au lendemain le métier d'un autre. Il faut prendre du temps là-dessus.
Partout où l'on ouvre des sites mixtes, cela améliore les conditions de travail des agents de Pôle emploi. Partout où l'on a pu mutualiser les lieux, cela permet un meilleur travail, et les demandeurs d'emploi ont un lieu unique où s'adresser, ce qui est la définition même du site mixte.
Nous sommes en train de travailler pour faire en sorte que ce calendrier soit tenu, en discutant avec les partenaires sociaux, sur les lieux que nous choisissons, des méthodes de travail. Là où vous avez raison, c'est qu'il ne faut pas se contenter de faire d'une agence un site mixte sans réfléchir à la manière dont cela doit fonctionner, car ce ne serait qu'apparence.
L'étape suivante sera la réflexion sur les processus de travail à l'intérieur de nos agences. Nous allons nous réunir avec les agents et poser la question : « Maintenant que nous sommes tous ensemble dans la même agence, comment changeons-nous nos méthodes de travail ? » C'est cette étape que nous allons engager.
Nous en venons aux questions du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.
La parole est à M. Jean-Jacques Candelier.
Monsieur le ministre, ma question porte sur l'extension du contrat de transition professionnelle, le CTP.
Le Gouvernement compte beaucoup sur l'amplification de ce dispositif pour accompagner la hausse dramatique des licenciements économiques. Le CTP est déjà expérimenté dans le Douaisis et le Valenciennois, dans le Nord. Je peux vous affirmer que, à la base, nous sommes loin de l'unanimité auquel le Gouvernement et la majorité prétendent.
Je veux vous lire le témoignage édifiant d'un signataire de ce contrat paru dans le journal La Voix du Nord, en date du 29 octobre : « Pour moi, ce dispositif, censé aider à la réintégration des chômeurs, ne fait que donner de faux espoirs aux gens. Ainsi, un adhérent au CTP n'a pas le droit de signer plus de deux contrats en intérim alors qu'en ces temps, l'intérim est la première source d'emploi. En cas de non-paiement des indemnités de chômage, le réfèrent CTP et le Pôle emploi se renvoient la balle. On nous dit qu'il faut "revoir nos prétentions de salaire", "nous éloigner géographiquement" et "envisager de changer de métier". Nous ne sommes pas des marionnettes : rappelons quand même que nous ne sommes pas chômeurs par volonté. »
En clair, après avoir subi la précarité du capitalisme, j'ai le sentiment que les bénéficiaires du CTP expérimentent surtout une nouvelle forme de précarité d'État, financée par le fonds d'intervention social. Avant de passer de vingt-cinq bassins d'emploi éligibles à quarante, ne serait-il pas temps de faire le bilan des CTP par rapport aux moyens mis en oeuvre ? Quel est le coût moyen pour l'État d'une personne signataire d'un CTP ? Alors que l'on évoque un taux de reclassement de seulement 60 % à l'issue des CTP, j'attends d'être convaincu.
Le parti communiste a travaillé sur ce sujet, et les partenaires sociaux ont été très vigilants. Avec tout le respect que je vous dois, monsieur Candelier, je ne vous comprends pas. À aucun moment, je n'ai affirmé que le CTP c'était mieux qu'un emploi ou que cela constituerait la solution miracle. Néanmoins il est au moins une chose sur laquelle nous pouvons nous entendre : c'est que cela va mieux avec un CTP que sans. La preuve en est que, sur tous les bancs de cet hémicycle, de très nombreux députés me réclament un CTP pour leur territoire.
D'abord, avec un CTP, vous avez un vrai accompagnement, beaucoup plus fin et personnalisé : un conseiller ne suit pas plus de trente personnes.
Ensuite, cela ouvre droit à un an d'indemnisation à 100 % sans affaiblir les droits à l'indemnisation du chômage. Cela donne donc le temps de se reconvertir sans puiser sur les droits à indemnisation.
Par ailleurs, le système est beaucoup plus souple. Une personne en accord chômage qui reprend un contrat perd toutes ses indemnités, de sorte que le demandeur d'emploi refuse souvent un petit CDD. Dans le cadre d'un CTP, il devient possible de sauter le pas.
En revanche si vous me demandez si le CTP permet à tout le monde de retrouver un emploi, la réponse est évidemment non. Il permet juste de doubler les chances de retrouver un emploi. Nous avons conçu ce dispositif avec les partenaires sociaux, et nous l'avons amélioré avec eux étape après étape. Je ne dis pas que c'est la solution miracle, mais une chose dont je suis sûr, c'est que cela va mieux avec que sans.
Madame la présidente, m'autorisez-vous à poser la question de mon collègue Daniel Paul, qui ne peut être présent car son train a pris du retard ?
J'aurais été ravie de vous être agréable, mais le règlement ne le permet malheureusement pas.
Pourtant j'ai déjà bénéficié d'une mesure dérogatoire en pouvant poser la question d'un autre collègue.
C'est impossible dans le cadre des questions budgétaires. J'applique strictement le règlement.
Je le comprends, madame la présidente. J'en viens à ma question.
Monsieur le secrétaire d'État, le chômage est en hausse : il frappe près de 4 millions de personnes, si l'on intègre les emplois précaires qui permettent à peine de survivre ; l'année 2009 aura vu près de 600 000 chômeurs de plus ; pourtant, le budget que le Gouvernement consacre aux demandeurs d'emploi est en baisse de 1,5 milliard. Il est pour le moins paradoxal que, lorsque chômage augmente de 20 %, votre budget diminue, lui, de 15 %. Cela illustre parfaitement la place que les chômeurs tiennent dans votre politique.
La déclaration de Mme Brunel, que j'ai lue dans la presse ce matin, est éclairante dans sa naïveté : « À propos de la partie travail-emploi, on ne peut pas trop réduire les moyens », dit-elle. On appréciera la litote !
C'est une conduite d'échec, qui vous pousse à refuser toujours de contraindre les entreprises bénéficiaires d'aides publiques d'adopter un comportement plus vertueux. La contractualisation des aides publiques devrait participer à l'effort en faveur de la création d'emplois. Malheureusement, on gâche les milliards d'euros de fonds publics et d'exonérations diverses, attribués en pure perte. Les entreprises bénéficiaires ont même le front de s'offusquer lorsque la nation leur demande des comptes en contrepartie de l'effort accompli en leur faveur. Année après année, la Cour des comptes épingle cette dispendieuse et inefficace politique d'exonérations fiscales et sociales.
La crise a permis d'atteindre l'apogée de l'absurde : l'État a distribué une centaine de milliards d'euros sans aucun engagement en faveur de l'emploi. À propos des sociétés bénéficiaires du fonds stratégique d'investissement, citons Nexans qui a empoché 58 millions d'euros de fonds publics qui lui ont permis d'accroître sa rentabilité, de gonfler les dividendes servis aux actionnaires tandis que son cours de bourse augmentait de 70 % en un an. Cela ne l'a pas empêché de fermer, deux mois plus tard, des usines en France, jetant à la rue des centaines d'ouvriers : 387 précisément, dont 230 à Chauny, dans ma circonscription. Ce n'est pas une fiction, mais une histoire vraie : celle de Nexans !
Monsieur le secrétaire d'État, ma question est donc simple : allez-vous imposer aux entreprises des contreparties en termes de créations d'emplois lorsque l'État leur alloue des fonds publics, quelle que soit la forme d'attribution – subvention, prime, participation, prêt bonifié ou non, titre supersubordonnés, etc. ?
Monsieur le député, vous m'interrogez sur les contreparties imposées quand sont accordés des dispositifs d'aide. Je vais répondre à cette question d'ordre général, puis plus précisément sur le cas de Nexans.
Dans le cadre de la politique de l'emploi, il y a toujours une contrepartie aux dispositifs d'aide. Ainsi l'activité partielle, notamment l'APLD – l'activité partielle de longue durée –, n'est autorisée que si l'entreprise s'engage à ne pas procéder à des licenciements de personnes ayant été concernées par l'activité partielle. C'était d'ailleurs l'une des conditions pour que les partenaires sociaux acceptent de soutenir ce dispositif qu'ils ont négocié, et je n'y ai vu aucun problème.
S'agissant de Nexans, c'est un cas douloureux que vous connaissez bien.
Le chiffre d'affaires de cette entreprise a en effet fondu, avec une chute de plus de 20 % durant cette année 2009, et une reprise qui sera très lente, au mieux pas avant le second semestre de 2010. Le fonds stratégique d'investissement est intervenu au sein de l'entreprise, mais pas en injectant de l'argent frais. Son objectif était uniquement de consolider l'actionnariat dans le cadre d'un système de rachat de titres. Le FSI n'est pas là pour empêcher des restructurations malheureusement inévitables si l'on veut permettre la poursuite de l'activité.
En revanche, là où vous avez raison, c'est que l'intervention du FSI impose une très grande vigilance sur les sociétés dans lesquelles on prend des participations pour s'assurer qu'il s'agit d'une solution de dernier recours et que les engagements pris par l'entreprise sont exemplaires en termes d'obligation de revitalisation et de reclassement.
À Nexans, la direction a proposé quatre-vingts postes sur les autres sites français du groupe, et vingt en Allemagne. Nous continuerons à veiller avec vigilance à ce que le groupe assume ses responsabilités en termes de traitement social et de recherche de solutions de revitalisation du site.
Je mesure bien que ma réponse est loin d'être réjouissante, monsieur le député, mais, je le répète, quand le FSI intervient, nous devons être extrêmement exigeants sur le respect des obligations légales et des obligations de reclassement.
Nous en revenons aux questions du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
La parole est à M. Georges Colombier.
Monsieur le secrétaire d'État, depuis le début de la crise, le Gouvernement s'est mobilisé sur le front de l'emploi, avec un double objectif : premièrement, tout faire pour maintenir l'emploi et éviter les licenciements ; deuxièmement, aider à rebondir les salariés qui ont perdu leur travail. Dans ce cadre, en lien avec les partenaires sociaux, une série de mesures directement opérationnelles ont été mises en oeuvre afin de renforcer l'utilisation des outils de maintien dans l'emploi – soutien à l'activité partielle et à la formation – et de mieux accompagner les salariés licenciés économiques avec, par exemple, l'extension à quarante bassins d'emploi du contrat de transition professionnelle et l'amélioration de la convention de reclassement personnalisé.
Toutefois aider les salariés à rebondir implique aussi que nos entreprises continuent à embaucher et à créer de l'emploi. Avec mon collègue Laurent Hénart, qui s'investit beaucoup dans le domaine de l'emploi, nous pensons en particulier aux plus petites d'entre elles car elles jouent un rôle crucial dans notre économie, avec 3 millions d'embauches par an. Cependant elles sont aussi les plus fragilisées par la crise. C'est pourquoi, dans le cadre du plan de relance, une aide spécifique à l'embauche pour les entreprises de moins de dix salariés a été instaurée, sous forme d'exonération totale de cotisations patronales au niveau du SMIC.
Pourriez-vous nous indiquer, monsieur le secrétaire d'État, combien d'embauches ont été réalisées grâce à ce dispositif, quel type d'entreprises en a bénéficié et quel est le profil des salariés recrutés ?
Monsieur Colombier, quand le portefeuille de l'emploi m'a été confié, une chose m'a frappé : l'actualité médiatique n'évoquait que les grands groupes. J'ai alors demandé quelle était la réalité, qui embauchait chaque année dans notre pays : l'écrasante majorité des embauches, vous l'avez très bien relevé dans votre question, s'effectue dans les entreprises de moins de dix salariés. Nous n'allions donc pas établir un plan de relance en oubliant le principal moteur d'embauche. C'est pourquoi nous avons proposé au Président de la République un dispositif simple, concentré sur les entreprises de moins de dix salariés, et destinés à accompagner avec une exonération totale de charges toutes celles qui embauchent dans cette période.
Ce dispositif a permis la réalisation de plus de 600 000 embauches. Cela représente un flux de plus de 4 000 recrutements par jour dans ce type d'entreprise. C'est de très loin le dispositif le plus efficace et, surtout, il est très simple à mettre en oeuvre : les formulaires sont entièrement téléchargeables sur le site de Pôle emploi, dont les services instruisent ensuite tout le processus. Nous n'aurions jamais réussi à le faire avec le vieux logiciel ANPE-ASSEDIC. Tous les acteurs relèvent d'ailleurs la simplicité du dispositif. Le meilleur indice de performance, c'est que le secteur des entreprises de moins de dix salariés est le seul à parvenir à maintenir le même flux d'embauches en période de crise. Cela montre bien que ce dispositif est vraiment extrêmement efficace.
Je rappelle qu'il a trois caractéristiques.
La première, c'est de permettre l'embauche de très nombreux jeunes. En effet, le dispositif zéro charges a contribué au redressement de la situation des jeunes au regard du chômage durant les cinq derniers mois, après une très difficile première partie d'année.
La deuxième, c'est que le flux d'embauches ne s'est pas traduit par une plus grande précarité parce que celles-ci ne se poursuivent pas ensuite par des CDD. On a même eu une amélioration du pourcentage d'embauches en CDI dans les entreprises de moins de dix salariés.
Enfin, le dispositif zéro charges bénéficie surtout aux toutes petites entreprises. Cela constitue donc aussi une aide au démarrage qui leur permet de procéder à leurs premières embauches.
Autant vous dire que nous n'allions pas laisser cet outil, le plus performant de la politique de l'emploi, au bord de la route. Il est donc prolongé pour les embauches sur la première moitié de l'année 2010 ; tout contrat signé au cours de cette période bénéficiera pour un an de l'exonération zéro charges.
Monsieur le secrétaire d'État, les services à la personne contribuent fortement au bien-être de nos concitoyens, qu'il s'agisse de services à la famille, de services tournés vers la vie quotidienne ou vers les personnes dépendantes ; ils correspondent à une demande sociale importante et diversifiée. Aujourd'hui, ce secteur emploie près de deux millions d'actifs. Je tiens à souligner que, dans l'économie française, il a été celui dont la croissance a été la plus forte au cours des quinze dernières années. C'est un phénomène exemplaire.
Ce type de services bénéficie d'avantages fiscaux. Néanmoins, on constate une inégalité entre actifs et retraités. En effet, si les actifs bénéficient d'un dispositif qui ouvre droit à une réduction d'impôt ou à un remboursement que la personne soit imposable ou non, les retraités, quant à eux, bénéficient d'une réduction d'impôt qui ne fait l'objet d'un remboursement qu'à la hauteur du montant de l'impôt dû. Ainsi, une personne retraitée non imposable ne peut malheureusement pas bénéficier du dispositif de réduction fiscale.
Monsieur le secrétaire d'État, je souhaite savoir si des mesures sont envisagées afin de rétablir l'équité fiscale entre actifs et retraités. Je rappelle que ces derniers constituent une part importante des utilisateurs de ces services.
Je sais, monsieur Grall, que vous êtes attentif à la situation des personnes âgées, et nos aînés font partie de ceux qui recourent de façon importante aux services à la personne. Il est vrai que ce dispositif de crédit d'impôt, établi par la loi du 5 mars 2007, est réservé aux actifs, y compris les demandeurs d'emploi. En effet, nous considérons que la possibilité de recourir aux services à la personne est pour eux une aide pour arriver à concilier reprise d'activité et mode d'organisation de leur vie familiale. Il ne faut pas que la reprise d'activité se traduise par une perte d'argent. Nous connaissons tous le cas de quelqu'un qui a perdu de l'argent après avoir repris un emploi parce qu'il a dû payer pour la garde de ses enfants.
Une telle situation concerne évidemment moins souvent les personnes âgées. Néanmoins celles-ci bénéficient tout de même de dispositions fiscales favorables : un abattement sur le montant de leur revenu imposable lorsque celui-ci n'excède pas un plafond dont le montant est revalorisé tous les ans, avantage que n'ont pas les actifs ; les pensions alimentaires versées par les enfants sont déductibles ; enfin, et c'est ma principale réponse, les personnes âgées dépendantes peuvent percevoir l'allocation personnalisée d'autonomie, qui représente une aide très importante et permet souvent de recourir aux services à la personne, parfois via des associations telles que l'ADMR.
Il faut donc bien voir l'ensemble du dispositif, et pas seulement l'aspect fiscal. L'État consacre déjà beaucoup d'argent au développement du secteur des services à la personne : 2,5 milliards d'euros lui sont affectés. Il faut être raisonnable dans l'utilisation des fonds publics.
En outre, je vous rappelle que nous avons misé sur les services à la personne, avec un plan d'envois de chèques pour financer ce type de prestations. Il convient de ne pas oublier que c'est le secteur qui crée les plus d'emplois. Il reste un moteur très puissant de créations d'emplois. Il s'est maintenu au cours de la dernière période. De plus, ce ne sont pas des emplois délocalisables. Il mérite donc de continuer à recevoir notre soutien.
Nous en revenons aux questions du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
Monsieur le secrétaire d'État, je vous ai interpellé ce matin à propos du contrat de transition professionnelle. Je vous rappelle qu'il a été introduit par un amendement gouvernemental au Sénat, lors de l'examen d'un projet de loi de finances relatif au retour à l'emploi, et que l'Assemblée n'en a pas été saisie puisqu'il a été validé en CMP. Ce contrat a été amélioré à diverses reprises – par les lois des 5 mars 2007, 13 février 2008 et 25 décembre 2008 –, mais il ne vous aura pas échappé, même si vous avez balayé cet argument d'un revers de la main, que notre proposition de loi, défendue notamment par Alain Vidalies le 30 avril dernier, proposait la généralisation du CTP sur l'ensemble du territoire, et non plus seulement son application à titre expérimental.
Monsieur le secrétaire d'État, ce qui nous sépare sur le principe, c'est que vous, vous considérez qu'il s'agit d'une mesure conjoncturelle destinée à faire face à la crise.
Nous, nous estimons qu'il s'agit d'une véritable avancée vers une sécurisation des parcours professionnels, et nous sommes favorables à sa généralisation. À cet égard, nous nous étonnons que les crédits affectés au CTP soient inscrits dans le plan de relance à hauteur de 68 millions d'euros, et non pas dans les budgets alloués aux programmes nos 102 ou 103. Vous avez dit assumer que certaines mesures soient inscrites dans le plan de relance parce que vous les considérez comme conjoncturelles alors que nous, nous les considérons comme structurelles. Pouvez-vous éclaircir ce point ?
Les conventions de reclassement personnalisé et les CTP s'étant rapprochés en termes de volume et de moyens, ne pourrait-on pas travailler à une uniformisation du système, à sa généralisation et à trouver un financement partenarial puisque leur source de financement n'est pas la même ?
Monsieur le rapporteur Christian Eckert, merci de votre question sur le CTP.
D'abord, comme j'ai déjà eu l'occasion de le souligner, je me réjouis que vous ayez changé de position à son égard. (Murmures sur les bancs du groupe SRC.)
Mais c'est bien, ce n'est pas un problème d'évoluer !
Ce dispositif n'avait pas été voté par le groupe socialiste au moment où il avait été proposé, et quand l'expérimentation avait été lancée. Il fait désormais l'objet de votre soutien, et je suis très heureux que vous ayez changé de position pour nous rejoindre et soutenir le CTP.
Rendons à César ce qui lui appartient : ce sont les syndicats, notamment la CGT et FO, qui ont été à l'origine de la réflexion et ont inspiré le CTP.
Quel travail avons-nous fait ? Quelle est mon approche du CTP ?
D'abord, je considère qu'il s'agit d'un laboratoire où nous testons ce que doivent être les contours de notre future politique de l'emploi. Grâce à cet outil, on s'aperçoit que, en misant plus sur l'accompagnement, en utilisant à plein la formation et en mettant en place des dispositifs souples – les demandeurs d'emploi peuvent avoir le courage de prendre un CDD, tout ayant la possibilité de revenir sans perdre leurs droits si cela ne marche pas – on réalise des économies. Ces personnes retrouvent un emploi plus vite, donc cela ne nous coûte pas plus cher.
Voilà pourquoi je considère le CTP comme un laboratoire de notre politique de l'emploi à venir. Sommes-nous restés inactifs par ailleurs ? Pas du tout ! Comme vous l'avez très bien relevé, nous sommes en train de tirer vers le haut l'ensemble de nos dispositifs pour tous les salariés sur tout le territoire, avec la convention de reclassement personnalisée.
Alors que la CRP n'avait rien à voir avec le CTP il y a un an, nous sommes désormais en train de généraliser l'outil de la CRP. Cette dernière est reformatée sur les contours du CTP, en lui empruntant ses possibilités d'aller-retour plus souples, un meilleur accompagnement personnalisé, des moyens de formation mobilisés.
Ainsi, nous utilisons le CTP comme un cheval léger qui nous permet d'explorer et de tester, tout en tirant tout notre dispositif vers le haut avec la CRP.
Monsieur le ministre, je souhaite vous interroger sur un sujet qui me tient à coeur : l'insertion dans le monde du travail des personnes porteuses d'un handicap. J'associe à ma question mon collègue Patrick Lebreton.
La loi pour l'égalité des droits et des chances des personnes handicapées a fait naître chez elles un formidable espoir. En effet, elle met en oeuvre des principes forts pour favoriser leur emploi, par des mesures de non-discrimination et par des aides de l'État.
Si, en théorie, cette loi constitue une réelle avancée, force est de constater que, sur le terrain, la réalité est toute autre. Depuis, les gouvernements successifs n'ont pas mobilisé les moyens budgétaires nécessaires à la mise en place d'une politique volontariste d'insertion professionnelle de ce public. Ainsi l'obligation faite aux employeurs du secteur public et privé de réserver à ces personnes un quota de 6 % de leur effectif est loin d'être respectée. Cela est encore plus vrai outre-mer, singulièrement à la Martinique.
Dans nos régions, l'accès à l'embauche des personnes porteuses de handicaps demeure un sujet de préoccupation majeure. À cela deux raisons : la plupart de ces personnes sont sous-qualifiées, sous-formées ; on constate un manque criant de structures d'évaluation des compétences des personnes handicapées, capables d'intervenir tant au niveau de l'insertion, de l'orientation que de la formation professionnelle. Les moyens du renforcement de l'accompagnement vers l'emploi font donc cruellement défaut.
En outre, la loi de 2005 qui a transformé les ateliers protégés en entreprises adaptées, les maintient dans le champ du travail ordinaire, entraînant de grandes difficultés allant même jusqu'à la fermeture de certaines d'entre elles.
Enfin, concernant les établissements de services d'aide par le travail, on note un fort désengagement de l'État en matière de dotation financière, ce qui conduit à un manque de moyens dans la mise en place du suivi médico-social.
Monsieur le ministre, dans le contexte actuel, quelles mesures comptez-vous prendre pour renforcer l'accompagnement des personnes handicapées vers l'emploi, tant en métropole qu'en outre-mer ?
Monsieur Manscour, vous nous avez rappelé, à juste titre, que la loi de 1987 oblige les employeurs à recruter 6 % de travailleurs handicapés. Cependant ce taux d'emploi n'est pas encore atteint, même s'il progresse. Une étude publiée par la DARES, en juillet dernier, montre que la fonction publique emploie 4,4 % de travailleurs handicapés – contre 4 % en 2007 –, et que le secteur privé a enregistré une progression de 12 % d'une année sur l'autre pour atteindre le taux – certes modeste – de 2,8 %.
Ce sujet ne doit pas provoquer de clivage entre nous. C'est une priorité du Gouvernement comme de tous les élus. Souvenez-vous que le 10 juin 2008, lors de la conférence sur le handicap, le Président de la République a considéré qu'il devait faire l'objet d'un pacte national : le pacte national pour l'emploi des personnes handicapées.
La lettre de mission du secrétaire général du comité interministériel du handicap, le CIH, qui a été institué hier en conseil des ministres, par Nadine Morano et moi-même, fera de la mise en oeuvre du plan sa priorité.
Comment faire pour que les choses aillent mieux, monsieur Manscour ?
D'abord, il faut mieux accompagner les personnes handicapées vers l'emploi, repérer celles qui ont le plus besoin de travailler et voir comment leurs capacités peuvent être améliorées. Les maisons départementales des personnes handicapées établissent désormais un bilan professionnel des personnes qui veulent trouver un emploi.
Il convient ensuite de faire en sorte que leur formation puisse s'améliorer : 83 % des travailleurs handicapés ont une formation inférieure au BEP. L'accès à la formation doit donc être renforcé. En loi de finance initiale pour 2009, nous avons supprimé la limite d'âge pour l'accès des personnes handicapées à l'apprentissage, par exemple.
Il est aussi indispensable de lever des obstacles. Souvenez-vous par exemple que, avant le 1er janvier 2009, le demandeur d'allocation adulte handicapé devait compter un an d'inactivité pour la percevoir. Nous avons supprimé de délai, et celui qui perd son emploi n'a plus besoin d'attendre un an avant de toucher l'AAH.
Il faut également mobiliser les partenaires sociaux, en particulier les employeurs. Le nombre d'accords aura progressé de 15 % en 2009. Tous les ministères sont engagés dans un plan pluriannuel d'embauches, y compris en outre-mer, ce qui a permis une augmentation de 50 % des recrutements en un an. Laurent Wauquiez suit très attentivement ce travail qui produit ces résultats.
Je vous rappelle enfin quelques données pour terminer : 135 millions d'euros sur deux ans sont affectés à l'AGEFIPH pour des aides à l'embauche et le maintien de l'emploi ; l'AAH va être réformée pour devenir un tremplin vers l'emploi avec la mise en place de mécanismes incitatifs à partir du 1er janvier 2010 ; les employeurs qui n'ont rien fait sur ce sujet pendant plus de trois ans verront leurs cotisations à l'AGEFIPH tripler en 2010 ce qui constitue tout de même un malus particulièrement sensible.
J'ai eu à traiter ce sujet à bien des moments de ma carrière, et je crois qu'il ne faut surtout pas nous contenter de nous enfermer dans un système d'obligations et de contraintes ; même s'il est très important d'en avoir. Il faut aussi que nous changions le regard sur les travailleurs handicapés. Accueillir un élève handicapé est une chance pour une classe. De même, lorsqu'une entreprise met en place une organisation compatible avec le handicap, c'est le bien-être de tous les salariés qui progresse.
Ma question complète celle de ma collègue Monique Iborra sur le Pôle emploi.
Le Gouvernement réforme le service public de l'emploi à marche forcée, ce qui entraîne diverses conséquences. D'abord, on constate l'usure du personnel, confronté à des conditions de travail aggravées et menacé de risques psychosociaux. D'ailleurs, une grève a eu lieu le 20 octobre dernier.
Notons ensuite la détérioration de la qualité du service. Les demandeurs d'emploi ne font plus la queue à l'ANPE, mais ils restent seuls, sans rendez-vous pendant plusieurs mois. Leur seul recours est le serveur vocal 39-49 qu'ils ont beaucoup de mal à obtenir. En guise d'accompagnement, le plus souvent en bout de course, ils n'obtiennent que dix minutes de suivi mensuel, ce qui n'est pas satisfaisant.
Le service rendu aux entreprises s'est également détérioré. La prospection des offres d'emploi est abandonnée, notamment pour placer des contrats en alternance. Faute de partenariat avec les acteurs territoriaux, les réponses sont inadaptées aux besoins des territoires.
Enfin, le développement massif de la politique de sous-traitance au privé n'est pas forcément la solution.
Monsieur le secrétaire d'État, ma question est double.
D'abord, ne pensez-vous pas qu'il serait indispensable de développer des politiques de partenariat avec les acteurs locaux, notamment avec les régions et les conseils régionaux qui assurent des expérimentations locales d'insertion des publics les plus en difficulté ?
Puisque vous avez répondu à ma collègue que vous ne souhaitiez absolument pas revoir le calendrier pour permettre à la fusion de se passer le mieux possible, que comptez-vous faire pour que la prise en charge de nos demandeurs d'emploi puisse se faire dans de bonnes conditions ?
Madame Girardin, je tiens à rappeler que le site de Pôle emploi de Saint-Pierre-et-Miquelon était le premier guichet unique de France, et à rendre hommage au très bon travail que vous avez réalisé là-bas.
Faisons un petit rappel sur le rythme.
Depuis combien de temps la loi a-t-elle été adoptée ? Un an et demi. Quand nous aurons achevé la vague des sites mixtes, le délai atteindra deux ans. Dans ce pays, considère-t-on que prendre deux ans pour mener une réforme c'est la conduire sabre au clair ? Je ne pense pas. Je n'ai pas demandé à ce que ce soit fait en trois ou six mois. Nous aurons pris deux ans pour y arriver ! Entre l'adoption de la loi et la mise en place des colonnes du temple de notre projet, deux ans se seront écoulés.
Combien d'heures de négociation avec les partenaires sociaux cette réforme a-t-elle nécessité ? Donnez un chiffre ! Il s'agit de 3 500 heures, soit plus de 400 réunions sur le terrain. Je n'ai donc pas cherché à avancer à tout prix. Si l'on considère que prendre deux ans pour conduire une réforme c'est la mener pied au plancher, on ne va plus rien faire dans notre pays !
Cela étant, je n'ai pas exclu d'adapter le rythme en fonction de la crise. S'agissant de l'entretien unique d'inscription notamment, nous avons accepté de travailler avec les partenaires sociaux, pour nous donner du temps et évaluer les choses avec eux. En revanche, je pense qu'il faut maintenir le rythme en ce qui concerne les sites mixtes qui améliorent les conditions de travail.
En ce qui concerne les risques psychosociaux, je tiens à faire une mise en garde que je m'adresse à moi-même. Pour en avoir beaucoup discuté avec les partenaires sociaux, je pense que nous devons faire très attention, et c'est pourquoi vous m'avez vu m'agiter lorsque le sujet a été évoqué : nous parlons en effet de vies humaines.
Tous les syndicats et les directeurs de ressources humaines concernés estiment qu'il existe un risque d'autoréalisation, quand le problème est évoqué sans que des dispositions aient été prises pour y faire face. Il faut donc faire très attention à cela. Nous devons tous faire preuve de sens des responsabilités sur ce sujet.
Cela ne signifie pas que je veux mettre le sujet sous le tapis pour le cacher : nous en avons parlé, nous avons adopté des dispositifs pour essayer d'anticiper les choses. Cependant, il faut veiller à ne pas agiter ce risque comme un épouvantail, ce qui serait très dangereux pour tout le monde.
Nous revenons au groupe de la gauche démocrate et républicaine, pour une dernière question.
La parole est à M. Jacques Desallangre.
Depuis la loi du 11 février 2005 sur le handicap, les textes s'appliquant aux établissement et service d'aide par le travail – d'une complexité par ailleurs remarquable – fragilisent le modèle français de travail protégé. Personne ne sera donc épargné par la logique de performance par le chiffre puisqu'elle s'applique sans réserve aux établissements accueillant des travailleurs handicapés. C'est délibérément oublier leur vocation médico-sociale car leur mission première n'est pas l'activité productive.
Ils souffrent pourtant de ne pas être rentables. Le décret paru le 28 septembre 2009 a ainsi privilégié une approche quantitative de ces activités, en basant les nouvelles modalités de financement de ces structures sur la fixation d'un tarif plafond qui s'élèvera à 12 840 euros en 2009. Il va sans dire que c'est peu au regard de la diversité et de la complexité des missions exercées par les ESAT. D'ores et déjà, 10 % d'entre eux dépassent ce plafond et n'auront donc aucune actualisation de leur budget 2008.
À l'instar de nombreux établissements médico-sociaux, particulièrement mal lotis financièrement, les ESAT ont un déficit structurel de fonctionnement compris entre 5 % et 7 %. Avec l'introduction obligatoire des contrats pluriannuels d'objectifs et de moyens, ce déficit structurel ne pourra pas être repris par le financeur au niveau des comptes administratifs.
Ajoutons que 40 à 50 % des ESAT sont en déficit sur leur compte social, notamment en raison de la crise économique qui les conduit à prendre en charge des dépenses qui devraient logiquement l'être par le compte social attribué par l'État.
Voici ma question à laquelle j'associe mon collègue Daniel Paul.
Il faut prendre en compte la réalité des moyens nécessaires au fonctionnement de ces établissements. Comment, avec un plafond de financement aussi bas, éviter le risque de creuser les déficits des comptes des ESAT ?
Le sujet que vous avez évoqué, monsieur le député, est principalement piloté par Xavier Darcos, mais j'y travaille avec lui.
Ce dernier a ouvert, en début d'année, 1 400 nouvelles places dans les ESAT, les établissements et services d'aide par le travail. Pour le reste, l'article 74 de la loi de finances initiale pour 2009 a prévu la mise en oeuvre d'un nouveau mécanisme de fixation de tarifs : ceux applicables aux ESAT en 2009 ont été fixés par l'arrêté du 28 septembre 2009 et définis avec précision à partir de l'examen du coût de fonctionnement des établissements, notamment lors des années précédentes. Le plafond général a été établi sur la base des 10 % des places les plus chères ainsi que sur celle de plafonds spécifiques plus élevés, qui tiennent compte des surcoûts liés à l'accueil majoritaire de certains publics handicapés.
Il s'agit bien d'un taux de revalorisation plafonné des places, et non d'un écrêtement des subventions. Le plafonnement de la dotation est donc la règle en 2009 pour les seuls établissements qui dépassent le plafond. Le but est de mieux utiliser l'argent et de le répartir de façon plus équilibrée sur un plus grand nombre de places. Nous pouvons ainsi ouvrir de nouvelles places, comme c'est le cas cette année.
Nous en revenons aux questions du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.
La parole est à M. Michel Liebgott.
Je souhaite revenir sur les entreprises d'insertion que M. Colombier a déjà évoquées.
Vous avez indiqué, monsieur le secrétaire d'État, qu'il fallait évaluer la qualité de l'accompagnement afin d'utiliser efficacement les crédits qui lui sont alloués. Cette exigence est constante : les politiques menées doivent toujours être évaluées. Je veux néanmoins vous rappeler que l'aide à l'insertion n'a pas été revalorisée depuis de nombreuses années, de sorte que l'on peut inverser la question : le manque d'efficacité ne vient-il pas de l'insuffisance des crédits ou même de celle des évaluations ?
Les professionnels concernés ont le sentiment de n'être pas toujours considérés comme ils le devraient. Ainsi, dans ma circonscription, l'entreprise Valoprest effectue un travail harassant et difficile de récupération des déchets, qui attire peu de candidats. Ces entreprises à part entière, qui versent des cotisations, sont pourtant très utiles, et nous font réaliser d'énormes économies ; sans elles, les bénéficiaires du RSA, de la CMU ou d'un suivi social – logement d'urgence ou service judiciaire, par exemple – n'en seraient que plus nombreux. Malgré les doutes que l'on peut avoir sur la qualité de l'accompagnement, il est toujours préférable d'insérer les gens que de les laisser sans activité. Un effort est donc souhaitable, même si, j'en conviens, il faut être plus exigeant sur les conditions d'accompagnement, et ce dans l'intérêt même des salariés.
S'il y avait un doute, monsieur Liebgott, votre question me permet de le lever. Je crois beaucoup en l'insertion par l'activité économique, et pense être l'un des rares ministres de l'emploi à n'avoir manqué aucune séance du Conseil national de l'insertion par l'activité économique ; j'assisterai encore bientôt à la prochaine séance.
J'ai veillé à ce que le plan de relance comporte des dispositions relatives à l'insertion par l'activité économique, ce qui a permis de créer 1 500 places supplémentaires. En outre, les dotations prévues pour ce secteur ont augmenté dans le présent budget, et les conseils départementaux d'insertion par l'activité économique, que l'on avait à tort mis en sommeil, seront relancés.
Je crois d'autant plus à ce type d'insertion que, avant d'être élu, je m'étais investi dans une structure spécialisée en ce domaine. J'en connais donc bien les difficultés, les réussites comme les nombreux échecs – les seconds ne devant pas faire oublier les premières –, sans compter les aléas budgétaires et les relations parfois tendues avec les directions départementales. Celles-ci appliquent les consignes qu'on leur donne, ce qui peut générer des incompréhensions par rapport au travail fin, astreignant et difficile que les structures accomplissent tous les mois.
Nous avons donc ouvert une réflexion collective : les structures spécialisées dans l'insertion par l'activité économique sont très différentes, de même que les réalités, plus ou moins difficiles selon les domaines. Or le dispositif actuel est trop contraignant : l'expérimentation permettra en ce sens une meilleure modulation. Il est hors de question pour moi d'imposer un système : nous le construirons avec tous les acteurs, car je ne veux pas déstabiliser le secteur. Le message politique que je veux faire passer est que, même avec des personnes « cassées » par la vie et très éloignées de l'emploi, on peut réussir en s'en donnant les moyens.
Nous sommes inquiets sur l'avenir de l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes, dont je n'ai pas eu le temps de parler ce matin. Trois scénarios se dessinaient. Les deux premiers – la fusion avec Pôle emploi et l'éclatement en vingt-deux entités régionales – étant visiblement caduques, reste le troisième, à savoir le maintien d'un association nationale dont, selon nous, les moyens se réduiront comme peau de chagrin.
Par la loi relative à la formation professionnelle, le Gouvernement a en effet organisé le transfert des psychologues de l'AFPA, point qui fait l'objet d'un recours auprès du Conseil constitutionnel de la part des sénateurs socialistes, ainsi que le transfert de son patrimoine, estimé à 400 millions d'euros, vers l'AFPA elle-même. Cette dernière idée, qui peut sembler généreuse, est en réalité un cadeau empoisonné, le comité central de l'entreprise estimant par exemple que le coût d'entretien et de rénovation des locaux s'élèvera, sur plusieurs années, à 350 millions d'euros. Or la ligne de crédits prévue pour 2010 est tombée à 10 millions d'euros, contre 62 millions il y a deux ans.
Le piège est donc en train de se refermer sur l'AFPA. On a d'ailleurs le sentiment que le transfert envisagé vise à bloquer les initiatives des régions, dont certaines étaient prêtes à organiser des services publics régionaux, ou du moins à prendre en charge le patrimoine régional de l'AFPA, dont la gestion s'apparente à celle des lycées ou des centres de formation d'apprentis. Je vous rappelle d'ailleurs que vous êtes en contentieux avec la région Centre sur ce sujet.
Le choix du Gouvernement, qui ne nous surprend malheureusement pas, est celui de la concurrence à tous crins, alors même que la législation européenne ne s'oppose pas au maintien d'un service public soutenu par les collectivités locales. Le transfert du patrimoine ne fera qu'ajouter aux difficultés de l'AFPA, car, pour boucler son budget, celle-ci sera obligée de vendre ce patrimoine et d'abandonner certaines activités.
Le Gouvernement est-il prêt à augmenter les crédits de l'AFPA, comme le propose l'un de nos amendements ? Quelle est, plus généralement, sa vision de l'avenir de l'AFPA ?
Nous avons beaucoup débattu de l'AFPA, monsieur Gille, et j'y ai aussi travaillé avec M. Jégo pour ce qui concerne l'outre-mer. Ensemble, nous avons tenté de définir l'avenir de cette association.
Comme vous l'avez dit, trois scénarios étaient possibles.
Le premier était la fusion avec Pôle emploi : nous l'avons rejeté, car l'AFPA y aurait perdu sa spécificité par la dilution de ses compétences.
Le deuxième scénario, voulu par certaines régions, était le démantèlement au profit d'AFPA régionales. Nous l'avons également refusé, car je suis très attaché au maintien d'un opérateur national. Les salariés rejetaient eux aussi ce scénario.
Le troisième scénario revient à réfléchir à l'avenir de l'AFPA : comment en faire l'opérateur de référence pour la formation professionnelle et la formation continue, notamment pour les publics les plus en difficulté ? Comment la consolider tout en respectant les règles européennes de libre concurrence ? Telle est la voie que nous avons choisie.
Nous avons négocié avec la Commission européenne afin de laisser à l'AFPA le temps de s'adapter : nous signerons ainsi avec elle une convention d'objectifs, de moyens et de performances d'ici à 2013. Ce temps nous permettra aussi de lui transférer ses terrains et son patrimoine immobilier, dont elle n'est pas propriétaire aujourd'hui. Ce serait, dites-vous, un cadeau empoisonné car ce patrimoine n'est pas en très bon état. C'est peut-être vrai, mais ce qui me laisse songeur est que ce patrimoine, tout le monde le réclame : les régions, et même les partenaires sociaux auxquels j'avais proposé qu'il reste propriété de l'État. Il est en effet intéressant car, moyennant une bonne gestion et de bonnes opérations immobilières, il accroîtra considérablement les ressources de l'AFPA et, partant, ses capacités de rénover les bâtiments ; c'est d'ailleurs ce que reconnaissait le président de la région Aquitaine au sujet du terrain actuellement occupé par l'association.
Ma confiance dans l'AFPA vient surtout de ce que ses personnels sont les meilleurs. Tous les résultats l'attestent : l'AFPA propose les meilleures formations pour les personnes les plus éloignées de l'emploi et les publics les plus fragiles, au profit desquels la loi relative à la formation professionnelle – dont je regrette, monsieur Gille, que vous ne l'ayez pas votée – réoriente l'argent de la formation professionnelle, selon le voeu unanime des partenaires sociaux. Bref, l'AFPA a son avenir devant elle, mais nous devons l'accompagner sur ce chemin.
Comme d'habitude, monsieur le secrétaire d'État, vos arguments sont spécieux. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.) Ce ne sont pas les régions qui ont demandé le transfert du patrimoine de l'AFPA : c'est le Gouvernement auquel vous appartenez qui l'a imposé sans que nous le demandions. Votre réponse, je le répète, était donc spécieuse. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
J'en viens, monsieur le ministre du travail, à la politique de la ville, qui, même si personne n'en parle, est complètement sinistrée. Les quartiers souffrent de difficultés énormes, l'emploi des jeunes y est sinistré beaucoup plus qu'ailleurs. M. Hirsch, avec son plan, reste aussi muet que vous sur ce point.
Des éléments objectifs révèlent pourtant des échecs patents, comme celui, que chacun s'accorde à reconnaître, des contrats d'autonomie, échec d'ailleurs redoublé par votre choix de confier les missions concernées à des opérateurs privés plutôt qu'aux missions locales et aux associations d'insertion. Malgré cela, rien n'est prévu pour rectifier le tir.
Plus grave, monsieur le ministre, une circulaire du 19 octobre émanant du secrétariat d'État chargé de la politique de la ville, lequel dépend de votre ministère, limite considérablement la possibilité, pour les associations, de recruter des adultes-relais. Nous les avions créés lorsque nous étions aux affaires, et l'on continuait à en recruter à doses homéopathiques ; or vous vous apprêtez à les supprimer. Quand ferez-vous enfin preuve, en faveur de ces quartiers abandonnés, du volontarisme politique dont vous vous parez ?
Mieux vaut s'occuper de l'emploi dans ces quartiers que d'y décréter le couvre-feu. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
On peut difficilement soutenir, madame Iborra, que le Gouvernement ne se soucie ni de la politique de la ville ni des banlieues. Mme Fadela Amara, secrétaire d'État chargée de la politique de la ville, suit ces questions ; la dynamique « Espoir banlieues » avance, et beaucoup d'argent y est consacré. Dans mes précédentes fonctions de ministre de l'éducation, j'ai ainsi pu constater que de très nombreuses actions étaient menées à ce titre : je pense aux internats de réussite éducative, au busing, à l'accompagnement éducatif pour les élèves des quartiers souhaitant rester à l'école le soir ou aux contrats urbains de cohésion sociale. Je vous retourne donc le reproche que vous adressiez à Laurent Wauquiez : votre présentation est spécieuse.
Je ne puis laisser dire que rien n'est fait dans ces quartiers,…
…même s'il est vrai que les politiques globales méritent, comme les politiques de zonage, d'être réexaminées. Sans doute faudra-t-il donner en 2010 un nouvel élan à la dynamique « Espoir banlieues » ; je suis d'ailleurs prêt, si le président Méhaignerie le souhaite, à en parler devant votre commission des affaires sociales.
Vous avez cependant évoqué ce qui vous paraît être l'échec du contrat d'autonomie. Comme beaucoup d'actions engagées dans ce secteur, il s'agit d'un dispositif expérimental : s'il y avait une recette miracle, cela se saurait. J'ai été pendant assez longtemps le maire d'une ville dont un quartier relevait de ces politiques, où nous avons fait un dossier ANRU et bien d'autres choses. Nous savons tous qu'il est très compliqué de régler définitivement les situations dans ces quartiers.
Pour en revenir au dispositif expérimental du contrat d'autonomie, je rappelle que 45 000 jeunes de seize à vingt-cinq ans pouvaient être concernés. Nous avons ciblé les quartiers prioritaires, dans trente-cinq départements où le taux de chômage était très élevé. Le dispositif s'est mis en place à partir de la fin de l'année 2008 et, en 2009, nous dénombrons déjà un total de 15 820 contrats signés, ce qui, en si peu de temps, n'est déjà pas si mal.
C'est 70 % de l'objectif cumulé. On ne peut pas dire que ce soit rien. Le 13 octobre 2009 s'est tenue une réunion nationale sur le contrat d'autonomie, au cours de laquelle les préfets ont présenté les premiers résultats. Les jeunes auxquels l'on n'avait aucune solution à proposer, ceux qui ne voyaient jamais l'horizon se dégager ont été reçus, informés, pris en charge par les missions locales ou les espaces économie emploi, et maintenant par Pôle emploi.
On ne peut pas dire que tout cela n'ait pas donné de résultats : 29 % des jeunes qui ont mené à leur terme le contrat d'autonomie ont trouvé un emploi, ce qui représente 1 620 personnes.
