Bien entendu, on m'objectera qu'il faut trouver les financements à de telles mesures. J'y viens.
Dans ce projet de budget, on trouve toujours les 17 milliards d'euros consacrés à l'équipement de nos forces. Ceux-ci sont censés maintenir notre armée à un rang mondial. Certes, mais il faut encore signaler que le coût de l'armement nucléaire continue de représenter près de 21 % de l'effort d'équipement : 11 millions d'euros par jour sont consacrés à l'arme atomique !
La dissuasion nucléaire est encore trop considérée comme l'assurance-vie de la nation, alors que ce n'est absolument pas le cas. Tout le monde est d'accord pour dire que la réalité des nouveaux conflits rend caduque la force de frappe nucléaire. Ce n'est pas elle qui défendra nos soldats envoyés à l'étranger.
Par ailleurs, comment concilier nos dépenses nucléaires avec l'ambition d'un désarmement multilatéral mondial ? J'y vois une certaine contradiction : nous ne donnons pas le bon signal au reste du monde.
Au chapitre des économies, on peut encore évoquer le gouffre de l'opération extérieure en Afghanistan, qui représente la moitié du budget total des OPEX.
Si les opérations extérieures sont de mieux en mieux provisionnées, cela ne change rien au problème de leur coût exponentiel. On s'attend à de nouveaux surcoûts pour l'année prochaine, avec des crédits qui pourraient atteindre le milliard d'euros.
Certes, l'opinion publique française n'est pas prête à un renfort des effectifs en Afghanistan, mais tout le monde a entendu les appels du pied du secrétaire général de l'OTAN, M. Rasmussen. Une fois que le plan de renforcement Obama sera arrêté, comment les principaux contributeurs de l'OTAN, dont la France, pourraient-ils refuser l'envoi de troupes supplémentaires ? On va nous demander de renforcer la logique de guerre dans ce pays, et on voit mal comment le Gouvernement pourra résister aux nouvelles sollicitations, avec l'argument massue de la situation chaotique de ce pays.
Il existe d'ailleurs une certaine contradiction à prétendre développer une analyse stratégique autonome, à travers le programme « Environnement et prospective de la politique de défense », alors que l'on sait bien que seuls les concepts stratégiques élaborés à Washington sont effectivement appliqués sur le terrain. C'est le prix de la réintégration du commandement militaire de l'OTAN, et ce n'est pas la nomination d'un général français à la tête d'un commandement qualifié de stratégique qui changera quoi que ce soit à la donne.
On peut faire tous les efforts possibles sur le renseignement, développer la Direction générale de la sécurité extérieure, accroître nos capacités d'imagerie satellite, une guerre reste une guerre. Le risque zéro n'existe pas. La seule façon d'éviter les pertes humaines est d'établir un calendrier de retrait de nos troupes du bourbier afghan.
En aucun cas, on ne peut demander à des militaires de jouer le rôle d'humanitaires. Ce n'est pas le sens de leur engagement. En Afghanistan, on dépense dix fois plus pour les opérations militaires que pour la reconstruction.
Former une armée afghane, soutenir des élections libres et régulières, donner à l'Afghanistan une pleine et entière souveraineté, ce scénario écrit par les stratèges de Washington est en train de s'écrouler comme un château de cartes dans une tempête.
Au chapitre des contradictions, je voudrais évoquer l'objectif national d'exportation de nos armements dans le monde. À force d'acheter des armes, on finit par les utiliser.