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Intervention de Yves Fromion

Réunion du 5 novembre 2009 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2010 — Mission défense

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaYves Fromion, rapporteur pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées pour l'environnement et la prospective de la politique de défense :

Les crédits de la sous-action 43, relative aux autres études amont, diminuent de 22 millions, alors que ceux de la sous-action 44 s'accroissent de 5 millions – comme je le disais, c'est un peu compliqué, mais vous finirez par vous y retrouver en lisant le rapport que j'ai rédigé. (Sourires.)

L'effort global de recherche et développement prévu pour 2010en matière de défense s'élève à 3,58 milliards d'euros en crédits de paiement. Ce montant est en diminution de 239 millions, soit 6,25 %, par rapport à 2009. Il résulte essentiellement de la réduction de 305 millions d'euros des crédits consacrés aux développements, une réduction s'expliquant, selon le ministère de la défense, par la diminution des crédits d'équipement prévus par la loi de programmation.

Il n'en reste pas moins que l'effort consenti pour les études amont, qui est de 653,2 millions d'euros, en diminution par rapport à 2009, demeure insuffisant, même s'il est vrai qu'une partie des crédits de la recherche duale et des subventions à des organismes de recherche tels que l'ONERA contribue aussi au financement d'études amont. Je réaffirme qu'un objectif d'un milliard d'euros pour ce poste serait souhaitable, eu égard à l'ampleur prise par la course à la supériorité technologique.

Cet objectif que j'avais avancé dans un rapport rendu en 2005 sur la recherche de défense, vous l'avez fait vôtre, monsieur le ministre, ainsi que vos collègues de l'Agence européenne de défense, puisque vous avez admis la nécessité d'accroître de 60 % l'investissement « recherche et technologie » en Europe pour le porter à 2 % des dépenses de défense, ce qui correspond à 1,1 milliard d'euros pour la France.

Notre pays a trois défis à relever en matière de recherche dans le domaine de la défense. D'abord un défi technologique : selon les informations qui nous ont été fournies par vos services, monsieur le ministre, je rappelle que 31 % des technologies à l'étude dans les laboratoires français – et 13 % au niveau européen – sont déjà disponibles en environnement opérationnel aux États-Unis. Cette situation nous appelle à réagir. Il y va de la cohérence de la politique que nous menons au fil des lois de finances avec les orientations de la loi de programmation militaire et celles du Livre blanc. Ces deux documents mettent en exergue la nécessité pour la France de « conserver son autonomie stratégique en matière industrielle et technologique ».

Ne faut-il pas consentir davantage d'efforts pour aller au-devant des ruptures technologiques et scientifiques pressenties et énumérées dans le livre blanc, pour mieux maîtriser les parades à la vulnérabilité de nos dispositifs satellitaires, pour préserver notre autonomie d'accès à l'espace, pour être un acteur majeur, notamment au sein de l'OTAN, de la défense antimissiles, pour contrer les menaces croissantes contre nos cybersystèmes ?

Force est de constater, monsieur le ministre, que le compte n'y est pas tout à fait, sans vouloir pour autant sous-estimer l'importance des crédits inscrits. Et je crains que les contraintes budgétaires n'offrent guère de perspectives dans les années à venir ! Dès lors, pour ne pas porter atteinte à la cohérence du Livre blanc, je ne vois que deux solutions : intégrer la recherche de défense parmi les secteurs clés concernés par le grand emprunt national, ou procéder à des ajustements dans le périmètre de notre appareil de défense.

S'agissant du grand emprunt, vous nous avez fait part, monsieur le ministre, des démarches que vous avez entreprises et, à cet égard, vous avez le soutien sans réserve de notre commission. Si l'on devait aller jusqu'à une révision de certaines de nos ambitions, je n'hésite pas à évoquer – en mesurant le risque que je prends – la composante aéroportée de notre dissuasion nucléaire. Le Livre blanc la maintient au rang des priorités pendant les quinze ans à venir : c'est dire si la question est ouverte. Or, dans le budget que vous nous présentez, sont inscrits des crédits de recherche en études amont pour la préparation de la rénovation à mi-vie du missile ASMPA. Dès lors, doit-on s'interdire de réfléchir à l'évolution de notre armement nucléaire, qui a déjà connu la suppression des missiles du plateau d'Albion et celle des systèmes Pluton et Hadès ? Notre dissuasion nucléaire est le pilier central de notre stratégie de défense et doit le rester, mais elle n'a pas vocation à devenir une nouvelle ligne Maginot !

Le deuxième défi est européen : la coopération européenne permet de réduire l'écart avec les États-Unis. Mais il conviendrait que les États membres renoncent à la maîtrise strictement nationale de certaines technologies au profit d'autres États proposant des solutions plus matures et plus compétitives – je sais vos efforts en la matière. Par ailleurs, il est nécessaire de fédérer les programmes de recherche et technologie dans les domaines où l'Europe est en retard.

Troisième défi : la recherche duale. Je rappelle que celle-ci s'est révélée extrêmement utile – les programmes du CNES en témoignent notamment – mais qu'elle dispose d'un budget limité : 200 millions d'euros au titre du programme 191. Par ailleurs, certains des crédits dévolus au CNES tendent à être annulés, ce qui est inacceptable car cela risque de le conduire à démanteler ses projets industriels.

Dernier point, enfin, un budget pour l'espace globalement conforme à la loi de programmation militaire, mais qui comporte des incertitudes extrêmement préoccupantes.

Les crédits prévus pour 2010 en matière spatiale, qui dépassent le seul cadre du programme 144, sont dans la ligne des orientations de la LPM. Ainsi, les crédits de paiement enregistrent une forte augmentation, avec un montant de 426,7 millions d'euros prévus, contre moins de 200 millions en 2009. En revanche, les autorisations d'engagement baissent, passant de près de 481 millions à 233 millions, essentiellement en raison de l'étalement dans le temps des phases de commande des projets. Je souhaite à cet égard qu'un échéancier précis des autorisations d'engagement prévues jusqu'en 2014 soit fourni, avec les crédits de paiement correspondants, afin de voir comment le Gouvernement entend exactement mettre en oeuvre la LPM dans la durée.

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