Je ne peux pas répondre en deux minutes à une question aussi vaste que celle de la politique de la ville, mais je suis tout à fait disposé à ce que nous en parlions dans un autre contexte, où nous pourrions dresser un bilan et peut-être proposer de nouvelles étapes.
Je vous ai interpellé ce matin, monsieur le ministre, sur les crédits affectés au chômage partiel. La loi de finances de 2009 avait ouvert 39 millions d'euros dans le programme 103, auxquels s'étaient ajoutés 258 millions d'euros dans le programme 316 du plan de relance, soit un total de près de 300 millions d'euros affectés au chômage partiel. Certes, le chômage partiel n'est pas une panacée, mais il peut aider à passer un cap difficile, d'autant que la période peut être mise à profit pour conduire des formations. Ainsi, plusieurs régions, dont la Lorraine, accompagnent les personnes subissant du chômage partiel par de la formation.
Vous avez courageusement inscrit 60 millions d'euros dans votre projet de loi de finances. L'année dernière, il y en avait 300. Est-ce à dire que vous estimez que le chômage partiel aura disparu en 2010, ou qu'il y en aura cinq fois moins qu'en 2009 ? Pas de crédits dans le programme 316 – j'ai vérifié – et 60 millions seulement dans le programme 103 : j'avoue ne pas comprendre !
Je ne peux que me féliciter de l'excellent climat d'échange et de collaboration qui a régné, d'abord entre les rapporteurs eux-mêmes, malgré quelques divergences, puis avec les services qui ont toujours répondu correctement à nos questions : lorsque nous les avons auditionnés, ils nous ont indiqué qu'il y avait là une vraie question. Inutile de multiplier les chiffres, ceux que j'ai cités suffisent à justifier mon inquiétude. Vous allez sans doute me parler de la fongibilité des fonds : ce ne serait pas une réponse satisfaisante.
Madame la présidente, permettez-moi d'abord de remercier M. Eckert, qui a salué le travail de nos services. Il est vrai qu'on ne peut que se féliciter de l'engagement de nos équipes dans une période aussi difficile.
Quel est, en matière d'activité partielle, notre raisonnement ?
D'une part, l'année 2010 devrait être moins dure que 2009. Vous en conviendrez avec moi et les chiffres le montrent, aussi bien pour ce qui est des flux de demandeurs d'emplois que pour les risques sur l'activité économique, nous sommes plutôt en sortie de crise, ce qui ne veut pas dire que ce sera facile en termes d'emploi.
D'autre part, il ne faut pas oublier que les 60 millions d'euros que vous évoquez ne seront pas seuls à financer l'activité partielle. Nous avons conclu un partenariat avec l'UNEDIC qui, pour la première fois de son histoire, a accepté de financer une action avant que les licenciements n'interviennent. Ce financement, qui viendra en support, devrait être de l'ordre de 100 à 150 millions d'euros.
Bien sûr, mais on ne peut pas réduire les montants qui sont mis sur la table pour l'activité partielle à ces seuls 60 millions d'euros.
Enfin, reportons-nous à la situation des années antérieures.
En 2008, l'activité partielle représentait 14 millions d'euros. Les chiffres dont il est aujourd'hui question sont trois fois plus élevés qu'avant la crise. Notre effort paraît raisonnable. Toutefois, soyons clairs, nous ne pratiquerons pas de restrictions budgétaires sur l'activité partielle, et nous ne répondrons pas à une entreprise qui en aura besoin pour garder ses salariés que nous sommes arrivés au bout de nos crédits.
Ma question porte sur l'emploi des jeunes dans les outre-mer.
Si les jeunes constituent indéniablement une force et un atout, ils sont incontestablement les premières victimes de la crise. Ils le sont davantage dans les DOM-TOM, où le taux de chômage des moins de vingt-cinq ans atteint le chiffre record de 50 %, contre 19 % en métropole : ce n'est pas l'ancien ministre de l'outre-mer ici présent, notre collègue Yves Jégo, qui me démentira.
Cette situation sans précédent suppose, de la part de tous, une réaction urgente en faveur de notre jeunesse. La mission d'information du Sénat sur la situation des DOM propose même un véritable Plan Marshall pour lutter contre le chômage des jeunes en outre-mer.
Pourtant, monsieur le ministre, rien dans votre projet de budget, ni même dans le plan de relance ou dans le budget de l'outre-mer, n'est de nature à nous laisser espérer de nouvelles perspectives pour nos jeunes. Certes, le Gouvernement a proposé, en avril dernier, un plan d'action pour l'emploi des jeunes, mais il privilégie la création d'emplois dans le secteur marchand. Quand on connaît la nature du tissu économique en outre-mer et les difficultés que rencontrent les entreprises, je doute fort que cette orientation réponde aux véritables enjeux qui se posent en matière d'insertion des jeunes dans le monde du travail.
Il aurait été préférable de recourir à des contrats de type « emploi jeune », dans des secteurs tels que l'économie verte et les services à la personne. Mis en oeuvre il y a dix ans par les socialistes, ce dispositif est le seul à avoir prouvé son efficacité en matière d'insertion durable des jeunes dans l'emploi, contrairement à ce que certains prétendent.
Vous nous proposez des mesures de type contrats aidés ou contrats d'apprentissage, qui, si elles permettent de répondre ponctuellement à la difficile situation de certains jeunes, ne permettent pas, à elles seules, surtout en outre-mer, de régler efficacement et durablement le problème du chômage des jeunes.
Votre gouvernement nous a renvoyés d'abord à la LODEOM, puis au plan d'action jeune, jusqu'aux états généraux, mais, monsieur le ministre, les jeunes d'outre-mer ne peuvent plus attendre.
Lors de son discours sur l'emploi des jeunes, le 24 avril dernier, le Président de la République a affirmé qu'il fallait aller plus loin sur cette question en outre-mer et que des décisions importantes seraient prises lors du comité interministériel de ce vendredi.
Quelles mesures spécifiques comptez-vous prendre pour aider les jeunes domiens à s'insérer durablement dans le monde du travail ?
Monsieur le député, vous l'avez rappelé, les jeunes, plus particulièrement en outre-mer, ont payé un lourd tribut dans ce début de crise, dont ils ont été les principales victimes. Au début de l'année 2009, les chiffres étaient même vertigineux, puisque le taux d'emploi des jeunes avait chuté de façon dramatique.
Nous avons d'ailleurs beaucoup travaillé avec Yves Jégo au cours de cette période pour tâcher de réfléchir aux meilleurs outils à mettre en place, à la fois en métropole et en outre-mer. Nous avons essayé de mobiliser la totalité de nos dispositifs, mais, j'en suis désolé, je fais partie de ceux qui ne croient pas que les emplois jeunes étaient une bonne solution.
Il est normal que nous ayons des différences. Vous ne seriez pas contente d'être systématiquement d'accord avec moi, madame Iborra. Nous avons besoin de nos différences. (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
On voit bien, rétrospectivement, que les emplois jeunes ont bénéficié d'abord aux jeunes qui étaient les plus diplômés. Or même si, en période de crise, il est difficile pour des jeunes diplômés de trouver un emploi, il ne faut jamais oublier que ceux pour lesquels c'est vraiment dur, crise ou pas crise, ce sont ceux qui ont très peu de diplômes.
D'autre part, la sortie n'était absolument pas prévue.
Du coup, on s'est retrouvé avec beaucoup de jeunes qui ont été en sortie d'emploi jeune sans qu'aucune possibilité alternative ne leur soit proposée. C'est pourquoi nous avons essayé de privilégier des dispositifs auxquels nous croyons, notamment l'alternance, qui est celui sur lequel je mise le plus, en développant à la fois les contrats de professionnalisation et les contrats d'apprentissage.
Nous avons misé massivement sur ces dispositifs, avec des campagnes sur le terrain, notamment en outre-mer, pour redresser les chiffres de l'apprentissage et des contrats de professionnalisation, avec, bien souvent, l'apport des régions et des collectivités locales en outre-mer qui ont été pour nous des appuis essentiels. Résultat, nous avons réussi à inverser la tendance.
Je sais que vous êtes très attentif aux chiffres : jusqu'en juillet, ils étaient catastrophiques pour l'emploi des jeunes, avec un taux de chômage des jeunes qui progressait beaucoup plus vite que le taux de chômage global ; depuis juillet, la tendance s'est inversée, et le taux de chômage des jeunes a augmenté beaucoup moins vite que le taux de chômage global. Nos mesures ont commencé à produire leurs effets : il nous faut poursuivre.
Le chômage des jeunes est particulièrement grave en France, où 150 000 jeunes sortent chaque année du système scolaire sans qualification et sont voués à la précarité. La crise rend encore plus aiguë cette situation de chômage massif des jeunes, même si, vous nous le dites, certains signes sont encourageants.
La commission de concertation sur la politique de la jeunesse a permis une véritable reconnaissance des problèmes de la jeunesse, dont les travaux ont débouché sur la publication d'un Livre vert en juillet dernier. Or le plan « Agir pour la jeunesse » du 29 septembre 2009, présenté à Avignon par le Président de la République, qui propose d'aborder la lutte contre le décrochage scolaire et l'orientation des jeunes, met en oeuvre un RSA jeune qui ne concernera qu'un nombre très limité de jeunes et laissera de côté les jeunes les plus en difficulté, en rupture avec la formation et l'insertion sociale.
Le 24 avril 2009, le Président de la République a annoncé un plan d'urgence pour l'emploi des jeunes, qui comprend un certain nombre de mesures classiques : sous forme de prime pour l'embauche d'un jeune dans des dispositifs déjà existants, soit en contrat de professionnalisation, soit en contrat d'apprentissage, soit pour l'embauche d'un stagiaire en contrat durable, ou sous forme d'aide renforcée de l'État, pour l'embauche d'un jeune en contrat d'initiative dans des secteurs prioritaires, pour l'embauche en contrat passerelle dans le secteur non-marchand ou en contrat d'accompagnement formation, pour augmenter le nombre de places dans les écoles de la deuxième chance.
Ces mesures sont mises en oeuvre dans le cadre du fonds d'investissement social, le FISO, mis en place depuis le sommet social du 18 février 2009. Les dotations de l'État destinées à financer ces mesures sont inscrites dans la mission « Plan de relance de l'économie » pour 2010, mais les entrées dans ces dispositifs sont soit déjà effectuées en 2009, au cours du deuxième semestre, soit réalisées au plus tard au 30 juin 2010.
Pourtant, les jeunes ont toujours autant de mal à entrer dans la vie active : c'est même un problème récurrent qui ne sera pas résorbé avec la crise sociale qui, malheureusement, sera encore présente demain. Or le Gouvernement apporte aujourd'hui une réponse conjoncturelle de courte durée face au problème structurel de l'emploi des jeunes en France.
Monsieur le ministre, pouvez-vous préciser ce qu'il adviendra de ces mesures pour l'emploi des jeunes au-delà du 30 juin 2010 ? L'application de certaines de ces mesures, comme le contrat passerelle, qui me paraît une bonne mesure, peut-elle être étendue ? Dans quel cadre leur financement pourrait-il être assuré, puisque le FISO n'a pas la vocation d'être pérenne ?
Merci, madame la députée, d'avoir souligné l'intérêt d'un certain nombre de dispositifs, notamment le contrat passerelle, et d'avoir salué le travail de concertation qui a été réalisé : vous l'avez fait tout en restant, comme à votre habitude, très vigilante sur ces questions, et en exerçant votre sens critique.
La question que vous posez va bien au-delà du budget de l'emploi.
Dans la crise que nous traversons, nous avons à prendre des dispositifs d'urgence, mais nous avons aussi des réflexions de fond à mener sur deux terrains.
Le premier est celui de la formation professionnelle. Elle est le meilleur outil anticrise et, à long terme, elle doit aider des gens à gérer leur transition de carrière ; je renvoie à l'allusion du rapporteur spécial Eckert sur la question de la sécurité sociale professionnelle.
Le second est la question des jeunes. Si nous sommes honnêtes, nous devons reconnaître que, crise ou pas crise, les jeunes ont, en France, un problème d'insertion et d'accès à l'emploi. La crise l'a exacerbé, mais une question de fond se pose. Comment l'aborder ?
Les pays qui réussissent le mieux en termes d'accès à l'emploi des jeunes sont ceux qui ont le plus misé sur des formations qui alternent périodes théoriques et périodes pratiques : les formations par alternance et les formation par apprentissage. Prenez deux groupes de jeunes, l'un suivant une formation commerciale purement théorique, l'autre une formation par apprentissage. La proportion des jeunes trouvant un CDI en moins de six mois est de 80 % dans ce dernier cas ; dans le premier cas, ils sont à peine 50 %. Cela montre bien que le développement de l'apprentissage et des filières de formation par alternance est la meilleure garantie pour que nos étudiants trouvent un emploi à la fin de leurs études.
C'est pourquoi, maintenant que nous avons mis en oeuvre des réponses conjoncturelles et immédiates afin d'amortir le choc de la crise pour les étudiants, il faut traiter le problème au fond et voir ensemble comment développer l'apprentissage et, plus généralement, les filières de formation par alternance.
Tel est l'objet des ateliers de l'apprentissage, que je vais ouvrir à la fin du mois et qui consisteront, pendant deux mois, en une réflexion avec tous les acteurs de l'apprentissage visant à déterminer les moyens de développer dans toutes les filières des formations par apprentissage à l'issue desquelles l'accès à l'emploi est le meilleur possible.
J'appelle les crédits de la mission « Travail et emploi », inscrits à l'état B.
Sur ces crédits, je suis saisie de plusieurs amendements.
La parole est à Mme la rapporteure spéciale de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire, pour la politique du travail et de l'emploi, pour soutenir l'amendement n° 14 .
Cet amendement, que j'avais déposé en commission des finances avec le rapporteur général du budget et qui a été adopté à l'unanimité par ladite commission, a en fait déjà été re-déposé dans cet hémicycle, dans le cadre du PLFSS, et il a été rejeté par notre assemblée.
Son adoption en commission des finances aura en tous cas permis d'ouvrir le débat avec les cafés, hôtels et restaurants. Il s'agit de bien leur faire comprendre qu'ils n'avaient pas satisfait, en échange de la baisse de la TVA, qui a tout de même coûté 2,5 milliards d'euros à l'État, les attentes en termes de baisse des prix, de hausse des rémunérations et d'accroissement des recrutements, l'investissement en équipements étant une autre contrepartie attendue. Je crois que la profession a pris conscience de ces problèmes. Il faut patienter un peu.
Cela dit, je reconnais que cet amendement présente un petit défaut : il tend à pénaliser surtout les grandes chaînes, alors que ce sont probablement elles qui ont le plus respecté la règle du jeu en baissant les prix.
Je considère donc que cet amendement n'est plus forcément d'actualité.
Je remercie Mme la rapporteure de s'être exprimée en des termes très mesurés, reconnaissant elle-même que ce sujet requérait du temps et imposait de se garder des amalgames. Cette exonération n'a effectivement rien à voir avec les aides à l'emploi qui avaient été adoptées pour compenser la non-obtention de la réduction du taux de la TVA.
Pour autant, la pression qui a été exercée par Chantal Brunel a eu – je tiens à le dire – des vertus importantes. Tout d'abord, elle a accéléré les négociations dans le secteur de l'hôtellerie, des cafés et de la restauration, notamment à propos de la revalorisation des salaires. Par ailleurs, elle nous a permis de rappeler au secteur les engagements qu'il avait pris. J'y insiste parce que nous ne devons pas l'oublier : nous n'attendons pas que des engagements de baisse des prix ; j'attends aussi, pour ma part, des engagements en termes d'emploi, c'est-à-dire en termes d'embauches et de places d'apprentis.
Je fais cependant confiance au secteur. Les premiers retours sur la question des places ouvertes en apprentissage sont positifs. Laissons donc faire, sans nous écarter de notre ligne. Une décision a été prise, mais nous sommes également très fermes sur les engagements pris en contrepartie par le secteur.
La question me paraît très importante : jusqu'à quel point faire confiance aux bénéficiaires de mesure d'exonération ou, comme en l'occurrence, d'abaissement de TVA ?
Nous sommes un certain nombre à penser que, à un moment donné, la loi est plus forte et qu'elle s'impose. Or cela fait plusieurs mois que le pays débat de la question de savoir s'il y a effectivement eu des baisses de prix, des embauches, des augmentations de salaire dans le secteur des hôtels, cafés et restaurants, qui a bénéficié de 2,5 milliards d'euros, sinon de recettes supplémentaires, du moins de baisse d'imposition sur la valeur ajoutée.
Cet amendement ayant été adopté à l'unanimité par la commission des finances, je me permets de rappeler que, à titre personnel et en tant que co-rapporteur, je l'avais appuyé. Je soutiens donc cet amendement.
(L'amendement n° 14 n'est pas adopté.)
La parole est à M. le secrétaire d'État, pour soutenir l'amendement n° 136 .
Il ne s'agit, madame la présidente, que d'un amendement de coordination, destiné à tirer les conséquences de l'adoption, lors du débat sur la première partie du projet de loi de finances, de l'amendement n° 69 troisième rectification reconduisant, en 2010, le montant de la dotation générale de décentralisation relative à la formation professionnelle.
La commission n'a pas examiné cet amendement.
L'ayant rapidement étudié, je m'en étonne, monsieur le secrétaire d'État. En effet, il correspond en quelque sorte à une diminution de 10 millions d'euros des sommes allouées aux régions au titre de la DGF.
La lecture des arguments donnés par le Gouvernement dans l'exposé des motifs montre que cette question est compliquée, mais je suis, à titre personnel, défavorable à cet amendement que la commission n'a pas examiné. Nous avons constaté la précipitation avec laquelle un certain nombre de décisions ont été prises, notamment à propos des relations financières entre l'État et les collectivités territoriales. Ainsi, nous avons tous souligné l'absence de simulations. S'il y là 10 millions d'euros d'erreur – c'est ainsi que je comprends l'explication du Gouvernement –, il ne s'agit quasiment que de l'épaisseur du trait, et je pense que cet amendement est sans objet.
(L'amendement n° 136 est adopté.)
La parole est à M. Michel Liebgott, pour défendre l'amendement n° 110 .
Cet amendement porte sur un sujet qui a évidemment été évoqué dans la discussion générale : l'allocation équivalent retraite. J'ai cru comprendre que quelques inflexions étaient attendues.
Cela étant, je veux profiter de l'occasion pour répondre à M. le secrétaire d'État et lui rappeler que, si les départs en retraite anticipée ont été largement utilisés dans le secteur de la sidérurgie, on ne dispose pas toujours, lorsqu'il faut se débarrasser de 90 000 personnes sur un total de 100 000, des moyens nécessaires en termes de requalification des personnels ou de mutations à l'intérieur même de l'entreprise. Si des mutations à l'intérieur de l'entreprise ne sont pas possibles, il n'y a pas d'autre solution qu'un plan social. Ainsi des salariés se retrouvent en situation de demandeurs d'emploi seniors, au terme de trente années de travail, sinon davantage, puisqu'il s'agit de personnes ayant commencé, très jeunes, à exercer des fonctions particulières, très pointues. Le marché de l'emploi ne les juge donc pas opérationnelles.
C'est pourquoi il y a aujourd'hui un certain nombre de personnes qui, après avoir exercé des métiers très spécifiques, ont le nombre d'années de cotisation requis et pourraient bénéficier de l'AER. Or, en termes de flux, rien n'est prévu au titre de l'année 2010. Pour ces personnes dont les perspectives de requalification dans un autre métier ou une autre entreprise sont minces, il est absolument nécessaire de maintenir l'AER, bien évidemment dans le cadre de la solidarité nationale.
La commission des finances ne s'est pas prononcée sur cet amendement. Je fais cependant remarquer que l'allocation est préservée pour ceux qui en bénéficiaient déjà, ce qui représente un montant de 480 millions d'euros dans le budget 2010.
Par ailleurs, j'estime qu'on ne peut à la fois vouloir favoriser l'employabilité des seniors et augmenter les crédits de l'AER. Ce serait envoyer aux entreprises, à qui l'on demande d'employer les seniors, un signal contradictoire. En outre, comme chacun de nous le sait, lorsque les entreprises doivent se séparer de quelques collaborateurs, elles songent en premier lieu aux plus âgés. Il me paraît utile de chercher à changer de tels réflexes répandus dans les entreprises.
Soucieuse de favoriser l'emploi des seniors, je suis donc défavorable à l'amendement.
Je serai très clair : s'il était question d'un dispositif de préretraite, je m'y opposerais sans la moindre hésitation. En effet les dispositifs de préretraite auquel vous faites allusion ont eu un impact catastrophique sur l'emploi des seniors. Disant cela, je ne jette pas la pierre à quiconque : la gauche a financé des dispositifs de préretraite, la droite aussi ; nous l'avons tous fait au cours de ces trente dernières années. Comme nous avons financé des préretraites à partir de cinquante-six ans, les entreprises refusent d'embaucher une personne âgée de cinquante-deux ou cinquante-trois ans, au motif que cette dernière ne serait recrutée que pour deux ou trois ans, ce qui ne semble pas intéresser l'employeur.
Nous avons donc, depuis trente ans, massacré l'emploi des seniors en France. Notre pays se singularise ainsi radicalement dans l'Union européenne. Il est temps que cela change et que l'on arrête, que ce soit la crise ou non, de financer des dispositifs de préretraite.
Cependant, l'AER n'est pas un dispositif de préretraite. Comme vous l'avez rappelé, monsieur le député, elle s'adresse à des demandeurs d'emploi qui ont suffisamment cotisé pour pouvoir prétendre à la retraite mais qui ne peuvent pas bénéficier des dispositifs Fillon parce qu'ils ne s'intègrent pas exactement à son cadre technique. Ils se trouvent dans une sorte de zone intermédiaire. Ils n'ont pas soixante ans, ils ne peuvent pas prendre leur retraite ; pour autant, ils ne bénéficient pas du dispositif « carrières longues ».
Nous n'avons pas encore abordé ce sujet avec les partenaires sociaux. Il relève cependant – permettez-moi de le dire – d'une discussion avec ces derniers. En fonction de l'issue de cette discussion, nous serons amenés à revenir devant la représentation nationale et l'en informerons.
(L'amendement n° 110 n'est pas adopté.)
La parole est à Mme Monique Iborra, pour soutenir l'amendement n° 104 .
Il s'agit de supprimer 100 millions d'euros d'une aide allouée aux hôtels, cafés et restaurants qui ne se justifie plus, dans la mesure où ce secteur bénéficie d'un taux de TVA réduit à 5,5 %, avec le succès que l'on connaît.
Nous vous proposons de transférer ces crédits au programme n° 102 « Accès et retour à l'emploi », pour abonder la dotation destinée à l'allocation de solidarité spécifique, dont le montant journalier s'élève à 14,96 euros et qui est financée par le fonds de solidarité. Cela permettrait de revaloriser cette allocation et d'augmenter le nombre de bénéficiaires, lesquels sont actuellement 375 000. Il s'agit de chômeurs éloignés du marché du travail, qui auront – vous le savez – beaucoup de difficultés à retrouver un emploi.
C'est donc une mesure d'équité.
La commission n'a pas examiné cet amendement.
Je fais cependant remarquer à ma collègue que l'on vient de rejeter un amendement supprimant l'exonération des charges patronales. Nous n'allons donc pas revenir sur le sujet.
Vous aviez voté pour en commission ; on aurait pu espérer que l'amendement soit adopté !
Comme vous, j'ai noté une hausse de 10 % du nombre de bénéficiaires de l'ASS, soit un total de 375 740 personnes. Je souligne tout de même que les crédits ont progressé de 172 millions d'euros.
En outre, je fais confiance au Gouvernement et à la sensibilité de M. Laurent Wauquiez aux problèmes de détresse personnelle ; il l'a exprimée ce matin. Je suis donc convaincu que, si le besoin s'en fait sentir, le montant de ces crédits sera augmenté au cours de l'année 2010.
En tous cas, à titre personnel, je suis contre cet amendement.
Vous n'avez pas la parole, madame Iborra.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
La prévision n'est jamais un exercice facile, a fortiori lorsqu'il s'agit de l'emploi. Personne, ici, ne peut être sûr que nos calibrages, fondés sur nos anticipations de l'évolution de la crise, sont parfaitement adaptés.
Nous n'en avons pas moins essayé de faire cet exercice de prévision le plus loyalement possible. Vous l'avez d'ailleurs vous-même relevé en notant que le nombre de bénéficiaires inscrits dans le projet de loi de finances pour 2009 était de 345 000 et que nous avons prévu 375 000 bénéficiaires en 2010.
Le but est évidemment de ne pas laisser de bénéficiaires de l'ASS sur le côté ; nous sommes bien d'accord. Nous pensons que notre estimation est suffisamment élevée. Bien sûr, comme Chantal Brunel l'a déclaré, si nous constatons, au fil de l'année, des tensions budgétaires, nous procèderons aux ajustements nécessaires.
Il s'agit à la fois d'une estimation quantitative et d'une revalorisation de l'allocation. Puisque vous ne supprimez pas le bouclier fiscal et que vous remboursez à quelques milliers de personnes imposables des sommes considérables, il nous semble cohérent, du point de vue de la justice sociale, de tenir compte des populations les plus défavorisées, d'autant qu'un deuxième effet pervers risque de se produire. Ces personnes, dont la situation va se dégrader peu à peu, se retrouveront tôt ou tard dans d'autres dispositifs, en particulier le RSA, qui pèsera sur d'autres collectivités territoriales.
Cet amendement se justifie parce qu'il vise d'abord les plus défavorisés, mais aussi l'ensemble de la société, qui n'a pas intérêt à voir des gens se marginaliser au point de relever uniquement de procédures d'insertion qui, elles-mêmes, ne seront plus de la compétence de l'État.
La parole est à M. Pierre Méhaignerie, président de la commission des affaires sociales.
Après un long débat, la commission des affaires sociales a estimé qu'il fallait se donner le temps du jugement. La mesure ayant été prise il y a trois mois, il est très difficile de faire admettre que l'on revienne dessus, même pour 10 % seulement de sa portée. Cela ne veut pas dire que, dans un an, nous n'aurons pas à faire le bilan de la baisse de la TVA sur la restauration.
(L'amendement n° 104 n'est pas adopté.)
La parole est à M. Jean-Patrick Gille, pour soutenir l'amendement n°111 .
Je reviens sur l'allocation de fin de formation. J'ai bien entendu la réponse du Gouvernement. Il y avait une ambiguïté dans le bleu budgétaire, mais elle a été levée. Aucune possibilité d'entrée nouvelle n'est prévue à partir du 1er janvier 2010.
Néanmoins, M. le secrétaire d'État nous a indiqué que, comme l'an dernier, sous la pression, il avait entamé une discussion avec les partenaires sociaux, discussion dont nous avons bon espoir qu'elle aboutisse. Cela étant, nous avons déposé cet amendement qui lui faciliterait le travail, car il pourrait aborder la discussion en se disant prêt à mettre 60 millions dans la balance.
La solution que vous envisagez, monsieur le secrétaire d'État, est un compromis, ce qui est sans doute une bonne chose, car sinon, l'État et l'UNEDIC se renverront la balle. Notre amendement visant à faciliter le travail du Gouvernement, nous imaginons qu'il recueillera un avis favorable.
Elle n'a pas examiné cet amendement.
Je rappelle que le fonds de solidarité continue de financer les décisions d'attribution antérieures et qu'il y a tout de même 110 millions d'euros pour 11 700 demandeurs d'emploi. De surcroît, nous avons créé en 2009 une allocation temporaire en faveur des demandeurs d'emploi en formation, qui correspond aux conditions d'octroi de l'allocation de fin de formation.
À titre personnel, je suis défavorable à l'amendement. Attendons plutôt les négociations avec les partenaires sociaux et la position du Gouvernement.
Monsieur Gille, vos arguments ne sont pas spécieux, ils sont habiles !
Sur l'AFF, qui s'appelle maintenant l'AFDEF, nous avons confié une mission à M. Jean-Marie Marx, afin d'évaluer la formation destinée aux demandeurs d'emploi. L'AFDEF est un dispositif utile, mais qui ne doit pas être perverti, car il peut avoir des effets retors. Nous sommes en train de l'étudier et cela fait l'objet d'une négociation avec les partenaires sociaux. Je ne sais pas si c'est une bonne approche de la négociation que de mettre d'emblée l'argent sur la table. Je ne sais pas comment vous négociez mais, personnellement, ce n'est pas mon instinct premier d'agir ainsi. J'ai tendance à m'assurer plutôt que chacune des deux parties fait un pas en avant.
Par ailleurs, cet amendement, comme plusieurs autres amendements du groupe SRC, est financé par une réduction des crédits des services à la personne. Or, nous sommes très attachés aux services à la personne, qui font vivre beaucoup d'entreprises et d'associations sur tous nos territoires, je pense notamment au réseau ADMR. C'est une aide à la fois pour ceux et celles qui exercent ces emplois et pour les personnes âgées qui veulent rester à domicile. Je suis, en tant que secrétaire d'État chargé de l'emploi, très attaché à ce secteur, que je défends.
Par conséquent, je ne suis pas favorable à un amendement qui consiste à sabrer les crédits des services à la personne. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)
Nous aussi, monsieur le secrétaire d'État, nous sommes très favorables aux services à la personne. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Ils sont un incontestable succès, mais le problème n'est pas là. Les crédits que nous supprimons n'ont pas été utilisés, l'ACOSS l'a constaté. Nous faisons simplement de la bonne gestion comptable. Il ne s'agit en aucun cas de remettre en cause les services à la personne. Je ne peux pas vous laisser dire cela !
Nous suivrons l'avis de M. le secrétaire d'État. Il faut cesser d'opposer les crédits les uns aux autres, d'augmenter les crédits d'accompagnement du retour à l'emploi au détriment des services à la personne. Il est urgent d'attendre que la négociation qui vient de s'ouvrir ait porté ses fruits, et je fais toute confiance à M. le secrétaire d'État pour cela. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)
(L'amendement n° 111 n'est pas adopté.)
Je suis saisie d'un amendement n° 114 .
La parole est à M. Michel Liebgott.
Le sujet a été maintes fois évoqué, mais j'y reviens. Nous en sommes tous d'accord : il faut aider les entreprises d'insertion. Mais, en l'occurrence, il s'agit d'un problème budgétaire. Vous voulez nous faire croire qu'on va dépenser plus d'argent qu'on en a dépensé ou qu'on va en dépenser.
Par cet amendement, nous vous proposons simplement un rattrapage pour les entreprises d'insertion. Il ne s'agit pas de savoir si elles vont bien fonctionner dans l'avenir, mais de leur donner les moyens de bien fonctionner dès maintenant, en revalorisant l'aide au poste.
Les gens qui ne seront pas employés dans les entreprises d'insertion se retrouveront dans d'autres dispositifs. Je citerai quelques chiffres : le RSA « socle » revient à 5 500 euros, la CMU à 3 000 euros, le suivi social à 200 euros, les services judiciaires, le logement d'urgence, bref, tout un ensemble de services qu'ils risquent d'utiliser, à 1 000 euros. Nous arrivons à un total de 9 700 euros. Si l'on ajoute à cela le suivi par Pôle emploi et l'allégement de la charge qui en résultera pour l'État du fait que ces entreprises vont verser des charges fiscales et sociales, on arrive très largement à compenser les dépenses – qui ne sont pas énormes – que nous vous demandons d'abonder.
Certes, il ne faut pas accorder cette aide aux entreprises qui ne font pas correctement leur travail et qui ne prennent pas bien en charge les personnes en insertion, mais faisons au moins l'effort pour les entreprises qui le méritent, comme l'a dit M. le secrétaire d'État. Adoptons l'amendement afin d'ouvrir des perspectives, nous verrons ensuite comment l'appliquer. Les directions départementales du travail et de l'emploi auront tout loisir de vérifier s'il faut ou non accorder à telle ou telle entreprise l'aide que nous aurons votée si vous adoptez cet amendement.
Elle n'a pas examiné cet amendement.
L'aide de l'État aux entreprises d'insertion s'élève à 9 680 euros par an et par équivalent temps plein, ce qui représente un effort de 140 millions. Il y a également une exonération totale des charges patronales de sécurité sociale, qui représente 11 millions. On peut évidemment donner toujours plus aux entreprises d'insertion, mais leur but est de vendre leurs produits sur le marché, et les personnes qui y travaillent ont la fierté de gagner de l'argent grâce à leur travail sans être subventionnées à 100 % par l'État.
À titre personnel, je suis donc défavorable à cet amendement.
Défavorable, pour les mêmes raisons.
(L'amendement n° 114 n'est pas adopté.)
Nous en arrivons à un amendement n° 105 .
La parole est à M. Christian Eckert.
Un amendement identique à celui-ci avait été examiné par la commission des finances et l'honnêteté intellectuelle m'oblige à dire qu'il avait été rejeté.
Nous avons redéposé cet amendement pour pouvoir à nouveau évoquer, monsieur le secrétaire d'État, l'indemnisation du chômage partiel. Nous continuons à dire que les 60 millions d'euros inscrits à cet effet ne sont pas suffisants.
Je profite de l'occasion, madame la présidente, pour évoquer les gages par lesquels nous finançons certains de nos amendements. On nous reproche en effet d'être contre les services à la personne. Je l'ai dit ce matin à la tribune et je le maintiens : l'aide aux services à la personne coûte 3 milliards d'euros de dépenses fiscales, plus environ 500 millions de remboursement de charges. Ce dispositif, dont le coût est donc de 3,5 milliards par an, mérite tout de même d'être examiné à la loupe de temps à autre. Ces emplois sont en très forte croissance et, si Dieu me prête vie et si je suis à nouveau votre rapporteur spécial l'an prochain, je consacrerai un examen particulier à cette question. Il ne s'agit en rien d'ostracisme envers les services à la personne, mais il est tout de même nécessaire, à un moment donné, de regarder les choses de près. Nous ne sommes d'ailleurs pas les seuls ici à avoir envisagé de réduire cet avantage fiscal !
Défavorable.
En effet, 60 millions d'euros sont inscrits. Mais, à voir la rapidité avec laquelle les ministres concernés ont pris, sous l'autorité du Président de la République et du Premier ministre, des décisions pour faire face à la crise sociale, il est évident que le Gouvernement abondera les crédits s'il y a lieu, par un décret d'avance ou une loi de finances rectificative.
Défavorable, pour les mêmes raisons.
J'ai expliqué l'évaluation que nous avons faite : 60 millions, c'est quatre fois plus qu'en 2008, et nous sommes dans un cycle tel que le besoin devrait être moindre en 2010 qu'en 2009. Au demeurant, il ne s'agit pas de montants considérables, et il va de soi que, s'il était nécessaire de les augmenter, nous le ferions.
Enfin, j'appelle votre attention sur la question des gages, que M. Eckert vient d'évoquer. Dans cet amendement, le gage consiste à supprimer tous les moyens de l'Établissement public d'insertion de la défense – autrement dit, à fermer les vingt-deux centres, à remettre 3 000 jeunes à la rue et à flanquer 1 000 personnes au chômage du jour au lendemain !
Je suis désolé, monsieur Eckert, mais je suis attaché à l'EPIDe, qui s'adresse à des jeunes en très grande difficulté. C'est un dispositif très intéressant, que je défends ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)
(L'amendement n° 105 n'est pas adopté.)
Je suis saisie d'un amendement n° 112 .
La parole est à M. Jean-Patrick Gille.
Par cet amendement, nous revenons sur la question de l'AFPA.
La réponse du Gouvernement sur le transfert du patrimoine de l'Association ne m'a pas tout à fait convaincu. Pour notre part, nous considérons que le cadeau risque d'être empoisonné ! Vous lui transférez un patrimoine de 400 millions d'euros, mais, en même temps, vous coupez les crédits qui lui permettraient de l'entretenir. Les crédits d'investissement et de développement sont en effet réduits à 10 millions d'euros, alors qu'ils s'élevaient l'an dernier à 30 millions et, l'année précédente, à 60 millions.
En outre, nous le savons, l'AFPA va être confrontée à de graves difficultés à court terme. Elle sera donc tentée de se livrer à une sorte de vente à la découpe, de certains bâtiments au début, de secteurs entiers de formation ensuite.
C'est pourquoi nous ne sommes pas d'accord avec votre solution et proposons d'abonder de 30 millions les crédits d'investissement de l'AFPA. Accepter notre amendement serait, de votre part, une preuve de bonne volonté. Il est gagé sur la réduction des dépenses relatives au contrat d'autonomie, dont chacun reconnaît qu'il est un échec.
Je vous suggérerai à cet égard une piste, monsieur le secrétaire d'État. Une réflexion étant en cours sur le CIVIS, il serait bon d'en profiter pour revoir le contrat d'autonomie en le liant, éventuellement, au CIVIS. En effet, comme plusieurs d'entre nous l'ont aujourd'hui souligné, le dispositif actuel en faveur des jeunes, en particulier dans les quartiers les plus durement touchés par l'effondrement de l'intérim, s'avère insuffisant.
Elle n'a pas examiné l'amendement ; à titre personnel, j'y suis défavorable. En effet, l'État va céder l'ensemble du parc immobilier à l'AFPA, laquelle, n'étant plus obligée, en échange, d'être présente partout, pourra louer un certain nombre de locaux, ce qui lui rapportera de l'argent. Par ailleurs, l'AFPA transférera 900 personnes à Pôle emploi au cours de l'année. En conséquence, cette association, qui va devenir une structure nationale indépendante, devrait être en mesure de dégager des marges. Je suis sûre qu'elle y parviendra.
Défavorable.
Tel qu'il est rédigé, cet amendement revient à supprimer des crédits réservés aux jeunes de nos banlieues pour les réorienter vers une opération immobilière en faveur de l'AFPA (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), même si, je le reconnais, tel n'est pas l'esprit dans lequel il a été rédigé ! Les crédits des contrats d'autonomie seraient alors diminués au profit de ceux de l'AFPA.
Parlons des contrats autonomie. Ils ont, certes, posé problème au début, puisque le rythme de leur création a été insuffisant au cours du premier semestre 2009. Nous avons organisé une réunion autour de Fadela Amara, avec l'appui de Xavier Darcos, pour mobiliser tous les acteurs des contrats d'autonomie et les amener à redresser les chiffres. C'est donc avec beaucoup de plaisir que je vous communique les derniers résultats en date.
Au 26 octobre, 13 000 contrats qui ont été signés, et 500 le sont actuellement chaque semaine. Nous atteindrons l'objectif, fixé en loi de finances, de 15 000 contrats. Le taux de sorties positives se situe entre 30 et 40 %, alors qu'il était très mauvais à l'origine. Le dispositif a mis du temps, c'est vrai, à monter en puissance, mais, aujourd'hui, il fonctionne parfaitement. Je vous donne rendez-vous à la fin de l'année : nous aurons alors atteint l'objectif de 18 000, que nous nous étions fixé.
Monsieur Gille, les contrats autonomie fonctionnent. Diminuer leurs crédits aboutirait à amputer ce dispositif en faveur des jeunes.
Je sais que votre intention n'est pas de sabrer les crédits en faveur des jeunes pour réaliser des opérations immobilières. Aussi ne douté-je pas que vous accepterez, à la lumière de ces informations, de retirer l'amendement.
La franchise de Mme Brunel a, comme toujours, parlé ! Elle a clairement indiqué que les locaux seraient loués, voire vendus. Cela annonce, comme je l'ai dit, le début de la vente à la découpe de l'AFPA !
S'agissant des 13 000 contrats d'autonomie, monsieur le secrétaire d'État, je crains malheureusement qu'il n'y ait des doubles comptes. En effet, la prescription par les acteurs que sont Pôle emploi et les missions locales pose un problème qui a été, parfois, résolu ainsi. Quant au nombre de sorties positives, il dépasse à peine les 2 000 à ce jour.
Il y a donc un vrai débat. Peut-être pourrons-nous l'avoir dans le cadre de la réforme du CIVIS ? Nous devons en effet – et je vous rejoins en cela – trouver une formule adaptée aux jeunes des quartiers. Une des difficultés du contrat d'autonomie réside dans le fait qu'il est difficile de leur consacrer un dispositif approprié, d'autant que tous les quartiers ne sont pas concernés. Le dispositif actuel a été mal conçu, et tous les acteurs reconnaissent d'ailleurs qu'il faut le repenser. C'est pourquoi nous nous sommes permis de l'utiliser comme gage.
(L'amendement n° 112 n'est pas adopté.)
Je suis saisie d'un amendement n° 113 .
La parole est à M. Michel Liebgott.
Je voudrais d'abord dire que nous sommes certes obligés de respecter les règles budgétaires, mais qu'il ne faut pas nous accuser de vouloir remettre en cause certains dispositifs sous prétexte que nous voulons en développer d'autres. Ce n'est pas nous qui présentons ce projet de loi de finances !
Le principe du présent amendement est exactement le même, mais il a trait aux dispositifs locaux d'accompagnement. On nous répondra certainement que nous voulons supprimer les contrats d'autonomie. Autant nous dire qu'il est inutile que nous déposions des amendements, si nous ne pouvons pas dégager de crédits d'une manière ou d'une autre pour les financer !
Il est important que les 250 000 emplois associatifs soient préservés, par tous les moyens, dans le cadre des DLA. J'ai moi-même effectivement utilisé à plusieurs reprises cette procédure, qui fonctionne bien et qui est utile aux associations. Il ne s'agit pas, je le répète, d'empêcher les jeunes des mêmes quartiers sensibles d'accéder aux contrats d'autonomie ; il s'agit de soutenir les associations employeuses, qui risquent tôt ou tard, si elles ne reçoivent pas d'aide dans le cadre des DLA, de commettre des erreurs majeures qui causeront leur perte et celle de nombreux emplois.
, rapporteur spécial. Je parlerai méthode, monsieur le secrétaire d'État, puisque vous semblez parler davantage du gage que de l'amendement lui-même !
Non, ce n'est pas normal ! La procédure budgétaire nous empêche de piocher à l'intérieur du même programme pour abonder des crédits que nous souhaiterions faire inscrire ; il faut bien que nous allions les chercher dans un autre. En outre, la fongibilité des crédits au sein d'un même programme ne vous permet pas de dire, comme précédemment, qu'en prélevant 50 millions sur l'EPIDe, dont la Cour des comptes a largement évoqué les dysfonctionnements, nous voulons les fermer et mettre tout le monde à la rue ! Il vous appartiendrait alors de transférer des crédits à l'intérieur du programme. Ce problème de méthode nous contraint finalement à parler davantage de l'ombre que du phénomène lui-même, ce qui est quelque peu curieux !
L'amendement de notre collègue n'a pas été examiné par la commission. À titre personnel, j'y suis plutôt opposée, car je considère que les dispositifs locaux d'accompagnement n'ont pas pour objet de pérenniser les postes de salariés en contrat aidé dans ces structures.
Défavorable. Je remercie M. Eckert d'avoir rappelé des règles que je connais pour avoir été moi-même député ! Ces règles ont notamment pour effet de rendre chaque parlementaire responsable puisqu'il doit, pour chaque amendement, préciser ses priorités et les crédits qu'il souhaite renforcer ou diminuer. C'est donc bien l'amendement tout entier qui doit être assumé par son auteur. Il est vrai que c'est un exercice douloureux en ce qu'il suppose que l'on fasse des choix.
(L'amendement n° 113 n'est pas adopté.)
Je suis saisie d'un amendement n° 115 .
La parole est à M. Patrick Lebreton.
Cet amendement vise à augmenter les crédits du programme n° 102 « Accès et retour à l'emploi » pour abonder de 5 millions d'euros la dotation destinée au contrat d'accès à l'emploi dans les DOM, dont les crédits sont réduits de 3 millions et ramenés à 16,71 millions. Le chômage s'est accru de 10 % dans les DOM et dépasse désormais 27 % à La Réunion, ce qui nécessite au contraire, comme je le soulignais ce matin, de renforcer les moyens des contrats aidés. Les chiffres du chômage devraient inciter le Gouvernement à davantage de considération et à une mobilisation plus forte.
Par cet amendement, nous vous demandons de soutenir l'emploi dans ces territoires fragilisés en cette période de crise économique et sociale et de prendre des mesures fortes répondant aux besoins des populations.
Elle n'a pas examiné cet amendement. À titre personnel, j'y suis opposée. Il n'y a, en effet, pas lieu d'augmenter de 30 % les autorisations d'engagement de ce programme. Il nous semble, en tout cas pour le moment, que ces crédits sont suffisants.
Défavorable. J'ajouterai que l'enveloppe relative aux contrats non marchands bénéficiant aux DOM est très importante, et que nous n'appliquons même pour ainsi dire aucun plafond.
(L'amendement n° 115 n'est pas adopté.)
Je suis saisie d'un amendement n° 103 .
La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson.
Nous avons entendu, tout au long de ce débat, combien la thématique de la santé au travail et des conditions de travail était une préoccupation grave et récurrente. Je constate, comme tous les groupes de l'Assemblée et du Sénat, comme vous-même, monsieur le ministre, qui avez présenté le plan « Santé au travail », et comme le Premier ministre qui a, hier, décidé de constituer une commission d'experts chargée d'étudier ce sujet, que les conditions de travail sont aujourd'hui un problème lancinant.
Dans ce contexte, l'amendement proposé tend à abonder les crédits de l'Agence nationale pour l'amélioration des conditions de travail et de son réseau régional, dont je rappellerai brièvement la mission. L'ANACT se compose de professionnels chargés d'intervenir dans les différentes entreprises de notre pays, qu'elles soient publiques ou privées, grandes ou petites. Ces personnels sont en mesure, contrairement parfois à certaines grosses structures de conseil, d'accomplir un travail sur mesure avec un professionnalisme reconnu par tous. Les responsables de l'ANACT sont les premiers à dire qu'ils travaillent volontiers sur toutes ces questions. C'est le cas, au moment où je parle, à France Télécom et à Pôle emploi. Ils sont également les premiers à considérer qu'ils manquent de moyens et qu'ils ne peuvent pas répondre à toutes les demandes qui leur parviennent.
C'est pourquoi cet amendement vise à prélever 1,9 million d'euros sur les crédits de Pôle emploi – dont le montant total est de 3,140 milliards – afin de renforcer la capacité d'intervention de l'ANACT, ce qui permettra à l'Agence de suivre davantage la mise en oeuvre des recommandations qu'elle fait aux entreprises dans lesquelles elle intervient. C'est un élément essentiel de la politique d'amélioration des conditions de travail.
Notre collègue défend toujours avec énormément de talent et de conviction ses amendements. (Sourires.)
Les crédits en faveur de la promotion de la santé au travail dans les PME et TPE sont passés de 11 millions d'euros à 12,5 millions.
Je souhaiterais ajouter une observation. L'ANCT doit également, à mon sens, se pencher sur l'influence des additions – à la drogue, à l'alcool et au jeu – sur les conditions de travail et sur les accidents du travail. Ce sujet, dont on n'ose pas parler aujourd'hui, n'est pas vraiment pris en considération. Il convient de mieux connaître les interférences de ces addictions avec les drames dont l'actualité s'est fait l'écho et qui nous interpellent aujourd'hui.
L'ANACT dispose toutefois pour cela de crédits suffisants.
Je suis d'accord avec vous, monsieur Poisson, pour donner à l'ANACT les moyens de fonctionner. Il me semble toutefois que ceux dont elle dispose aujourd'hui sont à la hauteur des enjeux et de l'activité qui lui est demandée.
Au sein du programme n° 111, l'action « Santé au travail » progressera de 7,5 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 5 millions, soit 10 % d'augmentation, en crédits de paiement. Cet effort est très important. Les crédits gérés par l'ANACT, ceux de sa subvention, ceux du FACT progressent à eux seuls, je l'ai dit d'ailleurs ce matin dans mon discours liminaire, de 2,6 millions.
Les crédits permettront d'accompagner l'ensemble des risques. Même si Mme Brunel a raison de souligner qu'il faut analyser les nouvelles origines des risques psychosociaux et donner à l'ANACT la possibilité d'élargir le spectre de ses attributions, le budget qui lui est alloué est satisfaisant. Il n'y a donc pas lieu de déconstruire la politique budgétaire que nous avons présentée, en donnant d'un côté ce qu'il faudrait prendre d'un autre.
Je suggère donc à M. Poisson de retirer son amendement. À défaut, je serais au regret d'émettre un avis défavorable.
Il n'entre pas dans mes habitudes de retirer mes amendements…
M. le ministre nous dit qu'il faut ouvrir d'autres pistes de réflexion et faire intervenir l'ANACT de manière plus large, ce qui suppose de reconsidérer la stratégie de cette organisation. Mais comment y parviendra-t-elle si l'on ne lui alloue aucun moyen supplémentaire, alors même que ceux dont elle dispose sont, malgré une augmentation importante, considérés comme insuffisants ?
Par ailleurs, il a utilisé le terme très contemporain de « déconstruction », mais je lui rappelle que la somme en cause ne représente que 0,5 % du budget total de Pôle emploi. Autant dire que la modification que je propose ne nous empêcherait pas de respecter, en fin d'année, après exécution des crédits, l'épure du budget.
C'est pourquoi, au risque de déplaire au ministre, je maintiens mon amendement.
La réaction du Gouvernement ne nous surprend pas. Mais, pour notre part, nous voterons l'amendement.
C'est une mauvaise nouvelle pour M. Poisson ! (Sourires.)
L'ANACT joue désormais un rôle indispensable, même si elle dérange les entreprises qui ne vont pas spontanément vers elle. C'est pourquoi nous remercions M. Poisson non seulement d'avoir déposé cet amendement, mais de ne pas l'avoir retiré.
(L'amendement n° 103 n'est pas adopté.)
Je mets aux voix les crédits de la mission « Travail et emploi ».
(Les crédits de la mission « Travail et emploi », modifiés par l'amendement n° 136 , sont adoptés.)
La parole est à M. Jean-Patrick Gille, pour soutenir l'amendement n° 116 .
Je suis saisie d'un amendement n° 137 .
La parole est à M. le secrétaire d'État.
L'amendement, destiné à faciliter l'aide à la création d'emploi pour les demandeurs d'emploi, tend à mettre fin à certaines absurdités administratives. Pourquoi un demandeur d'emploi devrait-il attendre six mois avant de déposer un projet de création d'entreprise ? S'il a un projet, autant l'aider tout de suite. De plus, s'il perçoit des minima sociaux, il ne peut être aidé sans avoir eu, au préalable, le statut de demandeur d'emploi. À mon sens, il faut supprimer ces stupides scories bureaucratiques et aider non des statuts, mais des gens. Tel est le but de l'amendement. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP.)
Je suis saisie d'un amendement n° 13 rectifié .
La parole est à M. Paul Jeanneteau.
Les régies de quartier sont des associations qui jouent un rôle important en matière de politique de la ville et d'insertion par l'activité économique. Depuis plus de vingt ans, elles gèrent un ensemble de services collectifs et individuels destinés aux habitants des quartiers, et répondent à des besoins non couverts par les entreprises du secteur marchand.
Or, elles sont actuellement exclues du bénéfice des mesures incitatives au développement des services à la personne : taux de TVA réduit, réduction d'impôt sur le revenu, exonération de charges sociales, possibilité de payer du personnel par chèque emploi service universel. L'accès à ces mesures nécessite la délivrance d'un agrément, qui ne peut être accordé qu'aux structures consacrées exclusivement aux activités de services à la personne, ce qui n'est pas le cas des régies de quartiers.
Des exceptions sont toutefois prévues pour les structures qui, par leur nature ou leur fonctionnement, ne présentent pas de menace pour la concurrence. Les associations intermédiaires en font partie, puisque leur activité consiste à embaucher les personnes sans emploi rencontrant des difficultés sociales ou professionnelles particulières, afin de les mettre à titre onéreux à la disposition de personnes physiques ou morales.
L'amendement vise à permettre aux régies de quartier, qui s'adressent à un public similaire à celui des associations intermédiaires et qui ont des activités comparables, d'obtenir l'agrément « services à la personne ».
Je demande au Gouvernement de bien vouloir lever le gage.
Signalons-le, puisque nous examinons le dernier amendement déposé sur la mission « Travail et emploi » : nos débats mettent en lumière le caractère étriqué du budget. Chaque fois que l'on veut augmenter les crédits d'un poste, ce qui suppose de réduire ceux d'un autre, le Gouvernement s'y oppose en arguant que ces derniers sont déjà insuffisants.
Même si l'amendement n'a pas été examiné par la commission, j'émets à titre personnel un avis favorable. Mme Coutelle, députée de notre groupe, a en effet déposé une proposition de loi allant dans le même sens, qui est déjà enregistrée et que nous projetions d'inscrire dans notre niche parlementaire du jeudi 19 novembre.
Je suis très favorable à l'amendement, également signé par M. Perrut. Il repose sur une bonne connaissance de l'action menée sur le terrain par les régies de quartier. J'ajoute que le Gouvernement lève le gage.
Pour le reste, je ne sais pas ce que M. le rapporteur entend par « budget étriqué », mais je lui rappelle que le nôtre connaît une augmentation de 2 milliards par rapport à l'an dernier. N'est-ce pas considérable, compte tenu de notre impératif de bonne gestion des finances publiques ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
(L'amendement n° 13 rectifié , modifié par la suppression du gage, est adopté.)
Je constate que le vote est acquis à l'unanimité.
Nous en avons terminé avec l'examen des crédits relatifs au travail et à l'emploi.
Nous abordons l'examen des crédits relatifs à la défense.
La parole est à M. Jean-Michel Fourgous, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire pour la préparation de l'avenir.
Madame la présidente, monsieur le ministre de la défense, chers collègues, la France, membre permanent du Conseil de sécurité de l'ONU, puissance nucléaire autonome depuis près de cinquante ans, constructrice et exportatrice de systèmes d'armes sophistiqués, et maintenant nation cadre de l'Alliance atlantique, entretient avec sa défense des relations étroites.
Présente sur de nombreux théâtres comme le Darfour, la Côte-d'Ivoire, le Liban, l'Afghanistan, le Kosovo et l'Afrique, avec 20 000 soldats en opérations extérieures confrontés quotidiennement à des situations délicates de maintien de la paix, la France joue un rôle majeur dans de multiples régions du monde. Son industrie de défense au savoir-faire moderne et aux performances reconnues lui permet d'être l'un des acteurs principaux sur le marché des exportations d'armement, comme l'attestent les succès annoncés récemment. En même temps, elle conserve sur l'économie nationale un impact notable, qui doit encore s'accroître, car ce ne sont plus seulement les forces de l'histoire qui font la réussite d'un pays, mais aussi et surtout le nombre de ses ingénieurs, de ses techniciens et la réactivité de ses entreprises.
La problématique de la défense est complexe : alors que sa vocation extérieure perdurera en 2010, elle devra faire face à la plus difficile et à la plus importante modernisation assumée par une administration publique française, en supprimant en six ans quelque 54 000 emplois militaires et civils. Il lui faudra en même temps maintenir sa capacité opérationnelle, sa capacité de réaction, ainsi que des forces de présence sur les cinq continents et dans les territoires et départements d'outre-mer.
L'ensemble du budget de la mission s'élèvera à 39,3 milliards d'euros d'autorisations d'engagement et 37,1 milliards d'euros de crédits de paiement, conformément à la loi de programmation du printemps 2009. Ce budget permet notamment d'assurer la modernisation de nos armées, avec l'acquisition de nouveaux matériels « post-guerre-froide ». Certes, l'armée française ne saurait être comparée à son homologue américaine, mais elle reste l'une des seules armées modernes capables d'intervenir à tout moment et de façon crédible lors d'une crise ou pour prévenir un conflit.
De plus, la France est un leader européen en termes d'impulsion économique et politique, qui s'implique totalement dans les programmes industriels communs, comme l'A 400 M d'Airbus ou les FREMM de DCNS, et dans les opérations communes, comme en témoigne le récent déploiement de gendarmes français en Afghanistan dans le cadre de la contribution européenne à la formation de la police afghane.
À propos de l'Europe, je rappelle que le rang de première puissance économique mondiale ne revient plus aux États-Unis mais à l'Union européenne des vingt-sept : son PIB est de 17 000 milliards de dollars, contre 14 000 milliards seulement pour les États-Unis. On peut donc avoir confiance dans le modèle socio-libéral européen, qui donne de plus en plus de résultats. Récemment, quelqu'un a regretté devant moi que l'Union soit moins coordonnée que les États-Unis. Le jour où elle le sera, à quel rang pourra-t-elle prétendre, puisqu'elle occupe déjà la première position ?
Benjamin Disraeli disait : « Celui qui rencontre le plus de succès dans la vie est celui qui est le mieux informé. » La parution du Livre blanc n'a pas seulement sonné le glas d'une armée tiraillée entre les menaces d'un conflit post-guerre-froide et des ambitions mondiales. Elle a aussi engagé un profond bouleversement de l'organisation de la défense. Désormais, la fonction de renseignement se retrouve au centre du dispositif. La recherche du renseignement est l'action qui bénéficiera en 2010 – comme c'était le cas en 2009 – de la plus forte hausse de moyens.
En effet, il est établi que, sans cette fonction essentielle, la France perdrait, face à la menace terroriste, sa capacité à prévenir des actions contre ses intérêts, et à réagir de façon proportionnée et discrète contre les organisations les plus dangereuses.
En 2010, la DGSE disposera de 527 millions d'euros de crédits de paiement contre 480 millions en 2009, soit une hausse de près de 10 %.
Cette évolution s'accompagne d'une restructuration des services civils du renseignement, avec la création en 2008 de la DCRI, la direction centrale du renseignement intérieur. Au côté de la DPSD et de la DGSE, cette nouvelle organisation permet de rationaliser l'action préventive d'acquisition du renseignement et de mieux la conjuguer avec l'action militaire. Cela va de pair avec la livraison prochaine à l'armée de l'air de son premier Transall C 160 Gabriel modernisé, qui rendra la composante aérienne détentrice privilégiée du vecteur aérien du renseignement.
Je souhaite également rappeler l'importance stratégique de l'intelligence économique, qui reste encore discrète en France. Au-delà de son simple rôle de veille opérationnelle et de capteur d'informations, elle protège nos entreprises contre la concurrence de plus en plus forte sur le grand échiquier économique mondial, dans le respect des règles éthiques. Celui qui sait livrer l'information au bon moment et à la bonne personne obtient un avantage compétitif décisif. Or les moyens de la France en ce domaine sont peu développés par rapport à ceux de nos grands rivaux économiques. Ainsi, alors qu'aux États-Unis plus de 100 000 personnes travaillent au sein de dix-sept agences pour le renseignement militaire et économique, notre pays n'emploie qu'une dizaine de milliers de personnes.
S'agissant des capteurs passifs, il est à noter que d'importants efforts ont été fournis pour développer une branche seulement embryonnaire il y a quelques années. Aux moyens satellitaires, sont venus s'ajouter les appareils sans pilotes, ou drones, dans le cadre de la nouvelle action « Connaissance et anticipation ».
D'un point de vue purement capacitaire, j'attire votre attention sur les différents types de drones qui existent actuellement. Il reste du travail en la matière. Notre pays doit encore se montrer plus volontariste en incitant les industriels à investir dans ce domaine essentiel. D'ailleurs, sous l'impulsion de Valérie Pécresse, le crédit d'impôt recherche est passé de 300 millions en 2001 à 4 milliards en 2009 : nous pouvons nous en féliciter.
Chacun des vecteurs du renseignement – satellites, drones, avions – est nécessaire. Tous ces programmes doivent être menés rapidement à leur terme. Cela est d'autant plus important qu'il ne faut pas considérer le renseignement comme une des composantes de la stratégie militaire, mais, ainsi que le souligne le Livre blanc, comme la meilleure arme de prévention du terrorisme.
Je voudrais, à présent, attirer votre attention sur l'impact du budget de la défense sur l'activité nationale.
La réforme déjà mentionnée a d'abord poussé le ministère de la défense à externaliser certains de ses secteurs relevant de la vie quotidienne, comme la restauration, l'infrastructure, le multiservice, le soutien informatique et la fonction habillement. Mais d'autres opérations plus importantes sont également concernées, comme la location d'heures de vol par l'école de formation des pilotes d'hélicoptères de Dax, qui permet de réaliser une économie de 8 %, ou encore la rénovation du complexe de Fontainebleau.
Et cette externalisation ne se limite pas au seul cadre national : en opérations extérieures, la défense expérimente, depuis 2007, le concept CAPESFRANCE, capacité additionnelle par l'externalisation du soutien des forces françaises, avec le recours à l'économat des armées pour le soutien des forces au Kosovo et au Tchad.
Je ne m'étendrai pas sur le projet de partenariat public privé relatif au projet Balard : ce sujet sera développé par mon éminent collègue Louis Giscard d'Estaing. Compte tenu des montants financiers en jeu, le ministère n'aurait pas eu les moyens de mener seul cette opération d'envergure ; on ne peut donc que se féliciter d'une telle évolution.
Au total, on estime à environ 50 % du budget de la mission le montant des dépenses budgétaires revenant aux différents fournisseurs du ministère de la défense, c'est-à-dire à environ cinq mille entreprises, dont les deux tiers sont des PME ou des PMI.
Monsieur le ministre, nous souhaiterions d'ailleurs disposer d'une étude de la direction de la législation fiscale sur le retour en recettes sociales et fiscales directes et indirectes de ce soutien à notre industrie de défense. Je fais cette demande depuis longtemps mais, jusqu'à maintenant, je n'ai pas reçu de réponse satisfaisante.
Il doit vraiment s'agir d'un secret-défense ! (Sourires.)
Il est évident que, dans ce secteur en croissance, un euro d'investissement doit rapporter plusieurs fois sa mise.
Ces crédits alimentent également certains grands industriels français ou européens, comme EADS, Thales, Dassault ou DCNS. Or ces groupes, dont l'activité ne se limite pas au secteur militaire, mettent leurs avancées technologiques au service du développement de leurs activités civiles. C'est, bien sûr, le cas de Dassault, qui fabrique aussi bien le Rafale que le Falcon civil, et qui travaille sur l'intelligence numérique du futur ; d'Astrium qui développe des satellites de tous types, ou encore de Sagem qui fournit aussi bien l'électronique des téléphones commerciaux que les composants de haute technologie du système d'infanterie Félin, et qui participe au développement de la numérisation de l'espace de bataille.
N'oublions pas qu'un groupe comme EADS compte 118 000 salariés, dont 45 000 en France et 97 % en Europe. Avec 8 300 emplois nets créés depuis sa fondation en 2000, il travaille sur la sécurité civile du futur ou sur l'avion du futur et se trouve au coeur des pôles de compétitivité. Son carnet de commande se chiffre à 391 milliards d'euros.
En outre, entre juillet 2008 et juillet 2009, le secteur aéronautique français s'est placé en tête des exportations françaises, loin devant les vins et spiritueux qui occupent le deuxième rang.
Cette réalité me conduit à regretter que, lors de leur audition devant la commission des finances, MM. Juppé et Rocard aient déclaré exclure le secteur de la défense du grand emprunt national. En effet, il n'existe pas d'industrie de défense, mais des industries duales : nombre d'activités et de produits de hautes technologies relèvent à la fois des domaines civils et militaires, et cette tendance s'accentue. La technologie du numérique représente 30 % de la recherche et développement dans le monde, et 50 % de l'augmentation de la croissance mondiale. Quand on connaît le lien qui existe entre la recherche et développement militaire et notre savoir-faire en matière de numérique, il est clair qu'il faut compter avec le secteur de la défense et favoriser sa croissance.
Dans une autre mesure, la volonté de disposer d'une défense forte se traduit par la conservation de savoir-faire industriels de plus en plus onéreux à développer et à produire. Cela signifie que si la France veut rester autonome en termes d'équipements et continuer de s'équiper selon ses besoins en faisant appel aux entreprises nationales, elle doit à tout prix rester compétitive sur le plan international. Je vous rappelle que le marché mondial de la sécurité représente plus de 250 milliards d'euros et qu'il croît chaque année de 10 %.
Ainsi, si la France peut envisager de s'équiper à moindres frais d'appareils comme l'Eurocopter Tigre, cela vient tout naturellement du succès de cet hélicoptère à l'international, l'Australie et l'Espagne en ayant fait l'acquisition.
En outre, certains secteurs, auparavant cloisonnés, commencent à s'ouvrir. Je prends l'exemple de la Russie, qui souhaite éventuellement acquérir des bâtiments de projection et de commandement de la classe Mistral.
Par ailleurs, les négociations en cours avec le Brésil sur l'achat du Rafale montrent combien les puissances régionales comptent sur des pays comme le nôtre pour leur permettre d'affirmer leur indépendance à l'égard de leurs anciens protecteurs et fournisseurs, Les accords entre les chantiers navals brésiliens et DCNS au sujet des sous-marins nucléaires d'attaque de type Scorpène sont révélateurs de cette tendance,
Il faut souligner aussi, et c'est heureux, que le revers du Rafale au Maroc a servi d'électrochoc national et a conduit à une salutaire prise de conscience afin de combler notre retard pour une approche politico-commerciale plus efficace des marchés d'exportations de ce type de matériels militaires.
En outre, de nouveaux partenariats commencent à poindre, comme le montrent les négociations avec la Libye, la Suisse , la Grèce, les Émirats arabes unis, l'Inde et, bien sûr, le Brésil.
J'en viens, en dernier lieu, au programme d'équipement des forces.
Les autorisations d'engagement, d'un montant de 12,2 milliards d'euros, enregistrent une baisse sensible en 2010, la plupart des matériels majeurs ayant fait l'objet de commandes en 2009, soit dans le cadre de la LOLF, soit dans le cadre du plan de relance. Cependant, des programmes phares restent encore à mener à bien.
Le système de forces « Dissuasion » recevra 3 milliards d'euros, ce qui permettra de poursuivre la modernisation de la composante sous-marin nucléaire lanceur d'engins de nouvelle génération.
Le système de forces « Engagement et combat » sera doté de 3,6 milliards d'euros de crédits de paiement, avec des programmes tels que le Rafale – onze appareils –, l'hélicoptère Tigre – sept appareils – ou encore l'arrivée du véhicule blindé de combat d'infanterie, le VBCI, dont 99 exemplaires seront livrés en 2010. Il ne faut pas oublier l'effort de réaction consenti l'an denier pour moderniser l'équipement de base de nos soldats, avec l'achat de nouvelles tenues et protections individuelles.
Le système de forces « Commandement et maîtrise de l'information » bénéficiera d'une enveloppe de 774 millions d'euros. La priorité sera accordée au premier Transall C 160 Gabriel d'écoute entièrement rénové, ainsi qu'à l'achat de six nacelles de reconnaissance de nouvelle génération.
Le système de forces « Projection, mobilité et soutien » recevra 1,1 milliard d'euros de crédits. Outre le financement du programme A400M, deux appareils à usage gouvernemental seront livrés, ainsi que quatre hélicoptères NH 90.
Au total, ce budget permettra à notre armée de conserver son rang dans le monde, ses savoir-faire largement reconnus et ses capacités d'intervention.
La commission des finances a adopté les crédits de la mission « Défense » ; je vous invite, mes chers collègues, à faire de même. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Louis Giscard d'Estaing, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire pour le budget opérationnel de la défense.
Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission de la défense, mesdames et messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, le budget de la mission « Défense » s'élèvera, en 2010, à 39,3 milliards d'euros en autorisations d'engagement et à 37,1 milliards d'euros en crédits de paiement.
Ces montants sont conformes à la trajectoire définie par la loi de programmation militaire, qui prévoyait un pic de ressources en 2009 en raison d'importantes commandes d'équipements, comme vient de le rappeler Jean-Michel Fourgous. En 2010, les ressources de la défense s'établiront à un niveau moindre qu'en 2009, mais supérieur de près de 2 milliards d'euros au niveau atteint en 2008.
Ce budget, largement positif pour la défense de notre pays, laisse toutefois quelques questions en suspens. Compte tenu du temps qui m'est imparti, j'articulerai mon propos autour des thèmes suivants : je commencerai par la question des recettes exceptionnelles, sur lesquelles un certain nombre d'interrogations demeurent, avant d'évoquer le coût financier de notre retour dans le commandement intégré de l'OTAN ; j'aborderai ensuite l'aspect financier de deux chantiers en cours avec, d'une part, les opérations visant à optimiser les moyens dont l'opération emblématique qui vise à regrouper à Balard les services centraux, et, d'autre part, le plan de revalorisation des personnels de la défense. Je terminerai en évoquant un sujet spécifique à caractère administratif, la communication du ministère, et deux enjeux : les opérations extérieures et la réserve opérationnelle.
Pour ce qui est des recettes exceptionnelles, la trajectoire financière décrite par la loi de programmation militaire prévoit, pour une période allant de 2009 à 2011, un complément de ressources exceptionnel issu de la cession d'actifs immobiliers et de l'aliénation des ondes hertzienne, qui restent à ce stade hypothétiques.
Un total de 1,3 milliard d'euros est attendu en 2010 ; malheureusement, le calendrier relatif à la perception de ces ressources, dont certaines étaient prévues pour 2009, demeure incertain. En effet, la vente par le Gouvernement des fréquences hertziennes qui ne sont plus nécessaires aux armées, pour un montant estimé à 600 millions d'euros, devait initialement constituer une des recettes du budget pour 2009. Désormais, le ministère espère conclure un accord à la fin du premier trimestre 2010, l'arrivée des premières ressources n'étant pas attendues avant le deuxième semestre de l'année prochaine.
Le ministère de la défense s'apprête par ailleurs à céder l'usufruit du système de communication par satellite Syracuse III, qui comprend les satellites purement nationaux Syracuse IIIA et Syracuse IIIB, déjà en orbite, ainsi que la partie française du satellite franco-italien Sicral 2, qui reste à construire et à lancer. Les armées loueront ensuite les capacités qui leur seront nécessaires. Toutefois, si les industriels ont d'ores et déjà manifesté leur intérêt pour la gestion des satellites en orbite, la prise de risques liée au programme international Sicral 2, peu avancé, ne les enthousiasme pas, ce qui pourrait ralentir les négociations. Les ressources attendues sont de l'ordre de 400 millions d'euros mais, compte tenu de la lourdeur de la procédure, il est probable que cette recette n'interviendra qu'en toute fin d'exercice 2010, voire 2011. Peut-être, monsieur le ministre, pourrez-vous nous éclairer sur ce point ?
En ce qui concerne les cessions immobilières, l'une des conditions de réussite de la réforme des armées est la cession rapide des actifs fonciers et la mobilisation des capacités de financement issues de ces cessions. Les mesures de restructurations programmées au sein du ministère de la défense devaient entraîner, à partir de 2009, la cession de plus de deux cents emprises à Paris et en province, représentant environ 5 400 hectares.
Mais très peu de cessions issues des restructurations ont pu avoir lieu au cours des dix premiers mois de l'année 2009 et, d'ici le 31 décembre, le nombre de réalisations sera très limité. De toute évidence, la vente des implantations parisiennes ne pouvait pas, non plus, être réalisée dans les délais impartis.
Certaines opérations ont pris du retard en raison, m'a-t-on dit, de dissensions entre administrations d'État. C'est notamment le cas du fort d'Issy-les-Moulineaux.
Pour cette opération, nous signons bientôt !
C'est une bonne nouvelle et nous nous réjouissons que l'opération d'Issy-les-Moulineaux puisse prochainement se conclure. Cependant, d'autres opérations, menées en concertations avec la ville de Paris, qui dispose d'un droit de préemption, ne pourront pas être conclues à brève échéance.
C'est pourquoi le recours à une société de portage s'est imposé. Cette société devrait verser au ministère de la défense une somme proche de 500 millions d'euros, soit environ les deux tiers des recettes attendues par les aliénations. Une fois les immeubles cédés à la société de portage, le ministère versera à celle-ci un loyer jusqu'au redéploiement des services, prévu en 2014. Toutefois, nous approchons de la fin de l'année 2009 et cette société de portage n'est toujours pas constituée. Mais peut-être pourrez-vous, là aussi, monsieur le ministre, nous annoncer une bonne nouvelle.
Force est de constater que l'essentiel des recettes promises lors du vote du budget pour 2009 ne sont pas au rendez-vous un an plus tard. Nous connaissons les difficultés liées à l'état du marché, qui n'est guère porteur en ce moment, et je ne sous-estime ni les complications liées à la remise en état des terrains ni les problèmes de dépollution. Les élus que nous sommes sont, par ailleurs, conscients du fait que la cession à titre gratuit d'un certain nombre d'emprises se traduira par des moins-values, mais c'était une condition nécessaire de l'acceptabilité de la réforme. Néanmoins, ces éléments étaient, pour beaucoup, connus dès l'an dernier. Il est par conséquent nécessaire d'intégrer ces facteurs avec plus de réalisme dans la construction de la loi de finances, au risque, sinon, de porter atteinte à la sincérité budgétaire. Je ne serais pas dans mon rôle, monsieur le ministre, si je ne le disais pas aujourd'hui.
Quelles ont été les mesures prises pour boucler le budget 2009, compte tenu de la quasi-absence de rentrées exceptionnelles ?
En 2009, 972 millions d'euros devaient abonder le budget de la défense grâce aux seules cessions d'emprises immobilières. Or, seuls 540 millions d'euros seront au rendez-vous au 31 décembre 2009. Sur cette somme, seuls 20 millions provenaient réellement, fin octobre, de la vente de sites immobiliers, décidée dans le cadre de la réforme des armées ; 30 autres millions sont attendus d'ici à la fin de l'année, ce qui porte à 50 millions au maximum le produit des ventes réalisées en 2009. Par ailleurs, 140 millions d'euros proviennent de reports de crédits non consommés en 2008 ; 130 millions sont transférés des programmes « Équipement des forces » et « Préparation et emploi des forces », tandis que quelques dizaines de millions d'euros proviennent de la cession de biens immobiliers dont la décision d'aliénation est antérieure à la réforme. À ces 540 millions d'euros sont venus s'ajouter 170 millions apportés par le plan de relance, 105 millions obtenus par un décret d'avance et 19 millions destinés à augmenter le pourcentage versé par avance aux entreprises, soit un total de 294 millions d'euros.
À supposer que les 30 millions d'euros attendus des aliénations prévues soient bien engrangés d'ici au 31 décembre 2009, il manquera encore 138 millions d'euros par rapport à la somme inscrite en loi de finances initiale. Pour compliquer l'exercice, les armées, qui n'ont pas perçu les recettes exceptionnelles, ont dû faire face à des dépenses non budgétées, parmi lesquelles figure l'impact du retour dans le commandement militaire de l'OTAN.
En effet, le retour de la France au sein des instances de l'Alliance se traduit par l'envoi à l'étranger de plusieurs centaines d'officiers et sous-officiers chargés d'y représenter notre pays. La décision du chef de l'État, validée par un vote de notre assemblée, devrait porter à environ 1 200 le nombre des Français présents dans les différents états-majors et organismes de l'OTAN. La montée en puissance des effectifs s'étalera jusqu'à l'été 2012. Dès 2009, 265 cadres ont été envoyés dans ces instances et leur nombre augmentera progressivement.
Compte tenu du poids de nos armées et de notre contribution financière, notre pays disposera, à terme, dans les structures de l'organisation, d'à peu près autant de personnels que le Royaume-Uni. La France a déjà obtenu dix-sept postes d'officiers généraux au sein de la structure de commandement. Je tiens notamment à saluer la nomination du général Stéphane Abrial, ancien chef d'état-major de l'armée de l'air, à l'un des deux commandements suprêmes de l'OTAN, le commandement transformation, basé à Norfolk. C'est la première fois qu'un commandement de cette importance n'est pas attribué à un Américain, ce dont le président du groupe d'amitié France-États-Unis de l'Assemblée nationale ne peut que se féliciter.
Mais cela n'est pas gratuit. Selon l'état-major des armées, l'ensemble des surcoûts liés à la réintégration du commandement intégré de l'OTAN est estimé, sur la période 2010 à 2015, à environ 650 millions d'euros. En 2009, le coût de la réintégration par la France du commandement intégré de l'OTAN s'élèvera à 30 millions d'euros ; en 2010, il atteindra 60 millions d'euros ; puis, en année pleine, ce coût dépassera largement les 100 millions d'euros annuels.
Notre pays doit maintenir son rang, assumer ses choix à l'intérieur des instances de commandement de l'OTAN. Mais il faut constater que le coût budgétaire de cette réintégration n'avait pas été prévu dans la loi de programmation militaire. Je me dois de souligner que, désormais, toute mesure de ce type doit être précédée d'une étude d'impact budgétaire, en application de la loi organique du 15 avril 2009, laquelle n'a, il est vrai, pas de caractère rétroactif. (Sourires.)
Le regroupement à Balard des états-majors et de l'administration centrale du ministère de la défense sera une source d'économie. Ce projet prévoit l'installation sur un site unique, autour du ministre et de son cabinet, d'environ 10 000 fonctionnaires civils et militaires du ministère, pour un coût approximatif de 600 millions d'euros. Il sera mené en partenariat avec un opérateur privé, qui bâtira les immeubles, dont il sera propriétaire pendant trente ans, et auquel la défense versera un loyer. Cette solution a été préférée à une opération strictement patrimoniale, qui aurait été beaucoup plus difficile à financer et qui n'aurait pas forcément respecté les délais sur lesquels le partenaire privé s'engagera de manière contractuelle.
Cette opération permettra de gagner 24 % de surface supplémentaire par rapport aux actuelles implantations que la défense va libérer, en raison de la disposition peu fonctionnelle des locaux actuellement occupés et parfois fort anciens. Des économies substantielles sont attendues en matière de frais d'entretien, de restauration et de transport. Actuellement, le ministère de la défense évalue à 226 millions d'euros par an le coût de fonctionnement des 10 000 personnes qui seront affectées à Balard. Le loyer qui sera versé au partenaire privé n'est pas encore connu, puisqu'il résultera de l'appel d'offres. En outre, cette somme inclura un grand nombre de services de fonctionnement : restauration, entretien, assistance bureautique, gardiennage extérieur. Si son montant correspond aux estimations du ministère, l'économie réalisée par la défense, donc par le contribuable, sera substantielle. Le chef du contrôle général des armées l'a estimée entre 2,5 à 3,5 milliards d'euros sur trente ans.
Je constate la bonne tenue du calendrier et le bon état d'avancement de la démarche, mais je suivrai évidemment avec beaucoup d'intérêt ce projet emblématique de la réforme des armées et je souhaite naturellement que le Parlement soit associé de la manière la plus étroite possible à l'élaboration de ce projet structurant pour la défense de notre pays.
Les armées explorent également d'autres voies pour réduire les dépenses et réaliser des économies. L'interarmisation en est une très efficace. Ainsi, dans un souci d'économie et d'efficacité, l'année 2010 verra la fusion des trois commissariats d'armée au profit d'un commissariat unique. Je suivrai avec intérêt cette démarche, qui va dans le sens d'une rationalisation des procédures et des moyens. De la même manière, la mise en place, d'ici à 2014, d'un seul système interarmées de paiement de la solde de tous les militaires constituera un progrès considérable et une source d'économies. Je ne peux donc qu'encourager ce mouvement, facteur d'économies, qui non seulement ne remet pas en cause notre contrat opérationnel, mais encore prouve que le ministère de la défense concourt à l'optimisation des deniers publics.
Les efforts consentis par les agents du ministère de la défense en cette période de réforme se devaient d'être soulignés et récompensés. Je suis donc heureux de rappeler que le plan de revalorisation de la condition militaire se poursuivra en 2010. Ainsi, au titre des mesures catégorielles militaires, le projet de loi de finances pour 2010 prévoit 99 millions d'euros de mesures nouvelles. La plus significative d'entre elles, d'un montant de 70 millions, permettra de poursuivre la revalorisation des grilles indiciaires, déjà entamée en 2009, notamment au profit des grades de sous-officiers – sergent et sergent-chef – ou d'officiers – sous-lieutenant et capitaine – en début de carrière. Au total, sur deux ans, 128 millions d'euros – dont 58 millions en 2009 – seront consacrés à la revalorisation des grilles indiciaires, et nous nous en réjouissons pour celles et ceux qui ont choisi cette belle mais exigeante carrière.
Un mot sur la communication du ministère de la défense. Celle-ci est principalement assurée par la Délégation à l'information et à la communication de la défense, la DICOD. Il faut constater que, dans les faits, la fonction communication est dispersée au sein des armées. Loin de travailler de manière coordonnée, différents organismes se retrouvent parfois dans des situations de concurrence. De ce point de vue, le regroupement sur un seul et même site, à Balard, des différents états-majors, de leurs moyens de communication et de la DICOD mettra certainement en évidence les redondances et permettra de rationaliser cette fonction.
Je me suis également intéressé à la communication interne, m'interrogeant notamment sur l'accès des personnels civils et militaires du ministère aux travaux parlementaires. Régulièrement, en effet, députés et sénateurs rendent visite à nos forces, en France ou sur les théâtres d'opérations extérieures, et des rapports parlementaires, de l'Assemblée nationale comme du Sénat, portant sur des thèmes d'actualité qui intéressent directement les armées sont publiés. Or, les retombées dans les revues dédiées à la communauté militaire ne me semblent pas refléter l'implication des parlementaires sur ces questions.
Monsieur le ministre, vous qui avez siégé sur ces bancs, vous ne pouvez vous satisfaire d'une telle situation. À titre d'exemple, le rapport de la mission d'évaluation et de contrôle que nous avons publié, en juillet 2009, avec ma collègue Françoise Olivier-Coupeau contient des propositions très concrètes concernant la communauté militaire. Or, il ne semble avoir fait l'objet d'aucun développement dans la presse institutionnelle du ministère, ce qui est regrettable au moment où l'on doit renforcer le lien entre la nation et ses armées, lien qui passe également par les élus de la République.
Je voudrais aussi citer d'excellents rapports d'information, tels que celui que MM. Bernard Cazeneuve et François Cornut-Gentille ont consacré à la mise en oeuvre et au suivi de la réorganisation du ministère de la défense, ou celui que Mme Patricia Adam, MM. Patrick Beaudouin et Yves Fromion ont consacré à l'exécution de la loi de programmation militaire pour les années 2003 à 2008.
Reconnaissez, monsieur le ministre, que ces travaux – et beaucoup ici le souligneront à leur tour – méritent d'être mieux connus et mieux valorisés, non pas dans l'intérêt de leurs auteurs, qui ne perçoivent aucun droit, mais pour l'attention que porte le Parlement à ces sujets qui concernent au premier chef notre communauté militaire.
J'en viens maintenant aux conclusions de la mission d'évaluation et de contrôle sur le coût des OPEX, à laquelle je viens de faire allusion.
Lors de l'élaboration du rapport, nous avons souhaité que soit mise à jour l'instruction du 25 mai 1984, fixant les règles de calcul en matière de remboursement des surcoûts des OPEX. À notre connaissance, cette mise à jour n'a pas encore été réalisée. Nous sommes à votre disposition, monsieur le ministre, pour vous aider à trouver, avec le ministère du budget, les moyens d'un nouvel accord.
Avant de conclure, je souhaiterais dire un mot des réserves, pour souligner que cette composante des armées ne doit pas être utilisée comme variable d'ajustement. En 2008 comme en 2009, la dotation globale de la réserve, annoncée à hauteur de 97,5 millions d'euros, s'est retrouvée amputée et n'a finalement pas dépassé 92 millions. Il faut, monsieur le ministre, que vous veilliez à ce que ces montants soient conformes à la loi de finances initiale, et notamment que l'utilisation des réservistes opérationnels soit conforme aux préconisations de la mission d'évaluation et de contrôle à laquelle j'ai fait référence, pour permettre aux entreprises françaises d'être plus directement présentes sur les théâtres d'opérations et sur les marchés de reconstruction.
En conclusion, je rappelle que la commission des finances a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Défense ». Sous réserve des précisions que vous voudrez bien nous apporter, monsieur le ministre, j'invite notre assemblée à adopter ce projet de budget opérationnel de la défense, dont j'ai l'honneur d'être le rapporteur. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Jean-Michel Boucheron, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères.
Monsieur le ministre, notre commission des affaires étrangères a décidé, sans que je cherche à l'influencer, d'approuver votre budget. (Sourires.) Celui-ci s'établit, cette année, à 39 milliards d'euros ou, plus précisément, à 30 milliards hors pensions. Il est comparable au budget britannique, mais plus de vingt fois inférieur à celui des États-Unis, puisque le Congrès vient d'accorder 680 milliards de dollars au président Obama. Pour faire bonne mesure, j'ajouterai que notre budget de la défense est deux fois moindre que le budget du renseignement non militaire des États-Unis. Ces quelques chiffres fournissent des repères utiles pour le débat stratégique.
Il revient à mes collègues rapporteurs de la commission des finances et de la défense d'analyser de manière plus approfondie ce chiffre de 30 milliards, qui est conforme à la loi de programmation militaire. Un budget sans doute modeste nécessite, pour être efficace, d'être réalisé et stabilisé. Or, il semble que toutes les recettes de l'année 2009 n'aient pas été au rendez-vous. Le niveau de vos crédits est satisfaisant, mais grâce à deux renforts qui n'existeront pas l'année prochaine : le plan de relance, à hauteur de 770 millions d'euros, et les ressources exceptionnelles, à hauteur de 1,6 milliard d'euros. Il est probable que les recettes immobilières finiront par être au rendez-vous, mais il est tout aussi probable que les recettes liées aux fréquences ne le seront pas – et je ne parle pas de celles tirées de Syracuse III : il existe, autour de ce dernier dossier, trop d'incertitudes et de bureaucratie.
Quant au plan de relance, il ne sera pas là non plus, j'espère,…
…sauf à penser qu'une nouvelle crise financière déferlera sur le monde. Pour tout dire, je suis un peu inquiet pour les équilibres du budget 2011. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
À chaque jour suffit sa peine, mais ce sera certainement un peu plus dur l'année prochaine.
La réorganisation de nos armées se poursuit à marche forcée. La suppression de 8 000 postes cette année et la mise en place accélérée des bases de défense créent un climat social quelque peu tendu. Même si ces réformes sont évidemment nécessaires, il faut tenir compte du moral des hommes, qui est généralement moins bon que ne nous le dit le rapport du même nom. Et il faut prendre garde à ce que le succès remporté par les départs volontaires soit moins dus à l'attraction du pécule qu'à l'envie de partir…
En ce qui concerne notre présence hors frontières, je ferai peu de commentaires sur le niveau de financement des OPEX – 800 millions d'euros pour 450 millions budgétés –, car le mécanisme est maintenant rodé. Mes questions porteront plutôt sur notre prépositionnement, car, si notre dispositif à Abou Dhabi et à Djibouti est clair, pour l'Afrique de l'ouest, les choix entre Dakar, Libreville et N'Djamena restent à faire. S'agissant de notre nouvel accord de défense avec les Émirats, je suppose, monsieur le ministre, que le texte sera, comme d'habitude, rapidement transmis au Parlement.
J'aimerais simplement indiquer ici que deux dispositifs me semblent surdimensionnés : 900 hommes au Kosovo et 1 400 au Liban.
Je souhaite également vous livrer quelques réflexions de fond. Vous ne vous étonnerez pas que je vous parle de l'OTAN et de l'Europe de la défense. Le coût de notre retour dans l'OTAN doit être connu par la Nation : 1 250 officiers de haut niveau et 30 millions d'euros de budget civil !
Il ne s'agit pas seulement d'officiers, mais de 1 250 personnels en tout !
Il y a des personnels de catégorie B et C !
On nous avait dit que cette adhésion à l'OTAN allait faire sauter les obstacles de la construction de l'Europe de la défense…
…mais, depuis la fin de la présidence française, il n'y a rien eu, si ce n'est quelques réunions sur l'interopérabilité navale et sur le déminage maritime. Et, du côté de l'Agence européenne de défense, c'est un encéphalogramme plat ! L'état-major permanent reste, lui aussi, un sujet tabou. Cette situation est regrettable, mais il faut aller de l'avant.
La France malgré ses faibles moyens, tient bien son rang. Elle tente, sans succès, d'entraîner une Europe partiellement gagnée par la nonchalance des peuples heureux. Il nous faut gagner de nouveaux partenaires à l'Est et surtout au Sud. Ce chemin difficile est le seul pour ceux qui ne se résignent pas à la perspective d'un monde réduit à un duopole sino-américain assiégé par tous les pauvres et tous les intégristes de la planète ! Je crois, monsieur le ministre, qu'une réflexion associant le Parlement sur la bonne utilisation des coopérations structurées est la meilleure voie pour relancer la machine européenne de défense. Nous en connaissons les obstacles politiques et financiers, puisque nous représentons, avec la Grande-Bretagne, 40 % des dépenses européennes en investissement ainsi qu'en recherche et développement.
C'est 70 % du secteur « recherche et développement » !
Je souhaite également vous alerter concernant la « brillante » idée de M. Rasmussen d'« otaniser » la nouvelle politique antimissile américaine en Europe. Il s'agit évidemment de nous faire financer l'industrie américaine, pour nous doter de moyens de défense dont eux seuls auraient la clé de fonctionnement. La ficelle est grosse, mais je me permets d'insister sur ce point, car le piège à déjà fonctionné une fois avec l'avion de combat américain F35, financé par les Européens sauf la France. Je préférerais de loin que nous financions les industries européennes pour doter notre continent d'un système commun d'alerte avancée à partir de systèmes radar et satellitaires dont nous aurions la clé – à cet égard, les systèmes GRAVES et Spirale sont d'excellents précurseurs.
En ce qui concerne le renseignement, j'ai envie de décerner un vrai satisfecit. Sur les 700 postes supplémentaires prévus à la loi de programmation militaire, 130 seront attribués dès 2010 à la DGSE, et les effets de la RGPP sur la DRM et la DPSD restent à un niveau symbolique. Les moyens techniques sont également au rendez-vous.
La création du Conseil national du renseignement est à mon sens une excellente réforme, susceptible notamment de créer la vraie communauté du renseignement qui manquait tant à la France. C'est un saut quantitatif et qualitatif, qui favorisera la cohérence des objectifs et les synergies humaines.
Je voudrais cependant lancer un appel quelque peu solennel pour dire à quel point les projets spatiaux MUSIS et CERES ne doivent, en aucun cas, subir un décalage dans le temps.
Ces moyens optiques et électromagnétiques sont des technologies maîtrisées, comme le prouvent ESSAIM et ELISA, mais ce sont des projets en coopération et l'on connaît les risques d'un possible retard : au-delà de 2014, si MUSIS n'était pas au rendez-vous, nous serions aveugles stratégiquement et politiquement. Vous connaissez, monsieur le ministre, l'importance politique de pouvoir voir. Ces deux projets doivent donc constituer la grande priorité de nos équipements.
Je pense que mes collègues rapporteurs pour avis diront leur inquiétude quant à la vraie faiblesse des armées françaises : le transport tactique et stratégique. Entre le dossier de 1'A400M et celui du NH90 Marines, je vous souhaite bien du plaisir !
Enfin, je voudrais dire un mot de nos exportations, plus exactement des nouvelles relations stratégiques militaires et industrielles nouées avec les Émirats et le Brésil. Ces stratégies sont intelligentes, car elles permettent d'établir des relations de confiance avec ces pays importants, qui ne sont plus des clients, mais de vrais partenaires industriels avec qui nous partageons notre savoir-faire, ce qui nous permet de baisser nos coûts. Donner du savoir-faire, c'est mieux équiper les armées françaises. Ce pari était psychologiquement impensable il y a quelques années.
La seule déception se situe au niveau du comportement du Congrès américain vis-à-vis du Pentagone. Le nouvel appel d'offre pour les avions ravitailleurs est conçu pour faire gagner Boeing, à qui ont été fournies les données comptables de l'offre d'Airbus.
Il est tellement clair que la décision est prise d'avance qu'un sénateur américain a protesté récemment, et que certains se demandent si EADS doit participer à nouveau à cette compétition truquée. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Enfin, deux menaces nouvelles doivent être prises en considération. Pour ce qui est de la piraterie, nous avons nettement gagné en efficacité grâce à l'amélioration du contexte juridique et à la bonne initiative consistant à faire protéger nos bateaux de pêche par des hommes présents à bord et dont c'est le métier.
La cyberdéfense, quant à elle, n'est pas suffisamment prise en compte en France. L'aspect exagérément multiforme des structures informatiques de l'armée française nous protège peut-être, mais ce n'est pas un hasard si la Chine a construit un grand service spécialisé dans la cyberdéfense, qu'elle appelle sa « grande muraille numérique », si les États-Unis en font leur cinquième espace de défense, doté de près de mille experts, et si le président Obama vient de commander une revue stratégique spéciale sur cette question. La France a créé une Agence nationale de sécurité des systèmes d'information ; il va falloir lui donner des moyens.
Nos armées, Monsieur le ministre, sont en pleine réorganisation et en plein rééquipement. Elles le méritent, car elles sont confrontées en Afghanistan à une situation dangereuse. Vous avez décidé, à effectif constant, de renforcer la protection de nos hommes et leur capacité de renseignement : il fallait le faire.
Chacun a évidemment, en cet instant, une pensée pour ceux qui ne sont pas revenus d'Uzbin, dans la province de Kapisa. À partir du moment où un homme, même un seul, trouve la mort, c'est que quelque chose s'est passé qui n'a pas été prévu. Malheureusement, depuis la nuit de temps, on sait que l'art de la guerre, c'est l'art de surprendre. Nos adversaires sont redoutables, on le sait depuis le 11 septembre. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Yves Fromion, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées pour l'environnement et la prospective de la politique de défense.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le programme 144, relatif à l'environnement et à la prospective de la politique de défense, qui regroupe 4,8 % des crédits de paiement de la mission « Défense », comporte des actions extrêmement diverses : analyse stratégique, prospective, renseignement, recherche, soutien aux exportations, diplomatie de défense. Au-delà de cette apparente disparité, il obéit à une logique d'ensemble, axée autour d'un but commun essentiel : la préparation de l'avenir. Je concentrerai mon propos sur les points principaux de ce projet de budget : l'évolution globale des crédits du programme 144, le renseignement, la recherche et l'espace.
Le programme 144, qui constitue une priorité, voit ses crédits continuer à croître. Les crédits de paiement demandés pour 2010 s'élèvent à 1,78 milliard d'euros, contre 1,74 milliard en loi de finances initiale pour 2009, soit une augmentation de 2,6 %. Cette augmentation montre l'importance accordée à ce programme, alors que l'ensemble des crédits de la mission « Défense » diminue. Elle tient principalement à celle dont bénéficie l'action 3 finançant le renseignement et, en son sein, la sous-action 31 consacrée au renseignement extérieur, dotée de 47 millions d'euros supplémentaires.
Les crédits relatifs aux autres actions sont globalement stables à périmètre constant, à l'exception de l'action 6, relative à la diplomatie de défense, qui bénéficie d'un abondement de 7 millions d'euros, essentiellement dû à l'accroissement du financement du partenariat mondial du G8 – que sera-ce avec le G10 !
Les autorisations d'engagement prévues baissent, elles, de 101 millions d'euros, c'est-à-dire de 5,5 %. Cette baisse est principalement imputée sur deux actions : la recherche et l'exploitation du renseignement – action 3 –, qui perd 67 millions d'euros, et la maîtrise des capacités technologiques – action 4 –, amputée de 33 millions d'euros. Elle est liée au rythme nécessairement fluctuant des programmes d'investissement.
Deuxièmement, l'effort en faveur du renseignement se poursuit. Priorité du livre blanc, le renseignement est également au coeur de la loi de programmation militaire. Après un net accroissement des moyens dans la loi de finances initiale pour 2009, se traduisant par une augmentation de 23,3 % des autorisations d'engagement et de 8,1 % des crédits de paiement de l'action 3, l'effort est encore maintenu pour l'an prochain en crédits de paiements. D'un montant prévu de 624 millions d'euros pour 2010, ils connaissent une nouvelle augmentation de 8,1 %.
Cet accroissement profite essentiellement à la direction générale de la sécurité extérieure, en vue de renforcer ses effectifs – elle bénéficiera à ce titre de 145 emplois équivalents temps pleins supplémentaires – ainsi que ses moyens techniques, avec 12 millions d'euros de crédits d'investissement supplémentaires.
Les crédits de la direction de la protection et de la sécurité de la défense, la DPSD, sont stables, de même que ceux de la direction du renseignement militaire, la DRM, qui relève du programme 178.
Troisièmement, la recherche doit encore relever de multiples défis, comme cela a été dit par mes prédécesseurs à cette tribune. Il faut distinguer les crédits prévus au titre du programme 144 et l'effort global de recherche, regroupant également les crédits des autres programmes. Avec un montant de 995,6 millions d'euros prévus pour 2010, les crédits de paiement de l'action 4 du programme 144 sont en légère baisse – 3,8 millions d'euros – par rapport à l'an dernier. Il n'en est pas de même des sous-actions la composant. La sous-action 41, relative aux études amont espace – 54,2 millions d'euros –, enregistre une baisse de 3,5 millions par rapport à 2009, tandis que la sous-action 42, relative aux études amont nucléaire, bénéficie d'une augmentation de 17,4 millions d'euros.
Il faut bien reconnaître que tout cela est un peu compliqué et que l'on s'y perdrait facilement, mais ce n'est pas moi qui ai fait le programme 144 !
Les crédits de la sous-action 43, relative aux autres études amont, diminuent de 22 millions, alors que ceux de la sous-action 44 s'accroissent de 5 millions – comme je le disais, c'est un peu compliqué, mais vous finirez par vous y retrouver en lisant le rapport que j'ai rédigé. (Sourires.)
L'effort global de recherche et développement prévu pour 2010en matière de défense s'élève à 3,58 milliards d'euros en crédits de paiement. Ce montant est en diminution de 239 millions, soit 6,25 %, par rapport à 2009. Il résulte essentiellement de la réduction de 305 millions d'euros des crédits consacrés aux développements, une réduction s'expliquant, selon le ministère de la défense, par la diminution des crédits d'équipement prévus par la loi de programmation.
Il n'en reste pas moins que l'effort consenti pour les études amont, qui est de 653,2 millions d'euros, en diminution par rapport à 2009, demeure insuffisant, même s'il est vrai qu'une partie des crédits de la recherche duale et des subventions à des organismes de recherche tels que l'ONERA contribue aussi au financement d'études amont. Je réaffirme qu'un objectif d'un milliard d'euros pour ce poste serait souhaitable, eu égard à l'ampleur prise par la course à la supériorité technologique.
Cet objectif que j'avais avancé dans un rapport rendu en 2005 sur la recherche de défense, vous l'avez fait vôtre, monsieur le ministre, ainsi que vos collègues de l'Agence européenne de défense, puisque vous avez admis la nécessité d'accroître de 60 % l'investissement « recherche et technologie » en Europe pour le porter à 2 % des dépenses de défense, ce qui correspond à 1,1 milliard d'euros pour la France.
Notre pays a trois défis à relever en matière de recherche dans le domaine de la défense. D'abord un défi technologique : selon les informations qui nous ont été fournies par vos services, monsieur le ministre, je rappelle que 31 % des technologies à l'étude dans les laboratoires français – et 13 % au niveau européen – sont déjà disponibles en environnement opérationnel aux États-Unis. Cette situation nous appelle à réagir. Il y va de la cohérence de la politique que nous menons au fil des lois de finances avec les orientations de la loi de programmation militaire et celles du Livre blanc. Ces deux documents mettent en exergue la nécessité pour la France de « conserver son autonomie stratégique en matière industrielle et technologique ».
Ne faut-il pas consentir davantage d'efforts pour aller au-devant des ruptures technologiques et scientifiques pressenties et énumérées dans le livre blanc, pour mieux maîtriser les parades à la vulnérabilité de nos dispositifs satellitaires, pour préserver notre autonomie d'accès à l'espace, pour être un acteur majeur, notamment au sein de l'OTAN, de la défense antimissiles, pour contrer les menaces croissantes contre nos cybersystèmes ?
Force est de constater, monsieur le ministre, que le compte n'y est pas tout à fait, sans vouloir pour autant sous-estimer l'importance des crédits inscrits. Et je crains que les contraintes budgétaires n'offrent guère de perspectives dans les années à venir ! Dès lors, pour ne pas porter atteinte à la cohérence du Livre blanc, je ne vois que deux solutions : intégrer la recherche de défense parmi les secteurs clés concernés par le grand emprunt national, ou procéder à des ajustements dans le périmètre de notre appareil de défense.
S'agissant du grand emprunt, vous nous avez fait part, monsieur le ministre, des démarches que vous avez entreprises et, à cet égard, vous avez le soutien sans réserve de notre commission. Si l'on devait aller jusqu'à une révision de certaines de nos ambitions, je n'hésite pas à évoquer – en mesurant le risque que je prends – la composante aéroportée de notre dissuasion nucléaire. Le Livre blanc la maintient au rang des priorités pendant les quinze ans à venir : c'est dire si la question est ouverte. Or, dans le budget que vous nous présentez, sont inscrits des crédits de recherche en études amont pour la préparation de la rénovation à mi-vie du missile ASMPA. Dès lors, doit-on s'interdire de réfléchir à l'évolution de notre armement nucléaire, qui a déjà connu la suppression des missiles du plateau d'Albion et celle des systèmes Pluton et Hadès ? Notre dissuasion nucléaire est le pilier central de notre stratégie de défense et doit le rester, mais elle n'a pas vocation à devenir une nouvelle ligne Maginot !
Le deuxième défi est européen : la coopération européenne permet de réduire l'écart avec les États-Unis. Mais il conviendrait que les États membres renoncent à la maîtrise strictement nationale de certaines technologies au profit d'autres États proposant des solutions plus matures et plus compétitives – je sais vos efforts en la matière. Par ailleurs, il est nécessaire de fédérer les programmes de recherche et technologie dans les domaines où l'Europe est en retard.
Troisième défi : la recherche duale. Je rappelle que celle-ci s'est révélée extrêmement utile – les programmes du CNES en témoignent notamment – mais qu'elle dispose d'un budget limité : 200 millions d'euros au titre du programme 191. Par ailleurs, certains des crédits dévolus au CNES tendent à être annulés, ce qui est inacceptable car cela risque de le conduire à démanteler ses projets industriels.
Dernier point, enfin, un budget pour l'espace globalement conforme à la loi de programmation militaire, mais qui comporte des incertitudes extrêmement préoccupantes.
Les crédits prévus pour 2010 en matière spatiale, qui dépassent le seul cadre du programme 144, sont dans la ligne des orientations de la LPM. Ainsi, les crédits de paiement enregistrent une forte augmentation, avec un montant de 426,7 millions d'euros prévus, contre moins de 200 millions en 2009. En revanche, les autorisations d'engagement baissent, passant de près de 481 millions à 233 millions, essentiellement en raison de l'étalement dans le temps des phases de commande des projets. Je souhaite à cet égard qu'un échéancier précis des autorisations d'engagement prévues jusqu'en 2014 soit fourni, avec les crédits de paiement correspondants, afin de voir comment le Gouvernement entend exactement mettre en oeuvre la LPM dans la durée.
Aucun problème, cet échéancier vous sera transmis dès demain !
En outre, l'article 29 du projet de loi de finances prévoit l'autorisation de cession de l'usufruit de tout ou partie des systèmes de communication militaires par satellite. Les contours précis de cette opération d'externalisation restent néanmoins à détailler. Il serait souhaitable que vous apportiez les précisions indispensables.
Par ailleurs, plusieurs incertitudes demeurent sur l'avenir de la politique spatiale. La première concerne la capacité du PLF à tenir les délais des programmes phares que constituent MUSIS et CERES. Ni le niveau des autorisations d'engagement ni celui des crédits de paiement ne paraissent suffisants pour financer les programmes de la composante spatiale optique et du segment sol,…
…qui exigeraient environ 200 millions d'euros en 2010, contre 90 millions et 44 millions prévus respectivement. J'attends votre réponse.
Cette inquiétude est encore renforcée pour le programme CERES, qui risque de ne pas pouvoir être mis en service en 2016 comme il était prévu.
Monsieur le ministre, j'ai mis l'accent sur certaines des interrogations suscitées par ce projet de loi. C'est la règle. Cela ne doit naturellement pas occulter l'effort accompli dans un contexte général contraint pour offrir à notre défense des perspectives ambitieuses, conformes à celles qui sont tracées dans le Livre blanc et la loi de programmation militaire.
C'est pourquoi je vous invite, mes chers collègues, à suivre l'avis positif de la commission de la défense et à adopter unanimement, je l'espère, les crédits du programme « Environnement et prospective de la politique de défense ». (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Philippe Nauche, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées pour le soutien et la logistique interarmées.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme vous le savez, le périmètre de cet avis est large, représentant près de 5,9 milliards d'euros en autorisations d'engagement dans le projet de loi de finances pour 2010. Il regroupe les services de soutien et les services interarmées. Ces deux sphères complémentaires sont au coeur du processus de réforme du ministère de la défense.
Permettez-moi tout d'abord de vous présenter l'évolution globale de ces budgets avant de vous soumettre quelques-unes des réflexions et des propositions que ce travail m'a inspirées.
En premier lieu, je souhaiterais examiner l'évolution des dépenses et la question cruciale des ressources immobilières. En 2010, les crédits alloués au soutien de la politique de défense et à la logistique interarmées sont en hausse. Cela s'explique principalement par la montée en puissance des restructurations. Les autorisations d'engagement affectées à la sous-action « Accompagnement économique des restructurations » du programme 212 croissent de plus de 120 %, pour s'établir à plus de 680 millions d'euros. Ils servent surtout à couvrir les conséquences de la réorganisation de la carte militaire, notamment par des réaménagements de sites et par l'accompagnement des personnes et des territoires.
Cette évolution est également très nette en ce qui concerne le programme 178 « Préparation et emploi des forces », dont la sous-action « Soutien des forces par les bases de défense » est également en forte croissance : les autorisations d'engagement y passent de 19 millions d'euros à près de 375 millions d'euros. Ces crédits accompagnent la mise en place des bases de défense. L'ensemble des mesures liées aux réformes des implantations militaires et à la création des bases de défense commence à représenter un montant important, supérieur au milliard d'euros en autorisations d'engagement.
Au titre des principales innovations de ce projet de budget, je relève la création de services interarmées, poursuivant la démarche de rapprochement des moyens des trois armées sous l'autorité du chef d'état-major des armées : le service interarmées des munitions, le service du commissariat aux armées. Ces créations confirment une tendance lourde, encore illustrée cet été par l'instauration d'un commandement interarmées de l'administration et du soutien – le COMIAS – qui coordonne au niveau de l'état-major des armées les actions de mutualisation du soutien dans le cadre des bases de défense. Ce sont des initiatives intéressantes, qu'il nous faudra suivre avec attention.
En ce qui concerne les recettes, on ne peut qu'être inquiet de la faiblesse des ressources issues des cessions immobilières en 2009. Là où le Gouvernement attendait près de 970 millions d'euros, seuls 70 millions ont été collectés au titre des ventes en tant que telles. Il a pu également compter sur la fameuse « soulte » de la société nationale immobilière. Cette société, qui gère le parc immobilier du ministère, lui a versé par anticipation dix années de redevance, soit 215 millions d'euros, alimentant le compte d'affectation spéciale immobilier. Mais c'est une opération unique.
Le Gouvernement est donc loin de l'objectif qu'il s'était fixé. Pour 2010, 700 millions d'euros sont attendus au titre de la cession des emprises parisiennes : seront-ils au rendez-vous ? Plus généralement, tous ces éléments remettent en cause la ventilation des ressources exceptionnelles, telle que la loi de programmation militaire l'avait prévue. L'objectif global est-il maintenu ? Selon quel calendrier ?
Après ces éléments généraux, je souhaiterais vous livrer quelques remarques.
Tout d'abord, j'observe que, dans ce vaste mouvement de réforme, les personnels, notamment civils, du ministère semblent particulièrement inquiets, parfois même découragés. Nous avons entendu les organisations représentatives le 7 octobre dernier, et leurs propos correspondent bien à ce que nous voyons sur le terrain. Les personnels civils, mais aussi les militaires, ont besoin de perspectives claires et d'un minimum de stabilité. Le ministère de la défense va de réforme en réforme depuis quinze ans, et je comprends leur lassitude.
Par ailleurs, je regrette que, de gauche comme de droite, nous n'obtenions pas de retour précis sur les expériences conduites, en particulier sur les bases de défense. On peut s'interroger a posteriori sur la pertinence de l'expression « base de défense », dont la signification est peut-être trop liée à un certain nombre de séries télévisées et ne correspond pas à la réalité du terrain. Monsieur le ministre, vous avez annoncé une diminution du nombre de bases de défense : sur quels fondements appuyez-vous cette décision ? On peut lire ici ou là que, selon vous, les bases de défense ont d'ores et déjà permis une économie de 5 % sur les emplois de soutien. Comment établir cette évaluation, alors que tous les interlocuteurs de la commission ont indiqué qu'il n'existait pas de donnée chiffrée sur cette question ?
En outre, le débat consistant à identifier les personnels affectés aux activités de soutien de ceux affectés aux opérations me semble symptomatique de ce manque de visibilité, y compris au sein des différents services du ministère. On finit par parler de soutien opérationnel sans que personne ne sache très bien définir ce qui relève du soutien, du soutien opérationnel ou de l'opérationnel.
Il faut conclure, monsieur le rapporteur ! (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)
Je m'achemine vers ma conclusion, madame la présidente.
Ma crainte est que les approches élaborées de façon descendante, et qui s'apparentent à ce que certains appellent de la « gestion de conduite », ne soient pas très pertinentes parce qu'il manque l'évaluation que réclament tous les membres de la commission de la défense.
En conclusion, je souhaite faire deux suggestions. Le dispositif de couverture des achats pétroliers du service des essences des armées semble avoir porter des fruits plus négatifs que positifs. Peut-être faudrait-il le supprimer ? Quelles sont vos intentions en la matière, monsieur le ministre ? Par ailleurs, je suggère un travail d'évaluation des externalisations. Il me paraît en effet crucial d'examiner cette question, qui pourrait modifier le visage de notre défense. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Jean-Louis Bernard, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées pour les forces terrestres.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'armée de terre poursuivra en 2010 la réorganisation de ses structures ainsi que le redéploiement de ses implantations et de ses personnels. Mais elle doit conserver les moyens de répondre au contrat opérationnel qui lui est fixé. Il convient donc qu'au fur et à mesure des transferts de personnels effectués, soit également transmis le potentiel de réduction lié à ces effectifs. Le soutien doit assumer sa part de déflation.
Des personnels m'ont fait part de leur inquiétude de perdre l'identité de leurs unités dans les bases de défense. Sans remettre en cause l'effort de rationalisation, ils considèrent que leur mise en oeuvre ne tient pas suffisamment compte de la spécificité de l'état de militaire.
Le budget 2010 se caractérise par une diminution des crédits réservés à l'armée de terre au titre du programme 178. Ils baissent de 0,9 % en autorisations d'engagement et de 2,85 % en crédits de paiement.
Avec près de 7,3 milliards, les crédits inscrits au titre 2 diminuent de 2,67 %. Cette baisse est la conséquence de la réduction des effectifs. Elle ne lui est toutefois pas proportionnelle, compte tenu des mesures de revalorisation des soldes.
Pour les personnels, l'exercice 2010 se caractérisera par une réduction de 7 422 emplois. Environ la moitié concernent des transferts, en particulier vers les structures interarmées.
Les militaires du rang sont pour une large part logés en casernement. Lors de mes déplacements, j'ai observé un contraste saisissant entre la qualité, la technicité, la sophistication des matériels dont disposent les militaires et l'état des infrastructures d'hébergement.
En matière d'équipements, je constate que la disponibilité des matériels reste fragile. Elle est globalement de 73 % pour les matériels terrestres et de 57 % pour les aéronefs mais dépasse toutefois 90 % en OPEX, priorité étant donnée aux matériels projetés.
Parmi les livraisons attendues en 2010, je citerai celles de 99 véhicules blindés de combat d'infanterie, 34 canons CAESAR, 340 petits véhicules protégés, 5 045 systèmes FÉLIN. L'expérimentation a montré l'adéquation de ce dernier au besoin opérationnel mais il doit être amélioré dans les domaines de l'énergie, du poids et de l'ergonomie.
Les commandes de 22 lance-roquettes unitaires, 187 petits véhicules protégés et 220 camions sont prévues. La rénovation de 100 missiles MISTRAL et celle de 3 hélicoptères Cougar sont programmées. Quant au programme Scorpion, il débutera également en 2010.
Un appel d'offres est par ailleurs en cours pour l'achat de 129 véhicules haute mobilité. Ce matériel sera un outil de transport indispensable en terrain difficile.
J'ai constaté que nos moyens en drones sont insuffisants alors que cet outil est particulièrement indispensable, notamment en Afghanistan où les troupes au sol savent pouvoir bénéficier, avec ces moyens, d'une surveillance et d'un appui. Un rapport de nos collègues Viollet et Vandewalle nous en apprendra plus dans quelques semaines.
La numérisation de l'espace de bataille est une priorité de l'armée de terre. Les retours d'expérience ont montré qu'elle apporte une réelle plus-value opérationnelle.
Je terminerai par quelques mots sur les engagements en OPEX. L'armée de terre est particulièrement sollicitée dans les opérations extérieures et je me félicite des efforts réalisés, et qui seront poursuivis, pour renforcer la protection des personnels, particulièrement exposés.
Nous devons, avec les armées, expliquer à nos concitoyens l'action et le métier des armes afin que l'adhésion de la nation ne se trouve pas fragilisée faute de compréhension de la nécessité des engagements et de leurs conséquences possibles.
Par ailleurs, monsieur le ministre, lors de mon déplacement au Tchad, j'ai constaté que le dispositif Épervier était essentiel pour défendre les intérêts de la France, en particulier la sécurité de nos ressortissants.
En conclusion, le budget 2010 devrait permettre à l'armée de terre de disposer des ressources strictement nécessaires.
La commission de la défense a donc émis un avis favorable à l'adoption des crédits des programmes 178 et 140 consacrés aux forces terrestres. Je demande à notre assemblée de se prononcer dans le même sens. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à Mme Marguerite Lamour, rapporteure pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées pour la marine.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de budget de la défense pour 2010 constitue la deuxième annuité de la loi de programmation militaire et s'inscrit, comme le budget 2009, dans un contexte de crise rendant nécessaires les rationalisations entamées l'an passé.
La marine s'est pleinement engagée dans ce processus de transformation. L'effort devra se poursuivre.
Lors des auditions, les échanges que j'ai eus avec les personnels me confirment ce que je vous disais déjà l'an passé, à savoir que les marins acceptent le principe et les objectifs de la réforme et sont prêts à faire les efforts d'économie nécessaires.
Mais ils ont conscience – et je ne peux que leur donner raison – que la marine a déjà effectué une profonde transformation de son organisation,…
…qui lui donne aujourd'hui une certaine avance, mais rend plus difficiles les nouveaux efforts qui lui sont demandés.
J'en viens au présent projet. Je ne détaillerai pas les crédits des programmes 178 et 146 : je vous renvoie pour cela à mon rapport écrit. Je soulignerai quelques éléments clés qui distinguent ce budget des précédents.
Les crédits de préparation et d'emploi des forces navales du programme 178 s'élèveront en 2010 à 4,87 milliards d'euros en autorisations d'engagement et 4,24 milliards d'euros en crédits de paiement.
Au titre de la politique de ressources humaines tout d'abord, afin d'atteindre l'objectif « 44 000 hommes en 2015 », 2 454 postes seront transférés ou supprimés en 2010.
Pour la marine, le problème principal n'est pas celui des suppressions de postes au sens strict car, globalement, les départs attendus sont supérieurs, sur l'ensemble de la période, aux réductions d'effectifs demandées.
La difficulté est de faire coïncider, dans le temps et selon les types d'emplois, départs naturels et besoin de réduction de postes. Pour cela, il faut sans cesse ajuster les nouveaux recrutements aux besoins les plus urgents, mettre en oeuvre des formations adaptées aux spécialités et accompagner les départs et reconversions.
Un mot sur les crédits de fonctionnement courant, qui faisaient, depuis des années, l'objet de mesures d'économie. En 2010, alors que ces coûts devraient décroître du fait de la réduction des effectifs, la dotation de fonctionnement courant de la marine sera maintenue au niveau de 2009.
Cette mesure constitue une bonne nouvelle pour l'ensemble des bases et des formations de la marine. Elle devrait permettre de mieux couvrir les besoins qui présentent une faible élasticité.
Les dotations établies en construction budgétaire doivent donc se fonder sur des évaluations strictes mais réalistes des besoins.
J'en viens aux crédits de maintien en condition opérationnelle – le MCO. La marine, à travers le service de soutien de la flotte, le SSF, fait figure d'exemple pour la rationalisation et la modernisation de l'entretien de ses matériels.
La forte augmentation des autorisations d'engagements – de l'ordre de 25 % – permettra au SSF de consolider les contrats « cap 2008 ». Les crédits de paiement, quant à eux, observent une baisse de près de près de 14 %, due notamment au remboursement des avances versées en 2009 dans le cadre du plan de relance.
Globalement, les dotations permettront de répondre aux besoins les plus urgents, mais le MCO demeure problématique en raison du vieillissement de la flotte.
La marine est actuellement dans une période de transition pour le renouvellement de ses moyens. De façon générale, le renouvellement des équipements se traduit par une restriction des moyens. Les équipements sont dotés de capacités supérieures, mais cela entraîne des coûts de maintenance qui sont également plus importants.
Il serait regrettable que les crédits de MCO soient considérés comme une variable d'ajustement pour temps de crise. Nous savons bien que le fait de sacrifier l'entretien des équipements revient à mettre en péril la disponibilité et l'entraînement des équipages, ce qui n'est pas sans conséquences sur la capacité opérationnelle !
Concernant le programme 146, je crois pouvoir dire que la marine, contrairement à ce que l'on voudrait laisser entendre, n'est pas privilégiée dans l'actuelle loi de programmation.
Les orientations capacitaires retenues par le Livre blanc ont été confirmées, et ce format privilégie la capacité hauturière en prévoyant la mise en oeuvre de quatre sous-marins nucléaires lanceurs d'engins, six sous-marins nucléaires d'attaque, un porte-avions et son groupe aérien, dix-huit frégates de premier rang et quatre bâtiments de projection et de commandement.
Les appareils de l'aéronavale seront quant à eux inclus dans une composante aérienne unique de 300 avions de combat modernes, Rafale et Mirage 2000 polyvalents.
Cependant, à l'exception de la capacité de dissuasion sous-marine, l'essentiel de la modernisation des équipements est prévu pour la seconde phase de la loi de programmation militaire, qu'il s'agisse des premières livraisons de programmes déjà engagés et étalés, ou du lancement de programmes importants et attendus.
Ces programmes répondent, qualitativement parlant, aux besoins de la marine. Néanmoins, cet étalement risque de générer des ruptures capacitaires temporaires et des réductions de format préjudiciables à la bonne exécution des missions de la marine.
Je ne peux clore mon propos, monsieur le ministre, sans évoquer le second porte-avions qui, je l'espère, nous tient à coeur à tous ici.
Si le report de sa commande peut se comprendre dans le contexte budgétaire actuel – la fameuse « bosse » budgétaire de 2010 –, la nécessité de doter la France d'un second bâtiment demeure.
L'année 2010 doit donc être mise à profit pour conduire à son terme la réflexion sur ce sujet, tout particulièrement en matière de propulsion.
En conclusion, je vous propose de suivre l'avis de la commission de la défense, qui a donné un avis favorable à l'adoption des crédits de la marine pour 2010. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La parole est à M. Jean-Claude Viollet, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées pour l'air.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais, dans le temps qui m'est accordé, commencer par passer en revue les principaux équipements de notre armée de l'air, en m'attachant, pour chacun d'eux, à l'évaluation de la satisfaction du besoin opérationnel.
L'aviation de combat poursuit son renouvellement, avec la mise à niveau des Mirage 2000 N stratégiques, la rénovation à mi-vie des Mirage 2000 D et la montée en puissance du Rafale, dont tous les modèles air devraient être au standard F3 à la mi-2010.
S'agissant de ce dernier, je me réjouis des perspectives à l'export, que nous devons continuer de soutenir, ce qui passe notamment, monsieur le ministre, par l'engagement, avant la fin de cette année, comme prévu, de la commande globale n° 4 de soixante appareils.
Pour le reste, et dans le cas où le succès du Rafale à l'export vous conduirait à reconsidérer le calendrier des livraisons à l'armée de l'air, nous aurions tout intérêt, comme je vous l'ai déjà dit, à accélérer la rénovation à mi-vie des Mirage 2000 D, ce qui nous permettrait de retirer au plus vite du service les flottes les plus anciennes.
Votre action pour la défense de ce programme majeur en coopération, tout comme les efforts des industriels, nous permettent aujourd'hui d'espérer un premier vol d'ici à la fin de l'année, et un début des livraisons pour 2013.
En attendant, il nous faut combler le déficit capacitaire. Des mesures ont déjà été prises : mobilisation des contrats de location, régénération d'une dizaine de Transall et achat de Casa.
Mais nous avions aussi l'opportunité d'acheter un, voire deux A330 en version cargo. J'aurais souhaité connaître ce qui, à ce jour, s'opposerait à cette commande.
Les ravitailleurs vieillissent, sans qu'ait encore été prise la décision concernant leur renouvellement. Vous nous avez dit vos doutes sur un partenariat public-privé. Peut-être, alors, faut-il envisager l'acquisition patrimoniale. En tout cas, il est crucial de décider rapidement.
Sachant que, si nous achetions le – ou les – A330 que j'évoquais à l'instant, nous pourrions engager leur conversion en ravitailleurs dès la livraison des premiers A400M.
En ce qui concerne les systèmes d'arme, je me réjouis de la décision prise de passer enfin commande du Meteor, que j'appelais de mes voeux. En effet, ce missile d'intervention à domaine élargi, programme européen innovant, assurera au Rafale une supériorité absolue sur tous ses concurrents, ce qui devrait constituer un atout supplémentaire pour son exportation.
Pour ce qui est, enfin, des drones, voilà maintenant près de neuf mois que notre système de drones MALE – moyenne altitude longue endurance –, dénommé Harfang, est déployé en Afghanistan.
L'usage montre que nous ne pouvons en rester à l'existant, c'est-à-dire une station sol et trois vecteurs, dont un seul était opérationnel lors de ma visite à Bagram le 15 octobre.
Pour conserver notre capacité en attendant la prochaine génération, il nous faudrait disposer de trois vecteurs supplémentaires et d'une deuxième station sol, c'est-à-dire de deux systèmes complets, ce qui est un minimum pour assurer la formation, l'entraînement et le déploiement.
Or, on évoquait encore seulement, ces jours derniers, l'achat du quatrième vecteur disponible chez l'industriel, sans plus. Alors, qu'en est-il ?
De même, il nous faut, au retour d'expérience opéré après quelque mille heures de vol, prévoir l'évolution du Harfang : motorisation, optronique, caméra infrarouge sur dérive, capacité d'écoute cellulaire et points d'emport.
Ces évolutions nous permettraient de mieux répondre au besoin opérationnel, tout en validant un certain nombre d'options pour l'avenir. En effet, sans confondre vitesse et précipitation, il nous faut maintenant arrêter notre stratégie en matière de drones. Elle doit être à la hauteur de l'enjeu politique, militaire et industriel, ainsi qu'en ligne avec le Livre blanc.
Le 25 novembre prochain, nous présenterons avec Yves Vandewalle le rapport d'information auquel nous travaillons depuis l'été sur ce sujet.
Mais je ne saurais conclure sur les équipements sans évoquer leurs incidences sur la capacité opérationnelle, à travers le risque avéré de perte de compétences clés.
En effet, faute de disposer des moyens nécessaires pour l'entraînement, les compétences reculent, notamment dans le domaine du vol tactique. Or, ce qui fait la force d'une armée de l'air, vous le savez, c'est de pouvoir maîtriser tout un panel de compétences et notamment d'être en capacité de mener des opérations complexes.
Il nous faut donc donner à l'armée de l'air de premier rang qui est la nôtre les moyens de reprendre celles de ses compétences qui sont menacées, et de conserver l'ensemble des autres.
Cela m'amène – et ce sera mon dernier point – à évoquer la réforme en cours, qui touche lourdement notre armée de l'air, puisque celle-ci contribuera pour 15 000 emplois à la baisse générale des effectifs de 54 000 postes prévue d'ici à 2015, et qu'elle s'intègre fortement dans les structures interarmées, notamment au niveau des bases de défense.
Je me suis rendu à la base de défense interarmées expérimentale de Nancy, qui soutient la base aérienne 136 Nancy-Ochey. J'ai pu y observer les efforts déployés par l'ensemble des personnels pour la réussite de cette réforme, mais également les difficultés rencontrées.
Cela me conduit à m'interroger sur l'opportunité d'accélérer le mouvement pour la mise en place des bases de défense, alors que l'évaluation des bases pilotes ne semble pas aboutie, si j'en juge d'après le dernier rapport d'étape de nos collègues François Cornut-Gentille et Bernard Cazeneuve sur la mission que leur a confiée notre commission pour le suivi de ces restructurations.
De même, je me dois de faire état des interrogations des personnels de la base aérienne 128 de Metz-Frescaty – officiers, sous-officiers, militaires du rang et ouvriers d'État – rencontrés le 10 juillet, face au projet de fermeture de celle-ci, prévue en 2012.
Monsieur le ministre, je suis de ceux qui considèrent que la réforme est nécessaire. J'entends donc, à ma place, travailler autant que faire se pourra à sa réussite.
Ce faisant, je me devais d'appeler votre attention sur les tensions qui pourraient constituer autant d'obstacles qu'il convient d'aplanir, afin que la réforme, comme j'aime à le dire, ne soit pas subie, ni même consentie, mais puisse bien être partagée par le plus grand nombre.
Je n'oublierai pas cette année, comme cela m'est arrivé plusieurs fois par le passé, d'informer notre assemblée que notre commission de la défense nationale et des forces armées a, le 28 octobre dernier, émis un avis favorable sur le programme « Préparation et emploi des forces (Air) ». (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et du groupe UMP.)
La parole est à M. François Cornut-Gentille, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées pour l'équipement des forces et la dissuasion.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, les Cassandre n'ont pas toujours raison !
Je crois que l'objectivité impose de constater que, dans un climat difficile, la défense reste une priorité et qu'il convient donc de rappeler un certain nombre de motifs de satisfaction. On peut même parler d'une véritable dynamique positive autour de la défense. À cet égard, je rappellerai quatre éléments.
Le premier élément de cette dynamique positive a été posé par le Livre blanc. Nous avions besoin de ce cadre pour nous projeter dans l'avenir, ce qui ne se faisait plus depuis un certain temps. Le Livre blanc a vraiment remobilisé la communauté des acteurs de la défense. Bien sûr, il y a eu quelques voix discordantes, mais, globalement, on peut dire qu'il a donné un second souffle au consensus politique autour de la défense. C'est une chose indéniable et un atout pour l'avenir.
Deuxième élément, l'effort financier, même dans le contexte difficile que chacun connaît, est bien présent. Certes, il y a quelques surprises : ce ne sont pas les crédits exceptionnels, mais le plan de relance qui permet de boucler le budget dans des conditions satisfaisantes. Peu importe ! Les crédits sont là. Dans des temps difficiles, c'est tout à fait exceptionnel et il faut le souligner.
Troisième élément, qui conditionne toute notre stratégie sur les crédits d'équipements : les opérations extérieures. Au cours des années passées, nous avions vu monter l'inquiétude, à droite comme à gauche, sur les bancs du Parlement. Or, on doit constater que l'effort est constant dans deux directions qui me paraissent très saines pour nos équipements.
La première direction consiste dans l'effort visant à contenir l'enveloppe budgétaire. On a pu craindre à un moment une explosion de l'enveloppe des OPEX, mais elle reste contenue et c'est une bonne chose.
La seconde direction concerne la budgétisation progressive, qui avance chaque année et qui est tout à fait rassurante pour l'avenir de notre budget d'équipement.
Je voulais enfin signaler que l'export s'inscrit dans cette dynamique positive : après quelques erreurs – que l'on oubliera – il y a eu la réflexion de notre collègue Fromion, puis une mobilisation générale, jusqu'au Président de la République. Aujourd'hui, cette mobilisation donne des résultats tout à fait exceptionnels. Certes, tout n'est pas réglé : nous avons encore un certain nombre de FREMM et de Rafale à vendre. Mais l'export en ce domaine n'en est pas moins une grande réussite. Ce n'est pas simplement, je le rappelle, un motif de « cocorico » national : c'est un impératif, car la loi de programmation militaire a été construite sur un développement de l'export, et elle en a besoin pour réussir. C'est donc là quelque chose d'essentiel, et pour le moment la trajectoire est satisfaisante.
Ainsi, s'il peut exister quelques hésitations ici ou là, dans tel régiment ou dans telle unité, une lourde réforme a été engagée, et jusqu'à présent, malgré quelques frictions, cette réforme est de mon point de vue plutôt comprise, plutôt acceptée : c'est un point crucial, car une réforme subie serait tragique pour nos armées. Cette réforme est donc portée, et c'est satisfaisant.
Je voudrais souligner un certain nombre de points sur lesquels il me semble que nous devons être vigilants, afin que cette dynamique ne s'épuise pas dans les mois et années à venir.
Il y a d'abord la reconstitution de la « bosse », dont on a beaucoup parlé en 2007. En début de loi de programmation, un écart entre autorisations d'engagement et crédits de paiement est tout à fait normal. Aujourd'hui, il est quasiment de trois budgets d'investissement : il y a là quelque chose à surveiller de près.
Ce sont des commandes globales : c'est ce que veut l'industrie.
Il faut mettre en oeuvre une vraie stratégie si l'on ne veut pas faire face, à terme, à des coupes brutales.
Je voudrais aussi appeler notre assemblée à rester vigilante sur différents domaines stratégiques dans lesquels l'absence de décision apparaît de plus en plus fortement en décalage avec notre Livre blanc.
Je pense d'abord au transport aérien, évoqué tout à l'heure par M. Viollet ; je pense aussi à l'absence de décision sur les ravitailleurs multirôles Airbus A330 MRTT qui, si elle se prolongeait, pourrait mettre à mal la crédibilité de la composante aérienne de la dissuasion. Il y a là un sujet lourd.
L'autre sujet lourd est celui des drones : il a également été évoqué par M. Viollet – nous attendons le rapport qu'il co-rédige avec M. Vandewalle. Certaines décisions doivent être prises à court terme ; au-delà, il faudrait dégager une vision, une cohérence, car on a l'impression que chaque armée a sa propre stratégie en la matière. Ne faudrait-il pas plutôt une vision globale – mais laquelle, avec quel équipement, et pour quoi faire ?
Sur le sujet des drones, je crois que notre démarche n'est pas complètement claire : il nous faut progresser.
L'indispensable modernisation de la conduite de nos programmes d'armement me paraît également appeler une grande vigilance. Sous l'impulsion de Laurent Collet-Billon, une grande réforme de la Direction générale de l'armement a certes été engagée. Mais la modernisation des programmes d'armement va, je crois, bien au-delà d'une réorganisation des services, et bien au-delà de la réécriture de l'instruction générale n° 1514 : on devrait parler d'une véritable révolution culturelle en la matière.
Nos ingénieurs de l'armement, nos industriels, nos forces elles-mêmes doivent vraiment repenser leurs méthodes de travail, depuis l'expression des besoins jusqu'à la mise en service. Ce ne sont pas de simples problèmes de circulaire et de réorganisation de services : cela suppose donc des évolutions considérables dans le management ; cela suppose des procédures d'arbitrage nouvelles ; cela suppose un dialogue avec le politique sur ces sujets – qui ne sont pas simplement des sujets d'ingénieur. Quelque chose de très ambitieux doit être mis en route.
J'évoquerai enfin un risque : celui d'un enlisement, d'une bureaucratisation de cette réforme. Les bases de défense, que nous avons évoquées tout à l'heure, doivent être – de mon point de vue et, je crois, du vôtre, monsieur le ministre – la conséquence de la réforme. Or, dans la façon de faire ici ou là, on a l'impression que ce qui devrait être une conséquence devient un objectif.
Je m'inquiète : je ne crois pas que nous fassions la réforme pour faire les bases de défense ; c'est plutôt le souci de l'opérationnel qui doit se traduire par la mise en place des bases de défense. Il faut suivre ce sujet de très près. C'est l'un des enjeux des discussions que j'ai avec M. Cazeneuve au sujet du suivi de la « manoeuvre RH ». Je pense aussi au maintien de compétences particulières au sein de nos armées.
En conclusion, je voudrais insister sur le rôle de contrôle de nos assemblées. Je ne rentrerai pas dans le débat à la mode sur le rôle du Parlement ou de l'« hyper-Parlement » – ce n'est pas le problème.
Face aux points dont j'ai indiqué qu'ils méritent notre vigilance, quels que soient votre engagement personnel, votre ténacité, votre talent, monsieur le ministre, quelle que soit la bonne volonté des gens qui vous entourent, je pense que vous avez besoin de cet aiguillon extérieur pour avancer.
Cela suppose peut-être un Parlement plus rigoureux ; cela suppose un engagement et un travail parlementaire plus approfondi ; cela suppose aussi une ouverture plus grande de votre ministère. Dans cet esprit, nous sommes vraiment vos meilleurs alliés pour la réforme de ce ministère. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
La parole est à M. Guy Teissier, président de la commission de la défense nationale et des forces armées.
Notre stratégie de défense s'inscrit dans un environnement en constant changement : cela représente la principale inflexion depuis la chute du mur de Berlin et les attentats de septembre 2001. Cette instabilité exige de notre part une adaptation permanente. La mission de nos armées est devenue d'une complexité sans équivalent par le passé, et son degré d'exigence va sans cesse croissant.
Je tiens d'emblée à souligner la remarquable capacité d'adaptation de nos armées : les changements opérés dans les méthodes, l'entraînement et l'équipement, ne serait-ce que depuis l'été 2008, sont considérables. Notre armée s'est mise en ordre de bataille pour affronter les nouvelles menaces que font peser sur la paix et la sécurité internationale les groupes dont l'objectif est de fragiliser l'État de droit et la démocratie.
Pour faire face à ce défi, il faut que nous nous donnions les moyens d'une capacité de réaction aussi large que possible. Cette nécessité légitime l'effort voulu par le Président de la République avec le Livre blanc. Je me félicite de constater que cet effort se traduit dans les faits, par la volonté du Gouvernement, dans un projet de budget placé sous le signe du courage et de la cohérence avec les priorités du Livre blanc. La progression des ressources au rythme de l'inflation marque à elle seule un engagement politique qu'il faut saluer.
Ce projet de budget constitue la deuxième annuité de la loi de programmation militaire que nous avons votée au mois de juillet dernier. Il permet de donner à nos forces les moyens de leur engagement en opérations extérieures – cela a été dit – tout en poursuivant la modernisation de la dissuasion. Notre liberté a un prix, nous devons accepter les sacrifices nécessaires pour la préserver en toutes circonstances.
Ce projet de budget permet d'assurer l'accompagnement de la modernisation des armées, avec notamment 180 millions d'euros pour le personnel – comme l'a dit M. Giscard d'Estaing. À cela s'ajoutent 99 millions d'euros destinés à l'amélioration de la condition militaire et 15 millions d'euros destinés à celle de la condition des personnels civils.
L'amélioration de la condition militaire répond à un engagement du Gouvernement et je me réjouis très sincèrement qu'il soit tenu. Les civils de la défense méritent aussi des efforts : leur engagement aux côtés de nos militaires est constant et leur attachement à la communauté de défense est solide, comme nous avons eu maintes fois l'occasion d'en juger lorsque nous les avons entendus.
Enfin, ce projet de loi de finances permet de maintenir le rôle et les responsabilités de la France dans le monde. Nous avons approuvé à deux reprises, au mois de septembre 2008 et au mois de janvier 2009, les engagements de nos forces à l'étranger. Nos militaires ont montré qu'ils étaient prêts au sacrifice suprême ; ils le montrent tous les jours en Afghanistan. En contrepartie, nous avons à leur égard l'impérieuse obligation morale de leur assurer les moyens dont ils ont besoin pour accomplir leur mission. En examinant les efforts accomplis depuis quelques années, notamment au travers des procédures d'achat en urgence, nous pouvons constater que nous n'avons pas manqué à notre devoir envers eux. Il nous faudra cependant aussi nous interroger sur les difficultés d'anticipation des besoins que traduit le recours à des procédures d'exception.
Bien entendu, le budget de la défense a bénéficié du plan de relance gouvernemental. Je pense que nous pouvons nous en réjouir à plus d'un titre. D'une part, il vient apporter une ressource qui compense le retard de réalisation des ressources exceptionnelles. D'autre part, les dépenses engagées à ce titre ont incontestablement permis de contribuer à une création d'emplois réelle ou au maintien d'emplois industriels.
Je n'évoquerai pas ici en détail ce que pourrait être, je l'espère, le volet « défense » du grand emprunt. Monsieur le ministre, vous avez bien voulu nous exposer votre vision de ce qui pourrait être financé à ce titre lors des universités d'été de la défense que j'ai organisée à Saumur au mois de septembre. Je partage votre préoccupation de financer les nécessaires développements dans le domaine de l'automatisation du champ de bataille, ainsi qu'en matière de déconstruction de matériels militaires – sujet cher à Marguerite Lamour.
Cependant, au-delà des chiffres, il me semble intéressant de rappeler les objectifs qui sous-tendent les moyens mis en place. Par ses sacrifices financiers, la France assure à ses armées les nécessaires moyens de l'interopérabilité avec les armées alliées. Or, la décision du Président de la République de réintégrer le commandement militaire intégré de l'Alliance atlantique ne peut se concevoir sans un effort de notre part en matière d'interopérabilité. Il y va de la cohérence de notre politique. Il y va aussi, sans doute, de la sécurité de nos hommes.
Au-delà de la cohérence de notre politique vis-à-vis de nos alliés, l'enjeu, c'est aussi de conforter notre projet européen. Nous n'entraînerons pas nos voisins et amis européens si nous ne donnons pas l'exemple par un budget de défense aussi ambitieux que possible.
Ce projet de budget mérite notre soutien. Il est également de notre devoir de faire part de certaines de nos inquiétudes.
L'insuffisance des crédits de maintien en condition opérationnelle, malgré des efforts réels, doit être soulignée. Nous savons tous à quel point la maintenance de nos matériels est essentielle : ces lacunes provoquent des dépenses qui, au-delà des économies apparentes, vont en s'alourdissant ; la capacité opérationnelle de nos forces peut en pâtir, et le moral de nos hommes en souffrir.
L'infrastructure doit aussi être au centre de nos priorités.
Nous demandons beaucoup d'efforts à nos hommes, notamment avec les transferts des unités. Ils sont prêts à adhérer au projet collectif que représentent des restructurations qui s'accompagnent de nouvelles implantations géographiques, quelquefois à l'autre bout de notre pays. Toutefois, leur adhésion suppose en retour que nous leur donnions les infrastructures adaptées à leur mission dans leurs nouvelles implantations.
Nous avons compris que les coûts de notre retour dans la structure militaire intégrée de l'OTAN et de la création de notre implantation aux Émirats arabes unis devraient être compensés par la réduction d'environ 20 % de nos effectifs engagés en opérations extérieures : c'est ce que vous nous avez annoncé, monsieur le ministre, à l'occasion de votre passage devant la commission. Mais il faut nous assurer que cette compensation sera équilibrée et que ces charges supplémentaires n'imposent pas à nos armées d'autres sacrifices.
La recherche bénéficie d'un effort réel, à hauteur de 880 millions d'euros. Il nous faut malheureusement constater qu'elle est insuffisamment dotée pour permettre de lancer les recherches nécessaires pour trouver des successeurs à des matériels majeurs, et parfois simples : le FAMAS est ainsi devenu presque obsolète ; il faudrait sans doute de nouveaux chars, de nouveaux avions.
Or nous connaissons tous les enjeux en matière de recherche : la préservation de la base industrielle et technologique de défense, le maintien du potentiel d'innovation de nos industriels et donc la nécessité de garder toujours une avance technologique pour notre pays.
Enfin, la question des drones, qui a été abordée par plusieurs collègues, mérite que nous nous y arrêtions quelques instants.
La nécessité de ces matériels modernes ne fait pas de doute, ainsi qu'en témoigne le Livre blanc. Néanmoins, le financement dont ils bénéficient n'est pas à la hauteur de nos ambitions.
L'achat sur étagères peut toujours être envisagé, mais au prix d'un renoncement à l'autonomie nationale ou européenne. Or il me semble que les drones représentent typiquement un domaine où la maîtrise technologique est un enjeu d'avenir.
Le renforcement de la base industrielle et technologique de défense européenne que nous appelons de nos voeux passe certainement par un effort en ce domaine. Je me réjouis de la présentation prochaine du rapport de mes deux excellents collègues Vandewalle et Viollet sur ce sujet essentiel devant la commission de la défense.
En conclusion, je voudrais souligner que ce projet de budget témoigne de la considération que la représentation nationale doit à la communauté militaire. Il est attendu avec intérêt, tant par nos militaires et les civils de la défense que par nos industriels. C'est un élément qui conditionne l'avenir de notre défense. Nous nous devons donc d'être vigilants quant à son exécution.
Le Président de la République et le Gouvernement ont tenu à ce que notre effort de défense soit poursuivi, dans le respect de la loi de programmation militaire que nous avons votée. J'y vois là une marque de considération bien sûr pour nos militaires, pour nos soldats, mais aussi pour le Parlement, et je crois que cela méritait d'être salué. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
Mes chers collègues, au moment où nous allons commencer la discussion générale, je tiens à vous informer, pour que chacun puisse s'organiser, que nous allons, sauf opposition de votre part, prolonger la discussion jusqu'à son terme, ce qui devrait nous amener à lever la séance vers vingt et une heures trente ou vingt-deux heures.
Monsieur le ministre, l'examen du budget de la mission « Défense » est toujours un exercice extrêmement intéressant pour l'esprit.
Il l'est d'autant plus que vous portez depuis deux ans, monsieur le ministre, une réforme extraordinairement ambitieuse, qui conduit la représentation nationale à exprimer avec une relative exigence des interrogations ou à formuler des remarques pour mesurer, annualité budgétaire après annualité budgétaire, les conditions dans lesquelles vous atteignez les objectifs de cette réforme.
Je voudrais rappeler, comme l'ont fait les précédents orateurs, quelques éléments budgétaires et vous indiquer ensuite les raisons pour lesquelles nous émettons quelques réserves sur le budget qui nous est présenté, en essayant d'avancer des arguments, monsieur le ministre, dont j'espère qu'elles ne susciteront pas votre ire épistolaire.
Les crédits de la mission « Défense » que vous nous proposez affichent une diminution d'à peu près 800 millions d'euros. Alors que, l'an dernier, ils s'élevaient à 33 milliards d'euros, vous nous présentez cette année une enveloppe globale de l'ordre de 32,1 milliards d'euros. Cette année, comme l'an dernier, vous nous proposez d'abonder le budget de votre mission de recettes exceptionnelles, à hauteur de 1,26 milliard d'euros. Vous nous indiquez par ailleurs que nous pourrons bénéficier du concours des crédits qui sont mis à la programmation du plan de relance, à hauteur de 770 millions d'euros.
La question que nous nous posons, lorsque nous examinons l'équilibre global du budget de votre mission, est de savoir si ce budget permettra d'atteindre les objectifs portés par la réforme du ministère de la défense, dont vous êtes l'auteur en même temps que le principal artisan et qui fait de vous, monsieur le ministre, il faut bien le reconnaître, le meilleur élève de la révision générale des politiques publiques. En effet, cette réforme devrait vous conduire à supprimer en quelques années 54 000 emplois, ce qui devrait vous permettre, si les calculs auxquels vous avez procédé sont justes, d'économiser, par la seule diminution des effectifs du ministère, quelque 4 milliards d'euros.
Et je voudrais, comme l'ont fait un certain nombre de mes collègues de la majorité et de l'opposition, profiter de ce débat budgétaire pour formuler, sans aucune perfidie, soyez-en sûr, quelques questions qui seront utiles pour alimenter la dimension itérative et intéressante de nos échanges.
Le premier point que je souhaite aborder porte sur les recettes exceptionnelles. Louis Giscard d'Estaing a dit des choses extrêmement précises et justes…
…sur les interrogations qui traversent la représentation nationale, par-delà ses sensibilités, quant à la nature de ces recettes exceptionnelles.
Comme je vous l'ai dit, monsieur le ministre, lorsque vous êtes venu présenter votre budget devant la commission de la défense, je reconnais chez vous une certaine constance dans le propos.
En effet, vous nous présentez, cette année, les mêmes recettes exceptionnelles que l'an dernier.
La vision positive de la chose, c'est qu'en effet vous ne changez pas d'avis au fur et à mesure que les années passent. La vision moins positive, c'est que vous n'avez pas réalisé les recettes que vous aviez prévues.
L'an dernier, le 1,6 milliard d'euros de recettes exceptionnelles que vous aviez portées au budget de la mission « Défense » se décomposait en deux enveloppes : une enveloppe de 600 millions d'euros, qui devait résulter de la vente des fréquences de votre ministère, et une enveloppe d'à peu près 990 millions d'euros, qui devait résulter de la vente des actifs immobiliers. Ces deux enveloppes n'ont pas été réalisées et si vous avez réussi, monsieur le ministre, à boucler votre budget en 2009 dans des conditions assez satisfaisantes, c'est parce que vous avez pu bénéficier de reports de crédits qui ont été réaffectés au budget de la mission « Défense » en cours d'année. Cela a été le cas avec une première enveloppe de 500 millions d'euros au mois de janvier ou de février de l'année 2009 qui a été suivie d'une seconde de 400 millions d'euros au mois de juillet.
Et voilà que, cette année, vous nous présentez derechef une enveloppe de recettes exceptionnelles, certes un peu minorée – comme si avec le temps la raison faisait son oeuvre – puisque s'élevant à 1,26 milliard d'euros, mais dans laquelle figurent à nouveau les recettes provenant de la vente des actifs immobiliers, plus quelque 600 millions d'euros supposés provenir, une fois de plus, de la vente des fréquences et du dispositif, que vous avez arrêté, de vente de l'usufruit du satellite Syracuse, qui conduira votre ministère à acquitter un loyer pour bénéficier de ses services.
Je formulerai les mêmes remarques et les mêmes interrogations que Louis Giscard d'Estaing et Jean-Michel Boucheron.
Le marché de l'immobilier n'est pas à ce point porteur que nous soyons assurés que ce que vous n'avez pas réalisé l'an dernier, vous le réaliserez cette année. Nous ne connaissons toujours pas les conditions qui vous permettront de constituer la société de portage dont vous nous avez dit l'an dernier qu'elle devait garantir, nonobstant la situation du marché immobilier, la réalisation des recettes budgétaires attendues de la vente des actifs.
De surcroît, quelques interrogations nouvelles ont surgi, qui pourraient apparaître comme des éléments de détail, mais qui montrent en réalité la complexité du dossier.
Une réunion interministérielle s'est tenue le 15 septembre dernier concernant l'Hôtel de la Marine, à l'occasion de laquelle ont été évoquées, semble-t-il, les nombreuses difficultés inhérentes à la vente de ce bien immobilier. D'abord parce que vous ne voulez pas le vendre – et vous avez bien raison, il s'agit d'un joyau patrimonial de la République –, ensuite parce qu'il s'agit d'un bâtiment historique, avec toutes les sujétions que ce statut suppose. Il faudra que vous nous expliquiez comment vous comptez valoriser cet actif, dès lors qu'il est extraordinairement difficile de le louer à des opérateurs privés, y compris les opérateurs hôteliers, qui ne posséderont pas de droits réels sur ces biens, ce qui ne manquera pas de poser des problèmes y compris dans leurs relations avec les banques.
Quant aux fréquences, il ne s'agit pas, monsieur le ministre, vous en conviendrez, de décider de vendre un bien pour être certain qu'il intéresse des acheteurs, et nous sommes toujours aussi curieux de connaître les clients potentiels de ces fréquences et les raisons pour lesquelles l'ARCEP et Matignon n'ont toujours pas donné leur accord pour la mise en vente de ces fréquences – à moins que le dossier n'ait évolué depuis que des informations nous ont été communiquées.
J'aurais beaucoup d'autres choses à dire sur ce chapitre des recettes exceptionnelles mais, compte tenu de ce qui a déjà été dit excellemment par les rapporteurs, je peux m'en tenir là.
Si les recettes sont aléatoires, les dépenses, elles, nous apparaissent comme étant mal maîtrisées. Je voudrais prendre quelques exemples très concrets.
On a parlé du financement des OPEX. Il faut saluer le travail que réalise depuis de nombreuses années le président de la commission de la défense. Ce travail a permis d'assurer, par le biais d'amendements, une meilleure provision en loi de finances initiale du financement des opérations militaires extérieures. Cette année ne démentit pas d'ailleurs le travail des années précédentes puisque nous avons à peu près 60 millions d'euros de plus en loi de finances initiale pour financer ces opérations militaires extérieures. Si j'ai bonne souvenance, on a dû mettre 570 millions d'euros là où on en avait mis 510 millions l'an dernier.
Sauf, monsieur le ministre, que le coût de ces opérations militaires extérieures augmente.
Si, ou alors les chiffres qui nous ont été communiqués par vos services ne sont pas exacts, ce qui vous ferait de la peine autant qu'à moi. Ceux qui m'ont été communiqués sont les suivants : nous en sommes à 873 millions d'euros, alors que nous en étions l'an dernier à 830 millions, soit une augmentation de 43 millions d'euros du coût des OPEX.
Cela signifie que l'augmentation de la provision à laquelle il a été procédé couvre à peine l'augmentation du coût des opérations militaires extérieures. Et Louis Giscard d'Estaing,…
…que je ne voudrais pas, en le citant trop, compromettre (Sourires), a fait d'excellentes remarques sur le coût de notre réintégration dans le commandement intégré de l'OTAN. Il est prévu que, dans les années couvrant la période qui nous intéresse, cette décision représente un surcoût total de l'ordre de 650 millions d'euros. L'an dernier, le surcoût a été de l'ordre de 50 millions d'euros, et l'on s'attend cette année à un surcoût qui pourrait osciller entre 60 et 80 millions d'euros. Je serais très intéressé, monsieur le ministre, si vous pouviez nous indiquer sur quelle ligne de votre mission ces crédits sont prévus et comment vous entendez financer ces opérations.
Je voudrais dire quelques mots également sur les bases de défense. Monsieur le ministre, en toute bonne foi, j'aimerais comprendre le raisonnement qui préside aux discours dispensés par vos services ou par vous-même.
La mise en place des bases de défense est une affaire qui n'est pas neutre puisqu'elle sera le résultat, comme le disait notre collègue Viollet tout à l'heure, de la suppression de quatre-vingt-trois implantations militaires. L'an dernier, une vingtaine ont été supprimées, cette année il est prévu d'en supprimer vingt-quatre autres. Ces suppressions résultent de la volonté de mutualiser, au sein des bases de défense, les missions de soutien au profit de l'ensemble des infrastructures de défense situées sur le territoire national pour aboutir à un autre rapport entre le soutien et l'opérationnel au sein des armées, ce qui est l'objectif de votre réforme.
Vous nous avez indiqué que nous avions réussi, grâce aux bases de défense, à diminuer de 5 % les postes de soutien au sein des armées et, dans le même temps, vous nous dites que la réussite est telle qu'il faut, à la manière de l'étalon qui va vite son chemin, procéder à la diminution du nombre de bases de défense en passant de quatre-vingt-quinze à soixante-cinq, en allant plus vite en même temps qu'on en réduit le nombre.
Deux hypothèses sont possibles : soit vous avez des éléments chiffrés qui permettent d'évaluer l'efficacité du dispositif, et dans ce cas ce sont ces éléments qui président à la réorientation de votre stratégie, ce que nous sommes en mesure de comprendre ; soit votre volonté d'accélérer les choses résulte simplement d'un nouveau concept, qui nous a été avancé dans l'échange avec vos services, à savoir le droit à l'expérimentation. Mais, dans ce dernier cas, vous devez admettre qu'il y a des expériences qui réussissent et des expériences qui ratent,…
…et qu'il n'est pas certain que nous pourrons, au terme de l'expérimentation, apporter la démonstration que ce que coûtent les bases de défense est moins important que ce qu'elles rapportent.
Cela vaut pour les bases de défense, mais cela vaut aussi pour d'autres décisions qui ont été prises par vous, notamment une qui concerne votre circonscription.
Je vais prendre un exemple très concret, car ce sont les plus parlants. La semaine dernière, nous étions, M. Gilard et moi, à Vernon, dans votre département. On vous a fait prendre, monsieur le ministre, une décision qui consiste à supprimer un laboratoire dont la DGA et nos armées ont grandement besoin, sous prétexte que la suppression de ce laboratoire pourrait faire faire des économies significatives aux armées. M. Gilard, qui ne peut pas être soupçonné d'être le plus radical de vos opposants (Sourires), peut témoigner avoir entendu sur place, comme moi, que cette décision, vous l'avez prise sur la base d'éléments statistiques communiqués par vos services, qui établissaient un coût de déménagement de ces laboratoires de 4 millions d'euros. Au bout de six mois, la facture était de 17 millions. Aujourd'hui, la DGA et les organisations syndicales nous expliquent qu'elle s'élève à 30 millions.
Or nous connaissons tous les enjeux en matière de recherche : la préservation de la base industrielle et technologique de défense, le maintien du potentiel d'innovation de nos industriels et donc la nécessité de garder toujours une avance technologique pour notre pays.
Enfin, la question des drones, qui a été abordée par plusieurs collègues, mérite que nous nous y arrêtions quelques instants.
La nécessité de ces matériels modernes ne fait pas de doute, ainsi qu'en témoigne le Livre blanc. Néanmoins, le financement dont ils bénéficient n'est pas à la hauteur de nos ambitions.
L'achat sur étagères peut toujours être envisagé, mais au prix d'un renoncement à l'autonomie nationale ou européenne. Or il me semble que les drones représentent typiquement un domaine où la maîtrise technologique est un enjeu d'avenir.
Le renforcement de la base industrielle et technologique de défense européenne que nous appelons de nos voeux passe certainement par un effort en ce domaine. Je me réjouis de la présentation prochaine du rapport de mes deux excellents collègues Vandewalle et Viollet sur ce sujet essentiel devant la commission de la défense.
En conclusion, je voudrais souligner que ce projet de budget témoigne de la considération que la représentation nationale doit à la communauté militaire. Il est attendu avec intérêt, tant par nos militaires et les civils de la défense que par nos industriels. C'est un élément qui conditionne l'avenir de notre défense. Nous nous devons donc d'être vigilants quant à son exécution.
Le Président de la République et le Gouvernement ont tenu à ce que notre effort de défense soit poursuivi, dans le respect de la loi de programmation militaire que nous avons votée. J'y vois là une marque de considération bien sûr pour nos militaires, pour nos soldats, mais aussi pour le Parlement, et je crois que cela méritait d'être salué. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
Mes chers collègues, au moment où nous allons commencer la discussion, je tiens à vous informer, pour que chacun puisse s'organiser, que nous allons, sauf opposition de votre part, prolonger la discussion jusqu'à son terme, ce qui devrait nous amener à lever la séance vers vingt et une heures trente ou vingt-deux heures.
Monsieur le ministre, l'examen du budget de la mission « Défense » est toujours un exercice extrêmement intéressant pour l'esprit.
Il l'est d'autant plus que vous portez depuis deux ans, monsieur le ministre, une réforme extraordinairement ambitieuse, qui conduit la représentation nationale à exprimer avec une relative exigence des interrogations ou à formuler des remarques pour mesurer, annualité budgétaire après annualité budgétaire, les conditions dans lesquelles vous atteignez les objectifs de cette réforme.
Je voudrais rappeler, comme l'ont fait les précédents orateurs, quelques éléments budgétaires et vous indiquer ensuite les raisons pour lesquelles nous émettons quelques réserves sur le budget qui nous est présenté, en essayant d'avancer des arguments, monsieur le ministre, dont j'espère qu'elles ne susciteront pas votre ire épistolaire.
Les crédits de la mission « Défense » que vous nous proposez affichent une diminution d'à peu près 800 millions d'euros. Alors que, l'an dernier, ils s'élevaient à 33 milliards d'euros, vous nous présentez cette année une enveloppe globale de l'ordre de 32,1 milliards d'euros. Cette année, comme l'an dernier, vous nous proposez d'abonder le budget de votre mission de recettes exceptionnelles, à hauteur de 1,26 milliard d'euros. Vous nous indiquez par ailleurs que nous pourrons bénéficier du concours des crédits qui sont mis à la programmation du plan de relance, à hauteur de 770 millions d'euros.
La question que nous nous posons, lorsque nous examinons l'équilibre global du budget de votre mission, est de savoir si ce budget permettra d'atteindre les objectifs portés par la réforme du ministère de la défense, dont vous êtes l'auteur en même temps que le principal artisan et qui fait de vous, monsieur le ministre, il faut bien le reconnaître, le meilleur élève de la révision générale des politiques publiques. En effet, cette réforme devrait vous conduire à supprimer en quelques années 54 000 emplois, ce qui devrait vous permettre, si les calculs auxquels vous avez procédé sont justes, d'économiser, par la seule diminution des effectifs du ministère, quelque 4 milliards d'euros.
Et je voudrais, comme l'ont fait un certain nombre de mes collègues de la majorité et de l'opposition, profiter de ce débat budgétaire pour formuler, sans aucune perfidie, soyez-en sûr, quelques questions qui seront utiles pour alimenter la dimension itérative et intéressante de nos échanges.
Le premier point que je souhaite aborder porte sur les recettes exceptionnelles. Louis Giscard d'Estaing a dit des choses extrêmement précises et justes…
…sur les interrogations qui traversent la représentation nationale, par-delà ses sensibilités, quant à la nature de ces recettes exceptionnelles.
Comme je vous l'ai dit, monsieur le ministre, lorsque vous êtes venu présenter votre budget devant la commission de la défense, je reconnais chez vous une certaine constance dans le propos.
En effet, vous nous présentez, cette année, les mêmes recettes exceptionnelles que l'an dernier.
La vision positive de la chose, c'est qu'en effet vous ne changez pas d'avis au fur et à mesure que les années passent. La vision moins positive, c'est que vous n'avez pas réalisé les recettes que vous aviez prévues.
L'an dernier, le 1,6 milliard d'euros de recettes exceptionnelles que vous aviez portées au budget de la mission « Défense » se décomposait en deux enveloppes : une enveloppe de 600 millions d'euros, qui devait résulter de la vente des fréquences de votre ministère, et une enveloppe d'à peu près 990 millions d'euros, qui devait résulter de la vente des actifs immobiliers. Ces deux enveloppes n'ont pas été réalisées et si vous avez réussi, monsieur le ministre, à boucler votre budget en 2009 dans des conditions assez satisfaisantes, c'est parce que vous avez pu bénéficier de reports de crédits qui ont été réaffectés au budget de la mission « Défense » en cours d'année. Cela a été le cas avec une première enveloppe de 500 millions d'euros au mois de janvier ou de février de l'année 2009 qui a été suivie d'une seconde de 400 millions d'euros au mois de juillet.
Et voilà que, cette année, vous nous présentez derechef une enveloppe de recettes exceptionnelles, certes un peu minorée – comme si avec le temps la raison faisait son oeuvre – puisque s'élevant à 1,26 milliard d'euros, mais dans laquelle figurent à nouveau les recettes provenant de la vente des actifs immobiliers, plus quelque 600 millions d'euros supposés provenir, une fois de plus, de la vente des fréquences et du dispositif, que vous avez arrêté, de vente de l'usufruit du satellite Syracuse, qui conduira votre ministère à acquitter un loyer pour bénéficier de ses services.
Je formulerai les mêmes remarques et les mêmes interrogations que Louis Giscard d'Estaing et Jean-Michel Boucheron.
Le marché de l'immobilier n'est pas à ce point porteur que nous soyons assurés que ce que vous n'avez pas réalisé l'an dernier, vous le réaliserez cette année. Nous ne connaissons toujours pas les conditions qui vous permettront de constituer la société de portage dont vous nous avez dit l'an dernier qu'elle devait garantir, nonobstant la situation du marché immobilier, la réalisation des recettes budgétaires attendues de la vente des actifs.
De surcroît, quelques interrogations nouvelles ont surgi, qui pourraient apparaître comme des éléments de détail, mais qui montrent en réalité la complexité du dossier.
Une réunion interministérielle s'est tenue le 15 septembre dernier concernant l'Hôtel de la Marine, à l'occasion de laquelle ont été évoquées, semble-t-il, les nombreuses difficultés inhérentes à la vente de ce bien immobilier. D'abord parce que vous ne voulez pas le vendre – et vous avez bien raison, il s'agit d'un joyau patrimonial de la République –, ensuite parce qu'il s'agit d'un bâtiment historique, avec toutes les sujétions que ce statut suppose. Il faudra que vous nous expliquiez comment vous comptez valoriser cet actif, dès lors qu'il est extraordinairement difficile de le louer à des opérateurs privés, y compris les opérateurs hôteliers, qui ne posséderont pas de droits réels sur ces biens, ce qui ne manquera pas de poser des problèmes y compris dans leurs relations avec les banques.
Quant aux fréquences, il ne s'agit pas, monsieur le ministre, vous en conviendrez, de décider de vendre un bien pour être certain qu'il intéresse des acheteurs, et nous sommes toujours aussi curieux de connaître les clients potentiels de ces fréquences et les raisons pour lesquelles l'ARCEP et Matignon n'ont toujours pas donné leur accord pour la mise en vente de ces fréquences – à moins que le dossier n'ait évolué depuis que des informations nous ont été communiquées.
J'aurais beaucoup d'autres choses à dire sur ce chapitre des recettes exceptionnelles mais, compte tenu de ce qui a déjà été dit excellemment par les rapporteurs, je peux m'en tenir là.
Si les recettes sont aléatoires, les dépenses, elles, nous apparaissent comme étant mal maîtrisées. Je voudrais prendre quelques exemples très concrets.
On a parlé du financement des OPEX. Il faut saluer le travail que réalise depuis de nombreuses années le président de la commission de la défense. Ce travail a permis d'assurer, par le biais d'amendements, une meilleure provision en loi de finances initiale du financement des opérations militaires extérieures. Cette année ne démentit pas d'ailleurs le travail des années précédentes puisque nous avons à peu près 60 millions d'euros de plus en loi de finances initiale pour financer ces opérations militaires extérieures. Si j'ai bonne souvenance, on a dû mettre 570 millions d'euros là où on en avait mis 510 millions l'an dernier.
Sauf, monsieur le ministre, que le coût de ces opérations militaires extérieures augmente.
Si, ou alors les chiffres qui nous ont été communiqués par vos services ne sont pas exacts, ce qui vous ferait de la peine autant qu'à moi. Ceux qui m'ont été communiqués sont les suivants : nous en sommes à 873 millions d'euros, alors que nous en étions l'an dernier à 830 millions, soit une augmentation de 43 millions d'euros du coût des OPEX.
Cela signifie que l'augmentation de la provision à laquelle il a été procédé couvre à peine l'augmentation du coût des opérations militaires extérieures. Et Louis Giscard d'Estaing,…
…que je ne voudrais pas, en le citant trop, compromettre (Sourires), a fait d'excellentes remarques sur le coût de notre réintégration dans le commandement intégré de l'OTAN. Il est prévu que, dans les années couvrant la période qui nous intéresse, cette décision représente un surcoût total de l'ordre de 650 millions d'euros. L'an dernier, le surcoût a été de l'ordre de 50 millions d'euros, et l'on s'attend cette année à un surcoût qui pourrait osciller entre 60 et 80 millions d'euros. Je serais très intéressé, monsieur le ministre, si vous pouviez nous indiquer sur quelle ligne de votre mission ces crédits sont prévus et comment vous entendez financer ces opérations.
Je voudrais dire quelques mots également sur les bases de défense. Monsieur le ministre, en toute bonne foi, j'aimerais comprendre le raisonnement qui préside aux discours dispensés par vos services ou par vous-même.
La mise en place des bases de défense est une affaire qui n'est pas neutre puisqu'elle sera le résultat, comme le disait notre collègue Viollet tout à l'heure, de la suppression de quatre-vingt-trois implantations militaires. L'an dernier, une vingtaine ont été supprimées, cette année il est prévu d'en supprimer vingt-quatre autres. Ces suppressions résultent de la volonté de mutualiser, au sein des bases de défense, les missions de soutien au profit de l'ensemble des infrastructures de défense situées sur le territoire national pour aboutir à un autre rapport entre le soutien et l'opérationnel au sein des armées, ce qui est l'objectif de votre réforme.
Vous nous avez indiqué que nous avions réussi, grâce aux bases de défense, à diminuer de 5 % les postes de soutien au sein des armées et, dans le même temps, vous nous dites que la réussite est telle qu'il faut, à la manière de l'étalon qui va vite son chemin, procéder à la diminution du nombre de bases de défense en passant de quatre-vingt-quinze à soixante-cinq, en allant plus vite en même temps qu'on en réduit le nombre.
Deux hypothèses sont possibles : soit vous avez des éléments chiffrés qui permettent d'évaluer l'efficacité du dispositif, et dans ce cas ce sont ces éléments qui président à la réorientation de votre stratégie, ce que nous sommes en mesure de comprendre ; soit votre volonté d'accélérer les choses résulte simplement d'un nouveau concept, qui nous a été avancé dans l'échange avec vos services, à savoir le droit à l'expérimentation. Mais, dans ce dernier cas, vous devez admettre qu'il y a des expériences qui réussissent et des expériences qui ratent,…
…et qu'il n'est pas certain que nous pourrons, au terme de l'expérimentation, apporter la démonstration que ce que coûtent les bases de défense est moins important que ce qu'elles rapportent.
Cela vaut pour les bases de défense, mais cela vaut aussi pour d'autres décisions qui ont été prises par vous, notamment une qui concerne votre circonscription.
Je vais prendre un exemple très concret, car ce sont les plus parlants. La semaine dernière, nous étions, M. Gilard et moi, à Vernon, dans votre département. On vous a fait prendre, monsieur le ministre, une décision qui consiste à supprimer un laboratoire dont la DGA et nos armées ont grandement besoin, sous prétexte que la suppression de ce laboratoire pourrait faire faire des économies significatives aux armées. M. Gilard, qui ne peut pas être soupçonné d'être le plus radical de vos opposants (Sourires), peut témoigner avoir entendu sur place, comme moi, que cette décision, vous l'avez prise sur la base d'éléments statistiques communiqués par vos services, qui établissaient un coût de déménagement de ces laboratoires de 4 millions d'euros. Au bout de six mois, la facture était de 17 millions. Aujourd'hui, la DGA et les organisations syndicales nous expliquent qu'elle s'élève à 30 millions.
On nous explique qu'il n'y a pas de lien entre la diminution des effectifs et la perte des compétences ; or, à croire ce que nous indiquent les dirigeants de la DGA et les organisations syndicales, seulement 35 % des chercheurs les plus qualifiés accepteront la restructuration, les autres ont déjà commencé à partir dans le privé... Est-ce cela une réforme qui garantit les économies en même temps que le maintien des compétences ?
Si l'objectif était de démontrer que le ministre, dans son propre département, était capable de faire des sacrifices utiles, ce serait très bien ; mais ces sacrifices auraient été infiniment plus pertinents s'ils avaient reposé sur un début de rationalité. Cela aurait été la meilleure manière de démontrer que la réforme avait un sens et une cohérence.
Je voudrais également dire quelques mots sur le « Balardgone ». Le sujet a été évoqué par les précédents orateurs ; nous devons y prêter la plus grande attention en ce qu'il peut se traduire ou non par des économies selon les dispositifs que l'on aurait retenu.
M. Giscard d'Estaing m'a énormément intéressé en affirmant que l'opération coûterait 600 millions d'euros d'investissement.
Vous disposez à la commission des finances d'informations dont nous aimerions disposer au sein de la commission de la défense. J'ai interrogé à plusieurs reprises la personne qui est en charge de ce dossier et un certain nombre de membres de votre administration, monsieur le ministre, qui nous ont même répondu par écrit qu'il était impossible de nous donner des éléments car le fait que ce dossier fasse l'objet de procédures de marché dans le cadre d'un dialogue compétitif interdisait pour l'heure de connaître le montant de l'investissement auquel il faudrait procéder. De deux choses l'une : ou bien il y a effectivement un dialogue compétitif au terme duquel le montant sera déterminé, ou bien celui-ci est déjà connu et l'on ne sait pas à quoi sert le dialogue compétitif. Si le montant est effectivement de 600 millions d'euros, je comprends mieux comment on arrive à définir un montant d'amortissement annuel de l'ordre de 130 millions d'euros ; je conviens qu'il est très difficile de déterminer un montant d'amortissement annuel quand on ne connaît pas le montant de l'investissement final….
Croyez bien, monsieur le ministre, que lorsque les parlementaires vous posent des questions, de façon cursive, parfois insistante, c'est dans l'intérêt de votre ministère, pour que votre budget cesse d'être le budget d'ajustement de l'État ; encore faut-il que nous puissions bénéficier de la coopération nécessaire … À chaque fois que vos collaborateurs nous donnent rendez-vous, nous y accourons avec une ponctualité notariale, et à chaque fois qu'ils nous communiquent des documents, nous les examinons immédiatement avec la plus grande méticulosité.
Je voudrais terminer sur un point, qui n'est pas de détail. Tout votre dispositif repose sur l'idée que la réforme du ministère de la défense doit permettre de dégager des économies qui seront intégralement réinvesties dans les équipements dont nos armées ont besoin. Encore faut-il, pour atteindre cet objectif, que deux conditions soient réunies.
La première, c'est que le coût des équipements n'augmente pas année après année par l'effet de l'étalement des programmes ou de la réduction de leur cible ou par l'effet des surspécifications. Prenons un exemple concret, le programme FREMM. À l'origine, en 2005, 6,5 milliards d'euros avaient été budgétisés pour dix-sept bâtiments. Aujourd'hui, 7,7 milliards pour onze bâtiments... Le budget a augmenté alors que la cible s'est réduite de six navires !
Enfin, il faut qu'il y ait une politique industrielle, d'autres en parleront mais c'est un sujet essentiel. Nous continuons à vous interroger sur les orientations de votre ministère en matière de politique industrielle, pour la navale comme pour le reste. Quelles alliances européennes envisagez-vous ? Sont-elles de nature à permettre le maintien sur le territoire national de compétences ? Pourrez-vous nous garantir que, dès lors qu'elles seront conclues, elles permettront à nos armées d'avoir les matériels au meilleur prix, ce qui est aussi une condition de la réussite de votre réforme ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Madame la présidente, monsieur le ministre, cher président Teissier… (Sourires)
…mes chers collègues, l'examen général du budget de la défense pour 2010 ne devrait pas être trop compliqué cette année, de mon point de vue en tout cas : les lois de finances se suivent et se ressemblent… La loi de programmation militaire est passée par là, ainsi que la RGPP et le Livre blanc sur la sécurité et la défense nationale. Les choses sont très bien balisées.
Alors que les caisses de l'État sont déclarées vides, on nous demande de nous prononcer aujourd'hui encore sur une mission « Défense » d'une trentaine de milliards d'euros. Ce n'est pas la crise pour tous les budgets, même si l'on note une légère diminution du montant global des crédits, en raison de l'atténuation des effets du plan de relance de l'économie et d'une baisse des crédits d'équipement.
Cette relative constance du budget est certainement l'une des raisons pour lesquelles, cette année, le ministre n'a même pas pris la peine de présenter la mission « Défense » aux organisations syndicales représentatives. Cela a été largement dénoncé, il s'agit certainement d'une erreur de gouvernance, passagère – je l'espère. Nous sommes à quelques jours de la conférence mondiale de Copenhague. J'ai l'impression que le climat n'est pas forcément très bon non plus au sein du ministère de la défense. Toujours est-il que, dans le contexte actuel du grand chambardement des armées, cette attitude a été considérée un peu comme du mépris à l'égard des personnels civils.
Jamais ministre n'a reçu aussi souvent les organisations syndicales !
Bien entendu, il ne s'agit pas de sacrifier le fond à la forme, car les motifs d'inquiétude sont particulièrement lourds.
Les personnels civils sont bien les grands oubliés de la mission « Défense ». Ils en sont aussi les principales victimes. Je veux évoquer ici les quelque 8 250 postes qui seront supprimés l'année prochaine, dont plus de 2 000 civils, conformément à l'objectif fixé par la LPM de réduire de 54 000 postes le format des armées en l'espace de six ans. En quelques années, les personnels civils sont passés de 145 000 à 72 000. Le nombre d'ouvriers d'État est en forte diminution. À cette cadence, il n'en restera que très peu si un véritable plan de recrutement n'est pas mis en oeuvre en levant l'interdiction d'embauche. Existera-t-il encore un programme consacré au soutien et à la logistique dans les prochains budgets ? Au terme de ce dégraissage à marche forcée, on peut légitimement en douter.
On peut aussi évoquer la création en fanfare des bases de défense, pivot de la réforme interarmées de l'administration et du soutien. Cette création se fait dans la plus grande confusion : les bases de défense introduisent beaucoup de pagaille. Cela a été clairement mis en lumière par les différents rapporteurs et pose naturellement la question d'une évaluation complète de leurs coûts et de leurs avantages. Considérées comme l'alpha et l'oméga de la politique de mutualisation et de rationalisation de nos armées, elles généreraient en réalité plus de coûts qu'elles ne feraient économiser. En l'absence de tout élément d'évaluation sérieux, j'estime qu'il faudrait étendre les expérimentations en cours avec plus de prudence, ce qui n'est pas l'option choisie par l'exécutif.
Je regrette également l'absence d'un bilan des externalisations effectuées depuis des années. Cette question a été soulevée à de multiples reprises, tant par les organisations syndicales que par les parlementaires, mais elle est sans cesse renvoyée à plus tard.
L'appel au privé, notamment pour les missions de soutien, est très important. Le dégraissage du soutien va souvent de pair avec une politique d'externalisation massive, effectuée dans une optique de réduction de la masse salariale et de casse des statuts.
Comme si cela ne suffisait pas, la majorité en a rajouté une couche cet été, avec la loi sur la mobilité et le parcours professionnel au sein de la fonction publique. Son article 43 va aggraver encore la logique d'externalisation. Il permettra la mise à disposition de civils et militaires au sein d'entreprises prenant les marchés d'externalisation, ce qui ne manquera pas de pénaliser les missions de soutien : restauration, habillement, loisir, soutien informatique, infrastructure, entraînement, armement, maintien en condition opérationnelle terrestre et aéronautique, santé, formation, télécommunications et j'en passe.
Avec cette loi, le Gouvernement entend offrir aux entreprises privées ses missions et ses marchés avec, en bonus, l'expérience et la qualification de ses personnels à prix réduit, car c'est l'État qui compensera les différences de salaires des personnels mis à disposition au privé. Il s'agit, d'une part, d'un véritable démantèlement des fonctions régaliennes de l'État, et, d'autre part, d'un cadeau au privé qui a droit au beurre et à l'argent du beurre.
Les six organisations syndicales vous ont écrit, monsieur le ministre, pour vous demander l'organisation d'une table ronde sur les externalisations. Je pense qu'il est grand temps d'accéder à leur légitime demande.
Les efforts de revalorisation de la condition des personnels restent insuffisants pour les civils, notamment par rapport aux militaires. S'il est nécessaire de revaloriser la condition des militaires, le même effort devrait être consenti pour tous ; il ne peut y avoir deux poids, deux mesures.
Bien entendu, on m'objectera qu'il faut trouver les financements à de telles mesures. J'y viens.
Dans ce projet de budget, on trouve toujours les 17 milliards d'euros consacrés à l'équipement de nos forces. Ceux-ci sont censés maintenir notre armée à un rang mondial. Certes, mais il faut encore signaler que le coût de l'armement nucléaire continue de représenter près de 21 % de l'effort d'équipement : 11 millions d'euros par jour sont consacrés à l'arme atomique !
La dissuasion nucléaire est encore trop considérée comme l'assurance-vie de la nation, alors que ce n'est absolument pas le cas. Tout le monde est d'accord pour dire que la réalité des nouveaux conflits rend caduque la force de frappe nucléaire. Ce n'est pas elle qui défendra nos soldats envoyés à l'étranger.
Par ailleurs, comment concilier nos dépenses nucléaires avec l'ambition d'un désarmement multilatéral mondial ? J'y vois une certaine contradiction : nous ne donnons pas le bon signal au reste du monde.
Au chapitre des économies, on peut encore évoquer le gouffre de l'opération extérieure en Afghanistan, qui représente la moitié du budget total des OPEX.
Si les opérations extérieures sont de mieux en mieux provisionnées, cela ne change rien au problème de leur coût exponentiel. On s'attend à de nouveaux surcoûts pour l'année prochaine, avec des crédits qui pourraient atteindre le milliard d'euros.
Certes, l'opinion publique française n'est pas prête à un renfort des effectifs en Afghanistan, mais tout le monde a entendu les appels du pied du secrétaire général de l'OTAN, M. Rasmussen. Une fois que le plan de renforcement Obama sera arrêté, comment les principaux contributeurs de l'OTAN, dont la France, pourraient-ils refuser l'envoi de troupes supplémentaires ? On va nous demander de renforcer la logique de guerre dans ce pays, et on voit mal comment le Gouvernement pourra résister aux nouvelles sollicitations, avec l'argument massue de la situation chaotique de ce pays.
Il existe d'ailleurs une certaine contradiction à prétendre développer une analyse stratégique autonome, à travers le programme « Environnement et prospective de la politique de défense », alors que l'on sait bien que seuls les concepts stratégiques élaborés à Washington sont effectivement appliqués sur le terrain. C'est le prix de la réintégration du commandement militaire de l'OTAN, et ce n'est pas la nomination d'un général français à la tête d'un commandement qualifié de stratégique qui changera quoi que ce soit à la donne.
On peut faire tous les efforts possibles sur le renseignement, développer la Direction générale de la sécurité extérieure, accroître nos capacités d'imagerie satellite, une guerre reste une guerre. Le risque zéro n'existe pas. La seule façon d'éviter les pertes humaines est d'établir un calendrier de retrait de nos troupes du bourbier afghan.
En aucun cas, on ne peut demander à des militaires de jouer le rôle d'humanitaires. Ce n'est pas le sens de leur engagement. En Afghanistan, on dépense dix fois plus pour les opérations militaires que pour la reconstruction.
Former une armée afghane, soutenir des élections libres et régulières, donner à l'Afghanistan une pleine et entière souveraineté, ce scénario écrit par les stratèges de Washington est en train de s'écrouler comme un château de cartes dans une tempête.
Au chapitre des contradictions, je voudrais évoquer l'objectif national d'exportation de nos armements dans le monde. À force d'acheter des armes, on finit par les utiliser.
Promouvoir la paix ne peut donc, à mon sens, passer par l'objectif de soutien à nos exportations dans le monde. Cela est source de tensions et de diffusion des risques. C'est tout le contraire de la sécurité et de la défense nationale.
Bien sûr, la réussite du programme Rafale a de quoi flatter nos ego mais, au passage, signalons tout de même que le succès de cet avion de chasse est bien un cinglant démenti à tous ceux qui ne voient le salut de notre industrie que dans l'intégration européenne capitaliste et dans la normalisation de l'OTAN.
C'est pourtant la voie qui est choisie pour des sociétés comme DCNS et la SNPE. Pour ces deux fleurons, on propose de liquider notre savoir-faire. C'est notre base industrielle qui est jetée en pâture sur l'autel du capitalisme européen, sous forme de partenariats et de prise de participation en capital de sociétés étrangères. C'est le prélude à une privatisation et à une liquidation pure et simple de ces deux entreprises.
En conclusion, faire entendre la voix de la France dans le monde ne signifie pas forcément s'aligner sur les nations les plus équipées. On oublie un peu trop la compétence des hommes et des femmes qui, au final, composent et animent nos forces.
De plus, il faut faire attention à ne pas franchir le pas entre, d'un côté, une logique de défense nationale et, de l'autre, une logique d'agression.
Enfin, concernant cette mission « Défense », il faut bien parler d'un budget dévastateur qui confirme la marche en avant à tous crins des restructurations et du démantèlement de notre défense nationale.
Les députés communistes, républicains et du parti de gauche, je ne vous étonnerai pas, voteront bien entendu contre la mission « Défense ». (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
Monsieur le ministre de la défense, monsieur le président de la commission, mesdames, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, avant d'évoquer les détails techniques et financiers du budget de la mission « Défense », j'aimerais insister sur l'importance de cette mission qui n'est pas une mission comme les autres, en particulier au regard de la spécificité du rôle des militaires, dont le sacrifice est souvent immense, parfois ultime.
Comment ne pas saluer ici à nouveau la mémoire de nos soldats qui ont, ces derniers mois, perdu la vie aux côtés de nos alliés en Afghanistan ou ailleurs en OPEX, voire à l'entraînement ? Vous comprendrez, monsieur le ministre, mes chers collègues, que j'aie aussi en cet instant une pensée pour les blessés et leurs familles sur tous ces théâtres, mais aussi et surtout pour les morts de l'embuscade de la vallée d'Uzbin, dont huit étaient du prestigieux huitième RPIMA de Castres, régiment d'élite si cher à mon coeur, que vous avez, monsieur le ministre, honoré de votre visite cette année.
J'ai d'ailleurs eu la chance de me rendre sur ce théâtre d'opérations à trois reprises en 2008, et j'ai pu constater sur place la valeur, le professionnalisme et le bon état de préparation de nos hommes ainsi que la grande qualité de leurs équipements.
Toutefois, vous me permettrez de regretter les événements judiciaires les plus récents. Je comprends et partage la volonté des familles de connaître la vérité, mais ne sommes-nous pas face à un excès de la judiciarisation de la société qui doit nous interpeller au plus haut point ?
J'aimerais, ensuite, insister sur l'importance de cette mission et de ce budget pour notre pays qui, comme vous le savez, occupe une place toute particulière dans le concert des nations, et ce pour quatre raisons majeures.
La première tient à l'histoire même de la France, que l'on ne peut en aucun cas dissocier de son riche passé militaire. À quelques centaines de mètres d'ici, le Musée des Invalides est là pour en témoigner.
La seconde tient à la place de choix que notre pays occupe dans les institutions internationales héritées du nouvel ordre mondial établi après 1945, en particulier au regard de son statut de membre permanent du conseil de sécurité de l'ONU. Je voudrais redire ici devant vous combien ce statut particulier et privilégié nous confère à la fois des droits mais aussi des devoirs. Je pense à l'importance des opérations extérieures que nous menons, en particulier en Afghanistan, où la France se doit de contribuer, à hauteur de ses moyens, au maintien de la paix et à l'émergence d'un monde libre et meilleur dans la stricte application des résolutions voulues par les Nations unies.
Le troisième élément d'explication de cette singularité française concerne notre capacité de dissuasion nucléaire, reconnue par la communauté internationale, et qui est un gage de paix, de puissance et de stabilité, mais qui nous confère également une responsabilité toute particulière. Je pense à notre devoir de faire respecter les engagements internationaux en matière de non-prolifération, plus particulièrement à l'égard de l'Iran. Car la capacité dissuasive et stabilisatrice de l'arme nucléaire ne peut être assurée qu'à la seule condition que sa diffusion soit restreinte, contrôlée et maîtrisable.
Le quatrième motif de l'exception militaire française tient au fait que notre pays ne peut être réduit à sa seule dimension hexagonale. La France, ce n'est pas la seule métropole et ses 550 000 kilomètres carrés que l'on nous apprend tous à l'école ; ce sont aussi ses départements et territoires d'outre-mer qui portent notre superficie totale à 675 000 kilomètres carrés, sans compter les onze millions de kilomètres carrés de notre zone économique exclusive qui est la deuxième au monde, juste derrière les Etats-Unis, et est trois fois supérieure à celle du Royaume-Uni, qui a pourtant une image maritime reconnue.
Plus encore, la France est le seul pays à être présent sur quatre continents et sur tous les océans. Je le redis devant vous avec fierté et espoir : nos départements et collectivités d'outre-mer et nos territoires – fussent-ils perdus au milieu des océans – composent les parties d'un ensemble unique au monde. Ce que d'aucuns qualifient avec dédain de « poussières d'empire » représente, à dire vrai, un véritable atout pour notre pays dans les défis multipolaires qui l'attendent en ce XXIe siècle.
Aussi, vous l'aurez compris, j'ai choisi de me battre contre cette conception inconsciente, voire irresponsable, de notre réelle puissance maritime et de nos territoires d'outre-mer en rappelant la nécessité aujourd'hui pour nous d'y assurer une présence et d'y manifester notre souveraineté.
Certaines de ces îles sont inhabitées. Notre présence y est contestée par des États voisins. Seule la défense nationale peut nous permettre d'y asseoir notre souveraineté, comme c'est le cas à Europa, Juan de Nova et dans les Glorieuses,…
…Îles éparses pour lesquelles vous avez fort heureusement et courageusement, monsieur le ministre, choisi de maintenir ce dispositif de présence, qu'il faudra réfléchir à étendre peut-être un jour, par exemple à Clipperton ou à Tromelin.
La reconnaissance de la capacité maritime de notre nation, que peu d'entre nous prennent aujourd'hui en considération, m'amène à poser un regard assez interrogatif sur le manque de moyens mis à disposition de cette force de dissuasion, de souveraineté et de projection qu'est la marine. Vous le savez, monsieur le ministre, je suis passionné par cette question, qui me semble primordiale pour notre défense.
Pour ces raisons, vous me permettrez d'émettre à nouveau les remarques que j'avais formulées devant la représentation nationale lors de l'examen de la loi de programmation militaire concernant la marine nationale. Car il n'est pas évident que la marine sorte renforcée, en termes de moyens, des orientations formulées par le Livre blanc de la défense comme par la loi de programmation militaire, alors même que ses missions ont été revues à la hausse.
Compte tenu des difficultés cumulées – un âge moyen des bâtiments de vingt et un ans, un maintien de la condition opérationnelle de plus en plus difficile, des retards de livraison, un déficit à court terme en patrouilleurs et en avions de surveillance maritime –, la marine nationale aura-t-elle les moyens d'assurer dans de bonnes conditions ses différentes missions, notamment la protection de nos zones économiques exclusives, qui ne couvrent pas moins de onze millions de kilomètres carrés, comme je l'ai indiqué ? Voilà une question à laquelle il faudra répondre dans un temps très court, car on ne peut reporter cette exigence à demain, et surtout pas aux années 2015-2020.
J'aimerais enfin, monsieur le ministre, insister sur un point qui me semble essentiel quant aux orientations stratégiques de la défense de notre nation : je pense à la construction de l'Europe de la défense.
Vous le savez, le groupe Nouveau Centre et moi-même avons toujours soutenu la construction de la politique européenne de sécurité et de défense, a fortiori dans un monde qui a vocation à devenir multipolaire. La présidence française de l'Union européenne a été à cet égard exemplaire, enregistrant des avancées concrètes et significatives dans les domaines opérationnel et capacitaire de la défense européenne, et vous y avez personnellement contribué.
La mise en place d'une véritable défense européenne autonome est un objectif qui sera difficile à atteindre, j'en suis conscient, mais la réussite d'une opération conjointe comme celle menée depuis 2008 avec les Nations unies au Tchad et en République centrafricaine peut servir d'exemple.
Je rappelle que, pour promouvoir cette opération, la France a proposé de nombreux moyens : le centre de commandement du Mont-Valérien, que j'ai visité il y a quelques mois, ainsi qu'un noyau d'officiers pour constituer l'état-major en charge de la planification du concept de l'opération, permettant ainsi le lancement de la constitution de la force au niveau européen.
Je pense également à l'opération Atalante de lutte contre la piraterie au large de la Somalie qui a été lancée, en décembre 2008, à l'appui des résolutions adoptées par le conseil de sécurité des Nations unies et qui constitue la première opération navale de l'Union européenne.
Toujours dans ce sens, nous devons également promouvoir le développement des capacités structurantes qui donneront à l'Europe de la défense les moyens de ses ambitions, à l'instar, par exemple, du déploiement des groupements tactiques, sans parler de l'industrie de la défense européenne, maillon qu'il est indispensable de structurer.
J'en viens maintenant plus précisément au budget de la mission « Défense » dont nous débattons aujourd'hui.
Permettez-moi tout d'abord de me féliciter du fait que ce budget corresponde assez fidèlement aux orientations que notre assemblée a votées dans la loi de programmation militaire 2009-2014 – situation tout à la fois vertueuse et rarissime !
Le groupe Nouveau Centre et apparentés se réjouit également du fait que les armées et les industriels qui les fournissent bénéficieront, eux aussi, du plan de relance à hauteur de 770 millions d'euros en 2010.
Le total de 1,7 milliard d'euros de crédits d'équipements décidés en plus par rapport aux budgets initiaux tant en 2009 qu'en 2010 montre que ce poste de dépenses hautement stratégique reste la première priorité du budget 2010, et ce d'autant plus que c'est le plus souvent au profit d'équipements produits en France, donc avec des conséquences directes et positives pour l'emploi.
Enfin, le budget dont nous allons débattre aujourd'hui se trouve en conformité avec les grandes orientations développées dans le Livre blanc de la défense, en particulier au regard du maintien des ressources annuelles en volume, hors charges de pension, ainsi que de la capacité, hautement stratégique, de projection et d'entraînement de nos forces.
À ce titre, nous ne pouvons que constater la quasi-stabilité des crédits – 32,99 milliards d'euros en 2009 hors pensions, contre 32,15 milliards en 2010 – ainsi que l'ensemble des efforts que vous avez entrepris en vue de rationaliser nos armées.
Monsieur le ministre, vous avez également annoncé des recettes exceptionnelles de 1,26 milliard d'euros issues de la cession d'actifs immobiliers – 650 millions d'euros attendus – et de fréquences radio prévues l'an prochain – cession pour 600 millions d'euros environ. Je ne peux que me féliciter de ces financements exceptionnels tout en m'interrogeant sur nos capacités à les remplacer par des crédits classiques quand ils ne seront plus.
En effet, qu'en sera-t-il après 2012 ? Qu'adviendra-t-il au moment où les recettes exceptionnelles dont nous venons, pour certaines d'entre elles, de faire état ne seront plus réalisables dans un avenir proche ? Quel avenir pour nos armées et leur financement au moment où nous aurons épuisé les fruits de leur indispensable rationalisation ? Autant de questions qui restent aujourd'hui souvent sans réponse, et sur lesquelles je souhaite, monsieur le ministre, appeler votre attention.
L'année prochaine, les armées vont poursuivre leurs efforts de restructuration et de réduction des effectifs, de fermetures et de transferts de bases sur tout le territoire. C'est un effort de rationalisation sans précédent et il convient de le saluer à sa juste valeur. L'exception « Défense », qui fait que chaque euro économisé sera reversé au ministère, est un élément essentiel et positif à souligner.
Surtout, et je le dis à nouveau, l'équipement des armées reste une priorité de la mission « Défense », dont le budget demeure élevé, avec plus de 17 milliards d'euros.
Je rappelle que 2010 sera une année de livraisons importante pour les armées, avec notamment l'entrée en service de 5 000 Félin, équipement du fantassin du futur, de sept hélicoptères de combat Tigre, d'une centaine de véhicules blindés VBCI, du premier hélicoptère NH90 naval ainsi que de onze avions de combat Rafale, mais aussi la première dotation de missiles M51.
Cette dotation peut, à elle seule, rendre compte de l'augmentation de plus de 10 % des crédits liés à la force de dissuasion. Elle est, elle aussi, en conformité avec l'un des objectifs majeurs du Livre blanc, à savoir le maintien de la dissuasion nucléaire comme fondement essentiel de la stratégie de défense nationale.
J'en profite également pour vous interroger, monsieur le ministre, sur l'A400M, car le déficit capacitaire d'aéromobilité risque de s'accroître, notamment au regard de la capacité de projection et d'entraînement pour nos forces aéroportées. Le risque de perte de certains savoir-faire en la matière est grand et hautement préjudiciable. Je salue cependant votre implication dans le sauvetage de ce programme.
Concernant les opérations extérieures, j'ajoute que leur budget de 800 millions d'euros apparaît en tout point conforme aux engagements que vous avez tenus aux côtés du Président de la République, notamment en ce qui concerne notre présence en Afghanistan.
Par ailleurs, la recherche doit rester une priorité car c'est elle qui nous permet de préparer l'avenir.
Enfin, vous me permettrez de dire toute notre satisfaction en matière de revalorisation et d'amélioration des conditions du personnel. C'est en effet l'indispensable contrepoint de la restructuration de nos armées : d'une part, la recherche d'économies d'échelle et, d'autre part, l'amélioration de la condition militaire.
Ainsi, après avoir revalorisé la solde des militaires du rang et des sergents en 2008, ainsi que de certaines catégories de sous-officiers et officiers subalternes, l'État entame aujourd'hui la revalorisation de la catégorie des capitaines et commandants, avant celle des lieutenants et colonels l'année prochaine. Là encore, monsieur le ministre, vous avez respecté les engagements que vous avez pris et il faut le saluer.
En conclusion, j'attire votre attention, monsieur le ministre, sur trois sujets qui me sont chers et auxquels je sais que vous portez un grand intérêt : la création, qui me semble tout à fait judicieuse, d'un Erasmus militaire, sur le modèle des échanges d'étudiants européens,…
…l'ouverture des lycées militaires à la diversité et aux jeunes issus des quartiers les plus défavorisés de notre pays, et l'accroissement des moyens pour le service militaire adapté outre-mer. Il n'y a aujourd'hui aucune raison de ne pas mettre plus en avant la vocation d'ouverture, d'échange et de promotion sociale du monde militaire. Je vous remercie de continuer à placer ces orientations au coeur de vos actions.
Je suis convaincu, monsieur le ministre, que ce ne sera pas une grande surprise pour vous et pour l'ensemble de la représentation nationale, mais j'annonce que, bien entendu, le groupe Nouveau Centre et apparentés votera les crédits de la mission « Défense ». (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission de la défense, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, nous sommes en situation normale pour examiner ce budget. L'an dernier – dois-je le rappeler ? –, nous avions eu connaissance du projet de loi de programmation militaire quinze jours seulement avant la discussion du budget. Je dois toutefois souligner que malgré la crise qui touche notre pays, conformément à la trajectoire financière définie par la loi de programmation militaire, les ressources de la mission « Défense » sont maintenues en volume sur la durée. Voilà qui corrige quelque peu ma remarque du début, monsieur le ministre.
Notre effort de défense est en effet maintenu aux environs des 2 % du produit intérieur brut, ce qui représente un effort de 700 euros par habitant. De fait, la défense figure parmi les priorités du Gouvernement, ce dont le groupe UMP se félicite. Plus de 32 milliards d'euros y seront consacrés cette année. Je souhaite rappeler, à l'occasion de ce budget, qu'assurer la défense de notre pays et sa sécurité nécessite des moyens considérables. C'est une réalité que la plupart de nos concitoyens ignorent ou ne comprennent pas forcément en ces temps où notre sol et notre continent, du moins l'Union européenne, sont préservés des conflits. Cela implique que les efforts consentis par la nation soient utilisés au mieux, dans le cadre de la défense de nos intérêts.
À l'heure où l'on demande beaucoup à notre outil de défense – OPEX, réformes et restructurations majeures –, ce budget maintenu et consolidé est un message fort adressé à tous ceux qui servent notre pays. Je souhaite au nom du groupe UMP, et je pense au nom de tous les groupes, rendre hommage à nos armées, tout particulièrement aux milliers de femmes et d'hommes engagés dans les opérations extérieures.
Je ne reviendrai pas sur les différents programmes fort bien décrits par nos rapporteurs. Je souhaite insister sur quelques points qui me paraissent particulièrement importants.
En premier lieu, je souligne les efforts majeurs de modernisation réalisés par le ministère de la défense. Depuis déjà de nombreuses années, il a entamé un processus de modernisation et d'adaptation de ses structures et de son fonctionnement aux nouvelles réalités issues, entre autres, de la professionnalisation.
Deux mots sur la RGPP, avec des restructurations sans précédent et, à terme, des emplois supprimés.
Pour 2010, 8 400 emplois seront donc supprimés. Comme un certain nombre de mes collègues, je m'interroge sur l'attractivité de notre défense à un moment où l'on parle de restructurations et de suppressions d'emploi. Devant notre commission, le chef d'état-major des armées a parlé d'une « manoeuvre concernant les ressources humaines particulièrement délicate à conduire ». Notre politique de réforme ne doit pas pénaliser le recrutement. Je souhaite que vous puissiez nous rassurer sur cette question, même si je constate avec satisfaction les efforts consentis de nouveau cette année pour améliorer les conditions du personnel.
Comme l'année dernière, je tiens à souligner l'effort très important consacré aux dépenses d'équipement. Ce budget est certes en baisse de quelque 900 millions d'euros par rapport à 2009, mais 17 milliards d'euros lui sont tout de même consacrés.
Il faut rappeler que l'année 2009 avait connu une hausse exceptionnelle de ces crédits,…
…en réponse entre autres aux besoins opérationnels constatés sur le théâtre afghan. Le plan de relance avait aussi largement contribué à cette augmentation, et 770 millions d'euros seront à ce titre attribués au budget défense en 2010. Je me réjouis que, sur l'année 2009, vous ayez consommé 100 % des crédits « relance ».
Je ne reviens pas sur les recettes exceptionnelles escomptées par votre ministère, beaucoup en ont parlé avant moi. Vous n'êtes en rien responsable des vicissitudes du marché immobilier, et il y aura un rétablissement dans les années à venir.
Par ailleurs, l'année 2010 verra des livraisons très importantes et attendues : Le Terrible, la première dotation du M51, des moyens renouvelés et rénovés de maîtrise de l'information consacrant la nouvelle fonction connaissance et information prônée par le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale, ainsi que la fourniture notamment de sept hélicoptères Tigre, de onze Rafale et de plus de 5 000 équipements FELIN. Parmi les commandes, je me réjouis tout particulièrement de votre annonce au sujet des trois dernières FREEM et des efforts poursuivis en matière de maîtrise de l'information.
Deux mots maintenant sur notre récent retour au sein du commandement intégré de l'OTAN. Nous nous sommes tous félicités du poste confié au général Abrial, dont la presse s'est fait largement l'écho. Mais j'aimerais vous interroger sur les autres postes que nous devions occuper : combien de Français sont actuellement concernés par cette réintégration ? Pouvez-vous nous communiquer le montant exact de notre participation financière à ces structures ?
Enfin, avant d'aborder trois points particuliers, je souhaite revenir sur le financement du surcoût des opérations extérieures.
En effet, notre pays est actuellement engagé dans des dizaines d'opération à travers le monde. Elles s'effectuent dans différents cadres : ONU, Union européenne, OTAN ou à titre purement national. Au total, plus de 10 000 militaires français sont engagés dans des OPEX. À côté des opérations connues de tous, tels l'Afghanistan, le Tchad, Atalante, peu de nos concitoyens nous savent également présents au Kosovo ou à Haïti. Comme pour l'année 2009, une partie du surcoût est prise en charge par le budget de la défense dès sa phase initiale. Le total des surcoûts liés aux OPEX sont estimés à 870 millions d'euros pour cette année 2009. Un nouveau record ! L'an dernier, nous avions voté 510 millions d'euros de surcoût ; cette année, nous nous apprêtons à voter 570 millions d'euros de surcoût, plus 10 millions supplémentaires, ce qui nous permettra de couvrir plus de 65 % des dépenses engagées. Notre présence dans certaines OPEX a été sérieusement réduite en 2009, je pense entre autres à la Côte-d'Ivoire, au Tchad ou au Kosovo. Pourtant, les surcoûts ne cessent leur progression. Je sais qu'ils sont particulièrement dus cette année à notre présence en Afghanistan et à la mise en place de l'opération Atalante, dont je tiens à saluer le succès. Ces deux opérations sont clairement destinées à se poursuivre. Nos surcoûts ne peuvent donc pas baisser significativement. À l'heure où un certain nombre d'entre nous s'interrogent sur notre présence au sein des OPEX, la question de leur financement demeure particulièrement importante !
Je vais maintenant en venir aux trois points particuliers.
Premièrement, s'agissant du CNES, j'ai constaté, dans l'excellent rapport de mon collègue Yves Fromion, qu'il a subi 37,4 millions d'euros d'annulation de crédits en 2008, puis 5 millions en 2009 et un gel de 25,6 millions. Son président a déclaré, lors de son audition, qu'une nouvelle annulation de crédits constituerait une catastrophe conduisant à un démantèlement des projets industriels. Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous rassurer sur ce point ?
Deuxièmement, j'ai noté une anomalie concernant une catégorie de personnel qui n'est plus en activité dans les forces : ce sont les apprentis de l'école d'Issoire, école créée en 1963, reconnue par décret du 28 avril 1966. Du fait de ce décalage administratif, les trois premières promotions, environ 1 500 personnes, ont découvert bien des années plus tard que deux annuités n'avaient pas été prises en compte dans le calcul de leurs droits à la retraite. La solution budgétaire ne doit pas aller chercher très loin. Cette anomalie doit être corrigée pour une question d'équité.
Le troisième point concerne les forces armées en Nouvelle-Calédonie. Au vu des programmes, il apparaît qu'il y aura à terme une perte de matériel et même des ruptures de capacités opérationnelles, dus notamment à l'absence du BATRAL à partir 2012, et de deux aéronefs dès 2011. Cela privera nos forces de la capacité à mener certaines missions, notamment des missions de contrôle et de patrouille maritime dans la zone économique exclusive.
Je vous remercie, monsieur le ministre, de nous apporter des précisions sur toutes ces points, et j'espère que vous pourrez nous donner des assurances.
Mes chers collègues, je souhaite le redire ici : le budget que nous examinons est un bon budget. Cela ne vous surprendra pas que le groupe UMP, dont je suis aujourd'hui le porte-parole, le vote sans réserve. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
(M. Tony Dreyfus remplace Mme Catherine Vautrin au fauteuil de la présidence.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, je souhaite tout d'abord évoquer les conditions dans lesquelles nous abordons ce budget : un bleu budgétaire reçu seulement il y a semaine et des rapports reçus ce matin… pour l'examen du budget ce soir ! Je ne mets en cause ni les présidents de commission ni les rapporteurs qui soulignent, de quelque bord qu'ils soient, le caractère particulièrement tardif des réponses ministérielles à leurs questions.
Mais bien sûr ! Ne s'agit-il pas plutôt d'un retard de transmission des services de l'Assemblée ?
Ainsi, nos collègues chargés du suivi des restructurations n'ont pas disposé à temps de tous les éléments nécessaires, et le rapporteur spécial Jean-Michel Fourgous s'est plaint que les vingt dernières réponses à son questionnaire budgétaire, parmi les plus importantes, lui soient parvenues hors des délais fixés par la LOLF et seulement soixante-douze heures avant la présentation de son rapport ! Au moment où on nous parle de Parlement renforcé, il me paraît plus que temps de mettre en application certaines règles.
Venons-en au budget. Je vais peut-être vous surprendre en commençant par dire que ce budget 2010 est conforme à la programmation militaire prévue.
Monsieur le ministre, il est conforme, je le répète. D'ailleurs, si nous nous limitions à ce constat de conformité de la loi de finances à la planification votée, nous n'aurions pas grand-chose d'autre à faire que de vous accorder un satisfecit total.
D'autant plus que vous présentez une mission « Défense » relativement épargnée alors que d'autres budgets pâtissent lourdement de ce contexte de crise économique et de déficit structurel de près de 50 milliards. Mais il est vrai que, sur tous les bancs de cet hémicycle, nous pensons que nos armées le méritent bien.
Cela étant, vous devez bien vous douter que le temps n'est pas de vous donner quitus.
Le retour sur expérience de la précédente LPM nous a appris à nous méfier du prêt-à-porter budgétaire : l'affichage de crédits élevés conformes à la LPM n'en garantit pas la bonne exécution, comme le soulignent les conclusions du rapport d'information que nous avions déposé, mes collègues Yves Fromion, Patrick Beaudouin et moi-même. Certes, vous avez hérité d'une situation, nous en avons fait le constat, fortement plombée par l'imprévoyance de la gestion précédente. Mais aujourd'hui, ce sont les personnels civils et militaires, ainsi que les territoires, qui en pâtissent. Ainsi, le raisonnement suivi pour l'élaboration de ce budget, avec la volonté de réaliser des économies à tous les échelons, est purement et simplement technocratique et dogmatique, en plus d'être inefficace. Plusieurs intervenants l'ont évoqué avant moi. Ce budget se traduit en effet par trois grandes orientations : l'intensification de la RGPP ; la restructuration de la carte militaire, en particulier par la mise en place des bases de défense ; et bien sûr la vente des actifs de l'État. Même le chef d'état-major des armées, le général Georgelin, affirme sans détour que ces réformes « présentent des risques et seront particulièrement délicates à conduire, en particulier pour le volet ressources humaines ».
Premier point donc : les suppressions d'emploi. Le ministère de la défense est l'administration la plus touchée par la RGPP ; vous connaissez tous les chiffres qui l'attestent. Outre la dégradation du climat qui pèse sur les personnels de la défense du fait des impératifs de la RGPP, notre collègue le rapporteur général de la commission des finances, M. Carrez, en a aussi démontré l'inefficacité : en effet, il souligne que la règle cardinale de la RGPP d'un fonctionnaire sur deux non remplacé ne représente que 1 % du déficit structurel de l'État.
Ainsi à l'échelle du ministère c'est une économie de 2,7 milliards – et non de 4 milliards – qui serait réalisée au titre de la masse salariale sur l'ensemble de la LPM, ce qui représente à peine 1,5 % d'un budget prévisionnel estimé à près de 185 milliards d'euros.
Les chiffres démontrent que la suppression de ces postes ne permettra pas d'atteindre l'objectif d'abondement du budget d'équipement fixé dans cette LPM.
La commission a aussi entendu les représentants du personnel civil de la défense. Le climat social est lourd et les représentants déplorent l'absence de concertation. En 2010, il y aura 8 250 suppressions d'emplois dont mesurons les répercutions sur nos territoires, mais aussi des externalisations estimées à 450 millions d'euros et pour lesquelles le contrôleur général ne connaît pas les mesures étalon.
Comme le dit encore notre collègue Carrez, « il ne faut jamais oublier que le moteur principal de notre économie est la consommation qui est liée à la préservation et à l'amélioration du pouvoir d'achat des ménages. » Ce n'est donc pas en supprimant des emplois que nous retrouverons une dynamique budgétaire permettant les investissements prévus.
Deuxième point : la réforme de la carte militaire et les bases de défense. Mon collègue Bernard Cazeneuve a développé avec brio et perspicacité, comme d'habitude…
…la question des économies attendues dans ce cadre. Les économies ne se matérialisent pas et nous sommes dans l'incertitude, déplorant l'impréparation budgétaire, en tout cas la présentation opaque qui en est faite au Parlement.
Troisième point : les recettes exceptionnelles. Les crédits issus du plan de relance sont effectivement au rendez-vous. Précisons que ce ne sont que des avances à la programmation budgétaire, d'ailleurs reprises dans le budget 2010, comme l'a précisé le général Georgelin.
Il en va autrement des recettes exceptionnelles, issues des ventes du patrimoine immobilier et de la cession des fréquences de télécommunication. De précédents intervenants l'ont déjà exposé. Ces ressources importantes et indispensables au maintien de la trajectoire financière ne sont pas assurées. Pour nous faire gagner du temps, je ne répéterai pas les chiffres déjà donnés par différents rapporteurs concernant ces ondes hertziennes.
Il est probable que la totalité de ces recettes de cessions de fréquences n'interviendra que fin 2010, c'est-à-dire en fait sur le budget pour 2011. Louis Giscard d'Estaing le démontre dans son rapport qui est vraiment excellent – j'espère que tout le monde l'a lu…
La cession des actifs immobiliers est une des conditions de réussite de la réforme des armées. Qu'apprend-on ? Le projet de loi de finances pour 2009 prévoyait que 972 millions d'euros devaient abonder le budget de la défense. Seulement 540 millions d'euros doivent être au rendez-vous au 31 décembre 2009. Or Louis Giscard d'Estaing nous a indiqué qu'il n'y aurait que 50 millions au lieu des 540 millions attendus.
Comment expliquez-vous un tel découplage entre les objectifs affichés et les résultats ? Pour cette année, vous vous en sortez : comme d'habitude, le manque à gagner sera compensé par des reports de crédits – on aimerait bien savoir lesquels –, alors que la dette publique atteint des montants abyssaux.
Reconnaissons que cette construction budgétaire a de quoi laisser perplexe, pour ne pas dire sceptique. Elle ressemble à s'y méprendre à la précédente LPM, et souffre des mêmes travers : dérive, glissement, reports, étalements. Malheureusement, l'histoire recommence déjà.
Monsieur le ministre, je ne voudrais pas conclure mon propos sans évoquer les conséquences de notre réintégration au sein du commandement intégré de l'OTAN.
Cette décision unilatérale du Président de la République, comme d'ailleurs celle concernant les Émirats arabes unis, va avoir des conséquences budgétaires, comme l'ont signalé de précédents orateurs. Le coût de cette réintégration n'est pas connu. Même le chef d'état major des armées n'a pas pu nous donner des chiffres précis, lors de son audition. On parle de 100 millions d'euros en année pleine…
Peut-être plus ? Je n'en sais rien.
Actuellement, ces sommes ne sont pas inscrites dans le budget. Sur quelle ligne budgétaire seront-elles prélevées ? Seront-elles financées par des recettes exceptionnelles que nous ne connaissons pas ? Nous aimerions le savoir.
Je conclurai mon propos en vous parlant de l'Europe de la défense dont nous constatons avec inquiétude l'abandon progressif : nous n'en entendons plus parler depuis le revirement stratégique de la France en direction de l'OTAN. Il est surtout surprenant que, lors des auditions réalisées – je les ai toutes relues –, à aucun moment l'État dans ses différentes représentations n'ait abordé ni même cité l'Europe de la défense.
Très concrètement, pouvez-vous nous indiquer qu'elles sont les inscriptions budgétaires qui pourraient nous rassurer ? Quels sont les moyens attribués à l'Agence européenne de défense ? La proposition française de renforcer les capacités de commandement européen est-elle encore à l'ordre du jour ?
J'en suis ravie !
À ce propos, les Allemands semblent vouloir se retirer du programme en coopération MUSIS. Pouvez-vous nous en dire un peu plus ?
Au cours des dernières années, nous avons examiné plusieurs textes législatifs ouvrant aux capitaux privés nos entreprises jusqu'alors détenues à 100 % par l'État. À chaque fois, nous vous avons posé les mêmes questions : quelle est votre stratégie ? Quelle rentabilité attendez-vous ? En quoi contribuent-elles à la construction d'une Europe de la défense ? À ces questions, jamais aucune réponse ne nous a été apportée. Pourtant, quelques mois plus tard, nous découvrons souvent dans la presse spécialisée les recompositions capitalistiques qui s'opèrent.
Dans ce domaine, je ne ferai pas l'offense à l'Élysée de dire que l'État navigue à vue, car il est évident que la stratégie existe bel et bien. Mais seuls quelques-uns en profitent. Nous les connaissons, ils sont proches du chef de l'État.
Prenons simplement ces deux exemples : Thales et DCNS avec M. Dassault ; AREVA, fleuron de notre industrie, peut-être avec M. Bouygues. Je m'arrêterai là, mais je pourrais citer d'autres exemples concernant M. Bolloré.
Est-ce bien comme cela que nous construirons une industrie européenne de la défense ? Dans la mesure où les décisions que nous prenons sont franco-françaises, j'en doute très fortement. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission de la défense, mes chers collègues, nous venons d'engager ce débat budgétaire sur le thème de la défense et de la sécurité de la nation.
Ce thème ne saurait être sujet à polémique. Il appelle à la responsabilité. Cette responsabilité nous la devons aux hommes et aux femmes de la communauté de défense qui, chaque jour et parfois au péril de leur vie, servent les armes de la France.
Il ne s'agit dans cet hémicycle ni d'afficher un optimisme béat ni une posture d'opposition caricaturale à notre politique de défense. Nous devons être fiers de cette France du XXIe siècle qui dispose des instruments de son indépendance et de sa liberté : la dissuasion nucléaire et une meilleure maîtrise de la quatrième dimension, en clair la maîtrise de l'espace.
Nous devons être fiers de cet héritage construit et préservé depuis soixante ans par deux Républiques. Nous devons être fiers de n'avoir, dans cet hémicycle, jamais refusé la confiance de la nation à aucun gouvernement dès lors qu'il en allait de l'intérêt supérieur de la France, quels que fussent les sujets : notre posture stratégique, nos alliances, nos engagements ou enfin les ressources dédiées à la crédibilité de notre outil de défense.
Actuellement, nous sommes au coeur d'une nouvelle donne : celle qu'expriment le livre blanc et une programmation militaire largement débattus et préparés au cours des deux dernières années.
Monsieur le ministre, le budget que vous nous présentez, apporte aux armées les ressources pour honorer les contrats opérationnels que le Président de la République leur confie au nom de la nation.
Certes, j'entends d'ici les bonnes âmes – encore à l'instant – dont la seule expertise est de prétendre toujours et encore que nos efforts, nos crédits ne sont pas suffisants.
Je les invite à pratiquer les vertus de l'humilité : il est vrai que les temps où les donneurs de leçon – toujours les mêmes ! – ont eu à exercer une quelconque responsabilité sont bien trop lointains, mais nous savons où ils nous ont conduits.
Nous achetons les équipements qu'ils n'ont pas su financer ; nous rattrapons les déficits capacitaires qu'ils n'ont pas su anticiper ; nous réalisons enfin les programmes qu'ils ont trop souvent différés. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
C'est cela, la réalité de ce budget ! En réalité, pour la deuxième année consécutive, le budget d'investissement – c'est-à-dire le pouvoir d'achat de nos armées – augmente de 11 % à plus de 17 milliards d'euros au lieu des 15 milliards de la loi précédente qui avait amorcé le redressement capacitaire de nos armées.
Aujourd'hui, dans une situation économique des plus contraintes, le Président de la République et vous-même, monsieur le ministre, avez hiérarchisé les priorités.
Ces choix nous les approuvons. Quels sont-ils ? Tout d'abord celui d'un financement effectif des engagements stratégiques. Quoi qu'il puisse être exposé dans cet hémicycle, ce financement demeure une réalité. Les 2 milliards de ressources supplémentaires sont au rendez-vous, que ce soit sous la forme de recettes exceptionnelles, du plan de relance, du déblocage effectif de reports de crédits ou de l'emploi systématique de la réserve de précaution gouvernementale.
Nos armées ont entrepris ainsi une recapitalisation sans précédent de leurs moyens. Une telle constance financière n'avait plus été au rendez-vous depuis la présidence du général de Gaulle, depuis la constitution de notre force de dissuasion.
Ensuite, vous avez fait le choix de la cohérence capacitaire. Ce budget conforte les instruments qui lui sont dédiés. J'ai particulièrement apprécié, lors des auditions de nos chefs militaires, l'adhésion des armées à cette démarche qui vise la mutualisation et l'interarmisation des moyens opératifs et de soutien. C'est une démarche génératrice d'économies et de meilleure capacité opérationnelle.
Enfin, vous avez choisi de rendre nos forces aptes à s'insérer dans les commandements et dispositifs de nos alliances, tant au titre de la défense européenne qu'à celui de l'OTAN.
L'expertise de la France est unanimement reconnue. Je n'énumérerai pas ici les missions auxquelles elle contribue avec succès au titre de l'ONU, de l'Union européenne ou de l'OTAN sur tous les points de la planète. Mais ne boudons pas notre plaisir devant les éloges que lui adressent nos alliés.
Bien au-delà de cette fierté, nous percevons les premières traductions de l'influence de la France au sein d'un axe stratégique qui se dessine de l'Occident à 1'Orient, de l'Europe au sous-continent indien.
Cette dernière observation nous invite, monsieur le ministre, à être très attentifs à certains choix qui dessinent ce budget. Celui de nos capacités stratégiques de projection en cours d'affirmation pour la marine, mais toujours incertaines pour celles concernant l'aérien.
À ce sujet, permettez-moi de mettre en exergue certaines craintes : la possible perte de compétence tactique des équipages et son impact opérationnel ; les lacunes capacitaires touchant notre aéromobilité.
Quid de la période de transition dans l'attente de l'A400M ? Quid de la prise de décision concernant nos avions ravitailleurs ?
Il nous faudra également mieux affirmer notre place au coeur d'un système spatial cohérent, répondant à la triple nécessité de renseignement, d'alerte avancée, de commandement et de contrôle des opérations.
Les investissements à consentir sont incontournables et ne sauraient souffrir d'un quelconque retard. Monsieur le ministre, nous formons donc les plus grandes espérances pour qu'ils restent au coeur de l'exécution de ce budget, ou à tout le moins, de notre programmation à venir.
En conclusion, vous le savez bien et c'est une évidence, nous vous apporterons tout notre soutien pour votre budget 2010. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi de focaliser mon intervention sur le coût et le financement des opérations extérieures de la France.
C'est avec un grand intérêt que j'ai écouté les propos de notre excellent collègue Louis Giscard d'Estaing avec lequel j'ai eu le privilège de rendre un rapport à la mission d'évaluation et de contrôle sur les OPEX. Sur de nombreux points, je partage ses remarques – même si je n'en tire pas toujours les mêmes conclusions.
À mon tour, je me réjouis du fait que le ministère ait progressé dans la budgétisation des OPEX, en prévoyant 570 millions d'euros à cet effet. En revanche, j'ai du mal à me satisfaire d'un budget dont le taux de sincérité n'est que de 65 %, c'est-à-dire d'une budgétisation des OPEX qu'il faudra abonder d'au moins 35 % à la fin de l'exercice.
Comme nous vous le proposions dans notre rapport, monsieur le ministre, il est plus que temps de réformer l'ordonnance du 25 mai 1984 qui fixe de manière trop restrictive les règles en matière de calcul et de remboursement et qui aboutit à une sous-budgétisation chronique du coût des OPEX.
Un budget insuffisamment sincère, mais également un bleu budgétaire de plus en plus proche de l'hermétisme. Ma collègue Patricia Adam a relevé le fait que nous l'ayons reçu un peu tard. Non seulement c'était tard, mais en plus c'était drôlement difficile à lire !
Sans vouloir accabler les fonctionnaires qui ont eu le grand mérite de préparer ces documents, je vous avoue, monsieur le ministre, que même avec beaucoup d'efforts, on a du mal à se retrouver dans ce monument de bureaucratie absconse. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Par exemple, j'ai cherché la trace du remboursement effectué par les Nations unies des dépenses supportées par nos armées. Ce n'est pas rien, puisqu'en 2009, le montant de ce remboursement devait s'élever à plus de 71 millions d'euros. Soit ces remboursements n'entrent pas dans le cadre de ce document, soit ils y sont mais je ne les y ai pas trouvés même en cherchant bien.
Monsieur le ministre je crois que dans un tel bleu, la Madelon n'aurait pas retrouvé ses soldats ! Je vous remercie donc de bien vouloir m'éclairer sur ces sommes, ces remboursements des Nations unies.
Au-delà de l'obscurité courtelino-kafkaïenne des textes, certaines données sont parfois volontairement voilées. Ainsi M. le rapporteur spécial nous a-t-il appris que le ministère avait décidé de classer secret défense une information qui me semble relever du contrôle parlementaire, voire du droit de savoir de nos concitoyens : il vous demandait de fournir les effectifs, pour les trois armées, des militaires stationnés à l'étranger dans le cadre des OPEX en 2008 et en 2009, ainsi qu'une estimation des surcoûts pour chacune d'entre elles – information que l'on imagine des plus précieuses pour les insurgés afghans ! Cela lui a été refusé au nom du secret défense.
Je n'ose imaginer, monsieur le ministre, qu'il existe un lien entre le refus de communiquer ces données et le débat sur l'Afghanistan que demande depuis plusieurs semaines le groupe SRC, et que, grâce à l'appui du président Accoyer, le Premier ministre nous a enfin promis. Je n'aurai pas ce mauvais esprit mais, plus prosaïquement, je crains que le système soit tellement opaque que vos services aient du mal à fournir une réponse. Je vous rappelle que l'une des préconisations du rapport que j'ai cosigné avec M. Giscard d'Estaing est de publier chaque année, dans les projets annuels de performances et dans les rapports annuels de performances, la prévision du coût des OPEX pour chacun des théâtres d'opérations, ainsi que la réalité des dépenses.
Si je vous interpelle, monsieur le ministre, ce n'est pas pour polémiquer mais parce que, derrière ces chiffres, il y a des hommes et des femmes qui se battent pour la France, qui meurent au combat pour nos valeurs et notre sécurité. Vous me permettrez, en cet instant, d'avoir une pensée toute particulière pour les quatre jeunes marsouins à qui un dernier hommage a été rendu au cours de ces derniers mois, pour tous leurs camarades du troisième RIMA, ainsi que pour toute la communauté militaire, sur l'ensemble des théâtres d'intervention.
Monsieur le ministre, nous proposerons dans un instant un amendement qui vise à augmenter les crédits d'équipement de nos soldats en Afghanistan. Le général Georgelin nous a expliqué que nos militaires étaient bien équipés, mais qu'ils enviaient souvent les équipements des armées alliées, un peu par « effet de mode », disait-il. Pour moi, je ne crois pas que ce soit le souci de se comparer aux autres qui fasse désirer des chaussures de montagne quand on se bat dans le neige à haute altitude. Or, comme vous le savez, tous nos soldats ne sont pas encore équipés de chaussures aux semelles et talons adaptés au relief afghan et aux conditions extrêmes de ce pays : c'est d'autant moins admissible que cela leur fait prendre des risques dans les patrouilles comme dans les combats. Je vous vois faire des signes de dénégation…
Je ne mets pas votre parole en doute, mais des chefs militaires du troisième RIMA, que j'ai appelés hier soir, m'ont confirmé que certains de leurs hommes n'avaient pas encore reçu leurs chaussures de montagne.
Quand bien même il s'agirait seulement d'améliorer la vie quotidienne de nos combattants, le wellfare, ne croyez vous pas qu'ils le méritent ? Ne pourraient-ils bénéficier de liaisons téléphoniques gratuites avec leurs familles ?
Non, monsieur le ministre : je vous livrerai, si vous le souhaitez, les témoignages des militaires que j'ai eus au téléphone hier soir.
Les soldats disposent d'un crédit téléphonique mensuel !
Ne dites pas qu'ils n'en ont pas, alors !
Je ne voulais pas vous fâcher, monsieur le ministre ; je souhaite seulement contribuer au bien-être de nos soldats.
Vous ne cessez de rapporter des rumeurs inexactes !
Ce que vous appelez rumeurs, monsieur le ministre, ce sont des informations qui viennent du front : chacun son interprétation.
Le front, j'y suis allé plus que vous !
Quant à l'expédition gratuite des colis depuis la France, vous me direz que cela existe, et vous aurez raison. Mais ce système est si compliqué et contraignant que beaucoup de familles ne l'utilisent pas. Ne pourrait-on pratiquer une gratuité systématique des colis expédiés sur le front, comme le font les Américains ?
Puisque j'en suis aux demandes concrètes, et sans vouloir vous irriter davantage, je pense qu'il serait temps de renforcer notre capacité médicale de soutien psychologique des soldats et de leurs familles, car il n'apporte pas toute la satisfaction nécessaire.
L'armée de terre, je le sais, a fourni de gros efforts, mais il faut les amplifier.
Enfin, pour parler d'investissements plus coûteux, nous vous demandons instamment d'envoyer au plus vite des drones MALE en Afghanistan, dont on a vu l'importance lors de l'embuscade d'Ouzbine. Ce point m'amène à une autre proposition de notre rapport pour la MEC : inclure dans le coût budgétaire des OPEX les programmes d'achat de matériels en urgence liés à la situation d'un ou plusieurs théâtres d'opérations.
En conclusion, les opérations extérieures doivent continuer d'être distinguées au sein de la mission « Défense » par un budget opérationnel de programme spécifique, inscrit en loi de finances initiale, éventuellement ajusté en cours d'exercice en fonction des circonstances, mais encore plus sincère et plus lisible, même si des progrès ont été faits. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, « la menace représentée par les missiles balistiques et de croisière contre le continent européen s'accroît. D'ici à 2025, la France et plusieurs pays européens se trouveront à portée de nouvelles capacités balistiques. Quelles que soient les intentions des gouvernements qui se doteront de ces capacités, cette exposition directe constitue une donne nouvelle à laquelle la France et l'Europe doivent être préparées ». Ce court extrait du Livre blanc démontre l'importance pour notre pays de se doter d'une capacité de défense anti-missiles balistiques à même de préserver ses intérêts vitaux, de protéger ses forces envoyées en opérations et ses zones de vulnérabilité.
Le 21 mars 2008, à Cherbourg, le Président de la République, qui confirmait le rôle de la dissuasion nucléaire comme garantie ultime de notre sécurité, de notre indépendance et de notre autonomie de décision, évoquait aussi le rôle utile et non contradictoire des capacités de défense anti-missiles balistiques. Celles-ci pouvaient selon lui être un complément à la dissuasion nucléaire, sans bien sûr s'y substituer. Le Président de la République insistait aussi sur nos solides compétences techniques en ce domaine, lesquelles pourraient être mises à profit le cas échéant.
Le 3 avril 2008, lors du sommet de l'OTAN à Bucarest, le Président de la République proclamait que, pour la France, une telle capacité de défense anti-missiles pouvait apporter un complément utile face à une frappe limitée. Le 17 juin 2008, à la Porte de Versailles, il rappelait que notre pays devait développer des moyens de détection et d'alerte avancée des tirs de missiles balistiques.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, la défense anti-missiles balistiques est un sujet à la fois politique, stratégique, militaire et industriel sur lequel la France doit, comme l'a souligné à plusieurs reprises le Président Nicolas Sarkozy, être en première ligne. Aussi devons-nous nous donner les moyens d'aller bien au-delà de nos engagements actuels. Nos amis américains, eux, viennent de confirmer l'importance de la menace balistique en ciblant d'abord la menace de courte et moyenne portée, qui connaît un développement rapide, et ont révisé en conséquence leur stratégie de déploiement en Europe. Les missiles et les radars devant constituer le troisième site en République tchèque et en Pologne sont abandonnés et remplacés par le déploiement progressif, en quatre phases, de missiles SM-3 évolutifs équipant des plateformes navales et disposant d'une version terrestre. Les Américains souhaitent que ce déploiement s'effectue dans le cadre de l'OTAN, et comptent faire y contribuer les Européens qui bénéficieront de la protection.
Que se passerait-il si la France, qui a salué la nouvelle appréciation de la menace par les États-Unis, n'allait pas au-delà de ses engagements actuels ? Bien sûr, elle pourrait toujours contribuer à l'alerte grâce aux données de ses satellites ; mais, bien qu'ayant participé au développement et à la mise en place du système de commandement et de contrôle, puisqu'elle n'a aucun intercepteur à relier au système – hormis l'Aster SAMPT, qui deviendra vite très limité –, elle n'aura aucun argument à faire valoir pour participer à la chaîne d'engagement, donc à la protection des zones de vulnérabilité. Nos amis américains en auraient alors la maîtrise totale.
Je vous rappelle en effet que l'Aster SAMPT, ou Block 1, sera mis en service en France et en Italie en 2010. Il constitue une première capacité de défense contre les missiles balistiques de courte portée – soit environ 600 kilomètres – rustique et non manoeuvrante. Les missiles balistiques présents aujourd'hui sur les théâtres, dont la portée peut atteindre 2 000 à 3 000 kilomètres, constituent le noyau dur de la prolifération, plus d'une vingtaine d'États, à ce jour, en étant dotés. Ils représentent actuellement la menace balistique la plus crédible et la plus dimensionnante pour nos forces armées. Il est donc indispensable de bâtir dès aujourd'hui sur la première pierre de l'Aster Block 1 une défense aérienne élargie, française et européenne, laquelle inclurait la nouvelle menace des missiles balistiques de théâtre.
Si nous n'atteignions pas cet objectif, c'est l'industrie française qui serait exclue de la défense anti-missiles. Notre pays décrocherait alors pour les performances des radars, des autodirecteurs, de la propulsion et des conduites de tirs de missiles. Bien sûr, la France et l'Europe perdraient face aux États-Unis des éléments majeurs de souveraineté et d'autonomie stratégique.
Pour toutes ces raisons, monsieur le ministre, il est important de lancer un programme d'études amont, de classe 30 à 40 millions d'euros par an dans la loi de programmation militaire pour 2009-2014, ce qui représente environ 5 % du montant annuel des PEA. Ce montant vous paraît-il excessif pour que MBDA, Thales, Safran et EADS maintiennent en France une industrie de missiles et soient capables en 2015, si la décision politique est prise, de lancer le programme Aster Block 2, essentiel à notre défense anti-missiles balistique ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale a affirmé de la manière la plus claire qui soit l'importance croissante de l'espace, qualifié à juste titre de « facteur déterminant de l'autonomie stratégique ». Il s'agit prioritairement d'assurer la relève des systèmes existants dans les domaines de l'observation et des communications, qui ont donné à la France une place singulière en Europe.
Mais l'ambition spatiale s'exprime aussi à travers l'appel au développement de nouvelles capacités, tant en matière de renseignements d'origine électromagnétique, dit ROEM, que d'alerte avancée. Ce volontarisme devait se traduire par la fixation d'un objectif budgétaire précis : pour financer ces programmes, les crédits consacrés aux programmes spatiaux militaires, qui sont tombés à 380 millions d'euros en 2008, devaient être doublés en moyenne annuelle sur la période à venir, c'est-à-dire jusqu'en 2020.
L'examen du budget de la défense est l'occasion de vérifier si les actes suivent les intentions. Ainsi, l'analyse de l'exécution des crédits au cours de l'actuelle programmation et de ceux demandés par le projet de loi de finances pour 2010 permet de mesurer l'ampleur des besoins non satisfaits et des efforts à consentir pour répondre aux lacunes. À titre personnel je constatais dans le rapport présenté il y a un an que les dotations initiales n'avaient pas cessé de diminuer depuis 2006 et qu'elles avaient atteint un point bas dans la loi de finances pour 2008. Je regrettais qu'une large partie des économies réalisées par rapport à la programmation initiale marque une réduction de nos ambitions.
La maîtrise des technologies spatiales est en effet devenue une condition indispensable de l'efficacité opérationnelle des forces, et elle le sera encore davantage à l'avenir. De fait, un effort particulier aurait dû être fait pour la recherche dans le domaine de l'espace ; or ce projet de loi de finances, loin de faire face au défis majeurs qui sont devant nous, n'est pas assez ambitieux.
Si les crédits de paiement de l'action 4 du programme 144 ne connaissent qu'une baisse légère par rapport à l'an dernier, il n'en va pas de même pour les sous-actions qui la composent. La sous-action 41, relative aux études amont espace, enregistre ainsi une baisse de 6 % par rapport à 2009.
En matière de recherche et de développement, les crédits de paiement sont en diminution de 6,25 %. Il s'agit essentiellement de la réduction des crédits consacrés au développement. La France, pour des raisons historiques largement liées à la constitution d'une force autonome de dissuasion, a développé un outil industriel et scientifique de défense unique en Europe. Nous avons le devoir d'entretenir et de développer ces compétences technologiques. Or la réduction progressive du format des années rend difficile le maintien de cette base industrielle et technologique de défense, par ailleurs très performante. Pourtant, il s'agit d'un enjeu essentiel pour l'avenir. Sans cet outil, nos forces ne pourront pas disposer des matériels et des technologies nécessaires. De plus, la préservation sur le territoire national d'un pôle industriel spatial est autant un but qu'une conséquence de la politique spatiale de la France. Il faut veiller cependant à lui conserver une cohérence avec la définition et la mise en oeuvre, certes laborieuse, d'une véritable politique spatiale européenne. Le sort de milliers d'emplois en dépend.
Si nous voulons doter notre pays d'une avance technologique permettant le développement des compétences et le maintien de son avance dans ce secteur, un double effort s'impose : une progression des budgets alloués d'une part, et une politique de recherche véritablement ambitieuse de l'autre.
Cependant, loin du discours volontariste officiel, force est de constater que c'est plutôt à la stagnation, sinon à la régression, que vous semblez vouloir condamner la recherche duale dans le secteur spatial. Elle dispose d'un budget très limité : 200 millions d'euros pour le programme 191. Par ailleurs, comme cela a été très justement souligné, le CNES verra des crédits supprimés, avec les conséquences que l'on peut redouter sur ses projets industriels.
Monsieur le ministre, pendant que nous semblons hésiter, tergiverser, de grandes nations – je pense en particulier à la Chine, à son programme Bediou 2 ou Compass, le GPS chinois – mettent en jeu des moyens considérables. Cela a incidemment pour effet de souligner le caractère trop disparate de la politique spatiale européenne.
En effet, ne nous y trompons pas : la France seule n'aura pas les moyens de se maintenir durablement à de tels niveaux de concurrence, mais, comme elle est moteur en Europe, c'est une Europe spatiale certes bien problématique qui marquera le pas en la matière.
C'est ainsi que les retards des projets MUSIS et CERES sont porteurs de lourdes inquiétudes. C'est bien l'ambition qui manque à ce budget spatial.
Sans une poussée vigoureuse dès 2011, à défaut de 2010, qui devrait rattraper les retards accumulés, craignons un décrochage de l'aventure spatiale française qui avait si bien commencé. Personne, ici, j'en suis persuadé, ne saurait l'accepter. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le co-rapporteur de la loi de programmation militaire que j'ai été se réjouit que le budget qui nous est présenté soit strictement conforme à la loi de programmation militaire, qui faisait suite au Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale engageant une nécessaire et profonde réforme de nos armées. Il nous faut, en effet, disposer d'un outil de défense réactif, qui puisse s'adapter à la diversité des crises auxquelles notre pays est confronté. Cela suppose une formation particulière du personnel ainsi qu'une mise à disposition rapide des équipements.
Pour répondre aux besoins prioritaires des forces déployées sur des théâtres d'opérations de plus en plus violents, vous avez décidé, monsieur le ministre, de mettre en place une procédure dérogatoire destinée à renforcer la sécurité et à améliorer les équipements. Cette procédure, dite d'urgence opérationnelle, me semble une excellente solution : sans remettre en cause les règles ordinaires d'acquisition, elle donne aux armées plus de souplesse et de réactivité. C'est aussi un signal positif pour les militaires, qui savent que certaines de leurs demandes pourront être satisfaites dans des délais très brefs.
Notre engagement croissant en Afghanistan, dans un conflit asymétrique, face à un ennemi doté de fortes capacités d'adaptation, a conduit, ces deux dernières années, à un fort recours à cette procédure, notamment pour la protection de nos troupes. Au total, 116 millions d'euros ont été engagés dans ce cadre l'an dernier, et 89 sont prévus cette année.
L'acquisition pour urgence opérationnelle semble avoir donné des résultats satisfaisants. Le général Irastorza, chef d'état-major de l'armée de terre, a récemment indiqué que, en termes d'équipements, nos unités sur le terrain n'avaient rien à envier à nos alliés. Il faut naturellement s'en féliciter.
Cette procédure soulève toutefois un certain nombre d'interrogations, et je souhaiterais, monsieur le ministre, que vous puissiez nous apporter des éclairages.
Les commandes pour urgence opérationnelle permettent une acquisition de matériels plus rapide. Mais, dans des délais extrêmement brefs, le ministère n'est pas forcément en mesure de négocier les prix. S'ajoute à cela le fait qu'il s'agit souvent de commandes en séries limitées, ce qui empêche de bénéficier d'économies d'échelle. Un moyen de limiter ces coûts ne serait-il pas de regrouper les commandes urgentes à l'échelon européen, ou au niveau de l'OTAN, comme les procédures le permettent pour d'autres programmes. Cela dit, il ne faudrait pas pour autant négliger de valoriser les savoir-faire français. Je voudrais citer l'exemple d'une jeune PME française, qui fournit un nouveau et performant gilet pare-balles aux gendarmes récemment affectés en Afghanistan. Elle risque de ne pouvoir équiper l'armée de terre, engagée dans un appel d'offres lancé par l'Agence de maintenance et d'approvisionnement de l'OTAN – la NAMSA –, car un fabricant américain pourrait être favorisé par principe.
Je m'interroge aussi sur le maintien d'une certaine cohérence capacitaire. Nous devons nous assurer de la bonne articulation des opérations d'acquisition pour urgence opérationnelle avec les matériels déjà en service, mais aussi avec les programmes en cours. Lors de la discussion du projet de loi de programmation militaire, j'avais déjà soulevé la question des petits équipements de cohérence opérationnelle, qui est elle-même liée au maintien du savoir-faire français. Les récents incidents de tirs impliquant le FAMAS pourraient être liés au fait que la France ne fabrique plus de munitions de calibre 5.56. Je vous ai d'ailleurs récemment adressé une question écrite à ce sujet.
Enfin, comme le relevait, voici quelques mois, le général Irastorza, « l'urgence opérationnelle ne doit pas se substituer au développement capacitaire d'ensemble ».
Compte tenu de ces limites, les acquisitions pour urgence opérationnelle doivent demeurer une procédure d'exception. Il importe, pour cela, de développer de fortes capacités d'anticipation et d'adaptation qui, semble-t-il, ont parfois fait défaut.
Je pense, par exemple, à la nécessité de renforcer la protection du tireur des véhicules de l'avant blindés, par l'ajout au véhicule d'un tourelleau téléopéré. Cet équipement a fait l'objet d'une acquisition en urgence pour nos troupes en Afghanistan, alors que son intérêt était déjà apparu lors des opérations menées en Bosnie dans les années 1990.
Cette capacité d'anticipation suppose que soit maintenu un certain volume de recherche. À cet égard, la stagnation des crédits consacrés aux études amont, que soulignait notre collègue Yves Fromion, est préoccupante. Je m'associe à son voeu – et à votre propre demande, monsieur le ministre – d'obtenir des crédits de recherche alloués à la défense dans le cadre du grand emprunt.
J'en viens maintenant à l'impact de cette procédure sur la gouvernance des programmes d'armement. La réactivité de la procédure pour urgence opérationnelle contraste en effet avec la lourdeur, parfois excessive, des programmes ordinaires. Ne faudrait-il pas s'inspirer de ce dispositif dérogatoire pour moderniser ou assouplir les règles communes ? Dans ce cadre, quel regard portez-vous sur le co-pilotage du programme 146 ? De même, considérez-vous que le comité ministériel d'investissement que vous présidez permet d'améliorer la situation ?
Je souhaiterais dire un mot, pour conclure, sur la mission de contrôle du Parlement. S'il est associé à la définition des grands programmes d'armement, il demeure tenu à l'écart des acquisitions pour urgence opérationnelle. Ne faudrait-il pas mettre en place un mécanisme pour que nous soyons mieux informés de leur mise en oeuvre ?
La nature extrêmement mouvante des menaces auxquelles notre pays est susceptible d'être confronté laisse présager une coexistence durable entre les procédures d'urgence et la programmation pluriannuelle classique. Il ne saurait être question de sacrifier l'une à l'autre. Au contraire, l'expérience retirée des acquisitions pour urgence opérationnelle doit conduire, selon des modalités qui restent à perfectionner, à enrichir les programmes. De leur bonne articulation dépend en effet l'efficacité de l'action de nos forces armées, auxquelles je rends hommage pour leur engagement sans faille au service de nos valeurs et de la liberté. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la loi de programmation militaire, votée le 16 juillet dernier, définissait les grandes orientations de la défense en hommes, en infrastructures et en matériels pour les six années à venir.
Pour accompagner ces évolutions et les efforts de modernisation de nos armées, une enveloppe de 185,9 milliards d'euros a été engagée sur 2009-2014, dont 101 milliards seront consacrés à l'équipement de nos forces armées.
Le projet de budget de la défense pour 2010, que nous examinons aujourd'hui, est le premier qui financera les dispositifs prévus par la nouvelle loi de programmation militaire 2009-2014, notamment en matière de modernisation des équipements, de soutien à la politique stratégique de défense et de développement de l'Europe de la défense.
Ces priorités fondamentales doivent donner à nos armées les moyens d'assurer la sécurité des Français dans le cadre des contrats opérationnels redéfinis et de dégager les marges budgétaires indispensables à la modernisation de notre armée.
Les objectifs définis sont clairs : il s'agit de lutter contre le terrorisme international et contre la piraterie, et de construire une défense européenne commune.
Le contexte international exige de notre défense une capacité d'adaptation permanente, car, rappelons-le, la mission essentielle de nos soldats est de garantir la sécurité de nos concitoyens et de préserver les intérêts de la France dans le monde.
Malgré la crise économique, le Gouvernement a assumé ses ambitions et ce budget prouve bien que la défense figure parmi les priorités du Gouvernement, avec 32 milliards d'euros consacrés à la mission « Défense » hors pensions, soit une augmentation de 6,4 % des crédits depuis 2008.
Je me félicite que le Gouvernement ait engagé une réforme en profondeur de l'organisation territoriale de nos armées tout en poursuivant un effort financier considérable pour mener à bien nos missions à l'étranger. Ces modifications profondes visent à adapter notre outil militaire aux nouvelles réalités stratégiques et à consacrer plus de moyens aux forces opérationnelles, nécessaires à la sécurité de notre nation. Pour cela, une réorganisation de nos régiments et de nos bases a été menée à son terme.
Quatre-vingt-deux unités ont été fermées sur notre territoire et des postes ont été supprimés dans les départements. Cette réorganisation territoriale va permettre de réaliser près de 4 milliards d'euros d'économies qui seront entièrement consacrés à la modernisation des équipements militaires.
Les personnels, militaires et civils, sont aussi en première ligne de la profonde réforme que connaît depuis début 2009 le ministère de la défense. Il procédera au recrutement de 20 000 militaires et de 1 000 civils en 2010. La défense poursuit plus particulièrement son effort d'attractivité des carrières militaires, tout en mettant en place des mesures pour assurer les départs et la reconversion des personnels. À ce titre, 180 millions d'euros seront consacrés en 2010 au plan d'accompagnement des restructurations. Ce plan prévoit diverses mesures sur les indemnités de reconversion, les aides à la mobilité des conjoints ou l'incitation financière au départ.
Si la défense se réforme en profondeur, le budget donne la priorité à l'investissement et plus particulièrement à la modernisation des équipements militaires qui permettent d'accroître l'efficacité de nos missions sur le terrain.
Il apporte notamment sur les matériels, les crédits nécessaires à l'amélioration des armes de défense, des tenues de combat, ainsi que des équipements lourds. Certains programmes connaissent néanmoins des retards importants. Par exemple, les programmes de l'hélicoptère de transport NH90 ou de l'avion de transport A400M comptent plus d'un an de retard : par conséquent, des matériels anciens doivent être maintenus en activité sur les théâtres d'opérations. Les crédits d'équipements, tous programmes confondus, s'élèvent pour 2010 à près de 17 milliards d'euros.
Si notre armée a besoin de matériels modernes et adaptés aux situations de terrain, notre défense doit garantir dans le même temps le financement de ses missions opérationnelles stratégiques. La France n'accepte pas une sécurité au rabais : 10 000 soldats français sont actuellement engagés dans des opérations extérieures en Afghanistan, dans les Balkans et en Afrique.
La loi de finances 2010 prévoit une dotation pour les opérations extérieures de 570 millions d'euros, soit 60 millions de plus qu'en 2009. Les OPEX entraînent systématiquement des surcoûts, essentiellement dus à l'imprévisibilité des opérations pour assurer la protection des populations se trouvant dans des zones de conflits. En 2009, le surcoût par rapport à 2008 a été de 43 millions d'euros, et il est essentiellement dû au lancement de l'opération de lutte contre la piraterie au large des côtes somaliennes et au surcoût du théâtre afghan.
Je note avec beaucoup de satisfaction que le montant de ces surcoûts ne sera pas imputé sur les crédits d'équipement de la défense, mais sur la réserve de précaution interministérielle prévue à cet effet.
Par ailleurs, l'Europe de la défense se met en place dans un cadre complémentaire avec l'OTAN. La France joue un rôle majeur, car elle est l'une des plus grandes puissances mondiales. Cette influence lui confère le devoir d'honorer ses engagements internationaux au sein du commandement de l'OTAN. Ainsi, la contribution de la France à l'OTAN s'élève à 91 millions d'euros pour ce budget, dont 75 millions sont uniquement attribués aux actions militaires. À cette contribution s'ajoutent 68,3 millions d'euros de subventions à l'OTAN, dont une partie servira à la construction de son nouveau siège.
L'objectif de cette pleine participation répond à plusieurs objectifs : renforcer le poids des Européens au sein de l'Alliance ; affirmer la complémentarité entre l'OTAN et l'Europe de la défense ; renforcer l'influence de la France au sein de l'Alliance, tout en préservant l'indépendance de nos forces nucléaires, et notre liberté d'appréciation et de décision d'engagement.
Ainsi, je me félicite que la majeure partie des crédits de ce budget soit consacrée à l'investissement et que des efforts notables soient poursuivis pour diminuer les dépenses de fonctionnement du ministère de la défense. La priorité budgétaire pour 2010 est accrue sur les missions opérationnelles et sur la modernisation de nos équipements, indispensables pour faire face aux nouveaux risques mondiaux. La sécurité de nos concitoyens et la défense de notre pays ne sont pas négociables.
Pour ces raisons, je voterai le budget 2010 de la défense, car il donne concrètement la garantie à nos concitoyens que la défense est une priorité réelle du Gouvernement, et il donne également à nos militaires les moyens pour assurer la sécurité et protéger les intérêts de la France en Europe et dans le monde. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Je commencerai mon propos par des félicitations et des remerciements adressés, à travers vous, monsieur le ministre, aux fusiliers marins qui assurent la défense des thoniers senneurs, bateaux tous originaires, de Concarneau – comme moi –, qui pêchent dans l'Océan Indien. Sans eux, le métier serait désormais impossible, tant les navires et les équipages sont vulnérables aux attaques des pirates, qui se sont multipliées dans tout l'Océan Indien.
Ce véritable fléau de la mer ne pourra être éradiqué sans un traitement approprié sur la terre ferme concernée, la Somalie, mais, en attendant des actions, que je souhaite conjuguées, des flottes militaires asiatiques, des forces antiterroristes américaines de l'Enduring Force et des forces anti-pirates européennes de l'opération Atalante, toutes sont indispensables.
Notre propre valeur ajoutée est la présence dissuasive de nos fusiliers marins sur les thoniers. Ils ont déjà empêché quatre ou cinq prises d'otages, et cela sans dommages humains. Bravo et merci à toute la défense française ! (Applaudissements sur divers bancs.)
Je souhaite maintenant évoquer un sujet d'inquiétude : notre attitude face à la défense antimissile balistique. Il est d'ailleurs révélateur qu'un député de la majorité, Philippe Vitel, et un député de l'opposition, moi-même, en parlent sans s'être concertés.
Peut-être avez-vous rencontré les mêmes personnes !
Le constat est simple : rien, dans le projet de loi de finances, ne concerne ces missiles. Le Livre blanc et la loi de programmation ne contenaient pas davantage de grande réflexion sur ce point. Or la véritable question qui va se poser pour la France se résume par la formule suivante : en être ou ne pas en être ? (Sourires.)
Le 17 juillet 2009, le président Obama annonçait « un nouveau dispositif antimissile en Europe, qui sera capable de défendre les forces américaines et les alliés des États-Unis de manière plus puissante, plus intelligente et plus rapide ». C'est parfait, mais que faisons-nous, nous Européens, nous Français ? Chacun a conscience des contraintes financières et, s'il n'est pas question, même pour l'Union européenne, de viser les 10 milliards de dollars que les États-Unis consacrent à leur missile defense depuis vingt ans, il ne faut évidemment pas en rester à un montant nul.
Bien sûr, il ne faut pas créer une ligne Maginot du XXIe siècle, mais trois principes de base me paraissent devoir être retenus.
Tout d'abord, la défense de l'Europe et de la France en Europe ne se résume certainement pas à une défense des États-Unis transportée de l'autre côté de l'Atlantique. N'oublions pas nos particularités géographiques : nous sommes plus proches qu'eux de l'Iran, de la Syrie, de la Libye et d'autres pays incertains. N'oublions pas nos particularités politiques : nous sommes, en Europe, des pays qui gardent leur souveraineté et donc, sauf lorsqu'ils en décident autrement, leur autonomie de décision.
Ensuite, la défense antimissile balistique devra se faire obligatoirement avec les autres États de l'Union, bien sûr, et avec l'OTAN… of course.
Enfin, le rôle de la France est, tout en conservant l'option stratégique de la dissuasion nucléaire, d'apporter des briques technologiques à cette cohérence des niveaux nationaux, européen et de l'OTAN.
Sur ces trois bases, nous ne pouvons rester inertes en attendant une éventuelle décision de l'OTAN lors du prochain sommet de Lisbonne. Si la France veut rester une nation « cadre », comme l'on dit, il faut qu'elle soit en pointe, tant dans la réflexion de coopération avec les États-Unis, plus ouverts, désormais, avec l'administration Obama, que dans sa contribution, s'agissant de l'information et des règles d'engagement, au futur système C2 ou qu'en matière de partage industriel et technologique.
Bien sûr, notre contribution en nature pourrait concerner cette brique technologique de développement d'un système de détection annoncé permettant aussi d'identifier de manière autonome l'agresseur, ce qui aurait une utilité dans le cadre du couplage avec la décision. On s'aperçoit cependant, sur ce point, que le GS1000, traduction opérationnelle du radar M3R mis au point par Thalès, n'est pas budgétisé, non plus, d'ailleurs, que son évolution en performance, le GS1500.
Rien n'est prévu non plus, budgétairement parlant, pour apporter notre contribution en nature à un système de missiles de courte et moyenne portée. Or l'Aster Block 1 pourrait évoluer, par exemple, vers une version navale du SAD, ce qui éviterait de dupliquer le système américain dans le cadre de la défense antimissile balistique, et l'on sait que, si nous n'investissons pas dans ce domaine mais nous contentons de nous placer sous le bouclier américain, nous devrons en payer le prix, politique, bien sûr, mais aussi industriel : il sera élevé. Les industries d'outre-atlantique prennent des places qui pourraient les amener à un quasi-monopole mondial sur la défense aérienne courte et moyenne portée, en jouant tout à la fois sur le réseau de partenariat et de l'approche système globale.
Si les Européens ne veulent pas tourner les talons chaque fois qu'ils seront en concurrence avec les Américains dans ce domaine, il faut qu'ils se réveillent ! La défense antimissile balistique peut être un formidable outil de recherche-développement, à vocation duale dans plusieurs de ses aspects. Voilà une idée de plus, si tant est que l'on en cherche, pour le grand emprunt ! (Sourires sur les bancs du groupe SRC.)
Mes chers collègues, le monde est passé – c'est un constat inquiétant – de la génération SCUD à la génération Nodong, du nom de ce missile nord-coréen. Nous ne devons pas nous contenter de penser que nos M51 règlent la question. Tant en termes de stratégie de développement que de matériel adapté, c'est à nous d'être, au niveau européen, les moteurs d'une réflexion et d'une action enfin volontaire et déterminée en matière de défense antimissile balistique ! (Applaudissements.)
Le budget de la mission « Défense » du projet de loi de finances pour 2010 s'inscrit très précisément dans la continuité du Livre blanc et de la loi de programmation militaire.
Il propose un volume de crédits suffisant, dans le contexte de crise qui est le nôtre, pour que les programmes d'équipement prioritaires soient engagés. Les différents rapporteurs les ayant présentés en détail, je n'y reviendrai pas.
Le Livre blanc identifiait un arc de crise de la Mauritanie au Pakistan et l'actualité nous confirme sans discontinuer la justesse de ce choix. Sachant que c'est dans l'action et face au feu que l'on apprécie la qualité des décisions stratégiques et budgétaires, mes propos s'appuieront sur deux zones critiques, dans lesquelles nos forces sont engagées, dans des conditions difficiles et très différentes : la région de la corne de l'Afrique et du Golfe Persique ; l'Afghanistan.
Dans ces deux régions, les opérations révèlent nos forces, nos limites et nos craintes pour l'avenir.
S'agissant des opérations menées dans le Golfe Persique, à dominante maritime, les excellents résultats obtenus dans la lutte contre la piraterie illustrent la complémentarité réussie de nos trois armes dans cette zone et mettent en évidence la capacité d'une mise en oeuvre opérationnelle à dimension multinationale. Ils mettent en valeur la fiabilité de nos forces spéciales et des fusiliers embarqués sur les chalutiers, si chaleureusement défendus par mon collègue Le Bris.
Appuyées sur nos deux bases d'Abou Dabi et Djibouti, elles révèlent toutefois le besoin de renouvellement régulier des bâtiments de notre marine – je pense en particulier aux frégates européennes multi-missions – et des aéronefs – hélicoptères embarqués et AWACS –, tant pour le renseignement que pour l'action.
Cette complémentarité marine-aviation s'est cependant vue amoindrie en 2008 et 2009, par l'arrêt opérationnel du Charles de Gaulle. Deux constats peuvent être faits à ce sujet : d'une part, celui des progrès réalisés par les équipes de maintenance qui ont rapidement formulé le bon diagnostic et réduit au maximum l'immobilisation du Charles de Gaulle ; d'autre part, celui de l'évidente obligation de conserver un deuxième porte-avions opérationnel pour relayer efficacement nos opérations en mer et garantir la permanence de notre aéromobilité.
S'agissant de nos opérations extérieures, un réel risque de rupture capacitaire pèse sur les transports tactiques – cela déjà été évoqué –, les hélicoptères NH 90, les avions ravitailleurs, les Rafale, victimes d'un décalage temporel entre la commande, le financement et la livraison.
Ce délai entraîne un deuxième risque, celui d'une utilisation trop tendue de ces matériels par les opérations, qui prive les équipages d'un temps d'adaptation et de formation suffisant. Cette remarque vaut également pour les matériels destinés aux opérations de sécurité et sauvetage en mer, civiles et militaires.
En Afghanistan, les opérations, à dominante terrestre, sollicitent durement hommes et matériels face à un ennemi redoutable. Le courage de nos soldats, que je salue, est à la hauteur de celui de leurs grands anciens.
Les engagements sur le terrain confirment la bonne préparation, la bonne formation et la bonne adaptation de nos hommes aux missions qui leur sont confiées. Ils confirment aussi notre réactivité face aux évolutions exigées par les conditions spécifiques du conflit en termes d'équipements individuels – les tenues FELIN en sont un bon exemple –, de blindages adaptés et de nouveaux véhicules blindés. J'y ajouterai la mise à disposition des matériels anti-mines Buffalo, des brouilleurs pour les déclencheurs de mines, l'appui aérien avec les hélicoptères Tigre et enfin, l'engagement du canon Caesar.
Ces opérations en terrain hostile ont cependant révélé l'absolue nécessité des drones pour la sécurité des hommes par le renseignement rapproché. Notre sous-équipement dans ce domaine est inquiétant. La disponibilité d'hélicoptère lourds est également insuffisante.
La durée de l'engagement en Afghanistan, qui risque d'être assez longue, imposera sans nul doute des efforts très rapides pour ces matériels.
Monsieur le ministre, ce budget est bon parce qu'il est fidèle à la loi de programmation militaire et maintient les crédits de programme. Il démontre vraiment, face à un avenir fluctuant dans les financements et incertain dans les risques, une capacité d'adaptation et de réactivité de l'institution militaire que nous espérions depuis longtemps. Face aux dangers qui nous attendent, ce talent sera déterminant pour que nos armées conservent un rang à la hauteur des ambitions que nous formons pour elles. Avec mes collègues de l'UMP, je le voterai sans réserve. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur divers bancs du groupe SRC.)
Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, je commencerai par les propos de Dominique Caillaud : « ce budget est bon ». Il aurait pu dire excellent ! (Sourires.)
Ce budget est bon parce qu'il est effectivement fidèle à la loi de programmation militaire et nous place désormais au coeur de la réforme du ministère de la défense, dans le cadre du cycle qui a été ouvert par la publication du Livre blanc et l'annonce, ensuite, de la réorganisation du ministère et des restructurations.
Ce budget est d'autant meilleur que, hormis ceux des États-Unis et, avec quelques fonds liés au plan de relance, de l'Allemagne, les budgets de défense des 28 pays membres de l'Alliance atlantique – j'étais à une réunion de l'OTAN la semaine dernière – s'effondrent tous. Ainsi – j'en parle car je rencontrais ce matin mon homologue polonais – le budget d'équipement de la défense de la Pologne chute de 60 % en 2010.
Ce budget est également bon en ce qu'il est rigoureusement conforme à la loi de programmation militaire. Il met en place les crédits prévus par elle et finance la réforme qu'elle décrivait. Il respecte et exprime la volonté nationale.
En 2010, la défense nationale bénéficiera, vous l'avez dit, d'un budget total de 39,18 milliards d'euros, dont 7 milliards consacrés aux pensions. Conformément à la trajectoire prévue par la loi de programmation militaire, qui avait pris acte du pic des besoins d'équipement culminant en 2009, ce montant est inférieur à celui du budget de cette année 2009 mais bien supérieur à celui du budget de l'année 2008 : il a progressé, depuis lors, de 1,9 milliard d'euros.
Pour les seuls crédits d'équipement, le montant moyen prévu par la précédente loi de programmation militaire s'élevait à 15 milliards d'euros. L'actuelle loi de programmation prévoit une moyenne de 18 milliards d'euros. Les crédits d'équipement progressent donc à un rythme bien supérieur à celui de l'inflation.
Les crédits de la mission « Défense » stricto sensu s'élèvent, hors pensions, à 30,120 milliards. Après prise en compte de l'inflation et retraitement des modifications de périmètre, c'est l'exact montant prévu par la loi de programmation militaire en euros constant. En revanche, ce montant est inférieur, monsieur le rapporteur Louis Giscard d'Estaing, de 600 millions d'euros à celui prévu par le budget triennal, qui reposait effectivement sur des hypothèses d'inflation qui n'avaient pas anticipé la désinflation de 2009. Nous avions ainsi prévu une hausse des prix de 2 % ; ce taux a été révisé à la baisse, pour ne plus atteindre que le niveau de 0,4 %.
Je dois, par ailleurs, souligner devant vous la très bonne exécution du plan de relance. Nous atteindrons les objectifs fixés, tant pour les engagements que pour les paiements, que nous effectuons dès aujourd'hui. Je rappelle que la défense représente à elle seule près de la moitié des investissements directs de l'État au titre de la relance : près de 1,8 milliards d'euros, dont 770 millions d'euros en 2010.
Au-delà des équipements majeurs comme le bâtiment de projection et de commandement, qui représente un quart du plan de charge des chantiers navals de Saint-Nazaire, c'est une multitude de petites et moyennes entreprises, de bureaux d'études et d'artisans qui bénéficient de nos commandes partout sur le territoire. Avec le plan de relance, nous avons, bien souvent, sauvé les compétences de ces petites et moyennes entreprises.
Enfin, nous disposerons de près de 1,3 milliard d'euros de recettes exceptionnelles en 2010, dont 700 millions par le biais de cessions d'actifs immobiliers, à Paris et en province – je réponds en cela à Louis Giscard d'Estaing, Philippe Nauche, Guy Teissier et Bernard Cazeneuve. Nous avons déjà obtenu plus de 400 millions d'euros de recettes à ce titre en 2009. Plusieurs dossiers sont en cours de négociation en région parisienne et en province, qui viendront abonder ce montant, dont un à Issy-les-Moulineaux, où ce sera conclu dans les jours qui viennent.
La discussion avec la Caisse des dépôts et la SOVAFIM sur un bloc important d'actifs parisien est sur le point de se conclure. Mais permettez-moi de souligner qu'avec Éric Woerth, nous restons très fermes sur la préservation des intérêts financiers de l'État. On se souvient d'un certain nombre d'opérations immobilières dont on considère aujourd'hui qu'elles n'ont pas été forcément des réussites exceptionnelles ! Par conséquent, nous ne conclurons que si les intérêts financiers de l'État sont préservés.
Pour ce qui concerne les fréquences, le processus qui dépend du Premier ministre et de l'ARCEP a pris du retard. La cession des bandes de fréquence FELIN et RUBIS n'interviendra qu'après l'attribution de la quatrième licence. Nous ne percevrons donc pas de recettes à ce titre pour l'année 2009, et vraisemblablement pas avant le deuxième semestre de l'année 2010.
Parallèlement, nous prévoyons une recette provenant de la cession de l'usufruit des satellites de télécommunication. Cette opération avait été étudiée lors des travaux de la loi de programmation militaire – les rapporteurs s'en souviennent. Elle figurait explicitement dans le rapport annexé et avait fait l'objet de plusieurs questions des rapporteurs et de Patrick Beaudouin, reprises ce soir par Yves Fromion.
Le Gouvernement a entendu ces questions puisqu'un article du présent projet de loi de finances apporte les garanties juridiques nécessaires à la continuité de la mission de service public assurée par ces satellites. Il s'agit de définir le contrôle de l'État sur l'utilisation de ces systèmes, les sanctions susceptibles d'être infligées en cas de manquement aux obligations et l'interdiction de toute cession qui n'aurait pas été autorisée par l'État. Nous avons bordé juridiquement le système.
L'encaissement tardif d'une partie des recettes immobilières et le décalage d'une année des recettes de fréquence n'auront pas de conséquences sur la gestion 2009, car nous avons obtenu du Premier ministre des mesures de trésorerie sous la forme d'autorisation de consommer nos crédits de reports, à hauteur de 500 millions en début d'année et de 400 millions en juillet, qui ont permis de financer la totalité des opérations d'infrastructure ou d'équipement prévues. Et comme l'a rappelé M. Deflesselles, les recettes ont été à l'euro traduites dans ce budget ; le fait est assez rare pour être signalé.
Par ailleurs, la désinflation constatée en 2009 a contribué à améliorer le pouvoir d'achat de la défense et a facilité sa gestion. C'est notamment vrai en matière de carburant opérationnel : monsieur Nauche, je m'interroge, moi aussi, sur le mécanisme de couverture de nos achats de carburant, même si j'observe qu'il a été bénéficiaire en 2008, année de forte fluctuation des cours du pétrole. Je prendrai une décision à ce sujet rapidement ; une réforme du mécanisme semble en effet nécessaire.
Le budget 2010 applique aussi à la lettre le mécanisme de financement des opérations extérieures. Ainsi, la provision passera de 510 millions en 2009 à 570 millions pour 2010, pour une dépense estimée à 873 millions en 2009 et à 800 millions pour 2010. Nous devrions donc atteindre une budgétisation initiale supérieure à 70 % du montant de la dépense. C'est la première fois dans l'histoire de la Ve République que nous arrivons à un tel niveau de budgétisation.
Je remercie François Cornut-Gentille, Bernard Cazeneuve et Françoise Olivier-Coupeau de l'avoir souligné. Je précise que le remboursement de l'ONU est bien réalisé. Il intervient par voie de fonds de concours, mais il revient au budget de la défense.
Conformément à la loi de programmation militaire, la couverture du solde devrait se faire sans porter atteinte à l'effort d'équipement, puisque nous bénéficierons de la réserve de précaution interministérielle.
Vous avez été plusieurs, notamment MM. Voisin, Nauche et Candelier, à m'interroger sur l'impact financier de notre réintégration pleine et entière au commandement de l'OTAN. Les choses sont simples : nos effectifs, monsieur Boucheron – non en termes d'officiers, mais de personnels – passeront de 250 en 2008 à 1 300 en 2014, avec un objectif intermédiaire de 900 personnes en 2010. Ceci entraîne un surcoût de masse salariale de 20 millions pour 2010 et un surcoût annuel de 70 millions à la fin de la montée en puissance. Je précise par ailleurs qu'en général, les plafonds d'effectifs accordés à chaque nation ne sont remplis par aucune d'entre elles. Ils sont plutôt à 70 % ou à 80 %.
M. Voisin m'a posé une question sur les officiers généraux de l'OTAN. La France a droit à vingt-cinq étoiles, contre trente-deux pour les États-Unis, vingt-six pour la Grande-Bretagne et vingt-neuf pour l'Allemagne, ce qui correspond pour nous à dix-sept postes. En 2009, la France a honoré six postes, soit, dans la comptabilité otanesque, quatorze étoiles.
En effet, monsieur Boucheron, mais il y a de nombreux postes intermédiaires bien plus importants que ceux que l'on évoque parfois, parce qu'ils sont réellement dans le fonctionnement et dans la prise de décision de l'OTAN.
Au-delà de la diversification des ressources, madame Adam, les choix budgétaires du ministère sont le reflet des grandes orientations de la réforme : gains d'effectifs, principalement dans l'administration générale et le soutien, grâce aux réorganisations territoriales et fonctionnelles, et redéploiement intégral des économies au profit de la condition du personnel et de l'effort d'équipement.
En fin de période, la réforme produira pleinement ses effets puisque l'économie récurrente annuelle atteint, toutes choses étant égales par ailleurs, 1,3 milliard en 2014, soit 7 à 8 % de l'effort d'équipement. Ce n'est pas rien. Aussi, monsieur Cazeneuve, lorsque vous vous interrogez sur les économies que nous fait faire la réforme, je peux vous répondre ceci : en 2014, en année pleine, ce sera une économie de 1,3 milliard d'euros et, quand les restructurations seront terminées, à partir de 2015, il s'agira de 1,6 milliard d'euros d'économies de fonctionnement qui seront réinvesties dans le budget de la défense.
En 2009, la masse salariale sera stabilisée à hauteur de 11,7 milliards. Cette stabilisation en valeur est obtenue grâce aux économies générées par les suppressions d'emploi nettes qui permettent notamment de financer à la fois un effort catégoriel sans précédent, de 114 millions d'euros, et des mesures nouvelles du plan d'accompagnement des restructurations, à hauteur de 40 millions. Par comparaison, la loi de programmation militaire prévoyait environ 60 millions d'euros de mesures catégorielles par an. Nous en sommes au double dans le budget 2010.
Je m'étais engagé à mettre en oeuvre les conclusions du rapport du Haut comité d'évaluation de la condition militaire en trois ans ; ce sera chose faite. Cette réforme a des conséquences très significatives sur les soldes : par exemple, un capitaine premier échelon célibataire verra sa rémunération mensuelle nette passer de 2 550 euros à 2 900 euros, soit une augmentation de 14 %. Ceci n'est pas valable pour tous les militaires, puisque le rapport du Haut comité d'évaluation souhaitait un repyramidage en fonction des grades de sous-officier et d'officier. L'effort est très important pour certaines catégories, comme les sous-lieutenants, les lieutenants et les capitaines, nettement moindre pour les adjudants-chefs majors ou les officiers supérieurs. Je remercie le président Teissier d'avoir souligné cet effort dans son propos.
S'agissant des civils, l'enveloppe catégorielle permettra notamment de réduire l'écart des services déconcentrés par rapport à l'administration centrale, de la filière technique par rapport à la filière administrative, et de poursuivre la mise en place de la rémunération liée aux résultats. Après les attachés en 2009, la prime de fonction et de résultats sera ainsi élargie en 2010 aux administrateurs civils et aux secrétaires administratifs.
De même, le plan d'accompagnement des restructurations montera en puissance, corrélativement aux mouvements prévus en 2010 : ce plan passera ainsi de 140 millions en 2009 à 180 millions en 2010. Les premiers enseignements de l'année 2009 montrent que ces dispositifs fonctionnent bien – l'opposition en avait douté au moment de la loi de programmation militaire – puisque 6 000 demandes de pécules ont été déposées pour un objectif de 1 100 par an et que 800 demandes d'indemnité de départ volontaire pour les ouvriers d'État ont été déposées pour un objectif de 500 par an.
Au titre de l'accompagnement social de la réforme, le ministère continuera à mettre tout en oeuvre afin de trouver des réponses individualisées. Les dispositifs d'action sociale et de reconversion seront notamment très sollicités.
Parallèlement, comme de nombreux orateurs l'ont remarqué, notamment M. Meslot, notre effort d'équipement demeurera considérable et bénéficiera de l'essentiel des moyens nouveaux. L'année 2009, comme 2010, est exceptionnelle tant en termes de commandes que de livraisons. Cet effort financier a eu aussi sa traduction en Afghanistan où les procédures d'urgence opérationnelle – dont parlait M. Beaudouin – ont permis, depuis la décision que j'ai prise en 2007, de consacrer plus de 200 millions d'euros supplémentaires dans ce pays. J'étais en Afghanistan il y a trois semaines, où un capitaine du 2e REI, au fin fond de la vallée d'Uzbin, à qui je demandais comment cela se passait en termes d'équipement, m'a répondu qu'ils étaient aussi bien équipés, sinon mieux, que les Américains.
Je savais qu'il y avait éventuellement un problème au niveau des chaussures, mais il s'agissait en réalité d'une usure prématurée.
S'agissant du crédit d'heures, j'ai entendu une observation au cours d'une cérémonie militaire au 3ème RIMA. Je me suis renseigné dès mon retour. Le chef d'état-major de l'armée de terre m'a assuré que chaque soldat en opération avait entre deux et quatre heures de capacité téléphonique par mois et dix heures d'internet. Si vous me dites le contraire et si vous connaissez des militaires qui vous disent que c'est faux, dites-le moi : cela me permettra de régler mes comptes avec la hiérarchie militaire !
M. Beaudouin a très utilement soulevé de nombreuses questions sur les procédures d'urgence opérationnelles. Pour ma part, je constate qu'elles permettent une réactivité très performante et adaptée aux besoins de nos forces, mais il n'est pas question de porter atteinte à la cohérence de la programmation par des achats massifs en urgence. Ce n'est pas le cas, puisqu'on constate au contraire une forte adéquation entre les livraisons de matériel prévues dans la loi de programmation militaire et les besoins du théâtre afghan. Vous avez cité le Tigre, le Caracal et le Caesar. L'enjeu est simplement d'accélérer les procédures afin de disposer des matériels au plus vite en respectant pleinement les contraintes de sécurité.
S'agissant des livraisons, nous verrons, comme en 2009, arriver dans les unités des matériels parfois attendus depuis très longtemps : c'est notamment le cas de 99 VBCI, de 5 000 équipements FELIN ou des quatre NH 90 marine dans un premier standard.
Nous disposerons aussi du premier SNLE doté du M51, ainsi que du nouveau satellite d'observation HELIOS 2, qui sera lancé dans quelques semaines à Kourou, sans oublier onze Rafale, sept Tigre ou trente-quatre canons Caesar.
J'évoquerai maintenant, monsieur Fromion, la deuxième composante de la dissuasion. Permettez-moi de vous dire que je ne partage pas votre avis.
Le Livre blanc a confirmé la nécessité de conserver deux composantes pour la dissuasion nucléaire. Il y a, d'une part, une composante que nous maintenons à un niveau de stricte suffisance. Je vous rappelle que nous passerons de trois à deux escadrons, composés dans un premier temps de Mirage 2000, puis uniquement de Rafale à partir de 2015, en plus, des forces nucléaires éventuellement embarquées sur le porte-avions.
Pour ma part, j'estime que cette deuxième composante est complémentaire de la FOST parce qu'elle apporte souplesse, réactivité et réversibilité à nos capacités de frappe. Elle permet aussi la frappe en ultime avertissement. S'en priver risquerait, à mon sens, monsieur le député, d'affaiblir notre dissuasion, car elle relèverait uniquement d'un missile intercontinental, dont on comprend la portée et le poids. S'agissant, par ailleurs, des investissements, nous avons déjà réalisé 70 % des paiements ; plus de 90 % des crédits sont engagés. Donc, nous n'y gagnerions pas énormément en termes de capacités budgétaires.
MM. Fromion, Sainte-Marie, Vitel et Boucheron ont aussi évoqué les montants consacrés à l'espace. Les montants consacrés en 2010 à MUSIS – 90 millions d'euros en autorisations d'engagement et 51 millions de crédits de paiement – sont cohérents avec les besoins du programme qui en est au stade de sa conception. CERES n'entrera en conception qu'à la fin 2010 pour une phase de réalisation fin 2012 ; elle est cohérente avec le calendrier de programmation. C'est la raison pour laquelle les crédits consacrés à CERES sont très modiques en 2010.
Enfin, monsieur Sainte-Marie, je tiens à vous préciser qu'une grande partie des crédits dédiés à l'espace ne relève pas du ministère de la défense, mais de celui de la recherche.
Monsieur Viollet, monsieur Folliot et monsieur Deflesselles, s'agissant des mesures palliatives au retard de l'A400M, il est plutôt envisagé de faire porter l'effort à court terme sur le domaine tactique pour des raisons capacitaires, d'ailleurs évoquées dans le rapport de M. Viollet, pour éviter tout risque de pertes éventuelles de compétences de l'armée de l'air en cas d'absence de mesures palliatives, et donc d'acheter des CASA plutôt que des avions cargo civils type A330.
Monsieur Folliot, vous avez aussi évoqué la problématique du dispositif outre-mer de la marine. J'ai, comme vous, conscience qu'il y aura un trou capacitaire dans les années 2012-2014. J'ai donc décidé de prolonger trois BATRAL jusqu'en 2014 et de réfléchir à des solutions alternatives. J'ai, par ailleurs, proposé au Premier ministre, qui l'a accepté, de mettre en place une mission conjointe, associant le ministère de l'intérieur, le ministère de l'outre-mer et le ministère de la défense pour étudier l'évolution du dispositif outre-mer et pour envisager, avec les différentes administrations, comment jouer la complémentarité et pallier les carences que nous voyons bien venir à court ou moyen terme.
Plusieurs d'entre vous m'ont interrogé sur les MRTT. Le calendrier est toujours le même : choix d'une stratégie d'acquisition courant 2010 en vue d'une commande fin 2011. S'agissant, enfin, des drones, un quatrième système SIDM sera acquis avant la fin de l'année avec, pour objectif, une livraison en juin 2010. Les réparations du véhicule accidenté seront lancées dès que les expertises en cours seront terminées.
J'en profite pour dire un mot à M. Vitel et à M. Le Bris, concernant la défense antimissile – en rappelant au passage à M. Sainte-Marie que la plus grande partie des crédits dédiés à l'espace ne relèvent pas du ministère de la défense, mais de celui de la recherche. Nous avons souvent débattu de ce sujet en commission. J'ai, pour ma part, entendu les industriels m'expliquer les problématiques industrielles et technologiques de ce sujet. L'année dernière, lorsque nous débattions de la loi de programmation militaire, M. Le Bris avait appelé à augmenter les commandes de FREMM et à commander un deuxième porte-avions. Vous tous m'avez alors également fait part de votre souhait de voir nos armées équipées pour les missions qui sont les leurs. Se lancer dans un programme de défense antimissile balistique représente des sommes absolument considérables et colossales, ce qui imposerait d'énormes augmentations budgétaires. De plus, personne ne peut concevoir un seul instant que la France s'engage dans une défense antimissile balistique hexagonale ! Elle doit être au moins européenne, sinon au titre de l'alliance.
Si c'est au titre de l'alliance, nous devons nous interroger sur un certain nombre de sujets. Qui détient la clé ? Pour quelle analyse balistique ? Pour quel genre de missile ? Pour quel type d'État menaçant et pour quelle sorte de prolifération ? Enfin, dans les différentes architectures possibles, doit-on se préoccuper d'une défense antimissile stratosphérique ou, au contraire, se limiter à une défense antimissile de théâtre ou à une défense antimissile de théâtre élargie ? Toutes ces questions doivent être posées.
Compte tenu de l'indigence de la quasi-totalité des budgets de la défense des États européens, je ne vois pas avec qui nous serions en mesure d'agir, dans le cadre d'un dispositif qui, en tant que tel, devrait être avant tout européen. La pertinence du dispositif, quand on parle d'Europe de la défense, voudrait que l'on réfléchisse à un système autonome européen, qui pourrait être, bien entendu, couplé avec le système américain.
Certes, monsieur Fromion ! Cependant, la plupart des pays européens consacrant 1 % de leur PIB à la défense, je ne vois pas comment financer convenablement ce dispositif !
Permettez-moi d'ajouter une remarque qui m'est plus personnelle. J'ai toujours, quant à moi, considéré que, dans l'affaire du bouclier et du glaive, c'était, en général, plutôt sur le glaive qu'il fallait compter. Bien des murailles ont été construites à travers l'histoire : celle de Rome, celle de la Chine, la ligne Maginot, pour ce qui concerne notre pays ; on sait comment cela s'est terminé. Faisons plutôt confiance à notre capacité de dissuasion. Faisons-la évoluer.
Mettons en place un système d'alerte avancée nous permettant d'indiquer clairement à un État menaçant que nous savons d'où pourrait partir un missile. Voilà ce que nous faisons. Nous lancer dans une défense antimissile balistique de très haut niveau est un sujet qui mérite, me semble-t-il, beaucoup de calme et de réflexion.
J'en viens aux contrats globaux. Le lancement des contrats globaux, par leur durée, par le volume des équipements concernés ou pour les prestations attendues des industriels, nous permettra de franchir des jalons extrêmement importants en 2010. Nous allons, en effet, signer un contrat MCO Rafale et un contrat MCO Leclerc pour dix ans, ce qui permettra de donner une perspective industrielle et de répondre, monsieur le président Teissier, aux problématiques récurrentes de MCO.
Au-delà des réformes structurelles engagées et des crédits supplémentaires obtenus, je voudrais tout de même souligner que notre niveau de disponibilité opérationnelle – sauf pour certains équipements tels que les vieux hélicoptères type Super-Frelon – est largement comparable à celui des autres grandes puissances occidentales. Par ailleurs, dès lors que nous sommes en opération, notre niveau de disponibilité opérationnelle est excellent.
Et pour ce qui est des rumeurs, madame Olivier-Coupeau, que l'on ne cesse de nous rabâcher, selon lesquelles nos hélicoptères ne voleraient pas en Afghanistan, quel est le taux de disponibilité opérationnelle des Caracal en Afghanistan ? Plus de 95 % !
Je ne suis pas à l'origine de toutes les rumeurs, monsieur le ministre !
On ne cesse de répandre des rumeurs du genre : nous n'avons pas les équipements, nous n'avons pas les systèmes qu'il faut, etc. La vérité, c'est que nous avons les meilleurs équipements avec des niveaux de disponibilité opérationnelle excellents, voire presque parfaits, puisqu'ils frisent les 100 %. Telle est la vérité !
Au-delà des grands équipements des armées dont le renouvellement est bien engagé, nous restons attentifs aux petits équipements d'accompagnement, que l'on appelle aussi les programmes de cohérence opérationnelle. Une augmentation de 30 % des autorisations d'engagement est ainsi prévue au bénéfice de la reconstitution des stocks de munitions de l'armée de terre. Jean-Louis Bernard a évoqué ce sujet. De même, nous mettons l'accent sur l'amélioration de la qualité du paquetage du combattant au niveau de la protection – masques, protection contre le feu et le froid – ou de l'ergonomie, tels les nouveaux treillis et les systèmes de portage.
Même si la loi de programmation militaire est d'abord une loi d'équipement, nous devons aussi préserver l'avenir à plus long terme, comme le souligne souvent M. Fromion. C'est la raison pour laquelle nous maintenons, en volume, des flux réguliers d'études en amont de l'ordre de 710 millions d'euros. Je me permets de vous signaler que, dans le cadre du plan de relance, nous avons bénéficié de 110 millions supplémentaires.
Nous veillons aussi à un bon équilibre dans la ventilation des crédits entre recherche de base, démonstrateurs et recherche technologique. J'espère que, dans le cadre du grand emprunt – M. Fourgous a évoqué ce sujet –, nous pourrons bénéficier d'un certain nombre de crédits. J'en ai fait la demande auprès du Premier ministre. Plusieurs projets ont été proposés : la radio du futur, les technologies de l'information avec applications à la télésanté, la robotique, les hélicoptères du futur, les matériaux nouveaux et nanotechnologies et le développement durable. Nous avons cherché des programmes relevant de la recherche duale.
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Très bien !
Parallèlement à ces redéploiements de crédits, 2010 sera une année décisive pour l'avancement de notre réforme. Je n'évoquerai pas de nouveau ce sujet, nous l'avons souvent traité en commission.
Monsieur Cazeneuve, vous avez évoqué le LBRA. Ce site se situe dans l'Eure, département dont M. Gilard est élu. Soixante-dix personnes – 35 % – ont opté pour un poste à Rennes.
Les ingénieurs sont concernés. D'autres pourraient choisir ce poste à l'approche de l'échéance. Je vous rappelle, en effet, que la fermeture du LRBA est prévue pour 2012. Enfin, des recrutements sont envisagés pour compléter ceux dont l'expertise technique viendraient à nous manquer parce qu'ils décideraient de rejoindre le privé. Le coût de l'opération s'élève à 30 millions d'euros et les économies réalisées à 6 millions par an. La restructuration sera, par conséquent, amortie en cinq ans.
Nous avons déjà mis en place, monsieur Cazeneuve, onze bases de défense pilotes. J'ai décidé de créer six bases de défense supplémentaires, ce qui les portera à dix-sept. Oui, nous avons déjà un certain nombre d'enseignements de l'expérimentation qui a été menée. On s'est ainsi aperçu que des bases de défense trop petites ne dégagent pas les synergies nécessaires pour entraîner des gains d'effectifs. Par conséquent, j'ai décidé que les bases de défense seraient plus grandes et que nous continuerions à expérimenter le dispositif à travers six bases de défense supplémentaires. Mais d'ores et déjà, les onze bases de défense créées ont permis de gagner 350 postes d'administration et de soutien. L'ensemble du dispositif d'administration et de soutien y gagnera beaucoup en efficacité à travers le temps.
Je tenais à évoquer un dernier point, en réponse à M. Louis Giscard d'Estaing entre autres. Le regroupement de l'administration centrale à Balard est toujours prévu pour la fin de l'année 2014. Le projet se déroule conformément au calendrier : le programme fonctionnel a été communiqué aux trois candidats, la compétition architecturale est lancée, les travaux de démolition sont programmés, le dialogue compétitif se tiendra dès le début 2010 et jusqu'à la signature du contrat envisagée à la fin du premier semestre 2011. Pourquoi ne donne-t-on qu'une estimation ? Si on donne les chiffres avec précision, monsieur Cazeneuve, comment voulez-vous engager le dialogue avec les trois entreprises concurrentes ? Les trois compétiteurs ne doivent pas connaître l'évaluation précise de cette opération : c'est une question de préservation des intérêts de l'État.
J'ai bien entendu totalement confiance en vos rapporteurs. L'information du Parlement est assez complète grâce aux rapports. Louis Giscard d'Estaing a déjà donné une estimation. Nous n'entrerons donc pas dans le détail de cette évaluation, qui fait presque 150 pages, afin de respecter un impératif de confidentialité absolue.
À l'exception des coûts de démolition des infrastructures non protégées actuellement présentes sur l'emprise, et qu'il aurait fallu financer, quelle que soit la stratégie de valorisation du site, le projet Balard ne pèse pas sur la loi de programmation militaire, puisque le premier loyer sera versé à la livraison des nouveaux locaux, c'est-à-dire en 2014. Sur le plan économique, notre objectif à long terme est que le loyer versé soit inférieur au coût annuel, projeté sur trente ans, de la dispersion sur une douzaine de sites parisiens.
Comme vous le voyez, mesdames et messieurs les députés, les efforts demandés au ministère de la défense sont importants. Le travail qu'il effectue est immense. Beaucoup de curseurs bougent en même temps, et il nous appartient d'être très attentifs aux doutes et aux inquiétudes exprimés par les acteurs de la réforme, dans ses différentes composantes. L'Assemblée nationale a un rôle à jouer, comme l'a souligné M. Cornut-Gentille.
Les personnels civils et militaires du ministère sont engagés dans une réforme profonde, qui demandera à chacun des efforts importants, mais aucun autre choix n'est possible. Ils assument pleinement leur mission administrative ou opérationnelle, dans un contexte parfois aussi difficile que celui de l'Afghanistan. Ils peuvent compter, je le sais, sur le soutien de la représentation nationale, comme je peux compter qu'ils rempliront leur mission avec professionnalisme, dévouement et conviction. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Nous en arrivons aux questions.
Nous commençons par les questions du groupe de la Gauche démocratique et républicaine.
La parole est à M. Jean-Jacques Candelier.
M. le ministre a déjà répondu, et je l'en remercie, à la question que je voulais lui poser sur la participation de la France à l'OTAN dans les années à venir. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
À présent que nos forces sont engagées en Afghanistan depuis huit ans, notre nation se retrouve à la croisée des chemins.
Il faut en finir avec des méthodes qui ne relèvent ni de la puissance, ni de l'habileté, ni de la force, ni de la politique, avec une action constamment velléitaire, équivoque, hésitante, et dont la faillite était éclatante, longtemps avant les difficultés militaires de ces derniers jours.
En vérité, il faut choisir entre deux solutions également difficiles mais qui sont les seules vraiment qu'on puisse défendre à cette tribune sans mentir.
La première consiste à réaliser nos objectifs […] par le moyen de la force militaire. Si nous la choisissons, évitons enfin les illusions et les mensonges pieux. Il nous faut, pour obtenir rapidement des succès militaires décisifs, trois fois plus d'effectifs et trois fois plus de crédits ; et il nous les faut très vite...
L'autre solution consiste à rechercher un accord […] évidemment avec ceux qui nous combattent. Sans doute, ne sera-ce pas facile... »
Ces mots ne sont pas de moi. Ils ont été prononcés par Pierre Mendès France en 1950 à propos de la guerre en Indochine.
Nous nous trouvons aujourd'hui devant le même dilemme. Nous pouvons choisir la présence et l'action militaires, qui doivent être massives pour nous offrir quelque chance de réussite. Le général McChrystal, commandant les troupes en Afghanistan, estime qu'il nous faudrait au minimum trois fois plus de soldats. Quelle réponse lui apportons-nous ?
Cependant, M. Mariani, représentant spécial de la France pour l'Afghanistan et le Pakistan, a affirmé ce matin que la solution, loin d'être uniquement militaire, est surtout politique. Je partage son opinion, préférant la coopération civile à l'intervention militaire. Reconnaissant que « les Talibans ont pris le dessus », l'armée américaine a décidé de leur abandonner la majeure partie du territoire, pour se replier dans les villes.
Souhaitons-nous gagner cette guerre ? Sommes-nous encore en mesure de le faire ? Diplomates et militaires de haut niveau en doutent, et le disent. Quant aux politiques, ils hésitent, comme le fait M. Obama, empêtré dans l'impossible conjugaison du pragmatisme et du souci des valeurs universelles.
Si nous ne clarifions pas nos objectifs et que l'OTAN ne réajuste pas les effectifs, préparons-nous dès aujourd'hui au retrait. Ce serait la sagesse. Trente-sept Français sont morts. Allons-nous continuer à exposer la vie de nos soldats sans créer les conditions qui leur permettraient d'obtenir de réelles chances de succès ? Les Français sont autonomes. Il nous faut seulement trancher, comme Pierre Mendès France invitait à le faire, entre un engagement lourd ou un retrait total et définitif. Nous ne pouvons pas nous permettre de ne pas décider.
Monsieur le ministre, comment appréciez-vous l'actualité afghane au regard des propos tenus par Pierre Mendès France sur un autre dilemme devant lequel la France a été placée ?
Monsieur le député, le débat mériterait qu'on lui consacre plus de deux minutes.
Si vous pensez que la sagesse serait de se retirer,…
…je vous poserai à mon tour une question : que se passerait-il si nous décidions de nous retirer de l'Afghanistan de manière immédiate et unilatérale ?
Je ne vous ai pas interrompu, monsieur le député ; laissez-moi poursuivre.
Ce serait d'abord l'échec absolu de la politique que nous avons menée depuis huit ans, en dépit des succès que nous avons remportés. Pourquoi oublier toujours que nous avons construit 13 000 à 14 000 kilomètres de route, scolarisé 6 millions d'enfants et offert à 80 % des Afghans l'accès aux soins médicaux de base ? Nous faisons en permanence des projets de construction, insuffisants, certes, mais qui se concrétisent souvent. Autant de réalisations qu'il faut mettre dans la balance, si l'on veut évaluer les résultats de l'alliance depuis 2001.
Si nous abandonnions ce théâtre, l'Afghanistan serait livré au chaos, ce qui amènerait vraisemblablement les Talibans à reprendre le pouvoir. Ils instaureraient un régime que vous dénoncez autant que moi, et feraient de leur pays une base arrière du terrorisme international. Or celui-ci représente pour toute la planète, mais plus encore pour les démocraties, une menace majeure. Accepter le retour des Talibans en Afghanistan serait exposer indirectement la France à des menaces terroristes internationales plus graves encore que celles qu'elle connaît actuellement.
Laisser l'Afghanistan s'effondrer reviendrait également à prendre le risque d'une contagion à d'autres pays voisins : l'Iran, les républiques d'Asie centrale et le Pakistan, soumis aujourd'hui à des risques de déstabilisation majeurs, puisque l'armée pakistanaise ne contrôle plus une partie du territoire. Une démission collective, qui anéantirait neuf ans d'efforts, exposerait au risque de la contagion un pays de 140 millions d'habitants, qui détient l'arme nucléaire.
J'admets, monsieur Desallangre, que nous pouvons adapter notre stratégie en Afghanistan. La France ne dit rien d'autre depuis 2007.
Je conviens également que la solution au problème n'est pas uniquement militaire. Les armées ne sont présentes que pour assurer la sécurité et la stabilité, et permettre qu'on installe des instruments de développement : des routes, des ponts et des écoles. Il faut établir une véritable corrélation entre ces deux plans. Je reconnais qu'il faut s'occuper moins des Talibans et plus des populations.
Sur tous ces points, je suis d'accord avec vous. Nous sommes sur place pour faire la guerre non aux Afghans, mais aux Talibans. La France ne dit rien d'autre. Toutefois, retirer nos troupes d'Afghanistan serait, à mon sens, une erreur grave, que nous paierions pendant longtemps. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et SRC.)
Nous en venons aux questions du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
La parole est à M. Louis Cosyns.
Ma question pourrait s'adresser à pas moins de sept ministres, tant le dispositif des EPIDE, établissements publics d'insertion de la défense, semble dispersé.
Créés en 2005, ces établissements jouent un rôle majeur en matière d'insertion sociale et professionnelle, en faisant pour notre jeunesse le pari de la deuxième chance. Implantés sur l'ensemble de notre territoire, ils mettent en oeuvre un projet éducatif global et contribuent, à leur manière, à l'essor de notre pays et à la cohésion nationale.
Il existe aujourd'hui vingt EPIDE, qui proposent aux jeunes un parcours complet incluant un suivi personnalisé articulé autour de quatre axes : socialisation, formation, orientation et insertion.
Aux jeunes entre dix-huit et vingt-deux ans qui, du fait de l'échec scolaire, entrent dans l'antichambre de l'exclusion, voient leur chance d'entrer dans la vie active diminuer et perdent peu à peu l'envie de se battre pour l'avenir, ils proposent un parcours de huit mois à deux ans, au terme duquel ils retrouvent le sens de l'effort, de la discipline et finalement l'estime d'eux-mêmes.
Ces établissements attestent de l'utilité des militaires au coeur de la société civile. Ils prouvent que, au-delà des représentations caricaturales que certains s'en font, la défense représente aussi l'émulation, l'entraide et la main tendue. Dans la vie comme sur les théâtres d'opération prévaut la même logique, qui consiste à ne jamais laisser personne sur le bord du chemin. C'est pourquoi il est primordial de maintenir les crédits en faveur de ces centres et de leur donner les moyens budgétaires de remplir un véritable objectif d'intérêt général.
Le centre EPIDE de Bourges, situé dans mon département, accueille, depuis 2008, des promotions d'environ 90 jeunes. Sur le terrain, une équipe soudée se consacre à les remettre dans le droit chemin. Cependant, malgré une forte demande, elle ne peut être étoffée à cause du plafond d'emploi prévu par le programme 102. Il faudrait pourtant recruter douze encadrants supplémentaires pour l'année 2010 afin de porter le nombre de jeunes par promotion de 90 à 120.
À Bourges comme partout en France, les EPIDE sont victimes de leur succès et les listes d'attente s'allongent. Au vu de cette réalité, monsieur le ministre, je vous pose deux questions. Comptez-vous poursuivre l'implantation de ces centres dans notre pays ? Comptez-vous apporter plus de souplesse au recrutement des personnels d'encadrement ?
Comme vous, monsieur le député, chacun reconnaît l'importance des EPIDE. Au terme de la JAPD, la journée d'appel de préparation à la défense, un bilan est effectué, qui permet éventuellement aux jeunes en difficulté d'être aiguillés vers ces établissements. Ce bilan est éloquent. Sur une classe d'âge, 130 000 jeunes rencontrent des difficultés d'écriture et de lecture. Parmi eux, 70 000 sont en situation d'illettrisme quasi-total. C'est dire l'importance de créer des structures capables de leur donner une nouvelle chance d'échapper à l'exclusion.
Pleinement conscient de l'intérêt d'un tel outil, le Gouvernement a souhaité en pérenniser l'existence. Après une phase de consolidation en 2009-2011, des centres supplémentaires seront ouverts. Comme il se doit, le ministère de la défense soutient les EPIDE, en particulier par les transferts de propriété. Les structures qu'il leur a offertes ont été évaluées à 51 millions d'euros.
Pour recruter le personnel d'encadrement, la direction de l'EPIDE dispose d'une marge de manoeuvre fixée par un contrat d'objectifs et de moyens. Elle ne peut cependant dépasser un plafond d'emplois fixé dans le cadre du programme 102, qui relève de la compétence de mon collègue Laurent Wauquiez. Je relaierai votre question auprès de lui. En attendant, monsieur Cosyns, si vous m'invitez à visiter l'EPIDE de Bourges, je m'y rendrai avec plaisir.
Je m'aperçois, monsieur le président, que j'ai oublié de répondre à la question de M. Voisin sur l'école d'Issoire.
Après un an de négociations difficiles, j'ai réussi à arracher un accord interministériel permettant d'assimiler les années de scolarité accomplies par les élèves des trois premières promotions à des périodes d'engagement entrant dans le calcul des droits à retraite. Après la réouverture de l'école des mousses, il y a quelques semaines, à Brest, je me sentais obligé de répondre favorablement à la demande de M. Voisin pour la belle école d'Issoire. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
La coalition aide l'État afghan à constituer une armée capable d'assurer seule, à terme, la sécurité du pays. Or, selon certaines sources, elle connaît un taux de désertion très élevé, et je m'interroge sur son efficacité à nous relever.
Selon certains, ce taux de désertion serait dû à la faiblesse des soldes de l'armée afghane, mais cette explication n'est sans doute pas suffisante. Monsieur le ministre quelle analyse faites-vous de cette évolution ?
Monsieur le député, il nous reste encore beaucoup de choses à faire en faveur de la police afghane.
Vous connaissez l'Afghanistan aujourd'hui ; je suis certain que vous pouvez faire la différence avec l'Afghanistan que vous avez peut-être connu il y a quelques années. L'armée afghane était alors encore peu équipée : sans être péjoratif, à l'époque, il s'agissait, en quelque sorte, d'une armée de va-nu-pieds. Aujourd'hui, cette armée a une véritable qualité opérationnelle, même si, avec 60 000 à 65 000 soldats, elle est insuffisante en nombre. Nous voudrions qu'elle atteigne un effectif de 140 000 personnels.
J'ai fait un calcul simple. Pour la France, le surcoût au titre des opérations extérieures pour l'Afghanistan représente 450 millions d'euros par an. Trois mille soldats français sont engagés, ce qui signifie que chacun d'entre eux nous coûte 150 000 euros. N'aurions-nous pas intérêt à consacrer ces crédits à la formation et au développement de l'armée nationale afghane afin qu'elle puisse monter en puissance plus rapidement ? La question se pose. En tout cas, cette éventualité fait partie des options qui sont sur la table, et nous en discutons avec les forces de l'alliance.
Cette armée monte en puissance et ses officiers, qui ont désormais une véritable conscience nationale, sont persuadés de la nécessité de reconstruire leur pays. Nous devons donc réfléchir à arbitrer entre l'augmentation des effectifs de troupes étrangères, proposée par certains, et celle de l'armée nationale afghane. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)
Je suis saisi de plusieurs amendements sur ces crédits.
La parole est à Mme Patricia Adam, pour soutenir l'amendement n° 107 .
Cet amendement et ceux qui suivront ont pour objet de réaffecter des crédits destinés à M. le Président de la République.
En effet, des sommes importantes sont aujourd'hui prévues pour renouveler l'ensemble de la flotte présidentielle, composée de Falcon et d'un Airbus. Les montants engagés s'élèvent à plus de 185 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement.
Nous avons été particulièrement choqués de découvrir de telles sommes, d'abord dans la loi de programmation militaire, puis dans le Livre blanc et, enfin, dans le bleu budgétaire. (Murmures sur les bancs du groupe UMP.)
« Choqués », le mot n'est pas trop fort. Le monde de la défense, les militaires les premiers, a aussi été choqué à la lecture de ces chiffres qui ont d'ailleurs été rendus publics de manière très discrète, en apparaissant sous une dénomination sibylline.
Tandis que les rapports présentés aujourd'hui dans l'hémicycle nous ont montré que les besoins des armées sont très importants, et alors que les déficits structurels de notre pays ne font qu'augmenter et que le dernier rapport du Secours catholique dénonce la montée de la pauvreté en France, il est absolument inadmissible que le Président de la République s'octroie 187 millions simplement pour se déplacer.
Que l'on ne vienne pas nous dire que les Falcon en question sont en très mauvais état puisque, d'après mes informations, il est question de les transférer à la patrouille maritime : s'ils sont bons pour cette dernière, ils doivent l'être aussi pour le Président de la République !
La sécurité de nos concitoyens me semble beaucoup plus importante que le transport du Président de la République et de ceux qu'il amène avec lui en voyage. (« Démagogie ! » sur les bancs du groupe UMP.)
Ce n'est certainement pas de la démagogie. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
En fait, ces dépenses sont scandaleuses, et je peux vous assurer que les militaires et tous ceux qui s'intéressent au budget de la défense le vivent exactement comme cela.
Mme Adam demande la suppression de crédits représentant quatre fois 50 millions d'euros sur une ligne budgétaire qui ne concerne que 66 millions d'euros !
En pleine mondialisation, notre président voyage comme d'autres présidents de grandes nations.
Nous aurions aimé entendre les mêmes commentaires à l'époque où deux Concorde étaient réquisitionnés pour un déplacement probablement indispensable ; gardons le sens de l'humour.
Pour aller au Japon, deuxième puissance mondiale, certains Falcon et certains Airbus se trouvent dans l'obligation de faire une escale, ce qui n'est pas le cas avec le Falcon 7X.
L'aéronautique est le premier poste d'exportation en France, et nous sommes bien heureux d'être numéro un mondial dans le secteur de l'aviation d'affaire. Nous n'allons tout de même pas empêcher le Président de participer à la promotion dans le monde d'une telle industrie ! Par ailleurs, la France tire un bénéfice très important de ces avions ; il ne me semble donc pas anormal que nos gouvernements puissent se déplacer avec ces moyens.
Je vous rappelle aussi qu'il s'agit d'acheter un Airbus 330 d'occasion. Il n'y a donc pas excès de dépenses. Quant à l'A 319, il sera remis en état.
Ce choix très raisonnable est à l'honneur de la France qui a la fierté de soutenir sa filière aéronautique. Je suis donc défavorable à cet amendement. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Avis défavorable.
Madame Adam, étiez-vous député en 2001 ?
Auriez-vous voté contre l'achat des deux A 319, décidé par le gouvernement Jospin ?
La situation budgétaire de la France n'était pas celle que nous connaissons aujourd'hui ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
L'escadron de transport, d'entraînement et de calibration, l'ETEC, dispose d'une flotte très raisonnable.
Les Falcon 50 qui ont près de trente ans feront l'objet d'une reconversion totale, un « retrofit », afin d'être remis en état, puis d'être affectés à la patrouille maritime qui en a besoin.
Les Falcon 900 datent de 1986…
…ou de 1987 : ils ont donc vingt-trois ans !
Je constate tout de même que nous n'avons pas fait tant de manière lorsque nous avons acheté deux A 319, à l'époque du gouvernement Jospin.
Par ailleurs, il s'agit d'avions vieux de vingt à trente ans.
Enfin, cessons toute démagogie facile et regardons si d'autres pays sont plus raisonnables que nous. Allez voir comment est composée la flotte gouvernementale de pays comparables au nôtre : vous constaterez que la France est au moins aussi raisonnable, sinon plus, que la plupart des pays européens ayant un niveau de développement comparable. Tout cela n'est pas à la hauteur. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
Madame Adam, vous nous aviez habitués à mieux, et je trouve cet amendement particulièrement mesquin. (Murmures sur les bancs du groupe SRC.) Nous avions un débat d'une certaine hauteur et nous plongeons maintenant dans les abîmes de la démagogie. (Approbations sur les bancs du groupe UMP.)
Le Président de la République a été élu, et largement élu. Il représente le peuple français. J'ai des usines Alsthom dans ma circonscription, et je sais que, chaque fois qu'il se déplace, il revient avec du travail pour nos ouvriers.
J'aimerais franchement que nos collègues socialistes ne s'appesantissent pas trop sur les dépenses de l'État ; nous pourrions leur remettre en mémoire ce que certains ministres ou anciens Présidents de la République ont dépensé à une autre époque. Pour la bonne santé de la République et pour le débat démocratique, il est donc préférable de ne pas revenir sur ces sujets ; vous n'avez pas de quoi être fiers de certaines choses que nous pourrions rappeler dans cet hémicycle ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Protestations sur les bancs du groupe SRC.)
Monsieur Meslot, aucun d'entre nous n'est ici pour rabaisser le débat ; je suis certain que vous n'y contribuerez pas. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)
Le président préside, il n'a pas à commenter les interventions des orateurs !
La parole est à Mme Françoise Olivier-Coupeau, pour défendre l'amendement n° 109 .
Les quatre amendements de notre groupe ont le même objet.
Cette année sont prévus 108 millions d'euros en crédits de paiement et 63 millions en autorisation d'engagement, soit un montant permettant l'achat d'un A 330 et d'un Falcon 7X. L'année prochaine quatre Falcon 2000 seront commandés.
À ce sujet, je vous signale que le Président de la République a déjà commandé les appareils avant même que nous ayons voté. Les commandes sont déjà passées ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
C'est prévu par la loi de programmation !
Merci, monsieur le rapporteur, de nous faire voler au ras des pâquerettes !
L'exposé sommaire de nos amendements précise que les appareils en question « ne figurant pas dans le modèle d'armée, il est possible d'en différer l'achat sans porter préjudice à l'organisation de l'armée de l'air».
Nous demandons un report de cette dépense car il nous semble que ces achats ne sont par particulièrement opportuns ; nous avons clairement des choses plus importantes à faire. L'amendement propose ainsi d'affecter les sommes concernées à l'équipement de nos soldats en Afghanistan.
Je reconnais volontiers qu'en la matière un gros effort a été accompli par l'armée de terre. Vous me parlez de rumeurs, et je ne mettrai jamais en doute la parole d'un ministre. Interrogez-vous tout de même sur la possibilité que de telles rumeurs soient fondées. Pourquoi des soldats diraient-ils que leur équipement n'est pas satisfaisant ? Qu'est-ce que cela révèle en terme de mal-être ? Je pense que nous ne sommes pas vraiment dans la rumeur. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
La commission des finances n'a pas été saisie de cet amendement ni du précédent ; je veux tout de même apporter quelques précisions.
Je me permets d'abord de renvoyer Mmes Adam et Olivier-Coupeau aux pages 454 et 455 du bleu budgétaire : tout y est détaillé dans la plus parfaite transparence. En les lisant, mesdames, vous disposerez de tous les éléments d'informations que vous semblez surprises de découvrir.
Il y est ainsi précisé que le total des autorisations d'engagement pour 2010 s'élève à 156 millions d'euros pour l'ensemble de cette flotte qui comprend aussi des appareils destinés à transporter nos troupes puisqu'on y trouve un A 340. Or les quatre amendements que vous avez déposés portent sur un total de 200 millions d'euros.
Soyez cohérents dans votre démarche : vos quatre amendements portent sur un montant total supérieur à l'ensemble des crédits inscrits dans un budget qui finance, au passage, des avions de transport pour nos troupes.
Il serait donc raisonnable de nous dire ce que vous recherchez, puisque, je le répète, un airbus A340, donc le transport longue distance de nos troupes, serait concerné par vos amendements.
S'agissant des vols présidentiels, je vous renvoie à un excellent document, le rapport spécial que j'ai rédigé sur le budget opérationnel de la défense, plus précisément à sa page 42, où un encadré est consacré à la facturation des vols assurés par l'ETEC au profit de la présidence de la République. Il y est, du reste, rappelé que, pour la première fois, une facturation a été mise en place à partir de l'année 2008.
En ce qui concerne 2009, la commission des finances a auditionné, le 13 octobre dernier, M. Christian Frémont, directeur de cabinet du Président de la République, que votre collègue Jean Launay a, du reste, eu l'occasion d'interroger. M. Frémont nous a indiqué que les facturations étaient adressées par le ministère de la défense à la présidence de la République, ajoutant : « Le tarif des heures de vol comprend l'amortissement des appareils, le coût salarial, les prestations fournies à bord et le coût du carburant. La dépense s'est élevée à 4,85 millions d'euros au premier semestre, ce qui est conforme aux prévisions en année normale, 2008 ayant été une année exceptionnelle du fait de la présidence française de l'Union européenne. »
Tout cela est transparent et il me semble que, grâce à ces informations, l'Assemblée est parfaitement éclairée. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et NC.)
(L'amendement n° 109 , repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.)
La parole est à M. Gilbert Le Bris, pour soutenir l'amendement n° 106 .
Tout d'abord, je tiens à dire à M. Giscard d'Estaing que nous sommes raisonnables et cohérents. En effet, il va de soi que si l'un de nos amendements était adopté, nous ne défendrions pas les autres. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Je vous remercie d'envisager de voter celui que je vais présenter !
L'amendement n° 106 a pour objet de transférer une part relativement modeste des crédits du programme 146, « Équipement des forces », vers le programme 212, « Soutien de la politique de défense », dont les moyens sont insuffisants. Je pense notamment à l'action « Restructuration » et, en particulier, à la sous-action 10-01, « Accompagnement social des restructurations », qui, de l'avis des personnels de la défense comme des élus, de tous bords, des territoires concernés, mérite de bénéficier d'un surcroît de crédits de paiement.
Certes, la défense n'est pas chargée de l'aménagement du territoire ni de l'action sociale ; mais elle relève de l'État, de la nation. On ne peut donc pas être pingre lorsque des décisions qui la concernent – quel que soit par ailleurs le jugement que l'on porte sur leur pertinence – ont des conséquences sociales et économiques lourdes. C'est pourquoi nous proposons d'affecter des moyens supplémentaires à l'orientation, à l'accompagnement, à la formation professionnelle des militaires en reconversion et au financement de la formation d'adaptation au nouvel emploi dans le secteur privé pour les personnels civils.
(L'amendement n° 106 , repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)
La parole est à M. Bernard Cazeneuve, pour défendre l'amendement n° 108 .
Allez, il est défendu ! (Sourires et applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Monsieur le président, je souhaite tout de même dire un mot, si vous le permettez. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
J'ai senti une telle déception chez nos collègues, que je n'ai pas voulu qu'ils restent sur leur faim. (Sourires.)
En ce qui concerne les avions, j'ai le sentiment que nos collègues de la majorité considèrent que nous sommes suffisamment hostiles au Président de la République pour vouloir le faire voyager dans des conditions qui ne seraient pas dignes de sa fonction. Cela n'est pas exact. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Nous sommes absolument conscients de la nécessité pour le Président de la République, qui a une lourde charge de travail et une activité très dense, de voyager dans des conditions qui lui épargnent une escale, monsieur Fourgous.
Nous sommes tout aussi conscients de l'intérêt que cela peut représenter pour l'industrie aéronautique ainsi que des difficultés que connaît le pays, qui traverse une crise très grave.
Nous demandons, non pas que l'on prive le Président de la République et les membres du Gouvernement d'une flotte qui leur permette de voyager dans des conditions conformes à ce qu'un grand pays comme le nôtre peut offrir à ses gouvernants les plus éminents, mais que l'on accepte de différer cette dépense dans un contexte de crise dont vous nous rappelez à quel point il est contraignant pour les finances publiques, de manière à allouer ces crédits à d'autres dépenses.
Je rappelle, du reste, à ceux de nos collègues qui jugent que ces propos sont quelque peu teintés de démagogie, que le Président de la République et les membres de son gouvernement expliquent tous les jours que, dans ce pays, les élus sont trop nombreux et utilisent l'argent public d'une façon qui n'est pas digne de leurs fonctions. J'espère que ce type de déclaration suscite chez eux la même indignation que notre proposition de différer une dépense que nous jugeons par ailleurs utile.
Sur le second aspect, celui des restructurations, je veux vous poser une question, monsieur le ministre. Vous avez mis en place deux dispositifs : les contrats de redynamisation de sites de défense et les plans locaux de redynamisation. Les premiers concernent les sites qui ne sont pas très touchés, les seconds ceux qui perdent plus de deux cents emplois.
Permettez-moi de citer le cas de Cherbourg. (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP.) Au hasard, en effet. (Sourires.)
Il y a quelques mois, monsieur le ministre – vous vous en souvenez, car vous étiez présent –, le Président de la République s'est rendu dans cette ville pour lancer le quatrième SNLE-NG. À cette occasion, il a déclaré, ce qui nous a fait très plaisir, que Cherbourg ne serait pas concernée par les restructurations. Seulement, quelques mois plus tard, vous lancez la réforme et le préfet annonce la suppression de quatre-vingts emplois ! Puis, quelques semaines après, le préfet maritime précise que le préfet a omis les dispositions du Livre blanc : c'est donc moins deux cents emplois ! Enfin, après avoir reçu quelques instructions de votre part, il a rectifié ce chiffre : maintenant, c'est moins deux cent trente !
Pour ces deux cent trente emplois supprimés, nous bénéficions d'un plan de redynamisation à un million d'euros, alors que nous devrions avoir droit à un contrat de redynamisation de site de défense. Or, lorsque nous avons demandé au délégué aux restructurations les raisons de ce choix, il nous a répondu : « Ce n'est pas dans ma banque de données. »
Monsieur le ministre, pourriez-vous contribuer à l'actualisation de la banque de données du délégué aux restructurations, pour que nous puissions bénéficier des dotations dont nous avons besoin ? Si nous obtenons gain de cause, il faudra abonder le budget alloué aux restructurations, qui est de 320 millions d'euros, dont 60 millions d'euros de FRED. D'où notre amendement. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)
Je vais répondre à M. Cazeneuve au sujet de Cherbourg ; il aura ainsi au moins une raison de retirer son amendement.
Vous ne bénéficiiez en effet que de 1,5 million d'euros, mais nous venons de proposer à la DIAC un montant révisé de 3 millions d'euros. J'ajoute que 95 millions d'euros ne sont pas ventilés et sont donc disponibles pour procéder à certains ajustements. Nous avons donc la possibilité de répondre à l'évolution des restructurations.
La parole est à M. le président de la commission de la défense, pour soutenir l'amendement n° 28 .
Mes chers collègues, c'est de justice que je vais vous parler. En effet, cet amendement vise à mettre un terme définitif, autant que faire se peut, à une différence de traitement en matière de retraite dont souffrent les militaires du bataillon des marins pompiers de Marseille.
Les fonctionnaires d'autorité, qu'ils soient gardiens de prison, policiers ou pompiers civils, ont tous obtenu l'intégration de la prime du feu dans leur retraite. Seuls, les militaires du bataillon des marins pompiers de Marseille n'ont pas bénéficié de cet avantage. Il faudra attendre la loi de 2004 et son décret d'application de 2005 pour remédier à cette situation. Toutefois, ce décret est, de manière incompréhensible, très restrictif, puisqu'il ne prend en compte que les personnes partant à la retraite à partir du 14 août 2004 : les marins pompiers ayant pris leur retraite avant cette date n'ont donc pu prétendre à cet avantage.
À ma demande, le projet de loi de finances pour 2009 avait prévu la remise d'un rapport à ce sujet. Les données transmises font état d'un besoin de 1,36 million – nous sommes loin des sommes demandées par nos collègues socialistes – pour étendre cette mesure aux 546 personnes qui sont pour le moment exclues de cet avantage.
Non, car les anciens du bataillon viennent de tous les départements français et, une fois à la retraite, ils quittent Marseille.
Cet amendement a donc pour objet d'augmenter les crédits de rémunération et de pensions du programme 178 de 1,36 million, afin de verser cette prime à l'ensemble des marins pompiers retraités. Cette somme serait prélevée sur les crédits de fonctionnement de l'action 1, « Direction et pilotage » du programme 212.
C'est donc une mesure d'équité que je vous présente, en réponse à une revendication des retraités du bataillon des marins pompiers de Marseille, dont la légitimité ne peut pas être mise en doute, tant leur dévouement, leurs compétences et leur professionnalisme sont reconnus par tous. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)
Je précise que cet amendement a été voté à la quasi unanimité des membres de la commission. J'espère qu'aujourd'hui, chacun aura à coeur de le soutenir et de confirmer son vote.
, rapporteur spécial. La commission des finances n'a pu examiner cet amendement, pour des questions de calendrier ; je ne peux donc donner l'avis de la commission en tant que rapporteur. Néanmoins, je souhaite formuler une remarque s'agissant d'un amendement qui concerne les deux programmes, 178 et 212, dont je suis le rapporteur spécial.
J'attire en effet l'attention de l'Assemblée sur le fait qu'il s'agit d'une mesure à caractère catégoriel dont l'amendement ne permettrait d'assurer le financement que pour une année, alors qu'elle a vocation à s'inscrire dans la durée.
Monsieur le président de la commission de la défense, je sais à quel point vous tenez, depuis longtemps, à ce que cette revendication – même s'il s'agit de militaires – du bataillon des marins pompiers de Marseille soit satisfaite. Vous avez rappelé que nous nous étions engagés à vous adresser un rapport et une analyse précise sur le sujet.
Tout d'abord, l'extension que vous proposez est contraire à la règle générale établissant que la pension de retraite est définitivement acquise et ne peut être révisée ou supprimée qu'à deux conditions : à tout moment en cas d'erreur matérielle ou dans un délai d'un an en cas d'erreur de droit. Or, de toute évidence, il n'y a ni erreur matérielle ni erreur de droit : les pensions des marins pompiers concernés sont régulièrement liquidées selon les dispositions en vigueur.
Par ailleurs, je vous rappelle que les collectivités locales ne prennent pas en charge les cotisations de pension des militaires des bataillons de la BMPM. Celles-ci pèsent donc pleinement sur le budget de la défense. En l'état, accroître le niveau des pensions des marins pompiers de Marseille augmenterait d'autant la charge pesant sur l'État.
Surtout, monsieur le président de la commission, la mesure que vous proposez se fonde sur une comparaison entre le régime des pompiers militaires et celui des sapeurs-pompiers professionnels. Or une analyse complète ne fait pas forcément apparaître une situation défavorable des pompiers militaires par rapport à leurs collègues civils. Cette question nécessiterait donc un examen plus poussé.
Enfin, en termes de calendrier, il apparaît peu souhaitable au Gouvernement et au Premier ministre de traiter un problème particulier de pensions alors même qu'un rendez-vous global sur les retraites est prévu à la mi-2010. (Exclamations sur divers bancs du groupe UMP.) Je vous propose d'en faire un point d'étape avec vous à l'occasion de ce débat et, dans l'immédiat, je vous invite à retirer votre amendement. (« Non ! Non ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Monsieur le ministre, je ne partage pas votre avis quand vous affirmez qu'il ne s'agit pas d'une erreur. En effet, la mesure proposée par le président Teissier constitue bien un rattrapage de ce que l'on peut considérer comme une erreur manifeste d'appréciation par rapport à d'autres statuts tout à fait comparables de personnels, d'autorités, ou d'autres sapeurs-pompiers, pas seulement civils.
C'est la raison pour laquelle le groupe SRC avait choisi de soutenir l'amendement du président Teissier en commission, et continuera de le faire dans l'hémicycle.
Certainement pas, et si vous me le permettez, monsieur le président, je veux ajouter quelques mots.
L'argumentation de M. le ministre ne tient pas. Y aurait-il deux poids et deux mesures au sein même de la défense nationale ? Les sapeurs-pompiers de Paris, qui sont, eux aussi, des militaires dépendant de l'armée de terre – le génie, en l'occurrence –, bénéficient de la totalité de ces avantages depuis 1950. Pourquoi devrait-il y avoir une mesure dérogatoire pour les seuls marins pompiers de Marseille ? (Approbations sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
Je remercie M. Nauche de m'avoir apporté son soutien.
Je me permets de vous faire remarquer, monsieur le ministre, que la loi de 2004 avait prévu un supplément de pension accordé à tous les marins pompiers, et que c'est le décret d'application qui a restreint l'application de cette disposition. (Exclamations sur divers bancs du groupe UMP.) Franchement, le Gouvernement s'honorerait de faire justice à ses soldats du feu en établissant l'égalité entre les sapeurs-pompiers de Paris et les marins pompiers de Marseille.
Le bien-fondé de cette mesure, qui porte sur 540 militaires à la retraite, paraît tellement évident ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs du groupe UMP.)
(L'amendement n° 28 est adopté.)
Je mets aux voix les crédits de la mission « Défense », modifiés par l'amendement n° 28 .
(Les crédits de la mission « Défense », ainsi modifiés, sont adoptés.)
Prochaine séance, vendredi 6 novembre à neuf heures trente :
Suite de la discussion de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2010 : Gestion des finances publiques.
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt-deux heures vingt.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance de l'Assemblée nationale,
Claude Azéma